Centres éducatifs fermés

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 614, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d'Etat, voilà maintenant deux ans que les centres éducatifs fermés ont été institués par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002.

Ces centres éducatifs fermés sont censés accueillir des mineurs multirécidivistes, placés par le juge « en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve ». En cas de fugue ou de manquement grave au règlement, le mineur peut être incarcéré.

Evidemment, le discours officiel martèle que les centres éducatifs fermés sont la dernière chance avant la prison. Mais, loin de diminuer durablement l'incarcération des mineurs, ces centres risquent de l'augmenter, puisqu'ils fonctionnent avec la menace de l'incarcération.

D'ailleurs, nombre de centres ont vu leur périmètre totalement clôturé par des grillages rehaussés d'au moins deux mètres, les entrées contrôlées par un système de barrière infrarouge, le tout est surveillé par des alarmes. Les balcons et les terrasses sont proscrits dans les chambres. Le caractère répressif l'emporte définitivement ! Quelle différence avec les prisons ?

Les éducateurs sont très réticents à concevoir leur mission dans ces centres fermés. La sanction, y compris la privation de liberté, n'est pas éducative en elle-même ; elle ne peut, à la rigueur, le devenir que si elle s'appuie sur la proposition positive de la récompense et de la réussite.

La synthèse du rapport d'étape du 28 avril 2004 sur les centres éducatifs fermés confirme d'ailleurs les craintes que beaucoup avaient les concernant. Elle fait déjà apparaître les confusions et les impasses inhérentes à ces structures.

Par conséquent, que comptez-vous faire pour rendre publique, au plus vite, l'intégralité du rapport d'étape ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier aux problèmes relevés dans le rapport, en particulier en ce qui concerne les droits et libertés des mineurs ?

Plus globalement - j'ai déjà eu l'occasion de faire cette proposition, mais je la renouvelle -, ne serait-il pas opportun d'envisager de mettre à plat les différents dispositifs existants, prisons, centres éducatifs fermés, centres éducatifs renforcés, et de réfléchir plus avant à une politique de prévention et de prise en charge globale en conformité avec l'esprit de l'ordonnance de 1945, laquelle n'est pas du tout désuète en matière de conception des rapports entre les mineurs et la sanction ? C'est ce que préconisait la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. le garde des sceaux, qui est retenu par une obligation et qui m'a chargée de vous livrer sa réponse.

Après les centres éducatifs renforcés, les centres éducatifs fermés, créés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sont un outil supplémentaire d'accueil et de prise en charge des mineurs délinquants. Les jeunes placés dans ces établissements, âgés de treize à dix-huit ans, sont en échec total ; ils sont tous multirécidivistes ou multiréitérants. Pour ces jeunes « incasables », les dispositifs existants n'ont pas apporté de réponse adéquate, qu'elle soit judiciaire et sociale.

En effet, au moment de leur accueil, 30 % ont déjà été incarcérés, ce chiffre atteignant 45 % pour les mineurs âgés de 16 à 18ans ; 90 % ont déjà été condamnés ou poursuivis ; 70 % ont déjà fait l'objet d'une mesure de protection administrative ; 76 % ont déjà fait l'objet d'un placement judiciaire et 33 % ont déjà été placés plus de trois fois.

C'est ce qui ressort de l'évaluation à laquelle le garde des sceaux a fait procéder, conformément aux dispositions de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Le document que vous évoquez, madame la sénatrice, a constitué un rapport d'étape dans l'évaluation du dispositif. En effet, il a couvert la période d'avril à octobre 2003 et n'a concerné que les quatre premiers centres éducatifs fermés, dits « expérimentaux ». Ce bilan a été complété depuis et porte sur dix-huit mois de fonctionnement. Le ministre de la justice en rendra le contenu public très prochainement.

D'ores et déjà, je peux vous indiquer que les premiers enseignements dégagés à mi-parcours sont confirmés. Les résultats sont encourageants et vont dans le sens d'une amélioration de la situation des jeunes.

Ce bilan prouve qu'un encadrement strict des mineurs, un programme d'activités intensif et un fort engagement des équipes éducatives constituent autant de facteurs de succès dans la prise en charge de ces jeunes multirécidivistes.

Les quarante magistrats de la jeunesse qui se sont exprimés dans le cadre de l'évaluation confirment que le placement en centres éducatifs fermés constitue une réelle alternative à l'incarcération.

De mars 2003 à décembre 2004, 213 jeunes ont été accueillis dans les centres éducatifs fermés. Par ailleurs, entre mai 2002 à janvier 2005, le nombre de mineurs incarcérés a sensiblement baissé, passant de 936 à 623. Il n'est donc pas exact de soutenir que les CEF augmentent l'incarcération des mineurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des éléments de réponse que vous avez bien voulu m'apporter, mais qui n'ajoutent rien à la réponse que M. le garde des sceaux m'avait faite lors de la discussion budgétaire.

Nous attendons la publication du rapport d'étape.

Je ferai remarquer que les centres éducatifs fermés absorbent des crédits très importants et que le renforcement sécuritaire de ces centres est le signe de l'échec d'une approche éducative dans un cadre fermé.

Il s'agit d'un problème de conception. Vous dites que ces mineurs sont « incasables ». Le terme est significatif.

Je réitère donc ma demande, que je formulerai à nouveau devant M. le garde des sceaux lors d'un prochain débat sur la justice, de mettre à plat les différents dispositifs d'accueil des mineurs et faire des comparaisons statistiques entre les jeunes placés dans des centres éducatifs fermés et ceux qui sont en prison, entre ceux qui sont en centres éducatifs fermés et ceux qui sont en centres éducatifs ouverts. Il faut aussi étudier la dimension éducative dans l'emprisonnement.

Je considère que les centres éducatifs fermés nous ramènent, hélas ! aux conceptions dépassées qui prévalaient au temps des maisons de correction.

financement des opérations de prévention des inondations

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 611, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, à la suite des inondations meurtrières de novembre 1999 dans le département de l'Aude, et de celles, nombreuses, qui les ont précédées, je souhaite attirer votre attention sur deux dossiers précis.

Le premier concerne les financements des dispositifs de prévention des inondations sur l'ensemble du département. Le second se rapporte au projet de protection contre les inondations dans les basses plaines de l'Aude.

Les dernières crues ont provoqué la mort de 25 personnes et entraîné des dégâts d'un montant de près de 400 millions d'euros.

Nul ne sera donc étonné que, sur l'initiative du conseil général, et en collaboration avec les services de la préfecture, le département de l'Aude ait pris une certaine avance dans le domaine de la prévention en mettant en place, bien antérieurement au plan Bachelot, un dispositif de prévention des inondations regroupant 95 % des communes.

C'est là que se situe ma première inquiétude. Selon certaines informations, il semble que les crédits du contrat de plan soient réservés aux actions qui seront conduites dans le cadre du plan Bachelot.

Le président du conseil général de l'Aude m'indiquait au début du mois de décembre que, si cette information devait être confirmée, les dossiers présentés par ce département seraient alors doublement pénalisés. En effet, déjà inéligibles au plan Bachelot, ils seraient de surcroît exclus des autres sources de financement.

Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite donc que vous me donniez des assurances pour l'année 2004, mais aussi pour les années 2005 et 2006.

Quant aux basses plaines de l'Aude, après tant de crues, tant de catastrophes, et celle de 1999 fut particulièrement meurtrière, les populations de cette zone, de Sallèles-d'Aude aux Cabanes de Fleury, et de Cuxac-d'Aude à Coursan, vivent dans l'angoisse permanente qu'un jour prochain - peut-être demain ! - les mêmes causes provoquent les mêmes effets.

Comme je j'ai déjà dit et répété au moins à six reprises dans cet hémicycle, en 1994, 1995, 1996, 1998, 1999 et 2003, il s'agit d'une situation à hauts risques, d'autant que, depuis le drame de 1999, rien n'a été entrepris sur le terrain.

Pis encore, certains remblais et digues, relevant des Voies navigables de France ou de la SNCF, dont la rupture fut à l'origine de l'effet de vague meurtrier, ont été reconstruits à l'identique.

Ainsi, si rien n'est fait dans de brefs délais, inéluctablement, demain, comme ce fut le cas à maintes reprises par le passé, les mêmes causes provoqueront les mêmes effets.

Or, voilà dix-huit mois, l'Etat a considéré que les aménagements qu'il avait lui-même définis antérieurement, dans le cadre d'un programme d'ensemble concernant les basses plaines, devaient faire l'objet de modifications.

C'est la raison pour laquelle, en octobre 2003, j'ai interrogé Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de l'écologie et du développement durable. A l'issue de très longues explications, elle m'a dit être consciente de la nécessité d'aller vite et elle s'est même engagée à réviser les clefs de financements des subventions d'Etat pour les aligner sur des clefs qu'elle qualifiait de plus avantageuses.

Aujourd'hui, c'est-à-dire quinze mois plus tard, j'ai donc tout naturellement souhaité demander à l'actuel ministre de l'écologie et du développement durable si le programme d'ensemble contre les inondations est d'ores et déjà arrêté et si, comme cela a été promis, les financements sont toujours disponibles, s'ils sont plus avantageux et sous quel délai on peut espérer le démarrage des travaux.

Je souhaite que le Gouvernement prenne conscience que chaque jour qui passe nous rapproche peut-être d'une nouvelle catastrophe.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention de M. le ministre de l'écologie et du développement durable sur les financements attendus de l'Etat dans le cadre du contrat de plan conclu entre l'Etat et la région Languedoc-Roussillon pour les années 2000 à 2006, et plus particulièrement sur ceux qui sont relatifs à la mise en oeuvre d'actions de prévention des inondations dans le département de l'Aude.

Je vous prie de bien vouloir excuser M. Lepeltier, qui n'a pu se rendre disponible, mais qui m'a chargée de vous communiquer sa réponse.

Le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région Languedoc-Roussillon pour les années 2000 à 2006 prévoit en effet que l'Etat apportera durant cette période, conjointement avec la région, des contributions financières pour aider les maîtres d'ouvrage locaux à entreprendre des actions de prévention des inondations.

Les risques liés aux inondations sont en effet particulièrement importants dans votre région, qui fut sinistrée à de nombreuses reprises par des inondations meurtrières. Le volume de ces aides a fait l'objet d'une augmentation dans le cadre d'un avenant conclu après la signature du contrat initial, pour tenir compte de l'importance des actions de prévention dans votre département, dont la nécessité avait été mise en évidence lors des crues catastrophiques qui ont frappé l'Aude et les départements voisins en novembre 1999.

Le Gouvernement n'entend pas remettre en cause les engagements pris dans le cadre du contrat de plan. Toutefois, la mise en place de ces crédits ne peut se faire qu'au fur et à mesure de la mise au point des projets pouvant être subventionnés au titre du contrat de plan.

Les projets prévus dans le département de l'Aude ont donné lieu à une expertise technique qui a conduit à en revoir la conception. Cette révision n'est pas encore achevée. Mme Bachelot avait fait savoir au préfet de l'Aude que les actions de prévention des inondations à prévoir sur le bassin de l'Aude pourraient faire l'objet, dès l'achèvement d'un programme d'action répondant au cahier des charges de l'appel à projet qu'elle avait lancé le 1er octobre 2002, d'une aide exceptionnelle de l'Etat dans les mêmes conditions que pour les autres programmes d'action déjà retenus à ce jour pour plusieurs bassins fluviaux dans la région Languedoc-Roussillon.

Cette proposition reste toujours valable. Le programme d'action que vous présenterez sera financé même s'il s'inscrit en dehors du calendrier de l'appel à projet lancé par Mme Bachelot. Il permettra de mobiliser les crédits inscrits au contrat de plan.

Sans attendre cette mise au point, l'Etat et l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse ont déjà mobilisé des crédits importants qui ont permis d'améliorer la prévision des inondations, tant par le financement des travaux de remise en état des rivières et ouvrages hydrauliques endommagés en 1999 que par l'amélioration des dispositifs de prévision des inondations de l'Aude et de ses affluents.

Sur ce dernier point, il faut souligner la mise en service du radar hydrométéorologique d'Opoul, pour 2 millions d'euros, et la transformation du service d'annonce des crues de l'Aude, à Carcassonne, en service de prévision des crues pour les trois départements des Pyrénées-orientales, de l'Aude et de l'Hérault.

Enfin, des plans de prévention des risques d'inondation et les mesures de réduction de la vulnérabilité les accompagnant ont été mis au point.

Le département de l'Aude est à cet égard un département qui a été privilégié depuis la catastrophe de 1999 dans l'affectation des financements de l'Etat dédiés à la prévention des inondations.

Le Gouvernement entend poursuivre cet effort à l'avenir compte tenu de la gravité des risques auxquels reste exposé le département.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat des réponses qu'elle a apportées à mes interrogations sur le financement des dispositifs de prévention.

En revanche, elle n'a pas évoqué le second volet de ma question, relatif aux travaux de protection sur les basses plaines de l'Aude.

Je rappelle une nouvelle fois combien l'urgence est grande. Je ne le répéterai jamais assez : nous ne sommes pas à l'abri de revivre, dans les basses plaines de l'Aude, les mêmes drames qu'en novembre 1999. Je ne saurais trop insisté sur la nécessité d'aller vite, et même très vite, dans la réalisation des travaux de protection contre les inondations.

Madame la secrétaire d'Etat, je vous serais reconnaissant de transmettre ces inquiétudes au Gouvernement.

grands équipements aéroportuaires et ferroviaires de la région toulousaine

M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas, auteur de la question n° 599, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gérard Roujas. Madame la secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas la sensibilité particulière que revêt le projet de création d'une plateforme aéroportuaire en région toulousaine.

Je ne reviendrai pas sur la première étude liée directement à ce projet et définissant huit sites. Situés tous dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Toulouse, ils sont susceptibles, selon l'étude, d'accueillir une telle plate-forme.

La contre-étude réalisée à la demande des conseils généraux concernés a démontré le peu de sérieux de cette étude et a largement remis en cause les critères choisis pour calculer l'évolution du trafic aérien.

Le conseil régional de la région Midi-Pyrénées a, pour sa part, demandé la réalisation d'une étude sur les complémentarités possibles entre l'aéroport de Blagnac et les autres aéroports régionaux et sur l'impact du TGV en site propre reliant Toulouse à la capitale.

Les conclusions de cette nouvelle étude, dont la qualité et l'objectivité ne sauraient être contestées, sont claires.

S'agissant de la complémentarité entre aéroports, celui de Tarbes pourrait parfaitement s'inscrire dans cette démarche.

Par ailleurs, il semble tout aussi clair que la mise en service d'un TGV en site propre aurait un impact incontestable sur le trafic aérien, et ce pour peu que l'Etat s'engage d'une manière plus ferme et plus précise sur la réalisation de ce projet, et surtout sur la date qui reste encore très hasardeuse. Nous attendons tous, de la part du Gouvernement, une réponse sans ambiguïté.

Enfin, l'une des conclusions de cette étude, fondée sur l'évolution démographique de l'aire métropolitaine Toulousaine, exclut catégoriquement la création d'une plateforme aéroportuaire à moins de soixante-dix kilomètres de Toulouse.

Que la création d'une nouvelle plateforme aéroportuaire se justifie ou non - la démonstration n'est pas encore faite - il est d'ores et déjà possible de trancher certaines questions. Le Gouvernement doit le faire en tenant compte des données nouvelles de cette dernière étude.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question est simple : M. le ministre entend-il, compte tenu de ce qui précède, annoncer rapidement l'abandon des huit sites actuellement proposés, tous ces sites étant situés à moins de soixante-dix kilomètres de Toulouse ?

M. le président. Mon cher collègue, M. de Saint-Sernin avait prévu de vous répondre tout à l'heure. Il n'a pu le faire puisque vous êtes arrivé avec quelque retard. Il a donc prié Mme Guedj d'intervenir à sa place.

Vous avez la parole, madame la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, voici la réponse que mon collègue Frédéric de Saint-Sernin a préparée à votre intention.

L'aéroport de Toulouse-Blagnac situé à proximité de zones fortement urbanisées a un potentiel de développement limité. Il génère des nuisances sonores vivement ressenties par les populations riveraines. C'est pourquoi, dans un souci de préservation de l'avenir, l'Etat et les principales collectivités territoriales se sont engagés, dès 1998, dans une réflexion approfondie sur le devenir de la desserte aéroportuaire de la région toulousaine et sur l'opportunité d'aménager une éventuelle nouvelle plateforme.

Les résultats des études préliminaires conduites à cette occasion ont été rendus publics en janvier 2003. Après avoir recueilli les observations critiques et les propositions de tous les acteurs concernés relatives aux perspectives dégagées par ces études, le préfet a synthétisé les éléments d'appréciation formulés dans un rapport qu'il a mis à la disposition du public en décembre 2003.

Depuis, d'autres études ont été réalisées, sont en cours ou seront lancées à l'initiative des collectivités ou de l'Etat. Aucune de celles qui sont déjà achevées ne remet en cause les contraintes environnementales et la saturation à terme de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

En tout état de cause, nous tenons à rappeler que l'Etat ne fera aucun choix et ne prendra aucune décision sur l'aménagement d'une nouvelle plateforme pour desservir la région toulousaine sans qu'un consensus intervienne avec les collectivités territoriales concernées.

Par ailleurs, conformément à ce qu'avait annoncé le préfet dans son rapport de décembre 2003, l'Etat a récemment engagé une nouvelle étude qui permettra d'actualiser les prévisions de trafic aérien à long terme. Cette étude prendra bien évidemment en compte les effets, sur ce trafic, du projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse.

Ainsi est-il aujourd'hui tout à fait prématuré de définir une limite à l'intérieur ou au-delà de laquelle le site devrait être recherché alors même que le débat sur l'opportunité d'aménager un nouvel aéroport dans la région toulousaine reste ouvert.

Conformément aux décisions du Gouvernement prises lors du CIADT, le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, du 18 décembre 2003, le projet de ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse fera l'objet d'un débat public, et ce dès la fin du premier semestre de 2005. Gilles de Robien a en effet veillé à ce que les études soient menées à un rythme soutenu.

Aujourd'hui, les services de l'Etat et Réseau ferré de France ont achevé toutes les études nécessaires à l'organisation du débat. La commission nationale du débat public fixera avant la fin du premier trimestre 2005 les modalités du débat public, tandis que les dossiers qui seront mis à disposition du public sont en cours d'élaboration.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas.

M. Gérard Roujas. Je souhaite simplement présenter des excuses pour mon retard et remercier madame la secrétaire d'Etat d'avoir répondu à la place de M. de Saint-Sernin.

M. le président. En accord avec le Gouvernement et l'auteur de la question, j'appelle la question n° 623.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

libre accès à la gynécologie médicale

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la question n° 623, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Roland Muzeau. Cet été, alors que le Parlement examinait la réforme de l'assurance maladie, qui encourage fortement - pour ne pas dire contraint - les patients à s'inscrire dans un parcours de soins articulé autour du médecin traitant, la question de l'accès direct à certaines spécialistes, en l'occurrence aux gynécologues, s'est posée.

M. Philippe Douste-Blazy a émis un avis défavorable sur les dérogations législatives que nous proposions devant permettre aux patientes de continuer à consulter le gynécologue de leur choix dans les conditions actuelles, c'est-à-dire non seulement sans prescription préalable de leur médecin traitant, mais également sans pénalisation financière. En revanche, devant la représentation nationale ainsi que devant le comité de défense de la gynécologie médicale qu'il a reçu, M. le ministre a pris un engagement important.

Je reprends la formulation retenue dans le communiqué de presse du 19 juin 2004, validé par vos services : « L'accès direct de toutes les femmes à leur gynécologue dans les conditions actuelles de remboursement resterait garanti, indépendamment du recours au médecin traitant. »

Rien ne devait changer pour les femmes et pourtant, aujourd'hui, de nouvelles barrières financières sont dressées, de lourdes menaces pèsent sur la liberté et l'égalité d'accès des femmes à une médecine de qualité spécialisée qui leur soit entièrement consacrée.

Bien sûr, est en cause la convention médicale récemment signée par trois syndicats médicaux et l'UNCAM, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, dont l'élaboration s'est faite sous étroite surveillance du Gouvernement.

Vous ne parvenez pas à cacher que cet accord est très controversé. Il est notamment critiqué au fond par MG France, le syndicat des médecins généralistes, et l'ISNAR-IMG, et ce pour plusieurs raisons : sa philosophie étrangère aux enjeux de santé publique et de qualité des soins ; les risques d'institutionnalisation d'une médecine à deux vitesses ; les économies supportées, pour les trois quarts, par les patients en contrepartie de la hausse des revenus des seuls spécialistes ; enfin sa redoutable complexité.

Bien que vous utilisiez à l'extrême l'art de la communication, surfant à l'envi sur l'ambiguïté des mots, nous mesurons le caractère inacceptable des dispositions dudit accord relatives aux gynécologues.

Nous partageons aussi les inquiétudes du SYNGOF, le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, qui considère que « les gynécologues médicaux sont certainement les grands perdants de cet accord et par contrecoup les femmes, puisque le dispositif voté signe à terme la fin de l'égalité d'accès des femmes au gynécologue. »

Mauvaise lecture ou procès d'intention ? Vous aurez compris qu'il faut clarifier la situation ! Examinons donc cet accord en nous attachant précisément aux termes employés.

Tout d'abord, la notion « d'accès direct » n'y figure pas. Seul « l'accès spécifique » est envisagé.

Ensuite, le champ de cet accès spécifique est défini restrictivement. Il est limité à quatre types d'actes pour lesquels les femmes seraient exonérées du passage préalable par le médecin traitant : les examens cliniques gynécologiques périodiques, comprenant les actes de dépistage conformément aux référentiels scientifiques élaborés par la Haute autorité, la prescription et le suivi d'une contraception, là encore selon des référentiels à établir, le suivi des grossesses, l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.

De surcroît, la convention renvoie à la Haute autorité le soin de définir les règles du jeu et d'encadrer encore ces actes via leur fréquence.

Le fait que cette autorité soit un organe scientifique ne suffit pas à me rassurer quant à son degré d'indépendance, dans la mesure où il lui revient, tout de même, de dessiner le panier de soins remboursables et de veiller à la maîtrise des dépenses de santé.

Demain, les huit sages, confondant campagnes de dépistage organisées et suivis individuels des patientes, peuvent tout naturellement décider d'un rythme de suivi adapté aux campagnes mais non aux suivis. Pourtant, c'est ce suivi individuel que les femmes pouvaient attendre jusqu'alors du médecin spécialiste choisi qui leur prescrivait une mammographie tous les deux ans ou un frottis tous les ans.

En dehors de ces normes, l'accès au gynécologue restera certes possible ; mais à condition que la patiente puisse financièrement l'assumer. En effet, elle sera moins bien remboursée par l'assurance maladie, voire plus du tout, et elle se verra appliquer des dépassements d'honoraires par son spécialiste.

Comment, dans ces conditions, soutenir que l'égal accès au gynécologue reste garanti ?

Madame la secrétaire d'Etat, allez-vous prendre des mesures afin de garantir effectivement le libre et égal accès de toutes les femmes au gynécologue de leur choix, sans distinction quant à l'objet d'une telle visite et sans discrimination en termes de remboursement ? Si oui, lesquelles ?

En outre, chimère pour les femmes, l'accès spécifique se révèle être aussi un formidable piège pour les professionnels de santé concernés.

Pour le SYNGOF, les dispositions spécifiques décidées pour la gynécologie médicale de secteur 1 dans l'accord - absence de revalorisation des actes, interdiction de pratiquer des dépassements d'honoraires pour 80 % des consultations - conduiront à paupériser une profession déjà sinistrée. Elles ne permettront plus « de maintenir des conditions d'exercice de qualité pour des consultations majoritairement longues, ni de continuer le rapport privilégié avec les femmes... ».

Ajoutons à cela la réponse que M. le ministre a apporté, le 9 décembre 2004, à la question de mon ami Guy Fischer relative à la formation en gynécologie médicale, dans laquelle il faisait état du travail en cours concernant la redéfinition du domaine de compétence de ces futurs spécialistes.

Autrement dit, vos décisions tendent, à terme, à ne pas pérenniser la gynécologie médicale, à laisser cette spécialité se vider de sa substance au mépris des exigences de santé publique et des besoins des femmes.

Il vous appartient, madame la secrétaire d'Etat, avec M. le ministre, de clarifier les contradictions existant entre les promesses et la réalité des faits. La situation peut encore changer !

En effet, il vous revient de valider la convention médicale ou d'agir pour que les gynécologues médicaux soient représentés au sein du Conseil national des universités et soient donc partie prenante à la réflexion en cours.

Allez-vous, madame la secrétaire d'Etat, agir pour préserver l'accès direct des femmes à une vraie spécialité de gynécologie médicale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur Muzeau, la réponse que je vais vous faire sera brève alors que votre question était longue ! En fait, elle sera brève, car elle est claire, comme vous allez pouvoir en juger !

Tout d'abord, le médecin traitant est au coeur de la réforme de l'assurance maladie votée cet été. Cette réforme se met en place : la convention entre l'UNCAM et les syndicats majoritaires de médecins généralistes et spécialistes vient d'être signée, le 12 janvier, ce dont, bien entendu, le Gouvernement se réjouit.

La notion de médecin traitant, comme vous le savez, monsieur le sénateur, est fondée sur la conviction qu'un accès organisé au système de santé est un gage de qualité des soins. C'est le médecin traitant qui aura la mission d'orienter son patient, quand cela est justifié, vers un médecin spécialiste.

Toutefois, il existe, c'est vrai, des spécialités pour lesquelles un accès direct se justifie pleinement, pour toute ou partie de l'activité. C'est le cas de la pédiatrie, de l'ophtalmologie et de la gynécologie.

S'agissant de la gynécologie, la convention prévoit de saisir la Haute autorité de santé pour définir, sur des bases médicales, dans quels cas un accès direct se justifie et dans quels cas il ne se justifie pas.

Monsieur le sénateur, dans l'attente des conclusions de la Haute autorité, le ministre de la santé souhaite être clair : l'ensemble de l'activité de gynécologie reste en accès direct, dans les mêmes conditions de remboursement qu'aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la secrétaire d'Etat, pour ma part, je regrette que la réponse que vous m'avez faite ait été aussi brève, d'autant plus que vous avez indiqué que, « dans l'attente », rien ne changeait.

Madame la secrétaire d'Etat, je n'ai pas parlé du moment présent ! Souvenez-vous de mes propos : j'ai parlé de l'avenir, de ce qui résultera des travaux de la commission réunissant les huit sages de la Haute autorité et de la convention ratifiée par trois syndicats et non par toutes les organisations syndicales.

La question reste entière. J'espère que le libre accès au gynécologue qui existe actuellement perdurera et je souhaite que les professionnels de santé, les gynécologues, leurs syndicats et la coordination qui les représente soient à nouveau rassurés sur ce point. Il conviendrait d'ailleurs qu'ils soient consultés sur les dispositions à prendre en vue de pérenniser ce libre accès des femmes ; pour ma part, j'éprouve quelques craintes à ce sujet. Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, de transmettre à M. le ministre ces préoccupations.