compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

3

Articles additionnels après l'article 22 (précédemment réservés) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Articles additionnels avant l'article 33

Immigration et intégration

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX MESURES D'ÉLOIGNEMENT

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 33

Articles additionnels avant l'article 33

Mme la présidente. L'amendement n° 199 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter,  Bel et  Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire ne peut donner lieu, pour les mineurs, à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. »

La parole est à M. Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malgré le caractère intime de notre discussion ce matin, je veux attirer votre attention sur cet amendement très simple.

En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. Ce délai lui permet de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci. C'est une période au cours de laquelle l'intéressé ne peut être renvoyé.

La loi du 26 novembre 2003 a modifié les règles qui existaient antérieurement. Actuellement, le bénéfice du jour franc n'est accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée.

On sait les problèmes que l'application de cette loi pose pour l'étranger dans la compréhension de ses droits. Je citerai, à cet égard, le défaut de présence physique d'un interprète, qui entraîne souvent une méconnaissance par l'étranger de ses droits, le défaut de compréhension de ce que recouvre réellement juridiquement la notification susvisée. De ce fait, l'étranger recourt peu fréquemment au bénéfice du jour franc.

Lors de son audition par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFÉ, maître Hélène Gacon indiquait : « Dans la pratique que nous enregistrons du fait de nos contacts directs avec les étrangers que nous recevons à notre bureau en ZAPI 3, nous avons la tristesse de constater que, dans la quasi-totalité des cas, cette faculté n'est pas utilisée. »

Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

L'application de cette réforme touche encore plus durement les mineurs. Or, l'amendement que nous vous proposons, mes chers collègues, tend à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue, pour nous, un progrès certain, mais insuffisant.

On sait d'ailleurs que les interventions de ces administrateurs, qui disposent de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, ont fait l'objet d'un bilan mitigé.

Toujours dans le cadre de la commission d'enquête, le président du tribunal de grande instance de Bobigny citait des chiffres explicites : Pour 2004, sur 604 cas recensés, « il semble qu'environ 220 à 250 aient pu faire pleinement l'objet d'une prise en charge par un administrateur ad hoc. [...] Cela veut dire que, dans certains cas, l'intervention de l'administrateur ad hoc va être extrêmement légère : il aura à peine le temps d'avoir un contact avec le mineur pour prendre le pouls de sa situation. »

Parfois, cet administrateur ne dispose même pas du temps nécessaire pour voir le mineur. J'en veux pour preuve l'évocation par la présidente de l'ANAFÉ du cas de mineurs chinois. Selon ses propos, « quand le mineur chinois arrive, on lui notifie une procédure de maintien en zone d'attente, manifestement sans respecter son droit à demander de disposer du jour franc, l'administrateur ad hoc n'a même pas le temps d'être désigné et le mineur est refoulé ».

L'amendement n° 199 rectifié a pour objet de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Monsieur le ministre, accepter cette mesure ne me paraît pas être un sacrifice hors de votre portée. L'adoption de cette disposition améliorerait incontestablement la prise en charge juridique d'une catégorie d'étrangers à laquelle il ne peut être fait application du droit commun.

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez avoir oublié que l'une des propositions de la commission d'enquête concernait ce jour franc. Depuis, la réflexion ayant pu être poursuivie, cet amendement devrait recevoir de la part de la commission un accueil enthousiaste.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, soyez rassuré ; dès potron-minet, je poursuivais ma réflexion sur l'amendement n° 199 rectifié et surtout sur l'amendement n° 48 de la commission !

Plus sérieusement, chacun a bien compris la nature du problème. Un mineur qui arrive sur le territoire national peut bénéficier, s'il est en zone d'attente, de l'intervention d'un administrateur ad hoc.

La commission d'enquête a effectivement eu à connaître de cette difficulté. M. Philippe Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, auquel M. Frimat vient de faire référence, lors de son audition, a analysé la situation de façon équilibrée. Il a ainsi estimé qu'il fallait certes accorder plus de droits aux mineurs, mais qu'il fallait, dans le même temps, être prudent parce que ces jeunes enfants risquaient de faire l'objet de manipulations, de tomber aux mains de filières, notamment d'immigration clandestine, qui profitent du système. Il convient donc de faire la part des choses entre ces deux impératifs.

Il est vrai que le rapport de la commission d'enquête recommandait de faire bénéficier les mineurs du jour franc.

Depuis, la situation a été réexaminée peut-être plus en fonction des véritables enjeux. De ce fait, la position retenue a évolué et consiste dorénavant à trouver un équilibre de façon à se prémunir contre les filières mafieuses tout en permettant aux jeunes mineurs d'avoir une assistance le plus rapidement possible.

C'est la raison pour laquelle la commission a déposé l'amendement n° 48, que nous examinerons dans quelques instants, tendant à ce que l'administrateur ad hoc puisse intervenir dès l'arrivée du mineur pour l'informer clairement de ses droits et pour appréhender sa situation dans les meilleurs délais.

En conclusion, je rappellerai qu'en 2005, à l'aéroport de Roissy, 601 personnes non admises se sont déclarées mineures, alors que 124 d'entre elles ont été reconnues majeures à l'issue d'un examen médical. Le nombre n'est certes pas très élevé, mais, s'agissant de mineurs, il faut rester très prudent.

L'intervention de l'administrateur ad hoc à partir de l'arrivée du mineur constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Elle lui permettra de disposer de plus de temps pour mener à bien sa mission.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 199 rectifié.

Madame la présidente, cette intervention vaudra présentation de l'amendement n° 48.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur Frimat, vous avez laissé entendre que je pourrais faire un sacrifice qui ne serait pas hors de ma portée. Mais il n'est pas question de sacrifice lorsqu'il s'agit d'assurer toute la prévention nécessaire à l'égard de mineurs confrontés à des difficultés, quelles que soient leur origine et leur situation.

Je mesure la portée de votre intéressante proposition, qui ne doit pas être négligée, loin s'en faut.

Contrairement à ce que vous soutenez, le bénéfice du jour franc préalablement au réacheminement d'un étranger maintenu en zone d'attente n'a pas été supprimé. Alors que, jusqu'à l'adoption de la loi de 2003, cette procédure présentait un caractère d'automaticité, ladite loi s'est limitée à organiser les règles procédurales selon lesquelles est recueillie la volonté de l'étranger.

L'intéressé, qui, désormais, sera informé par écrit de ce droit, dans une langue qu'il comprend, sera appelé à indiquer s'il souhaite en bénéficier.

Cela étant dit, vous avez raison d'insister, monsieur le sénateur, sur le fait que, même si cela représente une avancée, l'administrateur ad hoc n'est pas présent aux côtés du mineur pendant une période suffisante pour lui permettre de bénéficier des informations et de l'assistance nécessaires.

Nous nous posons tous la question de savoir si un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal est apte à indiquer s'il souhaite bénéficier de ses droits. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis très favorable sur l'amendement n° 48 de la commission, tendant à ce qu'un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal soit assisté par un administrateur ad hoc dès le commencement de la procédure de non-admission. Il appartiendra, dès lors, à l'administrateur ad hoc de solliciter, le cas échéant, le jour franc.

Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Frimat, de bien vouloir retirer l'amendement n° 199 rectifié, au profit de l'amendement n° 48 de la commission. À défaut, le Gouvernement ne pourrait qu'émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. L'amendement est-il maintenu, monsieur Frimat ?

M. Bernard Frimat. Je tiens d'emblée à remercier M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir répondu sur le fond. Nous remplissons entièrement notre fonction, qui consiste à débattre.

Monsieur le ministre, je ne retirerai pas cet amendement, parce que l'effort qui vous est demandé est minime. Il est vrai que je ne souscris pas à la philosophie répressive du présent projet de loi.

Nous voulons tout simplement garantir un jour franc à des mineurs non admis sur le territoire. Il s'agit non pas des textes - nous nous sommes prononcés contre en 2003, dont acte ! - mais de la pratique.

Lors des auditions de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFE, ainsi que le président du tribunal de grande instance de Bobigny n'ont pas commenté les textes ; ils ont simplement dit la réalité, à savoir que, de fait, l'accès au jour franc n'est pas garanti, contrairement à que prévoit l'amendement n° 199 rectifié, que je présente en cet instant.

Certes, l'amendement n° 48 de la commission précise que le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, désignera un administrateur ad hoc. Quelles garanties aurons-nous que ce sera le cas dans la pratique ? Quels seront les moyens alloués à cet administrateur ad hoc ? Seront-ils en nombre suffisant ? Pourront-ils intervenir tout de suite ? Aura-t-on l'assurance que la procédure sera effective ?

Si, aujourd'hui, les textes de loi étaient appliqués, nous n'aurions pas besoin de défendre un tel amendement ; nous le faisons simplement parce que nous savons que, dans la pratique, les choses ne se passent pas ainsi. C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement.

J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de faire remarquer à M. le ministre que naîtraient peut-être, chemin faisant, des soupçons d'ouverture. Or, ce matin, je constate, monsieur le ministre, qu'il est encore trop tôt pour que vous puissiez donner une garantie à des mineurs et que vous préférez vous en remettre à l'intervention du procureur. Telle n'est pas notre conception. Ce que nous vous demandons ne représentait pourtant pas un très gros effort !

Je ne puis que regretter votre décision et je demande un scrutin public sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 199 rectifié.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 208 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 127
Contre 194

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 198, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221- 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 221- 5 - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement pose le principe de l'interdiction de placer un mineur en centre de rétention. Il se situe dans la continuité du précédent amendement tout en abordant un autre aspect du traitement réservé aux mineurs étrangers dans notre pays.

Il ne nous paraît pas tolérable de laisser perdurer la situation existante. D'ailleurs, lequel d'entre nous, dans cet hémicycle, peut se satisfaire de la présence de jeunes mineurs, voire de bébés, en centre de rétention ? Ils n'y ont pas leur place et les justifications avancées nous semblent très légères.

Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse consistant à dire que du matériel spécifique est prévu ou qu'un espace spécifique est réservé aux familles avec enfants. La réalité, nous le savons, est tout autre.

Quant aux fonctionnaires qui accomplissent un travail difficile dans ces centres de rétention, ils gèrent la présence des enfants comme ils le peuvent et, souvent, sans moyens spécifiques.

Dans son rapport annuel de 2005, la commission nationale de déontologie de la sécurité mentionnait le cas d'un nourrisson d'un mois né en France en août 2005 et placé au centre de rétention d'Oissel en Seine-Maritime avec sa mère d'origine somalienne. Or le centre n'était pas équipé pour recevoir des enfants en bas âge. Il a ainsi été constaté « une absence de présentation au service médical et une éviction des professionnels des services sociaux qui désiraient intervenir. Ni la mère ni l'enfant n'ont reçu de nourriture adaptée. Ils ont été retenus dans un véhicule de la police aux frontières, la PAF, pendant près de huit heures sans eau ni nourriture. »

Lors de nos différents déplacements dans le cadre de la commission d'enquête, nous avons pu constater de visu la présence de très jeunes enfants dans des situations de précarité.

Ces situations constituent pour nous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, une violence intolérable qui vient s'ajouter au choc déjà incontournable lié au voyage pour parvenir jusqu'à nos frontières.

Ces enfants ne méritent pas cela, au seul motif que leurs parents ne possèdent pas les papiers nécessaires pour être admis en France. Cette situation est, selon nous, en contradiction totale avec notre tradition d'accueil et les valeurs de notre République. Je ne sais s'il s'agit là d'un outrage, mais, pour nous, cela est insupportable.

Les valeurs de la République ne sont pas à géométrie variable.

Le placement des mineurs en centre de rétention met notre pays en contradiction avec les engagements internationaux, notamment la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par de nombreux pays, mais pas par les États-Unis.

En conclusion, je dirai que le fait de maintenir un enfant dans un milieu privatif de liberté du seul fait de ses liens familiaux, alors qu'il n'a commis aucun délit - son âge le mettant à l'abri de tout cela - est en contradiction avec les dispositions de cette convention, notamment les articles 2 et 3, dont je vous épargnerai la lecture, mes chers collègues.

Vous nous parlez souvent du message que la France doit ou ne doit pas envoyer. En ce qui me concerne, je demande à chacun, s'agissant d'un tel sujet et au-delà de ce qui peut nous diviser, de se poser simplement en conscience la question : le message que la France doit envoyer est-il celui de la présence de bébés et de jeunes mineurs en centre de rétention ?

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :

« Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 198 ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme l'a souligné notre collègue Bernard Frimat, cet amendement vise à empêcher que des enfants mineurs ne soient placés en centre de rétention. Or une telle disposition aurait pour effet de rendre impossible l'éloignement des familles en situation irrégulière.

D'une part, le placement en centre de rétention ne s'applique pas aux mineurs isolés ; d'autre part, il n'est prononcé qu'après la mise en oeuvre d'autres mesures, comme l'assignation à résidence, qui sera, on peut l'imaginer, privilégiée par les services de l'État si elle est possible.

Ainsi, les personnes concernées pourront mener autant que faire se peut une vie de famille normale, et le placement en centre de rétention administrative ne constituera qu'une exception, que la commission estime nécessaire de conserver, au principe de l'assignation en résidence.

Pour autant, comme l'a souligné le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, il est nécessaire que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient améliorées ou du moins que les centres de rétention administrative soient organisés pour les recevoir.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Or, madame Borvo Cohen-Seat, il est incontestable que des efforts significatifs ont été entrepris depuis 2003 pour rénover les centres de rétention.

Je ne prétends pas que tout a été fait et que tout va très bien dans ces centres ; je soutiens simplement qu'a été engagé un véritable effort, qui doit être poursuivi, car nous avons le devoir de faire en sorte que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient les meilleures possible.

Sous le bénéfice de ces explications, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 198.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Tout d'abord, je n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur, qui a donné des précisions très utiles.

Toutefois, monsieur Frimat, je m'étonne de votre intérêt subit pour la situation des mineurs qui seraient placés en centre de rétention. En effet, vous avez été aux affaires pendant des années et ce problème ne vous préoccupait pas beaucoup !

Les centres de rétention administrative peuvent accueillir les mineurs accompagnant leurs parents sous réserve de l'accord de ces derniers et de la conformité du centre à des normes réglementaires.

Mme Catherine Tasca. Ces centres ne sont pas aux normes !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est parce que vous ne les avez pas adaptés, madame !

Mme Catherine Tasca. Mais vous êtes au pouvoir depuis quatre ans !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et vous, vous l'avez été pendant vingt ans !

M. Bernard Frimat. Avec quelques interruptions tout de même !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pendant vingt ans, je n'ai pas observé que vous les mettiez aux normes !

Ce n'est tout de même pas nous qui sommes à l'origine de la honte du centre de Sangatte ! Nous, nous avons réglé le problème en quelques semaines ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez rien réglé du tout !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous êtes mal placés pour donner des leçons ! Vous êtes restés suffisamment longtemps aux affaires au cours des vingt dernières années pour savoir que quatre ans constituent une durée très courte pour engager des procédures, organiser des appels d'offre, ouvrir des enquêtes d'utilité publique et lancer des chantiers !

Nous avons eu le mérite de programmer les crédits et d'entamer les procédures nécessaires. Étape par étape, nous accomplissons aujourd'hui ce que vous n'avez pas fait hier, en rénovant les centres de rétention. Ainsi, aux termes de l'article 14 du décret du 30 mai 2005, les centres susceptibles d'accueillir les familles d'immigrés devront disposer de chambres spécialement équipées et, notamment, de matériels de puéricultrices adaptés. Certaines de ces chambres ont déjà été réalisées !

Le respect de l'unité des familles et du droit de l'enfant constitue pour nous une exigence, alors qu'il ne vous a jamais préoccupé par le passé ! Bien entendu, nous veillons à ce que soit pleinement respectée la convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule que l'enfant ne peut être séparé de ses parents.

À l'occasion de l'examen d'un précédent article, j'ai rappelé, au nom du ministre de l'intérieur, que nous avions lancé un grand programme visant la fermeture, la réhabilitation ou la construction de nombreux centres de rétention, conformément à toutes les normes en vigueur, ce qui n'avait jamais été la priorité des gouvernements précédents.

D'ailleurs, s'agissant de ce programme, j'apporte aujourd'hui une information supplémentaire à la Haute Assemblée : mardi dernier, sur décision du ministre d'Etat, le centre de rétention administrative pour hommes du dépôt du palais de justice de Paris a été fermé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, C'est nous qui avons fermé ce dépôt, dont les conditions matérielles étaient très insuffisantes, et non pas la majorité qui était au pouvoir entre 1997 et 2002, alors que le centre de rétention était déjà dans un état déplorable à l'époque !

Mme Catherine Tasca. Et qu'avez-vous fait entre 1993 et 1997 ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous n'avons aucune leçon à recevoir dans ce domaine !

Le Gouvernement émet un avis totalement défavorable sur cet amendement. Il est par ailleurs favorable à l'amendement n° 48.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, auriez-vous oublié la période 1993-1997 ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Du temps a passé depuis !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 198.

M. Bernard Frimat. Je traiterai du fond et répondrai donc d'abord à M. le rapporteur.

Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'une simple assignation à résidence pourrait être prononcée et que la mise en rétention resterait exceptionnelle. Je vous en donne acte. Toutefois, même l'exception nous semble insupportable !

Monsieur le ministre, vous venez de donner un exemple parfait de votre façon d'appréhender les problèmes : quand vous ne disposez pas d'arguments sur le fond, quand vous n'avez rien à dire, vous faites de la polémique !

Je vous rappelle, car vous semblez l'avoir oublié, que pendant les vingt dernières années votre majorité a été au pouvoir pendant quelque temps - malheureusement, je vous l'accorde !

Selon vous, l'action menée par votre majorité serait parfaite. Ne faites-vous jamais retour sur vous-même ? Cela vous conduirait à penser que vous auriez pu agir autrement !

Ce 16 juin 2006, nous ne défendons pas une position de circonstance, nous exprimons une opposition de fond, nourrie par la réalité que nous observons et dont, me semble-t-il, aucun d'entre nous ne peut se satisfaire.

Monsieur le ministre, comme vous n'avez rien à répondre sur le fond, tant la situation est scandaleuse, vous faites de la polémique. Vous renvoyez les responsabilités sur tel ou tel et vous nous annoncez le dernier exploit du ministre d'État, à savoir la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris. J'imagine que dans la suite de la discussion nous vous entendrons égrener d'autres exploits de ce type.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le centre de Sangatte. Ces derniers temps, êtes-vous allé dans les environs de Sangatte et dans la ville de Calais ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Oui !

M. Bernard Frimat. Avez-vous observé que ces immigrés clandestins, à la recherche non pas d'un séjour en France mais d'un passage vers l'Angleterre, vivent toujours là, et dans les pires conditions ?

Mon ami député Bernard Roman a évoqué à l'Assemblée nationale un article paru dans La Voix du Nord, un grand quotidien d'information qui n'est pas particulièrement connu pour ses opinions gauchistes. Selon cet article, des employés de la ville de Calais, qui étaient allés nettoyer un bois près d'une usine désaffectée, avaient trouvé, au milieu de monceaux de détritus, des abris de fortune où survivaient les gens qui avaient quitté Sangatte !

Je conçois que vous vous adressiez des éloges et publiez vos propres bulletins de victoire, car on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Toutefois, il faut faire preuve de décence.

Revenons au sujet ! Que vous demandons-nous ? Pour ma part, je ne vous parle pas de Sangatte.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Moi, je vous en parle !

M. Bernard Frimat. Je ne vous parle pas du dépôt du palais de justice de Paris, ni de l'action menée par les gouvernements Chirac, Balladur, Juppé ou, depuis quatre ans, par le gouvernement auquel vous appartenez.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Moi, je vous parle de ce que vous n'avez pas fait !

Vous n'avez rien fait, alors que nous agissons !

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je comprends que mes propos vous ennuient.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce qui vous ennuie, c'est de ne plus arriver à cacher la vérité !

M. Bernard Frimat. Il n'y a rien qui m'ennuie, monsieur le ministre !

Mme Bernadette Dupont. On ne dirait pas !

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, seule la polémique vous permet d'occulter votre bilan, qui a déjà été sanctionné lors de plusieurs consultations électorales et qui le sera de nouveau en dépit de vos effets de manche.

Pour que chacun soit placé devant ses responsabilités, nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement. Ainsi, les positions des uns et des autres seront claires. On connaîtra ceux qui, dans cette assemblée, font des effets de manche et promettent monts et merveilles sur le co-développement et l'humanitaire, entre autres, mais trouvent normal que des bébés soient placés en centre de rétention, ce que, pour notre part, nous n'accepterons jamais !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la priorité pour l'amendement n° 48 de la commission.

M. Bernard Frimat. Cela évitera le scrutin public !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout, monsieur Frimat !

Vous proposez de rédiger entièrement l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que nous souhaitons simplement modifier. Si votre amendement était adopté, notre amendement n° 48 disparaîtrait, ce qui serait dommage, car tout le monde sur ces travées souhaite, me semble-t-il, qu'un administrateur ad hoc soit désigné.

Je souhaite donc que nous votions d'abord sur l'amendement de la commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la présidente. La priorité est ordonnée.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, je vous répondrai très sereinement. Vous parlez d'effets de manche. Or, vous le savez, dans l'action politique, il y a ceux qui parlent et ceux qui font.

M. Bernard Frimat. C'est bien ce que nous pensons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. De plus, vos propos sont dépourvus d'humanité ! Vous parlez de clandestins et d'immigrés, moi j'évoque des malheureux que vous avez entassés comme du bétail à Sangatte !

Comparez ce qui se passe aujourd'hui et la situation que vous nous avez laissée. Les chiffres sont là. En 2002, trois mille immigrés étaient accueillis à Sangatte. Aujourd'hui, 150 repas sont distribués chaque jour. Nous avons divisé par vingt le nombre des immigrés et nous les accueillons d'une façon beaucoup plus humaine, solidaire et généreuse.

M. Bernard Frimat. Quel mépris !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, nos approches sont fondamentalement différentes.

Notre programme de modernisation des centres de rétention administrative, ce n'est pas un effet de manche ! Il s'agit de 110 millions d'euros engagés entre 2005 et 2007, alors que vous n'aviez programmé absolument aucun financement entre 1997 et 2002 !

J'ajoute que nous avons introduit la transparence là où régnait l'opacité. Nous avons créé une commission de contrôle des CRA, les centres de rétention administrative, dans laquelle la Croix Rouge et la CIMADE siègent à titre d'observateurs. Nous disons ce que nous faisons et faisons ce que nous disons !

Monsieur Frimat, nos démarches sont fondamentalement opposées et les effets de manche, ce matin, sont dans votre camp.

M. Bernard Frimat. Quel mépris ! C'est nul !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En la matière, la polémique n'est pas de mise, et cette remarque vaut pour tout le monde !

Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, j'ai usé très rapidement du droit accordé aux parlementaires par la gauche, en 2000, de visiter ces lieux où les gens sont privés de liberté, qu'il s'agisse des prisons et autres centres de détention ou de rétention. Tous ceux qui, comme moi, s'intéressent de près à ce sujet ont ainsi pu prendre la réelle mesure des problèmes que posent un certain nombre de ces lieux.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sur ce point, vous avez raison !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai donc pas attendu 2002 pour agir. Cela fait six ans que je me bats pour dénoncer la réalité du centre de rétention du palais de justice de Paris et pour exiger sa fermeture. Les personnes y étaient détenues dans les sous-sols dans des conditions indignes, enfermées comme des rats !

Vous nous annoncez ce matin qu'il a été fermé. Nous n'avons pas été prévenus officiellement. Je m'apprêtais d'ailleurs à m'y rendre la semaine prochaine ; j'irai de toute manière, pour vérifier qu'il est réellement fermé !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Me permettez-vous de vous interrompre, madame la sénatrice ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame la sénatrice, sur la période 2000-2006 que vous évoquez, chacun doit prendre sa part de responsabilité, en toute humilité. Je souscris d'ailleurs totalement à ce que vous dites : le droit offert par la gauche aux parlementaires de pouvoir visiter les prisons et, plus généralement, les centres de rétention et de détention sous toutes leurs formes s'est avéré très utile, car il a permis aux élus de prendre connaissance de la réalité de la situation.

Je le reconnais volontiers, le mérite en revient au gouvernement que vous souteniez à l'époque. Pour avoir moi-même usé de ce droit à plusieurs reprises, je partage totalement votre avis sur la situation indigne de certains centres de détention et de rétention.

Or c'est bien pour ces raisons que, sur la période 2002-2007, grâce aux deux lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice, grâce à la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, nous avons engagé les moyens nécessaires en termes de programmation. Je le dis sans esprit de polémique, jamais, dans le passé, de tels moyens n'avaient été prévus !

Madame la sénatrice, s'agissant de la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris, le ministre de l'intérieur a souhaité, par respect pour eux, que les membres de la Haute Assemblée en soient les premiers informés à l'occasion de ce débat.

En l'espèce, je n'irai pas jusqu'à dire : « Vous en avez rêvé : nous l'avons fait ! » Puisque nous partageons les mêmes convictions sur cet état des lieux, nous devrions tous nous réjouir d'une telle décision. Dans ce domaine, il y a encore tant d'autres défis difficiles à relever, qui nécessitent des moyens importants. Je vous propose de les relever ensemble, pour donner à la France le visage humain qu'elle se doit de présenter à l'ensemble des grandes nations du monde.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, madame Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, puisque vous m'avez donné votre interprétation sur le centre de rétention du palais de justice de Paris, je vais vous exposer la mienne !

Cela fait des années que les militants associatifs ne cessent de dénoncer cette situation. Certains parlementaires qui sont allés sur place s'en sont rendu compte par eux-mêmes. C'est bien grâce à toutes ces actions, relayées par la presse, que le ministère de l'intérieur a considéré qu'une telle situation ne pouvait plus perdurer et qu'il convenait de fermer cet endroit honteux pour la République !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d'accord !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En définitive, voilà trois ans que sa fermeture aurait dû être prononcée. Mais, tous les six mois, elle était reportée.

Vous annoncez que ce centre est désormais fermé : tant mieux ! Cela dit, puisque vous n'avez pas l'intention de diminuer le nombre de personnes placées en rétention, les problèmes ne seront pas résolus pour autant. Elles seront simplement transférées au centre de rétention de Vincennes, qui accueillera encore plus de monde !

J'en viens maintenant à la situation des mineurs isolés qui séjournent en centre de rétention.

À l'époque où la gauche a institué l'intervention d'un administrateur ad hoc, j'avais essayé, mais en vain, de faire adopter une disposition pour que mineurs isolés soient en tout état de cause confiés à l'ASE, l'aide sociale à l'enfance.

Malgré toute leur bonne volonté, que je suppose réelle, les administrateurs ad hoc sont trop peu nombreux et ne disposent pas du temps et des moyens nécessaires pour examiner concrètement la situation des mineurs isolés. J'aimerais donc avoir des précisions sur ce point, car les décisions sont souvent prises à la va-vite. Pour ma part, je considère toujours qu'il eût été préférable que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE.

D'ailleurs, puisque vous en appelez à un consensus sur la question, puisque vous souhaitez une réponse humaine, nous nous honorerions à déclarer unanimement qu'il est absolument inadmissible que des enfants en bas âge séjournent en centres de rétention. Je vous invite tous à vous y rendre, car il faut voir de près comment cela se passe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous vous en apercevez aujourd'hui ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais pas du tout ! Justement, cela fait six ans, depuis 2000, que je dénonce cette réalité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En 2000, c'était vos amis qui étaient au pouvoir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il nous faut créer les conditions nécessaires pour éviter que des familles comptant des enfants en bas âge ne soient placées en centre de rétention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, dans votre réponse à notre collègue Bernard Frimat, vous avez utilisé des arguments qui relèvent plus du débat médiatique que du débat parlementaire.

Vous nous accusez de n'avoir rien fait pendant vingt ans. Permettez-moi tout de même de vous le rappeler en toute équité, depuis 1986, la gauche et la droite ont chacune gouverné pendant dix ans. Cessez donc cette partie de ping-pong, car vos joutes oratoires fatiguent les Français !

Notre préoccupation rejoint celle que notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat vient d'exprimer : il est absolument intolérable d'autoriser la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.

En l'occurrence, il ne s'agit pas de nous appesantir sur ce que chacun a fait ou n'a pas fait.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est dommage de ne pas expliquer ce que vous avez fait. Vous auriez d'ailleurs du mal, puisque vous n'avez rien fait !

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, vous vous prétendez d'une grande sensibilité sur le plan humain. Alors, saisissez l'occasion qui vous est donnée par la discussion de ce projet de loi pour accepter cette mesure pleine d'humanité, qui vise à empêcher la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.

Aujourd'hui, notre responsabilité, c'est de légiférer et non de compter les points et de recenser les manques des vingt dernières années, qui, je le rappelle, sont fort équitablement partagés.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais cela m'intéresse de compter les points !

Mme Catherine Tasca. Vous ne faites que cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Parce que votre bilan est très déficitaire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas ici pour compter les points de chaque camp.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais si, car il s'agit d'un problème d'humanité !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous sommes ici pour essayer de trouver une solution à la situation inhumaine vécue malheureusement par tant d'hommes, de femmes et d'enfants. Il faut d'ailleurs aborder le problème sous plusieurs angles, notamment pour identifier ceux qui sont responsables de toutes ces misères.

En ce qui concerne les mineurs isolés, dois-je vous rappeler que la France a signé la convention internationale des droits de l'enfant, qui protège tous les enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans ? Avec ce projet de loi, vous faites donc un pas supplémentaire dans la mauvaise direction, en institutionnalisant, une fois de plus, la violation de nos engagements internationaux.

Lorsqu'il est venu nous présenter ce projet de loi, M. Sarkozy nous a donné certains exemples sur le plan européen. Pour ma part, je citerai l'Italie, car le gouvernement de M. Prodi est en train d'y fermer les centres de rétention, indignes de notre époque.

De toute manière, nous ne pouvons pas rendre humain ce qui est inhumain. Aujourd'hui, nous avons la preuve que ces centres sont devenus, qu'on le veuille ou non, de véritables prisons administratives, même s'ils n'en portent pas le nom.

Il est inacceptable d'y placer des personnes sans papiers qui essayent de survivre et de sortir de leur misère. Ce ne sont pas des délinquants ni des voleurs, encore moins des violeurs ou des meurtriers. Ils n'ont commis aucun autre délit que celui d'essayer de s'en sortir. Alors pourquoi les mettre en prison ?

Nous, les Verts, nous nous sommes toujours battus pour la fermeture de ces centres de rétention. Aujourd'hui, notre proposition est claire : nous souhaitons privilégier les assignations à résidence, qui constituent une manière beaucoup plus humaine pour essayer de régler la question.

En outre, nous préférons que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE, qui dispose des moyens pour les sortir de leur situation et pour leur préparer un meilleur avenir.

Mme la présidente. J'ai été saisie d'un amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 551-4.- Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. J'ai bien entendu les propos de M. Hyest sur la rédaction initiale de notre amendement, qui ne prévoit pas la désignation d'un administrateur ad hoc. Je le remercie de ses conseils avisés, qui sont bien arrivés jusqu'à moi ! Je viens donc de déposer un amendement n° 198 rectifié, qui n'enlève rien au fond de notre proposition. Nous sommes ouverts à la discussion pour faire avancer nos idées.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, il ne faudrait tout de même pas ignorer la réalité du problème !

Madame Boumediene-Thiery, vous êtes contre les centres de rétention. C'est votre point de vue, soit ! Mais, si nous vous suivons, tous ceux qui sont en situation irrégulière pourront faire ce qu'ils veulent et circuler comme ils l'entendent !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mais non, je propose une assignation à résidence. Vous êtes toujours dans la suspicion totale !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut bien surveiller tous ceux qui fraudent et ont des faux papiers ! Quelles autres solutions avons-nous ? Vous nous dites que M. Prodi ferme les centres de rétention en Italie. C'est vrai, mais nous en avons aussi fermés en France, parce qu'ils étaient indignes.

Je vous l'accorde, les centres de rétention administrative ne doivent pas être des prisons. Il s'agit de disposer d'endroits suffisamment adaptés pour que des familles puissent normalement y séjourner, le moins longtemps possible, bien entendu.

Mes chers collègues, vous avez avancé des arguments inouïs pour dénoncer la faiblesse de notre pays en la matière.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En Belgique, il n'y a pas de centres de rétention !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si, cela existe sous une forme ou sous une autre ! Au demeurant, nous devons pouvoir « garder sous la main » ces personnes pour vérifier leur situation. C'est la moindre des choses, du moment que tout se passe dans le respect de leur dignité !

Quand je vous écoute, je me demande vraiment où nous sommes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vos propos sont parfois totalement irréalistes ! Aucun pays ne peut se priver des moyens de pouvoir retenir, à n'importe quel moment, les étrangers en situation irrégulière. C'est notre seule garantie en la matière.

En revanche, beaucoup d'efforts doivent être faits sur la qualité et l'adaptation des centres de rétention. Bien entendu, il ne faut pas placer une personne en centre de rétention si elle donne toutes les garanties nécessaires.

Madame Tasca, j'ai présidé la commission d'enquête du Sénat sur les prisons. Nous avons constaté un désintérêt, quasi séculaire, de la République pour ces questions. Pour autant, le plan prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice commence à porter ses fruits et améliorera la situation sur beaucoup de points.

À ce sujet, je souhaiterais d'ailleurs rappeler que, si la construction d'établissements pénitentiaires a été parfois impossible - je pense notamment à Lyon, où une prison est indigne -, c'est parce que certains élus locaux, qui se réclament pourtant hautement de la justice et des droits de l'homme, n'ont rien fait pour la favoriser. (M. Philippe Goujon. applaudit.)

M. Hugues Portelli. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. J'abonderai dans le sens de M. Hyest car il existe deux problèmes complètement différents. Il y a, d'une part, le problème des conditions d'accueil, qui sont en effet absolument inadmissibles, quel que soit l'âge des personnes concernées. Il y a; d'autre part, le problème de l'ordre public et de la sécurité. En la matière, lorsqu'il est nécessaire d'opérer des contrôles d'identité, l'âge de la personne, quelle qu'elle soit, y compris si elle est mineure, doit être vérifié. D'autant plus que, comme j'ai pu le constater à de nombreuses reprises, bien souvent les parents des mineurs en question non seulement se moquent éperdument du traitement réservé à leurs enfants, mais se servent même parfois d'eux pour manipuler l'administration. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame Boumediene-Thiery, nous ne sommes effectivement pas là pour compter les points. Des femmes et des hommes qui siègent à gauche dans cet hémicycle ne peuvent pas dire qu'eux seuls aiment les enfants. Nous aimons autant que vous les enfants qui arrivent sur le sol de la République !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment le mesurez-vous ? Vous avez un appareil ? Arrêtez le pathos !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Cela étant, comme l'a dit le président Hyest, ce qui est important, c'est l'accueil des familles et des mineurs. C'est la raison pour laquelle la problématique de l'administrateur ad hoc est essentielle, de même que la façon dont un certain nombre de renseignements sont dispensés.

À cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais soulever un problème majeur : vous savez qu'actuellement, pour déterminer l'âge de nos enfants, il existe une méthodologie osseuse qu'un certain nombre de médecins jugent inadaptée. Il convient d'entendre ces experts médicaux car, si l'on progressait en la matière, cela permettrait de savoir qui est vraiment mineur, ce qui réglerait un certain nombre de problèmes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon vous, il n'y a que des faux ! Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, chère madame !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Il est assez rare que je prenne la parole dans cet hémicycle, mais je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle.

Depuis des années, bien avant mon entrée dans la vie politique, je m'occupe des droits de l'enfant au sein d'une association qui lutte contre la maltraitance des enfants dans notre pays.

Madame Boumediene-Thiery, quand je vous entends parler d'enfants de dix-huit ans...

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont des enfants !

Mme Isabelle Debré. Non, madame !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ils sont mineurs !

Mme Isabelle Debré. Je ne vous interromps jamais ! Si vous me laissiez parler, ce serait très aimable de votre part.

Aujourd'hui, il y a un mot que l'on oublie, c'est le mot « respect » : respect des enfants, respect des individus.

Aujourd'hui, il est inadmissible que l'on enferme des personnes dans des conditions absolument indignes de notre pays. Actuellement, le problème est non pas la mise en rétention des familles, des enfants, des mineurs, des petits-enfants, mais les conditions dans lesquelles on les détient.

Dans mon association, nous préférons un enfant en rétention avec sa famille, dans de bonnes conditions, plutôt que dans un état épouvantable parce que sa famille s'en désintéresse.

Je parle par expérience et si je m'énerve c'est parce que je vois, aujourd'hui, les conditions inadmissibles dans lesquelles vivent certains enfants, sans parler du traitement que leur réserve leur famille : un animal, madame, ne le ferait pas subir à son petit !

Croyez-moi, il est préférable que ces personnes soient en rétention dans de bonnes conditions plutôt qu'abandonnées sur notre territoire, sans aucune surveillance, dans un total dénuement, et dans des conditions épouvantables.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mon propos ira dans le sens de celui de Mmes Hermange et Debré, que je remercie pour leurs interventions particulièrement pertinentes.

Dans chacun de nos textes relatifs à la sécurité intérieure ou à l'immigration, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure au présent texte, le Gouvernement s'est toujours préoccupé du sort des enfants afin de régler un certain nombre de situations qui étaient inacceptables dans notre pays

Vous faites référence aux enfants. Or, nous savons que les enfants étrangers, comme vous le dites si bien, sont malheureusement très souvent l'objet d'exploitation...

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...de la part d'un certain nombre de gens que je qualifierai de « criminels », d'organisateurs de filières de traite d'êtres humains.

On connaît, par exemple, les filières roumaines et la manière dont on organise, en Roumanie, l'infirmité d'un certain nombre d'enfants pour les exploiter ensuite dans un certain nombre d'autres pays. La France a été, en la matière, l'un des principaux pays cibles et il a fallu une grande négociation entre le gouvernement français et le gouvernement roumain pour que nous puissions démanteler, les unes après les autres, ces filières.

Grâce à un certain nombre de dispositions, notamment de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, puis de la loi relative à la sécurité intérieure, nous avons pu non seulement y mettre un terme, mais en plus apporter, chez nous, un traitement social à l'ensemble de ces mineurs.

Votre proposition, madame Hermange, mérite d'être prise en compte : nous avons déjà engagé des procédures en termes d'analyses génétiques et autres pour préciser l'âge des intéressés, sachant qu'un certain nombre de filières se sont livrées à de nombreuses manipulations.

Pour aller dans le sens de Mme Isabelle Debré, j'ajouterai que nos centres de rétention - et j'en ai visité, madame Borvo - sont organisés de manière qu'en accueillant un mineur ils accueillent un enfant.

En effet, je tiens à le rappeler, un centre de rétention n'est pas centre de détention, ni une prison.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ça y ressemble beaucoup 

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est un lieu où, comme vous l'avez dit, monsieur Portelli, on accueille un étranger pour vérifier sa situation au regard de la législation nationale.

Ou bien l'étranger concerné est en situation régulière et il y passe peu de temps, ou bien il est en situation irrégulière auquel cas, souvent avec le concours d'un certain nombre d'associations, on étudie leur éventuelle régularisation ou leur rapatriement.

En aucun cas, les mineurs isolés ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine. Ils font donc l'objet d'un traitement social très précis et les conditions d'accueil qui leur sont réservées sont alors souvent nettement supérieures à celles qu'ils connaissent lorsque l'administration les prend en charge. Ils bénéficient d'un cadre nettement plus humain, qui nous permet bien souvent de les mettre à l'abri d'un certain nombre de situations indignes.

Vous donnez le sentiment que nous placerions des mineurs en centre de rétention dans des conditions indignes. Or il n'en est rien. En effet, nous essayons, au contraire, de les protéger en les mettant à l'abri d'un certain nombre de menaces, en les faisant bénéficier d'un traitement social qui fait de la France un pays exemplaire en la matière.

Le débat que vous avez ouvert nous a permis de démontrer que notre pays est exemplaire par rapport à un grand nombre d'autres nations. Je remercie les orateurs de la majorité qui, par leurs interventions, ont largement remis à plat les choses, relativisé les critiques et tout simplement démontré que la démarche dans notre pays était à l'opposé de ce que d'aucuns laissent entendre.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 198 rectifié bis, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter,  Bel et  Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 551-4.- Le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »

 

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame Debré, je vous ai écoutée sans vous interrompre et je vous ai entendu dire qu'à dix-huit ans on n'est plus un enfant. À cet age, et nous serons d'accord sur ce point, on est mineur. Cela m'a conduit à rectifier mon amendement de façon qu'il vise les mineurs « de moins de treize ans » et que la notion d'enfant ne donne plus lieu à débat.

Ce que nous demandons, d'autres le demandent. J'ai déjà cité Álvaro Gil-Robles et son rapport : je pense que c'est suffisant. La priorité va jouer pour l'amendement n °48.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n °198 rectifié bis ?

M. François-Noël Buffet. La commission reste défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus d'enfants !

Mme Isabelle Debré. La rectification ne change rien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable. Laissez-moi, monsieur Frimat, vous livrer un exemple : si un enfant de moins de treize ans, en situation irrégulière, est exploité par une filière... (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Bernard Frimat. Ne caricaturez pas ! Il va à l'Aide sociale à l'enfance !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il n'est pas isolé, il est avec sa famille.

Monsieur Frimat, vous avez proposé la discussion et vous savez combien j'y suis attaché, notamment sur ce point qui est important.

Votre intention est généreuse, mais je vois les rapports qui nous parviennent et les situations dramatiques auxquelles nous sommes confrontés.

Ne pensez surtout pas que je mette un seul instant en cause les bonnes intentions qui ont présidé à l'élaboration de votre amendement, mais mesurez aussi les drames qu'il pourrait générer chez un certain nombre d'enfants de moins de treize ans, qui subissent, eux, totalement l'exploitation de leur propre famille.

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous ne pourrions plus les mettre à l'abri si, par votre amendement, vous remettez en cause l'organisation administrative actuelle.

Mme Isabelle Debré. Effectivement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est précisément parce que nous voulons protéger ces enfants que nous ne pouvons qu'être défavorables à votre amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.

Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié bis.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 127
Contre 194

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 47, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le début du troisième alinéa de l'article L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Par décision du juge, l'audience peut également se dérouler... (le reste sans changement) ».

L'amendement n° 46, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le début de l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : «  Par décision du juge, les audiences prévues au présent chapitre... (le reste sans changement) ».

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit de donner la possibilité de recourir au dispositif de visioconférence au moment des audiences de prolongation de la rétention administrative. Le consentement de l'étranger serait supprimé et l'entière liberté de recourir ou non à la visioconférence serait laissée au juge.

Nous estimons, depuis 2003 et la loi Perben II, que ce dispositif doit continuer à être encouragé, à une condition qui est essentielle et que nous avons eu l'occasion de vérifier, à savoir que les droits accordés aux parties au procès soient évidemment parfaitement respectés et qu'elles aient toute latitude pour les exercer.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant de ces deux amendements, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car il a un doute sur la possibilité de supprimer le consentement de l'étranger, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.

Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.

L'amendement n° 393, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 131-30, 213-2, 221-11, 222-48, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 422-4, 431-8, 431-12, 431-19, 434-46, 435-5, 441-11, 442-12, 443-7, 444-8, du code pénal sont abrogés.

Les articles L. 362-5 et L. 364-9 du code du travail sont abrogés.

L'article 8-1 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif, tel que modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 est abrogé.

Le dernier alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est abrogé.

Le II de l'article 18 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.

L'article 476-16 du code de la justice militaire est abrogé.

Le 2° du II de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est abrogé.

L'article 729-2 du code de procédure pénale est abrogé.

Le 5° de l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est abrogé.

L'article 6 de la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation est abrogé.

 

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Le ministre de l'intérieur avait promis d'abolir la double peine ; il dit l'avoir fait dans sa loi du 26 novembre 2003. Or il n'en est rien : elle demeure toujours une réalité quotidienne.

Je recommande, sur ce point, la lecture du Livre noir de la double peine, qui a été récemment édité par la CIMADE, le GISTI, la LDH et le MRAP.

Aux termes de la loi de 2003 ont seulement été créées quelques catégories protégées. Le résultat est qu'aucun étranger n'est totalement à l'abri d'une expulsion, quand bien même il est en mesure de prouver de fortes attaches familiales et de longues années de vie en France, puisque la notion de « liens privés et familiaux », qui permet cette protection, est entendue restrictivement.

En matière de vie familiale, la protection ne concerne que les conjoints de Français et les parents d'enfants français. Même pour eux, s'ajoute la condition d'un séjour régulier en France d'au moins dix ans.

Quant à la vie privée, la protection n'est accordée que si la personne concernée réside en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans ou si elle y a résidé régulièrement pendant vingt ans au moins.

On est bien loin de l'abolition de cette « double peine », qui contrevient pourtant à plus d'un titre aux principes directeurs de notre droit pénal.

C'est une règle discriminatoire, qui aboutit à punir une personne deux fois pour un même délit, au motif exclusif qu'elle n'est pas de nationalité française. Elle heurte le principe d'égalité devant la loi pénale en créant une peine sans lien direct avec l'infraction elle-même mais fondée sur la qualité d'étranger de la personne concernée.

Cette discrimination créée par la peine d'interdiction du territoire apparaît encore aggravée quand on s'attache à ses conséquences, qui vont jusqu'à contredire le principe de la personnalisation des peines. Elle rend, par exemple, impossible de fait les mesures d'aménagement de la peine.

Elle contrevient donc aux droits fondamentaux au travail ou à la formation de la personne concernée, au motif de sa situation irrégulière au regard du droit au séjour.

Dès lors, parce que l'objectif de réinsertion sociale disparaît, c'est le sens même de la peine qui se trouve dilué avec l'interdiction du territoire français.

De plus, elle a des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes condamnées, qui, vivant en France depuis de nombreuses années, y ont toutes leurs attaches. Le retour dans un pays avec lequel elles n'ont d'autres liens que celui d'une « nationalité de papier » apparaît alors, à bien des égards, dramatique, lorsqu'il les sépare de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de leur école ou de leur travail.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est urgent d'en finir avec la double peine. Tel est l'objet de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette disposition est de la même veine que l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 22, que nous avons examiné hier, et qui portait sur la suppression éventuelle des délits d'aide à l'entrée illégale ou d'entrée illégale sur le territoire. Le présent amendement visant à supprimer une peine complémentaire relative à l'interdiction du territoire français, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 393.

(L'amendement n'est pas adopté.)