SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ces longs débats budgétaires de l'année 2002, qui ont porté à la fois sur le projet de loi de finances pour 2003 et sur le collectif de fin d'année - je ne remonterai pas, comme l'a fait M. Lambert tout à l'heure, jusqu'au collectif d'été -, je voudrais d'abord me féliciter du retour au bicamérisme.
La commission mixte paritaire a fonctionné normalement sur la loi de finances pour 2003. Elle a fonctionné normalement aussi sur le collectif, et je me réjouis, pour ce qui me concerne, que l'on en revienne à une pratique normale des institutions de la Ve République. Comme je ne suis pas de ceux qui rejoignent le combat d'un certain nombre de personnes plaidant pour une VIe République, je pense qu'il faut s'en tenir à des institutions qui ont fait leurs preuves et que ce fonctionnement normal est à nouveau le bienvenu. (Très bien ! sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. Très bien !
M. Michel Charasse. Je ferai une brève parenthèse pour vous dire que nous en avions perdu l'habitude, mais c'était la loi du genre puisque les deux majorités ne coïncidaient pas dans les années passées.
Je voudrais souligner - M. le président de la commission des finances ne m'en voudra pas - la formidable réactivité du personnel de la commission qui a eu à faire face, en très peu de temps - M. Alain Lambert a connu cela autrefois -, à un afflux de textes, notamment ce collectif budgétaire qui était chargé, surchargé même, comme il nous venait de l'Assemblée nationale, dans des conditions qui ont été techniquement parfaites, monsieur le président. Bref, nos services ont très bien réagi.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Remarquablement !
M. Michel Charasse. Deuxième observation, cela a permis de rapprocher les deux chambres sur des points de vue politiques, évidemment, mais surtout - en commission mixte paritaire, c'est ce qui se passe généralement - sur des points de vue techniques. L'apport du Sénat n'est plus aussi symbolique que par le passé en ce qui concerne non seulement le contenu de la loi, mais aussi, permettez-moi de le souligner, la qualité de rédaction et de contenu des textes.
C'est vrai que, dans le passé, même si les commissions mixtes paritaires n'aboutissaient pas souvent, l'Assemblée nationale s'inspirait de ce qu'il pouvait y avoir de meilleure dans nos propres rédactions. C'est encore plus vrai pour la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2003 et pour le collectif budgétaire.
Troisième observation, en ce qui concerne mon propre groupe, je ne peux que constater que la commission mixte paritaire - ce n'était pas sa vocation - n'a évidemment rien changé à la philosophie politique de départ du collectif budgétaire. Comme mon groupe a voté contre en première lecture après avoir longuement expliqué les raisons de ce vote, il ne pourra que faire de même sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Mais ce vote négatif n'enlève rien à l'estime et à l'amitié que nous sommes nombreux à vous porter dans cette assemblée, monsieur le ministre. Et je voudrais vous remercier de la qualité d'écoute et de collaboration avec le Parlement dont vous avez constamment fait preuve tout au long des débats et aussi de la manière dont vous avez tenu les engagements que vous avez pris devant nous, s'agissant notamment des opérations de renvoi du projet de loi de finances au collectif budgétaire.
Lorsque le Sénat a présenté en loi de finances des dispositions qui, techniquement, n'étaient pas parfaitement au point, le Gouvernement n'a pas fermé la porte, il a proposé d'y revenir à l'occasion de l'examen du collectif. C'est ainsi que, à l'exception d'un point qui a été souligné par M. le rapporteur général et que je regrette, puisqu'il s'agissait d'un amendement de mon groupe relatif aux amendes de police, nous sommes parvenus à régler tous les points que, monsieur le ministre, vous aviez suggéré de renvoyer dans le collectif.
C'est une attitude qui ne nous a évidemment pas étonnés de votre part et que nous avons appréciée. Nous avons également apprécié l'attitude de vos collaborateurs et je voudrais les remercier, eux aussi, de leur gentillesse et de leur compréhension.
Monsieur le ministre, nous divergeons sur la politique budgétaire mais, à mon avis, ce n'est pas grave parce que c'est une épicerie annuelle. (Sourires.) Cela nous paraît être un travail colossal parce qu'il occupe trois mois et qu'il « crève » complètement, physiquement, le ministre du budget, qui va d'une assemblée à l'autre. C'est donc une épreuve physique absolument terrible.
Pourtant, c'est une oeuvre assez éphémère puisque, tous les ans, nous remettons l'ouvrage sur le métier.
Le divergence que nous avons ne doit pas entacher notre volonté commune, exprimée différemment, de travailler sincèrement au service de la France. Les temps sont durs - tout le monde le sait -, et personne, sans doute, ne détient la vérité. Au fond, la vérité, on ne la connaît qu'à l'arrivée. Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je témoigne de votre application et de votre volonté.
Je voudrais, à mon tour, vous souhaiter une bonne année et une bonne santé pour résister à tous ceux qui, comme toujours, vous reprocheront de respecter à votre manière la seule disposition qui vaille et qui ait une valeur juridique ferme, à savoir le montant du déficit budgétaire. Ce n'est pas une disposition anodine, c'est une disposition sacrée ; c'est quasiment la seule de la loi de finances. Elle dépend de la rentrée des recettes, mais aussi du niveau des dépenses, que vous avez le devoir de contenir en utilisant, comme vous le jugerez bon, même si nous ne sommes pas d'accord - mais c'est la divergence politique -, et en fonction de l'idée que vous vous faites de l'intérêt national, l'autorisation de dépenser qui n'a aucun caractère obligatoire ni contraignant.
Sous le bénéfice de ces observations, vous aurez compris, monsieur le président, qu'au nom de mon groupe je ne voterai pas ce projet de loi de finances rectificative, mais cela n'enlève rien à l'amitié !
M. le président. La parole est à M. Jacques Chaumont.
M. Jacques Chaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a permis de progresser sur plusieurs sujets importants. Je pense, en particulier, aux modalités de financement de la nouvelle Agence de développement agricole et rural.
Le dispositif d'écrêtement proposé par le Gouvernement et amélioré par le Sénat...
M. Michel Charasse. Mais inégal !
M. Jacques Chaumont. ... a finalement été adopté. Il devrait permettre de limiter les transferts de charges entre filières, problème que nous avions longuement évoqué dans cet hémicycle. En ce qui concerne la possibilité de rémunération des dirigeants d'organismes à but non lucratif, la commission mixte paritaire a estimé que le dispositif envisagé n'était pas suffisamment mûr dans le domaine juridique. Notre groupe souhaite néanmoins que l'on continue de travailler sur cette question extrêmement importante dans le cadre d'une réflexion globale sur les associations loi 1901.
Monsieur le ministre, au-delà des points particuliers, nous retenons l'esprit de responsabilité et de transparence qui caractérise le collectif budgétaire, de même que le projet de loi de finances pour 2003.
Le Gouvernement a réussi à stopper le dérapage du déficit budgétaire tout en engageant la baisse de l'impôt sur le revenu et en se donnant les moyens de financer ses priorités en matière d'emploi, de justice, de défense et de sécurité intérieure. Le Gouvernement agit surtout dans la transparence, aussi bien pour l'évaluation des recettes fiscales que pour la régulation budgétaire.
L'année 2002 avait très mal commencé, avec un budget virtuel, des surestimations de recettes et des sous-estimations de dépenses. Elle se termine heureusement dans un esprit de cohérence politique et de sincérité budgétaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP salue l'attitude du Gouvernement, qui traduit un très profond respect du Parlement et tranche ainsi avec l'opacité de la gestion précédente. Monsieur le ministre, au nom de mon groupe, je voudrais vous adresser tous nos remerciements pour la manière dont vous avez travaillé avec nous, pour votre compréhension et votre écoute. Je ne m'exprime pas aussi bien que M. Charasse, mais je pense la même chose que lui sur ce sujet. Je tiens à joindre à ses remerciements ceux que nous adressons aux collaborateurs éminents de la commission des finances.
Le Gouvernement, monsieur le ministre, a su prendre ses responsabilités dans un contexte économique extrêmement difficile. Le groupe UMP prendra les siennes dans quelques instants en votant avec conviction et détermination les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, dans quelques instants, vous allez clore nos travaux et le Sénat prendra congé pendant quelques jours pour les fêtes de fin d'année.
Je voudrais me réjouir de l'état d'esprit qui marque nos ultimes séances budgétaires et, à mon tour, monsieur le ministre, vous exprimer ma très sincère gratitude pour l'attention constante que vous avez manifestée à l'endroit du Sénat et de notre commission des finances, mais aussi saluer l'ensemble de vos collaborateurs qui ont été constamment accessibles et qui nous ont permis de progresser dans la formulation de nos analyses, de nos observations et de nos propositions.
Je voudrais également saluer l'ensemble des commissaires de la commission des finances et particulièrement M. le rapporteur général, mais aussi tous les sénateurs qui, à un moment ou à un autre, ont participé à ces débats, et remercier les collaborateurs de la commission des finances.
Le travail a été rude et oserais-je dire que, cette année, il a pris une dimension supplémentaire. A l'issue de l'examen des articles de la première partie et du vote de l'article d'équilibre, certains pensaient peut-être que la suite de la discussion budgétaire relevait d'une sorte d'exercice rhétorique, mais nous sommes partis à l'assaut des différents fascicules budgétaires pour tenter de réduire le montant des crédits afin, monsieur le ministre, de vous aider à contenir le déficit prévisionnel.
Les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et les collaborateurs de la commission des finances - et sans doute leurs collègues des commissions saisies pour avis - sont repartis à la tâche pour chercher des économies et tirer les conséquences de l'acte de grande sincérité - auquel, une fois encore, je veux rendre hommage - qui vous a conduit à déclarer devant le Sénat que vos prévisions de recettes pour 2003 ne seraient pas à la hauteur de vos premières estimations. Le travail qui s'est accompli est donc tout à fait exemplaire. Je veux féliciter et remercier toutes celles et ceux qui y ont pris part avec ardeur, enthousiasme, détermination, opiniâtreté.
Nous saluons votre contribution à la transparence et à la rénovation de la politique budgétaire, monsieur le ministre, vous qui êtes le premier à porter dans vos attributions « la réforme budgétaire ». Nous l'avons vécue dans la correction que vous avez tenu à apporter aux estimations de recettes fiscales pour 2003, mais également dans les amendements à l'article d'équilibre sur l'ultime lecture de la loi de finances pour 2003 qui tiraient les conséquences, par anticipation, de notre vote de ce soir. Je n'ai pas le souvenir que l'on ait souvent procédé à un tel exercice de sincérité.
Toutefois, certaines annonces peuvent susciter des interrogations. Ce matin, j'ai pris connaissance d'un arbitrage qu'aurait rendu le Premier ministre à propos de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont la charge doit progresser en 2003 de 1 200 millions d'euros. La répartition se ferait par tiers, un tiers pour les départements, un tiers pour les bénéficiaires - au travers de la maîtrise de la dépense - et un tiers à la charge de l'Etat, qui emprunterait 400 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je me suis demandé si ces 400 millions d'euros seraient de nature à affecter l'exécution budgétaire pour l'année 2003. Je ne sollicite pas de votre réponse ce soir, mais peut-être pourrons-nous, lors de nos premiers rendez-vous de l'année 2003, tenter de clarifier ce point.
L'APA a été au coeur de nombreux débats au sein de cette assemblée, comme de l'Assemblée nationale. Il va falloir choisir entre un système assurantiel, une sorte de cinquième risque qui justifierait peut-être que l'on imagine un autre mode de financement, et une assistance relevant de la logique de l'aide sociale. Dans ce dernier cas, sans doute nous faudra-t-il parvenir à une meilleure maîtrise de la dépense. C'est un choix que nous devrons faire dès les premières semaines de l'année 2003.
M. Michel Charasse. Il faudra agir courageusement !
M. Jean Arthuis, président de la commission. Monsieur le ministre, nous avons confiance dans le courage et l'ardeur de votre engagement.
Dans quelques instants, la séance sera levée. A mon tour, je voudrais adresser des voeux très chaleureux à M. le ministre, à ses proches et à ses collaborateurs. J'adresse également mes voeux à chacun d'entre vous, mes chers collègues, à M. le président et à l'ensemble des collaborateurs de la séance, qui ont été si présents et si efficaces pendant ces discussions budgétaires.
Je vous souhaite, monsieur le ministre, de constater en 2003 des recettes plus substantielles que celles que nous avons votées, des dépenses plus légères que celles que nous avons autorisées et, pour le bouclage de l'année 2002, de contenir le déficit dans les limites que nous allons adopter dans un instant. Tels sont les voeux très ardents que je forme pour vous, pour votre équipe et pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2002 dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 78:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 202
Contre 110

10