SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de finance rectificative, je donne la parole à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un débat préparé dans des délais très courts, néanmoins de très bonne tenue, certes un peu décousu, mais c'est la loi du genre. On a souvent dit, en effet, qu'un collectif budgétaire ressemblait parfois à une hotte de Père Noël, formule que je préfère à celle de « fourre-tout », qui est moins de saison ! (Sourires.)
Lors de la discussion générale, j'avais indiqué que le groupe de l'Union centriste voterait le texte tel qu'il serait amendé par le Sénat. Je ne peux qu'être fidèle à cet engagement, et confirme donc notre vote positif. Cela ne doit d'ailleurs être une surprise pour personne, puisque notre soutien au Gouvernement, parfaitement notoire, doit très normalement se manifester sans état d'âme sur la loi de finances et sur ses collectifs.
Le texte « tel qu'il sera amendé » : disant cela, je ne sautais pas vraiment dans l'inconnu, imaginant déjà que le texte sortirait de notre débat assez peu modifié. Le Père Noël repart effectivement sans avoir excessivement puisé dans sa hotte ! (Sourires.) Nous sommes tout de même heureux de trouver dans notre soulier l'amendement de simplification de Valérie Létard sur la TGAP. Considérant que ce dispositif a été voté à l'unanimité par la Haute Assemblée, la commission mixte paritaire pourra le conforter sans trop de difficultés.
S'agissant, par ailleurs, de vrais sujets, comme les biocarburants et le développement agricole - avec la substitution de l'ADAR, l'agence de développement agricole et rural, à l'ANDA, l'association nationale de développement agricole -, nous avons avancé des propositions élaborées au terme de solides réflexions. Vous nous avez écoutés sans vraiment pouvoir tout de suite nous entendre. J'espère, monsieur le ministre, que vous allez méditer nos arguments. Il s'agit, je le répète, de vrais problèmes sur lesquels des progrès réels sont tout à la fois nécessaires et possibles.
Je tiens enfin à redire combien nous avons encore apprécié, spécialement dans ce débat un peu difficile, la capacité d'écoute et le goût du dialogue manifesté par le rapporteur général, M. Philippe Marini, et par le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
Ils ont su donner le ton à notre débat en faisant en sorte que, même dans des conditions difficiles, celui-ci soit aussi constructif que possible. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce collectif pour 2002 a pris plus de temps que prévu. Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont été submergés par des amendements gouvernementaux, parfois très lourds, comme les amendements relatifs à France Télécom ou aux zones franches urbaines. Les députés ont donc dû travailler dans l'urgence.
Le Sénat, confronté à la même situation, a pâti des mêmes contraintes. Je crois, monsieur le ministre, que la méthode est à revoir, car elle n'offre assurément pas les meilleures conditions pour un travail législatif de qualité.
Dans ces conditions difficiles, sur l'initiative de mon groupe, le Sénat a néanmoins adopté des améliorations significatives dans plusieurs domaines. On peut citer, entre autres, la nouvelle répartition du produit des amendes de police municipale, la prise en charge identique de la protection judiciaire de fonctionnaires d'administrations différentes parties à un même procès, et l'amélioration du recouvrement des amendes pénales.
Néanmoins, comme je l'ai dit au nom du groupe socialiste lors de la discussion générale, le collectif 2002 enregistre un dérapage important des finances publiques. Le déficit public se creuse en effet de 20 % depuis le constat établi par l'audit réalisé en juin de cette année : il atteint désormais 2,8 % du PIB. On est ainsi passé de 2,3 % selon la prévision de l'audit, très optimiste, à 2,8 % du PIB.
La baisse de l'impôt sur le revenu, essentiellement réservée aux Français les plus fortunés, détériore le solde du budget de l'Etat en dépit des coupes claires - 2,6 milliards d'euros d'annulation de crédits - réalisées dans les budgets de l'emploi, de la solidarité ou de l'éducation. Les plus modestes font ainsi les frais des cadeaux fiscaux clientélistes du Gouvernement.
L'avenir est obéré par l'accroissement de la dette qui en résultera forcément. Les générations futures en souffriront. Le groupe socialiste dénonce cette politique de régression sociale et d'irresponsabilité financière.
Sur de très nombreux points, le texte issu de nos débats n'est pas satisfaisant. Un compromis semble avoir été péniblement trouvé sur la création de l'ADAR et les taxes fiscales qui l'accompagnent, mais il n'est pas évident qu'il soit favorable au monde agricole.
L'avenir nous éclairera. La preuve, une fois de plus, sera ainsi apportée que la précipitation n'est pas forcément bonne.
Les débats relatifs à France Télécom ne nous ont pas apporté les éclaircissements que nous attendions. Le sauvetage de ce fleuron de notre économie nationale est assurément une bonne chose. Toutefois, notre collègue Paul Loridant a souligné, à juste titre, que le dispositif financier prévu n'était pas conforme à notre droit budgétaire.
En effet, alors qu'il existe un compte spécial du Trésor destiné à enregistrer les opérations financières résultant des activités de l'Etat actionnaire, le Gouvernement ne l'utilise pas. Il préfère, au contraire, mettre en place une invraisemblable « usine à gaz » reposant sur l'entreprise de recherches et d'activités pétrolières, l'ERAP, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Le pétrole et les télécommunications seraient-ils cousins, voire frères ? La solution extrabudgétaire n'est assurément pas conforme au principe d'unité budgétaire. Vous donnez ainsi un petit frère au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, que vous avez tant décrié.
Les débats sur France Télécom ne nous ont pas apporté les assurances que nous attendions. En cas de privatisation - ce que nous ne souhaitons pas -, nous ne connaissons pas les perspectives qui seraient offertes aux personnels de l'entreprise.
Monsieur le ministre, vous envisagez de reclasser dans les administrations de l'Etat les fonctionnaires de France Télécom alors que, parallèlement, vous diminuez les effectifs de la fonction publique. Ces techniciens de haut niveau aux qualifications pointues, forts d'une culture d'entreprise et de service public, trouveront-ils leur place dans les administrations traditionnelles ? Autant de questions qui restent sans réponse.
La relance des zones franches urbaines, introduite sous forme d'amendement, ne s'appuie pas, faute de temps, sur des études d'impact suffisantes, ce que nous regrettons. Les effets d'aubaine ne sont pas supprimés.
En outre, l'efficacité de ces dispositifs d'allégement fiscaux, au demeurant très politiques, n'est pas établie, alors que leur coût est, en revanche, très important.
Quel est le nombre des emplois créés ou sauvegardés grâce à ces allégements ? Combien auraient de toute façon été créés ou conservés ? Nous ne le savons pas. Le Sénat semble avoir fondé son vote non sur des faits, mais sur des préjugés.
Pour toutes ces raisons, et surtout parce qu'il traduit une politique libérale brutale, le groupe socialiste votera contre ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons l'examen de ce texte que nous avons abordé dans des conditions difficiles, étant donné sa transmission tardive par l'Assemblée nationale. Nous avons néanmoins pris le temps d'en examiner les points les plus complexes et les plus sensibles.
Je pense en particulier à l'aménagement de la fiscalité des biocarburants et au financement de la nouvelle agence de développement agricole et rural, l'ADAR. Sur ce dernier point, nous sommes parvenus à une solution équilibrée, grâce à une initiative pertinente de M. le rapporteur général, mais grâce aussi à l'esprit d'ouverture qu'a manifesté M. le ministre délégué au budget.
Nos débats ont également permis d'aborder des questions importantes pour l'avenir de certains secteurs, comme celui des transports maritime, fluvial ou terreste.
Mais, au-delà de ces points spécifiques, nous avons encore une fois pu mesurer le poids de l'héritage que nous a légué la majorité précédente.
L'année 2002 restera marquée par une dégradation spectaculaire de nos finances publiques. La hausse du déficit budgétaire était telle - plus de 50 % - qu'il était impossible de la combler, sauf à asphyxier notre économie, dans un contexte qui est déjà marqué par un très net ralentissement de la croissance.
Le Gouvernement est parvenu à stopper les dérives, ce qui est déjà bien compte tenu de la nouvelle moins-value de recettes constatée. Nous y voyons là un acte de responsabilité budgétaire qui tranche nettement avec la gestion précédente.
Réformer, c'est faire bouger les lignes, modifier les équilibres et remettre en cause certaines situations établies. Le cap est parfois difficile à tenir face aux revendications catégorielles, aux intérêts sectoriels et aux tentations dépensières.
Nos débats montrent qu'il nous faudra du courage, mais aussi de la pédagogie, lorsque nous aborderons, en 2003, les grandes réformes des retraites, de la santé et des finances locales.
Enfin, et surtout, cette discussion restera marquée par un souci de sincérité et de transparence qui honore le Gouvernement. Nous y voyons une marque de respect pour le Parlement et pour l'ensemble de nos concitoyens, envers lesquels nous avons un véritable devoir de vérité.
Responsabilité et transparence, telles sont les principales caractéristiques de ce collectif budgétaire. C'est donc sans hésiter que le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera le texte qui résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !

(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ne sort pas véritablement amélioré de nos travaux. Il est vrai que les conditions du débat, ainsi que nous l'avons rappelé dans la discussion générale, sont loin d'avoir été idéales. De plus, le texte initial avait déjà connu, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, une sensible évolution, passant de quarante articles à soixante-dix.
Pour une grande part, ces dispositions, faute de mieux, en quelque sorte, ont été adoptées conformes par la Haute Assemblée - ce qui dévitalise encore un peu plus le rôle que cette dernière peut jouer dans l'équilibre de l'activité parlementaire. En effet, après quelques débats, on s'est contenté d'une adoption conforme des textes votés au Palais-Bourbon.
Dans les faits, donc, aucune amélioration réelle du texte n'a été enregistrée. On peut même dire que, sur certains points, il marque une régression, comme en témoignent les débats que nous avons eus sur l'aide médicale d'Etat - qui rompt avec la tradition de générosité de notre pays -, sur l'abrogation de la loi sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, ou encore sur le devenir du financement du développement rural.
Surtout, le collectif budgétaire que nous venons d'examiner consacre une fois de plus les orientations en faveur de la réduction de la dépense publique qui avaient marqué le collectif examiné l'été dernier.
Que l'on ne nous fasse pas dire qu'il s'agit d'une orientation de « vérité des prix », soldant d'abord et avant tout les comptes de la gestion antérieure.
La vérité est que le déficit public atteint un niveau encore plus élevé que ne le prévoyait le collectif d'été, voire le présent collectif, et que cela résulte en partie des choix opérés par ce gouvernement.
Je veux parler du gaspillage de millions d'euros dans une baisse de l'impôt sur le revenu mettant à mal la justice fiscale, sans effet positif sur la croissance et l'emploi, comme nous l'avons dit et redit, ainsi que de la gestion technocratique et autoritaire de la dépense publique qui serre les cordons de la bourse dès qu'il s'agit de financer l'action sociale, l'éducation ou la construction et la réhabilitation de logements sociaux.
Le présent collectif budgétaire est donc à l'image de ce que nous pressentions des intentions du Gouvernement dès la déclaration de politique générale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Thierry Foucaud. La baisse des impôts accordée aux revenus les plus aisés se traduit immanquablement par moins de service public, moins de dépenses publiques pour le plus grand nombre. Pour faire plaisir à quelques-uns, on ajoute de la peine et de la souffrance à la grande majorité des autres.
C'est sous le bénéfice de ces observations que les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas ce projet de loi de finances rectificative pour 2002. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le fond du texte.
Je voudrais simplement remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé au débat, notamment la présidence - nous avons vu avec quelle vivacité et quel souci de participer à ce débat le président du Sénat est venu y imprimer sa marque -, mais aussi le président de la commission des finances, bien entendu, et tout spécialement les administrateurs et les personnels de la commission des finances qui, dans l'exercice si particulier du collectif budgétaire, sont soumis à rude épreuve et grâce auxquels nous arrivons à participer utilement à la législation.
Monsieur le ministre, vous avez bien voulu, par votre esprit de grande ouverture et par la connaissance très précise que vous avez de ces sujets, nous permettre d'avancer sur toute une série de thèmes.
Mes chers collègues, nous avons voté vingt et un articles additionnels nouveaux, et une quarantaine d'amendements ; nous voyons ainsi s'annoncer des travaux utiles et intéressants pour la très prochaine commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, soyez à nouveau remercié de l'écoute qui est la vôtre à l'égard du Sénat, et vous toutes et vous tous, mes chers collègues, de votre présence et de vos interventions actives, parfois passionnées, dans le cours de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais m'associer aux remerciements que M. le rapporteur général vient d'exprimer. J'ajouterai mes compliments et mes remerciements personnels à votre égard, monsieur le rapporteur général, vous qui avez conduit ce débat de bout en bout, qui avez donné le ton et le rythme à ces échanges, comme lors de la discussion de la loi de finances pour 2003.
Ce collectif budgétaire a pourtant été débattu dans des conditions délicates, puisque les députés l'ont adopté le 11 décembre et que, dès le soir du 12 décembre, monsieur le rapporteur général, vous avez permis à la commission des finances d'en faire l'analyse.
Acceptez l'expression de ma gratitude et de ma confiance ; je souhaite que notre assemblée, par ses applaudissements, vous manifeste sa reconnaissance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je tiens à adresser tous mes remerciements au Sénat, qui, dans un instant, j'en suis sûr, adoptera ce collectif budgétaire, pour la qualité de ses travaux.
Je comprends que vous ayez pu regretter que ces travaux se soient déroulés dans un laps de temps contraint ; néanmoins, c'est inhérent à ce type d'exercice.
Je voudrais redire à la commission des finances combien j'apprécie la qualité de la relation que nous avons nouée ainsi que celle du travail qui a été accompli.
Je réitère mon offre de travailler en permanence en amont sur tous ces sujets, car les dispositions législatives introduites dans notre droit sont de plus en plus complexes. Il nous faut donc veiller à ne pas élaborer une norme dont la sécurité juridique serait défectueuse.
Je souhaite naturellement adresser tous mes remerciements à la présidence et à tous les services du Sénat, mais également, si vous le permettez, à mes collaborateurs, qui ont essayé de rester à votre écoute.
Comme nous approchons des fêtes de fin d'année, je vous souhaite à tous de passer de bonnes fêtes en famille. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 207
Contre 109

7