Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je reprends à mon compte les arguments que vient de développer Jean-Pierre Michel : des réponses claires doivent être apportées concernant les conseils de prud'hommes, notamment par rapport à la réforme de la carte judiciaire.

Je citerai l'exemple de la suppression, dans le département du Rhône, du conseil des prud'hommes de Givors.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est votre proposition ?

M. Guy Fischer. Non, c'est la vôtre ! Nous, nous sommes pour le maintien de ces juridictions parce que nous savons bien que la suppression de certains conseils de prud'hommes ne fera qu'accroître les distances à parcourir pour de nombreux justiciables, alors même que les travailleurs ont déjà tant de mal à faire entendre leur voix et à voir leurs droits reconnus.

C'est pourquoi, à propos des effets de la réforme de la carte judiciaire sur les conseils de prud'hommes, je tiens à relayer la préoccupation des élus du secteur de Givors, en particulier celle du maire de cette ville, Martial Passi, préoccupation qu'ils partagent avec les organisations syndicales et l'ensemble des travailleurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais juste redire à MM. Michel et Fischer que le ministère de la justice et le ministère du travail effectuent un travail de proximité sur la carte judiciaire et la question prud'homale. Nous avons entamé les consultations des partenaires sociaux sur ce point. Il y aura forcément concertation, car, moi, je ne sais pas réformer sans concertation !

M. Guy Fischer. Nous verrons !

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Fischer, j'attends que vous trouviez un exemple qui démontre le contraire !

Ne jouons pas sur les mots, monsieur Michel. Vous avez parlé de l'appel et de la cassation. Aucun ministère n'a de « compétence » sur l'appel et la cassation : tous deux relèvent strictement de la marche de la justice. En revanche, vous l'avez d'ailleurs dit, sur les élections prud'homales et la formation, la compétence du ministère est pleine et entière. La question des moyens et du personnel dépend évidemment ministère de la justice, mais vous connaissez suffisamment les contours de ce secteur pour ne pas créer de confusion entre les élections et les procédures d'appel et de cassation. (M. Jean-Pierre Michel acquiesce.)

Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette approbation.

Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission est ainsi libellé :

Avant le 1° de cet article, insérer les dispositions suivantes :

1° A Avant la première partie, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Dialogue social

« Art. L. 1. - Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation.

« A cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

« Lorsqu'elles font connaître leur intention d'engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu'elles estiment nécessaire pour conduire la négociation.

« Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence. Lorsque le Gouvernement décide de mettre en oeuvre un projet de réforme en l'absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations mentionnées ci-dessus en la motivant dans un document qu'il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence.

« Art. L. 2. - Le Gouvernement soumet les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le champ défini par l'article L. 1, au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation, selon le cas à la Commission nationale de la négociation collective, au Comité supérieur de l'emploi ou au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 2271-1, L. 5112-1 et L. 6123-1.

« Art. L. 3. - Chaque année, les orientations de la politique du Gouvernement dans les domaines des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi que le calendrier envisagé pour leur mise en oeuvre sont présentés pour l'année à venir devant la Commission nationale de la négociation collective. Les organisations mentionnées à l'article L. 1 présentent, pour leur part, l'état d'avancement des négociations interprofessionnelles en cours ainsi que le calendrier de celles qu'elles entendent mener ou engager dans l'année à venir. Le compte rendu des débats est publié.

« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état de toutes les procédures de concertation et de consultation mises en oeuvre pendant l'année écoulée en application des articles L. 1 et L. 2, des différents domaines dans lesquels ces procédures sont intervenues et des différentes phases de ces procédures. » ;

1° B - Les articles L. 2211-1 à L. 2211-3 sont abrogés ;

1° C - Le chapitre II du titre Ier du livre II de la partie 2 devient « chapitre unique » et l'article L. 2212-1 devient l'article L. 2211-1 ;

1° D - Au 3° de l'article L. 6123-1, la référence à l'article L. 2211-2 est remplacée par la référence à l'article L. 2 ;

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Voilà neuf mois, nous votions ici le projet de loi de modernisation du dialogue social. Nous avions alors prévu que ces dispositions constitueraient dorénavant une sorte de préambule du code du travail. Or nous nous sommes aperçus, à la suite du travail de recodification, qu'il apparaissait en deuxième partie dans le nouveau code.

La commission de codification a peut-être travaillé rapidement, mais, pour ma part, je souhaite que ces mesures soient remises en tête du code, car elles constituent bien un préalable au droit du travail. D'ailleurs, M. le ministre vient d'affirmer toute l'importance qu'il accorde au dialogue social. Donc, même si je suis consciente que cela risque de poser quelques problèmes de recodification, il me semble normal que nous restions fidèles à ce que nous avons précédemment voté.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement répond effectivement à une demande des partenaires sociaux. Il ne fait que reprendre, comme l'a dit Mme le rapporteur, un texte voté, en le déplaçant en tête du nouveau code pour lui donner une force symbolique plus grande.

Si cela relève donc avant tout de l'ordre du symbole, encore faut-il que la mesure de principe ainsi définie soit appliquée.

Nous jugerons sur pièces, mais les dernières dispositions qui ont été prises ici concernant le code du travail ont préalablement fait l'objet de concertations plus ou moins approfondies. Quant aux délais qui sont parfois donnés pour négocier, ils ressortissent plus de la sommation que de la concertation.

En tout cas, puisque nous nous sommes prononcés, à l'époque, pour l'ouverture d'un dialogue et la création de conditions favorables avant tout dépôt d'un texte concernant le droit du travail et les relations professionnelles, nous voterons l'amendement de Mme le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Pour notre part, nous serons plus nuancés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

D'un côté, pour être cohérents avec la position que nous avions prise sur le texte concernant la modernisation du dialogue social, nous nous abstiendrons.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est dommage !

M. Guy Fischer. Mais, d'un autre côté, sur la mise en oeuvre de cet amendement, qui vise à procéder à un repositionnement,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Un petit effort encore !

M. Guy Fischer. ...comme vient de le dire Mme le rapporteur, le débat est ouvert.

Monsieur le ministre, vous dites que vous êtes les champions de la concertation...

M. Xavier Bertrand, ministre. Je n'ai pas dit cela, mais, venant de vous, cette expression est flatteuse !

M. Guy Fischer. Quand je vous écoute, je n'entends que cela, mais je ne partage pas votre point de vue.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n'aimez pas la concertation ?

M. Guy Fischer. Je n'aime pas la manière dont vous l'organisez, monsieur le ministre : à marche forcée, bien souvent, sans donner le temps nécessaire.

M. Jean-Pierre Michel. On pourrait même dire : à un rythme de joggeur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Ainsi, sur des dossiers très importants, M. le Président de la République a fait part de ses objectifs en vous invitant, monsieur le ministre, à agir sur tous les fronts dans les quinze jours !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela ne m'empêche pas de venir au Sénat !

M. Guy Fischer. Les sujets en cause méritent pourtant un peu plus de considération.

Prenons la question des régimes spéciaux de retraite : ce sujet n'avait pas été abordé lors de la discussion du projet de réforme Fillon de 2003. En outre, le ministre n'avait engagé les négociations qu'en 2004 - on évoquait dans le même temps la réforme de l'assurance maladie - avec les industries électriques et gazières.

Et voilà que vous nous dites maintenant qu'il faut aller très vite ! Cela signifie, alors que la question est très vaste et que les changements envisagés suscitent une profonde réprobation de notre part, que les présidents des groupes parlementaires devront, dès le 2 octobre, donner leur point de vue. On sait qu'un débat sur ce sujet aura lieu le 10 octobre au Sénat, à la suite d'une déclaration du Gouvernement.

Pour que puisse s'engager un véritable dialogue social avec le Gouvernement, les partenaires sociaux, qui ont exprimé leur désapprobation, auraient, semble-t-il, obtenu un peu plus de temps. Mais, nous parlementaires, comment allons-nous faire en sorte que de tels dossiers puissent être véritablement examinés au sein des commissions ? Ce n'est pas sérieux ! D'ailleurs, bien souvent, au moment où la concertation débute, les décisions sont pratiquement prises.

Y aura-t-il un projet de loi ? Ou bien la réforme se fera-t-elle, comme on le lit dans certains magazines, par un décret en fin d'année ?

Nous ne sommes pas d'accord avec une telle conception du dialogue social.

Sur le fond, nous souhaitons vivement qu'il soit répondu aux souhaits des partenaires sociaux, mais la forme même soulève déjà bien des interrogations.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le 1° de cet article :

Le 3° de l'article L. 1111 3 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. En totale cohérence avec nos positions passées et à venir, nous demandons l'abrogation du 3° de l'article L. 1111-3 du code du travail, qui a pour conséquence d'exclure les salariés sous contrat insertion-revenu minimum d'activité du calcul de l'effectif de l'entreprise.

Vous connaissez, monsieur le ministre, notre position sur ce sujet. Nous vous l'avions d'ailleurs rappelée au moment du débat sur le contrat première embauche !

Mais permettez-moi de revenir à la source de cette mesure et de cette exclusion. Il s'agit en fait de permettre à l'employeur d'éviter artificiellement d'atteindre certains seuils créateurs de droits nouveaux pour les salariés ou, pour le moins, d'échapper à des obligations nouvelles.

Il en est ainsi du seuil des dix salariés - au-delà duquel l'employeur doit procéder à la mise en place d'élections des délégués du personnel -, du seuil des vingt salariés - qui impose une présence de 6 % de travailleurs handicapés et qui oblige également l'entreprise à cotiser à un fonds national d'aide au logement - et naturellement du seuil des cinquante salariés - au-dessus duquel la création d'un comité d'entreprise est obligatoire. Et il ne s'agit là que de quelques exemples ; mais ils suffisent à démontrer comment votre volonté, associée à celle du MEDEF, est bien de contourner la loi.

J'ai espéré un instant que la jurisprudence européenne vous ramènerait à la raison, mais la lecture de cet article donne à penser que tel n'est pas le cas.

En effet, la Cour de justice des Communautés européennes s'est prononcée le 18 janvier dernier contre l'ordonnance du 2 Août 2005 qui autorisait, au motif fallacieux d'inciter à l'embauche de jeunes, à exclure du calcul de l'effectif les jeunes de moins de vingt-six ans. La CJCE a jugé cette disposition contraire à la directive européenne du 11 mars 2002 relative à l'information et à la consultation des travailleurs.

De fait, votre mesure avait pour effet de priver une catégorie spécifique de salariés du droit légitime à la représentation. Sur le plan « philosophique », vous validiez ainsi la théorie selon laquelle il fallait opérer des distinctions entre les salariés, comme si certains, en raison de leur âge ou d'autres critères, n'étaient pas pleinement des salariés.

Avec ce projet de loi, vous en revenez donc à la bonne vieille méthode de la mise en concurrence des salariés en ce qui concerne leurs droits.

Nous pensons, quant à nous, que tout salarié présent dans l'entreprise qui, par son implication et son activité professionnelle, contribue à la richesse de cette entreprise et donc à sa réussite, a droit à la reconnaissance. Cette dernière passe certes par un juste salaire, mais elle ne saurait se limiter à cela.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour deux raisons. D'une part, il tend à remplacer un singulier par un pluriel. D'autre part, il aurait pour objet d'aboutir à une modification, alors que la codification doit se faire à droit constant.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais juste dire à Mme David que la décision de la CJCE, si je ne me trompe, concernait les jeunes de moins de vingt-six ans, ce qui n'est pas le cas de son amendement.

Pour le reste, comme l'a très bien indiqué Mme le rapporteur à l'instant, il s'agit de remplacer un singulier par un pluriel.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. La CJCE s'était effectivement prononcée sur les contrats jeunes, mais elle entérinait l'idée selon laquelle tous les salariés ont les mêmes droits au regard de l'information à partir du moment où ils travaillent dans une entreprise.

Dès lors, qu'il s'agisse de jeunes de moins de vingt-six ans ou de personnes sous contrat RMA, pour nous, la logique est la même.

J'ajoute que mon amendement a été rectifié et qu'il s'agit non plus seulement de viser un alinéa de l'article 3 du projet de loi, mais d'abroger le 3° de l'article L. 1111-3 du code du travail, qui concerne l'ensemble des salariés sous contrat RMA.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Si votre amendement a effectivement été rectifié, il n'en demeure pas moins qu'il vise à apporter une modification sur le fond. La codification ne serait plus à droit constant puisqu'une disposition serait abrogée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° L'article L. 1225-17 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« À la demande de la salariée et sous réserve d'un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l'accouchement peut être réduite d'une durée maximale de trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l'accouchement est alors augmentée d'autant.

« Lorsque la salariée a reporté après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité et qu'elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l'accouchement, ce report est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l'arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d'autant. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Le projet de loi prévoit d'intégrer dans le nouveau code du travail des dispositions votées dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, relatives au congé de maternité. Cependant, la rédaction proposée ne reprend que partiellement les dispositions votées dans cette loi. Cet amendement vise donc à compléter le présent projet de loi sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Permettez-moi de revenir sur l'amendement n° 65 rectifié du groupe CRC. Nous nous sommes abstenus, car, même si nous comprenons parfaitement les arguments qui ont été présentés, nous souhaitons que soit respecté le principe de la codification à droit constant.

Mon explication sur l'amendement n° 5 vaudra également pour les amendements n°s 6 et 7. Ces amendements visent à décliner dans le code du travail les conséquences législatives d'une disposition adoptée dans le cadre de la loi réformant la protection de l'enfance et relative à la modulation du congé de maternité.

Le législateur est parti du principe selon lequel certaines femmes souhaitent aujourd'hui poursuivre leur activité professionnelle au-delà des six semaines avant l'accouchement et reporter après la naissance les jours ainsi « économisés », afin d'être présentes plus longtemps auprès de leur enfant.

Le premier alinéa de ces amendements vise à inscrire dans le code du travail cette liberté donnée aux femmes dans l'organisation de leur congé de maternité. Dans la limite du même nombre de semaines que le congé actuel, elles pourront donc reporter jusqu'à trois semaines de congé prénatal après la naissance de leur enfant.

Je rappelle que cette mesure ne concerne que les femmes volontaires et dont la grossesse se déroule normalement. Pour en attester, un certificat médical devra être présenté à l'employeur à l'appui de la demande de report du congé.

Dans le deuxième alinéa, le législateur a envisagé le cas où la salariée qui avait initialement choisi de reporter une partie de son congé prénatal présente un arrêt de travail pour maladie entre la date normale du début de son congé et la date réelle résultant du report : dans ce cas, la salariée perçoit non pas des indemnités de maladie, mais des indemnités de maternité. La durée d'indemnisation après la naissance de l'enfant est réduite d'autant.

Lors des débats sur la loi réformant la protection de l'enfance, le groupe socialiste, par la voix de notre collègue Claire-Lise Campion, s'était opposé à cette disposition.

Le congé prénatal relève de l'assurance maladie et répond à des impératifs de santé publique, pour la mère comme pour l'enfant. Il ne peut en aucun cas être considéré comme un mode de garde alternatif ou modulable.

Si, dans un premier temps, on peut être séduit par cette disposition, dans un second temps, on comprend aisément qu'elle présente un risque. Certes, l'avis d'un médecin est requis, mais, dans leur grande majorité, les femmes seront tentées de courir ce risque, parfois au détriment de leur santé ou de leur enfant.

Le législateur craint que certains abus ne conduisent les femmes à reporter leur congé prénatal et à le remplacer par un arrêt maladie. Pour éviter ce type d'abus, il a prévu des dispositions contraignantes pour les futures mères, mais il n'a pas envisagé la situation où la femme se verrait prescrire un arrêt de travail non lié à sa grossesse. Qu'adviendra-t-il du report dans ce cas ? Sera-t-il diminué d'autant ?

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les amendements nos 5, 6 et 7 de Mme le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous voterons également contre les amendements nos 5, 6 et 7, ce qui ne vous étonnera pas !

Comme l'a rappelé notre collègue Jean-Pierre Godefroy, le report possible d'une partie du congé prénatal est une disposition de la loi réformant la protection de l'enfance. Au nom du groupe CRC, Guy Fischer s'était également opposé à cette modification du code du travail.

Je tiens à insister sur l'importance du congé pathologique, qui est très souvent prescrit.

Contrairement à ce qu'une partie de cette assemblée semble croire, il ne s'agit nullement d'un congé supplémentaire ou d'une période de repos. Ce congé est malheureusement une nécessité médicale pour de plus en plus de femmes.

Les conditions de travail, le stress particulier auquel les salariées sont soumises dans l'entreprise, la double journée, bien connue des mères qui concilient vie professionnelle et vie privée, ne sont pas sans effets sur la maternité et sur la grossesse. De même, le temps partiel imposé et la plus grande précarité des femmes dans le milieu professionnel ont des incidences sur le choix de constituer ou non une famille.

Voyez-vous, monsieur le ministre, les inégalités entre les hommes et les femmes persistent dans notre pays, au premier chef dans le cadre professionnel.

Certes, ces amendements ne sont qu'un jeu d'écriture : ils ne visent qu'à déplacer des dispositions d'un code à un autre. Malheureusement, ces dispositions n'incluent pas la nécessaire augmentation de la durée du congé maternité que nous avions proposée et dont nous n'avons pas pu discuter. Chose gravissime, ces amendements entraîneront la suppression larvée du congé pathologique.

Si l'on suit votre raisonnement, une salariée qui choisirait de reporter une partie de son congé de maternité après la naissance de son enfant et se verrait prescrire un arrêt maladie perdrait le bénéfice de ce report. Ainsi, alors que jusqu'à présent le congé pathologique venait, de fait, s'ajouter au congé de maternité, dorénavant il s'y substituerait !

Compte tenu de ce que nous avons déjà dit sur le congé de maternité, vous comprendrez que nous ne pouvons être en accord avec cette disposition.

Même si ces amendements ne créent rien de nouveau, ils confirment l'existant. Cet existant ne nous convenant pas, nous voterons contre ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 3° de cet article :

3° Après le premier alinéa de l'article L. 1225-19, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À la demande de la salariée et sous réserve d'un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l'accouchement peut être réduite d'une durée maximale de trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l'accouchement est alors augmentée d'autant.

« Lorsque la salariée a reporté après la naissance de l'enfant une partie du congé de maternité et qu'elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l'accouchement, ce report est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l'arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d'autant. » ;

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Sur le fond, je veux dire à Mme David que certaines femmes sont enchantées par cette disposition, qu'elles attendaient depuis longtemps. Elles préfèrent rester un peu plus longtemps avec leur enfant nouveau-né, le temps de trouver un mode de garde avant de reprendre leur activité professionnelle.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 68, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Supprimer le 4° de cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La commission ayant décidé de rejeter les amendements nos 65 et 66 tendant à prolonger le congé de maternité, il ne me reste plus qu'à défendre l'amendement n° 68. Il vise à supprimer la disposition de l'article 3 du projet de loi autorisant à reporter à la période postnatale trois semaines de congé prénatal.

Je vous entends déjà me répondre que cette mesure offre plus de souplesse aux salariées - vous venez d'ailleurs de le dire, madame le rapporteur -, qu'elle leur permet de gérer au mieux leur grossesse et leur congé en fonction de leur situation particulière.

Je crains malheureusement que vous ne méconnaissiez une réalité inhérente au contrat de travail, à savoir le lien de subordination existant entre le salarié et l'employeur ou, autrement dit, l'existence d'un rapport inégalitaire entre employés et employeurs, toujours au bénéfice de ces derniers.

Le présent projet de loi a pour postulat un mythe : celui selon lequel le salarié pourrait discuter à égalité avec son employeur.

Je crains également que vous ne méconnaissiez les conditions de travail des femmes dans l'entreprise : souvent moins bien rémunérées que leurs collègues masculins, elles bénéficient d'un avancement limité et font l'objet de discrimination à l'embauche, notamment parce que l'employeur craint que la salariée ne fasse un jour le choix de devenir mère.

Dans les faits, que va-t-il se passer ? Pour comprendre les implications de ce projet de loi, il faut en effet se projeter dans la vie de l'entreprise. L'employeur pourra demander à une salariée de reporter son congé de trois semaines. Bien sûr, légalement, celle-ci pourra refuser, mais, dans le contexte de pression sociale et de concurrence que connaît le monde du travail, il y a fort à craindre qu'elle n'accepte, en contradiction avec ses aspirations personnelles ou des exigences médicales.

J'ai déjà évoqué l'importance du congé pathologique, qui est prescrit dans 77 % des grossesses. J'ajoute qu'il est également important compte tenu du nombre trop élevé de naissances prématurés.

S'il était adopté en l'état, votre projet de loi reviendrait à supprimer le droit au congé pathologique en cas de report demandé par la salariée. En effet, ces deux congés ne peuvent être additionnés, votre texte prévoyant expressément que le congé postnatal sera diminué du temps correspondant à la durée du congé pathologique.

Il est urgent de supprimer cette disposition, pour les salariées, qu'il convient de protéger contre d'éventuelles pressions de l'employeur, et pour la santé publique.

Mais il est vrai qu'en matière de protection de la maternité, la France a rarement été en avance ou porteuse de nouveaux droits pour les futures mamans. Ainsi, alors que la première convention internationale sur la maternité, proposée et adoptée par l'Organisation internationale du travail, date de 1919, elle n'a été ratifiée par la France qu'en 1950 !

Cette convention, qui portait à l'origine le n° 3, porte aujourd'hui le n° 183, après deux révisions. La première a eu lieu en 1952 : elle visait principalement à prendre en compte l'évolution favorable des législations et des pratiques nationales, notamment la création des systèmes de sécurité sociale. La seconde révision a été opérée en 2000 : les employeurs et les gouvernements des pays parmi les plus riches du monde ont alors tout tenté pour réduire la protection des femmes enceintes au travail, relayés à l'échelon européen par la Grande-Bretagne ! Les employeurs se sont battus pour que la protection de la maternité soit adaptée aux besoins et à la situation des entreprises, appelant de leurs voeux, notamment, la flexibilité !

Je vous demande donc aujourd'hui d'être porteurs d'une autre conception de la protection de la maternité et d'adopter l'amendement n° 68.

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 4° de cet article :

4° A l'article L. 1225-23, les mots : « entre la date effective de la naissance et six semaines avant la date prévue, afin de permettre à la salariée de participer, chaque fois que possible, aux soins dispensés à son enfant et de bénéficier d'actions d'éducation à la santé préparant le retour au domicile » sont remplacés par les mots : « de la date effective de l'accouchement au début des périodes de congé de maternité mentionnées aux articles L. 1225-17 à L. 1225-19. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 68.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 7 vise à tirer les conséquences des deux amendements que nous venons d'adopter.

L'amendement n° 68 étant contraire à celui de la commission, j'émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable à l'amendement n° 7 et défavorable à l'amendement n° 68.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois utile non pas d'expliquer mon vote, mais de soumettre à la Haute Assemblée une interrogation.

J'aimerais connaître l'incidence de ce texte sur la disposition que le Sénat avait adopté à l'unanimité, après de longues discussions, concernant les congés de maternité des femmes dont l'enfant est né prématuré. Je vous rappelle que nous avions obtenu l'allongement de la durée de ce congé dans ce cas et sa prise en charge par la sécurité sociale.

Les dispositions du présent projet de loi ne porteront-elles pas préjudice aux nombreuses femmes qui peuvent désormais rester auprès de leur enfant prématuré et hospitalisé en néonatalogie, puis bénéficier d'un congé de maternité d'une durée normale pour accueillir leur enfant à la maison ?

Cette question mérite d'être examinée de près.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Ma remarque, qui justifiera mon vote, sera d'ordre général. Je pense que, dans cette discussion, nous sommes en train de nous fourvoyer !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est sûr !

M. Patrice Gélard. La ratification d'une ordonnance ayant pour but une codification à droit constant ne doit pas être l'occasion de remettre en cause l'intégralité de notre système de droit social. C'est la quatrième ou cinquième fois que j'assiste à la ratification d'une ordonnance et c'est à chaque fois la même chose ! On se trompe de champ de bataille !

Si l'on n'est pas d'accord avec le contenu actuel du code du travail, on dépose une proposition de loi ou une question orale avec débat, et non des amendements sur un projet de loi tel que celui-ci. Les amendements dont nous discutons sont des cavaliers : en tout état de cause, ils seraient rejetés par le Conseil constitutionnel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes bien d'accord !

M. Patrice Gélard. Je comprends très bien le point de vue de nos collègues du groupe CRC et du groupe socialiste, qui ont le droit de le défendre, mais, à mon avis, ils se trompent aujourd'hui de débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le premier alinéa de l'article L. 1225-24 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La salariée avertit l'employeur du motif de son absence et de la date à laquelle elle entend y mettre fin. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à réparer une omission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Milon, Mmes Kammermann et Gousseau, MM. del Picchia et Courtois, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l'article L. 1225-38 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'application de ces articles ne fait pas obstacle à l'échéance du contrat de travail à durée déterminée. » ;

La parole est à Mme Christiane Kammermann.