compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Haut conseil des musées de France.

La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Philippe Nachbar pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Levée du secret-défense de certains documents concernant les essais nucléaires

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 1112, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, au mois de février dernier, j'avais assisté à la conférence de presse donnée à l'Assemblée nationale par les membres de la commission d'enquête constituée par le gouvernement de la Polynésie française sur les conséquences des essais nucléaires que nous avions effectués entre 1966 et 1996.

Les conclusions de cette commission d'enquête tendaient à démontrer la dangerosité de ces essais pour les populations locales, ainsi que pour les civils et les militaires présents sur les sites.

Par la suite, à la fin juin, j'ai participé, à Papeete, à un colloque international organisé à l'occasion des célébrations du quarantième anniversaire des premiers essais nucléaires en Polynésie française et réunissant des scientifiques, des juristes, des responsables d'associations, des parlementaires de différents pays de la région, des personnes ayant eu elles-mêmes à subir les conséquences néfastes de ces essais, ainsi que des veuves de Polynésie, de France et du Sahara. Certains moments, madame la ministre, ont été difficiles à supporter.

Ce colloque a donné lieu à des communications scientifiques et des témoignages, qui tendaient tous à établir un lien de causalité entre les essais nucléaires pratiqués par notre pays et certaines pathologies observées sur des civils ou des militaires présents à l'époque - on estime leur nombre à 150 000 au total - sur les sites tant polynésiens que sahariens.

L'association polynésienne Mururoa e Tatou a constaté que 80 % de ses membres souffraient de pathologies de la thyroïde, de cancers du poumon ou de la peau et que les femmes polynésiennes mouraient trois fois plus de cancers qu'en métropole. L'association des vétérans des essais nucléaires, l'AVEN, a pour sa part montré, dans une enquête réalisée auprès de 16 000 vétérans, que 36 % d'entre eux sont affectés de cancers, soit deux fois plus que la population française du même âge.

Ces éléments ont été confortés par une étude épidémiologique réalisée par un médecin chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, qui a démontré que le lien entre les retombées et le nombre de cancers de la thyroïde en Polynésie pouvait être considéré comme acquis. Cette étude a été relayée au mois d'août par toute la presse nationale et régionale. De nombreux Français ont découvert ce problème, qui appelle des réponses.

Or, récemment, le délégué à la sûreté nucléaire de la défense que vous avez missionné, M. Jurien de la Gravière, a présenté, à Papeete, aux responsables polynésiens le bilan complet de son étude sur les retombées radioactives des essais nucléaires. Il conclut à la dangerosité de dix d'entre eux sur quarante et un, dont six ont concerné les populations polynésiennes - jusqu'ici, la version officielle était de parler d'essais « propres » -, et il préconise en conséquence un suivi médical des populations concernées.

M. Jurien de la Gravière fait également des propositions pour la surveillance de certains sites, autres que Mururoa et Fangataufa, et la destruction ou la réhabilitation d'anciennes installations laissées à l'abandon sur les îles de Mangareva, Tureia et Hao. Grâce à l'émission « Envoyé spécial » de jeudi dernier, nous avons pu nous rendre compte de la situation révoltante dans laquelle ces îles ont été laissées après les essais nucléaires, là où la nature est d'une grande beauté.

Vous savez pourtant, madame la ministre, que ce premier bilan des données radiologiques est déjà contesté par les associations, car il leur semble partial. En outre, dans la mesure où certaines données à partir desquelles de nouveaux calculs ont été effectués par M. de la Gravière sont couvertes par le secret-défense, cette étude n'offre pas toutes les garanties de transparence.

Madame la ministre, dans le souci de clarté dont vous vous réclamez, à juste titre, à l'égard des militaires ayant servi sur ces sites, des personnels civils, des populations et des associations, et pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, je vous demande de lever le secret-défense sur l'ensemble des documents émanant du service mixte de contrôle biologique et du service mixte de sécurité radiologique. Cela permettrait à d'autres scientifiques de réaliser, s'ils le souhaitent, une étude indépendante sur le même sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Madame la sénatrice, en matière de défense, notamment dans le domaine des essais nucléaires, la France n'a rien à craindre de la transparence.

Nous sommes suffisamment forts et fiers de nos actions pour pouvoir dire ce qui a été fait et, le cas échéant, pour en tirer les conséquences lorsque certaines personnes peuvent souffrir des conséquences d'une activité. C'est ma politique, et je crois que nous avons tout à y gagner.

Les essais nucléaires dans le Pacifique font partie de l'histoire de notre pays. Ils nous permettent aussi d'être aujourd'hui protégés contre des risques qui, nous l'avons constaté hier encore, sont toujours actuels.

Il me paraît indispensable de dépassionner le débat, contrairement à ce que certains essaient de faire en suscitant des peurs ou des rancoeurs qui n'ont pas lieu d'être. Le dialogue et la concertation doivent permettre de pratiquer une politique de transparence.

C'est dans cet esprit que j'ai créé avec le ministre de la santé au cours de l'été 2003, à la demande de M. le Président de la République, un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français - c'était une première -, qui a rendu public un premier rapport d'étape en avril 2005.

Par ailleurs, en octobre 2005, j'ai mandaté M. de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, afin de reprendre localement le dialogue avec les membres du gouvernement polynésien, les parlementaires, les élus et les représentants de la société civile.

Le délégué à la sûreté nucléaire s'est rendu à trois reprises en Polynésie, notamment la semaine dernière, en vue de répondre en particulier aux demandes d'information émises par le conseil d'orientation pour le suivi des conséquences des essais nucléaires.

Un travail complet, sur le plan technique, a été engagé par le Commissariat à l'énergie atomique et par le département de suivi des centres d'expérimentation nucléaire de la délégation générale pour l'armement afin de vérifier concrètement les conséquences radiologiques des essais et d'affiner l'évaluation de leurs effets.

Le délégué à la sûreté nucléaire a, dans ses déplacements du mois d'avril et d'octobre, commenté et expliqué les premiers résultats obtenus, qui confirment les mesures prises à l'époque.

D'ici à la fin de l'année, le ministère de la défense et le Commissariat à l'énergie atomique publieront un ouvrage sur l'ensemble des essais nucléaires français dans le Pacifique complétant les données qui ont déjà été fournies. Ainsi, l'ensemble des données radiologiques des essais nucléaires dans le Pacifique auront été publiées.

En revanche, madame Luc, je ne peux pas lever le secret-défense sur les documents émanant du service mixte de sécurité radiologique et du service mixte de contrôle biologique sans contrevenir à nos obligations internationales en la matière. Je n'ai pas le droit de le faire. Néanmoins, je n'exclus pas que des scientifiques dûment habilités et travaillant dans un cadre très précis puissent avoir accès à ces dossiers.

Quant au colloque auquel vous avez participé et auquel l'État n'était pas invité, les affirmations qui y ont été formulées reposent sur des travaux qui, à ce jour, n'ont pas été publiés et dont la valeur scientifique ne peut donc pas être appréciée.

Pour pouvoir estimer la valeur de ces travaux - et je me prononce ni dans un sens ni dans l'autre -, j'ai personnellement saisi l'Académie des sciences et l'Académie nationale de médecine afin qu'elles puissent, dès que ces travaux seront publiés, nous éclairer sur la validité de leurs conclusions. Ces avis, bien entendu, seront rendus publics. Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, ma volonté de transparence est entière et concrète. Ce ne sont pas là simplement des paroles ; en témoignent toutes celles qui ont été suivies d'actes depuis maintenant plusieurs années.

À cet égard, je tiens à souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France est le seul État doté d'armes nucléaires à pratiquer une telle politique de transparence sur ses essais. Ce point mérite d'être souligné et salué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, je ne peux pas être complètement satisfaite de votre réponse dans la mesure où vous ne pouvez pas lever le secret-défense.

Néanmoins, je prends acte de vos engagements et de votre volonté de dépassionner le débat, d'engager un dialogue et de pratiquer la transparence.

Avec le rapport de M. de la Gravière, nous avançons à petits pas dans la reconnaissance de la nocivité des essais nucléaires de la France. L'action engagée par les associations et soutenue par Me Tessonière a certes beaucoup aidé à faire progresser le dossier. Mais, au regard de la complexité et de l'ampleur du problème, nous sommes encore loin du compte. Demeure toute la question des essais souterrains et de ceux du Sahara.

Sur le fond, les associations notamment veulent obtenir, grâce à une étude impartiale, que l'État reconnaisse, comme l'ont fait les Américains et les Britanniques, que les essais nucléaires français ont eu des conséquences dommageables pour les populations civiles et les militaires, ainsi que pour l'environnement.

Madame la ministre, votre réponse rejoint la proposition que j'allais vous faire. Si la levée du secret-défense sur certaines données ne vous semble pas réalisable, car elle nuirait à notre sécurité - ces essais datent de quarante ans ! - des scientifiques dûment habilités pourraient avoir accès au dossier pour mener à bien une étude indépendante ; je pense, par exemple, à M. de Vathaire.

J'ai conscience que vous avez hérité d'une situation difficile. Mais le temps est venu de faire toute la lumière sur les conséquences de ces essais nucléaires et de les assumer. Les victimes civiles et militaires en ont besoin pour retrouver leur dignité et pour bénéficier d'une indemnisation, comme les veuves que j'ai entendues témoigner à Papeete en ont besoin pour faire leur deuil.

Madame la ministre, vous pourriez rester dans l'histoire comme celle qui aura créé les conditions de la transparence, ce qui serait de nature à améliorer nos rapports avec la Polynésie française et à développer le tourisme.

De son côté, M. de la Gravière doit également mesurer toute la difficulté de sa tâche afin que les vaines polémiques soient évitées. Le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a accepté de l'auditionner, ce qui ne s'est jamais fait.

Au moment où la Corée du Nord vient d'effectuer ses premiers essais nucléaires, où le droit international n'est pas respecté, le monde a peur de la prolifération des armes nucléaires. Il faudra bien un jour interdire ces essais pour sauver les hommes et la planète, car ils ont déjà tué, notamment dans les îles Marshall et Fidji.

Un groupe de sénateurs appartenant à toutes les tendances politiques vient de se constituer pour lutter contre la prolifération des armes nucléaires, car nous ne voulons plus jamais revoir ce qui s'est passé au Japon.

situation des maires confrontés aux gens du voyage et à la justice

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 1081, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Hubert Haenel. Monsieur le ministre, ma question concerne les gens du voyage.

Malgré les évolutions législatives et réglementaires, les maires sont toujours confrontés à des situations inextricables. Que doit faire, par exemple, un maire pour débarrasser un terrain communal irrégulièrement occupé par des gens du voyage qui quittent les lieux en laissant derrière eux des épaves de caravanes contenant des détritus de toutes sortes et présentant un danger pour la salubrité, voire la tranquillité publiques, compte tenu de leur proximité avec des maisons d'habitation ?

Récemment, un maire du Haut-Rhin confronté à cette situation a été condamné au-delà des réquisitions du ministère public pour avoir détruit des épaves de caravanes, ayant appartenu à des gens du voyage qui étaient en situation illégale sur le territoire français. Il attend toujours que les représentants de l'État, notamment le procureur de la République, lui indiquent ce qu'il aurait dû faire.

Dans de telles situations, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, les maires sont corvéables et justiciables à merci. Sur qui peuvent-ils compter pour les aider à assumer leurs responsabilités ?

Je prendrai un autre exemple. Toujours dans mon département, la présence massive et durable, depuis 2004, de gens du voyage sur un site privé d'une zone industrielle exaspère les entreprises. ALSABAIL, le propriétaire, qui a tout essayé, se déclare d'ailleurs prêt à engager un recours contre l'État pour carence. Les dégradations massives à l'intérieur comme à l'extérieur d'un bâtiment ont occasionné des dégâts estimés à quelque 4,3 millions d'euros ! Quatre requêtes en expulsion formulées devant le tribunal de grande instance de Colmar ont été rejetées, les procédures en référé contre des personnes nommément désignées ne pouvant aboutir puisque les préfectures refusent de communiquer les noms correspondant aux numéros d'immatriculation des véhicules relevés sur place.

Alors étonnons-nous que certains maires, exaspérés, en aient ras-le-bol et règlent parfois les problèmes d'une manière peu orthodoxe, mais à la plus grande satisfaction des habitants de leur commune ! Toutefois, l'État ne les ménage pas, notamment la justice. Que peut et doit faire cet État que vous représentez, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Nicolas Sarkozy, qui m'a chargé de vous répondre aussi précisément que possible, car il sait combien vous êtes préoccupé par cette question.

Comme vous le savez, l'élimination des épaves de caravanes et des détritus qu'elles contiennent est mise en oeuvre au titre du code de l'environnement.

Aux termes de ce code, il appartient à la personne qui produit, détient ou abandonne des déchets d'en faire assurer l'élimination. À défaut, l'autorité de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable.

Le maire peut donc intervenir en matière de nuisances causées par les déchets sur un terrain. Cette intervention s'impose notamment lorsque ces déchets mettent en cause gravement la salubrité et la sécurité publiques.

Il doit, pour ce faire, adresser une mise en demeure à l'auteur des dépôts, assortie d'un délai pour qu'il procède ou fasse procéder à l'enlèvement. Une fois le délai échu, il peut d'office faire enlever les déchets, et ce toujours aux frais du contrevenant.

Je précise, monsieur le sénateur, que l'exercice du pouvoir de police doit toujours être, comme vous le savez, proportionné à son objet. Lorsqu'il s'agit d'enlever ou de détruire des caravanes de gens du voyage, même à l'état d'épaves, une particulière circonspection est de mise. En effet, ces caravanes sont considérées comme des résidences mobiles qui constituent l'habitat traditionnel de leurs occupants. La destruction d'une résidence mobile serait de nature à constituer une voie de fait susceptible d'entraîner la responsabilité pénale de son auteur. C'est donc là toute la difficulté.

Il convient donc de s'assurer préalablement que les caravanes concernées sont en état d'abandon manifeste. En principe, lorsqu'elles sont immatriculées, il y a lieu de faire procéder à la recherche de leur propriétaire. Ce n'est que lorsque l'abandon définitif de la caravane et son état d'épave sont avérés que celle-ci peut être considérée comme un déchet et remise à un démolisseur.

Enfin, monsieur le sénateur, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a d'ores et déjà apporté des précisions aux élus sur la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage par la voie du Guide du maire. En outre, une réflexion a également été entreprise quant à l'élaboration d'un document d'information générale précisant les pouvoirs de police du maire afférents à l'accueil des gens du voyage.

J'ajoute que la Haute Assemblée a adopté, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, un amendement, présenté par votre collègue Pierre Hérisson, qui permettra aux maires de faire procéder avec plus de célérité à l'évacuation, par les gens du voyage, de terrains qu'ils occupent indûment.

Telles sont les informations qu'il me semblait utile de porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.

M. Hubert Haenel. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre. Votre réponse, qui constitue un début, était attendue par de nombreux maires, notamment celui auquel j'ai fait allusion dans mon intervention, et prouve que vous êtes à la fois un juriste et un homme de terrain.

disparité des conditions des élus intercommunaux

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1023, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les disparités qui existent dans les conditions d'exercice des fonctions d'élus intercommunaux.

En effet, l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales permet au maire d'une commune de déléguer par arrêté, sous certaines conditions, une partie de ses fonctions à des membres de son conseil municipal autres que ses adjoints. Les conseillers municipaux ayant reçu délégation du maire peuvent alors percevoir une indemnité de fonction.

Dans le cas d'un établissement public de coopération intercommunale, le code général des collectivités territoriales donne également la possibilité à son président de déléguer par arrêté l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ces derniers ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à d'autres membres du bureau.

En revanche, contrairement à ce que prévoit le code général des collectivités territoriales pour les élus des communes, des communautés urbaines et des communautés d'agglomération ayant reçu délégation de leur président, il n'est pas prévu que les élus d'une communauté de communes autres que les vice-présidents puissent percevoir une indemnité même s'ils sont titulaires d'une délégation.

Cette différence de traitement entre les élus délégués des conseils municipaux, communautés urbaines et communautés d'agglomération, d'une part, et ceux des communautés de communes, d'autre part, est d'autant plus surprenante que, pour des raisons d'équilibre politique dans la représentation des diverses communes membres, il est de plus en plus fréquent que le bureau d'une communauté de communes comprenne des vice-présidents et d'autres membres non vice-présidents, mais disposant malgré tout d'une délégation de compétence, qui, dans certains cas, peut être plus étendue que celle dont disposent certains vice-présidents.

C'est pourquoi il conviendrait, pour faciliter le fonctionnement des structures intercommunales et pour des raisons d'équité, de traiter de manière équivalente tous les membres du bureau d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscale propre ayant reçu délégation de leur président, qu'ils soient ou non vice-présidents, comme c'est déjà le cas pour les communautés d'agglomération.

Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si la position du ministère de l'intérieur pourrait évoluer sur cette question et aller dans le sens d'un traitement équivalent de l'ensemble des membres du bureau d'une intercommunalité ayant reçu une délégation effective de leur président ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, les élus des établissements publics de coopération intercommunale assument, en effet, de plus en plus de responsabilités et supportent, de ce fait, des sujétions accrues, qui ne sont pas appelées à diminuer. Ils bénéficient naturellement, en contrepartie, d'un certain nombre de garanties et d'indemnisations.

Ainsi, outre les garanties dont ils jouissent, le cas échéant, au titre de leur mandat municipal, - qu'il convient de ne pas passer sous silence -, les représentants des communes au sein des communautés de communes peuvent aujourd'hui se voir appliquer l'essentiel des droits en vigueur pour les conseillers municipaux.

Ils peuvent, en effet, user d'un droit propre à crédit d'heures, recevoir une compensation de la perte de revenus résultant de l'utilisation de ce droit d'absence, voire demander une suspension de leur contrat de travail, tout en étant protégés d'éventuelles mesures discriminatoires de la part de leur employeur, si elles sont prises en considération du mandat électif. Ils jouissent ès qualités des dispositions relatives à la formation des élus et sont susceptibles de prétendre aux mesures d'accompagnement accordées à l'issue du mandat. Il s'agit, en particulier, du stage de remise à niveau, du bilan de compétences et de l'allocation de fin de mandat.

En revanche, s'agissant des régimes indemnitaires, le législateur a étendu aux élus siégeant dans ces structures la plupart des dispositions en vigueur pour les conseillers municipaux, mais il a effectivement raisonné de façon différente s'agissant, d'une part, des communautés de communes et, d'autre part, des communautés urbaines et d'agglomération, en tenant compte des compétences exercées par ces EPCI et des responsabilités distinctes qui en résultent.

Les conseillers communautaires des communautés d'agglomération ont un régime issu de celui des communautés urbaines, lui-même aligné sur celui des communes, afin de bénéficier d'un « statut » adapté à la charge de travail que représente l'exercice de leur mandat au sein d'un groupement intercommunal aussi intégré et doté de nombreuses compétences obligatoires.

Les élus des communautés de communes se sont vu appliquer de façon sélective les règles relatives aux conseillers municipaux, qui réservent le bénéfice d'une indemnité à l'exercice effectif des fonctions de président et de vice-président.

Force est de constater que la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et celle du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ont permis, en même temps qu'un développement très rapide de l'intercommunalité - je ne m'étendrai pas sur ce succès quantitatif -, la mise en place d'un véritable statut de l'élu intercommunal.

Monsieur le sénateur, une évolution de ce statut n'est pas exclue a priori. Elle doit cependant s'inscrire dans la perspective du renforcement qualitatif, et non plus seulement quantitatif, de l'intercommunalité engagé par le Gouvernement, par la circulaire du 23 novembre 2005, signée par M. le ministre d'État et moi-même, et doit reposer sur un véritable bilan des dispositions existantes, qui reste à établir.

C'est dans ce cadre, monsieur le sénateur, que pourront être examinées les propositions qui ont été formulées par la représentation nationale et qui ont naturellement retenu l'attention du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je vous remercie de l'ouverture que vous avez annoncée.

Je partage pleinement votre approche selon laquelle on ne peut élargir indistinctement les droits des élus des communautés d'agglomération ou des communautés de communes, compte tenu de l'existence de très grandes disparités entre elles, ne serait-ce qu'au regard de leurs compétences ou de leur taille.

Il convient donc d'étudier la question soulevée dans le cadre de la démarche engagée par le Gouvernement en vue d'une meilleure structuration de nos intercommunalités.

montant de la dotation de base de la dgf

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1092, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, très nombreux sont les maires, particulièrement dans mon département, qui se plaignent - sujet récurrent - de l'insuffisance de la dotation globale de fonctionnement, ou DGF, perçue par leurs communes. Il s'agit, en règle générale, des communes rurales aux ressources particulièrement faibles.

Lorsque je vous ai saisi récemment de la situation de l'une d'entre elles, vous m'avez répondu, monsieur le ministre, que les écarts de dotation constatés aujourd'hui entre plusieurs communes correspondaient souvent à des écarts qui existaient déjà avant la réforme de la DGF de 1993 : c'est parfaitement exact, mais l'on peut raisonnablement se demander pourquoi le Gouvernement et le Parlement n'ont pas cru devoir, à l'époque - ou depuis lors -, mettre fin à ces écarts, dont certains remontent au versement représentatif de la taxe sur les salaires !

Les lois de finances pour 2004 et pour 2005 ont sensiblement modifié le mode de répartition de la DGF des communes, créant, notamment, une dotation de base attribuée à toutes les communes en fonction de leur nombre d'habitants.

Je n'étais pas parlementaire en 1993, mais j'ai largement participé aux débats sur les projets de loi de finances pour 2004 et 2005 et je suis intervenu, à plusieurs reprises, contre la mise en place d'une dotation de base différenciée suivant l'importance de la population des communes.

En effet, il me paraissait totalement anormal qu'une commune rurale perçoive, par habitant, une dotation de base de 60 euros, alors qu'une ville de plus de 10 000 habitants reçoit à ce titre 120 euros. J'avais ajouté que cet écart se creuserait au fil des années, ce qui s'est vérifié si l'on considère le montant des dotations versées en 2006. Elles sont passées, en effet, de 60 euros à 61,23 euros dans le premier cas, et de 120 euros à 122,45 euros dans le second.

Cette différenciation entre communes me semble totalement injustifiée.

Le temps est bien révolu où les charges de centralité étaient uniquement supportées par les villes et où les communes suburbaines ne souhaitaient pas y contribuer. À la suite de la création des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des communautés de communes, ces charges sont désormais assumées par ces communautés, qui perçoivent, en contrepartie, une DGF très largement majorée.

Je ne vois donc pas pourquoi l'on maintient une attribution différenciée de la dotation de base de la DGF, ce qui pénalise toujours les communes rurales.

Compte tenu de la faiblesse de leurs ressources, il conviendrait, au contraire, de leur appliquer le principe de la discrimination positive, afin que le montant de cette dotation soit inversement proportionnel au nombre d'habitants ou, au moins, dans un premier temps, identique pour toutes les communes, c'est-à-dire de l'ordre de 90 euros par habitant, comme je l'avais d'ailleurs suggéré en 2004 et 2005.

J'ose espérer que le Gouvernement entendra mes arguments et prendra des mesures, aussi rapidement que possible, afin que les communes rurales bénéficient d'une répartition plus juste de la DGF.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui a été mise en oeuvre par la loi de finances pour 2005, répondait à un objectif simple. Il s'agissait de clarifier les modalités de répartition de cette dotation, à l'évidence légèrement brouillées par l'empilement de dotations, devenues « fossiles » , et de la faire reposer autant que possible sur des critères à la fois simples, objectifs et équitables.

Le groupe de travail du Comité des finances locales, dont les propositions ont très largement inspiré cette réforme, a retenu deux critères pour la dotation forfaitaire des communes : à titre principal, la population et, dans une moindre mesure, la superficie.

En 2005, la dotation de base attribuée en fonction du nombre d'habitants de la commune variait, effectivement, de 60 à 120 euros par habitant, selon la taille des communes. En 2006, compte tenu des indexations, elle fluctue de 61,23 à 122,45 euros par habitant.

Ce choix résulte d'un constat objectif. Le progrès de l'intercommunalité n'a pas eu pour effet, à ce jour tout du moins, de transférer l'ensemble des charges de centralité sur les groupements. Sur la base des budgets primitifs pour 2003, qui ont été étudiés en détail pour la préparation de la réforme, il est apparu clairement - et cela explique le raisonnement - que les dépenses réelles totales sont plus importantes pour les grandes villes.

C'est ainsi que, pour les communes de moins de 10 000 habitants, la dépense moyenne par habitant s'élève à 1 297 euros, contre 1 642 euros pour les communes de plus de 10 000 habitants. Cet écart est encore plus marquant pour les seules dépenses réelles de fonctionnement, qui sont inférieures à 640 euros pour les premières strates et augmentent régulièrement en fonction de la taille de la commune jusqu'à plus de 1 200 euros par habitant.

On peut assortir ce constat de différentes explications, voire, comme vous le faites, monsieur le sénateur, de regrets, si l'on considère que l'intercommunalité a vocation à assumer l'intégralité des charges de centralité.

Vous connaissez d'ailleurs mon souci de renforcer le contenu de l'intercommunalité et l'exigence dont j'ai souhaité accompagner le report de l'intérêt communautaire. Vous vous souvenez que j'avais accordé une année supplémentaire, jusqu'au 18 août dernier, pour la définition de cet intérêt communautaire.

Il n'en reste pas moins que la réforme de la dotation forfaitaire des communes devait être faite en équité et que, à ce titre, le Gouvernement, tout comme le Comité des finances locales, se devaient de prendre en compte les disparités réelles des dépenses par habitant en fonction de la taille des communes.

Enfin, cette réforme présente deux autres aspects, qui me conduisent à la considérer comme équitable.

D'une part, elle garantit à deux communes de population identique qu'elles percevront la même dotation de base. Imaginez tout le débat qui s'ensuivrait si ce n'était pas le cas !

D'autre part, grâce à la formule d'évolution de la dotation en fonction du nombre d'habitants, inspirée par votre collègue Yves Fréville, cette réforme évite tout effet de seuil, ce qui était une préoccupation légitime.

Vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n'envisage pas, pour l'instant, de remettre en cause, le principe même de cette réforme.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je remercie M. le ministre de la continuité qu'il manifeste dans sa réflexion, mais sa réponse à ma question n'est pas satisfaisante pour les communes rurales.

Certes, les différences entre villes de plus de 10.000 habitants et petites communes rurales résultent du poids des charges qu'elles assument, mais elles tiennent peut-être aussi à leur gestion.

Tous ces éléments méritent d'être approfondis et j'ose espérer, monsieur le ministre, qu'un jour tout de même nous remettrons ce sujet sur le métier, afin de parvenir à effacer au moins les écarts les plus importants.

M. le président. Monsieur le ministre, j'ai dit à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État que la communauté urbaine de Marseille perdait 19 millions d'euros. Alors, je m'interroge sur les modalités de calculs !