M. Jacques Mahéas. C'est exactement pareil pour les Français !

M. Brice Hortefeux, ministre. Précisément, j'y viens, monsieur Mahéas.

Sur le principe, exiger un niveau de revenus différent des familles étrangères et des familles françaises se justifie. Comme chacun le sait, la situation de la famille étrangère est plus difficile que celle d'une famille française, puisqu'elle doit combler des retards en termes de relations ou de réseaux, notamment familiaux, et assumer des frais d'installation.

M. Jacques Mahéas. Et donc, pour aider les étrangers, vous voulez leur mettre la tête sous l'eau ! Quel raisonnement !

M. Brice Hortefeux, ministre. Lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a souhaité adopter une position équilibrée.

Comme vous le savez, le projet de loi tend à définir un plancher de ressources, qui pourra varier entre le montant du SMIC brut, soit 1 280 euros, et un niveau plus élevé en fonction de la taille de la famille. À l'Assemblée nationale, le groupe UMP avait déposé un amendement tendant à fixer ce niveau entre 1,33 fois le SMIC et 1,5 fois le SMIC. J'ai refusé ce dispositif. Puis, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité que ce barème puisse atteindre 1,33 fois le SMIC pour les familles nombreuses. Je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, mais ma préférence était de ne pas dépasser le seuil de 1,2 fois le SMIC. C'est également la position de la commission des lois du Sénat, ce dont je me réjouis.

Le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille favorisera également l'intégration des familles arrivant dans le cadre du regroupement familial.

En signant ce contrat avec l'État, les parents des enfants ayant bénéficié du regroupement familial s'engageront à réussir l'intégration de leurs enfants. À cette fin, ils recevront une formation sur les droits et devoirs des parents en France qui portera sur leurs obligations liées à l'exercice partagé de l'autorité parentale, les relations avec l'école et les institutions liées à l'enfance.

Il s'agit d'un nouvel outil au service de l'intégration. Notre ambition est clairement d'augmenter les chances des enfants entrés en France dans le cadre du regroupement familial de réussir leur vie dans notre pays.

De plus, deux amendements présentés par le Gouvernement ont été adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Le premier avait pour objet la création d'une carte de résident permanent d'une durée illimitée qui, conformément aux souhaits du Président de la République, permettra de faciliter la vie des étrangers qui séjournent depuis très longtemps en France.

Le second visait à généraliser à tous les primo-arrivants signataires d'un contrat d'accueil et d'intégration l'établissement d'un bilan de compétences professionnelles personnalisé. Comme je l'ai déjà souligné, si l'on veut réduire significativement le taux de chômage des étrangers en France, il faut d'abord veiller à faire en sorte que les étrangers résidant dans notre pays bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi.

En outre, un nouvel outil statistique permettra de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration.

C'est l'objet d'un amendement qui a été présenté à l'Assemblée nationale par les deux députés membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Chacun connaît la sagesse et l'expertise de cette institution sur des questions aussi sensibles. Qui mieux qu'elle peut légitimement proposer un amendement portant sur les fichiers informatiques ?

Désormais, une autorisation préalable de la CNIL permettra la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration. Il y a une vérité simple : pour lutter contre les discriminations liées aux origines, encore faut-il pouvoir les mesurer !

M. Jacques Mahéas. Il faut faire des tests ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Il s'agira d'un nouvel instrument en faveur de l'intégration. Ainsi, en menant des études fines sur les discriminations par rapport au logement, nous pourrons mieux connaître la nature et la localisation des concentrations de populations d'origine immigrée et orienter le travail des bailleurs sociaux.

Bien entendu, le Gouvernement n'a nullement l'intention de pratiquer quelque fichage « ethno-racial » que ce soit. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce n'est naturellement pas l'objet de l'amendement, dont la rédaction reprend intégralement le texte proposé par la CNIL.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que de dénégations !

M. Brice Hortefeux, ministre. Parallèlement, le projet de loi encourage concrètement le codéveloppement, l'une des missions essentielles qui m'ont été confiées.

La présence du codéveloppement dans l'intitulé du ministère dont j'ai la charge est le signe d'une volonté forte du Président de la République et du Premier ministre de donner à l'aide au développement une orientation et une dimension nouvelles.

Aujourd'hui, le continent africain représente 65 % des flux migratoires réguliers vers la France. Vous le savez, sur trois étrangers qui s'installent en France, deux viennent d'Afrique du Nord ou subsaharienne. En réalité, les flux migratoires sont d'autant plus importants que la différence de niveau de vie est forte.

M. Charles Revet. Ce n'est que logique !

M. Brice Hortefeux, ministre. Lorsque l'on sait que la moitié des 900 millions d'Africains ont moins de dix-sept ans et que plus du tiers d'entre eux vivent avec moins d'un euro par jour, on comprend à quel point la pression de l'immigration qui s'exerce sur le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud.

L'objectif français est clair : devenir un exemple en Europe en imaginant et en mettant en oeuvre des outils efficaces d'aide au développement des pays du Sud.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Notre souhaitons permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de mal survivre ailleurs.

M. Brice Hortefeux, ministre. J'ai naturellement pris connaissance avec beaucoup d'intérêt du rapport corédigé par le regretté président Jacques Pelletier et par Mme Tasca et M. Barraux, Le codéveloppement à l'essai, dans lequel la politique du codéveloppement était encore considérée comme un « prototype ». Du prototype, sachez que nous avons l'ambition de faire un exemple.

D'abord, le projet de loi de finances pour 2008 nous donne les moyens de notre action en matière de codéveloppement. Au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », le programme « Codéveloppement », dont j'ai la responsabilité, sera doté d'une enveloppe de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros de crédits de paiement. Ainsi, les autorisations d'engagement ont plus que doublé par rapport à 2007. C'est le signe d'un effort important.

Qu'allons-nous faire de ces nouveaux moyens ?

Nous souhaitons d'abord mettre en place un fonds fiduciaire auprès d'une institution multilatérale, telle que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement. Cela nous permettra de lancer des actions visant à améliorer l'accès au système bancaire et les transferts de fonds des migrants vers leurs pays d'origine.

Certains d'entre vous sont des spécialistes sur le sujet. Vous le savez donc, la banque qui est actuellement en situation de monopole - inutile de la nommer, vous la connaissez tous - et qui assure en réalité le transfert de fonds des migrants prend 20 % de commission. Sur dix euros transférés, deux euros sont prélevés au titre des frais bancaires ! Il y a là, me semble-t-il, un véritable sujet de réflexion.

Nous souhaitons donner un nouvel élan à la réinstallation économique des migrants dans leur pays d'origine. Cette aide au projet individuel est distincte de l'aide au retour volontaire. Nous avons l'intention de financer 700 projets individuels d'un montant unitaire supérieur à 7 000 euros.

En outre, nous mobiliserons davantage les diasporas, afin de donner un nouvel élan aux actions bilatérales de développement. En 2008, nous y consacrerons 45 millions d'euros.

Par ailleurs, et c'est déjà public pour l'essentiel, une nouvelle série d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement seront progressivement signés. Ainsi, la première partie d'un accord a été signée avec le Sénégal et la deuxième partie le sera avant la fin de l'année. De même, un accord a été signé avec le Gabon au mois de juillet dernier. Des discussions approfondies sont engagées avec le Bénin et la République du Congo. J'ai bon espoir que tout cela puisse aboutir avant la fin de l'année. Là aussi, nous pourrons mettre en oeuvre des programmes de réinsertion sur place de médecins et d'autres professionnels de la santé travaillant en France et volontaires pour un retour. Des accords verront également bientôt le jour avec d'autres pays, notamment le Mali, Haïti, Madagascar, le Cameroun et le Togo.

De plus, je souhaite développer nos actions originales en faveur de l'épargne des migrants.

Là encore, je voudrais rendre hommage à Jacques Pelletier, qui a dirigé pendant près de dix ans le groupe du RDSE. Il fut l'artisan du compte épargne codéveloppement, créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui permet aux étrangers souhaitant investir dans leur pays d'origine d'épargner en bénéficiant d'exonérations fiscales. D'ailleurs, au-delà des préférences partisanes, vous aviez exprimé une forte approbation sur cette initiative.

Le compte épargne codéveloppement - naturellement, la presse ne s'intéresse pas à de tels sujets - est désormais opérationnel. Ainsi, le 11 septembre dernier, j'ai signé une première convention avec la Caisse d'épargne, dont le président, Charles Milhaud, avait remis un rapport sur le sujet.

Il faut aller plus loin. En effet, le compte épargne codéveloppement ne profite qu'aux contribuables acquittant l'impôt sur le revenu. Aussi, pour compléter le dispositif, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un amendement parlementaire tendant à instituer un livret d'épargne codéveloppement, et le fonctionnement sera comparable à celui du plan d'épargne logement ou à celui du livret d'épargne populaire.

Avant de conclure, permettez-moi de vous faire part de quelques remarques sur l'amendement, d'initiative parlementaire, qui a été adopté à l'Assemblée nationale, tendant à donner aux demandeurs de visa la possibilité de solliciter un « test ADN » pour démontrer leur filiation. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Comme vous le savez, cette disposition, qui est devenue l'article 5 bis du texte adopté par l'Assemblée nationale, ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement. Il s'agit d'un amendement déposé par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Thierry Mariani.

Un débat a eu lieu à l'Assemblée nationale. J'ai écouté les vingt-quatre orateurs qui se sont succédé avant d'exprimer les propositions du Gouvernement.

Le débat se poursuit au Sénat et c'est la logique de nos institutions. Je suis trop respectueux de notre démocratie parlementaire pour le regretter.

Mme Catherine Tasca. Encore heureux !

M. Brice Hortefeux, ministre. Bien au contraire, je me réjouis que les deux assemblées aient souhaité aborder, sans faux-semblant, un débat important.

De quoi s'agit-il ? Chaque année, des demandeurs de bonne foi ne peuvent pas obtenir de visa pour la France parce qu'ils ne parviennent pas à prouver leur lien de filiation, faute de disposer d'un document d'état civil fiable.

Nous le savons tous, des événements comme des conflits ou des catastrophes naturelles, mais également les difficultés structurelles de certains États, rendent les documents d'état civil peu fiables dans de nombreux pays du monde.

Même si notre pays, notamment certaines collectivités, poursuit un effort d'aide à la mise à niveau des services de l'état civil d'un certain nombre d'États - je pense au Mali, au Cameroun, à Madagascar et à la Mauritanie - c'est, à l'évidence, encore insuffisant.

Dans son récent rapport, le président Adrien Gouteyron a rappelé que 30 % à 80 % des actes vérifiés dans certains pays, en Afrique subsaharienne notamment, sont frauduleux. Je pense aussi, naturellement, au rapport de Jean-René Lecerf sur la question des fraudes à l'identité.

Ces défaillances de l'état civil pénalisent les demandeurs de bonne foi. Sur ce point, au moins, j'imagine que chacun sera d'accord. Dans certains cas, la situation de ces personnes est dramatique. Je pense, par exemple, au réfugié politique qui est sur notre territoire mais dont la famille est bien souvent dans l'incapacité de prouver le lien de parenté avec lui.

Je signale à cet égard que, dans une note de mai 2007, donc récente, sur l'intégration des réfugiés dans l'Union européenne, le Haut -Commissariat des Nations unies pour les réfugiés affirme que « la possibilité d'être réuni avec sa famille est de première importance pour l'intégration ».

M. Jacques Mahéas. Là, nous sommes d'accord !

M. Brice Hortefeux, ministre. Soyez d'accord sur l'ensemble !

M. Jean-Pierre Bel. Pas question !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Haut-Commissariat constate également que « les tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen d'établir les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial ».

Mme Nicole Bricq. Et alors ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Il y a donc bien l'un et l'autre aspect.

Face aux carences de l'état civil dans certains pays, douze pays européens se sont engagés dans la pratique de tests ADN.

Douze pays européens, parfaitement démocratiques, parfaitement respectueux des droits de l'homme,...

M. Brice Hortefeux, ministre. ...ont recours aux tests ADN pour permettre à un demandeur de visa de se constituer un élément de preuve de sa filiation lorsqu'il ne peut apporter cette preuve par un acte d'état civil. C'est le cas du Royaume-Uni - dictature bien connue -, de l'Espagne,...

M. Brice Hortefeux, ministre. ...de l'Italie, de l'Allemagne, mais aussi de la Belgique, du Danemark, des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Finlande, de la Lituanie, de la Norvège et bientôt de la Suède.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je pose la question à ceux qui sont attachés à la construction européenne : au moment où nous souhaitons harmoniser au plan européen...

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas une raison !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...les systèmes d'entrée et de séjour des étrangers, pourquoi la France se tiendrait-elle à l'écart en refusant de s'inspirer d'un dispositif éprouvé par nos partenaires européens ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. Parce qu'elle est le pays des droits de l'homme !

Mme Éliane Assassi. Parce que c'est la France !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pourquoi faudrait-il s'interdire, par exemple, de réfléchir à un système similaire à celui que les Britanniques mettent en oeuvre ? L'année dernière, dans ce pays, 10 000 tests ADN ont été pratiqués dans le cadre de demandes de visa. Peut-on en conclure que la Grande-Bretagne travailliste ne respecte pas les droits de l'homme ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Suisse pratique l'euthanasie et pas la France !

Mme Éliane Assassi. Et la peine de mort aux États-Unis et en Chine ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Dans mon esprit, mesdames les sénatrices, il ne faut pas systématiquement copier à l'identique.

M. Brice Hortefeux, ministre. Je pense simplement que, sauf parti pris idéologique, rien ne justifie de rejeter d'emblée un système pratiqué par les travaillistes britanniques, par les socialistes espagnols, par la gauche italienne, par la coalition démocrate-chrétienne et social-démocrate allemande.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'est pas honteux d'avoir un parti pris idéologique !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le débat ne doit pas être interdit et il doit être, autant que possible, rationnel et précis.

Il s'agit, en réalité, de donner un droit nouveau aux étrangers de bonne foi. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il fallait oser, mais il l'a fait !

M. Brice Hortefeux, ministre. Si je peux comprendre les doutes de plusieurs d'entre vous, si j'entends chacun et souhaite rester à l'écoute de tous, je voudrais aussi attirer l'attention sur quelques idées qui ont pu alimenter des malentendus - j'espère que ce n'est que cela - ou des polémiques inutiles.

Tout d'abord, il n'a jamais été envisagé d'obliger une personne à passer un test ADN avant d'obtenir son visa. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne prévoit aucune obligation, il définit seulement une faculté. Le consentement exprès des personnes doit naturellement être recueilli. (Mme Catherine Tasca s'exclame.)

De plus, la création de ce test n'empêcherait nullement les enfants régulièrement adoptés de rejoindre leur famille en France. Cette préoccupation a été très largement exprimée. Je rappelle que le test serait décidé à l'initiative du demandeur de visa, c'est-à-dire à l'initiative du représentant légal de l'enfant. S'il est adopté, logiquement, le représentant légal de l'enfant ne demanderait pas le test ! Le texte n'aurait donc aucune incidence pour les enfants adoptés : comme c'est le cas aujourd'hui, ces derniers pourraient entrer en France au titre du regroupement familial si l'acte d'état civil est probant.

Surtout, j'ai souhaité que l'amendement voté à l'Assemblée nationale soit entouré d'un certain nombre de garanties.

M. Brice Hortefeux, ministre. J'ai tenu à ce qu'il soit bien précisé que c'est à l'initiative du demandeur de visa, ou de son représentant légal, que le test ADN serait proposé : cela signifie concrètement que c'est non pas le consul mais l'étranger qui propose de passer le test, soit qu'il n'ait pas d'acte d'état civil, soit que le consul exprime un doute sérieux sur l'état civil.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Soyez crédible !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le test ADN n'a qu'un objet : apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée.

J'ai souhaité, de plus, que la procédure ait un caractère expérimental.

D'abord, elle ne doit s'appliquer que dans un nombre restreint de pays : il est sage de procéder par étape avant d'envisager une généralisation. Cette approche permettrait de s'appuyer sur l'expérience de nos partenaires européens, en mettant en oeuvre le test dans des pays où d'autres États européens le pratiquent également. J'ai relevé, par exemple, que le Royaume-Uni, qui propose le test dans tous les pays du monde, le pratiquait tout particulièrement au Pakistan, en Éthiopie, au Ghana, en Ouganda et en République démocratique du Congo.

Limitée géographiquement, l'expérience doit aussi être limitée dans le temps. Le Parlement devrait à nouveau débattre du dispositif des tests ADN après une période d'application provisoire de deux ou trois ans...

M. Jacques Mahéas. Vous n'aurez convaincu personne !

M. Brice Hortefeux, ministre. ... et après avoir pris connaissance d'une évaluation effectuée, en toute indépendance, par une « commission de sages ». J'avais dans un premier temps pensé à un rapport du Gouvernement, mais j'ai préféré modifier le projet de loi sur ce point. Cette commission pourrait comprendre deux députés, deux sénateurs, le vice-président du Conseil d'État, le Premier président de la Cour de cassation, le président du Comité consultatif national d'éthique et deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre.

À l'issue des débats qui ont eu lieu, notamment au sein de la commission des lois, je pense que d'autres garanties peuvent être apportées au dispositif des tests ADN. J'ai entendu les arguments avancés, depuis dix jours, émanant de plusieurs membres de la Haute Assemblée. Je pense notamment à ceux qui ont été exprimés par M. Portelli.

Je tiens à remercier M. Jean-Jacques Hyest de présenter un amendement qui me paraît répondre très précisément et très sagement aux interrogations qui ont été exprimées. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Frimat. La commission ne l'a pas adopté !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je lui laisserai, naturellement, le soin de l'exposer plus en détail. Permettez-moi simplement de relever son apport essentiel : un régime d'autorisation du test ADN par l'autorité judiciaire.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Comme vous le savez, en matière civile, l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge judiciaire. Il est nécessaire, j'en suis convaincu désormais, qu'il en soit de même pour les tests ADN susceptibles d'être pratiqués à la demande des personnes sollicitant un visa.

Le dispositif des tests ADN doit donc être entouré de toutes les garanties qu'offre la décision de l'autorité judiciaire, protectrice des libertés individuelles, des intérêts de la famille et des enfants.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Autrement dit, les tests ADN effectués par des étrangers dans le cadre d'une demande de visa le seront selon des règles identiques, dans leur principe, à celles des tests ADN actuellement proposés aux Français dans le cadre du code civil. Ce sera donc le juge civil, saisi par le consul lui-même saisi d'une demande par l'étranger souhaitant obtenir un visa, qui décidera de faire pratiquer, ou non, ce test ADN.

Mme Catherine Tasca. Cela va alléger la charge des tribunaux !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous ne pouvez pas demander que le dispositif soit à la fois léger et protecteur : il ne faut pas oublier un argument pour essayer d'en avancer un autre ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

M. Jacques Mahéas. Le dispositif sera lourd et inefficace !

M. Brice Hortefeux, ministre. Chacun souhaitait que le dispositif soit protecteur, c'est le sens de la proposition qui est avancée.

Il me paraît de même tout à fait raisonnable, monsieur Mercier, que la faculté de recourir aux tests ADN soit limitée à la recherche d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une mesure discriminatoire entre les hommes et les femmes ! (M. Dominique Braye s'exclame.)

M. Brice Hortefeux, ministre. L'Assemblée nationale avait souhaité que l'identification par empreintes génétiques permette d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec au moins l'un des deux parents - le père, ou la mère -, ou les deux parents.

Mme Nicole Bricq. Cela ne vous étrangle pas de dire cela ?

M. Josselin de Rohan. Du calme, nous n'en sommes qu'au début de la session ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Il convient de préciser que seule la filiation avec la mère pourra être prouvée par le test et produite au soutien d'une demande de visa.

De la sorte, le choix de recourir aux tests ADN ne saurait aboutir à la révélation, pour un père, qu'il n'est pas le père biologique de ses enfants.

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce point avait été longuement évoqué en commission des lois.

Il me semble, en outre, que le remboursement du test ADN par l'État est nécessaire, afin de ne pas pénaliser les demandeurs de visa sollicitant de bonne foi un test ADN mais n'ayant pas les moyens de le financer.

M. Brice Hortefeux, ministre. Volontariat, expérimentation, décision du juge, limitation à la maternité, gratuité : autant d'avancées qui, au total, font du test ADN un droit nouveau, qui sera utile aux demandeurs de visas de bonne foi.

Permettez-moi de conclure sur une dernière réflexion. Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale et le dis désormais devant la Haute Assemblée, le Gouvernement réfléchit à des modifications constitutionnelles destinées à mener à bien la transformation de la politique française de l'immigration.

Vous le savez, le Président de la République a souhaité que nous parvenions à établir chaque année, après un débat au Parlement, des quotas d'immigration, c'est-à-dire un chiffre plafond d'étrangers que la France accueillerait sur son territoire.

Mme Nicole Bricq. À l'heure de la mondialisation, cela ne veut rien dire !

M. Brice Hortefeux, ministre. La mise en place de quotas a deux objectifs précis. Elle doit tout d'abord permettre une maîtrise globale de l'immigration en France, en fixant un objectif quantitatif d'entrées de migrants conforme aux capacités d'accueil de notre pays. Elle est ensuite destinée à obtenir un équilibre entre les différentes composantes de l'immigration et entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays.

Je mesure naturellement l'importance du débat qui s'ouvre aujourd'hui devant vous. La représentation nationale est saisie d'une question essentielle, puisque l'immigration d'aujourd'hui dessine le visage qu'aura notre pays dans les décennies à venir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2003, notre pays se dote progressivement d'une politique migratoire structurée, après avoir longtemps balancé entre le mythe de « l'immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Quatre lois récentes ont posé les bases de cette politique migratoire : la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, la loi du 10 décembre 2003, modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages.

Ces lois s'articulent autour de cinq axes principaux : restaurer le droit d'asile, lutter contre l'immigration illégale, harmoniser les politiques européennes, rouvrir l'immigration de travail, aider et inciter les étrangers à s'intégrer.

Des progrès importants ont été réalisés sur ces cinq fronts, même si beaucoup reste à faire.

Ainsi, la loi du 24 juillet 2006, qui a brisé le tabou de l'immigration dite de travail et mis en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main-d'oeuvre, est en cours d'application, des accords devant être conclus avec les entreprises des secteurs en tension de main-d'oeuvre.

Du chemin reste à parcourir pour passer d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux dans un espace européen ouvert.

M. le Président de la République, dans la lettre de mission qu'il vous a adressée, monsieur le ministre, inscrit son action dans la continuité en indiquant que le coeur de la mission du ministre sera double : « conforter et approfondir la politique d'immigration choisie, telle qu'elle a commencé de se mettre en oeuvre depuis 2002, et convaincre nos partenaires de s'engager dans la définition d'une politique de gestion des flux migratoires à l'échelon européen et international ».

Elle marque ensuite une rupture à travers précisément la création d'un ministère dédié à la question des flux migratoires réunissant l'ensemble des administrations concernées. Cette réforme fondamentale de structure doit garantir la cohérence d'ensemble de la politique migratoire et d'intégration.

Le projet de loi qui est soumis à notre assemblée et dont la commission des lois est saisie au fond est moins ambitieux que les trois grandes lois précitées votées entre 2003 et 2006. Il amorce cependant une partie des réformes ou orientations nouvelles esquissées par la lettre de mission du Président de la République. Modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, il comprend désormais 47 articles regroupés en trois chapitres, contre 18 articles seulement à l'origine.

Outre plusieurs ajustements techniques consécutifs aux lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006, ce texte comporte plusieurs modifications importantes.

Ce projet de loi tire en particulier les conséquences de la nomination d'un ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement en lui accordant plusieurs compétences attribuées traditionnellement aux ministres des affaires étrangères ou de l'intérieur par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, lui est notamment transférée.

Toujours en matière de droit d'asile, ce texte met en place un recours suspensif pour les demandeurs d'asile à la frontière, comme la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme nous l'impose. La commission des lois a d'ailleurs adopté plusieurs amendements tendant notamment à porter de 24 heures à 48 heures le délai pour déposer ce recours.

L'Assemblée nationale a adopté de nombreuses dispositions nouvelles. Outre le recours à des tests ADN - j'y reviendrai -, deux d'entre elles sont plus particulièrement remarquables : la création d'un livret épargne codéveloppement et la possibilité de réaliser des études sur la mesure de la diversité ou de la discrimination sans recueillir le consentement des personnes, après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.

Mais le principal enjeu de ce projet de loi reste la maîtrise de l'immigration familiale : il s'agit de mieux la maîtriser pour mieux intégrer.

L'immigration familiale, je le rappelle, est constituée de trois principales composantes : les familles de Français, les bénéficiaires du regroupement familial et les étrangers dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.

Avec 92 380 premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers à l'Union européenne en 2005, l'immigration familiale reste le principal vecteur de l'immigration en France sur un total d'environ 187 000 titres délivrés. Un titre sur deux est délivré pour un motif familial, voire plus si l'on ne tient pas compte des 46 000 titres délivrés à des étudiants qui n'ont pas nécessairement vocation à s'installer durablement en France.

La part de l'immigration familiale a augmenté très fortement entre 2000 et 2003, du fait en particulier de l'augmentation des mariages mixtes et des régularisations en raison de liens personnels et familiaux.

Les réformes législatives de 2003 et 2006 ont profondément modifié les règles applicables aux différentes composantes de l'immigration familiale. Plusieurs préoccupations ont motivé ces réformes.

Tout d'abord, il était manifeste que certaines voies légales d'entrée en France faisaient l'objet de détournements et de fraudes.

Ainsi, les lois du 26 novembre 2003 et du 26 juillet 2006 ont mieux encadré les procédures de régularisation et allongé les délais pour l'obtention d'une carte de résident ou de la nationalité française par mariage.

Ensuite, bien que l'immigration familiale soit une immigration de droit, il n'était plus possible de laisser fluctuer « au fil de l'eau » une immigration aussi importante sans s'interroger sur notre capacité à intégrer ces primo-arrivants.

Enfin, il fallait redonner un espace, à côté de l'immigration familiale, à une immigration de travail choisie pour répondre à des besoins particuliers de notre économie. Toutefois, le propos n'est pas d'opposer immigration familiale et immigration de travail ; les titulaires d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » travaillent dans leur majorité et, inversement, l'immigration de travail d'aujourd'hui est le terreau de l'immigration familiale de demain.

Ces réformes ont déjà commencé à produire leurs fruits. Dès 2004, on observait une stabilisation - avec une augmentation limitée à 0,8 % - du nombre de premiers titres de séjour délivrés pour motifs familiaux après quatre années de forte hausse. En 2005, la tendance était même inversée, avec une baisse de 2,1 %.

Ces bons résultats ont été acquis alors même que la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, et la loi du 14 novembre 2006, relative au contrôle de la validité des mariages, n'avaient pu évidemment produire encore tous leurs effets.

Simultanément a été élaboré un véritable parcours individuel d'intégration, dont les premiers résultats sont très bons. La politique d'intégration des étrangers, en particulier des primo-arrivants, est le prolongement logique de la politique de maîtrise des flux.

Les premiers résultats du contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, obligatoire depuis le 1er janvier, sont plutôt encourageants, même si des ajustements restent à faire, notamment sur la qualité de certains prestataires de formations.

Comme j'ai pu le constater en assistant à une journée d'accueil des étrangers sur la plateforme d'accueil de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, à Paris, les signataires semblent apprécier le déroulement de cette journée.

Fort de ce constat encourageant, l'Assemblée nationale a inséré plusieurs dispositions consolidant ce contrat. Le bilan de compétences professionnelles a notamment été rendu obligatoire.

Ces réformes étaient nécessaires. Le projet de loi les complète sur plusieurs points.

En premier lieu, pour les familles, l'article 3 crée un contrat d'accueil et d'intégration ad hoc en plus du contrat d'accueil et d'intégration existant. Les parents d'enfants bénéficiaires du regroupement familial devront conclure avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. La seule obligation liée à ce contrat sera de suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France. Aussi courte et modeste que sera cette formation, elle devra faire prendre conscience d'un projet commun d'intégration englobant l'ensemble des membres de la famille.

La commission des lois vous propose d'ajouter à cette obligation celle de respecter l'obligation scolaire.

En deuxième lieu, les articles 1er et 4 du projet de loi complètent ce dispositif en prévoyant que les personnes âgées de plus de seize ans souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial ainsi que les conjoints étrangers de Français seraient désormais soumis, dans les pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République avant leur entrée en France.

La maîtrise de la langue française est un vecteur fondamental de l'intégration. La formation dispensée dans le cadre du CAI est très bonne, mais elle intervient parfois plusieurs semaines après l'entrée en France. Il peut être préférable de commencer l'apprentissage dans le pays d'origine. Le premier contact avec notre pays ne doit pas provoquer de réactions de repli.

Des craintes ont été exprimées par plusieurs associations sur les contraintes matérielles que ce dispositif pourrait faire peser sur certains étrangers. Toutefois, compte tenu de l'importance du réseau culturel français à l'étranger, les difficultés devraient être assez mineures dans l'immense majorité des cas. L'immigration en France pour rejoindre son conjoint étranger signifie un changement de vie bien plus considérable que l'obligation de suivre une formation linguistique pendant deux mois. L'effort demandé est justement le moyen pour que l'étranger prenne conscience du bouleversement à venir et de la nécessité d'une démarche active pour s'intégrer.

Sous réserve d'un amendement de précision, la commission a donc approuvé ce dispositif appliqué aux membres de la famille d'un étranger qui bénéficient du regroupement familial.

En revanche, elle a considéré que l'obligation, pour les conjoints de Français, de passer un test de langue et de connaissance des valeurs de la République et de suivre le cas échéant une formation n'était pas adaptée.

La commission a en particulier estimé que les conjoints de Français devaient bénéficier d'une présomption d'intégration et qu'ils ne pouvaient être traités exactement comme des conjoints d'étranger. En outre, l'apprentissage du français devrait se faire plus efficacement en France auprès du conjoint français que seul dans le pays d'origine. J'ajoute que les conjoints étrangers de ressortissants communautaires venant s'installer en France ne seraient pas soumis à cette obligation.

En troisième lieu, l'article 2 du projet de loi renforce les conditions du regroupement familial.

Les lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006 ont encadré le bénéfice du regroupement familial dans des règles plus strictes afin de créer les conditions d'une intégration réussie en France.

Les derniers chiffres relatifs au nombre d'entrées en France au titre du regroupement familial indiquent un infléchissement marqué du nombre de bénéficiaires. Ce nombre a connu une forte baisse en 2006. De 27 267 en 2002, il est tombé à 22 978 en 2005 et à 18 140 en 2006. Les premiers chiffres pour 2007 confirment d'ailleurs cette décrue.

Malgré ces premiers résultats et le changement très récent des conditions du regroupement familial, l'article 2 du projet de loi vise à instaurer une nouvelle modification des conditions de ressources exigées pour bénéficier du regroupement familial.

Depuis la loi du 26 novembre 2003, les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel, sans qu'il soit tenu compte des prestations familiales éventuellement perçues. La loi du 24 juillet 2006 a exclu du calcul des ressources d'autres prestations sociales.

La taille de la famille est également prise en compte dans l'appréciation des conditions de vie réelles. La superficie requise pour le logement familial varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer. Un décret du 8 décembre 2006 a d'ailleurs sensiblement renforcé les conditions de logement.

Toutefois, considérant que ce dispositif était encore insuffisant, les auteurs du projet de loi introduisent, avec l'article 2, la possibilité de moduler au-delà du SMIC les ressources exigibles en fonction de la taille de la famille. Il reviendrait à un décret de préciser l'échelle des ressources exigées en fonction du nombre de membres de la famille.

Le pouvoir réglementaire serait néanmoins encadré puisque les ressources ne pourraient ni être inférieures au SMIC ni lui être de plus de 1,2 fois supérieures.

Sur l'initiative du rapporteur de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a prévu que le montant minimum de ressources exigibles pour des familles comptant plus de six personnes pourrait atteindre 1,33 fois le SMIC.

Je dois ici rappeler qu'à deux reprises, lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003 et de la loi du 24 juillet 2006, le Sénat a rejeté à l'unanimité des dispositifs similaires à celui du présent projet de loi, introduits par la voie d'amendements d'origine parlementaire à l'Assemblée nationale.

Le Sénat et la commission avaient en effet estimé à l'époque qu'il n'y avait pas lieu de distinguer, sur le plan des ressources, la situation des familles étrangères de celle des familles de Français dans la mesure où le montant du salaire minimum de croissance est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour tous.

En outre, des doutes légitimes existaient quant à la constitutionnalité d'un tel dispositif.

Toutefois, il est certain qu'une famille de deux ou trois personnes n'a pas les mêmes besoins qu'une famille de plus de six personnes. Les prestations familiales qui compensent le surcoût lié à un enfant dans le budget familial y parviennent moins bien passé un certain seuil.

Pour ces raisons, la commission vous propose un amendement réaffirmant le principe du SMIC tout en tenant compte du cas, assez exceptionnel, il faut le dire, des familles de plus de six personnes. Pour celles-ci, les ressources exigées pourraient être modulées entre 1 et 1,2 SMIC.

J'en viens enfin à la disposition, très controversée, introduite par l'Assemblée nationale, qui permet le recours à des tests ADN pour prouver la filiation d'un demandeur de visa de long séjour pour raison familiale.

Cet amendement se fonde sur un constat : dans de nombreux États, la fraude documentaire, en particulier la fraude à l'état civil, est endémique. Les services consulaires sont confrontés à des difficultés extrêmes pour s'assurer de l'existence ou de l'authenticité d'un acte d'état civil étranger.

Le législateur a tenté d'apporter plusieurs réponses législatives à cette question, d'abord avec la loi du 26 novembre 2003, puis avec celle du 14 novembre 2006. Cette dernière permet à l'autorité consulaire, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte d'état civil étranger, de procéder aux vérifications utiles pour lever ou confirmer la suspicion de fraude pendant huit mois. Au terme de ce délai, le silence vaut rejet de la demande de visa.

Cette procédure, certes nécessaire, a toutefois pour effet de retarder considérablement la délivrance des visas de long séjour aux demandeurs de bonne foi victimes d'une défaillance de l'état civil de leur pays dont ils ne sont nullement responsables. En cas d'inexistence de l'état civil, il peut même être impossible de prouver une filiation sans recourir à des procédures complexes de preuve prévues par notre droit pour assurer la sécurité juridique nécessaire dans un État de droit.

Pour sortir de cette impasse, les députés proposent donc de recourir à des tests ADN. Plusieurs sous-amendements du Gouvernement ont d'ailleurs sensiblement encadré et modifié le dispositif.

Malgré ces garanties nouvelles, la commission des lois du Sénat a estimé, lors de sa réunion du mercredi 26 septembre, que la banalisation du recours au test ADN dans les conditions prévues heurterait plusieurs principes de notre droit et remettrait en cause des équilibres patiemment construits. De telles dispositions ne peuvent être introduites sans une réflexion préalable sur leur place au regard des principes retenus par notre pays tant en matière de filiation qu'en matière de tests génétiques.

Notre droit de la famille et, en particulier, de la filiation, ne repose pas sur la seule biologie. Au-delà de l'adoption, il est possible de reconnaître et d'élever un enfant qui n'est pas biologiquement le sien. Dans ces cas, le test ne pourrait s'appliquer, ce qui risquerait d'introduire une inégalité de traitement entre demandeurs.

Il faut également songer au cas - cela ne manquera pas de se produire - du demandeur de bonne foi qui découvrira à l'occasion du test qu'il n'est pas le père biologique de son enfant. Des familles pourraient être ainsi détruites, des enfants rejetés. Ces aspects sociologiques et culturels mériteraient sans doute à eux seuls qu'une telle modification soit précédée d'une concertation préalable avec certains pays d'origine.

Plus juridiquement, les lois dites « bioéthiques » de 1994 et de 2004 encadrent très rigoureusement les conditions dans lesquelles il peut être procédé à l'identification d'une personne au moyen de ses empreintes génétiques : cela n'est possible qu'à des fins médicales ou de recherches scientifiques, ou dans le cadre d'une procédure judiciaire, civile ou pénale. Or, le texte adopté par l'Assemblée nationale autoriserait le recours aux tests ADN dans un cadre exclusivement administratif. Pourrait alors être remis en cause un équilibre législatif prudemment élaboré.

Au vu de l'ensemble de ces interrogations, la commission des lois a souhaité supprimer la possibilité d'utiliser ce test, nonobstant les amendements soumis par votre serviteur, proposant notamment de recourir au Comité consultatif national d'éthique lors de la rédaction du décret.

Toutefois, au cours de la réunion de la commission, ce matin, M. Jean-Jacques Hyest a présenté un amendement tenant compte de plusieurs des objections soulevées la semaine dernière.

Tout d'abord, le test ne serait possible que pour prouver la filiation entre la mère et le demandeur de visa. Le cas où un père découvrirait qu'il n'est pas le père biologique ne pourrait donc pas se produire.

Ensuite, un contrôle de l'ensemble de la procédure par le juge serait introduit ; en l'espèce, c'est le président du tribunal de grande instance de Nantes qui serait compétent pour autoriser, après en avoir vérifié la nécessité, le recours au test ADN. Cette mesure s'inscrit donc dans la logique de notre droit positif.

Enfin, l'expérimentation serait réduite à dix-huit mois, et le décret serait pris après avis du Comité consultatif national d'éthique.

Cette proposition a été longuement débattue par la commission. Il a notamment été proposé par notre collègue Pierre Fauchon de prévoir la possibilité d'établir la filiation par la possession d'état, le recours au test ADN ne devant être que l'ultime solution.

Si certains commissaires ont reconnu que cette solution allait dans le bon sens, en particulier parce la procédure serait ainsi placée sous le contrôle du juge, d'autres ont estimé que le dispositif proposé continuait de heurter notre droit de la filiation du fait qu'il autoriserait pour les étrangers le recours à une technique prohibée pour les personnes résidant en France.

La commission, n'ayant pu se départager à l'issue de ce débat, n'a pas émis d'avis sur l'amendement n° 203.