M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous ne voterons pas cet amendement.

M. Nicolas About. Je m'en doute, vous défendez les patrons, on le sait ! (Sourires.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Collusion avec le MEDEF, avec Mme Parisot ! (Nouveaux sourires.)

M. Guy Fischer. Bien sûr ! Avec l'UIMM pendant que vous y êtes ! (Nouveaux sourires.)

Le problème, c'est que ce débat est prématuré.

La tradition patronale, et c'est peut-être une spécificité de la France, monsieur About, a été de constamment accélérer le processus de départ à la retraite, bien souvent avec une participation financière importante de l'État. Le secteur automobile en fournit une illustration éclatante. Quand PSA annonce qu'il va supprimer 10 000 emplois, on s'aperçoit que le financement des départs anticipés n'est pas bloqué, malgré tout ce que vous voulez bien dire. On a vu aussi ce qu'il est advenu de la contribution Delalande.

En tout cas, nous sommes prêts à débattre de ce problème. Et il ne s'agit pas de nous accuser de quelconques connivences : je mets cela sur le compte de la fatigue en cette fin de débat sur le PLFSS ! (Nouveaux sourires.)

Quoi qu'il en soit, nous ne voterons pas l'amendement.

J'ai assisté récemment au colloque sur les retraites organisé par la Caisse des dépôts à Bordeaux : il y a été bien montré que la France est un des pays où se pose le plus le problème du bien-être au travail. Alors, évidemment, aujourd'hui, lorsqu'un salarié a l'occasion de partir, il le fait, surtout à la veille d'importantes réformes sur les retraites.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous ne voterons pas non plus cet amendement. Et, je m'empresse de vous le dire, monsieur About, ce n'est pas du tout parce que j'ai reçu un appel téléphonique du MEDEF ! (Sourires.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ça nous rassure ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. D'ailleurs, ces gens-là ne m'appellent jamais ; ce doit être un signe ! Ils me connaissent ! Je plaisante, bien sûr, car je suis toujours prêt au dialogue !

Pour ce qui concerne les travailleurs mis à la retraite d'office, nous avons manqué une occasion l'an passé. En effet, je vous le rappelle, la commission avait proposé une disposition en la matière, que le Sénat, l'Assemblée nationale, puis la commission mixte paritaire avait adoptée. Mais, à la dernière minute, par amendement du Gouvernement, - mais là, je suis sûr que le MEDEF n'y était pour rien... (Sourires.) -, celle-ci a été annulée pour 122 branches professionnelles.

M. Guy Fischer. Jusqu'en 2014 !

M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait ! C'est dire si l'on a pris ses aises !

Soyons sérieux ! Plutôt que de créer des quotas, légiférons sur la question de la mise à la retraite d'office. Certes, je comprends la manière de procéder du président About, mais, comme je l'ai indiqué en commission, l'analogie faite avec les personnes handicapées me dérange quelque peu.

Autant je suis favorable au fait de prendre des mesures très fortes pour qu'on ne puisse pas contraindre pas les plus de cinquante-cinq ans à partir à la retraite, autant il me semble délicat de définir des quotas par entreprise, car la situation de chaque entreprise est spécifique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 411.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 53.

L'amendement n° 456, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « de l'article L. 351-1-1, » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 351-1-1, de l'article L. 634-3-2, du II de l'article L. 643-3, du II de l'article L. 723-10-1 du présent code, de l'article L. 732-18-1 du code rural ou de l'article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ».

II. - Le II de l'article 114 de la loi n° 2006-1640 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est complété par les mots : « , à l'article L. 732-27-1 du code rural et à l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ».

La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est consécutif à la réforme des retraites de 2003, qui a accordé aux salariés la possibilité de racheter, à plusieurs titres, des trimestres de cotisations. Or nous avons constaté une certaine disparité, certains régimes n'ayant pas été pris en compte.

Cet amendement vise donc à corriger les inégalités - il faut dire les choses comme elles sont ! - qui existent entre les pensionnés des différents régimes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 456.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 53.

Articles additionnels avant l'article 53
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article additionnel après l'article 53

Article 53

Pour l'année 2008, les objectifs de dépenses de la branche Vieillesse sont fixés :

1° Pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 179,7 milliards d'euros ;

2° Pour le régime général de sécurité sociale, à 94,3 milliards d'euros.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. Cet article fixe les objectifs de dépenses de la branche vieillesse et veuvage du régime général et de l'ensemble des régimes obligatoires de base. Il nous renvoie à ce qui se passe en ce moment sur la question des régimes spéciaux et il anticipe sur le débat qui aura lieu l'année prochaine. En effet, nous le savons fort bien, c'est un problème global.

La question de la retraite est l'une de celles qui préoccupent aujourd'hui le plus nos concitoyens, et nous ne les comprenons que trop. Il faut dire que l'allongement de la durée de cotisation, la suppression annoncée des régimes spéciaux - sauf celui des avocats, qui, grâce à vous, bénéficieront d'un droit à retraite à cinquante-cinq ans -, le maintien de l'indexation des retraites sur les prix, la suppression des « clauses couperet », la création de la décote et de la surcote, constituent autant de points qui nourrissent les inquiétudes sur la retraite. En effet, on demandera certainement aux générations futures de travailler plus longtemps, avec un taux de remplacement réduit et, malheureusement, des cotisations de plus en plus élevées. De toute façon, même si les cotisations n'augmentent que modérément, on incitera les personnes à se constituer une épargne retraite dans le cadre d'un système assurantiel.

Avant de développer plus longuement mon propos sur l'article 53, je souhaiterais vous interroger, madame la secrétaire d'État, sur le dispositif des carrières longues, car M. le rapporteur m'a mis la puce à l'oreille ! (Sourires. - M. le rapporteur s'exclame.) J'espère que vous pourrez m'apporter une réponse claire.

Ce dispositif, sans doute le seul qui soit acceptable dans votre « contre-réforme » Fillon, coûterait 2,3 milliards d'euros. Il vise, je le rappelle, à permettre à des salariés ayant commencé de travailler à quatorze, quinze ou seize ans, de liquider leur pension avant d'avoir atteint l'âge de soixante ans. Or, on voit poindre, au sein de l'UMP comme au sein du Gouvernement, une critique véhémente de ce dispositif, arguant de son coût prétendument excessif. Pour ma part, je bois littéralement les paroles de M. le rapporteur : or celui-ci semble considérer que nous nous sommes fourvoyés et qu'il faut en quelque sorte redresser la barre !

On est allé jusqu'à dénoncer le fait que certains auraient mis sur pied un système, parfois avec la complicité des entreprises, qui relèverait de la fraude. Si tel est le cas, je ne vois pas pourquoi on validerait les longues carrières.

Ma question est donc simple : entendez-vous, madame la secrétaire d'Etat, supprimer ce dispositif - mais cela me semble difficile - ou, à tout le moins, durcir ses conditions d'application ?

Sans doute allez-vous me rétorquer que j'anticipe sur le débat de 2008. J'en resterai donc là pour le moment, car ce qui est aujourd'hui en jeu, c'est le taux de revalorisation des retraites : nous allons valider une augmentation de 1,1 % au 1er janvier 2008. De mémoire, ce taux n'a jamais été aussi bas. Pour justifier la faible hausse du montant des retraites, la présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse m'a expliqué qu'il fallait, faute de moyens, répartir les efforts financiers entre les retraités et les plus jeunes. Merci pour les retraités !

Que va-t-il donc advenir du dispositif concernant les carrières longues ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous nous le demandons !

M. le président. Je mets aux voix l'article 53.

(L'article 53 est adopté.)

Article 53
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Articles additionnels avant l'article 54

Article additionnel après l'article 53

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par MM. Domeizel, Godefroy et Cazeau, Mmes Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi rédigé :

« Par dérogation au délai prévu dans le dernier alinéa de l'article L. 5, la validation de services définie dans cet alinéa, lorsque la titularisation ou l'entrée en service pour les militaires est antérieure au 1er janvier 2004, doit être demandée avant la radiation des cadres et jusqu'au 31 décembre 2010. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet d'accorder aux fonctionnaires un délai supplémentaire de deux ans pour faire valider des services, une opération qui, avant la réforme des retraites, était possible jusqu'à la radiation des cadres.

Nombreux sont les personnels qui ne disposent pas des informations nécessaires et n'ont même pas connaissance de l'existence de ce délai. Par ailleurs, la réforme a rendu possible, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors, la validation de services pour lesquels certains fonctionnaires avaient, dans un premier temps, essuyé un refus.

Il faut également souligner que le montant des retenues rétroactives correspond souvent à des coûts non négligeables, que le fonctionnaire doit planifier dans le temps.

La mise en place simultanée des cotisations pour le régime additionnel de la fonction publique a occasionné des cotisations supplémentaires et une baisse des revenus qu'il convient d'intégrer.

Les fonctionnaires, notamment ceux qui approchent de l'âge de la retraite, ont aujourd'hui une visibilité plus grande sur leurs futurs droits à pension et sur les bénéfices qu'ils peuvent retirer d'une validation de services.

Enfin, il nous paraît judicieux de prolonger le délai de validation de service jusqu'à la mise en place généralisée du droit à l'information institué par la loi du 21 août 2003.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La réforme des retraites de 2003 a permis de valider, pendant quatre ans, certains acquis. Cet amendement, qui prévoit une prorogation de deux ans, ne nous semble pas nécessaire.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Je veux en outre indiquer à Guy Fischer que le coût du dispositif des carrières longues se situe plutôt aujourd'hui aux alentours de 2,5 milliards d'euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 3

Dispositions relatives aux dépenses d'accidents du travail et de maladies professionnelles

Article additionnel après l'article 53
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2008
Article 54

Articles additionnels avant l'article 54

M. le président. Je suis saisi de trois amendements présentés par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 367est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « et un volet spécifiquement destiné à la santé au travail ».

L'amendement n° 368 est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 161-36-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins du travail visés aux articles L. 241-1 et suivants du code du travail, reportent dans le volet « santé et travail » du dossier médical personnel l'ensemble des éléments relatifs aux expositions professionnelles, à la surveillance médicale et aux visites médico-professionnelles. »

L'amendement n° 369 est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'avant-dernier alinéa de l'article L. 161-36-3 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En application des articles L. 122-45 et suivants du code du travail, l'employeur n'a accès à aucune des informations contenues dans le dossier médical personnel.

« Les médecins du travail n'ont accès qu'aux informations reportées dans la partie « santé au travail » à l'exclusion de toute autre information, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État mentionné à l'article L. 161-36-4 du présent code. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Par ces amendements, que je présenterai conjointement, ce qui réjouira sûrement M. le président, nous vous proposons d'aborder concrètement l'une des recommandations fortes du dernier rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, remis au Gouvernement en octobre dernier, qui conforte les observations formulées, en 2003, dans le rapport de l'IGAS et, en 2005, dans celui de la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale.

En effet, le rapport insiste sur la nécessité de « mettre en place des modalités plus efficaces de suivi de la santé des salariés ». Pour ce faire, à l'instar des deux rapports précédents et de la proposition de loi que Roland Muzeau, Michelle Demessine et les membres du groupe CRC avaient déposée, il prévoit de mettre en place « un outil spécifique [...] retraçant l'historique des expositions et les facteurs professionnels susceptibles d'affecter éventuellement la santé du salarié ».

Depuis longtemps, et plus encore avec les rapports parlementaires relatifs au drame de l'amiante, nous savons que l'une des raisons les plus significatives de la sous-déclaration des maladies professionnelles réside dans la difficulté de reconstituer les parcours professionnels et les expositions qu'ils ont occasionnées. Or, aujourd'hui, il n'existe pas d'autre système d'information qu'un système comptable répertoriant les maladies déclarées et reconnues, ce qui est loin de constituer une base efficace pour la mise en place d'une politique ambitieuse de prévention.

Il n'est que d'observer le décalage entre les données de l'InVS, l'Institut de veille sanitaire, qui recense annuellement 11 000 à 23 000 nouveaux cas de cancers attribuables aux expositions professionnelles, et les données des caisses régionales d'assurance maladie, qui ne font état que de 2 059 salariés reconnus victimes de maladies professionnelles, pour prendre la mesure de ce phénomène qui pèse si lourdement non seulement sur les finances de la sécurité sociale, mais bien plus encore sur la vie des travailleurs atteints.

Au vu de ces constats, chacun des rapports préconise d'instaurer un véritable cursus laboris des salariés, permettant la traçabilité des expositions tout au long de la vie professionnelle. Nous le savons tous ici, le processus de déclaration de la maladie professionnelle reste vécu comme un parcours du combattant. Il est trop souvent difficile d'entreprendre des démarches, faute d'informations précises sur les risques auxquels la victime a été exposée durant sa carrière professionnelle et faute de savoir à qui s'adresser.

Le salarié sous pression doit également arbitrer entre préserver son emploi ou protéger sa santé.

Pour faciliter la reconstitution des parcours professionnels, éclairer les expositions qu'ils ont pu occasionner et, ainsi, permettre d'optimiser le suivi des maladies professionnelles, les trois amendements que nous proposons visent à mettre en place au sein du dossier médical personnel un volet spécifique, dédié à la santé au travail et accessible aux généralistes, alors que le médecin du travail et l'employeur n'auront pas accès aux données personnelles de santé contenues dans le dossier médical.

Du fait de la dépendance avérée de la médecine du travail aux employeurs, système largement mis en cause par la récente enquête qui révèle un scandale inouï, celui du financement des instances du MEDEF sur les fonds de la médecine du travail - je n'en dirai pas plus ! - et donc indéniablement sur le dos de la santé des salariés, il est indispensable de prévoir cette interdiction d'accès au médecin du travail et à l'employeur.

En créant ainsi un volet dédié à la santé au travail au sein du dossier médical personnel et dans les conditions d'accès aux informations telles que nous les formulons, nous vous proposons, comme nous l'avons fait pour plusieurs PLFSS, de contribuer à la réduction du déficit de connaissance des maladies professionnelles et de faciliter la déclaration de celles-ci.

Une telle disposition participera également au développement du suivi médical professionnel et postprofessionnel tout au long de la carrière, conformément aux recommandations de l'ensemble des acteurs de la prévention en milieu de travail.

Un intérêt indéniable de ce volet médical dédié à la santé au travail est qu'il oriente résolument l'action des médecins du travail sur la prévention primaire, en renforçant la spécificité de leur pratique, à savoir l'évaluation de l'incidence des conditions de travail sur la santé des salariés.

Au sujet de l'amiante, l'une des conclusions non seulement des rapports parlementaires - un travail admirable a été fait au sein de la commission des affaires sociales -, mais également ceux d'autorités telles que l'inspection générale des affaires sociales et la Cour des comptes, est que notre système relatif aux AT-MP - accidents du travail et maladies professionnelles - non seulement ne permet pas une réparation satisfaisante des altérations de la santé dues au travail, mais encore participe d'une véritable construction de l'invisibilité de ces atteintes. Dans le contexte de dégradation intense des conditions de travail, cette situation n'est plus supportable.

Dans un éditorial du 18 octobre dernier, Paul Frimat, professeur des universités à Lille, responsable pédagogique de la discipline « médecine et santé au travail », en charge notamment de la formation des médecins du travail et signataire du rapport sur la médecine du travail, s'est interrogé sur la place qui revient à la santé au travail et a interpellé les pouvoirs publics sur la nécessité d'un « Grenelle de la santé au travail ». Nous pensons, avec lui, qu'il y a toutes les raisons de s'inquiéter.

En effet, au-delà des déclarations de bonnes intentions , surtout celles d'un ex-ministre du travail, au-delà de l'affichage d'un plan « Santé au travail » laissé au milieu du gué faute de moyens et de volonté d'agir résolument sur les causes des atteintes à la santé des salariés, et alors que vient d'être annoncé un nouveau retard dans la mise en place du DMP, le Gouvernement n'est pas décidé - c'est le moins que l'on puisse dire ! - à prendre ses responsabilités pour repenser les conditions de travail et, par là même, le travail à la lumière des impératifs incontournables de la santé au travail et du sens même du travail.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons, en votant cet amendement, de poser une première pierre indispensable pour l'amélioration de la connaissance des risques professionnels au plus près des réalités sanitaires et sociales de ceux qui en subissent les conséquences. En même temps, nous souhaitons valoriser l'admirable travail qui avait été fait, notamment sous l'autorité de notre rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur Fischer, votre proposition est tout à fait intéressante et on peut imaginer d'y donner suite, mais dans quelques années. En effet, après l'échange que nous avons eu hier soir avec Mme la ministre de la santé, on doit bien considérer que les choses ne sont pas si simples !

Cela me renforce dans l'idée qu'il me faut malheureusement émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 367. La mise en oeuvre du DMP étant déjà bien compliquée, il paraît en effet peu opportun d'accroître encore la sophistication du dispositif.

Par cohérence, j'émets le même avis sur les amendements nos°368 et 369.

Je suis désolé, monsieur Fischer, mais nous allons devoir remettre cela à dans quelques années.

MM. Guy Fischer et François Autain. Nous serons là !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, s'agissant de votre question relative à l'utilisation du DMP par les médecins du travail, la loi du 13 août 2004 a prévu qu'il ne serait pas accessible dans le cadre de la médecine du travail. Ce principe, qui tient compte du contexte spécifique d'exercice de ces médecins, ne nous paraît pas devoir aujourd'hui être remis en cause.

Le Gouvernement attache une importance toute particulière aux dispositifs destinés à assurer le suivi de la santé au travail.

La conférence sur les conditions de travail du 4 octobre 2007, présidée par Xavier Bertrand, a entamé une réflexion sur les moyens permettant d'assurer la traçabilité des expositions auxquelles chaque salarié est soumis durant sa vie professionnelle et en a confié la conduite à la branche AT-MP. Les premiers résultats sont attendus pour le premier semestre 2008. Cela va dans le sens ce que vous souhaitez.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à poursuivre la réforme de la médecine du travail dans les mois à venir. Les réflexions sont en cours et les partenaires sociaux, ainsi que les acteurs des services de santé au travail, seront associés à ces réflexions.

En plus des mesures concrètes qui ont déjà été prises par Xavier Bertrand à l'issue de la conférence que j'évoquais, une vaste réflexion est engagée avec les partenaires sociaux sur la traçabilité qui, vous l'avez dit, est importante non seulement pour la réparation, mais aussi pour la prévention. Laissons le travail de réflexion se poursuivre !

Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, non par désintérêt, mais au regard du travail partenarial qui est en cours. Aussi, monsieur Fischer, je vous demande de bien vouloir les retirer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous voterons ces trois amendements.

Madame la secrétaire d'État, je voudrais attirer votre attention sur l'importance qu'il y a à inclure un volet spécifiquement destiné à la santé et au travail dans le DMP pour le jour où celui-ci sera mis en place. Compte tenu de tout ce que nous avons entendu hier soir, et pour avoir une chance d'y parvenir, nous devons, si j'ai bien compris, nous y prendre dès maintenant.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour dans dix ans !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sinon, nous ne l'obtiendrons, grosso modo, que dix ans après la mise en place du DMP ! Par conséquent, mieux vaut régler maintenant les problèmes techniques que pose l'insertion d'un tel volet, plutôt que d'attendre d'avoir réglé le problème du DMP.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On va tout remettre à plat !

M. Jean-Pierre Godefroy. Remettons tout à plat si vous voulez !

Madame la secrétaire d'Etat, si nous avions eu, à une certaine époque, un dossier médical comportant un volet spécifiquement destiné à la santé et au travail pour les personnes exposées à l'amiante, notamment - c'était d'ailleurs l'un des éléments du rapport, et notre collègue Gérard Dériot ne me démentira pas -, nous aurions maintenant la possibilité de reconstituer toutes les carrières de ces personnes qui, aujourd'hui, ne peuvent faire valoir leurs droits faute de retrouver les entreprises sous-traitantes qui les ont employées ; je pense aux constructions navales par exemple. Si un tel volet avait existé, il serait aujourd'hui d'une très grande utilité !

Il est en effet très important que les personnes exposées à l'amiante parviennent à obtenir ce que nous souhaitons, à savoir une reconnaissance individualisée et non plus seulement par entreprise.

Pour ce qui est de l'amiante, le prix à payer pour les travailleurs et leurs familles est évidemment très lourd, mais j'espère au moins que le problème est maintenant derrière nous. Cependant, nous avons d'autres sujets de préoccupation. Le volet spécifiquement destiné à la santé au travail serait également très utile pour les travailleurs du secteur du nucléaire qui sont exposés à des minidoses de rayonnement. Quand ils ont reçu la dose maximale sur un chantier, ils sont renvoyés chez eux. Ils ne sont embauchés de nouveau qu'après un délai de carence, quand ils ne sont pas transportés sur un autre site, par exemple dans le cas des sous-traitances. Aujourd'hui, nous sommes incapables d'avoir un suivi de ces personnes. Or, bien que de très grandes précautions soient prises, il y aura un jour des problèmes dus à la multiplication des expositions. Seul un volet destiné à la santé au travail permettrait, un jour, de réparer les dégâts.

Permettez-moi d'insister, madame le secrétaire d'État, car c'est maintenant qu'il faut agir si nous voulons obtenir une traçabilité dans le DMP. Nous ne pouvons plus attendre ! Par conséquent, même s'il s'agit ici d'amendements d'appel, il serait souhaitable que cette proposition aboutisse pour nombre d'autres professions que je pourrais citer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 368.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 369.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 361, présenté par Mme  David, MM. Fischer et Autain, Mme  Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles est composée pour deux tiers des représentants des assurés sociaux et pour un tiers des représentants des employeurs. »

II - Dans le deuxième alinéa du même article, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six », et dans le troisième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « quatre ».

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Comme vous le savez, en vertu de l'article L. 221-5 du code de la sécurité sociale, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles est composée de représentants des assurés sociaux et des représentants des employeurs.

Cette commission exerce les compétences du conseil de la CNAMTS en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Elle a en charge l'équilibre financier de la branche en cause, la tarification, la réparation et la prévention des AT-MP. Dans ce cadre, elle détermine les orientations de la convention d'objectifs et de gestion de la branche. Elle approuve les budgets du Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette commission a donc un rôle très important, notamment en matière de prévention, sujet sensible s'il en est.

Je vous propose donc, par cet amendement, de renforcer la participation des assurés sociaux, c'est-à-dire des salariés, en instaurant une représentation deux tiers/un tiers, au bénéfice de ceux qui, justement, sont les victimes des AT-MP que cette commission entend éviter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour deux raisons.

D'abord, il n'a aucune incidence financière et n'entre donc pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Ensuite et surtout, il porte atteinte au caractère paritaire de la gestion de la branche AT-MP, caractère paritaire auquel les partenaires sociaux ont réaffirmé leur attachement à travers leur accord de février 2006.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Même explication et même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 361.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 362, présenté par Mme  David, MM. Fischer et Autain, Mme  Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa du II de l'article L. 230-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« i) Réaliser un livret d'information sur les risques, les droits et les procédures en matière de santé au travail et donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

II. - L'article L. 231-3-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 231-3-2 - Le chef d'établissement est tenu d'organiser et de dispenser une information des salariés sur les risques pour la santé et la sécurité, les droits des salariés en matière de santé au travail et les mesures prises pour prévenir les maladies professionnelles et accidents du travail au sein de l'établissement. Cette information est, au minimum, consignée au sein d'un livret qui sera remis à chaque salarié et nouveau salarié qu'il soit en contrat à durée indéterminée, déterminée, d'apprentissage, d'intérim ou de sous-traitance au sein de l'établissement.

« Le livret de prévention des risques professionnels est constitué de deux parties :

« a - Les droits et devoirs des salariés en matières de règle de sécurité, de déclaration d'accident du travail et de maladie professionnelle ; les devoirs des employeurs en matière de prévention des risques, de déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles ; le rôle et les compétences reconnues aux différents acteurs de la prévention des risques professionnels et en matière de santé au travail au sein de l'établissement : médecin du travail, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, comité d'entreprise ou d'établissement et délégué du personnel.

« b - les coordonnées et compétences des institutions et administrations nationales, régionales et locales intervenant dans le champ de la santé au travail sur le site de l'établissement.

« Le livret est soumis à l'approbation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut au comité d'entreprise ou délégué du personnel.

« Toute modification du procès de production, des substances ou préparations chimiques entrant dans l'activité de l'établissement fait l'objet d'une modification écrite consignée et jointe au livret de prévention des risques professionnels personnel de chaque salarié. »

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. En matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, la question de l'information des salariés est cruciale.

Toutefois, nous le savons tous, cette information qui ne revêt aucun caractère obligatoire reste trop souvent le fait des salariés siégeant au sein des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou CHSCT.

Or les règles de création d'un CHSCT privent bon nombre d'entreprises, et donc de salariés, d'une telle commission et, par voie de conséquence, de ces informations.

Cet amendement vise à créer, à la charge de l'employeur, une obligation d'information sur les accidents du travail, les maladies professionnelles et, plus globalement, les risques auxquels le salarié est exposé. Cela pourrait prendre la forme d'un livret remis lors de l'embauche du salarié.

Je ne vois d'ailleurs pas quelle difficulté insurmontable présenterait la remise d'un document de cette sorte. Une telle mesure existe déjà pour les salariés ayant conclu un plan d'épargne salariale. Ce qui a été possible dans cette matière devrait l'être en ce qui concerne la santé des salariés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Dans cet amendement, vous prévoyez, mon cher collègue, que l'employeur remet aux salariés un livret sur leurs droits et devoirs en matière de santé et de sécurité au travail à des fins de prévention. Mais je suppose qu'une telle disposition doit déjà exister quelque part !

Par ailleurs, cette formalité, qui s'appliquerait sans distinction à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, me paraît être une mesure très lourde et très coûteuse.

Sans doute serait-il possible de faire réaliser un tel document, qui doit être simple, et de le distribuer. Cela étant, les droits et les devoirs en matière de santé au travail doivent certainement se trouver assez facilement aujourd'hui.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.