Situation de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Depuis plusieurs jours, tous les médias nous régalent à satiété de la baisse du chômage, que le redémarrage de la croissance aurait, semble-t-il, rendue possible.

M. Henri de Raincourt. Ça vous gêne !

M. Richard Yung. Si cela était vrai, nous serions les premiers à nous en réjouir ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Richard Yung. Toutefois, permettez-nous d'être sceptiques - ce n'est pas interdit ! - et de vous interroger, monsieur le ministre, sur ces chiffres, qui nous semblent en trompe-l'oeil.

La croissance économique ? À 1,5 % en rythme annuel, pour l'instant, elle reste atone ! Monsieur le ministre, quand prévoyez-vous ce fameux redémarrage ?

M. Alain Gournac. Demandez à Mme Soleil !

M. Richard Yung. Les sorties du chômage ? Elles s'expliquent plutôt par des artifices comptables !

M. Richard Yung. Ainsi, depuis le mois d'avril dernier, le nombre des radiations administratives est passé, en moyenne, de 15 000à 36 000 par mois.

M. Richard Yung. Quel sens a la baisse du chômage lorsqu'elle coïncide avec une hausse de plus de 5 % du nombre des RMIstes, soit plus de 60 000 personnes, demandeurs d'emploi, arrivés en fin de droits, victimes de la réforme de l'indemnisation de l'assurance chômage, qui réduit de trente à vingt-trois mois la durée d'indemnisation ?

En outre, l'évolution naturelle de la démographie entraîne des dizaines de milliers de départs à la retraite.

Vous nous vantez les contrats « nouvelles embauches », les CNE. Mais correspondent-ils véritablement à des créations d'emploi ?

M. Richard Yung. Nous savons en effet que, sur cent personnes « sortant » de l'ANPE, seules vingt-cinq ont trouvé un emploi réel.

S'agissant des emplois aidés, certes, vous en avez créé 130 000 - nous le reconnaissons -, mais c'est après en avoir supprimé 430 000, que nous avions, nous, créés !

Quand et comment allez-vous rattraper ce retard ?

Le Premier ministre a fait lundi dernier, nous dit-on, le « voyage » de la rue de Varenne à la rue de Grenelle. Même le Français de l'étranger que je suis sait que c'est un bien court trajet ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est sportif, quand même !

M. Richard Yung. Le « Grenelle social » qui a été promis, avec son projet de contrat de transition professionnelle, a fait « pschitt », pour reprendre une formule devenue célèbre. (Sourires sur les mêmes travées.) Ce dispositif ne concerne que quelques centaines de salariés dans six bassins d'emploi, vous venez de le rappeler, monsieur le ministre.

Combien d'emplois réels ont été créés depuis six mois ? Comment comptez-vous ajuster votre politique économique pour maîtriser le chômage ?

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de tant d'autres choses (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP)...

M. Alain Gournac. Il est bon !

M. Richard Yung. ...explique que le modèle social français n'est « ni juste ni efficace », et qu'il faut par conséquent introduire un contrat de travail unique beaucoup plus flexible.

Cette politique n'est, semble-t-il, pas la même que celle que vous venez d'annoncer, monsieur le ministre ! Par conséquent, pouvez-vous nous préciser quelle est votre véritable politique en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, que vous le vouliez ou non, la France compte aujourd'hui 130 000 chômeurs de moins qu'il y a sept mois ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas d'emplois en plus !

M. Robert Hue. C'est du maquillage !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour ceux qui sont restés pendant un an ou deux ans sans emploi, le temps a paru bien long !

Par ailleurs, vous vous référez à une publication de l'INSEE, mais, manifestement, vous n'êtes pas allé jusqu'à la page 2 ! En effet, l'INSEE prévoit, pour le troisième trimestre de 2005, une croissance de 0,7 %, et, pour le premier semestre de 2006, autour de 2 % en rythme annuel.

M. Raymond Courrière. Ce n'est pas trop !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'après les chiffres de l'UNEDIC parus ce matin, le régime des salariés du secteur privé n'a jamais compté autant d'affiliés. À la différence de l'INSEE, en effet, l'UNEDIC prend en compte l'ensemble des salariés, y compris ceux du secteur de la santé, ceux d'un certain nombre de services couverts par les associations et ceux des secteurs agricole et para-agricole. Je vous livre le chiffre exact : on dénombre 15 983 000 salariés affiliés au régime des salariés du secteur privé, soit  70 000 de plus qu'au 1er janvier dernier.

Vous vouliez des chiffres précis, monsieur le sénateur, en voilà ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP)

M. Raymond Courrière. Et combien de RMIstes ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis le 5 août dernier, 200 000 CNE ont été signés.

Dans le secteur de l'apprentissage, le nombre d'inscrits a augmenté de 7 % aux mois de septembre et d'octobre derniers, par rapport à la même période en 2004.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est une aubaine !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, 150 000 contrats d'avenir ont été conclus.

En outre, depuis le mois de juin dernier, 113 000 jeunes sont aujourd'hui en CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale. Nous proposons à ces jeunes un accompagnement pour qu'ils sortent de la « galère ». Eh bien, je revendique cette action comme relevant d'une politique de retour à l'emploi et de dignité pour les jeunes !

C'est autour de cette politique que le Gouvernement continuera à se mobiliser. C'est sa priorité ! Chaque matin, le Premier ministre nous demande d'être mobilisés autour de cet unique objectif.

Alors, monsieur le sénateur, des créations d'emploi, vous en aurez ! C'est l'intérêt de toutes les Françaises et de tous les Français ! C'est l'intérêt de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Aide française au Pakistan

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

Le terrible séisme qui a frappé le Cachemire le 8 octobre dernier a provoqué la mort de près de 70 000 personnes. Il en a aussi blessé, parfois grièvement, près de 50 000.

Aussi effrayants que soient ces chiffres, le pire pourrait encore être à venir.

Cette catastrophe a fait plus de 120 000 sans-abri, qui vivent dans des conditions dramatiques, manquant de tout. Et ce nombre s'accroît chaque jour. Avec l'arrivée de l'hiver, le nombre des victimes du tremblement de terre a augmenté dans des proportions terrifiantes.

Face à l'ampleur de la catastrophe, la communauté internationale a réagi avec générosité, s'engageant à verser plus de 5 milliards de dollars. Pourtant, compte tenu de l'importance des besoins et de leur urgence, cette aide pourrait ne pas être suffisante.

Ma question porte sur le montant et sur les modalités de l'engagement français. Celui-ci peut être financier ou en nature, être assuré par l'État ou par les collectivités locales, bien que la proposition de loi relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale, que le Sénat a votée, n'ait pas encore été examinée par l'Assemblée nationale, ce qui est d'ailleurs un peu regrettable au regard des circonstances.

Le Sénat vient d'adopter la loi de finances pour 2006. Dans la mission « Aide publique au développement », l'action n° 6, « Aide aux populations touchées par les crises », est dotée de 58,7 millions d'euros : 38 millions d'euros sont affectés à l'aide humanitaire et alimentaire d'urgence et 20,5 millions d'euros à la sortie de crises.

Je voudrais savoir quelle part de ce budget sera consacrée à la crise du Cachemire ? Cette action est-elle coordonnée avec celle des collectivités locales ? Répond-elle aux besoins des populations touchées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler les conséquences épouvantables du drame qui s'est produit le 8 octobre dernier au Pakistan.

Depuis cette date, la France est fortement mobilisée pour venir en aide aux populations qui ont été touchées par le séisme.

Nous avons débloqué une aide d'urgence de 12 millions d'euros, que nous avons centrée sur le secteur médical, à la demande des autorités pakistanaises. Nous avons envoyé des équipes de secouristes, des équipes médicales, civiles et militaires, et pour 3 millions d'euros de matériel humanitaire. Nous avons réparti 9 millions d'euros entre l'UNICEF, pour lui permettre de fournir des vaccins contre le tétanos et la rougeole, la Croix-Rouge, pour lui permettre de fournir des prothèses orthopédiques. Nous avons en outre contribué au Programme alimentaire mondial et au programme du Haut commissariat pour les réfugiés.

Au-delà de cette aide d'urgence de 12 millions d'euros, nous avons également octroyé une aide de 13 millions d'euros par le biais de l'Union européenne.

Enfin, aujourd'hui même, un nouvel avion-cargo part pour le Pakistan avec quatre-vingt-dix tonnes de matériel humanitaire, précisément pour éviter que de nouvelles victimes ne succombent en raison des conditions climatiques actuelles. Cette cargaison est constituée en partie de vêtements chauds, de tentes et d'équipements d'hiver.

Nous contribuons aussi à la reconstruction des sites dévastés. À cette fin, nous avons inscrit 80 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, dont 30 millions seront débloqués dès le début de l'année.

La semaine dernière, la France a envoyé une mission d'experts pour évaluer, avec les autorités pakistanaises, les projets à mettre en oeuvre. Nous essayons de combiner des constructions de logements et la réhabilitation des infrastructures de base, telles que les réseaux d'eau et d'assainissement.

Vous le voyez, nous avons d'emblée été très présents et nous continuons à l'être. Je vous précise également, madame la sénatrice, que nous veillons à assurer sur place la meilleure coordination possible avec tous les intervenants, qu'ils soient français ou étrangers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

EDF

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions annoncé que la privatisation d'EDF, engagée sous prétexte d'adapter l'entreprise à l'ouverture du marché, ne manquerait pas d'avoir des conséquences négatives directes sur le prix de l'énergie, sur l'emploi et sur la qualité du service rendu.

Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour vérifier la justesse de ces prévisions. En effet, EDF a confirmé sa volonté de supprimer 6 000 à 6 500 emplois d'ici à 2007 en ne remplaçant pas tous les départs à la retraite.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Yves Coquelle. Il était prévisible qu'il y aurait des réductions massives d'emplois, afin de satisfaire les actionnaires et d'atteindre le niveau de dividendes que le Gouvernement et la direction se sont promis de leur verser. À preuve, dès l'annonce des suppressions d'emplois, l'action a bondi !

Cette décision scandaleuse et totalement injustifiable va peser sur les conditions de travail de tous les salariés d'EDF et réduire la qualité du service rendu aux usagers.

Nous considérons que l'énergie n'est pas une marchandise, mais un bien public, et qu'elle devrait par conséquent échapper à la logique de rentabilité financière. Le secteur de l'énergie requiert de lourds investissements qui nécessitent des engagements à long terme.

C'est la raison pour laquelle la France s'était dotée, avec EDF et GDF, de deux entreprises publiques échappant à la logique de la rentabilité capitaliste et qui ont fait la preuve de leur grande efficacité.

M. Robert Hue. Absolument !

M. Yves Coquelle. Quel que soit leur lieu d'habitation, les Français paient le kilowattheure au même prix, qui, soit dit en passant, est l'un des plus bas d'Europe.

Monsieur le ministre, allez-vous stopper cette politique libérale, en refusant les suppressions d'emplois annoncées, et garantir le service public actuel ? En effet, nous craignons également, non sans raison, que ne soient remises en cause la garantie de la continuité du service, la garantie de la sûreté et de la sécurité des installations, des biens et des personnes et la garantie de la péréquation tarifaire ?

Ce sont autant de questions qui ne peuvent trouver de réponse favorable si l'on se place dans la logique de la rentabilité capitaliste.

Dans cette affaire, l'État se désengage progressivement et cherche à faire entrer de l'argent dans ses caisses, ce qui relève d'ailleurs d'une vision à court terme. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce qu'ont coûté réellement à l'État les privatisations de ces dernières années ?

En ce qui nous concerne, nous proposons de renationaliser EDF...

M. Robert Hue. Très bien !

M. Yves Coquelle. ...et d'aller vers la création d'un pôle énergétique 100 % public, pérennisant EDF et GDF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Robert Hue. Comme aux États-Unis !

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Thierry Breton, qui ne pouvait participer à cette séance et m'a demandé, monsieur Coquelle, de vous répondre à sa place.

Je veux d'abord faire un rappel important. L'annonce de ces licenciements..., de ces réductions d'effectifs, voulais-je dire, pardonnez-moi,...

M. Robert Hue. Quel lapsus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lapsus révélateur !

M. Dominique Perben, ministre. ...est antérieure à la décision d'augmentation du capital. Ne liez donc pas deux faits qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre.

Du reste, ces réductions d'effectifs sont comparables à celles qui ont eu lieu au cours de la période 2000-2003, et elles font suite à des embauches importantes qui ont été réalisées en 2004 et en 2005. Cela fait partie de la gestion des ressources humaines de l'entreprise.

En outre, la question est de savoir comment EDF va pouvoir se situer dans l'évolution du secteur de l'énergie en Europe.

M. Dominique Perben, ministre. Comment cette très grande et très performante entreprise française va-t-elle pouvoir continuer à être ce champion de l'énergie à l'échelle continentale ? C'est pour lui en donner les moyens que le Gouvernement a décidé de l'autoriser à augmenter son capital de 40 milliards d'euros, qui financeront ses investissements au cours des cinq ans à venir. De la sorte, cette entreprise française continuera d'être l'un des leaders européens, voire le leader européen dans le domaine de l'énergie.

Bien sûr, pour poursuivre dans cette démarche, il lui faut faire le travail normal de toute grande entreprise, à savoir gérer la problématique de la productivité et identifier les manières d'améliorer celle-ci. Il appartient aux dirigeants de l'entreprise de s'y employer, comme ils l'ont annoncé.

C'est donc en soutenant ce processus de développement, de renforcement de sa capacité d'investissement et de recherche d'une plus grande productivité que nous pourrons maintenir ce que vous avez évoqué, à savoir la qualité du service public, la qualité du service rendu aux usagers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est en France que la productivité est la meilleure !

commémoration d'austerlitz

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

À entendre les commentaires autorisés qui, chaque jour, évoquent, pour la regretter, la modestie - j'allais dire la quasi-clandestinité - avec laquelle les pouvoirs publics ont célébré le deux centième anniversaire de la bataille d'Austerlitz, ma question demeure d'actualité. (Exclamations. - M. Yves Détraigne applaudit.)

Comment peut-on accepter, alors que les Britanniques viennent de célébrer Trafalgar avec un faste exceptionnel, de surcroît avec le concours du porte-avions Charles de Gaulle en témoignage de réconciliation, alors que les Allemands projettent d'organiser l'an prochain à Iéna un grand « rendez-vous avec Napoléon », que le Gouvernement n'ait finalement célébré la reine des batailles qu'à travers la personne du garde des sceaux, place Vendôme - sans doute parce que c'est aussi le siège du ministère de la justice -, et de Mme le ministre de la défense, présente sur le plateau de Pratzen ?

Comment l'opinion ne serait-elle pas troublée quand le Gouvernement assure la promotion, à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de l'auteur d'un ouvrage comparant, dans un raccourci surréaliste et anachronique, Bonaparte à Hitler et évoquant la déportation des esclaves sur l'île d'Elbe ?

On peut admirer le Premier consul et détester l'Empire, mais nous ne saurions souscrire à cette politique qui renonce à célébrer un homme qui prenait cent décisions par jour et ne se contentait pas de créer des commissions ! Nous ne saurions souscrire à cette politique qui veut faire plaisir à tout le monde et s'adapter en permanence à l'air du temps.

Nous recevons tous l'ouvrage consacré aux célébrations nationales. L'édition de 2006 évoque Iéna, qui avait donné l'occasion à Hegel d'écrire à son ami Niethammer, au lendemain de la bataille : « J'ai vu l'Empereur, cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance. C'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. »

Mes chers collègues, jusqu'à quand allons-nous refuser d'assumer notre histoire ? La nation a aujourd'hui plus que jamais besoin de repères. Si l'on veut assurer un avenir à nos enfants, leur montrer le chemin, encore faut-il qu'ils sachent d'où ils viennent.

M. Robert Hue. Il faut laisser cela aux historiens !

M. Nicolas Alfonsi. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles sont les causes réelles de tant de discrétion et nous préciser si les pouvoirs publics ont l'intention - ce qui, venant de l'auteur des Cent jours, pourrait sembler paradoxal - de retirer Napoléon Bonaparte de notre histoire nationale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Alfonsi, Austerlitz est une victoire de l'art militaire français. En effet, il s'agit d'une page emblématique de notre histoire militaire. C'est ainsi que cette bataille est commémorée tous les 2 décembre par des mouvements associatifs.

De même, l'École spéciale militaire de Saint-Cyr célèbre chaque année, à cette date - le « 2 S », dans le jargon de l'école - célèbre le souvenir de cette bataille, au moyen d'une vaste fresque historique animée.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Cette année, le deux centième anniversaire de la bataille a donné lieu, sur le terrain même d'Austerlitz, à une cérémonie à laquelle notre ministre de la défense a assisté. De même, place Vendôme, à Paris, a eu lieu une cérémonie de commémoration présidée par le garde des sceaux.

Comme l'a déclaré le Premier ministre, « nous assumons toute l'histoire de France, avec ses épreuves et sa grandeur. »

Le Napoléon d'Austerlitz n'est pas celui de la retraite de Russie. Nous devons être attentifs à toutes les facettes de notre histoire et à toutes les facettes de l'oeuvre de Napoléon, si grande par bien des aspects.

C'est la responsabilité des historiens que d'écrire l'histoire.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Et c'est notre responsabilité, celle des femmes et des hommes politiques de notre pays, que d'encourager le rassemblement de nos compatriotes et d'assurer la pérennité de la cohésion nationale.

Nous devons naturellement prendre en compte le fait que les sources de la mémoire puissent être multiples. Nous devons être respectueux de toutes les expériences, de toutes « les » histoires, et faire de cette diversité de la mémoire une source de richesse.

Monsieur le sénateur, notre histoire doit être le ferment de notre cohésion sociale. C'est la priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

conférence de montréal

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'écologie et du développement durable, notre ancienne et excellente collègue. (C'est vrai ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le réchauffement de notre planète est aujourd'hui une évidence. L'émission des gaz à effet de serre augmente, la température augmente et le lien de causalité entre ces deux phénomènes est de plus en plus vraisemblable.

C'est pourquoi, face à cette menace qui pèse sur l'avenir de l'humanité, le protocole de Kyoto constitue un texte fondamental.

En effet, il fixe, pour les pays industrialisés, des engagements chiffrés de baisse des émissions de gaz à effet de serre et propose aux pays en voie de développement le mécanisme dit de « développement propre ».

Ce protocole de 1997, on le sait, est entré en vigueur récemment et les États-Unis ne l'ont toujours pas ratifié.

En outre, le protocole de Kyoto doit prendre fin dans sept ans. Sa pérennisation au-delà de 2012 était donc un enjeu très important. Je dis « était », car la conférence de Montréal sur le climat a débouché, à la fin de la semaine dernière, sur un accord qui assure un réel avenir à la lutte contre le changement climatique et redonne espoir pour un engagement de toute la communauté internationale dans ce domaine.

Madame le ministre, vous étiez à Montréal, pour y représenter la France. Pouvez-vous nous indiquer les principaux termes de cet accord et les perspectives concrètes qu'il ouvre pour lutter efficacement, tous ensemble et sur le long terme, contre le réchauffement climatique ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, la conférence qui s'est tenue à Montréal la semaine dernière a permis de franchir un cap important dans la mobilisation de la communauté internationale pour la lutte contre le réchauffement climatique.

Je rappelle que la France, contrairement aux autres pays industrialisés, respecte dès maintenant le protocole de Kyoto, puisque les émissions de gaz à effet de serre sont aujourd'hui inférieures de 1,9 % à celles de 1990.

Nous avions donc trois objectifs principaux.

Le premier était d'assurer la mise en oeuvre effective du protocole de Kyoto, et donc de faire approuver les accords de Marrakech. Ils ont été approuvés sans réserve.

Le deuxième objectif était d'assurer le démarrage du mécanisme de développement propre, qui, vous le savez, permet aux pays industrialisés de bénéficier de « crédits carbone » en réalisant un investissement en technologies propres dans un pays en voie de développement. Ce deuxième objectif a également été atteint.

Le troisième objectif était d'engager un processus pour fixer les ambitions de l'après-2012.

À ce stade, seuls les pays industrialisés ont pris des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, pour assurer la pérennité du dispositif, il est nécessaire de définir des engagements au-delà de 2012, et ce pour tous les pays, y compris les pays émergents et ceux qui n'ont pas ratifié Kyoto. Ce troisième objectif était extrêmement difficile à atteindre.

Des négociations soutenues avec les représentants de différents pays comme les États-Unis, l'Inde et le Brésil, nous ont permis de présenter et de promouvoir la position de la France.

Un accord a donc pu être trouvé au terme de la conférence. Il s'agit d'« engager un dialogue sur les approches stratégiques dans le cadre d'une collaboration mondiale à long terme ».

Une série d'ateliers est prévue en vue de recenser les solutions proposées par les différents pays pour lutter contre les changements climatiques.

Nous pouvons nous féliciter d'avoir réussi à obtenir un tel accord, qui rallie l'ensemble des pays membres de la convention-cadre sur le climat, c'est-à-dire également les États-Unis et les pays émergents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Article 4 de la loi du 23 février 2005 relative aux Français rapatriés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Oui, monsieur le Premier ministre, nous sommes tous français et fiers de l'être,...

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jean-Pierre Michel. ...et nous assumons toute notre histoire, avec ses pages glorieuses, mais aussi avec ses pages plus sombres, sans repentance masochiste.

Certes, il existe « des souffrances encore vivantes » et « des identités blessées », que nous devons respecter. C'est d'ailleurs le contenu de l'article 1er de loi du 23 février dernier : « La nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française... »

En revanche, l'article 4 de cette loi, qui dispose que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord... », suscite un débat passionné. Depuis des mois, des historiens, des enseignants, des chercheurs, se mobilisent pour en demander l'abrogation. Des pétitions recueillent des milliers de signatures.

Ce texte constitue par ailleurs un obstacle à la signature du traité d'amitié entre la France et l'Algérie. Mais nous-mêmes, sommes-nous prêts à ce traité ? À entendre certains parlementaires de votre majorité, on peut en douter, monsieur le Premier ministre.

Devant les protestations en Martinique, dominées par la grande figure d'Aimé Césaire - son compagnon de route Garcin Malsa est présent dans les tribunes -, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a été contraint d'annuler la visite qu'il projetait d'y effectuer. Deux membres de votre gouvernement, Léon Bertrand, élu de Guyane, et Azouz Begag vous en demandent le retrait. Néanmoins, votre majorité a refusé violemment, le 29 novembre, d'adopter la proposition de loi du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

Comment s'étonner, dès lors, que certains s'estiment moins français que d'autres, surtout lorsqu'ils sont traités de « racaille » et que votre politique de classe (Lamentations et exclamations sur les travées de l'UMP) ajoute des contraintes à celles qui existent déjà. Vous donnez aux uns et retirez aux autres.

Devant l'ampleur du désastre, le Président de la République et vous-même, en des termes identiques ou voisins, avez été contraints d'intervenir solennellement : « Ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire. »

Monsieur le Premier ministre, selon vos propres termes, « il faut un temps d'apaisement, un temps de dialogue », et il est nécessaire « que des gestes soient faits qui permettent d'avancer tous ensemble ». Aujourd'hui, la seule décision qui s'impose pour respecter tous les Français est l'abrogation de cet article.

Le groupe socialiste, attachés et apparentés du Sénat a été, dans la sphère politique, le premier à réagir...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Michel. ... en déposant, le 4 juillet dernier, une proposition de loi tendant à l'abrogation de l'article en question.

Faites en sorte qu'elle soit inscrite à notre ordre du jour - nonobstant l'opposition réitérée du bureau du Sénat - avant la fin de l'année et qu'elle soit adoptée. C'est l'apaisement indispensable, le préalable à la mise en place de la mission pluraliste pour évaluer l'action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l'histoire, demandée par le chef de l'État.

Lorsqu'une faute a été commise, il faut savoir la corriger, tous ensemble, sans arrière pensée politicienne. C'est votre devoir, monsieur le Premier ministre.

M. Charles Pasqua. La question !

M. Jean-Pierre Michel. Et ne nous répondez pas que, d'après certains sondages, une majorité de nos concitoyens serait favorable à ce texte. Si le Gouvernement avait suivi les sondages, la peine de mort n'aurait pas été abolie en 1981 sur l'initiative de François Mitterrand. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 a évidemment donné lieu à un débat au Parlement. Au Sénat, votre groupe l'a même approuvé. (Ah ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le débat a aussi eu lieu dans les associations, les partis politiques, la presse. Il a été libre, parfois vif. Chacun a fait connaître son point de vue.

Le Premier ministre s'est exprimé de la manière la plus claire : « Ce n'est pas au Parlement de faire l'histoire. En France, il n'y a pas d'histoire officielle ».

MM. Charles Pasqua et Henri de Raincourt. Très bien !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Au moment opportun, le Président de la République a jugé utile de s'adresser au pays. Il a rappelé les enjeux, les principes. Il a créé les conditions de la sérénité et de l'apaisement. Il a chargé M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, de conduire une mission pluraliste. Elle permettra à chacun de s'exprimer et aboutira, d'ici à trois mois, à des propositions concrètes.

Monsieur le sénateur, dans le même temps, le chef de l'État nous a demandé d'accélérer la mise en place de la fondation prévue par l'article 3 de la loi déjà citée. Ce sera l'espace naturel de travail des historiens, des chercheurs et des enseignants.

Le temps est désormais au travail et à la sérénité. Car notre priorité reste, bien entendu, la cohésion nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)