Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas arrivés au bout de cette discussion, monsieur le ministre. Vous avez parlé de 27 milliards d'euros, ce qui est quand même considérable.

Mon collègue Alain Vasselle est dans son rôle en insistant sur la compensation. Mais permettez-moi de rester dans le mien en m'interrogeant sur l'efficacité de la dépense. D'ailleurs, ce devrait être le rôle de l'ensemble de nos collègues. Car toute niche fiscale est une dépense fiscale, et une dépense fiscale est une dépense, tout court. M. le rapporteur général ne dira pas le contraire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sûrement pas !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Comment allez-vous compenser, monsieur le ministre ? Vous ne nous l'avez pas encore expliqué clairement.

Nous avons déposé des amendements de suppression de l'article. Mme Dini propose une autre solution. Pour ma part, je ne m'arrêterai pas à la compensation, parce que je m'inscris dans le cadre de l'efficacité de la dépense publique.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu la difficulté à financer toutes ces mesures. Il faut tout de même se rendre compte que ces 200 millions d'euros concernent en grande partie des entreprises qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale et qui maintiennent des bas salaires. Finalement, vous risquez de pérenniser les trappes à bas salaires.

M. Guy Fischer. Eh oui, nous sommes d'accord !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si vous compensez, vous donnerez satisfaction à M. Vasselle, mais vous ne donnerez pas satisfaction à la commission des finances qui souhaite, quant à elle, mesurer l'efficacité de la dépense et qui n'est pas favorable à cette dépense de 200 millions d'euros, alors que vous êtes déjà loin du compte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je veux bien convenir que l'erreur est humaine ! Lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, Mme Lagarde savait pertinemment quels seraient les besoins en termes de compensation tant pour l'intérim que pour les entreprises visées au travers de ces 200 millions d'euros ; elle avait elle-même donné le chiffre, qui s'élevait à 600 millions d'euros : 400 millions d'euros pour l'intérim, 200 millions pour les entreprises en question.

Personne n'a cité les entreprises concernées par cette exonération et je ne vais pas être le premier à le faire, mais au vu du celles qui sont visées, cela ne m'incite pas à vous suivre. En effet, leur situation est telle que l'on rencontre d'autres problèmes avec certaines d'entre elles, problèmes qui mériteraient un débat spécifique. Quant à dire que les emplois vont être menacés dans les entreprises auxquelles je pense, permettez-moi d'en douter.

Ce qui m'importe, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, c'est que la compensation soit effectuée. Je ne vois pas pourquoi je changerai de position ! M. le ministre prend l'engagement de nous donner rendez-vous à la fin du printemps pour faire le point et prendre les mesures qui permettront la compensation à l'euro près de ces 200 millions.

Le rôle de la commission des affaires sociales est de veiller à l'équilibre des comptes dans la limite de ce qui est prévu dans le cadre du PLFSS pour 2008. C'est la raison pour laquelle je vais accepter, au nom de la commission des affaires sociales, de retirer l'amendement - c'est la deuxième fois cet après-midi -, compte tenu des engagements qui ont été pris. Mais il est certains arguments sur lesquels il ne faut peut-être pas trop s'étendre au regard de la position de Mme Lagarde lors de l'examen de la loi TEPA, au mois de juillet dernier.

M. François Autain. Deux fois, c'est beaucoup !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. On ne va pas, au travers d'un amendement, faire un débat sur la politique d'allègement des charges. C'est une politique ancienne, qui aboutit à la diminution du coût du travail, notamment lorsque les rémunérations sont faibles.

M. Guy Fischer. Pour quel résultat ?

M. Éric Woerth, ministre. Revenir aujourd'hui sur la réduction du coût du travail pour les bas salaires concernerait probablement 800 000 emplois : si vous supprimez brutalement les allègements de charges, c'est 800 000 emplois qui risquent d'être exposés de façon dramatique.

Ce sont des sujets extrêmement concrets. On peut contester ces allègements de charges ! Ils représentent 27 milliards d'euros dans le budget de l'État et certains d'entre vous considèrent que nous en avons singulièrement besoin,

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On n'a pas entendu Serge Dassault !

M. Éric Woerth, ministre. Cependant, ces allègements de charges répondent à une logique économique : la réduction du coût du travail, qui favorise l'emploi. Il s'agit donc d'une démarche vertueuse. Un tel débat nécessite une approche plus globale.

Vous dites que toutes les entreprises concernées ne sont pas soumises à la compétition internationale ; ce n'est pas tout à fait exact.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce n'est pas tout à fait faux non plus !

M. Éric Woerth, ministre. Il y a la grande distribution, par exemple, puisque c'est à elle que vous pensez.

M. Guy Fischer. Et les sous-traitants ?

M. Éric Woerth, ministre. Mais il y a aussi les petites et moyennes entreprises dans le secteur de la mécanique qui, pour des raisons de conventions collectives, sont visées par le dispositif. S'il est des entreprises qui sont soumises à la compétition internationale, ce sont bien ces PME, qui sont plutôt performantes en France ; elles sont implantées dans certains bassins de population et concernent un nombre d'emplois considérable. Ce dispositif s'applique donc non pas à tel ou tel secteur, mais à un assez grand nombre de secteurs.

Par ailleurs, des conventions collectives anciennes ont intégré cette démarche et ce serait revenir un peu brutalement sur le résultat d'un dialogue social.

C'est pourquoi j'apprécie que M. Vasselle ait accepté de retirer cet amendement. En échange, je prends l'engagement important d'assurer la compensation de l'allègement à l'euro près. En outre, je souhaite que l'on clarifie la relation entre l'État et la sécurité sociale. J'imagine que tel est également le souhait de la commission des finances du Sénat.

Je prends donc l'engagement de venir devant votre commission au mois de juin, si vous m'y invitez, pour vous dire comment s'est déroulée l'exécution de la mesure pour 2008.

Tels sont les différents éléments que je souhaitais vous apporter, monsieur le rapporteur. Je ne conteste pas ce que vous dites, mais ces quelques éléments permettront d'éclairer un peu plus ce débat.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur général, pour explication de vote sur l'amendement n° 77.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La préoccupation de M. le rapporteur de veiller, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à équilibrer les comptes ou à ne pas dépasser un certain niveau de déséquilibre est parfaitement justifiée. De manière symétrique, la commission des finances a la même préoccupation pour ce qui concerne le solde des comptes de l'État, préoccupation rappelée fort justement par M. le rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou.

J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que les 200 millions d'euros en question sont d'ores et déjà compris dans la masse des 27 milliards d'euros financés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.

M. Éric Woerth, ministre. Absolument !

M. Philippe Marini, rapporteur général. La clause de rendez-vous de 2008 que vous avez fixée doit permettre, en fonction de l'évolution réelle des charges et des produits, de la conjoncture économique et de la réalité des dépenses sur une masse aussi considérable, de trouver des marges de manoeuvre de nature à résorber ce différentiel de 200 millions d'euros. En valeur absolue, il s'agit, il est vrai, d'une somme importante, mais il faut la relativiser par rapport à la masse globale.

Monsieur le ministre, il ne faut pas, bien entendu, alourdir le déficit de l'État.

M. Éric Woerth, ministre. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès lors que vous nous indiquez que la clause de rendez-vous de 2008 doit permettre de mieux paramétrer les éléments à prendre en compte et que vous nous assurez que ces 200 millions d'euros sont compris dans la masse des exonérations déjà prévues dans le projet de loi de finances initial pour 2008, nous pouvons retirer cet amendement.

Toutefois, la commission des finances sera particulièrement vigilante sur cette question lors de l'examen, dans quelques jours, du projet de loi de finances pour 2008.

C'est lors de la revue générale des politiques publiques que nous pourrons apprécier l'efficacité du dispositif ; et sans doute pourrons-nous alors nous poser toute une série de questions.

Au demeurant, nous pouvons nous interroger sur la « barémisation » de ces exonérations. Si celles-ci doivent être permanentes, pourquoi ne pas les répercuter dans le barème retenu pour le calcul des cotisations sociales ?

Par ailleurs, nous sommes confrontés à un problème global de maîtrise de la masse considérable des dépenses au sein de nos finances publiques ; M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique le sait mieux que quiconque.

Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous avez données. Vous pouvez compter sur notre vigilance, qui sera au moins égale à celle de la commission des affaires sociales. Vous le savez, il existe entre nos deux commissions une saine émulation pour parvenir à maîtriser nos finances publiques. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur les 800 000 emplois dont vous avez parlé.

Comme vient de le souligner excellemment M. le rapporteur général, nous devrions nous demander si ces allégements doivent être ou non pérennisés, question récurrente que pose Serge Dassault, rapporteur spécial.

Pour éclairer notre assemblée, je ne donnerai qu'un seul chiffre : en retirant les heures supplémentaires, la mesure coûte non pas 27 milliards d'euros, mais 22,7 milliards d'euros, ce qui revient, pour 800 000 emplois, à un allégement de 28 400 euros par emploi.

M. Éric Woerth, ministre. C'est moins cher que les ZRR !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Certes, mais cette somme est tout de même considérable, et nous devons nous demander si la mesure est réellement efficace.

Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, je n'y crois pas ! Comme vous l'avez vous-même souligné, il existe tout un panel d'emplois qui ne sont pas attaquables, si j'ose dire, comme la grande distribution, les emplois relatifs au décolletage ou à la petite mécanique de précision, qui doivent affronter une concurrence au sein même de l'Union européenne. Cette question doit faire l'objet du rendez-vous de 2008.

Cela dit, le rapporteur pour avis de la commission des finances retire l'amendement n° 77.

Mme la présidente. L'amendement n° 77 est retiré.

Madame Dini, l'amendement n° 209 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Cet amendement visait à rétablir une certaine équité entre les entreprises. Mais notre souci étant également de ne pas accroître le déficit, je retire l'amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 209 est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 9 D.

Mme Annie David. Le débat qui vient de se dérouler montre bien le souci permanent des uns et des autres à vouloir équilibrer les comptes de l'État, souci que je partage.

Je tiens simplement à vous faire part d'une réflexion. Lors des négociations qui ont eu lieu dans les entreprises pour la mise en place des 35 heures, les temps de pause et d'habillage et de déshabillage ont été décomptés du temps de travail effectif des salariés.

En effet, sur une journée de huit heures, si l'on estime, par exemple, que le temps d'habillage et de déshabillage représente un quart d'heure, le temps de travail effectif n'est que de sept heures quarante-cinq. C'est sur cette base que se sont ouvertes les négociations pour les 35 heures.

Or on va alléger les charges des entreprises sur la durée totale, quel que soit le temps de pause retenu, alors que celui-ci est décompté, pour les salariés, de leur temps de travail effectif.

M. Éric Woerth, ministre. Mais non !

Mme Annie David. Je m'interroge sur cette volonté de donner toujours plus, toujours aux mêmes !

J'ai participé, dans une vie antérieure, à différentes négociations sur les 35 heures, et je puis vous dire que, dans les entreprises, cela ne s'est pas fait sans peine. Le temps de pause étant décompté du temps de travail effectif, une semaine de quarante heures n'est pas comptée quarante heures, notamment pour l'attribution des jours de RTT. Je tenais à vous faire part de cette réflexion, qui me ramène quelques années en arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. L'expérience parle !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9 D.

(L'article 9 D est adopté.)

Article 9 D
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article additionnel après l'article 9 E

Article 9 E

I. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites

« Art. L. 137-13. - I. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs :

« - sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce ;

« - sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code.

« En cas d'options de souscription ou d'achat d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales soit à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des options de souscription ou d'achat d'actions qu'il attribue ; il est irrévocable durant cette période.

« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 10 %. Elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des options ou des actions visées au I.

« III. - Ces dispositions sont également applicables lorsque l'option est consentie ou l'attribution est effectuée, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité.

« IV. - Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »

II. - Le chapitre VII du titre III du livre Ier du même code est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Contribution salariale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites

« Art. L. 137-14. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution salariale de 2,5 % assise sur le montant de l'avantage défini au I de l'article 80 bis du code général des impôts ainsi que celui de l'avantage défini au 6 bis de l'article 200 A du même code.

« Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »

III. - Le I est applicable aux attributions consenties à compter du 16 octobre 2007.

IV. - Le II est applicable aux levées d'options réalisées et aux actions gratuites cédées à compter du 16 octobre 2007.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.

M. François Marc. Faut-il taxer les stock-options pour alimenter le budget de la sécurité sociale ? Telle est la question qui est posée par l'article 9 E.

Certes, cette suggestion a été faite par la Cour des comptes elle-même. En effet, dans un récent rapport d'activité, elle a indiqué, par la voix de son président, que le montant des stock-options aujourd'hui versées en France s'élève à quelque 9 milliards d'euros, ce qui pourrait représenter une recette de plus de 3 milliards d'euros pour le budget de la sécurité sociale si l'on appliquait les prélèvements retenus pour les autres traitements et rémunérations.

Bien entendu, la question qui nous est aujourd'hui posée est celle de l'intérêt à accompagner ce dispositif et, éventuellement, à le renforcer. Dans leur philosophie, la finalité première des stock-options est de permettre aux entreprises de croissance, les entreprises dites schumpeteriennes, si je puis dire, de trouver les moyens de rémunérer, certes à terme, des cadres de haut niveau ou des chercheurs, pour leur assurer un développement plus rapide.

Mais, chacun ici le sait, ce dispositif a été perverti au cours des années, puisqu'il vise maintenant à assurer un complément de rémunération aux grandes entreprises ou aux entreprises du CAC 40.

Cette perversion a été notée par de nombreux observateurs, et je citerai simplement l'un des spécialistes en France de ces questions. À propos des stock-options, ce dernier indique que « pour justifier les plans qu'elles vont présenter, les sociétés mettent en avant la nécessité de ?motiver les troupes?, de recruter et de retenir dans l'entreprise du personnel et des cadres qualifiés. C'est sans doute vrai en partie, mais il reste que les stock-options permettent aussi à une poignée de privilégiés d'engranger en quelques années des fortunes colossales sans prendre aucun risque. Le scandale est à son apogée lorsque les bénéficiaires sont précisément ceux dont les erreurs sont à l'origine de la baisse des cours. » Cette citation illustre aujourd'hui le malaise qui s'est progressivement instauré.

Dans le passé, nous avons déjà émis un certain nombre de propositions visant à trouver des sources de financement pour le compte de la sécurité sociale. Aujourd'hui, il nous semble opportun de chercher du côté des stock-options, dans la partie correspondant au complément de rémunération octroyé aux grandes sociétés notamment, des moyens supplémentaires, qui dépasseront les 400 millions d'euros prévus par l'amendement Bur adopté par l'Assemblée nationale.

Donc, nous avons déposé plusieurs amendements tendant, d'abord, à favoriser la situation des « gazelles », c'est-à-dire les sociétés de croissance, qui ne seraient pas soumises à ces prélèvements, ensuite, à alourdir le prélèvement sur les sociétés de grande dimension dans lesquelles les stock-options sont purement et simplement des compléments de rémunération et, enfin, à prévoir une sorte de bonification pour les entreprises qui les utilisent pour alimenter les plans d'épargne entreprise.

En adoptant ces amendements, nous pourrions atteindre plusieurs objectifs essentiels en donnant à l'article 9 E un véritable sens politique et en répondant à l'attente des Français dans le domaine de l'éthique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse de l'Assemblée nationale lors du vote sur l'amendement de M. Yves Bur, devenu l'article 9 E, visant à instaurer une double contribution, patronale et salariale, sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites.

Sur l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou, la commission des finances a adopté un amendement tendant à supprimer la contribution salariale. Le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne propose pas, pour sa part, de modifier le texte initial, mais il est favorable, dans son rapport, à une flat tax pour alimenter le budget de la sécurité sociale.

Pour éviter que ce débat ne soit interne à la majorité et afin de vous faire connaître notre position, nous vous proposons, comme mon collègue François Marc vient de le rappeler, une série d'amendements que nous estimons être en cohérence avec nos principes de justice sociale et d'efficacité économique.

Selon nous, il y a non pas la justice d'un côté et l'efficacité de l'autre, mais la justice par l'efficacité et l'efficacité dans la justice. En effet, depuis que les stock-options ont été introduites dans notre droit, au début des années soixante-dix, le monde a changé du tout au tout et les impératifs financiers l'ont emporté sur les besoins de l'économie réelle.

Le dispositif a connu des dérives illustrées par une succession régulière de dirigeants qui en bénéficient, mais sans commune mesure avec les résultats économiques de l'entreprise auxquels ils appartiennent, quelquefois même au détriment des actionnaires et, dans la plupart des cas, au détriment des salariés.

On a ainsi parlé d'enrichissement sans cause et en tout cas sans risque, ce qui est quand même un comble, reconnaissez-le, dans une économie de marché ! Des fortunes ont pu ainsi être engrangées dans des espaces de temps très courts. Au fil des ans et de l'inventivité financière, le mécanisme s'est perverti et ne répond plus à ses objectifs premiers qui sont d'attirer et de fidéliser des cadres hautement qualifiés, tout en permettant la croissance de jeunes entreprises.

On aboutit à des effets néfastes. Il en est un qui est paradoxal, c'est celui qui aboutit à désolidariser de l'entreprise qu'ils sont censés faire prospérer ceux qui bénéficient de ce mécanisme ! Le cours de bourse étant la boussole, la porte est ouverte aux communications trompeuses pour les marchés financiers, sans compter que la distribution massive de stock-options liées à l'ampleur de la capitalisation boursière des entreprises du CAC 40 en modifie la nature. C'est ce qui conduit certains à prôner une position radicale, à savoir la suppression du système.

Dans l'idéal de ce que devrait être une réforme - c'est l'occasion d'en parler -, il conviendrait de plafonner le volume des distributions, d'en limiter l'avantage fiscal et social, et d'introduire de la transparence.

Tel n'est pas l'objet de l'article 9 E ; tout au plus s'agit-il d'abonder fort modestement - nous y reviendrons - le financement de la sécurité sociale. Le produit attendu serait de 250 millions d'euros pour la contribution patronale et de 150 millions d'euros pour la contribution salariale. Effectivement, on est loin du chiffrage avancé par la Cour des comptes, même si celui-ci mérite d'être précisé, et loin de la somme des niches sociales cumulées, qui seraient de l'ordre de 30 milliards d'euros.

Notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, conteste d'ailleurs la qualité de niche pour la contribution salariale. Il est certain qu'il faudrait clarifier le régime de taxation applicable aux levées d'options et aux distributeurs d'actions. Il y a une ambiguïté quant à leur nature : plus-value ou élément de rémunération différée ?

Quoi qu'il en soit, il est juste que ces dispositifs contribuent au financement de la protection sociale. Il est économiquement efficace d'exonérer les PME en croissance, afin de leur donner un avantage compétitif, et il est hautement souhaitable qu'un signal soit donné en faveur de l'épargne collective lorsque les souscriptions, une fois levées, viennent abonder un plan d'épargne d'entreprise.

C'est d'ailleurs une suggestion que Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi avait faite, mais elle l'a bien vite oubliée ! C'est ce que nous défendrons tout à l'heure. On nous objectera sans doute les arguments habituels : la concurrence fiscale, la perte d'attractivité, l'alourdissement des prélèvements obligatoires.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci pour tous ces arguments !

Mme Nicole Bricq. Mais nous n'attendons pas de leçon d'une majorité qui, depuis 2002, de gouvernement en gouvernement - cela ne se dément pas dans l'actualité budgétaire -, n'a cessé de créer des niches fiscales et sociales, d'amputer les marges de manoeuvre de la puissance publique, d'aggraver les déficits budgétaires et sociaux, sans pour autant encourager l'investissement de long terme capable d'armer notre appareil productif dans la mondialisation. C'est donc avec pugnacité que nous défendrons nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, de façon synthétique, vous indiquer les cinq grandes raisons pour lesquelles cet article 9E me paraît mauvais.

La première raison est d'ordre constitutionnel. Il s'agit de taxer une plus-value sur des valeurs mobilières. Il convient d'expliquer le motif d'intérêt général qui justifie de déroger au principe d'égalité, alors même que la réalisation d'une plus-value liée au mécanisme des options de souscription d'actions et aux actions gratuites est en tout point semblable, d'un point de vue économique, financier et juridique, à la réalisation d'une plus-value sur une valeur mobilière. De plus, je relève une distorsion fiscale au sein de l'épargne salariale. Cela me paraît regrettable après tant de signaux positifs donnés à l'épargne salariale et à la participation des salariés au capital des entreprises.

Deuxièmement, sur un plan technique, il paraît impropre de parler de contribution « salariale » dès lors que la plus-value d'acquisition, et a fortiori de cession, est de plus en plus réalisée lorsque la personne dirigeante n'est plus salariée de l'entreprise. Ensuite, le prélèvement par les URSSAF est incohérent avec le recouvrement par la Direction générale des impôts, la DGI, des 11 % de prélèvements sociaux. En outre, la date d'entrée en vigueur, jusqu'ici fixée au 16 octobre 2007, conduit à une taxation rétroactive des options distribuées par les entreprises.

Troisièmement, sur le plan fiscal, l'incohérence est manifeste et il faut avoir une vision consolidée. Les stock-options et les actions gratuites font déjà l'objet d'une taxation significative à l'impôt sur le revenu, voire élevée par rapport à certains de nos partenaires, en particulier le Royaume-Uni.

Pour le contribuable - permettez-moi de le dire, chers collègues de la commission des affaires sociales -, la distinction entre fiscalité et prélèvements sociaux est indifférente. En effet, le contribuable peut être taxé à 53,5 % sur le gain d'acquisition, puis à nouveau sur la plus-value de cession. Cette surtaxation de 2,5 % n'est d'ailleurs pas comprise dans le périmètre du bouclier fiscal, mais aurait clairement vocation à l'être. Si l'article devait être voté, j'imagine de déposer un amendement en seconde partie du projet de loi de finances.

Je relève en outre que l'on crée un nouveau prélèvement social sans ouverture de droit à prestation.

Quatrièmement, sous un angle budgétaire, monsieur le ministre, quel sera l'impact réel de la création de la contribution patronale ? Ne conduira-t-elle pas les entreprises à ajuster à due concurrence le volume de distribution des stock-options et des actions gratuites, afin de maintenir inchangé le coût global de leurs plans d'épargne salariale, ce qui limiterait d'autant l'intérêt budgétaire de la mesure ? Je conteste l'estimation à 400 millions d'euros du rendement de la mesure par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. J'estime que ce rendement est considérablement surévalué. Je déplore que l'on se rassure à bon compte en se voilant la face sur les effets collatéraux d'ordre économique, qui sont préoccupants.

Cinquièmement, sur un plan économique, on peut redouter un impact négatif de ces mesures sur l'attractivité de la France et la localisation des sièges sociaux. Il y a là un signal contradictoire avec ce que nous a dit Mme Christine Lagarde, et la préparation d'une loi d'attractivité qui devrait être examinée dans quelques semaines. L'attractivité n'est ni un vain mot ni un objet de discours. Cela signifie des revenus taxables et des richesses supplémentaires. C'est cette fameuse « dynamique de l'assiette » que nous appelons de nos voeux.

Les stock-options et actions gratuites, c'est la rémunération de la compétence et de la performance ; c'est le moyen d'attirer sur notre sol des cadres et des dirigeants français ou étrangers de haut niveau, de conforter le dynamisme et les exportations de nos entreprises, donc l'emploi. L'emploi ne se décrète pas ; il ne vient que parce que l'entreprise a des perspectives de croissance et de profit. Et la croissance ne vient que si les salariés sont motivés pour y contribuer.

Or je rappelle que de nombreux pays n'assujettissent les plus-values sur options ou actions gratuites à aucun prélèvement social. Deux situations existent.

Soit les stock-options bénéficient d'un régime spécifique qui les assimile à une plus-value et écarte, de ce fait, l'application de toute cotisation sociale ; c'est le cas, entre autres, aux États-unis, au Royaume-Uni et en Irlande.

Soit elles sont imposées dans les conditions de droit commun à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, moyennant des plafonds de cotisations sociales qui font que, en pratique, les plus-values sur options ou sur actions gratuites ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale. Ces plafonds sont de 63 000 euros de revenu annuel en Allemagne, de 36 000 euros en Espagne et de 87 000 euros en Italie.

Monsieur le ministre, en termes d'ingénierie juridique, je crains beaucoup la création de structures de portage des contrats de travail des cadres dirigeants hors de France ou, le cas échéant, des changements de résidence fiscale.

Dans un monde ouvert, j'ai le sentiment qu'il ne faudrait toucher à ces dispositifs que d'une main tremblante ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. L'amendement n° 224, présenté par M. Marc, Mme  Bricq, MM. Cazeau, Domeizel et Godefroy, Mme  Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

sur l'application des normes comptables internationales

supprimer la fin du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme  Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. L'article 9 E a pour objet d'instituer des contributions patronales sur les stock-options et actions gratuites.

L'assiette qui nous est proposée par l'Assemblée nationale pour cette contribution nous paraît aboutir à un résultat très homéopathique, surtout si nos collègues ont la volonté d'abonder le budget de la sécurité sociale, car cette assiette est réduite.

En effet, l'article 9 E prévoit que l'assiette de cette contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions est limitée à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options à la date de décision d'attribution.

Je partage un point de l'intervention de notre rapporteur général, M. Marini : le chiffrage qui a été indiqué ne correspond pas à la réalité. Si l'on veut vraiment abonder le budget de la sécurité sociale, il faut le faire de manière ouverte et franche. C'est pourquoi nous proposons de supprimer la limitation qui a été introduite par nos collègues de l'Assemblée nationale, afin que la cotisation repose sur une assiette égale à la juste valeur des options, en référence aux normes comptables internationales.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer la possibilité pour l'employeur de choisir la base de la cotisation et de rétablir une assiette correspondant à la réalité de la valeur des options. Je précise, ce qui m'évitera d'y revenir, que l'amendement suivant prévoit une autre taxation.

Notre dispositif a pour objet de confirmer la ligne tracée par l'amendement de M. Yves Bur, tout en instituant une véritable taxation des stock-options et en donnant à cette dernière un contenu réel et non pas « cosmétique ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame Bricq, nous comprenons bien l'objectif qui est le vôtre avec cet amendement : vous voulez modifier l'assiette de la contribution patronale.

Dans l'article 9 E, le taux est fixé à 25 %. Pourquoi pas 30 %, 50 %, 75 %, voire la totalité ? Il nous paraît raisonnable de rester dans la limite de ce qui est prévu. De plus, la proposition que vous venez de faire n'est certainement pas de nature à emporter l'enthousiasme de la commission des finances et de son rapporteur général, mais il serait intéressant d'entendre l'avis du Gouvernement.

Toujours est-il que la commission des affaires sociales n'a pas jugé pertinente une telle initiative. Même à considérer que la dose proposée a un caractère trop homéopathique, je vous rappelle que, l'année dernière, le Gouvernement avait rejeté une initiative comparable que nous avions prise lorsque nous avions déjà prévu de taxer les stock-options. Pourtant, la taxation que nous proposions alors était très modeste au regard de celle qui nous est présentée aujourd'hui, sur l'initiative de M. Bur !