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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

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Financement de la sécurité sociale pour 2008

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

Article 46 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article 46

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous poursuivons l'examen de l'article 46.

Quatrième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article 47

Article 46 (suite)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements en discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 92 rectifié bis est présenté par M. Lardeux, Mmes Hermange, B. Dupont et Bout, MM. Darniche, Haenel, Revet et Retailleau.

L'amendement n° 97 rectifié bis est présenté par MM. Sido, Bailly, Bécot, Bizet et César, Mmes Debré et Desmarescaux, MM. Détraigne, Doligé, Dulait, Etienne, Fournier, F. Giraud, Girod, Gouteyron, Grillot, Guené, Guerry, Huré, Lecerf, Leclerc, Leroy, Longuet, du Luart, Martin, Mortemousque, Pierre et Richert, Mme Rozier et M. de Broissia.

L'amendement n° 230 rectifié bis est présenté par MM. Seillier, Mouly et Mme Payet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Avec un certain nombre de nos collègues, j'ai déposé cet amendement qui tend à la suppression de l'article 46.

D'aucuns vont tout de suite affirmer que les auteurs de cet amendement veulent remettre en cause la dépénalisation de l'avortement. Ce n'est pas sous cet angle que je souhaite aborder la question. Tout le monde connaît mes convictions sur le sujet et je sais que d'autres parmi nous ont des convictions différentes, ce qui, bien évidemment, est tout à fait leur droit.

Je ne veux pas engager ce débat car un projet de loi de financement de la sécurité sociale n'offre pas le cadre adapté à une telle discussion. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je pense que cet article ne devrait pas figurer dans ce texte. Cet amendement est donc, en quelque sorte, une motion de renvoi en commission pour étude plus approfondie de la question.

Nous avons à répondre à un problème majeur de notre société, et la réponse apportée par cet article n'est probablement pas la plus adaptée aux défis que nous devons relever.

Le recours à l'avortement est un échec collectif et un drame personnel pour beaucoup de femmes.

M. François Autain. On le sait !

M. André Lardeux. C'est un échec collectif, car le nombre d'IVG se maintient dans notre pays à un niveau toujours très élevé : 224 000 en 2004, ce qui correspond à peu près à 30 % du total des naissances. Phénomène qui ne manque pas de susciter interrogations et inquiétudes, depuis 1996, le nombre d'IVG augmente dans toutes les tranches d'âge de la population, mais surtout chez les femmes de moins de trente ans, ce qui laisse à penser que l'IVG est devenue pour un certain nombre d'entre elles une solution de contraception. Il y aurait donc lieu d'enquêter sur les nombreux facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène.

Qu'avons-nous fait pour mieux assister les femmes qui se trouvent dans cette situation ? Je n'ai pas l'impression que nous ayons travaillé à une amélioration dans ce domaine.

Nous devons aussi nous interroger sur l'éducation affective que reçoivent les jeunes, sur la banalisation du mépris de la femme, sur la dégradation de son image. Notre société est imprégnée d'une image de la femme trop souvent réduite à l'état d'objet : on sait que, dès onze ans, un enfant sur deux a déjà vu un filme classé X...

M. François Autain. On n'en sait rien !

M. André Lardeux. Ce n'est pas moi qui l'invente, c'est une étude du CNRS qui l'affirme. De même, 260 millions de pages pornographiques seraient directement consultables sur Internet.

L'article 46 n'apporte pas non plus de réponse à d'autres problèmes, comme la détresse de nombreuses femmes laissées seules face à leurs difficultés. Je sais, madame la ministre, que vous êtes très sensible à cette question qui vous préoccupe profondément. L'isolement des femmes qui se trouvent dans cette situation peut être dramatique. J'observe que la convention imposée aux praticiens de ville qui prescrivent l'IVG, citée par Marie-Thérèse Hermange ce matin, est d'ailleurs très exigeante, mais ceux-ci ne prescrivent que 15 000 des 90 000 IVG médicamenteuses.

J'ai cru comprendre que l'extension proposée visait des publics fragiles. Cela doit nous inciter à la plus grande prudence. En effet, l'avortement n'est pas sans risques physiques ni psychologiques. On relève plusieurs centaines de situations graves chaque année, quelques-unes mortelles. Le bon usage du principe de précaution impose donc la prudence. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Sur le plan psychologique, le traumatisme de l'avortement est en train de devenir un problème de santé publique, selon certains psychiatres qui ne sont pas forcément défavorables à la pratique de l'IVG.

La réponse institutionnelle ne me paraît pas non plus appropriée. Élargir les compétences du conseil général dans le cadre de la protection maternelle et infantile me paraît quelque peu contradictoire avec la mission même de ce service, puisqu'il devra organiser la pratique d'IVG par voie médicamenteuse. Mais je laisserai un président de conseil général en exercice développer cette question.

Voilà donc quelques-unes des raisons qui doivent nous conduire à ne pas adopter l'article 46 et à repousser l'examen de ces questions pour qu'il intervienne dans le cadre d'un débat plus approprié. (M. Autain proteste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l'amendement n° 97 rectifié bis.

M. Bruno Sido. L'article 46, qui arrive fort tard dans le débat,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il arrive à son heure !

M. Bruno Sido.... vise à transférer aux conseils généraux l'organisation de l'IVG médicamenteuse au sein des services départementaux de protection maternelle et infantile.

Dans ce domaine, les compétences des conseils généraux, telles que précisées par les articles L. 2112-2, L. 2212-2 et L. 2311-3 du code de la santé publique, portent exclusivement sur les missions d'information et de prévention, les médecins - notamment dans les établissements de santé que sont les hôpitaux et les cliniques - ayant en charge les actions curatives.

Je tiens à préciser que les consultations pré et post-IVG font, de mon point de vue, également partie de la prévention. On peut en effet supposer que le médecin, lors de la consultation préalable, incite la patiente à surseoir à l'IVG et, lors de la consultation postérieure, prodigue des conseils permettant d'éviter que la situation ne se reproduise.

Je suis soucieux, comme chacun d'entre nous, de permettre aux femmes qui le désirent d'exercer leur droit à l'interruption volontaire de grossesse. Il n'est pas question de revenir sur la loi Veil ni sur les lois suivantes, bien entendu, mais il convient de respecter les conditions fixées par la loi.

Je tiens à dire à ce propos à Mme David qu'elle devrait se méfier des messages subliminaux qu'elle émet car ils font froid dans le dos, notamment quand elle parle de la libre disposition de son corps. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe CRC.)

Cela dit, il me semble que la cohérence et la nécessaire lisibilité pour nos concitoyens des rôles respectifs de l'État et des conseils généraux en matière d'action médico-sociale exige que le périmètre actuel des compétences soit maintenu : aux conseils généraux les actions de prévention, à l'État les autres missions.

J'ajouterai sur ce point que l'article 46 n'a pas fait l'objet d'une concertation préalable. Les présidents de conseils généraux n'ont pas eu l'occasion d'en débattre au sein de l'Assemblée des départements de France. Or, dans sa rédaction actuelle, cet article confie aux présidents de conseils généraux, et non aux conseils généraux, la responsabilité de l'organisation de cette nouvelle mission. C'est donc un sujet sérieux qui mériterait d'être débattu.

En outre, aucune compensation financière n'est prévue : cet argument est secondaire, mais il a malgré tout son importance. Je vous ai bien entendue, madame la ministre, lorsque vous disiez que l'acte est remboursé à 100 % pour les bénéficiaires de la CMU, par exemple, mais le conseil général participe à l'intendance, même s'il n'est pas le seul, et, si le nombre des consultations augmente dans les centres de planning familial, les frais d'intendance augmenteront. Je souhaite simplement attirer votre attention sur ce point, qui n'est cependant pas central dans mon argumentation.

Il convient également de s'interroger sur l'efficacité de cette mesure parce que, souvent, le diable se cache dans le détail...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Entre le subliminal et le diable, vous faites fort !

M. François Autain. Vous devez faire des cauchemars !

M. Bruno Sido. Ce n'est qu'une expression !

Madame la ministre, les deux tiers des centres de planification familiale, en France métropolitaine tout au moins, sont actuellement situés dans l'enceinte d'établissements de soins. Ce sont les mêmes médecins qui exercent leur art au centre de planification familiale et qui, si nécessaire, à la porte d'à côté, exécutent une IVG en tant que praticiens hospitaliers.

M. François Autain. Mais non, ce ne sont pas les mêmes !

M. Bruno Sido. Vous avez dit, madame la ministre, que les médecins de ville peuvent, après conventionnement avec les établissements de santé, pratiquer l'IVG médicamenteuse. Je note d'ailleurs que, selon les chiffres qui sont en ma possession, le nombre de ces actes a doublé entre 2005 et 2006 : il est passé de 9 000 à 18 000 - je ne dispose pas des chiffres pour 2007.

Je pense que là réside la solution, en ce sens qu'il faudrait probablement inciter les médecins de ville à s'ouvrir à cette possibilité de passer des conventions avec les établissements de santé afin d'offrir aux femmes concernées ce qu'elles recherchent : la confidentialité, l'humanité, le suivi.

On nous dit, et cela est certainement la réalité, que plus de 5 000 femmes, chaque année, se rendent à l'étranger pour avorter. C'est un problème grave, et l'on peut s'interroger sur les véritables raisons de cette situation. Il m'étonnerait qu'une femme du Cantal ou de la Haute-Marne aille à l'étranger pour subir une IVG. Peut-être s'agit-il de femmes vivant près d'une frontière.

Sans prolonger à l'excès le débat, je voudrais maintenant souligner que les conseils généraux sont identifiés comme des acteurs majeurs en matière de prévention, mission qu'ils accomplissent plutôt bien, soit dit en toute modestie. Je pense qu'il ne faut pas brouiller cette image.

Or beaucoup de présidents de conseils généraux, madame la ministre, sont « vent debout » contre le dispositif qui nous occupe. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Autain. Vous prenez vos désirs pour la réalité !

M. Bruno Sido. Ils ont autant que vous le droit de penser et de réfléchir, chers collègues !

Je voudrais, au passage, saluer les cosignataires de cet amendement. D'ailleurs, bien d'autres membres de la Haute Assemblée me soutiennent dans cette démarche, mais n'ont pu cosigner l'amendement pour des raisons techniques ou de délais.

En tout état de cause, le dispositif aurait mérité mieux que la discussion d'un article au détour de l'examen du PLFSS. Un débat approfondi sur ce thème eût très certainement été préférable. Cette affaire démontre en tout cas l'utilité du cumul des mandats.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Bruno Sido. Madame la ministre, vous avez reconnu, devant les députés, que l'insertion de cet article résultait de pressions des associations. (Mme la ministre proteste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement qu'il y a des associations pour défendre les femmes !

Mme Nicole Bricq. Elles sont dans leur rôle !

M. Bruno Sido. En conclusion, je demande la suppression de l'article 46.

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour présenter l'amendement n° 230 rectifié bis.

M. Bernard Seillier. L'article 46 vise en fait à procurer certaines facilités supplémentaires pour l'accès à l'IVG.

Or, précisément, je voudrais évoquer ce que je considère comme une dérive inquiétante, car il me semble que se répand, spontanément ou en réaction à des excès de certains mouvements « pro-vie », un état d'esprit pessimiste au regard de la transmission de la vie, dont la femme et, plus généralement, notre société pourraient finalement faire les frais.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pour cela qu'il y a plus d'enfants en France que dans d'autres pays !

M. Bernard Seillier. La loi Veil présentait une forme d'équilibre, d'ailleurs reconnu en son temps par le Conseil constitutionnel. Elle était fondée sur quelques principes élémentaires, à savoir que l'IVG ne constituait pas un moyen de planification, était un acte exceptionnel, toujours traumatisant pour celles qui y avaient recours.

Or, depuis le vote de cette loi, un certain nombre d'éléments d'accompagnement ont disparu, notamment à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception d'urgence.

En particulier, l'entretien préalable, qui avait vocation à faire bénéficier la femme en détresse d'un accueil qui lui permette, dans un climat de sérénité, de bien évaluer sa situation, a été supprimé.

Était également prévue, dans la loi Veil, la remise d'un dossier guide énumérant les droits, aides et avantages garantis aux mères et à leurs enfants, que l'on a expurgé en 2001 pour en supprimer tous les renseignements relatifs aux lieux et associations pouvant aider une femme à garder son enfant.

Autrement dit, dans un monde difficile où l'on constate des situations de chômage et de misère de toute sorte, où pèsent des inquiétudes plus ou moins claires devant l'avenir, je crains que cette évolution de l'accompagnement de la femme enceinte ne soit finalement très préjudiciable à celle-ci.

Où sont aujourd'hui les lieux de sérénité où une femme enceinte peut trouver une écoute lui permettant de mener une réflexion autonome, sans qu'elle ait à soupçonner que l'on veuille l'orienter vers telle solution plutôt que telle autre ?

Il me semble important de maintenir et de développer des lieux d'accueil et de soutien à la maternité, ce qui était et demeure la vocation, à mon sens, des centres de planification familiale et d'éducation familiale, ainsi que leur nom l'indique.

Or adopter le dispositif de l'article 46 aboutirait à une forme de dénaturation de cette vocation. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises pour exposer ma préoccupation de voir se développer, dans l'éducation affective et sexuelle des enfants, des adolescents et des jeunes, l'enseignement de tous les moyens, qu'ils connaissent sans aucun doute, d'éviter une grossesse, alors que l'éducation à la responsabilité familiale et parentale me semble constituer une grande lacune dans notre société.

C'est donc pour permettre un rééquilibrage et enrayer une dérive patente que je demande la suppression de l'article 46, qui me paraît malvenu.

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Domeizel, Mmes San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au deuxième alinéa (II) de cet article, après les mots :

d'éducation familiale

insérer les mots :

ou un centre de santé

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à étendre aux centres de santé l'autorisation prévue à l'article 46, afin bien entendu d'offrir un accès plus large à l'IVG par voie médicamenteuse aux femmes en situation de détresse qui en ont besoin.

M. le président. L'amendement n° 353, présenté par Mme David, MM. Autain et Fischer, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Compléter le II de cet article par les mots :

ou les centres de santé

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je ne m'étendrai pas sur cet amendement, dont la teneur a déjà été fort bien présentée par ma collègue.

Cependant, je voudrais profiter de cette occasion pour attirer l'attention de Mme la ministre sur la circulaire du 26 novembre 2004 relative à l'amélioration des conditions de réalisation des interruptions volontaires de grossesse : pratique des IVG en ville et en établissements de santé.

Je déplorerai d'abord que les médicaments que les médecins sont amenés à prescrire en vue d'une IVG par voie médicamenteuse, à savoir le Mifégyne et le Gymiso, ne soient pas présentés conformément à la dénomination commune internationale. Je pense que, dans ce domaine, l'État devrait montrer l'exemple, puisqu'il incite fortement les médecins généralistes à prescrire en recourant à la dénomination commune internationale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. François Autain. Dès lors que l'État ne montre pas la voie, comment voulez-vous que les médecins généralistes vous suivent, madame la ministre ?

Un second point me paraît cependant plus important et préoccupant.

Vous avez recommandé la prescription, lors de la deuxième consultation, de la spécialité Gymiso, répertoriée selon la dénomination commune internationale sous le nom de misoprostol. Il n'y aurait rien à y redire s'il n'existait pas une autre spécialité, le Cytotec, dont le principe actif est également le misoprostol et dont le dosage est identique. Évidemment, ce n'est pas le même laboratoire qui fabrique le Cytotec et le Gymiso. Je n'ose pas imaginer que le Gouvernement donne la préférence à un laboratoire plutôt qu'à un autre !

Quoi qu'il en soit, lorsque l'on examine le prix des deux médicaments, on s'aperçoit qu'une boîte de Gymiso, comportant deux comprimés, coûte 15 euros, tandis qu'une boîte de soixante comprimés de Cytotec est vendue au prix de 19 euros. Cela n'a rien à voir ! Pour un coût de 19 euros, on peut pratiquer trente IVG avec le Cytotec, tandis qu'une seule coûte 15 euros avec le Gymiso.

Le médicament conseillé par le Gouvernement est donc beaucoup plus cher que celui, identique, qui n'a pas été recommandé par le biais de la circulaire. Non seulement vous ne respectez pas la dénomination commune internationale, mais en plus vous préconisez et rendez obligatoire la prescription d'un médicament beaucoup plus coûteux qu'un autre. Il s'agit là, au regard des économies à réaliser en matière de sécurité sociale, d'une erreur du Gouvernement, puisque la circulaire est signée par le directeur général de la santé et le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, par délégation du ministre de la santé.

Il convient donc sans doute, à mon sens, de modifier cette circulaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je donnerai d'abord l'avis de la commission sur les trois amendements identiques nos 92 rectifié bis, 97 rectifié bis et 230 rectifié bis, qui tendent à supprimer l'article 46.

Les auteurs de ces amendements donnent plusieurs motifs pour justifier leur demande de suppression du dispositif. Pour ma part, sans préconiser une telle suppression, j'avais émis, dans mon rapport, une double réserve sur cet article.

Ma première réserve avait trait au fait que les actions de prévention et l'information sur la contraception doivent être renforcées. Il semble en effet incompréhensible que l'on puisse pratiquer aujourd'hui encore autant d'avortements alors que des méthodes contraceptives existent. Pourquoi en sommes-nous encore là ? Il n'est pas acceptable que, depuis le vote de la loi Veil, le nombre annuel d'avortements soit resté stable, autour de 220 000.

Ma seconde réserve portait sur les études postérieures à l'autorisation de mise sur le marché des médicaments. Elles doivent être engagées en vue d'améliorer les connaissances sur les effets secondaires des IVG par voie médicamenteuse.

Le dispositif présenté vise à améliorer l'accès à cette technique d'avortement, qui reste moins invasive et moins traumatisante que la méthode chirurgicale.

Les centres de planning familial sont en effet identifiés par les femmes, notamment les plus vulnérables d'entre elles et les mineures, comme des lieux de prescription de moyens contraceptifs, de dépistage et de traitement des maladies sexuellement transmissibles.

Ils sont également chargés, comme l'a rappelé tout à l'heure Mme la ministre en répondant aux intervenants sur l'article, d'orienter les femmes qui souhaitent avorter vers un établissement de santé ou un médecin libéral conventionné autorisé à pratiquer les IVG.

J'indique, à la suite de Mme la ministre, que plusieurs garanties sont prévues : l'acte ne pourra être effectué que par un médecin et dans les six premières semaines de la grossesse.

À cet égard, je souligne que les médecins des centres de planification familiale et d'éducation familiale pratiquent déjà le plus souvent des IVG, à titre libéral ou dans un établissement de santé, comme l'a dit M. Sido. Les médecins pourront toujours invoquer la clause de conscience pour refuser de pratiquer l'IVG.

Enfin, les centres précités qui souhaiteront prescrire des IVG par voie médicamenteuse devront, comme les médecins libéraux, passer une convention avec un établissement de santé.

S'agissant du financement de cette mesure, je rappelle que les départements ne seront pas mis à contribution. Mme le ministre l'a expliqué tout à l'heure avec moult détails.

Toutefois, il me semble légitime que certains d'entre nos collègues puissent s'interroger sur le bien-fondé d'élargir l'accès à l'IVG par voie médicamenteuse dans le cadre des centres de planning familial. Se pose notamment la question du suivi des femmes après l'avortement. À cet égard, Mme le ministre a rappelé les cinq rendez-vous qui sont prévus, dont deux concernent le suivi.

Bruno Sido, parmi d'autres, a posé la question de la responsabilité juridique éventuelle, pénale comme civile, du président du conseil général en cas de difficultés. Sur ce point, il serait bien, madame le ministre, que vous éclairiez notre collègue afin d'apaiser éventuellement ses inquiétudes.

Mes chers collègues, vous comprendrez donc que, après avoir pris connaissance des explications complémentaires que Mme la ministre nous apportera, la commission des affaires sociales s'en remette à la sagesse de notre assemblée.

Je souhaiterais que nous évitions, dans la mesure du possible, de déplacer la discussion sur les questions de principe. Tenons-nous en à l'objet de l'article puisque l'IVG médicamenteuse est pratiquée, je le rappelle, depuis les années 1980, même si on peut le regretter et désapprouver cette technique.

Mais ce n'est pas en supprimant l'avortement par voie médicamenteuse dans les centres de planning familial que l'on réglera pour autant le problème de fond. Ce débat est peut-être une opportunité pour certains de rappeler quelles sont leurs convictions sur le sujet de l'IVG, mais il ne doit en aucun cas servir à remettre en cause ce droit.

Comme Mme la ministre l'a rappelé, le centre de planning familial me paraît présenter des garanties supérieures, sur le plan médical comme en termes de suivi des patientes, à celles qu'offre la pratique actuelle par un médecin libéral, même si ce dernier a signé une convention avec un établissement de santé.

En revanche, sur les problèmes juridiques, je souhaite que Mme la ministre apporte les éclaircissements nécessaires avant que nous ne nous prononcions, mes chers collègues.

Les amendements nos 133 et 353, quant à eux, visent à étendre aux centres de santé municipaux et mutualistes l'autorisation de pratiquer les IVG médicamenteuses.

La commission des affaires sociales n'est pas opposée au principe de cette extension dès lors que le Sénat choisit de maintenir le dispositif de l'article 46. Toutefois, dans la mesure où les médecins des centres de planning familial pourront prescrire des IVG, l'objectif de faciliter l'accès des femmes les plus vulnérables à cette technique sera déjà atteint. En effet, ces centres, qui sont implantés le plus souvent dans les quartiers dans lesquels l'accès aux soins n'est pas toujours aisé, reçoivent les femmes en situation difficile.

Avant de terminer, il me reste à vous dire, mes chers collègues, que c'est l'avis de la commission des affaires sociales que je viens d'exprimer, en tant que rapporteur, et non mon opinion personnelle sur le sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite répondre de façon approfondie aux questions qui m'ont été posées.

À la question relative à la sécurité sanitaire, je répondrai que nous avons maintenant un recul suffisant sur le sujet, puisque l'IVG médicamenteuse est autorisée dans notre pays depuis 1988.

J'ai demandé à la direction générale de la santé de me communiquer les résultats des études très exhaustives qui ont été menées dans de nombreux pays sur les suites des IVG médicamenteuses. Il faut le reconnaître, les résultats sont extrêmement encourageants : cette technique est d'une très grande sécurité.

En outre, les précautions prévues par le protocole qui doit être obligatoirement suivi augmentent la sécurité de la pratique. Rarement, une technique n'a entraîné aussi peu d'effets secondaires comparés aux résultats obtenus.

En réponse à l'interrogation, qui a notamment été formulée par M. Lardeux et par M. le rapporteur, sur une éventuelle banalisation de l'IVG, je vous dirai que je compte mener une politique volontariste en faveur de la contraception.

J'ai lancé en septembre dernier une campagne d'information sur le sujet avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il ne s'agit pas d'opposer l'accès à l'IVG médicamenteuse et la politique de prévention. Soyez assurés que ces deux actions de santé publique ne sont pas exclusives l'une de l'autre : je les mène de front.

Cette campagne vise à informer les femmes et les professionnels de santé sur les différentes méthodes contraceptives, puisque c'est leur méconnaissance qui est la cause d'un certain nombre d'échecs de la contraception. Les femmes doivent savoir qu'il existe bien d'autres méthodes que la contraception médicamenteuse. Les réserves émises quant à l'utilisation de certaines techniques sont tombées : je pense, par exemple, au dispositif intra-utérin auparavant déconseillé aux nullipares. Il est aujourd'hui prouvé qu'il ne compromet pas une grossesse ultérieure.

Comme souvent en matière de santé publique, ce sont les femmes les plus en difficultés sur les plans sociaux et économiques qui ont le plus besoin d'être aidées et épaulées. Les centres de planification et d'éducation familiale sont particulièrement bien adaptés pour aider ces femmes à mener à bien une IVG. De plus, le suivi très attentif opéré par les centres de planning familial est de nature à développer l'information à la contraception que vous appelez de vos voeux et empêcher ainsi la pratique d'IVG itératives.

En effet, s'agissant de ces femmes, le fait que ce soit le centre de planning familial qui assure les cinq consultations de la procédure d'IVG constitue une forte garantie que l'information sur la contraception leur sera bien dispensée.

Comme d'autres avant moi l'ont fait remarquer, dans la mesure où les centres d'orthogénie qui pratiquent l'IVG chirurgicale sont très difficiles d'accès, l'exercice de l'IVG médicamenteuse dans les centres de planning familial est la meilleure façon d'empêcher les IVG chirurgicales dans les conditions que certains d'entre vous ont fort justement dénoncées, notamment à l'étranger.

M. Sido s'est interrogé sur les implications financières et juridiques que pourraient avoir ces dispositions pour les collectivités territoriales. Comme le rapporteur l'a noté, j'ai expliqué ce matin que les coûts supplémentaires seraient supportés par l'assurance maladie et le budget de l'État.

Vous avez affirmé, monsieur le sénateur, que les présidents de conseils généraux seraient « vent debout » sur la question. Nous avons interrogé le président de l'association des présidents de conseils généraux : ceux-ci n'ont pas pour l'instant exprimé leur opposition à cette disposition.

Je peux vous garantir que ni la responsabilité des présidents de conseils généraux ni celle des conseils généraux ne sera engagée sur le plan juridique. Je l'ai déjà signalé, la création des centres de planification et d'éducation familiale ressortit à la compétence des conseils généraux. Ces derniers choisissent librement les structures qui leur paraissent les plus adaptées. Mais ces organismes jouissent de la personnalité morale et sont donc responsables civilement et moralement des actes qu'ils effectuent, tout comme les médecins qui y travaillent.

Dans ces conditions, je pense avoir tout à fait rassuré à la fois ceux qui s'inquiétaient pour la santé des femmes et ceux qui s'interrogeaient sur le problème de la responsabilité.

Sans faire insulte aux médecins de ville ou aux structures hospitalières qui pratiquent à l'heure actuelle les IVG chirurgicales, on peut dire que l'exercice des IVG médicamenteuses dans les centres de planification ou d'éducation familiale permettra de protéger la santé des femmes, que celles-ci seront mieux suivies tout au long de la procédure, avant et après.

Je signale au passage qu'une IVG chirurgicale est beaucoup plus coûteuse, de près de 60 euros supplémentaires, qu'une IVG médicamenteuse réalisée dans un CPF.

S'agissant de l'extension aux centres de santé, M. le rapporteur a excellemment répondu à la question qui était posée. À partir du moment où les praticiens qui exercent dans les centres de santé respectent les mêmes obligations que celles qui sont exigées des médecins de ville et des médecins qui pratiquent dans les centres de planning familial, il n'y a aucune raison de refuser cette extension.

À M. Autain, qui m'a posé une question technique sur le Cytotec, je répondrai qu'aucune demande d'AMM pour l'indication d'IVG n'a été déposée à propos de ce médicament. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, ce médicament répond à des indications gastriques, et un praticien ne peut prescrire un médicament pour des indications autres que celles qui figurent dans l'AMM.

M. François Autain. C'est faux ! Il peut le prescrire !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite évoquer quelques points qui vont au-delà des dispositions de l'article qui nous est présenté, dont, par ailleurs, je comprends tout l'intérêt.

L'administration des deux produits doit bien sûr être réalisée par un médecin, mais elle peut l'être également par un infirmier, par délégation de soins.

Le premier produit, le mifépristone, ne présente pas en lui-même de grands risques, même s'il peut entraîner, avant l'administration du second produit - cela arrive dans 3 % des cas -, l'évacuation du foetus de façon un peu inattendue.

En revanche, le second produit, analogue à la prostaglandine, est d'utilisation beaucoup moins simple que le premier, car il est susceptible d'entraîner des accidents cardiovasculaires, à l'instar d'un autre analogue de la prostaglandine qui a, depuis, été retiré du marché. La patiente doit donc désormais obligatoirement rester sur le lieu d'administration du produit pendant au moins trois heures.

Ma question est simple : si le produit est administré par un infirmier dans le cadre d'une délégation de soins, celui-ci est-il habilité à faire face à un accident cardiovasculaire ? Aura-t-il les moyens d'y faire face en cas de problème ? Une défaillance surrénalienne serait assez simple à régler, mais encore faut-il poser le diagnostic et savoir intervenir. Je ne pense pas que cela relève d'un infirmier.

Je tiens beaucoup à ce que personne d'autre qu'un médecin ne puisse administrer l'analogue de la prostaglandine et à ce que celui-ci soit présent pendant les trois heures durant lesquelles la patiente est placée sous sa responsabilité.

Je soulèverai également une autre question. Nous savons que, dans un certain nombre de cas, l'interruption de grossesse par voie médicamenteuse n'aboutit pas. Cette pratique entraînant des métrorragies importantes et durables dans la totalité des cas, il existe un risque de confusion avec une grossesse extra-utérine.

Ma question est la suivante : une échographie est-elle systématiquement pratiquée avant l'interruption médicamenteuse ou n'est-elle envisagée et remboursée qu'en cas de doute sur l'évacuation, après l'ensemble des opérations, c'est-à-dire quinze jours plus tard ? Je rappelle que, en cas de grossesse extra-utérine, la patiente risque de décéder très rapidement.

Je pense que la réalisation d'une échographie doit être exigée au moins avant l'administration de la prostaglandine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis très heureuse de la question de M. le président de la commission des affaires sociales.

Les textes sont parfaitement clairs : l'administration de médicaments dans le cadre du protocole d'IVG médicamenteuse ne peut pas être pratiquée par délégation de soins. Seul le médecin a le droit d'administrer les médicaments...