M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Muguette Dini. C'est pourquoi nous soutenons la commission qui demande la suppression de cet article.

Ainsi, le PLFSS pour 2008 est bien loin d'être un texte de rupture en matière de solution aux déséquilibres financiers.

Cela ne veut pas dire que tout est négatif. Comme notre rapporteur le signalait, nous ne pouvons que nous réjouir de l'amélioration des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le remboursement à la sécurité sociale de 5,1 milliards d'euros est une excellente chose, de même que la compensation par le panier fiscal, prévu en loi de finances, des heures supplémentaires de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.

En 2007, on le sait, la branche maladie a été marquée par la reprise des déficits. Ce dérapage est essentiellement imputable à une forte progression des soins de ville, à une hausse des prescriptions, à une augmentation des honoraires et une remontée des indemnités journalières, ce qui n'est pas très étonnant, étant donné la sous-évaluation qui en avait été faite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Fixé à 1,1 %, l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie « Soins de ville » a été réalisé à 4,1 %. C'est pourquoi il est appréciable que le présent projet de loi de financement fixe l'ONDAM à un niveau beaucoup plus réaliste que celui de l'année précédente et, surtout, rééquilibre l'objectif entre la ville et l'hôpital.

Un ONDAM global fixé à 2,8 % sans la franchise et à 3,4 % en tenant compte de son impact est crédible. Avec l'effet de la franchise, cet objectif sera de 3,2 % pour les deux secteurs. C'est crédible mais irréaliste, puisque l'ONDAM qui sera finalement réalisé en 2007 devrait avoisiner 4,2 %.

Quoi qu'il en soit, comme le souligne Alain Vasselle dans son excellent rapport pour la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, la forte croissance des dépenses de santé obéit à un mouvement structurel pluridécennal. Depuis 1950, les dépenses de maladie auraient crû au rythme de 1,2 point de richesse nationale par décennie.

Quant à la réforme structurelle dont la sécurité sociale a tant besoin, elle est, à nos yeux, triple : réforme générale du financement, réforme de l'hôpital et réforme de la médecine de ville.

La branche maladie est la première concernée par la crise du financement de la protection sociale. Pour réformer ce financement, assuré à 60 % par les charges sociales, deux voies se présentent aujourd'hui à nous : d'une part, poursuivre la fiscalisation de la protection sociale, déjà bien initiée dans les années quatre-vingt-dix par la création et la montée en puissance de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS ; d'autre part, réformer l'assiette des charges sociales. Ces deux voies doivent être explorées conjointement.

La CSG est un bon impôt. Son relèvement est, en matière de recettes, l'une des pistes à privilégier. Il en est de même de la CRDS.

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a interdit tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, sans transfert concomitant des ressources correspondantes : c'est une très bonne chose.

En conséquence, il faudra peut-être en venir à relever la CRDS de 0,2 % pour que la CADES reprenne les 30 milliards d'euros de dettes qui pèsent actuellement sur la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité centrale, l'ACOSS, et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, la CCMSA, et coûtent aux assurés sociaux plus d'un milliard d'euros de frais financiers.

Le financement de la protection sociale peut aussi être fiscalisé en suivant la très intéressante proposition faite par notre commission de créer une taxe sur les boissons sucrées. La fiscalité comportementale, c'est-à-dire liée à un comportement et destinée à le faire changer, entre très naturellement dans le champ de la fiscalité de la santé. C'est vrai de la taxation de l'alcool et du tabac, cela pourrait l'être de la taxation des boissons sucrées. À l'avenir, cela devrait l'être aussi pour tous les autres aliments dont on connaît les méfaits sur la santé de nos concitoyens.

L'autre piste à explorer pour réformer le financement de la sécurité sociale, c'est la réforme de l'assiette des charges sociales, réforme que le présent PLFSS aurait pu initier, à la suite notamment du rapport annuel de la Cour des comptes. Le recensement et l'évaluation financière de l'ensemble des exonérations et réductions effectués par la Cour représentent plus de 20 milliards d'euros !

L'assise de cotisations patronales et salariales sur les stock-options et actions gratuites, votée par l'Assemblée nationale, est un premier pas en direction d'une remise à plat des niches, un premier pas qui a le mérite de lancer le débat. La solution préconisée par notre commission des affaires sociales de créer une flat tax sur l'ensemble des niches sociales nous paraît plus pertinente.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

Mme Muguette Dini. On peut toutefois s'étonner que la commission propose que l'assiette de la taxe qu'elle entend créer recouvre toutes les niches sociales, à l'exception des stock-options et des actions gratuites, c'est-à-dire à l'exception des seuls domaines qu'avaient d'abord pensé taxer les députés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce qu'elles sont déjà taxées !

Mme Muguette Dini. La réforme de la branche santé, c'est aussi l'hôpital. Je ne reviendrai pas sur le fait que l'hôpital est toujours régi par une multiplicité de textes épars qui rend sa gestion opaque et difficile. Je ne m'étendrai pas sur le fait que l'hôpital finance toujours la qualité de son service par un déficit. Les reports de charges pour les structures publiques, la course au chiffre pour les structures privées, tout cela est encore d'actualité.

Je ne reviendrai pas non plus sur les pistes très intéressantes de réforme qui ont été avancées par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, par la Cour des comptes et par le rapport d'Yves Cannac d'avril 2006

Il paraît clair que nous ne ferons pas l'économie d'une coordination de l'offre de soins à l'échelon local. Tôt ou tard, il faudra revoir la carte hospitalière pour optimiser l'offre de soins publique et privée au niveau territorial, à l'échelon des bassins de santé. Une telle réforme pourrait se fixer le double objectif de maintenir la qualité de l'offre de soins et de garantir l'efficience économique.

Une bonne fois pour toutes, ouvrons le chapitre de l'hôpital. Le passage à la tarification à l'activité, la T2A, nous donne une belle opportunité de le faire. Nous sommes bien entendu favorables à l'accélération de cette tarification par le présent PLFSS, en vertu duquel les activités de médecine, de chirurgie et d'obstétrique des établissements de santé seront financées à 100 % à l'activité, avec quatre ans d'avance sur le calendrier initial.

Nous l'avons toujours dit, la T2A appelle à la transparence des coûts et facilitera donc la coopération entre le secteur public et le secteur privé, ce que nous appelons de nos voeux. Cependant, nous sommes conscients que ce mode de financement risque de conduire les établissements à se spécialiser dans les actes les plus rémunérateurs ou à se lancer dans une course à l'acte.

Paradoxalement, la T2A peut également conduire à augmenter les coûts de l'ensemble du secteur hospitalier. Dans la logique de la rémunération à l'activité, les établissements les plus actifs percevront davantage, au détriment des autres. Toutefois, si ces derniers recevaient une compensation de leur manque à gagner sous forme d'enveloppes complémentaires, la réforme serait largement vidée de sa substance. Aussi en appelons-nous à un suivi très attentif de la manière dont sera appliquée la T2A.

Après la réforme du financement et de l'hôpital, le troisième volet de notre réforme structurelle de la branche santé, c'est naturellement la médecine de ville, tout particulièrement la médecine ambulatoire.

L'évolution des conditions d'exercice de la médecine en ville est une question clé, car elle touche aussi bien la maîtrise médicalisée des dépenses de santé que le nécessaire maintien d'une offre de soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Autrement dit, l'évolution des conditions d'exercice libéral de la médecine est intrinsèquement liée au problème, très préoccupant, de la désertification médicale.

Nous nous félicitons que, dans le présent PLFSS, la question de la démographie médicale soit enfin posée avec toute l'acuité qu'elle mérite. Comme vous le savez, madame la ministre, c'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Il ne s'est d'ailleurs pas présenté un seul texte relatif à la santé sans que nous tentions de tirer la sonnette d'alarme. Mais étant donné que nous aurons demain un débat entièrement consacré à cette question, je serai brève.

Nous pouvons faire le constat suivant : si les médecins rechignent à s'installer dans certaines zones rurales ou urbaines, ce n'est pas du tout pour des raisons de rémunération, mais parce que les conditions d'exercice y sont difficiles.

Face à ce constat, deux possibilités s'offrent à nous.

La première, c'est la contrainte. C'est ce qu'a tenté le Gouvernement avant la grogne des internes. Avec la réécriture des articles 32 et 33, la méthode de la contrainte a semble-t-il pour l'instant fait long feu.

La seconde possibilité, celle à laquelle nous sommes favorables, est le développement des modes alternatifs d'exercice de la médecine.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Muguette Dini. Nous devons favoriser la constitution de maisons de santé dans les zones sous-médicalisées. Celles-ci sont de nature à améliorer le temps médical et à désengorger les urgences des hôpitaux les plus proches. J'aurai l'occasion de développer ce point de vue demain lors du débat sur la démographie médicale.

Réfléchir à de nouvelles modalités d'exercice de la médecine libérale, c'est aussi conduire une réflexion sur la collaboration entre médecins et personnels paramédicaux sur la délégation de responsabilité ainsi que sur les modalités de rémunération des praticiens. L'expérimentation de l'article 31 marque un premier pas dans cette dernière direction.

J'en viens à la branche vieillesse.

Pour les retraites, plus encore que pour la santé, la grande réforme est à venir.

Nous sommes suspendus au rendez-vous de 2008, sachant que, du point de vue de l'équilibre de la branche, il n'y aura rien à attendre de la réforme des régimes spéciaux, qui, comme vous nous l'avez expliqué, madame la secrétaire d'État, n'est pas comptable.

Je ferai tout de même deux remarques en attendant ce grand rendez-vous.

La première a trait à la pénibilité.

Le solde démographique est suffisamment défavorable pour que l'on évite de faire supporter aux retraites le poids de la pénibilité du travail. La pénibilité doit être prise en compte tout au long de la vie active. C'est une question importante !

Ma seconde remarque porte sur la très intéressante proposition faite par notre rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Dominique Leclerc.

Ce n'est pas la première fois qu'il évoque la possibilité de remplacer l'annuité par le point. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Dès la réforme Fillon de 2003, nous n'avons jamais cessé de défendre cette position. Le remplacement de l'annuité par le point permettrait de mettre en oeuvre une véritable réforme structurelle et pérenne de nos retraites.

Pour ce qui est de la branche famille, la problématique est bien plus souriante que pour la santé et les retraites, puisqu'il s'agit de savoir ce que nous ferons de l'excédent dégagé dans les années à venir.

Là encore, je me range à l'avis de notre rapporteur : parmi les trois solutions envisagées, la première, consistant à verser les allocations dès le premier enfant, me semble à rejeter immédiatement.

En revanche, il est tentant d'en profiter pour baisser les charges patronales familiales.

Pour ma part, je serais plus franchement favorable à la troisième solution consistant à réformer les structures d'accueil des jeunes enfants. Autrement dit, il y a des besoins non couverts dans beaucoup de villes. Reste à savoir à qui serait opposable le droit à la garde d'enfants.

Enfin, j'en arrive à la branche AT-MP. Le principal problème de cette branche, qui devrait, elle aussi, renouer avec les excédents, est incontestablement celui de l'amiante.

Je ne peux que me réjouir de la décision du Gouvernement de mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à la réforme du FCAATA, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

Dans le cadre de cette réforme, deux choses me semblent très importantes : d'une part, officialiser une voie d'accès au FCAATA, sur une base individuelle, pour les salariés exposés à l'amiante dont l'entreprise ne figure pas sur une liste ; d'autre part, permettre au FIVA, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, d'accorder aux victimes le bénéfice qui s'attache à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur afin que ces dernières ne soient plus incitées à emprunter la voie judiciaire. Ce sont d'ailleurs les conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante.

Pour finir, je dirai que, si le PLFSS pour 2008 n'est pas un texte de rupture, il porte en germe des annonces de réformes structurelles dont on peut espérer qu'elles nous permettront de faire face, de façon enfin pérenne, à la dégradation des comptes sociaux. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commémorons tristement le sixième PLFSS déficitaire d'affilée. Puisqu'il y a continuité dans la majorité, il y a continuité dans la responsabilité. Aussi mon propos concernera-t-il la période récente tout autant que l'actualité et le futur immédiat.

Je dirai que nous sommes dans la continuité : continuité dans la méthode, fondée sur la dissimulation ; continuité dans la situation, marquée par les déficits et la dette ; continuité dans vos projets, caractérisés par l'inaction ; enfin, continuité dans les décisions, inspirées de la politique du pire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il ne faut tout de même pas exagérer !

M. Bernard Cazeau. Tout d'abord, je veux aborder la continuité dans la méthode, fondée sur la dissimulation.

« Qui ne sait dissimuler ne sait régner », aurait déclaré Louis XI. Loin de vous prêter des velléités de restauration monarchique, je constate que votre penchant pour la dissimulation égale l'habileté que le descendant de la dynastie capétienne prêtait à la conduite des affaires publiques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est vraiment n'importe quoi !

M. Bernard Cazeau. Pour illustrer ce propos, je veux revenir...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur terre !

M. Bernard Cazeau.... sur l'histoire récente des comptes de la sécurité sociale.

MM. Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy, Philippe Bas et Xavier Bertrand - le seul rescapé institutionnel des divers tournants politiques - l'ont tous déclamé avec ferveur devant notre assemblée : la sécurité sociale va certes très mal, mais, rassurez-vous, elle va aller de mieux en mieux !

C'est ce qui fut dit au cours des années 2003-2005, alors que le déficit franchissait chaque année la barre des 10 milliards d'euros et que l'optimisme des mots tentait désespérément de cacher le désarroi de l'arithmétique.

L'autopersuasion ayant ses limites et les élections approchant, on nous donna à voir une soudaine inversion de tendance : le déficit de 2006 devait amorcer la décrue. Nous revînmes en deçà, il est vrai, de la barre symbolique des 10 milliards d'euros de pertes. Le président Jacques Chirac alla même jusqu'à annoncer un retour à l'équilibre en 2007 ! M. Bertrand tempéra la parole élyséenne en annonçant un réjouissant 8 milliards d'euros de trou pour 2007 et un retour à l'équilibre pour 2010. Bref, il était écrit que nous quittions durablement les abysses financiers...

M. Alain Vasselle écrivit même dans son rapport sur le PLFSS pour 2007, avec un optimisme qu'on ne lui connaissait guère jusqu'alors (sourires), que nous nous trouvions devant « un redressement indéniable des comptes de la sécurité sociale ».

M. Bernard Cazeau. L'assurance maladie était supposée contribuer à ce rétablissement par des assurés sociaux mieux portants et moins gourmands, des professionnels enfin redevenus raisonnables, une croissance forte de la masse salariale et quelques prélèvements nouveaux indolores et savamment pesés.

Rappelez-vous, c'était il y a moins d'un an !

Les organismes d'alerte pouvaient tirer la sonnette d'alarme, l'opposition pouvait s'égosiller - elle continue à le faire ! -, les quatre branches avaient beau être simultanément déficitaires, tout n'était plus qu'une question de temps, et l'équilibre était à nos portes.

Depuis, les élections sont passées, et l'éclaircie aussi. Mais les déficits, eux, sont restés. Pis, nous verrons même qu'ils se sont amplifiés.

En ce qui concerne les recettes, on nous annonçait en 2006 des rentrées durables grâce à la croissance. En vérité, elles n'ont été que ponctuelles. Il en va ainsi du surcroît de CSG, qui a été anticipé sur la taxation des plans d'épargne logement. Sans ce produit exceptionnel, comptabilisé en 2006 - le fameux fusil à un coup -, les 10 milliards d'euros de déficit auraient été dépassés.

Quant aux dépenses, on nous les présentait en modération tendancielle, notamment pour l'assurance maladie, qui devait connaître une soudaine atténuation de ses charges. En réalité, celles-ci sont demeurées dynamiques.

Tout était faux ! Je pense que vous le saviez, car vous ne passez pas pour être des naïfs. Vous avez prétexté un rétablissement des comptes afin de détourner l'attention de nos concitoyens de la question centrale de la protection sociale durant une période préélectorale. Ce faisant, vous avez préféré l'évitement à l'action. En conséquence, cette année, la rechute est pire et la situation encore plus dramatique !

Ensuite, je veux parler de la continuité dans la situation, marquée par les déficits et la dette de 2007.

L'année 2007 marquera l'aggravation des déficits avec un niveau jamais atteint, pas même en 2004 et en 2005 : 12 milliards d'euros de pertes cumulées pour le régime général. Nous sommes donc loin des 8 milliards d'euros d'impasse annoncés en loi de financement.

On nous prédisait une hausse des dépenses de 3,5 % ! Elle sera supérieure d'un point en raison du dérapage du secteur « soins de ville » de I'ONDAM. Le Gouvernement a une large part de responsabilité du fait des révisions tarifaires consenties en 2006 sans que les contreparties attendues en termes de prescriptions se vérifient ou qu'elles aient été négociées.

On nous promettait des recettes en forte hausse ! Elles furent minorées par les allégements de charges de toutes natures consentis au fil des mois, exonérations que l'État ne compense que pour partie. Et pour cause, en 2007, elles croîtront de 11 % !

La majorité sénatoriale s'évertue depuis de longues années à déplorer l'absence de comblement par l'État des exonérations qu'il consent. Longtemps, les exonérations liées aux 35 heures, avec le fameux FOREC, tenaient lieu d'alpha et d'oméga de l'argumentation budgétaire de M. Vasselle.

Avec les allégements Fillon, cumulés à cinq années d'exonérations à tout crin par les gouvernements Raffarin et Villepin, la majorité aura de quoi méditer, car ces abattements représenteront cette année l'équivalent de quatre fois le FOREC ! N'est-ce pas paradoxal que ceux qui condamnaient les vices de leurs prédécesseurs en aient fait leur vertu ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non !

M. Bernard Cazeau. Plus généralement, je crois qu'il est de notre devoir de dénoncer avec vigueur la scandaleuse situation d'un État débiteur des caisses de sécurité sociale.

En mai 2006, nous tirions déjà la sonnette d'alarme à propos des créances des organismes sociaux sur l'État. Nous les chiffrions à 6 milliards d'euros à la fin de 2005 et à près de 7 milliards d'euros à la fin de 2006. Et l'on attend une nouvelle dégradation pour 2007 !

Est-ce à la sécurité sociale de financer la politique de l'emploi ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !

M. Bernard Cazeau. Est-ce à la sécurité sociale de faire des avances de trésorerie à l'État sur les allocations qui sont de son ressort ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !

M. Bernard Cazeau. Est-ce à la sécurité sociale de financer la politique dispendieuse de l'actuel gouvernement, dont la priorité va aux réductions d'impôt plutôt qu'au respect de ses engagements sociaux ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. Bernard Cazeau. Quel crédit accordé à un État qui reconnaît ses dettes, mais qui ne les honore qu'en partie, monsieur Vasselle ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la conséquence des 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et cette année, l'État paiera 5 milliards d'euros !

M. Bernard Cazeau. L'outil créé pour ces compensations, le fameux « panier fiscal », que d'aucuns, avec notre rapporteur, nomment le « panier empoisonné », est insuffisant. N'est-ce pas ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !

M. Bernard Cazeau. Il faut donc que le Gouvernement tienne ses engagements, madame la ministre.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette année, il les tient !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui, ça change !

M. Bernard Cazeau. Le versement annoncé dans le PLFSS pour 2008 d'une partie des sommes dues par l'État serait bien un moindre mal, car les comptes, aujourd'hui, ne sont absolument plus maîtrisés.

L'assurance vieillesse dérape, car les générations nombreuses du lendemain de la guerre partent en retraite à un rythme plus rapide que prévu, ce que ne compensent pas les hausses de cotisations vieillesses prévues par la loi Fillon. Cette loi Fillon, d'ailleurs, montre aujourd'hui son inanité et la fausseté de ses hypothèses, notamment en ce qui concerne le fameux taux de chômage à 5 %.

Les dépenses maladies sont en forte croissance avec des soins de ville revalorisés en 2006 qui exercent leur plein impact budgétaire cette année. Cela atteste de l'inefficacité des promesses du parcours de soin coordonné ou du dossier médical personnel, auxquels tant de vertus étaient pourtant prêtées. Je ne parlerai d'ailleurs pas du dossier médical personnel, ce serait trop cruel, surtout si l'on se remémore les fameux trois ans et tout ce qui nous a été affirmé à ce sujet !

La branche famille connaît un très léger déficit en raison des nouvelles, mais - disons-le - pas toujours inutiles, dépenses favorables à la natalité, pour lesquelles les recettes correspondantes ont tardé à être ajustées.

Voilà pour la situation peu réjouissante du régime général, dont le rapporteur nous dit que « le cap des 2 milliards de dette de l'État à l'égard du seul régime général serait ainsi dépassé fin 2008 ».

Il en ira malheureusement de même pour les organismes concourant au financement de la protection sociale que sont le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Le FSV se redresse quelque peu en raison, notamment, d'une majoration des produits de la CSG, mais la question des dettes accumulées reste entière.

Nous sommes, en effet, loin d'une situation excédentaire, et il faudra de larges et de nombreux excédents pour combler les 5 milliards d'euros de pertes cumulées entre 2002 et 2007.

La responsabilité du Gouvernement et de ses prédécesseurs est ici indéniable puisqu'il s'est servi depuis 2002 du FSV comme d'une caisse de trésorerie et que la dette est directement imputable à l'État.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le gouvernement Jospin en a fait autant avec les 35 heures en mettant en place une usine à gaz !

M. Bernard Cazeau. Le FFIPSA est, pour sa part, en perdition, en « coma dépassé », selon un rapport, monsieur Vasselle, de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat. C'est donc vous qui le dites !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le basculement du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, en FFIPSA, qui n'a pas été une réussite !

M. Bernard Cazeau. Le solde cumulé négatif devrait avoisiner les 5 milliards d'euros en 2007 - c'est encore vous qui le dites ! -...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne le nie pas !

M. Bernard Cazeau.... et l'État refuse toujours de verser la subvention qui permettrait d'équilibrer le fonds.

Rien n'est prévu pour combattre les déséquilibres. Rien n'a été tranché, ni le principe d'une subvention de l'État, ni une taxation nouvelle, ni un relèvement des cotisations.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est vrai ! Je suis d'accord pour le FFIPSA, mais pas pour le FSV !

M. Bernard Cazeau. Le chantier est en jachère, les exploitants agricoles continuent de bénéficier de pensions modiques et, pour couronner le tout, M. Censi, président du comité de surveillance du FFIPSA, a claqué la porte.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le président du FSV en avait fait autant en son temps et cela n'avait rien changé !

M. Bernard Cazeau. Tout cela représente beaucoup d'argent pour un État bien à la peine, me direz-vous, mais c'est toujours moins que les cadeaux du paquet fiscal.

Dans ce tableau apocalyptique de la protection sociale des personnes âgées, on se demande bien ce qu'il adviendra des promesses présidentielles de revalorisation de 25 % des petites retraites.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Attendez un peu, nous ne sommes qu'en début de législature !

M. Bernard Cazeau. Sont-elles décalées ? Sont-elles reléguées ? Sont-elles oubliées ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Elles arrivent !

M. Bernard Cazeau. Une chose est sûre : 2007 est bien l'année de tous les déficits. Face à ce constat, on est en droit de se demander ce que vous comptez faire.

M. Alain Vasselle, rapporteur. On ne peut pas tout faire en même temps !

M. Bernard Cazeau. La troisième continuité est celle de l'inaction.

À l'Assemblée nationale, M. le ministre du budget a déclaré vouloir « aller plus loin dans les réformes et sans doute plus vite dans les années à venir, tout en maintenant le cap ».

De quel cap et de quelles réformes s'agit-il ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Du bon cap et des bonnes réformes !

M. Bernard Cazeau. À quel rythme cela se fera-t-il ?

Alors que rien d'efficace n'est mis en oeuvre, on nous annonce la continuité et on la revendique ! Ce type de déclaration a pour objet de masquer les contradictions profondes dans lesquelles le Gouvernement est englué.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non !

M. Bernard Cazeau. On déplore les déficits sociaux, mais on annonce jour après jour des exonérations sociales nouvelles, ce fut le cas encore récemment en faveur des pêcheurs, que l'on pourrait d'ailleurs aider d'une autre façon,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'espère qu'elles seront compensées !

M. Bernard Cazeau.... comme pour mieux précipiter l'asphyxie du système.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les pêcheurs vous entendent, monsieur Cazeau !

M. Bernard Cazeau. On sait que les ressources du système sont assises sur la masse salariale, mais on encourage les heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales, c'est-à-dire le travail sans la couverture sociale.

On se targue d'une baisse du chômage qui s'explique par un tassement de la population active. Or, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas seulement de moins de chômage, c'est surtout de plus de cotisants.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui ! Mais s'il y a moins de chômeurs, il y a normalement plus de cotisants !

M. Bernard Cazeau. Pour faire oublier ces contradictions et donner un sentiment d'action, nous aurons droit à une batterie de mesures d'économies et de recettes de poche. J'y vois des méthodes éculées et des « mesurettes » qui masquent mal votre embarras devant l'évolution structurelle des comptes.

Vous nous annoncez un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 en déficit de 8,8 milliards d'euros,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est mieux qu'en 2007 !

M. Bernard Cazeau.... en baisse de 3 milliards d'euros par rapport aux perspectives de 2007.

Mais, comment vous croire lorsque vous nous assurez une croissance des dépenses de 3 % alors qu'elle est continuellement supérieure à ce chiffre depuis dix ans ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais l'écart diminue. Il était plus fort avec Mme Aubry !

M. Bernard Cazeau. Comment pouvez-vous sérieusement nous dire, à la manière de M. Woerth, que les dépenses maladies vont être freinées alors que vous nous répétez inlassablement cela depuis cinq ans, sans succès ?

Ah, j'oubliais, vous avez l'arme absolue : un énième plan d'économies pour l'assurance maladie inspiré d'une forme de pédagogie du porte-monnaie qui cible les malades avec en point d'orgue les fameuses franchises médicales.

Je ne m'attarderai pas sur ce dispositif dont la vertu ne réside pas tant dans les recettes qu'il générera que dans la volonté de dissuasion qui l'anime. Votre idée, au fond, c'est que les gens consommeront moins de soins s'ils doivent les payer. Quelque part, vous pensez que les patients et les médecins s'amusent à des actes et à des prescriptions inutiles, et qu'il faut les en dissuader.

Admettons que votre raisonnement, que je réprouve, soit vrai : qui renoncera aux consultations et aux actes médicaux ? Ceux qui sont les plus prudents sur leurs dépenses, c'est-à-dire ceux qui ont le moins d'argent.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ceux qui ont le moins d'argent ont droit à la couverture maladie universelle !

M. Bernard Cazeau. Or, tous les médecins vous le diront, un suivi régulier des patients amoindrit le risque de maladies graves et gage la qualité du système de soins français.

Il y aura donc, d'un côté, ceux pour qui quelques euros ne sont rien et, de l'autre, ceux pour qui chaque euro compte.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ceux qui sont à la CMU ne paient pas la franchise !

M. Bernard Cazeau. Les franchises, c'est payer plus pour soigner moins. C'est d'emblée injuste et dangereux à terme ! Vous prenez là une lourde responsabilité en vous abritant sous une prétendue générosité envers les personnes touchées par la maladie d'Alzheimer. Quel cynisme !

Au rang des mesures présentées comme justes, nous aurons l'amorce d'une taxation des stock-options. Mais, là encore, le Gouvernement reste au milieu du gué. Vos propositions sont tellement timorées qu'elles frisent la mauvaise foi. Pourquoi choisir une taxation aussi modique de ces super-rémunérations alors qu'un niveau moyen de cotisations constituerait un minimum légitime ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Que ne l'avez vous fait !

M. Bernard Cazeau. Il n'y a pas de raison qu'elles échappent au prélèvement qu'on opère, par exemple, sur un SMIC ou sur toute autre plus-value financière !

Suivez donc l'avis de la Cour des comptes, monsieur Vasselle, qui vous a suggéré un prélèvement de 3 milliards d'euros,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai commencé par une flat tax !

M. Bernard Cazeau.... soit dix fois plus que ce qu'on nous propose aujourd'hui.

Vous l'aurez compris, quelques mesures cosmétiques ne suffiront pas à dissiper nos craintes. Les incertitudes qui planent sur vos prévisions sont très lourdes et les rendent inconsistantes.

De plus, les mesures que vous nous proposez sont nettement insuffisantes. Elles pénalisent le plus grand nombre sans rassurer personne. Aussi voudrais-je, pour conclure, vous interroger sur vos intentions réelles à court et à moyen termes.

J'en viens pour cela à la dernière continuité, celle de vos décisions inspirées de la politique du pire.

Vous avez en réalité deux problèmes : le stock de dette accumulé et les mécanismes de formation de la dette.

En ce qui concerne le stock de dette, pour gérer les écarts de trésorerie, vous n'aurez d'autre choix que de relever le plafond des autorisations d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, ce qui signifie que les dépenses à crédit s'envolent littéralement. D'ailleurs, tout à l'heure, M. Woerth l'a pratiquement dit ! Nous étions à 12,5 milliards d'euros à la fin de 2006, nous constaterons le double en 2007 et l'on nous annonce un plafond de 36 milliards d'euros pour 2008 !

À ce niveau-là, on comprend très bien que l'ACOSS est désormais une CADES bis.

Les autorisations de découvert se sont muées en une dette cachée, mais bien réelle ! Cette dette discrète se convertira prochainement en une dette officielle.

Nous comprenons bien en effet entre les lignes, du fait de l'absence de réponse à nos questions sur le rééquilibrage financier, qu'à terme vous augmenterez la dette sociale en rouvrant la CADES. Vous ajouterez 30 milliards ou 35 milliards d'euros aux amortissements que la caisse doit encore assumer et qui s'élèvent aujourd'hui à près de 75 milliards d'euros, ce qui portera la dette totale au niveau monumental de 105 milliards ou de 110 milliards d'euros.

Comme tout transfert de dette à la CADES est accompagné d'un transfert correspondant de recettes, vous augmenterez la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et le tour de passe-passe sera joué.

Quel signal calamiteux à l'heure où les jeunes actifs doutent de la pertinence du système de solidarité entre les générations ! La sécurité sociale des vivants payée par les générations à venir : quel pacte social est-ce là ?

Je dirai également un mot sur la formation de la dette.

Une fois dégagés de la responsabilité des impayés, vous engagerez un train de réformes drastiques pour limiter le creusement des déficits. Ce sera inévitable en matière d'assurance vieillesse : la loi Fillon prévoyait un déficit à 1 milliard d'euros en 2008 ; nous serons au-delà de 4 milliards d'euros, et les années suivantes seront à l'avenant !

Aussi vous faudra-t-il réagir : vous renierez les promesses du Président de la République en matière de minimum vieillesse et de pensions de réversion ; vous chercherez de nouvelles économies au détriment de toutes les catégories d'assurés, pas seulement dans les régimes spéciaux dont vous nous parlez abondamment et dont la réforme rapportera bien peu au regard des besoins ; vous renoncerez aux négociations prévues en matière de pénibilité des métiers, certains l'évoquent déjà ; vous renchérirez les possibilités de rachat des années d'études et de cotisations incomplètes ; vous reviendrez même peut-être sur le dispositif des carrières longues, volet social de la réforme Fillon de 2003.

Voilà pour la retraite, mais il y aura aussi la santé : vous alourdirez les franchises ou développerez des participations systématiques aux dépenses ; vous réformerez le mode de financement des établissements hospitaliers dans le sens de la suppression des établissements ruraux ; vous créerez les remboursements à périmètre limité - le fameux panier de soins ; vous durcirez une fois encore les conditions d'admission en affections de longue durée, ALD.

Cependant, tout cela ne suffira pas ; il vous faudra aussi trouver de nouvelles recettes par les cotisations, la CSG ou la TVA.

Cette purge, vous nous l'administrerez après les élections municipales, bien entendu ! En attendant, nous aurons droit au traditionnel optimisme de circonstance et aux discours rassurants. Mais, au bout de tout cela, il y aura la politique du pire.

Vous avez été élus pour réformer, disiez-vous. Mais qu'attendez-vous pour le faire ?

Pour réformer durablement, il vous faudra d'abord résoudre l'antinomie fondamentale entre l'exercice libéral de la médecine et le financement socialisé. Or vous ne voulez pas vous y attaquer !

Aurez-vous assez de courage politique face à un certain lobby médical qui a érigé la politique de l'autruche en dogme de gouvernance ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Il s'agit d'un lobby qui refuse d'admettre que la quasi-totalité des praticiens dépendent du remboursement de la sécurité sociale et sont en fait les salariés du système.

Pendant combien de temps encore accepterez-vous le paiement à l'acte, porteur d'une concurrence exacerbée et de dérives en matière de prescription ?