Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Décès d'un sénateur

3. Transmission du projet de loi de finances pour 2008

4. Loi de finances pour 2008. - Discussion d'un projet de loi

M. le président.

Discussion générale : M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

MM. le président, le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance

5. Remplacement d'un sénateur décédé

6. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite) : MM. Marc Massion, Henri de Raincourt, Mme Marie-France Beaufils, MM. Georges Othily, Denis Badré.

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

MM. François Marc, Jean-Pierre Fourcade, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Éric Doligé, Joël Bourdin, Pierre Bernard-Reymond, Alain Lambert.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion no I-246 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. Bernard Vera, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre, Thierry Foucaud, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Rejet par scrutin public.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Transmission d'un projet de loi

8. Dépôt de propositions de loi

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

10. Dépôt d'un rapport

11. Dépôt d'avis

12. Dépôt de rapports d'information

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Décès d'un sénateur

M. le président. J'ai le très profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Daniel Bernardet, survenu hier, le 21 novembre 2007.

Il était sénateur de l'Indre depuis 1989.

Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d'ores et déjà à saluer sa mémoire.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches et au groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Je vous propose d'observer un instant de recueillement. (Mme et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

3

Transmission du projet de loi de finances pour 2008

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 90, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

4

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2008

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2008, un an presque jour pour jour après l'ouverture de l'examen du précédent projet de budget.

Je vous remercie, madame la ministre de l'économie, d'être parmi nous en ce moment solennel d'ouverture de la discussion budgétaire, de même que, vous, monsieur le ministre des comptes, dont nous avons déjà pu apprécier, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la disponibilité, la capacité d'écoute et la compréhension à l'égard du Parlement.

La période pionnière de l'inauguration de la LOLF est désormais révolue. Cependant, si la rénovation de la discussion budgétaire promue par notre « constitution financière » a déjà, par deux fois, fait ses preuves, c'est à nous de « transformer l'essai » pour ce troisième budget « lolfien ».

C'est bien la formule consacrée, monsieur le président de la commission des finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Cette journée n'en reste pas moins particulière, car il s'agit du premier projet de budget de cette XIIIe législature, marquée sur le plan des finances publiques, qui nous intéresse aujourd'hui, par la « Révision générale des politiques publiques », comme l'a souligné M. le rapporteur général à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2008, en juillet dernier. Beau et vaste programme !

Comme l'année dernière, je renouvelle ma confiance à tous, commission des finances, commissions saisies pour avis, groupes politiques de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre les règles que nous avons adoptées en 2001, et dont la vocation est de renforcer la portée de l'autorisation budgétaire dans une logique de résultat.

Je voudrais insister une nouvelle fois sur l'importance déterminante qui s'attache au respect par chacun de son temps de parole. Il s'agit là d'une condition essentielle du bon déroulement de nos débats.

Ne l'oublions pas - je me tourne vers le banc du Gouvernement -, il appartient aussi aux ministres de ne pas dépasser les temps de parole qui, comme chaque année, ont été arrêtés en conférence des présidents, cela avec l'accord de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, qui, depuis longtemps, connaît bien nos contraintes.

Je vous rappelle enfin que, comme l'année dernière, la conférence des présidents a prévu, sur proposition de la commission des finances, l'organisation de quatre débats dans le cadre de l'examen des articles de la première partie.

Le débat sur les collectivités territoriales, qui aura lieu le mardi 27 novembre à seize heures, revêt une importance particulière au Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales dont le renouvellement pour un tiers aura lieu en septembre prochain.

Le débat sur le « prélèvement européen », à l'occasion de la discussion de l'article 31, se tiendra le mercredi 28 novembre.

À l'occasion du vote sur l'article d'équilibre, le mercredi 28 novembre, auront lieu le débat sur les effectifs de la fonction publique et le débat sur l'évolution de la dette de l'État, sujets éminemment d'actualité.

Enfin, le mardi 11 décembre, nous procéderons au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008, à une heure que je souhaite raisonnable.

Avec l'effort de chacun, je suis sûr que c'est un débat fructueux qui s'ouvre aujourd'hui, et que les vingt jours à venir feront honneur à notre assemblée, soucieuse comme toujours d'assumer pleinement ses prérogatives budgétaires, lesquelles relèvent de notre double fonction législative et surtout de contrôle. Je me plais à dire que cette dernière fonction est la seconde nature de notre institution !

Maintenant, place au débat !

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, se projeter dans l'avenir en faisant face aux problèmes du présent, tel est bien évidemment le sens du projet de loi de finances pour 2008, que j'ai l'honneur de vous présenter avec Mme Christine Lagarde.

Notre ambition, c'est de mettre fin au déficit d'avenir dont souffre notre pays. Notre politique pour y parvenir, c'est de lutter contre les déficits présents et d'investir dans la croissance de demain. Ces deux objectifs sont parfaitement cohérents entre eux. Ils sont conciliables, complémentaires ; ils s'aident l'un l'autre.

Qui prétendra que c'est en asphyxiant la croissance qu'on réduira la dette ? Nous voulons rétablir les conditions d'une croissance forte et durable en France.

Notre logique, c'est une logique d'investissement : nous investissons aujourd'hui dans la croissance pour en tirer profit dans les années à venir. Nous investissons dans la recherche et l'enseignement supérieur. Nous investissons dans la baisse des prélèvements et la revalorisation du travail. Cela crée les conditions d'une croissance durablement forte et d'une baisse rapide des déficits durant le mandat du président de la République.

L'objectif de réduction du déficit de l'État est plus que jamais la priorité.

Le déficit était à 42 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2007, à 41,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances que nous avons déposé et à 41,8 milliards d'euros à la sortie de l'Assemblée nationale. Votre Assemblée aura peut-être à coeur de revenir au chiffre initial, voire - pourquoi pas ? - en deçà à l'issue de ces débats !

Le déficit de l'ensemble des administrations publiques sera, quant à lui, ramené à 2,3 % du PIB, après 2,4 % cette année.

Ces objectifs seront tenus, parce que notre prévision de croissance est raisonnable, parce que nous avons fait des prévisions de recettes volontairement prudentes, comme l'a noté votre rapporteur général, M. Philippe Marini, et parce que nous faisons un effort sans précédent pour maîtriser la dépense. Nous disposons d'ailleurs, avec la LOLF, d'un outil efficace, la réserve de précaution, que nous allons utiliser à plein et que nous vous proposons de renforcer dans ce projet de loi de finances.

Pour muscler la croissance, nous nous attaquons aux déficits de travail et de compétitivité de notre pays. Nous y procédons en prenant trois séries de mesures : nous revalorisons le travail et le pouvoir d'achat, nous renforçons les leviers de croissance et nous consolidons le tissu des entreprises.

Le projet de loi de finances pour 2008 vise tout d'abord à financer la baisse massive de prélèvements inscrite dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, présenté par Mme Christine Lagarde en juillet dernier. Il poursuit ainsi la démarche que nous avons engagée pour revaloriser le travail et les rémunérations, qui sont évidemment au coeur de l'actualité dans notre pays.

Vous remarquerez que les mesures de cette loi sont d'autant plus justifiées aujourd'hui que nous faisons face à une conjoncture internationale moins porteuse. En baissant les prélèvements obligatoires, qui seront ramenés de 44,2 % à 43,7 % du PIB, nous renforçons l'attractivité et la compétitivité de notre pays.

Je rappelle, en outre, que la démarche de valorisation du travail est complétée par un encouragement de l'emploi des seniors, grâce à différentes dispositions présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Voilà pour les leviers de la croissance au présent : le travail et le pouvoir d'achat.

Venons-en aux leviers de la croissance à venir.

Dans l'économie de la connaissance, ces leviers sont la recherche et l'innovation. J'imagine que vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, êtes d'accord sur ce diagnostic. Le projet de loi de finances pour 2008 fait des choix clairs et volontaristes en ce sens, avec plusieurs mesures phare.

Dans le domaine fiscal - Mme Christine Lagarde y reviendra de façon plus approfondie -, nous renforçons l'ensemble des maillons de la chaîne de la recherche. Je rappelle, notamment, l'amplification très forte du crédit d'impôt recherche, qui profitera aux entreprises en 2009, en fonction des efforts de recherche et de développement qu'elles feront en 2008.

Par ailleurs, dès l'année prochaine, nous augmenterons de 1,8 milliard d'euros les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche pour accompagner, notamment, la réforme des universités adoptée cet été. Si l'on y ajoute les dépenses d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir progressent de 6 % dans ce budget, soit près de quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'État, alors que l'on entend toujours dire que les dépenses de fonctionnement progressent au détriment des dépenses d'investissement.

Ces « dépenses d'avenir » atteignent 39 milliards d'euros, soit un niveau proche du déficit budgétaire. Si l'on ne peut pas, bien sûr, se satisfaire de ce déficit, on doit néanmoins constater - et c'est nouveau - qu'il est de plus en plus lié à des dépenses d'investissement et non pas seulement aux dépenses de fonctionnement courant.

Enfin, troisième axe de la dynamisation de notre économie, nous consolidons le tissu des entreprises par quatre mesures.

Tout d'abord, la baisse de la taxe professionnelle, que vous avez votée voilà deux ans (Mme Nicole Bricq s'exclame.) et dont la répercussion croissante dans le budget de l'Etat est prise en compte dans ce projet de loi de finances, représentera une charge supplémentaire de 2 milliards d'euros en 2008.

Ensuite, la simplification et l'harmonisation des règles relatives aux pactes d'actionnaires favoriseront la pérennité des entreprises, notamment des PME, qui sont souvent fragilisées au moment de leur transmission.

De même, nous modernisons la fiscalité des dividendes, afin de dynamiser l'épargne en l'orientant davantage vers le financement des entreprises. Sur ce sujet, les débats à l'Assemblée nationale ont permis de trouver une solution consensuelle.

Nous étendons la retenue à la source aux revenus des actions, mais nous portons le taux de ce prélèvement de 16 % à 18 % pour l'ensemble des revenus concernés, qu'il s'agisse de produits de taux ou de dividendes.

L'objectif initial est ainsi respecté. Les investissements risqués, c'est-à-dire les actions, ne seront plus pénalisés par rapport aux produits qui sont moins risqués, comme les obligations ou les SICAV à court terme.

M. François Marc. Supprimez tous les impôts !

M. Éric Woerth, ministre. En outre, cette réforme, qui apporte des recettes supplémentaires pour 2008, n'aura aucun coût les années suivantes. C'est un débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale.

Enfin, nous avons supprimé, à compter de 2009, l'impôt sur les opérations de bourse, l'IOB, afin de renforcer la compétitivité de la place de Paris et d'éviter toute délocalisation des transactions. Cette suppression a été gagée en portant à 18 % le taux de la taxation sur les plus-values mobilières.

J'ai bien noté que la commission des finances du Sénat propose de supprimer l'IOB dès 2008 et qu'elle a gagé cette mesure. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce sujet dans les jours à venir.

L'investissement que nous faisons en faveur de la croissance est crédible parce qu'il s'inscrit dans un cadre maîtrisé pour les finances publiques.

Concrètement, les dépenses de l'État seront stabilisées en volume, c'est-à-dire qu'elles ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Compte tenu de la croissance, le poids de la dépense publique dans le PIB sera ainsi ramené, sur deux ans, de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008.

L'innovation dans ce projet de loi de finances pour 2008, c'est que cette stabilisation s'appliquera, pour la première fois, à un périmètre élargi de dépenses, qui inclut les prélèvements sur recettes destinés à l'Union européenne et aux collectivités locales. Dans ce périmètre très large, qui représente 335 milliards d'euros en 2007, les dépenses n'augmenteront donc que de 5,5 milliards d'euros.

Nous bénéficierons certes d'une évolution favorable du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ; mais ne nous trompons pas de débat ! L'élargissement de la norme représente bien une réforme profonde de gouvernance et non un avantage conjoncturel, réforme que les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale appelaient depuis longtemps de leurs voeux.

Avec cette norme élargie, il est clair que nous amplifions les efforts antérieurs, puisque, dans ce nouveau périmètre, les dépenses ont augmenté en moyenne de 1,1 % en volume entre 1999 et 2006 et de 0,2 % en 2007.

Cette maîtrise renforcée s'inscrira dans la durée. Notre objectif, je le rappelle, est de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique, qu'il s'agisse de l'État, de la sécurité sociale ou des collectivités locales, pendant les cinq prochaines années. Nous ramènerons sa progression à un peu plus de 1 % en volume, alors qu'elle était supérieure à 2 % par an au cours de ces dix dernières années.

Contrairement à ce que j'ai pu lire, et qui m'a parfois étonné, l'élargissement de la norme n'a pas rendu l'élaboration du budget plus facile, d'autant que cette stabilisation est soumise à de fortes contraintes, que nous nous sommes d'ailleurs imposées à nous-mêmes.

La hausse des taux d'intérêt renchérit de 1,6 milliard d'euros la charge de la dette, fruit du passé.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Fruit d'un long passé et du présent des marchés !

M. Éric Woerth, ministre. L'accélération des départs en retraite augmente les versements consacrés aux pensions de 2 milliards d'euros.

Les dotations aux collectivités territoriales sous contrat, ...

M. François Marc. Elles baissent !

M. Éric Woerth, ministre. ... sujet éminemment sensible à l'Assemblée nationale, mais surtout, ici, au Sénat - j'y intègre également le FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA -, sont toujours dynamiques, puisqu'elles progressent de 600 millions d'euros. En tenant également compte des dégrèvements d'impôts locaux, l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales est en réalité en progression de près de 4 % entre 2007 et 2008.

J'ai toutefois bien noté que l'indexation sur les prix des dotations concernées par le contrat de stabilité impose un ajustement fort des dotations hors dotation globale de fonctionnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prêt à améliorer les modalités de cet ajustement au Sénat, comme j'ai commencé à le faire à l'Assemblée nationale.

Enfin, je le souligne, nous faisons un effort accru de sincérité et de clarté budgétaires. Comme je l'ai dit lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, il n'est pas normal que, chaque année, on sous-estime dans le projet de loi de finances initial le montant des dispositifs gérés par les organismes sociaux, mais financés par l'État. Je pense notamment aux minima sociaux ou encore aux aides au logement. Dans le projet de loi de finances pour 2008, nous remettons à niveau leurs dotations en leur affectant 1,2 milliard d'euros supplémentaires.

Au total, avec 1,6 milliard d'euros pour la charge de la dette, 2 milliards d'euros destinés aux retraites et 1,2 milliard d'euros consacrés à la remise à niveau des minima sociaux, nous aurons quasiment consommé l'enveloppe calculée en fonction de la règle « zéro volume ».

Le budget de l'aide médicale d'État inscrit en projet de loi de finances initial passe ainsi de 233 millions d'euros à 413 millions d'euros, et la dotation destinée au financement du fonds de solidarité progresse de 600 millions d'euros, ce qui, je pense, mérite d'être noté.

Par ailleurs, tous les amendements adoptés par l'Assemblée nationale qui affectent les dépenses ont été financés sans dégrader le solde. Je pense notamment à la réforme des exonérations pour les organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale.

Il est vrai que la remise à niveau de certaines sous-dotations chroniques n'est peut-être pas encore parfaite. La commission des finances a relevé à juste titre un certain nombre de points, dont certains me semblent cependant contestables. Je suis bien évidemment prêt à en discuter, en apportant, comme je l'ai toujours fait, tous les éclaircissements nécessaires pour lever tout doute sur ce sujet.

En ce qui concerne les crédits affectés aux opérations extérieures et aux opérations de maintien de la paix, que la commission des finances a examinés à juste titre de façon très précise, des efforts de réalisme ont été entrepris depuis plusieurs années et sont poursuivis dans ce projet de loi de finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai ! Mais des efforts restent à faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut persévérer !

M. Éric Woerth, ministre. Je vais même accentuer cet effort, monsieur le président de la commission des finances, en déposant, au cours de la discussion, des amendements permettant d'accroître d'environ 100 millions d'euros chacune de ces deux dotations.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est formidable !

M. Éric Woerth, ministre. Ces amendements seront, bien sûr, gagés. (M. le président de la commission des finances applaudit.)

Comment faisons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour tenir à la fois l'objectif de relance de la croissance et celui de la maîtrise raisonnée de la dépense ? Nous faisons un effort de réduction des effectifs de l'État, un effort de clarification de ses engagements et un effort de rationalisation de l'ensemble des politiques publiques. Notre objectif, c'est que la dépense publique soit plus réactive, mieux assumée une fois engagée et plus productive.

Nous avons réalisé un effort sans précédent sur les effectifs, qui seront réduits dans des proportions très supérieures à ce qui avait été fait au cours des exercices précédents : 22 900 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2008, soit un départ à la retraite sur trois, pour une économie en année pleine de 716 millions d'euros. Ces non-remplacements se feront sans report de charges vers les opérateurs de l'État, puisque les effectifs seront stabilisés.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Vous pourrez le constater dans le document budgétaire « jaune ». En outre, j'ai donné consigne à mes représentants de veiller à ce que ces niveaux d'emploi soient des plafonds, et que toutes les créations d'emploi soient motivées ; ce travail devra être réalisé avec les conseils d'administration de chaque opérateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. À l'effort de redéploiement s'ajoute un effort de clarification et de sincérité dans les comptes. J'ai déjà parlé de la remise à niveau des dispositifs sociaux. Il ne sert à rien - et je suis particulièrement sensible à cet aspect en tant que ministre des comptes publics, c'est-à-dire ministre de l'ensemble des comptes - d'améliorer une situation A pour dégrader une situation B.

Nous avons aussi effectué, le 5 octobre dernier, le remboursement de la totalité de la dette de l'État à la sécurité sociale au 31 décembre 2006, soit 5,1 milliards d'euros. Ce sujet envenimait, à juste titre d'ailleurs, les rapports entre l'État et la sécurité sociale ; il était donc nécessaire de clarifier la situation.

Nous avons également assuré la compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales pour les bas salaires et les heures supplémentaires. Pour l'année 2007, cette compensation, je le précise, est inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, qui a été présenté hier en conseil des ministres.

Par ailleurs, le Gouvernement vous proposera un amendement ajustant le montant des transferts de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et de la taxe sur le chiffre d'affaires aux régions et aux départements afin de tenir compte du coût réel des transferts des personnels techniciens, ouvriers et de services - ou TOS - de l'éducation nationale et des directions départementales de l'équipement.

M. Jacques Gautier. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Cet ajustement sera défini sur la base des choix que ces personnels ont eu la possibilité d'exprimer jusqu'au 31 août dernier et qui ne pouvaient donc être pris en compte dans la construction initiale du projet de loi de finances pour 2008,

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les ministères se sont engagés dans un effort de rationalisation de leurs interventions.

Avec la révision générale des politiques publiques lancée en juin dernier, à laquelle M. Philippe Marini participe activement, nous allons franchir une étape supplémentaire dans les années à venir en matière d'efficacité de la dépense publique.

Les décisions de réforme qui en découleront seront mises en oeuvre, pour la première fois, dans le cadre d'une programmation budgétaire pluriannuelle, qui couvrira les années 2009-2012. Cette recherche permanente d'une plus grande efficacité dans les dépenses doit nous permettre, comme je l'ai dit au début de mon propos, de restaurer l'équilibre des finances publiques en 2012 au plus tard, tout en continuant, bien évidemment, de répondre aux attentes de nos concitoyens dans le domaine de la qualité des services publics.

Enfin, cet effort de rationalisation de la dépense publique passe par un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et sociale

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

M. Éric Woerth, ministre. Dans ce domaine, conformément à la demande du Président de la République et du Premier ministre, je veux que nous changions d'échelle, tant en termes d'outils juridiques que de moyens généraux consacrés à cette lutte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun mesure l'ampleur de l'effort qu'il nous reste à accomplir - et il y a trop d'experts parmi vous pour ne pas en être conscients - afin de redresser durablement nos finances publiques. Cet effort, le Gouvernement ne peut le conduire seul.

Nous avons besoin d'une implication très forte des parlementaires, en particulier de vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le plan de la législation dans son ensemble, ainsi que sur celui du contrôle de l'action du Gouvernement.

C'est pourquoi nous vous avons associés, par l'intermédiaire de votre rapporteur général, M. Philippe Marini, comme je l'ai indiqué, à l'exercice de révision générale des politiques publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre. C'est pourquoi aussi nous rénovons la procédure budgétaire afin de donner plus de poids à la loi portant règlement définitif du budget.

Ce rééquilibrage permettra de nous concentrer autant sur les résultats des politiques publiques que sur les moyens engagés.

Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a fait le choix de l'avenir en pariant sur la croissance.

C'est un pari audacieux, mais c'est aussi un pari calculé, car nous mettons tous les atouts favorables de notre côté, et un pari maîtrisé, car nous disposons, avec les réformes que nous engageons, des cartes nécessaires au redressement durable des comptes publics.

C'est ce pari raisonné et responsable que je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à partager avec nous. Après les améliorations apportées par l'Assemblée nationale, je suis convaincu que nos débats permettront, sans modifier l'équilibre, et peut-être même en l'améliorant, de perfectionner encore ce projet de loi, et je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Eric Woerth vient de vous présenter les efforts que l'État va entreprendre pour maîtriser les dépenses publiques, rétablir l'équilibre budgétaire et, il l'a dit et répété, gagner en efficacité.

Il me revient de vous exposer les réformes structurelles contenues dans le présent projet de loi de finances et destinées à dynamiser notre économie. Car la gestion rigoureuse des finances publiques, à laquelle M. Eric Woerth faisait référence, doit s'accompagner d'une croissance vigoureuse.

Notre pays a les moyens, dans les prochaines années, de gagner un point de croissance supplémentaire. Le Gouvernement s'est fixé cet objectif, sous la conduite du Président de la République et du Premier ministre.

Vous savez déjà - nous en avons débattu cet été devant votre assemblée - ce que nous avons entrepris pour le pouvoir d'achat : d'un côté, en permettant l'augmentation des rémunérations fondée sur le travail supplémentaire, grâce à la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007, qui lui consacre une partie très importante de l'ensemble de son financement ; de l'autre, en faisant baisser les prix par un renforcement des règles de la concurrence et un meilleur équilibre entre les acteurs, ce qui est tout l'enjeu du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), que nous avons présenté hier soir, avec M. Luc Chatel, devant l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, dans le cadre de ce budget, nous vous proposons de doubler le taux du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour le porter de 20 % à 40 % en première année. À titre d'exemple, pour un couple avec deux enfants empruntant 200 000 euros sur vingt ans au taux de 4 %, l'avantage fiscal pourrait ainsi atteindre 3 400 euros la première année, ce qui ferait diminuer le coût total du crédit de près de 10 %.

Vous savez déjà ce que nous avons prévu d'entreprendre pour réformer le service public de l'emploi : je serai en mesure de vous présenter, avant la fin de l'année, un projet de loi sur la fusion entre l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, et l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, ou UNEDIC, et entre l'ANPE et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les ASSEDIC.

Je suis également très attachée à développer davantage pour nos jeunes les possibilités de formation en alternance comme l'apprentissage.

M. le président. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Quand on sait que, d'un côté, le nombre de chômeurs doit diminuer de 900 000 pour nous permettre d'atteindre le taux de chômage considéré comme résiduel en situation de plein-emploi, (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.) et que, de l'autre, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, estime à environ 500 000 le nombre de postes non pourvus, les entreprises ne trouvant pas les salariés qualifiés qu'elles recherchent, on se dit qu'une formation plus adaptée résoudrait une bonne partie du problème !

C'est pourquoi, par rapport à la loi de finances pour 2007, ce budget revoit à la hausse les dispositifs d'alternance pour les jeunes, avec 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus et 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus.

S'il est vrai que les emplois aidés dans le secteur non marchand sont en réduction dans le budget pour 2008 par rapport au budget pour 2007, puisqu'ils diminuent d'environ 12 % - ce qui ne paraît pas déraisonnable compte tenu de la diminution constante du chômage -, en revanche, permettez-moi de souligner que, s'agissant des contrats d'apprentissage et des contrats de professionnalisation, nous prévoyons un effort plus important en 2008 qu'en 2007.

Avant d'évoquer nos prévisions en termes de croissance, je voudrais m'attarder quelques instants sur une réforme fondamentale, celle du crédit d'impôt recherche.

La réforme du crédit d'impôt recherche reflète notre priorité centrale qui est d'améliorer la compétitivité de l'économie française.

Nous le savons, dans des pays développés tels que la France, la compétitivité passe nécessairement par l'innovation, le progrès technologique.

Le crédit d'impôt recherche encourage nos entreprises à investir dans la recherche et permet à l'État de se mettre à leurs côtés pour cet effort concernant l'avenir de l'économie française.

De même, - et je peux vous l'assurer pour l'avoir expérimenté auprès d'investisseurs internationaux -, il incite les investisseurs étrangers à venir s'installer en France ou à éviter de délocaliser ailleurs des centres de recherche et développement implantés en France.

Je veux insister auprès de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les mérites de la recherche et du développement, comme je l'ai déjà fait lors du forum des pôles de compétitivité, qui s'est tenu récemment à Nice, sous la direction de votre collègue Pierre Laffitte, dont je tiens à saluer tout le mérite pour soutenir la recherche et le développement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait ! C'est très justifié !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous connaissez le contexte international : dans une économie globalisée, une économie de la connaissance, ce sont tout simplement les meilleures idées qui font la différence.

Vous connaissez l'étendue du champ de la recherche et du développement, qui ne s'arrête pas aux procédés liés à la haute technologie, mais comprend aussi des procédés techniques, des savoir-faire, des brevets de médicament, des logiciels informatiques. C'est véritablement le terreau de la croissance.

Vous connaissez aussi les chiffres, hélas ! La stratégie de Lisbonne a fixé comme objectif pour les économies européennes de consacrer 3 % de leur produit intérieur brut à l'investissement dans la recherche développement.

Où en sommes-nous en France, ce pays développé, qui considère traditionnellement que le domaine de la recherche et du développement est important ? Nous en sommes à 2,13 % !

Du point de vue de la répartition, force est de constater que l'investissement public en recherche et développement est en ligne avec les prévisions, tandis que l'investissement privé en recherche et développement est encore loin du compte !

M. Jean Bizet. Exactement !

Mme Nicole Bricq. Il y a longtemps qu'on le dit !

Mme Christine Lagarde, ministre. Pourquoi ? Parce que l'attractivité du territoire français doit être améliorée !

À cet égard, vous serez heureux de constater que la réforme que nous envisageons place la France au premier rang des pays européens pour l'investissement en recherche et développement sur les plans législatif et fiscal.

Mme Christine Lagarde, ministre. Le crédit d'impôt recherche, ou CIR, a déjà fait la preuve de son efficacité : les études de mes services montrent qu'il s'ajoute à la dépense privée de recherche et développement sans s'y substituer. Un euro économisé au titre du CIR, c'est un euro qui est généralement réinvesti dans la recherche et le développement.

Nous avons donc toutes les raisons d'amplifier ce dispositif.

Tout d'abord, nous proposons, dans un souci de simplicité, de supprimer ce qui s'appelait autrefois la part en accroissement, obligation aux termes de laquelle, pour bénéficier du crédit d'impôt recherche, l'entreprise devait accroître d'une année sur l'autre son budget de recherche et de développement.

Ensuite, nous triplons le taux du crédit d'impôt sur la part en volume, qui sera porté de 10 % à 30 % jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses en recherche et développement, et 5 % au-delà de ce seuil.

Enfin, lorsqu'une entreprise décidera de profiter du crédit d'impôt recherche, elle bénéficiera d'un taux à 50 % la première année et à 40 % la deuxième année, à la suite d'un amendement introduit par l'Assemblée nationale. Cet amendement me paraissait justifié, dans le souci que nous avons d'encourager vivement les entreprises qui n'y songeaient pas ou qui y étaient quelque peu récalcitrantes, à entrer dans des programmes de recherche et de développement à long terme.

Je dirai un mot au sujet des petites et moyennes entreprises, dont le sort nous tient à tous particulièrement à coeur, car nous savons que c'est dans ce secteur d'activité que nous trouverons les gisements non seulement d'emplois, mais aussi de créativité.

À l'heure actuelle, les PME réalisent, à elles seules, un quart des dépenses de recherche et de développement, et représentent quatre cinquièmes des entreprises bénéficiant du crédit d'impôt recherche. Par conséquent, il est inexact de dire, comme nous l'entendons, que seules les grandes entreprises bénéficient du crédit d'impôt recherche.

Aujourd'hui, une PME innovante reçoit en moyenne 100 000 euros de crédits d'impôt recherche. Demain, grâce à l'effet de la réforme qui vous est proposée dans ce projet de loi de finances, elle recevra  150 000 euros à ce titre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. À l'aune des grands budgets, ce montant ne paraît peut-être pas très élevé. Mais, pour une PME dont le chiffre d'affaires moyen représente 1,6 million d'euros, un gain de 50 000 euros, c'est beaucoup !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre. En intégrant l'effet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, le coût supplémentaire de cette réforme est évalué à 1,3 milliard d'euros en régime de croisière.

Nous ne le regretterons pas, car c'est un investissement de la France d'aujourd'hui dans la France de demain. Il s'agit d'un partenariat établi entre l'État français et les entreprises.

Permettez-moi de mentionner brièvement trois autres mesures destinées à favoriser l'innovation.

Premièrement, les inventeurs qui apportent un brevet à une entreprise seront totalement exonérés d'impôt sur la plus-value au bout de huit ans.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est évident !

Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxièmement, les cessions de brevets bénéficieront du même taux réduit à 15 % que les concessions de brevets.

Enfin, troisièmement, la création du statut de jeune entreprise universitaire permettra aux étudiants ou aux chercheurs qui montent leur entreprise de bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux que ceux qui sont applicables aux jeunes entreprises innovantes.

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Améliorer notre compétitivité - tel est bien notre objectif principal dans une économie mondialisée - implique de développer constamment l'attractivité de notre territoire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La TVA sociale ? (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Je me réjouis, à ce titre, que le Sénat et l'Assemblée nationale, ensemble, aient déposé des amendements pour supprimer l'impôt sur les opérations de bourse, comme je l'avais moi-même suggéré, le 5 juillet dernier, à l'occasion de la Conférence Europlace.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès le 1er janvier 2008 !

Mme Christine Lagarde, ministre. Aujourd'hui, il n'y a plus à hésiter : la directive Marché des instruments financiers, entrée en vigueur depuis le 1er novembre, vise à renforcer la concurrence entre toutes les places européennes, en mettant le bénéficiaire de l'exécution de l'ordre au coeur du dispositif. Si nous ne voulons pas que nos investisseurs passent par Londres ou par Francfort pour faire des économies et proposer la meilleure exécution, cette réforme s'impose dans les meilleurs délais.

Cette suppression de l'impôt sur les opérations de bourse contribuera au développement de la finance, secteur d'excellence et d'avenir au sein duquel sont proposées les meilleures formations. Ainsi, c'est en France que sont fournies les meilleures prestations d'ingénierie en mathématique financière. Certains jeunes Français et de nombreux jeunes étrangers formés dans notre pays partent ensuite pour l'étranger afin de faire bénéficier de leurs connaissances les places internationales telles que Londres et New York.

M. Charles Pasqua. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il nous appartient de renverser ce courant et d'attirer sur la place de Paris la finance internationale. Aujourd'hui, plus d'un million de personnes très qualifiées y travaillent. Fixons-nous l'objectif d'accroître cet effectif.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Et elles participent à hauteur de 5 % à la richesse nationale.

La compétitivité, quant à elle, doit servir de moteur à la croissance et à l'emploi dans notre pays. Je vais donc vous présenter les prévisions de croissance sur lesquelles nous nous sommes fondés pour l'élaboration de ce projet de loi de finances pour 2008.

Nous avons estimé prudent de tabler sur une croissance comprise 2 % et 2,5  %, avec un point médian à 2,25%. Cette prévision est compatible avec celles qu'ont établies différents économistes, qui varient entre 1,5 % et 2,6 %. Ce dernier chiffre est celui de l'Office français des conjonctures économiques, l'OFCE, organisme souvent cité par l'opposition dans les débats. Son optimisme tient précisément à l'effet de relance de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. (Mouvements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Comment osez-vous dire cela, madame la ministre ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je me réjouis que l'OFCE prenne en compte un certain nombre de réalités !

Pour 2007, je n'ai pas de raison de modifier l'objectif de croissance du Gouvernement qui est de 2 % environ. À la fin du mois d'août, beaucoup annonçaient - pas nécessairement au sein de cet hémicycle - que la croissance serait de 1,6 % ou de 1,7 % en 2007. Aujourd'hui, les mêmes avancent 1,8 % ou 1,9 %. Peut-être en serons-nous à presque 2 % dans un mois ? C'est en tout cas ce que je crois.

M. Michel Sergent. C'est à voir !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les derniers indicateurs économiques sur la croissance, le chômage et l'emploi ne font que confirmer les hypothèses que je formule depuis maintenant deux mois : la croissance a atteint 0,7 % au troisième trimestre de cette année, deux fois plus qu'au cours du deuxième trimestre. Évidemment, les pessimistes, qui sont légion, prétendent qu'à un bon troisième trimestre succédera un mauvais quatrième trimestre. C'est à voir. Pour ma part, je considère que le quatrième trimestre ne sera pas si mauvais que cela.

Tous les moteurs de la croissance sont opérationnels. Au troisième trimestre, la consommation des ménages a progressé de 0,8 % et l'investissement des entreprises de 1 %, tandis que le commerce extérieur contribue positivement à la croissance. Je m'en réjouis plutôt que je m'en navre.

Par ailleurs, la situation du marché de l'emploi est aujourd'hui très bien orientée : en trois trimestres, l'économie française a créé plus d'emplois que durant toute l'année 2006. Au cours du troisième trimestre ont été enregistrées 38 200 créations d'emplois, soit un total de 210 000 emplois créés depuis le début de l'année. Le taux de chômage est tombé à 8,1 % de la population active. De cela aussi je me réjouis, en espérant que cette situation durera.

Si la croissance ne dépend pas seulement de facteurs exogènes, elle en dépend néanmoins partiellement. J'évoquerai maintenant la situation internationale.

Nous devons tenir compte avec discernement, sans optimisme ni catastrophisme excessifs, mais avec une extrême attention, de quatre facteurs sensibles. Il s'agit d'hypothèses de réalité.

Premier facteur, le pétrole. Comme chacun a pu s'en rendre compte, les prix mondiaux de l'énergie ont beaucoup augmenté. Au cours des cinq dernières années, ils ont augmenté de façon erratique et, à deux reprises, dans des proportions très fortes.

Le Gouvernement n'est pas resté inactif : outre une renégociation avec les producteurs de pétrole permettant le lissage sur quatre semaines des augmentations de prix et la répercussion immédiate des baisses, nous avons doublé la « prime à la cuve » pour les personnes non imposées et les ménages les plus modestes, qui passera de 75 à 150 euros.

Deuxième facteur auquel nous devons rester très attentifs, le regain d'inflation. Raymond Barre disait que l'inflation n'est pas la hausse des prix. Un certain nombre de facteurs nous donnent à penser que le risque d'une hausse des prix est réel.

Ce regain inflationniste est lié à l'augmentation des prix du pétrole et d'un certain nombre de matières premières, notamment alimentaires. Cependant, l'inflation demeure en France nettement inférieure à ce qu'elle est chez nos partenaires européens et nous prévoyons qu'il en ira de même en 2008. Cela doit nous encourager à mettre en oeuvre des réformes « pro-concurrentielles », qui sont l'un des moyens majeurs de lutte contre les hausses de prix, lesquelles sont parfois liées à des situations de rentes. Tel est notamment l'objet du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, que M. Luc Chatel et moi-même avons présenté hier devant l'Assemblée nationale.

Troisième facteur auquel nous devons rester très attentifs, la situation des marchés financiers. Je ne pense pas que les tensions qu'ils ont connues dernièrement hypothèquent sérieusement la croissance française en 2008. Ces tensions, liées à des dysfonctionnements des marchés financier et immobilier américains, ont entraîné une crise de confiance et une crise de liquidités qui s'est étendue à l'ensemble des marchés des pays développés et, curieusement dans une moindre mesure, à ceux des pays émergents. Ces turbulences n'ont pas fini de faire sentir leurs effets, notamment sur le marché américain.

M. François Marc. C'est clair !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons rester très attentifs. En revanche, la solvabilité des banques françaises et l'excellent travail de régulation mené par nos organismes de contrôle, notamment la Commission bancaire, sont de nature à mieux nous protéger que bien d'autres pays contre les effets indirects de ces turbulences sur les marchés financiers, comme l'ont montré les événements de l'été.

Quatrième facteur, la hausse de l'euro. Elle a pour effet positif de nous permettre de lutter contre l'inflation importée, mais pour effet négatif de grever la compétitivité de nos entreprises.

La France n'a cessé de s'émouvoir de cette situation et de rappeler, au sein de l'Eurogroupe, du G7 et du G20, que les taux de change doivent refléter les fondamentaux économiques et que la zone euro ne peut porter à elle seule tout le poids des déséquilibres mondiaux, qu'ils concernent le dollar, le yen ou le yuan. Ce discours est de plus en plus entendu par les banques centrales et les gouvernements de nos partenaires du G7 et du G20. Nous continuerons à soutenir sans relâche cette politique de réalité, qui vise à ce qu'une monnaie reflète véritablement les fondamentaux économiques des pays où elle a cours et à ce que toutes les grandes zones monétaires bénéficient - ou, a contrario, en subissent les conséquences - d'une situation d'équilibre entre les grandes monnaies que sont l'euro, le dollar, le yen et le yuan.

Sur tous ces sujets, il est essentiel que nous anticipions au plus juste afin de ne pas être pris au dépourvu. Telle est la conception que M. Éric Woerth et moi-même nous faisons d'un État responsable et efficace.

Responsabilité et efficacité sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les maîtres mots de ce budget.

Responsabilité pour le passé, puisqu'une gestion rigoureuse des finances publiques nous permet de nous attaquer, certes modestement, au problème de la dette, que nous ramenons dès l'année prochaine de 64,2 % à 64 % du PIB. Il nous faudra faire mieux l'année suivante et mieux encore l'année d'après.

Responsabilité pour le présent, puisqu'en 2008 le taux des prélèvements obligatoires devrait reculer de 0,3 point, pour s'établir à 43,7 % du PIB.

Responsabilité pour l'avenir, enfin, car si vous ne deviez retenir qu'un seul élément de cette présentation, c'est évidemment le crédit impôt recherche, dont la réforme vise à encourager fortement l'innovation dans nos entreprises, l'innovation au service de la compétitivité de notre pays dans l'intérêt des entreprises de France et dans l'intérêt de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2008, premier budget de la législature, pose un singulier défi.

D'une part, et il ne peut en aller autrement, ce budget est nécessairement abordé en termes de continuité.

Mme Nicole Bricq et M. François Marc. Ce n'est pas la rupture annoncée !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez la suite, mes chers collègues ! Je n'en suis qu'au début de mon introduction !

D'autre part, ce budget est établi dans un contexte délicat dont les contraintes sont nombreuses. D'une certaine manière, nous assistons à une montée de périls qu'il nous faut ensemble conjurer.

Ainsi, s'agissant des méthodes, ce projet de loi de finances se situe dans le prolongement du budget pour 2007. C'est une bonne chose. Madame le ministre, monsieur le ministre, vous reprenez un objectif de norme de dépense et chacun sait que la gouvernance budgétaire repose d'abord sur la maîtrise de la dépense.

Les données de l'équilibre laissent apparaître que 2008 s'établirait sur un palier de déficit par rapport à 2007. Cette situation manifeste de transition appelle deux remarques.

Premièrement, faisons en sorte, mes chers collègues, qu'au terme de son examen par notre assemblée le budget de l'État pour 2008 ne soit pas plus élevé d'un centime d'euro qu'il ne l'est à ce jour.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tâchons de faire mieux encore : faisons en sorte que ce déficit retrouve au maximum le niveau qui était le sien dans la version initiale du projet de loi de finances présentée par le Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Deuxièmement, si nous voulons retrouver l'équilibre en 2012, il nous faudra aller bien au-delà de ce palier 2007-2008. C'est mécanique.

Mme Nicole Bricq. On n'en prend pas le chemin !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le contexte actuel pose de nombreux défis. Les événements survenus sur les marchés financier et immobilier américains ont été à l'origine d'anticipations ingrates, voire négatives, pour toute une série de compartiments de l'économie européenne.

Les dispositions que nous avons prises ensemble cet été dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ont, d'une certaine façon, marqué une rupture ou ont à tout le moins procédé d'un esprit de rupture. Elles créent mécaniquement une contrainte supplémentaire sur les recettes de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette contrainte est évaluée à 7,5 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année 2008.

En outre, comme l'a rappelé M. le ministre, la tension actuelle sur les taux d'intérêt a entraîné une hausse significative de 1,6 milliard d'euros des charges financières, alors même que le déficit est sur un palier.

Mes chers collègues, tout cela forme un tableau complexe.

Tâchons néanmoins de raisonner en termes de gouvernance budgétaire, laquelle nous incite à mettre en avant la notion de performance. Comment juger de la performance budgétaire ?

Tout d'abord, reconnaissons ensemble, mes chers collègues, que la norme de dépense élargie est prometteuse. En effet, il est cohérent de raisonner à partir des recettes brutes de l'État, fiscales et non fiscales, et d'en déduire ce qui est attribué à l'Union européenne, aux collectivités territoriales et, permettez-moi de l'ajouter pour demain ou après-demain, à la sécurité sociale.

Nous aurions un système complètement clair et lisible si nous établissions les recettes nettes après prélèvements en faveur de l'Union européenne, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, monsieur le ministre du budget, dans l'état actuel des choses, vouloir faire porter la norme de dépense sur l'agrégat « Dépenses de l'État et prélèvements en faveur de l'Union européenne et des collectivités territoriales », c'est une bonne démarche, une démarche qui est réellement prometteuse pour l'avenir.

Son application instantanée à l'année 2008 peut donner le sentiment que la règle répond aussi à une opportunité pour l'État, qui peut faire progresser ces crédits de 1,9 %, c'est-à-dire de 0,3 % de plus que l'inflation prévisionnelle, mais dont une grande partie, nous le reconnaissons, résulte de contraintes très lourdes.

Vous le savez, au sein de cette assemblée, légitimement très attentive aux questions concernant les budgets locaux, communaux, intercommunaux, départementaux, voire régionaux, nous avons noté qu'un effet de pincement se produit et que les ressources des collectivités territoriales comportent deux grands sous-ensembles. Puisque nous y reviendrons dans le débat thématique, je me borne à citer les principaux éléments.

L'enveloppe normée, c'est-à-dire le sous-ensemble le plus important, évolue au rythme de l'inflation, « zéro volume ». À l'intérieur - j'allais dire « Dieu merci ! » -, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, continue de respecter les engagements antérieurs, soit le maintien en volume plus l'intéressement à la croissance, intéressement à concurrence de la moitié du taux de croissance prévisionnel de l'économie.

Cet effet de pincement se situe donc au niveau des dotations d'ajustement. Le ministre du budget nous a semblé manifester une certaine bonne volonté pour trouver les solutions appropriées en ce domaine. Monsieur le ministre, il faut évidemment y parvenir, car l'application brute des règles arithmétiques risque de poser des problèmes tout à fait substantiels à deux catégories de collectivités : d'une part, les communes bénéficiaires de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et, d'autre part, les départements, en particulier les plus ruraux, qui bénéficient de la dotation de compensation des exonérations de la taxe sur le foncier non bâti.

M. le président. Très juste !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, mes chers collègues, l'un de nos défis, en tant qu'assemblée représentative des collectivités territoriales de France, est d'atténuer les conséquences de ces ajustements.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous souhaitons que l'État fasse preuve de bonne volonté et aille un peu au-delà de l'enveloppe qui est actuellement prévue pour l'ensemble des collectivités territoriales.

Pour autant, la commission des finances ne saurait sous-estimer vos efforts ni, a fortiori, vos contraintes, car, malgré les décisions courageuses et volontaristes qui commencent à être prises en matière d'effectifs publics, il n'en reste pas moins que ce que l'on gagne sur les rémunérations d'activité est largement compensé par l'augmentation des pensions. Je me suis efforcé de le montrer dans le rapport que j'ai présenté à la commission, l'agrégat « Main-d'oeuvre », y compris les retraités, augmente, et sensiblement. De même, l'agrégat « Dette » augmente, et je renvoie, pour des propos plus détaillés que Paul Girod et certains de nos collègues ne manqueront pas de tenir, au débat thématique sur le plafond de la dette.

La vigilance est évidemment indispensable. Nous savons que des marges de progression sont encore disponibles pour améliorer la sincérité budgétaire, même si des efforts de « rebasage » ont été faits - vous en avez cité certains - dans le domaine des interventions sociales.

Il est encore une distance à parcourir, et vous avez bien voulu, monsieur le ministre, le reconnaître tout à l'heure de manière très transparente en nous disant que, sur le sujet emblématique et bien connu des opérations extérieures, les OPEX, il allait falloir doter un peu plus la prévision pour 2008.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Yves Fréville. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous savons aussi que le budget que vous avez préparé peut paraître prudent, et ce à deux titres.

D'une part, le coefficient d'élasticité, qui permet de définir la prévision de recettes, s'inscrit en baisse par rapport à celui de l'an dernier et utilise donc une certaine marge de prudence par rapport aux évolutions possibles de la conjoncture. C'est une bonne chose.

D'autre part, vous visez une réserve de précaution de 7 milliards d'euros, et vous avez veillé, monsieur le ministre, à ce que les crédits inscrits dans ce cadre soient vraiment mobilisables, et pas seulement indiqués pour la forme, et à ce qu'ils puissent être, le cas échéant, complètement débloqués au début de l'année. Vous avez fait en sorte, avec vos différents collègues - tous les dépensiers du Gouvernement... (Sourires) -, que cette réserve de précaution soit une vraie réserve que l'on puisse, s'il le faut, mettre totalement à contribution.

Mais n'oublions pas que, par rapport à ces 7 milliards d'euros, il y a toutes sortes d'aléas, et que la marge de progression pour les dépenses de l'État, qui ne reflète que le taux d'inflation prévisionnel, se situe à 5,5 milliards d'euros.

Tout dépend de la dynamique de l'économie et des recettes fiscales et, nous le verrons d'ici à la fin de cette année 2007, je pense que nous arriverons au rendez-vous des objectifs que vous avez prévus, peut-être, comme d'habitude, grâce à telle ou telle mesure d'imputation sur l'exercice finissant.

Nous le savons, le moment de vérité est celui du solde de l'impôt sur les sociétés, et je rejoins le propos de Mme Lagarde en ce qui concerne la compétitivité de l'économie et la pugnacité de nos entreprises.

En effet, mes chers collègues, il ne faut pas oublier que ce solde, qui dépend en fin d'année, budgétairement, arithmétiquement, de la part des plus grandes entreprises, reflète très majoritairement des résultats acquis hors de notre territoire. N'ayons garde de l'oublier, ces impôts que nous recouvrons, à partir des résultats des très grandes entreprises et des grands groupes, proviennent pour une bonne part des zones du monde où la croissance est la plus élevée.

N'oublions pas non plus le défi qui s'impose à nous et qui est d'abord d'être un pays accueillant, un pays attractif pour les plus grandes entreprises, pour les grands groupes, pour les centres de décision économique susceptibles de raisonner, de concevoir une stratégie à l'échelle du monde. C'est cela qui, en définitive, peut équilibrer nos comptes.

Mes chers collègues, il ne faut pas sous-estimer cet aspect des choses ni la vulnérabilité qui est la nôtre. Nous la constatons en observant les conditions de détermination des taux d'intérêt. L'Agence France Trésor, grâce à son professionnalisme, fait au mieux pour financer l'État au niveau requis par le tableau de financement.

Si je ne me trompe, le tableau de financement pour 2008 nécessite un appel au marché pour un montant qui est de l'ordre de 110 milliards d'euros, et la somme sur laquelle nous allons voter avant l'article d'équilibre n'en représente qu'une petite partie, soit moins de 20 milliards d'euros. Pourquoi ? Parce que les refinancements d'emprunts qui arrivent à échéance sont assurés, pour une très grande part, à court terme sur le marché, aux meilleures conditions du marché.

C'est bien la « soutenabilité » de nos finances publiques, permettez-moi d'utiliser ce terme, qui fonde notre crédit, et donc le coût de nos emprunts. Tout se tient. Un pays crédible, c'est un pays qui sait se mettre sur le sentier de l'équilibre, c'est un pays qui sait être attractif. Un pays crédible, c'est un pays qui se finance à bon compte et, dans le contexte mondial qui est le nôtre, risqué et agité, c'est absolument essentiel. J'aurais même tendance à dire que cela devient de plus en plus essentiel chaque jour.

En termes de gouvernance budgétaire, quels progrès peut-on faire pour l'avenir ? La commission des finances vous proposera, dans le respect de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, de bien vouloir progresser sur un certain nombre de points de méthode.

En premier lieu, il est important de mieux appréhender le plafond de variation de la dette, et donc de mieux le déduire du tableau de financement et de moins confondre la trésorerie et le financement. C'est une question de clarté ; c'est absolument indispensable pour apprécier la situation économique du pays, ses risques et ses marges de manoeuvre.

En second lieu, concernant la politique fiscale, et plus précisément la dépense fiscale, il convient de mieux chiffrer les niches fiscales.

M. François Marc. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me suis permis, dans le rapport écrit, de les qualifier de « mauvaises herbes fiscales ». (Sourires.)

M. François Marc. Il en pousse partout !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est qu'elles prolifèrent et, chaque fois qu'on en arrache d'un côté, il en pousse de l'autre ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est donc l'image qui me vient à l'esprit.

Un effort est fait cette année dans le chiffrage de ces niches fiscales, madame, monsieur le ministre, mais on est encore loin du compte, et des progrès sont possibles et tout à fait nécessaires.

Il est un grand nombre de niches non chiffrées, non évaluées ou dont les évaluations ne sont pas remises en cause comme il conviendrait. Nous savons bien que c'est un travail très lourd, mais ce chantier est essentiel, car, au bout du compte, vous le savez, mes chers collègues, un euro de dépense fiscale est égal à un euro de crédit budgétaire.

Bien entendu, la règle vers laquelle il faudrait tendre, si l'on savait procéder aux évaluations de façon plus précise, serait de placer la dépense fiscale sous le plafond de la norme de dépense, quelle que soit, au demeurant, l'expression de cette norme.

Je suis sûr que M. le ministre du budget en rêve. (M. le ministre acquiesce). Les sénatrices et les sénateurs peuvent aussi en rêver, car, pour assurer la sincérité et la transparence de nos débats, domaine par domaine, il est évident que l'examen de la dépense fiscale doit se faire concomitamment à celui des dépenses budgétaires et nous offrir les mêmes capacités d'action, les mêmes capacités d'initiative, les mêmes assurances de maîtrise des finances publiques. La loi organique doit pouvoir progresser, nous ferons des propositions en ce sens.

Il est une initiative pédagogique, en quelque sorte, que nous pourrions prendre, si vous le voulez bien, dès la deuxième partie du présent projet de loi de finances. Elle consisterait à distinguer, dans les régimes préférentiels ou niches fiscales, deux catégories.

Les dispositifs horizontaux, non discriminants, font partie intégrante du mode de calcul de l'impôt, tel le quotient familial pour l'impôt sur le revenu, le crédit d'impôt recherche pour l'impôt sur les sociétés ou le régime de l'intégration fiscale. Ces éléments de politique économique, voire de politique familiale ou sociale, correspondent à une volonté de l'État qui a vocation à s'exprimer sur la durée et peuvent donc être pérennes. Ce sont des dispositifs à durée indéterminée.

À l'inverse, les dispositifs verticaux, catégoriels, voire corporatifs ou reposant sur des zonages, sont, certes, légitimes, mais devront, à terme déterminé et au vu d'évaluations, être réexaminés en fonction de l'efficience de la dépense publique ainsi engagée.

Il vous sera donc proposé des NDI et des NDD, c'est-à-dire des niches à durée indéterminée et des niches à durée déterminée (Sourires.), reposant sur un système d'évaluation plus fiable, plus efficace.

Le ministre a évoqué un troisième progrès, ce dont je le remercie : la prise en compte, dans le plafond des emplois, des postes des opérateurs de l'État. Cette question sera vitale dans l'avenir. En effet, comme nous le montre l'exemple de la Suède, la réforme de l'État telle qu'elle va être formulée, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, conduira logiquement à identifier des tâches précises remises entre les mains d'agences de l'État.

Cette démarche est d'ailleurs déjà bien engagée. Songeons, mais ce n'est qu'un exemple, à l'Agence des titres sécurisés pour le ministère de l'intérieur. Les ministères deviendront de plus en plus des instances d'impulsion, d'orientation, de stratégie, et ces structures devront en conséquence être très allégées par rapport à ce qu'elles sont aujourd'hui. Les politiques devront être mises en oeuvre par des agences qui auront des objectifs et entretiendront un dialogue clair avec l'État stratège : État stratège d'un côté, État gérant de l'autre, dans le cadre de politiques bien identifiées.

Ce modèle peut être décliné pour presque tous les domaines de l'action publique.

Il sera donc vital que les effectifs de ces agences soient bien sous plafond et qu'ils soient votés avec l'article d'équilibre.

J'en viens à la comptabilité patrimoniale, acquis essentiel de la loi organique relative aux lois de finances, à condition du moins que l'on en tire toutes les conséquences.

Permettez-moi de prendre un exemple.

Mme Lagarde a fort opportunément évoqué la réforme qui va amplifier et rendre plus efficace le crédit d'impôt recherche.

Pour l'entreprise, ce crédit est une créance qui va pouvoir être mobilisée, rendue liquide. Mais ce qui est créance d'un côté, pour l'entreprise, est dette de l'autre côté, pour l'État. Or l'État établit-il un bilan dans lequel il inscrit au passif la valeur de ces dettes ? Il y a, ce mécanisme le montre, des progrès importants à réaliser en termes de comptabilité patrimoniale de l'État afin de disposer d'une situation qui soit sincère et fidèle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certifiable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me limite à cet exemple, mais bien d'autres peuvent naturellement venir à l'esprit.

Quelles initiatives allons-nous prendre et pouvons-nous prendre au cours de l'examen de ce projet de loi de finances ? Pour ma part, je ne saurais trop conseiller deux axes : la compétitivité, d'une part, et la rigueur, d'autre part, une rigueur au sens d'une approche rigoureuse de la réalité, sans se faire d'illusions et en évitant de diffuser des illusions autour de soi.

La compétitivité est la condition de tout. Je me réjouis, madame le ministre, que les deux assemblées valorisent enfin l'industrie financière. Vous avez à juste titre insisté sur ce point, car c'est une variable clé en termes de compétitivité.

Si l'on veut que notre pays, qui a des atouts, puisse voir croître son industrie financière et prélever une petite partie de ce qui fait le succès de la Grande-Bretagne, certaines conditions concrètes doivent être remplies ; la suppression de l'impôt de bourse en est une. De la même façon, une politique fiscale de l'épargne claire, différenciant les produits selon leur utilité pour l'économie et le niveau de risques, est une autre de ces conditions nécessaires. M. Alain Lambert avait défini les principes, qui restent parfaitement actuels, d'une hiérarchisation du régime fiscal des différents produits d'épargne. Je ne puis que souhaiter que l'on adopte une attitude aussi claire, lisible et cohérente sur le plan économique.

Nous savons aussi que la certitude, pour un contribuable, de ne pas subir un prélèvement spoliateur est un élément important de la nouvelle législature. Il pourrait en résulter une confiance accrue, une meilleure visibilité de la réalité économique et financière française. C'est dans cet esprit que la majorité de la commission des finances propose l'auto-liquidation du bouclier fiscal. Nous y reviendrons sans doute dans le cours de la discussion.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, dans le souci de défendre nos centres de décisions, nous estimons qu'il serait opportun de créer un régime de résident fiscal temporaire, sur agrément, pour les hautes compétences susceptibles de venir de l'étranger s'investir dans les quartiers généraux ou dans les centres de recherche. J'ai bien dit « sur agrément », dans un cadre bien déterminé, afin de créer une assiette fiscale supplémentaire.

Comme l'a fait Mme Lagarde voilà un instant, je suis enclin à faire rimer « rigueur » et « vigueur ». En effet, et cette conviction est largement partagée au sein de la commission des finances, faute de consentir des efforts considérables, nous ne parviendrons pas à nous placer sur le sentier de l'équilibre pour 2012.

Monsieur le ministre du budget, j'observe avec un très grand intérêt la richesse des analyses réalisées par le comité de suivi de la revue générale des politiques publiques. Tous les secteurs sont examinés avec le plus grand professionnalisme, sans tabou mais en même temps, je le crois, avec réalisme et imagination.

La rigueur, oui, mais pas une rigueur punitive, une rigueur qui fasse appel à l'imagination. Il faut innover, trouver des solutions nouvelles. Ainsi, si nous parvenons, avec imagination, à prendre appui sur le nouveau principe de l'autonomie des universités, une compétitivité beaucoup plus réelle, beaucoup plus grande de notre appareil de recherche peut naître. C'est tout l'enjeu d'une telle réforme. Mais il ne doit y avoir aucune contradiction dans la définition des moyens qui sont nécessaires à la poursuite des tâches - mais au sein d'un système d'État mis sous tension, dont les énergies sont entièrement mobilisées vers les objectifs - il ne doit donc y avoir aucune contradiction entre cette approche rigoureuse et l'imagination, la compétitivité, le progrès et une vision sans complexe de l'avenir.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances sera bien entendu très attentive, très exigeante, aussi, un peu raide, parfois, sur certains des aspects de ce projet de loi de finances. Nous allons discuter, en insistant non seulement sur les collectivités territoriales, mais aussi sur certains dispositifs et articles importants, avec le souci d'apporter au Gouvernement un appui d'autant plus solide et sincère que nous aurons la certitude que nos analyses et nos convictions seront entendues.

Cette maison, le Sénat, est riche de convictions. Sa commission des finances n'a pas improvisé les commentaires qu'elle vous livre cette année, madame, monsieur le ministre. Ses observations résultent, je me permets de le dire, de tout un patrimoine que nous avons acquis en commun au contact des gouvernements qui se sont succédé depuis de nombreuses années.

Nous sommes persuadés que cette vision peut et doit rejoindre celle du gouvernement de François Fillon, sous cette nouvelle présidence qui, nous l'espérons, sera celle de la rigueur, de la vigueur et de l'imagination ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous a écouté avec une grande attention et, j'en suis persuadé, il ne manquera pas de prendre en considération vos suggestions, en particulier celles qui concernent les collectivités territoriales et plus particulièrement encore les départements ! (Sourires.)

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouvelle présidence, nouvelle législature... Nous voici donc aujourd'hui réunis pour examiner le premier projet de loi de finances présenté par le gouvernement de M. François Fillon.

C'est un exercice délicat, une épreuve de vérité désormais encadrée par l'exigence de sincérité. Je salue, madame, monsieur le ministre, votre écoute puisque vous allez déposer un amendement tendant à parfaire encore la sincérité de votre budget.

En ce début de législature, l'attente de rupture est sans doute à son plus haut niveau. Force est de constater que l'absence de marges de manoeuvre condamne trop souvent le budget à transcrire tout le poids des gestions antérieures.

Il est donc temps de prendre conscience que toutes les facilités, toutes les commodités, toutes les astuces de présentation sont épuisées. Convenons, en effet, que les vraies réformes, celles qui opèrent une rupture, sont souvent coûteuses lors de leur phase de mise en oeuvre, ce qui ne doit pas, bien au contraire, nous faire renoncer à les entreprendre. Ce n'est qu'au fil des années que leurs bienfaits se manifestent dans les budgets.

Le temps de l'affichage immédiat est donc révolu au profit, je l'espère, de la détermination calme et résolue.

Osons renoncer aux tentations de la gesticulation et ouvrons les yeux sur la réalité, au risque de nous priver d'éphémères enchantements.

Je veux, dans cet esprit, évoquer le contexte dans lequel s'inscrit ce budget, avant de tenter de répondre à la question de savoir si le projet de loi de finances initiale pour 2008 amorce la trajectoire du redressement.

Sur la forme, vous m'autoriserez à rompre avec quelques conventions de langage.

Mme Nicole Bricq. Nous sommes d'accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au moment où de vives inquiétudes s'expriment à propos du pouvoir d'achat, des risques d'inflation, du déséquilibre de la balance commerciale, de la dette publique, de la délocalisation des emplois, de la hausse du baril de pétrole, du gaz et des matières premières, de la dépréciation du dollar, nous avons le devoir de mieux appréhender les enjeux de la mondialisation.

Acceptons donc de rompre avec nos discours anesthésiants, faussement rassurants.

Parmi les thèmes stimulants du moment, j'attire un instant votre attention sur le volume désormais massif et le rôle des « surliquidités mondiales » : 4 000 milliards de dollars et peut-être même 5 000 milliards de dollars ! Prenons conscience du pouvoir financier et économique dont disposent aujourd'hui les pays qui nous approvisionnent en énergie - gaz, pétrole - et en biens de consommation.

On voit émerger le concept de fonds souverains. Comme le soulignait Alain Lambert ce matin en commission des finances, si ces pays ont des fonds souverains, au moins avons-nous, nous, la dette souveraine ! (Sourires.)

Ce phénomène, mes chers collègues, est révélateur de nos insuffisances. Pourtant, nos colloques, nos messages institutionnels « politiquement corrects », nous invitent à considérer comme flatteur qu'autant de capitaux s'investissent en France, et ce « tous azimuts » : immeubles de haut standing, titres de sociétés cotées en bourse, bons du Trésor, petites et moyennes entreprises dynamiques de nos provinces... J'arrête ici la liste.

Ces investissements sont effectués soit directement, soit par l'intermédiaire de « fonds souverains » dont la force de frappe financière n'a désormais d'égale que l'opacité. Nous devrions donc nous demander s'ils nous renforcent ou si, au contraire, ils nous affaiblissent.

Mon opinion est qu'ils stimulent l'inflation des actifs, qu'il s'agisse des biens immobiliers ou des actions des sociétés cotées en bourse, sans toutefois renforcer notre potentiel de production.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pis, quand ils concernent des PME, ces investissements donnent bien souvent lieu, dans nos territoires, à la délocalisation des activités et des emplois.

Nous mesurons au surplus que, si la mondialisation a pu contribuer un temps à la baisse des prix des biens de consommation, la tendance est en train de s'inverser. Notre indépendance est en jeu : veillons à ne pas subir les effets de stratégies dont la définition et la conduite nous échappent largement, sinon totalement !

Or, s'il est un élément dont nous avons le contrôle, c'est bien la loi de finances. À cet égard, le projet de loi de finances initiale pour 2008 est indéniablement un budget de transition.

C'est un budget de transition, qui ne peut donc traduire les effets positifs de réformes qui, pour beaucoup, sont encore à mettre en oeuvre.

Ainsi, et vous l'avez rappelé, madame le ministre, l'insuffisance de la croissance - ce fameux point de croissance qui nous manque et qu'il nous faut à tout prix débusquer - met cruellement en évidence nos problèmes de compétitivité : le déficit de compétitivité dont souffre notre pays, notamment par rapport à l'Allemagne, est patent et se concrétise malheureusement, chaque mois, dans nos performances commerciales, qui sont plus qu'inquiétantes.

De même, faute de réformes structurelles, il ne nous a pas encore été possible de rendre la sphère publique plus performante ou moins onéreuse - même s'il nous faut garder à l'esprit qu'il n'existe pas de formule miracle : je l'ai dit, les bonnes réformes sont coûteuses dans un premier temps.

C'est aussi un budget de transition qui révèle nos contraintes dans leur cruelle vérité. Je n'en donnerai que deux exemples, qui préemptent déjà les deux tiers du budget.

La seule dette de l'État - 919 milliards d'euros à la fin décembre 2007 - représente, avec ses 40,8 milliards d'euros de charge nette annuelle, les deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu, alors que la perspective de hausse durable des taux d'intérêt ne pourra qu'en alourdir le fardeau. Tout aussi pesantes, les charges de personnel et de pension, quant à elles, s'élèveront en 2008 à 120 milliards d'euros, soit 330 millions d'euros à acquitter chaque jour !

C'est encore un budget de transition qui, heureusement, grâce à l'usage qui est fait de la LOLF, tend vers la sincérité, même s'il reste exposé à quelques critiques résiduelles ; il est probable que notre discussion contribuera à en éliminer quelques-unes.

Demeurent en effet, madame, monsieur le ministre, quelques « poches de sous-budgétisation » concernant certains crédits, pour environ 1,3 milliard, peut-être 1,5 milliard d'euros. Des progrès ont d'ores et déjà été réalisés, et l'annonce que vient de faire M. Éric Woerth donne à penser que les trois prochaines semaines nous permettront de poursuivre dans cette voie.

M. le président. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La tentation de contourner la « case déficit » est encore trop présente lorsqu'il s'agit pour l'État de reprendre les dettes accumulées par des organismes extérieurs, notamment au sein de la sphère sociale : 5,1 milliards d'euros viennent d'être entérinés, pour la sécurité sociale, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, et nous avons encore en mémoire le projet de loi de finances rectificative pour 2005, qui avait « épongé » 2,5 milliards d'euros de dettes du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA. Je m'en étonne d'autant plus que ces dettes ne sont que l'accumulation de déficits passés : ceux-ci n'auront donc jamais été transcrits comme tels...

Il s'agit là d'une bien curieuse alchimie budgétaire, et il nous faudra y renoncer si nous voulons faire oeuvre de pédagogie : nous n'avons pas d'autre choix. Nos convictions sont fortes, nous pouvons les faire partager si nous prenons appui sur un message de vérité.

Enfin, ce budget procède à un « habillage » de la norme de progression des dépenses de l'État dite « zéro volume ». Comme le rapporteur général l'a fort bien démontré, l'élargissement de cette norme revient en réalité à faire prendre en charge une partie de la dérive des dépenses de l'État par les collectivités territoriales ou par le prélèvement européen.

À l'évidence, il appartiendra à nos discussions des semaines à venir d'éclaircir ces zones encore un peu grises du budget.

Je comprends bien la volonté du Gouvernement de ne pas modifier les critères d'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Le rythme soutenu de sa progression - 2,08 % pour une dotation correspondant à plus de 80 % du montant de l'enveloppe globale, dont la progression plafonne pour sa part à 1,6 % - nécessite que l'on recoure à des variables d'ajustement ; toutefois, le choix de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et de la compensation des exonérations de la taxe foncière sur les propriétés non bâties donne lieu à des ajustements brutaux et contestables, de l'ordre d'au moins 25 %. Nous avons le devoir, mes chers collègues, de les corriger, d'en atténuer les effets, et je ne doute pas, madame, monsieur le ministre, que vous nous y aiderez, car c'est une question d'équité.

M. le président. Cela va de soi !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, qu'il me soit permis de formuler pour l'avenir une suggestion afin de compléter les efforts de sincérité mis en oeuvre. Puisque, d'un point de vue économique et budgétaire, les dépenses fiscales présentent le même effet que les dépenses « classiques », ainsi que l'a rappelé le rapporteur général, ne serait-il pas possible de les intégrer dans cette norme élargie de progression de la dépense ? Rien ne me semble s'y opposer, et nous disposerions ainsi, grâce à vous, d'un instrument plus complet pour mesurer la véritable place de l'État dans l'économie.

C'est enfin un budget de transition qui survient après la loi TEPA de juillet dernier. Il aurait pu cependant faire l'économie de certaines dépenses fiscales, tel le doublement du crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunts immobiliers contractés au titre de l'acquisition de la résidence principale. Cette disposition, mes chers collègues, coûtera 220 millions d'euros en 2008 ; elle représentera, madame, monsieur le ministre, 800 millions d'euros en année pleine.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ce qui me concerne, je continue de m'interroger sur la « soutenabilité » d'une telle disposition eu égard à l'état de nos finances publiques, et vous comprendrez qu'à titre personnel je ne puisse pas, dans ces conditions, voter une telle mesure.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au total, le projet de loi de finances pour 2008 traduit bien la gravité de la situation tant économique que financière et constitue une base pédagogique pour aider à faire comprendre l'ampleur, l'urgence et la nécessité des réformes que nous devrons conduire.

Par sa sincérité, ce projet de loi de finances met en évidence l'extrême tension de la situation financière de l'État.

Le déficit prévisionnel de fonctionnement - je parle bien de fonctionnement, mes chers collègues - est évalué à 21,220 milliards d'euros. Si nous y ajoutons les 8,8 milliards de la sécurité sociale et les 2,7 milliards du FFIPSA, ce sont près de 33 milliards d'euros de dépenses courantes qui seront financés par le recours à l'emprunt !

Et nous qui devions nous interdire de financer des dépenses récurrentes, des dépenses de fonctionnement par le recours à l'emprunt...Nous en sommes bien loin !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette indication alarmante est à intégrer dans les enseignements révélés par la première publication de la situation patrimoniale de l'État : au 31 décembre 2006, les valeurs d'actif s'élevaient à 538 milliards d'euros et le passif à 1 131 milliards d'euros, dont 893 milliards d'euros de dettes financières, soit une situation nette négative de 593 milliards d'euros.

Or les dettes, le « passif », ne tiennent pas compte des provisions qu'il conviendrait d'enregistrer pour refléter le poids des engagements de l'État employeur au titre des pensions de retraite. Les engagements hors bilan sont à ce titre de 941 milliards d'euros, soit 53 % du produit intérieur brut.

C'est dire si nous attendons avec impatience les décisions résultant de la révision générale des politiques publiques ! Placée sous la responsabilité directe du Président de la République, celle-ci a vocation, à mes yeux, à s'inscrire pleinement dans la démarche réformatrice exceptionnelle qui fut par exemple, en 1959, celle du comité Rueff-Armand. C'est à ce prix que nous doterons la France d'une administration performante.

Si la réforme de l'État ne peut plus attendre, nous savons aussi que le redressement est impossible sans le retour de la croissance. Nos handicaps se mesurent en termes de compétitivité. À cet égard, je voudrais réaffirmer que nos prélèvements obligatoires, notamment le mode de financement des branches « santé » et « famille », altèrent nos chances de créer des emplois et de dynamiser la croissance dans une économie désormais mondialisée.

Il nous faudra donc, mes chers collègues, avoir le courage de briser certains tabous, notamment les tabous relatifs à l'impôt sur la consommation, la TVA.

Nous avons eu un débat riche et éclairant, à propos des prélèvements obligatoires il y a quelques jours. Nos discussions ont été à la hauteur des enjeux, notamment grâce à la contribution de la commission des affaires sociales. Croyez bien que je m'en félicite tout particulièrement.

On parle beaucoup de compétitivité. On s'interroge également sur le pouvoir d'achat. Il y a, à mon sens, un bon pouvoir d'achat, celui qui est la contrepartie du travail ou de la production. C'est en ce sens que l'on peut, en effet, augmenter la masse salariale lorsqu'il y a un surcroît de production. En revanche, il y a un pouvoir d'achat artificiel, celui qui résulte de dotations publiques.

J'entends dire que l'on pourrait augmenter la prime pour l'emploi.

M. Alain Lambert. Il faudrait déjà la rendre efficace !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, sommes-nous bien conscients que la prime pour l'emploi, si elle améliore, en effet, le pouvoir d'achat, se transforme assez rapidement en importations supplémentaires ?

J'ai personnellement la conviction que la prime pour l'emploi, compte tenu de nos lois, de nos réglementations, de nos pratiques, crée infiniment plus d'emplois hors de France que sur notre territoire national. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Il faudra aussi briser ce tabou des 35 heures (Nouvelles marques d'approbation sur les mêmes travées.)...

Mme Nicole Bricq. Il faut baisser les impôts !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et accepter de travailler plus suivant des modalités moins compliquées que celles qui résultent de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Nous entendons remonter un certain nombre de critiques ; nous observons des hésitations liées à des conventions collectives ou, au contraire, à l'absence de conventions collectives ; nous constatons des réticences liées à des plafonds réglementaires, bref, de quoi faire perdre une grande partie des effets attendus de la loi TEPA.

Mes chers collègues, il faudra donc aller jusqu'au bout de nos convictions si nous voulons durablement sortir de cette situation.

C'est parce que le monde a changé que nos réformes ne peuvent plus attendre. La globalisation a rendu obsolètes des pans entiers de nos législations, de nos réglementations, de nos pratiques. Éclairons donc la réalité et les enjeux, chassons les faux-semblants et les gesticulations !

La discussion budgétaire est un rendez-vous avec la réalité.

Cessons donc de penser qu'en politique la réalité est toujours dans l'opposition !

C'est ce que nous allons tenter de démontrer pendant toute la discussion du projet de loi de finances pour 2008, avec exigence, avec confiance, avec vigueur et avec rigueur, pour vous aider, madame, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je crois savoir que vous avez une communication à faire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, monsieur le président. Je dois indiquer à mes collègues de la commission des finances qu'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2008 vient d'être déposée par le groupe communiste républicain et citoyen et que la commission des finances se réunira à quatorze heures quarante-cinq pour l'examiner.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale (suite)

5

remplacement d'un sénateur décédé

M. le président. J'informe le Sénat que Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales m'a fait connaître que M. Louis Pinton, président du conseil général, est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de l'Indre, notre très regretté collègue Daniel Bernardet.

Le mandat de M. Pinton a débuté ce matin à zéro heure.

6

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc Massion.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Question préalable (début)

M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est le sixième budget présenté par la majorité qui détient les leviers de commande de l'économie depuis maintenant plus de cinq ans ! Les mêmes gouvernants menant les mêmes politiques, les mêmes causes produisent les mêmes effets : la plus constante des continuités dans une alliance de l'inefficacité économique et de l'injustice sociale, avec peut-être un petit « plus », si c'était nécessaire, du côté de l'injustice sociale !

Le taux de croissance retenu ne l'a été que parce qu'il conditionne les recettes fiscales, le niveau des déficits publics et qu'il satisfait aux critères de convergence européens. Mais tout le monde sait bien que cette hypothèse n'est pas réaliste ! En effet, ce n'est pas la réduction des dépenses, que la suppression de 22 900 postes de fonctionnaires est censée entraîner, qui peut constituer la solution miracle de nature à rétablir l'équilibre de nos finances publiques !

Le déficit budgétaire est officiellement stabilisé dans la loi de finances initiale, mais il est trois fois supérieur à celui de l'Allemagne et placé sous la surveillance de l'Union européenne !

En effet, nous sommes sous le coup des allégements fiscaux, qui s'élèvent à 11,5 milliards d'euros, dont une grande part - 8 milliards d'euros - a été votée en juillet dernier dans le cadre de la « fameuse » loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, ou encore « paquet fiscal » ! Et ces allégements fiscaux représentent à eux seuls la moitié de ceux qui ont été consentis au cours de la législature précédente !

Le poids des prélèvements obligatoires a été de l'ordre de 44 % du PIB en 2007, soit l'un des plus élevés de l'Union européenne ! Or la diminution prévue en 2008 sera bien onéreuse, pour un gain de 0,3 point seulement !

Cet objectif, plus politique qu'économique, atteste un double choix.

Tout d'abord, il résulte d'un choix idéologique du Gouvernement, celui de donner la priorité à la baisse des impôts pour les plus aisés plutôt qu'au désendettement de l'État. Parallèlement, il procède d'un choix économique peu orthodoxe, celui de consacrer la baisse de la dépense publique non pas au désendettement, mais aux baisses d'impôts pour les mêmes !

Ainsi, la progression des dépenses est calée sur celle de l'inflation, y compris pour ce qui concerne les dotations aux collectivités locales et les affectations de recettes, et non plus pour les seuls crédits ministériels. En fait, ce sont surtout les dotations aux collectivités locales qui sont concernées, celles-ci étant désormais assignées par votre majorité - c'est un fait avéré, monsieur le ministre - au rôle de variable d'ajustement idéale pour la gestion de l'État !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2008 est un budget non pas « de rupture », mais de continuité, comme certains l'ont indiqué ce matin. La dette publique devrait s'élever en 2008, dans le meilleur des cas, à 64 % du PIB ! Et encore, si l'État arrive à céder une quantité suffisante des titres qu'il détient dans les entreprises publiques !

Toutefois, les privatisations n'ont rapporté que 3,7 milliards d'euros depuis le début de l'année 2007, soit quatre fois moins qu'en 2006 ! Pour 2008, le Gouvernement table sur un produit de cession de 5  à 10 milliards d'euros, ce chiffre étant en fait assez arbitraire. De toute façon, une telle recette constituerait une contribution marginale à la réduction d'une dette de 1 194milliards d'euros prévue pour la fin de l'année 2007 !

Le Gouvernement affirme qu'il ramènera en 2011, c'est-à-dire en quatre ans, le ratio de la dette en dessous de 60 % grâce à une croissance moyenne annuelle de 2,5 % ! Mais, pour y parvenir, même en cinq ans, encore faudrait-il qu'il affecte la totalité des réductions de dépenses au désendettement, et non à la baisse des impôts en faveur de certains, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure !

De plus, pour financer cette dette, le Gouvernement envisage d'emprunter 119 milliards d'euros en 2008, les émissions nettes de rachat de la dette de l'État à moyen et long terme étant en augmentation de 17 milliards d'euros par rapport à 2006 !

J'aborderai maintenant les recettes.

Les rentrées fiscales ne devraient progresser que faiblement et, parallèlement, le taux des prélèvements obligatoires ne devrait diminuer que modestement, alors que cette mesure constituait l'objectif initial de l'année 2007. Cela étant, je tiens à préciser que je n'ai pas la religion de la baisse des prélèvements obligatoires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ah !

M. Marc Massion. Je me borne simplement à mettre en regard les professions de foi officielles des chantres de la baisse des prélèvements obligatoires et les résultats de leur pratique.

Au demeurant, le plus grave, c'est que le « paquet fiscal » va considérablement réduire les marges de manoeuvre de l'État, et cette impuissance programmée augure bien mal du troisième mandat présidentiel de la droite !

Le projet de budget que nous allons examiner dans les prochains jours ne comporte officiellement que peu de mesures à caractère fiscal, car « l'essentiel du travail », comme l'on dit pour les basses besognes, a déjà été fait pendant l'été.

Certes, on peut constater un certain effort en direction des entreprises, notamment au travers de la revalorisation du crédit d'impôt recherche ou de l'allégement de la fiscalité sur les brevets.

Mais que dire des mesures telles que l'assouplissement du régime fiscal des pactes d'actionnaires, instaurés par la loi Dutreil, sinon que le système des pactes d'actionnaires devait, à l'origine, éviter l'éclatement du capital d'une entreprise et, partant, la disparition de celle-ci, à l'occasion d'un décès ? Ce système a été étendu aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, alors qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de sauvegarder un outil de travail ! Le dispositif initial a donc été vidé de sa raison d'être et ne constitue plus qu'un « énième » coup de boutoir contre l'ISF.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est tout à fait inexact ! C'est désespérant !

M. Marc Massion. Que dire encore de la possibilité, pour des personnes physiques, de déduire de l'ISF, dans la limite de 50 000 euros, les sommes qu'elles investissent dans leur propre PME ? Sinon que l'extension de ce dispositif prévu par la loi TEPA n'est, là encore, qu'une nouvelle mesure visant à remettre en cause le régime de l'ISF et à accroître fortement les possibilités de s'en exonérer, alors que les chefs d'entreprise concernés en sont déjà dispensés au titre des biens professionnels ! Et il n'est pas très correct de se verser à soi-même, pour son propre bénéfice, une somme que l'on devrait acquitter au titre de l'impôt !

Que dire aussi d'une fiscalité allégée pour les ménages les plus aisés, coûteuse pour l'État ? L'allégement de la fiscalité des dividendes d'actions permet aux contribuables de se soumettre à un prélèvement libératoire à la source de 16 %, porté à 18 % par l'Assemblée nationale, plutôt qu'au barème de l'impôt sur le revenu.

Que dire, enfin, du maintien du crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts des prêts contractés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale, modifié pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel ? Nous le savons - nous l'avons déjà dit au mois de juillet dernier et cela a été confirmé ce matin -, ce dispositif aura pour effet pervers un renchérissement du prix de l'immobilier et une restriction de l'offre. Le résultat sera donc contraire au but recherché !

Face à ces mesures, le pouvoir d'achat de nombreux bénéficiaires de la prime pour l'emploi, la PPE, devrait se réduire en 2008 en raison des contradictions internes liées à l'indice des prix, à la hausse des prélèvements sociaux, aux déremboursements de médicaments, aux bien mal nommées « franchises » médicales et à la perte éventuelle du bénéfice de la PPE causée par la nouvelle réglementation des heures supplémentaires !

J'en viens maintenant aux dépenses.

Dans ce projet de budget, tous les ministères sont touchés par la rigueur, mis à part, nous dit-on, l'enseignement supérieur et la recherche. Mais il ne faut pas exagérer les faveurs affichées pour ce ministère !

Les faibles marges de manoeuvre budgétaire seront absorbées, dans leur quasi-totalité, par les charges « contraintes » que constituent les intérêts de la dette et les pensions des fonctionnaires. Les dépenses de fonctionnement vont marquer le pas. La suppression de 23 000 postes de fonctionnaires n'entraînera, vous le savez bien, monsieur le ministre, qu'une économie limitée.

Dans le secteur de l'emploi, le nombre des emplois aidés va diminuer, et le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise est supprimé !

Dans le domaine de l'environnement, aucun crédit de l'État n'a été prévu pour mettre en pratique le fameux Grenelle de l'environnement !

S'agissant de la justice, que l'on dit favorisée, la priorité affichée n'est qu'une apparence, dans un contexte général de diète ! Et je ne parle pas de la fameuse réforme de la carte judiciaire qui soulève les remous que vous savez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en présence d'un projet de budget qui n'est pas sincère !

Ce projet de loi de finances est un texte intermédiaire entre ce que le Parlement a voté en juillet 2007 et ce qu'il devra voter au printemps 2008, à savoir ce que le Gouvernement nous cache actuellement : les mesures de rigueur que ce dernier sera conduit à mettre en oeuvre, sans doute après l'échéance des élections municipales et cantonales !

Le Gouvernement est pris en tenaille entre les promesses électorales de Nicolas Sarkozy, la crise financière et la situation réelle du pays.

Le paquet fiscal voté en juillet 2007 est un « OFNI », c'est-à-dire un objet fiscal non identifié ! C'est un programme fiscal qui ne relève ni d'une politique de l'offre ni d'une politique de la demande ! Il engendrera un manque à gagner fiscal, véritable boulet que l'État traînera tout au long de l'année 2008, comme au cours des années suivantes, et qui n'aura aucun effet de levier sur la politique économique !

Le projet de loi de finances pour 2008 n'est pas un acte fort qui va engager des politiques publiques. Les finances publiques vont, hélas ! poursuivre leur dégradation !

Le scénario de 2002 risque de se répéter. Cette année-là, le Gouvernement avait réduit l'impôt sur le revenu, mesure qui, comme le paquet fiscal adopté en juillet 2007, n'était ni financée ni gagée : on connaît la suite !

Cette politique a échoué : les comptes publics se sont dégradés du fait de dépenses qui ont pesé, année après année, sur le budget de l'État, tandis que le Gouvernement n'a pas non plus réussi à redresser les comptes de la sécurité sociale.

La dette a progressé de 8 points de PIB en cinq ans, en raison de dépenses excessives, mal ciblées et qui pèsent inévitablement sur les comptes non seulement de l'année en cours, mais aussi des années suivantes.

La croissance dépend de la conjonction entre la progression de la consommation des ménages, l'augmentation de l'investissement des entreprises et un commerce extérieur au minimum équilibré. Or la loi TEPA de juillet 2007 et le projet de loi de finances pour 2008 ne peuvent assurer cette conjonction.

La consommation des ménages ne devrait pas être plus forte en 2008 qu'en 2007, surtout sans réévaluation du SMIC et de la prime pour l'emploi au-delà du niveau de l'inflation. De même, la disposition relative à la défiscalisation des heures supplémentaires ne devrait pas avoir plus de conséquences que cela puisque le Gouvernement lui-même estime qu'il n'y en aura pas davantage en 2008 qu'en 2007 !

L'augmentation de la consommation des ménages ne sera donc pas plus de nature à redresser l'économie dans les proportions supposées par le Gouvernement qu'à réduire la dette, financer les réformes ou assurer la trésorerie des fins de mois de l'État. Pour cette raison, ce dernier en est réduit, en ce qui concerne par exemple les contrats de plan, à demander aux régions de payer à sa place !

Quant à la crise financière partie des États-Unis, elle devrait entraîner, en France comme ailleurs, un durcissement du crédit. Dans un tel contexte, les entreprises risquent fort de ne pas investir suffisamment pour stimuler la croissance, d'autant qu'aucune disposition n'est prévue dans ce projet de budget pour infléchir cette évolution !

Ce projet de budget est donc incohérent et inconséquent, car il ne traduit aucun choix : le Gouvernement ne choisit pas entre une politique de l'offre et une politique de la demande. Ces deux politiques ont leurs avantages et inconvénients respectifs, certes, mais il est un fait que le projet de loi de finances pour 2008 ne favorise ni le pouvoir d'achat ni l'investissement.

Comme en 2002, le Gouvernement n'a pas tiré, en 2007, les conclusions des textes adoptés cet été dans l'urgence.

Ce projet de budget s'avère inconsistant.

La croissance prévue est quasiment identique à la croissance moyenne de la zone euro. Cependant, ces cinq dernières années, la croissance française a systématiquement été inférieure de 0,8 à 1 point de PIB à la moyenne de la zone euro.

Par quel tour de magie l'écart de croissance entre la moyenne de croissance de la zone euro et la croissance française serait-il soudain de 0,05 point l'année prochaine quand il a été de plus ou moins 1 point ces cinq dernières années ?

Quelles mesures du projet de loi de finances pour 2008 ou quelles dispositions prises auparavant - je veux parler de la loi TEPA - pourraient-elles expliquer la réduction soudaine de l'écart entre la croissance française et la croissance moyenne de la zone euro ? Il n'y aura pourtant ni hausse du pouvoir d'achat ni investissement supplémentaire dans les entreprises ; le commerce extérieur continuera à se dégrader, les conditions du crédit se durciront, la parité entre l'euro et le dollar est souvent défavorable aux exportations et le prix du baril de pétrole ne devrait pas baisser !

Faute de revenir sur des dispositions non financées, non gagées et qui lestent les finances publiques dans des conditions insupportables, le Gouvernement sera vraisemblablement contraint de mettre en oeuvre un plan de rigueur dans le courant de l'année 2008, le déficit de l'État risquant fort d'être plus important que prévu.

Il n'est pas convenable que les Français ne soient pas honnêtement avertis de ce qui les attend pour pallier les inconséquences coupables du Président de la République et de son gouvernement.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas le projet de budget qui nous est présenté.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je vous poserai, en guise de conclusion, une question précise liée à l'actualité : ce projet de budget vous permettra-t-il de répondre aux attentes des fonctionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Cependant, je ne suis pas sûr, après avoir entendu M. Massion, que nous parlions tous exactement du même texte !

En tout état de cause, je considère, et je ne suis pas le seul dans ce cas, que ce projet de loi de finances repose sur des hypothèses de croissance et de recettes prudentes, qu'il limite l'évolution des dépenses au niveau de l'inflation, qu'il stabilise le déficit budgétaire par rapport à la prévision initiale pour 2007, tout en investissant sur l'avenir grâce à des mesures ciblées sur le travail, la recherche et l'innovation.

M. Alain Lambert. Très bien !

M. Henri de Raincourt. Son examen au Sénat intervient dans un contexte économique et financier marqué par de fortes incertitudes, liées à la crise bancaire internationale de l'été dernier, à la hausse des cours du pétrole et des matières premières, à l'appréciation de l'euro par rapport au dollar et à la révision à la baisse des prévisions de croissance en Europe.

Le rapporteur général, Philippe Marini, est parfaitement dans son rôle lorsqu'il souligne les aléas et les contraintes susceptibles de peser sur l'exécution budgétaire.

Il importe néanmoins aux responsables politiques que nous sommes de respecter les engagements en faveur de la revalorisation du travail, de la croissance, de l'emploi pris voilà six mois devant les Français par le Président de la République.

Mes chers collègues, si ce que nous entreprenons depuis un certain nombre d'années était aussi tragique que certains le disent, nous n'aurions pas gagné trois élections présidentielles successives et deux élections législatives ! Ces succès témoignent tout de même de l'appréciation que portent la majorité de nos compatriotes sur notre action !

Comme l'a très justement souligné le Président de la République, le 18 septembre dernier, au Sénat, lors du quarantième anniversaire de l'Association des journalistes de l'information sociale, certains pensent « qu'il serait insensé de réformer à un moment où la croissance est un peu hésitante [...] Comme si, par le passé, on avait profité des périodes de forte croissance pour réformer ! »

Nous n'avons pas oublié la période 1997-2002 !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Utile rappel !

Mme Nicole Bricq. Nous non plus n'avons pas oublié !

M. Henri de Raincourt. Le Gouvernement fait donc preuve de courage en engageant des réformes majeures.

C'est le sens de la réforme des régimes spéciaux conduite dans un esprit d'équité, de responsabilité et de dialogue.

C'est également le sens des mesures fiscales de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dont le coût est évalué à 7,5 milliards d'euros en 2008, soit l'essentiel des baisses d'impôts inscrites dans ce projet de budget.

L'une des principales mesures est le crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts d'emprunts immobiliers qui répond à l'attente des nombreux Français - et ce ne sont pas que des riches ! - souhaitant accéder à la propriété.

De surcroît, sur 7,5 milliards d'euros, 4,3 milliards d'euros seront consacrés en 2008 à l'exonération des charges sociales et fiscales des heures supplémentaires - et elles ne sont pas réalisées par des riches !

C'est une mesure majeure qui bénéficiera à tous les salariés, y compris aux salariés à temps partiel, aux agents publics et aux fonctionnaires.

Nous savons, monsieur le ministre, que vous mettez tout en oeuvre pour que cette réforme complexe, s'ajoutant à une législation elle-même déjà compliquée, ...

Mme Nicole Bricq. C'est une usine à gaz !

M. Henri de Raincourt. ... puisse pleinement s'appliquer dans nos entreprises, en particulier dans les PME.

Sous l'impulsion de la commission des finances, au président et au rapporteur général de laquelle je tiens à rendre ici un hommage très appuyé, le Sénat a développé une culture du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de la LOLF, et qui est tout à l'honneur de notre assemblée, pionnière en la matière.

Je suis très heureux de pouvoir, à leurs côtés, bénéficier de cette action très novatrice conduite par le Sénat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !

M. Henri de Raincourt. Il nous reste néanmoins beaucoup de chemin à faire en matière d'évaluation du coût et d'impact des dépenses fiscales, et notamment s'agissant des 650 niches fiscales dont notre pays a le secret !

Cela doit nous amener à nous interroger sur notre stratégie budgétaire et, par là même, à remettre en perspective le projet de loi de finances qui nous est soumis.

La position du groupe UMP que je représente repose, en effet, sur une double conviction.

Premièrement, des réformes structurelles sont indispensables pour faire face au défi de la mondialisation de l'économie et du vieillissement de la population.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Henri de Raincourt. Deuxièmement, ces réformes ne peuvent être que globales et concertées.

Dans son rapport, Philippe Marini met bien en évidence la faiblesse des marges de manoeuvre de l'État sous la forte poussée des dépenses contraintes.

C'est un phénomène que nous connaissons bien dans nos départements, sous la pression des dépenses obligatoires qui ne cessent d'augmenter, notamment en matière sociale et médico-sociale.

Sur le plan national, la progression naturelle des crédits budgétaires disponibles en 2008, soit 5,5 milliards d'euros à périmètre constant, est préemptée à hauteur de 2 milliards d'euros par l'augmentation des dépenses de pensions et de 1,6 milliard d'euros par la progression de la charge de la dette.

C'est à la lumière de ces contraintes nouvelles que doit être apprécié l'effort de maîtrise des dépenses de l'État en 2008.

Nous saluons à cet égard la décision du Gouvernement de constituer une importante réserve de précaution de plus de 7 milliards d'euros en début d'année 2008, même si la croissance a rebondi de 0,7 % au troisième trimestre de 2007, ce dont nous nous réjouissons. J'ai bien pris note des perspectives tracées par Mme Christine Lagarde ce matin pour le quatrième trimestre.

Au-delà, des réformes structurelles profondes s'imposent pour permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre durables, de financer ses politiques et de reprendre résolument le chemin de la réduction du déficit budgétaire stabilisé à 41,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008.

Tel est le sens de la révision générale des politiques publiques et de la revue générale des prélèvements obligatoires qui doivent déboucher, au printemps 2008, sur une modernisation sans précédent de la sphère publique et de notre système fiscal au cours des années suivantes.

Cette démarche globale, qui consiste à dépasser la logique de moyens, à se sortir de cette tragique situation, pour s'interroger sur la finalité des politiques publiques, constitue un vrai changement de dimension et de perspective qu'il convient de saluer, de soutenir et auquel nous voulons participer.

Les pouvoirs publics doivent mettre fin à l'empilement des politiques ainsi qu'au mitage de la fiscalité et redéfinir l'action publique dans sa globalité pour lui redonner du sens et de l'efficacité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

M. Alain Lambert. Voilà qui est bien dit !

M. Henri de Raincourt. Cependant, cela ne pourra se faire que dans la concertation avec tous les acteurs concernés.

La réforme des régimes spéciaux mais aussi, d'une certaine manière, celle de la carte judiciaire soulignent l'obligation de conjuguer les nécessités de l'action avec la pratique du dialogue, ce qui n'est pas contradictoire !

Avec la révision générale des politiques publiques, il ne s'agit pas de réformer à la hussarde et de pratiquer des coupes claires dans les dépenses ; il s'agit de parvenir à un État exemplaire, performant, moderne.

Dans le même esprit, la revue générale des prélèvements obligatoires doit permettre d'identifier les faiblesses du système actuel des prélèvements obligatoires, de hiérarchiser les enjeux, puis d'étudier la faisabilité et le calendrier des réformes envisagées, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Soyez assuré, monsieur le ministre, de l'attention que nous porterons aux travaux que vous conduisez en ce sens, en particulier à la réforme de la fiscalité locale.

Nous serons également très attentifs à l'évolution des relations entre l'État et les collectivités territoriales. C'est une question que vous avez vous-même abordée ce matin. C'est aussi l'une des missions fondamentales de la Haute Assemblée.

Nous suivons actuellement avec beaucoup d'attention le travail accompli par notre collègue Alain Lambert dans le cadre de la mission très importante et sensible qui lui a été confiée par le Premier ministre.

Associer les collectivités locales à l'effort de redressement des finances publiques, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2008, n'est acceptable que dans le cadre d'un partenariat véritablement équilibré avec l'État.

Le contrat de stabilité peut être l'occasion d'une clarification, à la condition que soient prises en compte l'ensemble des contraintes, notamment financières et réglementaires, que l'État fait peser sur ces collectivités. Les membres de la commission des finances savent que cette question n'est pas encore totalement tranchée, mais je suis certain qu'elle le sera dans un sens équitable.

Nous serons aussi très attentifs aux résultats de la nouvelle méthode de travail et de la concertation proposées par le Gouvernement au sein, notamment, de la Conférence nationale des exécutifs.

Le projet de loi de finances pour 2008 apparaît ainsi, à certains égards, comme un budget de transition, même si transition ne signifie pas inaction.

Ce budget ne se contente pas en effet d'intégrer et de compléter les dispositions fiscales adoptées voilà quelques mois. Il donne aussi la priorité à l'innovation et à la recherche, dont les crédits augmentent de près de 1,8 milliard d'euros, simplifie et renforce le crédit d'impôt recherche, allège la fiscalité de la propriété intellectuelle et facilite la transmission des PME.

Il apparaît ainsi comme un budget à la fois responsable et volontariste, qui vise à soutenir le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de notre économie, dans l'attente des résultats des revues générales des politiques publiques et des prélèvements obligatoires.

C'est dans cet esprit de responsabilité et avec cette perspective de réforme que le groupe UMP aborde cette discussion budgétaire. Il apportera son soutien à la stratégie de modernisation engagée par le Gouvernement pour 2008 et les années suivantes, au service d'un État moderne, d'une France forte et d'une croissance durable, pour le bien-être de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, l'INSEE a publié une étude intitulée France, portrait social.

Le journal Le Figaro, dont on sait l'attachement à défendre la politique actuellement en oeuvre, titrait, pour rendre compte de ce travail : « La réduction des inégalités marque une pause ».

Le journal Le Monde, quant à lui, à propos de la même étude, résumait son avis par ce titre : « En France, la réduction des inégalités s'est essoufflée ». Il citait quelques éléments de cette étude : « Les trois premières années du quinquennat de Jacques Chirac, celles du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, occupent une place singulière dans l'histoire sociale récente de la France : elles ont coïncidé avec un essoufflement, et parfois une interruption, du mouvement de réduction des inégalités constaté depuis 1996. Tel est l'un des principaux enseignements de l'édition 2007 de France, portrait social ».

Mme Christine Chambaz, qui a dirigé cette étude, est très claire : « Nous avons l'impression qu'avec les années 2002-2005 un plateau a été atteint. La réduction des inégalités a ralenti. Le freinage est net. »

L'étude de l'INSEE précise que le niveau de vie moyen des habitants de ce pays est de 1 550 euros par mois et que la médiane se situe à 1 360 euros, c'est-à-dire à peine au-dessus du SMIC.

L'Institut constate que le niveau de vie des 10 % de nos compatriotes les plus modestes a stagné depuis 2002.

Les inégalités de ressources ont également une traduction sensible en termes de patrimoine détenu, puisque les 10 % de ménages les plus aisés ont vu progresser leur patrimoine médian de 40 % entre 1997 et 2003, deux fois plus vite que les autres ménages.

Ainsi donc la société française est-elle aujourd'hui largement marquée par des inégalités de revenus et de fortune, inégalités que des années de politique libérale ont manifestement cristallisées.

Voilà deux ans, en décembre 2005, lors du vote sur le projet de loi de finances pour 2006, nous appelions votre attention sur ces problèmes : « Pour 16,7 millions de familles, dont le quotidien est fait de difficultés à payer le loyer, parfois à se nourrir, à se cultiver, à faire face aux mille et un besoins de la vie, la baisse de l'impôt sur le revenu n'a aucun sens. Ces familles vivent chaque jour les prix qui augmentent : ceux des transports, de la fourniture d'énergie - que le Gouvernement a autorisés - et la flambée du prix de l'essence. Et voici que l'on réforme nos impôts, mais en oubliant purement et simplement ces 16,7 millions de familles ! »

Nous disions également, à la même occasion : « Pis même, parce que vous cherchez à réduire sans cesse la dépense publique, comme va encore nous le montrer le collectif de fin d'année, ces familles seront les premières victimes de la réduction de la dépense publique. Moins d'emplois dans la fonction publique, moins d'actions de l'État sur les besoins collectifs, tout cela a une traduction concrète sur le terrain : c'est l'école rurale qui ferme, c'est le bureau de poste qui est remplacé par une annexe de l'épicerie, ce sont les services hospitaliers qui sont remis en cause ! C'est également la route que l'on entretient moins ou plus du tout, ce sont les logements qui ne se construisent pas alors qu'ils sont nécessaires pour répondre aux besoins, ce sont les associations étranglées, notamment celles qui oeuvrent en faveur de l'insertion professionnelle. »

Depuis la loi organique relative aux lois de finances, vous nous invitez à analyser l'efficacité des politiques publiques. Vous allez même jusqu'à vouloir nous cantonner dans un rôle de contrôle, vous essayez de limiter nos possibilités d'amendement, considérant que nous ne devons pas modifier l'architecture du budget présenté par le Gouvernement. Mais ce qui nous intéresse, ce qui correspond à notre rôle de parlementaire, c'est d'analyser quels sont les bénéficiaires des politiques publiques envisagées.

Or, dans les documents budgétaires comme dans le rapport général, rien ne nous permet de nous livrer à une telle étude. Je vous propose donc de regarder un peu la réalité telle qu'elle découle des choix que vous voulez amplifier.

Le nombre de foyers non imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu a subi peu de changements depuis cette année 2005 dont je viens de parler. Si l'on en croit en effet les données fournies par l'administration des finances elle-même, il y a toujours dans notre pays plus de 16 millions de familles qui ne paient pas d'impôt sur le revenu.

Ce qui est vrai, en revanche, c'est que l'orientation politique des budgets comme des lois de financement de la sécurité sociale votées depuis 2002 a contribué à réduire la capacité redistributrice de notre système fiscal et social. D'ailleurs, Le Figaro se sent presque contraint de le souligner en indiquant ceci : « La baisse globale des prélèvements, en particulier de l'impôt sur le revenu, a profité davantage aux plus aisés, alors que les prestations, qui bénéficient aux plus modestes, n'ont que peu augmenté. »

Et pour ne citer qu'un exemple, je prendrai celui des retraites, puisqu'il est à l'ordre du jour. Leur évolution a été particulièrement signifiante depuis les premières réformes qui les ont affectées, celles qui ont été engagées sous le gouvernement Balladur de 1993.

Depuis 1995, le pouvoir d'achat des retraites stagne et même diminue du fait de l'accroissement des prélèvements sociaux pour les retraites moyennes. L'indexation des retraites sur les prix, que vous voudriez imposer à tous dans le cadre de votre réforme des systèmes par répartition, c'est la stagnation, voire la réduction du pouvoir d'achat, c'est la paupérisation des plus modestes. Un million de nos retraités appartiennent aujourd'hui aux ménages placés sous le seuil de pauvreté ! Et il est bien évident que toutes les mesures d'allégement fiscal pour les donations que vous avez renforcées dès cet été dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, ne concernent pas ces foyers !

Cette politique d'allégement de la fiscalité que vous avez décidé de privilégier est d'ailleurs catastrophique pour le budget de la nation. Mais elle vous permet de bien alimenter votre communication sur le déficit de l'État ou encore sur les caisses vides quand ce n'est pas la France en faillite, comme le déclarait voilà quelques mois le Premier ministre.

Tout cela vous permet de justifier la diminution des dépenses publiques, la réduction des services, avec son corollaire de suppressions de près de 23 000 postes dans ce budget 2008. Vous videz les caisses de l'État pour faire des cadeaux aux plus riches et vous demandez aux plus modestes de payer la note ! Aussi, ne soyez pas surpris que le pouvoir d'achat constitue aujourd'hui la préoccupation principale de nos compatriotes.

L'été dernier, j'ai entendu dans cette enceinte, au moment du débat sur la loi TEPA, des déclarations sur la nécessité d'alléger l'impôt de certains, quand, dans le même temps, il fallait vérifier avec beaucoup d'exactitude les aides, pour ne pas dire « les avantages », dont pouvaient bénéficier les RMIstes.

Je vous invite à suivre l'exemple de ce chef d'entreprise italien qui a décidé de savoir comment ses salariés arrivaient à vivre avec un salaire d'environ 1 000 euros. Cela vous aiderait peut-être à mieux comprendre le ras-le-bol qu'expriment tous ceux qui étaient dans la rue mardi dernier. Vous savez bien que les coûts de l'immobilier sont sans commune mesure avec l'inflation, mais vous continuez jusqu'à maintenant à dire aux fonctionnaires que l'on ne peut pas aller plus loin pour leurs salaires !

Le Président de la République doit s'exprimer sur le pouvoir d'achat.

L'hypothèque sur son bien en vue d'obtenir un crédit à la consommation avait été présentée, lors de la campagne électorale, comme une solution envisageable pour l'amélioration du pouvoir d'achat. Nous savons tous ce que cela a donné aux États-Unis.

Ce dont ont besoin en grande majorité les foyers dont je vous ai parlé au début de mon propos, c'est d'un salaire décent pour vivre dignement.

Au cours de ce débat budgétaire, nous vous présenterons des propositions en nous appuyant sur le principe constitutionnel selon lequel chacun doit contribuer aux efforts de la nation en fonction de ses capacités. Je ne sais si elles seront débattues, compte tenu de la nouvelle utilisation qui est faite de l'article 40 de la Constitution,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est très facile de s'y conformer !

Mme Marie-France Beaufils. ... mais j'espère qu'elles nous donneront l'occasion d'avoir un véritable débat sur ce qui entrave la croissance aujourd'hui.

En effet, même si vous voulez croire à un taux de croissance plus fort au troisième trimestre 2007 alors même que les créations d'emplois dans le secteur marchand ont atteint, sur la même période, leur niveau le plus bas de l'année, de nombreux économistes, vous le savez bien, disent clairement que votre budget s'appuie sur des prévisions non fondées.

Le budget que vous nous présentez s'inscrit dans la continuité des politiques publiques qui ont été menées depuis 2002 et que vous aggravez. C'est peut-être cela que le Président de la République a voulu qualifier de « rupture », mais alors une rupture ne visant qu'à creuser encore plus profondément le sillon déjà tracé, qui devient ornière et même fossé, séparant toujours plus les choix budgétaires et fiscaux affichés de la satisfaction des besoins collectifs et de la réduction des inégalités.

Vous l'avez donc bien compris, mes chers collègues, nous n'approuvons pas le projet de budget tel qu'il nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Henri de Raincourt. C'est rassurant !

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord remercier M. Philippe Marini de son excellent rapport, qui m'a éclairé sur un domaine que je n'aborde pas souvent, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il était en effet très éclairant !

M. Georges Othily. ...me permettant ainsi de mieux comprendre la situation de l'économie et des finances de notre nation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie.

M. Georges Othily. Il a parlé de défi. Permettez-moi à mon tour de dire que le maintien et le développement de notre économie pour l'avenir dépendra de la réponse apportée aux défis que sont le développement des biotechnologies et la problématique de la santé publique, la maîtrise du réchauffement climatique et la protection de l'environnement, l'accès aux ressources énergétiques et l'accès aux ressources alimentaires, qui peuvent plus directement être à l'origine de graves menaces pour la paix.

La mondialisation est le phénomène majeur des années présentes et à venir : les 192 États membres de l'ONU s'interconnectent tant dans l'économie que dans l'information, les frontières étant repoussées aux limites des rivages.

La mer, voie de communication, est l'un des deux derniers espaces de liberté. L'explosion des échanges et leur libération s'appuient sur deux « milieux supports » : l'espace et les océans. Ces derniers bénéficient d'un régime de liberté qui disparaît sur la terre ferme, cloisonnée de frontières. S'ils supportent tous les deux les flux d'informations, seuls les espaces maritimes supportent la majeure partie des échanges de biens matériels. La maîtrise de ces deux milieux constitue un véritable enjeu de puissance.

Avec l'industrialisation, l'accès aux ressources énergétiques et aux matières premières est vital. À côté des champs de pétrole du Moyen-Orient et du Caucase, l'Afrique acquiert une position centrale du fait de la révolution technique de l'off shore et suscite un intérêt accru des puissances, dont la Chine. La puissance économique de l'Union européenne reste donc très dépendante des importations, en particulier d'énergie. Nos économies fonctionnent en flux tendus entre producteurs et consommateurs, ce qui les rend vulnérables en cas de rupture de ces flux : 90 % des marchandises que nous consommons sont acheminées par la mer. Le volume des biens transportés sur les océans a quadruplé en quarante ans.

S'agissant de l'énergie, le transport maritime de pétrole augmente de 2 à 3 % par an. Celui du gaz naturel liquéfié de 5 à 7 % : le volume de gaz transporté par mer aura plus que doublé entre 2000 et 2020. Cet exemple est transposable à la plupart des biens de consommation : les différences de niveau de vie poussent à dissocier les lieux de production et de consommation.

La « maritimisation » des échanges commerciaux est une conséquence inéluctable de la mondialisation de l'économie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Georges Othily. L'existence de ces flux de circulation maritime en pleine croissance passant à proximité de nos rivages pourrait d'ailleurs offrir à notre pays de nouvelles occasions de développement et d'aménagement de son territoire de portée stratégique.

Les ports du nord de l'Europe sont saturés : n'est-ce pas le moment de réfléchir à la création sur notre côte atlantique d'un grand terminal de taille continentale, relié à nos voisins européens par chemin de fer rapide et voie fluviale ? La réforme portuaire tant attendue est aujourd'hui vitale : pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer sur ce point de la détermination indéfectible du Gouvernement ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très important !

M. Georges Othily. La mer est aussi source de richesse. Notre pays n'en est pas conscient mais, avec ses communautés d'outre-mer, il dispose du deuxième espace maritime au monde, une zone économique exclusive de plus de onze millions de kilomètres carrés. La France y exerce des responsabilités particulières et bénéficie de droits sur l'exploitation des ressources des océans : ressources de la pêche et de la biodiversité ou richesses minérales déposées sur les fonds marins, un capital inestimable pour l'avenir... Par ailleurs, nos compagnies pétrolières exploitent sous licence les gisements de pétrole ou de gaz off shore de pays qui n'ont pas les capacités d'en assurer l'exploitation.

Notre prospérité dépend donc de la sécurisation des flux maritimes de marchandises, de l'accès aux ressources stratégiques ainsi que de notre capacité d'influence. Or cette sécurisation n'est pas assurée dans un monde de plus en plus instable. D'où viennent les marchandises aujourd'hui ? Elles sont fabriquées en Asie, l'usine du monde, puis chargées dans des milliers de conteneurs qui transitent par des grands ports, thalassocraties des temps modernes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Georges Othily. À bord de nouveaux titans des mers pouvant transporter plus de 15 000 conteneurs, ces biens de consommation, essentiels pour l'équilibre de notre économie, bravent de nombreux dangers : les détroits indonésiens fréquentés par des pirates, celui de Bab el-Mandeb où les terroristes sévissent autour des îles Hanish, convoitées par les pays riverains, les canaux de Suez et de Panama, gérés par des pays soucieux de leur souveraineté et de leur produit intérieur brut, avant de se présenter devant le Pas-de-Calais où l'intensité du trafic augmente les risques de catastrophes maritimes.

Quant aux pétroliers et aux méthaniers, avant d'emprunter cette route, ils ont également bravé les eaux dangereuses du détroit d'Ormuz : les détroits voient passer 62 % du trafic pétrolier. Chacune de ces menaces représente un risque important pour notre économie. Alors que le prix du pétrole ne cesse d'augmenter à chaque fois qu'une rumeur, une analyse défavorable ou un début de menace de pénurie se précise, nous ne pouvons ignorer cette réalité.

Des flux ininterrompus de navires marchands franchissent le détroit du Pas-de-Calais pour décharger leurs marchandises dans les ports européens, belges et néerlandais pour les plus importants. Ces flux abritent des trafics comme celui des stupéfiants ou encore celui de l'immigration clandestine. Le trafic permet tous les trafics !

Ces flux croissants augmentent aussi les risques d'accidents et de pollution. La lutte pour la protection de l'environnement est devenue une priorité nationale et européenne autant qu'un enjeu mondial.

L'action de l'État dans ces différents domaines, dont certains revêtent une importance capitale ou peuvent nous apporter un véritable avantage stratégique et économique, suppose la volonté d'acquérir un degré suffisant de maîtrise des espaces maritimes utiles.

Cela passe par le maintien d'une activité de défense pour assurer la protection des citoyens et la préservation de la paix au-delà du continent européen : nous devons nous donner les moyens de respecter nos engagements internationaux.

Mais il s'agit, plus largement, de se doter des moyens suffisants pour remédier aux vulnérabilités de la France et de l'Europe.

Les préoccupations sécuritaires de nos concitoyens sont devenues une priorité. Elles concernent leur bien-être, notion qui recouvre leurs modes de vie et de consommation, le développement de leurs activités économiques, industrielles voire culturelles, autant que leur sécurité physique. Considérée en termes de moyens et d'étendue des zones à contrôler, la maîtrise des mers n'est pas réellement à la portée d'un pays isolé mais doit se concevoir au sein de groupes de pays et dans des coalitions, auxquelles la France peut apporter son savoir-faire.

Indépendamment des moyens qui doivent lui être consacrés, une meilleure maîtrise de l'espace maritime exige avant tout de répondre à la contradiction entre deux problématiques : d'une part, le principe de liberté des mers, qui nécessite une sécurisation accrue du transport maritime dans tous ses aspects, et, d'autre part, les difficultés d'organisation au sein de l'espace européen. Le développement de la sécurité maritime s'élabore dans un paysage évolutif et mouvant.

Les marines militaires s'équipent, élargissent ou consolident le champ d'une capacité fondamentale de sécurité maritime. De leur côté, et loin de nos regards, les pays émergents renforcent leur puissance navale : la Chine et l'Inde se réarment.

Les États-Unis, première puissance navale mondiale, formulent leur stratégie maritime à partir de leur stratégie nationale de sécurité et ont développé un outil de défense d'un haut niveau technologique. Pour rester un partenaire apprécié et recherché, il faut veiller à ne pas être distancé et à conserver un niveau suffisant d'interopérabilité.

Çà et là apparaissent des initiatives diverses en matière de surveillance maritime, fondées sur des approches interministérielles et se traduisant par l'organisation de coopérations régionales et sous-régionales. Pour être réellement efficace, la sauvegarde nécessite des dispositifs régionaux de surveillance maritime et des capacités nationales d'intervention, ainsi qu'un organisme pour coordonner leur action. Plutôt que de mobiliser d'importants effectifs de forces de police sur la totalité des territoires, peut-être faut-il aussi chercher à endiguer les trafics au plus près de leur source en utilisant des moyens hauturiers. Il vaut mieux, en effet, intercepter une grosse cargaison en haute mer plutôt que de courir après les millions de doses individuelles disséminées sur le territoire après la livraison.

La protection des voies de communication au large de nos côtes contre les trafics et les catastrophes fait partie des préoccupations européennes. Dans cette perspective, il faut se féliciter de la réflexion conduite par l'Union européenne sur une politique maritime intégrée. Le Livre vert sur lequel la Commission européenne s'est appuyée vise à mieux intégrer la dynamique économique à une problématique environnementale et a pour objectif de stimuler la croissance et la création d'emplois.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la mondialisation renforce l'importance stratégique des espaces maritimes. Les grandes puissances ont bien réalisé l'importance de ces derniers espaces de liberté et développent des capacités navales en conséquence. La mondialisation redistribue dans le même temps les cartes de la puissance ; l'hégémonie américaine cède la place au multilatéralisme et les États-Unis, tout en restant la superpuissance, perdent de leur pouvoir d'attractivité stratégique. Le coeur économique du monde s'est déplacé vers l'Asie où sont désormais situés les quatre premiers ports mondiaux.

De nouvelles puissances émergent, telles que le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, les BRIC, qui s'affirment comme les pôles d'activité de demain, s'appuyant sur leur démographie et leur dynamisme économique. Ces pays se tournent eux aussi vers une stratégie du large. Le cas emblématique est celui de la Chine, pour laquelle la libre circulation maritime est une condition de survie.

La Chine comme l'Inde se dotent des attributs de la puissance, en particulier de la puissance navale. La Russie, revigorée par ses revenus du gaz et du pétrole et par la restauration de l'État, entend peser à nouveau sur les affaires du monde. Enfin, l'Amérique du Sud, tirée par le Brésil, dispose d'un potentiel réel. Pour subsister, l'Union européenne doit clarifier ses ambitions de puissance. À ce titre, la montée du multilatéralisme, la rivalité asiatique et les tensions au Moyen-Orient imposent de renforcer l'alliance d'intérêts entre l'Europe et les États-Unis, tout en repensant nos relations avec la Russie.

Je souhaite que notre pays soit un acteur, et non un spectateur, des grandes évolutions de notre monde. Pour l'heure, la France, tant que la politique maritime et portuaire européenne appelée de ses voeux n'aura pas été définie et mise en place, doit encore agir pour son propre compte si elle veut conserver son influence sur la scène internationale. La mondialisation nous force à dépasser le pré carré national, à regarder loin au-delà des frontières européennes et, surtout, à anticiper pour ne pas assister impuissants à la conquête d'avantages stratégiques par d'autres pays.

Monsieur le ministre, l'avenir économique de la France est évidemment maritime. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Face à la perception du rôle croissant des océans dans toutes ces évolutions qui se dessinent, quelle vision avez-vous de l'importance des enjeux maritimes pour notre pays ?

M. Josselin de Rohan. Que d'eau, que d'eau... (Sourires.)

M. Georges Othily. Le Gouvernement entend-il mener une politique maritime ambitieuse permettant à la France d'obtenir une part des gains stratégiques à prendre dans ce grand mouvement de mondialisation ? Quelles orientations compte-t-il mettre en oeuvre dans ce combat ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler après notre collègue Georges Othily relève de la mission impossible !

Premier de la législature, le projet de loi de finances pour 2008 devrait nous permettre d'apprécier la volonté du Gouvernement de relancer la croissance économique et, en même temps, de rétablir l'équilibre de nos finances publiques.

Pourtant, monsieur le ministre, l'analyse de ce projet de loi de finances fait apparaître une rupture encore assez discrète. M. le rapporteur général, que l'on ne peut soupçonner de malveillance à l'égard du Gouvernement, définit lui-même ce projet comme s'inscrivant dans la continuité du budget pour 2007, dans les méthodes comme dans les chiffres. Quant au président de la commission des finances, il parlait d'un « budget de transition qui tend vers la sincérité ».

Je note tout de même un début de rupture : vous avez compris, monsieur le ministre, qu'il était urgent d'enrayer la fuite de nos capitaux. Nous trouvons dans ce projet de loi de finances la traduction de votre volonté à cet égard. Le président de la mission commune d'information mise en place par le Sénat pour étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises ne peut que s'en réjouir !

J'en reviens donc, après ce satisfecit liminaire, à l'impression qui se dégage de l'ensemble de ce projet de loi de finances.

Dans un contexte incertain et difficile, où la croissance se cherche, où le dollar flanche et où le pétrole flambe, vous semblez avoir choisi d'attendre. Votre projet est fondé sur une fourchette de croissance de 2 % à 2,5 %. En effet, il ne faut décourager personne, et nous savons bien que la présentation de prévisions trop sévères peut avoir des conséquences financières fâcheuses.

Comme on ne conçoit pas de « budget fourchette », même si des prévisions peuvent s'établir sur des fourchettes, il vous a fallu choisir un taux de croissance pour construire votre projet de loi de finances. Vous avez retenu la moyenne, soit 2,25 %, tout en sachant très bien - du moins je le suppose - que le risque de voir la croissance s'établir en 2008 à 2 % voire en dessous est malheureusement très réel. La valeur haute de votre fourchette, à 2,5 %, était très sympathique, votre référence de 2,25 % est assez peu crédible, le budget présenté sera donc difficile à exécuter. Mais il faut vivre d'espérance !

Mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur la question du déficit.

Finalement un peu réduit en 2007, le déficit devrait à nouveau s'accroître en 2008, aux termes du présent projet de loi de finances, pour atteindre 41,7 milliards d'euros, soit 8 % de plus que les 38,3 milliards d'euros constatés pour 2007.

Avec une croissance inférieure à votre prévision, monsieur le ministre, où en serons-nous au terme de l'année 2008 ? Je crains que le réveil ne soit douloureux !

Au mois de juillet, nous vous avons entendu affirmer que les promesses du Président de la République devaient devenir « la loi » et donc être « transposées dans notre droit » - un peu comme les directives européennes... Combien de fois avons-nous entendu dire par Mme Lagarde ou par vous-même : « c'est une promesse du Président de la République » !

J'avais cru comprendre que le candidat Sarkozy avait affiché, comme ses deux grands concurrents, une préoccupation très forte au sujet de notre déficit et que, comme eux, il avait pris l'engagement de le réduire « le plus rapidement possible » - j'emploierai cette expression qui me paraît à peu près objective et honnête. Restait à « transposer » cet engagement.

Or je ne suis pas sûr que « le plus rapidement possible » puisse correspondre à l'horizon 2012. Pis, je ne suis pas sûr non plus que l'on soit très crédible lorsque l'on affiche cet objectif. Dans ces conditions, les Français se réinstallent tout tranquillement dans l'idée que le déficit n'est pas un problème, qu'il est même normal, que l'on peut très bien vivre avec, et même plutôt mieux avec que sans... C'est bien dommage ! Ils avaient eu un éclair de lucidité pendant la campagne électorale présidentielle ; il aurait fallu l'exploiter immédiatement et complètement.

Cela étant, il ne faut pas baisser la garde sur ce sujet ! Notre déficit est une honte pour notre génération et ne nous grandit pas, nous responsables politiques. Il est inacceptable au simple plan des chiffres. Son maintien à un tel niveau est en outre un très mauvais signal envoyé aux Français, à nos partenaires en Europe et dans le monde.

Quand renoncerons-nous au moins à ce terme de « déficit » pour regarder la réalité en face et parler d' « emprunt » ? Cela ne coûterait rien et amènerait chacun à une réflexion un peu plus responsable et authentique.

Au stade atteint, on n'a en effet plus le droit de faire semblant de ne pas voir la situation, et surtout de ne pas voir que nous empruntons non pour préparer l'avenir, mais pour « fonctionner », pour vivre aujourd'hui. Jean Arthuis insistait fort justement sur ce point ce matin, avec toute l'autorité que nous lui connaissons.

Il ne s'agit pas d'une affaire marginale : il s'agit de 42 milliards d'euros !

C'est précisément l'ordre de grandeur de la charge annuelle de la dette. Nous voyons là une expression, mais bien triste, de la solidarité entre générations. Sans dette, nous équilibrerions notre budget ! Nous ne devons pas transférer cette dette, encore alourdie, à nos enfants.

C'est également l'ordre de grandeur de l'effort prévu dans le projet de loi de finances au titre du travail et de l'emploi. Au demeurant, Serge Dassault, rapporteur spécial des crédits de la mission correspondante et apôtre de la rupture, disait lui-même hier, en commission des finances, que tant qu'à dégager de tels moyens, on devrait pouvoir faire tout autre chose, et peut-être même plus avec moins. Mais, ajoutait-il, « les coups sont partis ». Y a-t-il une fatalité des « coups partis » ? Est-ce cela la rupture, ou la rupture relève-t-elle du surréalisme ?

Ce déficit de 42 milliards d'euros est aussi du même ordre de grandeur que les crédits affectés à notre défense. Il faut que les Français comprennent ce que représente ce déficit !

On me permettra maintenant d'insister quelque peu sur un point auquel je suis particulièrement sensible : notre déficit s'élève à près de deux fois et demie le montant de notre contribution au budget européen. Or notre participation à l'Union européenne, quoi qu'en pensent les détracteurs de celle-ci, nous rapporte bien plus, à tous égards et d'abord en nous offrant la paix, qu'un déficit qui nous aveugle au point de ne même plus le voir !

Oui, il fallait, au travers de ce projet de budget, prendre à bras-le-corps et comme priorité absolue la question de la réduction du déficit.

Vous me direz, monsieur le ministre, que vous la prenez en compte indirectement, en privilégiant tout ce qui peut soutenir la croissance.

Les choix faits au travers de la loi TEPA, votée le 1er août 2007, retiendront à nouveau notre attention. Avec cette loi, on creuse encore un déficit déjà insupportable, et ce pour un progrès futur assez hypothétique.

Vous avez choisi de relancer immédiatement la croissance en intervenant sur la demande. Comme le rappelait ce matin Jean Arthuis, on constate malheureusement, dans le monde ouvert d'aujourd'hui, que la demande intérieure stimule les importations sans que celles-ci entraînent pour autant les exportations. Nous n'avions pas les moyens de cette loi, dont les effets restent bien aléatoires, bien incertains ; et si même nous en avions eu les moyens, d'autres priorités à l'incidence plus sûre et plus rapide sur la croissance auraient sans doute dû être retenues !

En outre, vos choix ont suscité tout naturellement la critique selon laquelle on pouvait voir, dans certaines dispositions de ladite loi, des cadeaux fiscaux hors de saison. En cette semaine où se tient le congrès de l'Association des maires de France, je pense aux responsables de nos collectivités territoriales, qui n'hésiteraient pas un instant si on leur donnait le choix entre, d'une part, votre projet et, d'autre part, un peu moins de loi TEPA et un peu plus de dotation de compensation de la taxe professionnelle.

M. Michel Sergent. Très bien !

M. Denis Badré. Je pense que Michel Mercier reviendra sur ce point mardi prochain.

Nous avions dénoncé, en juillet dernier, la prise en compte, au titre des mesures fiscales décidées, des intérêts des prêts immobiliers déjà contractés. Vous nous aviez alors répondu qu'il s'agissait d'une promesse du Président de la République. Le Conseil constitutionnel vous a ensuite demandé de revoir votre copie : vous teniez là une occasion rêvée de réduire quelque peu la facture, mais vous préférez « persister et signer » en dépensant toujours, même si c'est autrement.

Ainsi, vous doublez l'aide pour les prêts à venir. Tant mieux pour les bénéficiaires de cette mesure, mais est-ce vraiment le montant de l'aide qui leur est accordée qui va les décider à acquérir un logement ? Si oui, ces acquisitions supplémentaires suffiront-elles à relancer la croissance au point de nous offrir un bon « retour sur investissement » ? J'en doute ! Il s'agit tout de même de 220 millions d'euros pour 2008, et de 840 millions d'euros par an en régime de croisière. J'espère me tromper, mais vous donnez fâcheusement le sentiment que le déficit n'est pas votre problème et que vous êtes dans une logique de dépense, logique que mon groupe a du mal à comprendre, a fortiori à accepter. Aujourd'hui, il faut éviter à tout prix d'envoyer de tels « mauvais signaux » à l'opinion.

Le groupe de l'Union centriste-UDF défendra donc un amendement de suppression de l'article 7 du projet de loi de finances, amendement qui présente un intérêt évident dans la mesure où il vise à réduire l'aggravation de notre déficit. Il a aussi valeur de symbole à nos yeux : on ne fera rien de durable tant que le cancer du déficit perdurera.

J'ai dit « durable » : quelle responsabilité est la nôtre, en effet, à l'égard de nos enfants !

Il est bien de parler de développement durable ; encore faut-il voir que la première mesure à prendre sur ce plan est la suppression du déficit. Pas de « Grenelle de l'environnement » crédible s'il n'y a d'abord condamnation durable de tout déficit de fonctionnement, s'il n'y a retour à l'équilibre du budget.

Le rapport Camdessus, commandé par Nicolas Sarkozy alors qu'il était ministre de l'économie et des finances, insistait lourdement et à très juste titre sur ce point. Dimanche dernier, j'entendais encore Luc Ferry conclure les Semaines sociales de France en indiquant que, si le monde s'organise autour des valeurs morales et socioéconomiques que constituent les droits de l'homme et le marché, il n'y a pas d'avenir pour l'homme ni pour notre société si l'on ne sait pas se référer, en plus et au-delà de ces valeurs nécessaires, à des valeurs spirituelles, au rang desquelles il plaçait la solidarité entre les générations, donc la nécessité de faire le choix d'un développement durable. Nous en sommes loin ! Nous sommes dans le discours, et non pas dans la réalité, dans l'action concrète.

Par ailleurs, il est bien d'afficher notre « retour en Europe ». La première mesure à prendre pour être crédible à cet égard, c'est à nouveau la suppression du déficit. En effet, si ce sont d'abord nos enfants qui paieront pour notre train de vie actuel et nos dettes, il faut également considérer que notre « laxisme » est aujourd'hui « porté » par nos partenaires européens. Imaginons que ces derniers optent, eux aussi, pour le même laxisme ! Où irions-nous ? Très vite, vers un euro « effondré », ce qui entraînerait des conséquences autrement plus terribles que celles dont on fait grief à l'euro fort.

Je suis très impressionné par les réactions de nos partenaires européens : ils sont vraiment choqués par nos choix et, du coup, ils doutent de nous. Sachons les entendre ! Notre « timidité » sur ce dossier du déficit et de la dette nous disqualifie complètement pour leur donner quelque leçon que ce soit concernant le pilotage économique, monétaire ou financier de l'Union européenne.

Il est bien d'avoir invité de grands Européens comme Mario Monti ou Evelyne Gebhardt à participer aux travaux de la commission Attali, mais c'est loin d'être suffisant ! Je les ai entendus ces jours-ci. N'en restons pas au discours ou à l'image, car nous serons jugés sur notre capacité à entrer dans le concret.

Dépassant la stricte analyse budgétaire, j'irai maintenant plus loin.

Quelle Europe préparons-nous si nous traitons avec distance les « engagements » mêmes que nous avons pris à l'égard de nos partenaires ? Par le traité de Maastricht, l'Union européenne a rappelé aux États membres la nécessité incontournable de l'équilibre budgétaire. Merci à l'Europe ! Nous n'avions pas les ressorts nécessaires pour y venir spontanément. Nous nous sommes donc donné des contraintes, quitte à en faire grief à l'Europe. Très normalement, nous nous sommes engagés, les uns à l'égard des autres, à tenir ensemble le cap de la rigueur. Tout cela serait aujourd'hui sans valeur ? Si on ne l'avait pas fait voilà dix ans, il faudrait le faire aujourd'hui, n'est-ce pas monsieur Arthuis ?

Nous avons encore moins droit que quiconque à la légèreté. En effet, comment inviter aujourd'hui les peuples d'Europe à aller de l'avant à vingt-sept si l'on ne réaffirme pas d'abord le principe du respect absolu des engagements ? Hors le respect de ce principe, pas d'Europe ! Je ne veux donc pas que la France prenne des libertés avec ses engagements européens.

L'efficacité et l'éthique se rejoignent ici. Je relève au passage que nous serions bien inspirés d'apprécier comme il le mérite l'effort réalisé par nos voisins Allemands, qui ont pu « digérer » la réunification et revenir à l'équilibre ! Dans ce domaine comme dans d'autres, nous sommes sans doute les meilleurs, mais certains sont encore meilleurs que nous !

Je formulerai une dernière observation sur le déficit.

Je rappelais à l'instant que la France n'est pas seule en Europe ; c'est a fortiori vrai à l'échelle mondiale. Les déficits que s'autorisent de grandes nations comme les États-Unis ou la France, qui disposent de ressources telles qu'elles ne sont pas « condamnées » au laxisme, viennent préempter les ressources financières offertes par les marchés internationaux au détriment de ceux qui en auraient vraiment besoin, à savoir des pays que nous n'avons moralement pas le droit de condamner au non-développement, sauf d'ailleurs à le payer chèrement nous-mêmes en voyant alors se multiplier les flux migratoires et les délocalisations d'activité incontrôlables, sauf à léguer à nos enfants non seulement le paiement de nos retraites et de nos dettes, mais aussi un monde bien dangereux et assez peu « durable ».

En l'état, monsieur le ministre, vous l'aurez compris, ce projet de loi de finances pose quelques problèmes aux membres de mon groupe. Ces derniers s'attacheront donc à explorer avec vous les marges d'amélioration qui existent. Bien plus, ils souhaitent d'abord que vous adressiez aux Français et à l'Europe, sous quelque forme que ce soit, un message fort condamnant les déficits. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)

(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un vaste débat concernant les orientations qu'il était souhaitable de donner à notre pays s'est déroulé voilà quelques mois. Un certain nombre de défis ont alors été mis en exergue. J'en évoquerai quatre en particulier.

Le premier défi, c'est celui que représente l'affaiblissement de notre appareil productif. Tout le monde le sait, la France a connu au cours des cinq dernières années une dégradation de sa situation, notamment en matière de commerce extérieur et d'endettement. Nous avons entendu formuler ce matin quelques propositions à cet égard. Vont-elles contribuer à améliorer la situation ? L'avenir le dira. En tout état de cause, nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'indiquer à quel point ces mesures nous semblent modestes.

Le deuxième défi, c'est celui de la dette publique, qui présente un caractère insoutenable. Ce point soulève des interrogations, me semble-t-il, car, si M. le ministre a annoncé ce matin qu'il espérait faire baisser quelque peu, en pourcentage du PIB, la dette de notre pays, nous avons ensuite entendu M. le rapporteur général exprimer sa crainte que celle-ci ne s'accroisse. La question reste donc posée ; en tout cas la dette publique est considérable.

Le troisième défi, c'est le défi écologique. Après la tenue des états généraux de l'environnement, nous attendons aujourd'hui que le Gouvernement présente des mesures concrètes.

Cela étant, je voudrais surtout insister sur le quatrième défi, celui que constituent notre modèle social malmené et la stagnation du pouvoir d'achat.

On a beaucoup parlé, ce matin, de compétitivité, de finance internationale, des dividendes, mais on a peu parlé des Français. C'est sur ce point que je souhaite appeler l'attention : les revenus des Français stagnent, l'écart de niveau de vie entre la France et les États-Unis s'est élargi depuis 2002, et neuf de nos partenaires européens jouissent désormais d'un niveau de vie supérieur au nôtre.

Alors que les rémunérations les plus élevées s'envolent, l'Institut national de la statistique et des études économiques a évalué à 57 euros par an et par salarié seulement la hausse du pouvoir d'achat enregistrée en France ces dernières années. C'est là le signe d'un creusement sans précédent des inégalités sociales.

Cela se traduit par une « relégation » des plus démunis et un désarroi croissant des classes moyennes. Le blocage de la promotion sociale nuit au dynamisme de notre société ; loin de se présenter à nos concitoyens sous les couleurs du progrès, l'avenir leur apparaît sombre et inégalitaire. Les difficultés sociales et économiques qu'ils rencontrent les conduisent à douter de la pertinence d'un système de réduction des inégalités qui ne parvient plus à réguler les excès du libéralisme.

Comment faire face à ce défi considérable ? Comment créer en France les conditions favorables au développement de la confiance ? Comment faire en sorte que notre modèle de société offre à chacune et à chacun une perspective d'amélioration de sa situation ?

Il est clair, mes chers collègues, que, pour répondre efficacement à ces questions fondamentales, il convient de faire le meilleur usage de l'outil de la fiscalité, afin de tendre vers un équilibre juste de la charge fiscale et de rétablir une véritable égalité devant l'impôt.

Cela vaut pour l'égalité entre les citoyens, cela vaut aussi pour l'égalité entre les territoires.

S'agissant de l'égalité entre les citoyens, il me semble que nous devons observer trois principes forts : tout d'abord, supprimer les nombreuses iniquités constatées, ensuite conforter la progressivité de l'impôt -  sur ce point, nous sommes très inquiets de la politique actuellement mise en oeuvre par ce gouvernement -, enfin maintenir une imposition du patrimoine afin de lutter contre ce que l'on peut appeler la société de la rente.

Au regard de ces trois principes forts, la philosophie développée par ce gouvernement ne peut nous satisfaire, car les résultats qu'elle permet sont véritablement calamiteux.

Les chiffres sont là pour le prouver. Depuis cinq ans, la politique menée en matière fiscale a entraîné une aggravation des inégalités. L'étude de l'INSEE précédemment citée le démontre s'il en est besoin.

Les disparités apparaissent bien sûr dans les revenus : les foyers les plus riches ont vu leurs revenus progresser de 42,6 %, alors que la progression n'a été que de 4,9 % pour les 90 % de foyers les moins riches.

Le creusement des inégalités vaut aussi pour les patrimoines. Comme nous le savons, les revenus du patrimoine ont progressé plus vite que ceux du travail. Le patrimoine financier médian des 10 % des foyers les plus riches a ainsi augmenté de 40 %, contre seulement 20 % pour les autres catégories.

En définitive, si l'on dresse le bilan détaillé des mesures adoptées au cours des cinq dernières années, qu'observe-t-on de façon réellement objective ? On constate que tous les contribuables ayant un revenu supérieur à quinze fois le SMIC en sont sortis gagnants et que les autres ont vu leur situation régresser.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est la conséquence des 35 heures !

M. François Marc. Cela signifie qu'une politique favorable aux possédants et aux plus aisés a bien été menée dans notre pays, comme l'ont très clairement démontré les organisations économiques compétentes.

Face à cette situation dégradée, il y a une forte exigence d'égalité. Sommes-nous dans une situation où nous pourrions parler de « rupture » par rapport à cette politique qui a favorisé les riches ? Nous n'en décelons en tout cas pas les indices dans le projet de loi de finances qui nous est présenté aujourd'hui ! Au contraire, les mesures qui nous sont proposées s'inscrivent dans une certaine continuité avec la politique menée jusqu'à présent.

L'examen de ce projet de budget m'amène à constater un double déficit.

Il y a tout d'abord un déficit de crédibilité, comme en témoignent les observations présentées par certains de nos collègues de la majorité, députés comme sénateurs, notamment au sein de la commission des finances : « conte de Noël » - sans doute l'avez-vous entendu à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre -, « déficit de sincérité » - cela a été dit ici même au Sénat -, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !

M. François Marc. ... et budget « déraisonnable », a-t-on pu entendre dans la bouche du ministre de la défense, fondateur du Nouveau Centre, Hervé Morin pour ne pas le citer.

De fait, votre budget est construit sur une hypothèse de croissance de 2,25 % et sur un baril de pétrole à 73 dollars, alors que le prix de ce dernier s'élève presque, aujourd'hui, à 100 dollars ; et nous savons qu'une différence de 20 dollars sur le prix du baril représente 1 point de croissance.

La présentation de ces hypothèses pour l'exercice 2008 nous semble donc, sur la foi de ces observations, déraisonnable. Et je ne parle pas de la crise de la finance internationale, des écarts de taux d'intérêt, bref de tout un ensemble d'éléments qui nous conduisent à douter très fortement de la véracité des chiffres qui nous sont soumis et de la crédibilité de ce projet de budget.

Mais ce qui nous inquiète davantage, c'est le déficit d'ambition face à l'élargissement de la fracture sociale dans notre pays. Mes chers collègues, il y a en effet véritablement aujourd'hui une poursuite des orientations qui ont déjà été mises en oeuvre dans la loi TEPA.

J'évoquerai brièvement deux mesures : la réforme des droits de succession et le bouclier fiscal.

La réforme des droits de succession nous a été présentée comme une mesure qui allait bénéficier au plus grand nombre. Or, nous avons constaté qu'il s'agissait surtout de servir les 4 % de détenteurs de patrimoines les plus aisés : nous sommes donc véritablement passés à côté de l'objectif qui était visé.

Quant au bouclier fiscal, selon l'argumentation qui nous avait été présentée dans cet hémicycle, il allait bénéficier à de nombreuses personnes modestes. Nous avons même entendu dire que le nombre de contribuables concernés serait de l'ordre de 100 000. Mais où sont ces 100 000 Français ? On sait que, pour l'instant, 4 000 à peine se sont présentés devant les guichets du Trésor pour bénéficier de cette mesure... Les dizaines de milliers de personnes modestes à qui cette disposition était normalement destinée ne se sont pas manifestées !

Toute l'argumentation qui nous est présentée quant aux orientations du projet de loi de finances est donc, d'une certaine façon, fallacieuse, puisque les dispositions présentées visent à apporter des réponses non pas au plus grand nombre mais seulement à quelques-uns. On en trouve d'ailleurs dans ce projet de budget quelques illustrations, telle la disposition concernant l'allégement de la fiscalité sur les dividendes.

Cette mesure a laissé pantois le rapporteur général de l'Assemblée nationale, M. Carrez, qui l'a estimée totalement inadaptée. Les dividendes du CAC 40 ont progressé de 70 % en quatre ans, alors que les salaires en France n'ont augmenté que de 6 %. Il s'agit à nouveau de favoriser un peu plus les détenteurs de dividendes. On voit bien dans quel sens va ce budget !

Je voudrais aussi évoquer l'impasse faite sur l'impôt minimum. Ce sujet ayant été évoqué lors de la discussion de la loi TEPA, on pensait qu'il y aurait quelque chose dans le projet de loi de finances, mais tel n'est pas le cas !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons le sentiment que ce projet de budget pour 2008 poursuit les orientations que nous avions déjà dénoncées lors de la discussion de la loi TEPA, à savoir la déconstruction de l'impôt progressif, l'augmentation inévitable, après les élections municipales, des impôts tels que la TVA ou la CSG, la mise en place de franchises pour les personnes âgées et pour les malades, et, parallèlement, le refus d'opérer un prélèvement sur les stock-options. Comme nous avons pu le constater la semaine dernière lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les stock-options sont protégées. Notre proposition de les taxer plus fortement ne correspondait bien entendu pas à la ligne de conduite de cette majorité.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique qui est menée ne prend pas la mesure des réels enjeux du moment. Comment voulez-vous que l'on mobilise les Français sur un projet de redressement si on ne leur donne pas, à travers le levier fiscal, les conditions leur permettant d'espérer pour eux-mêmes ou pour leurs enfants une amélioration nécessaire de leur situation ? Ce budget n'apporte aucune réponse dans ce sens. C'est pourquoi nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget a été difficile à élaborer en raison de la conjoncture internationale défavorable, de l'évolution des rapports monétaires - la crise financière aux États-Unis qui s'est propagée à l'ensemble du marché mondial - et de la variation des prix des matières premières qui a rendu toute prévision aléatoire.

J'ai entendu dire à cette tribune que l'on n'est pas sûr que la croissance soit de 2,25 %, de 2,30 % ou de 2,45 %. En tout cas, le Gouvernement a élaboré un budget prudent et assez réaliste, puisqu'il a maintenu le cap des dépenses de l'État en valeur absolue, l'inflation seule jouant.

En outre, comme l'ont indiqué ce matin les deux ministres, plusieurs orientations de ce projet de loi de finances sont favorables à la croissance et à la compétitivité, notamment les mesures en faveur de la recherche, de l'artisanat et de la formation.

Après l'excellente présentation de M. le rapporteur général et l'intervention remarquable de M. le président de la commission des finances,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... mon collègue et ami Henri de Raincourt a analysé avec exhaustivité ce projet de loi de finances qui n'est, comme il nous l'a bien montré, que la transposition des choix exprimés par les Français au moment des élections présidentielle et législatives. Par conséquent, ce projet de budget ne pouvait être très différent de ce qu'il est.

Pour ma part, comme j'ai été le dernier ministre de l'économie et des finances à présenter un budget en excédent en 1975(Sourires.), ...

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Heureux ministre !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... je voudrais faire part de mon souci de revenir aussi rapidement que possible, non seulement pour l'État mais aussi pour la sécurité sociale, à l'équilibre des finances publiques.

En effet, notre influence internationale, notre participation aux grands débats de ce monde sont quelque peu affaiblis par le déficit de nos finances publiques et l'importance de notre dette.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous présenter trois propositions.

La première intéresse les collectivités territoriales : je suis partisan de l'élargissement du périmètre budgétaire de l'État aux prélèvements sur recettes. Le moment est venu, me semble-t-il, d'associer les collectivités territoriales à la maîtrise de la dépense pour réussir à sortir de nos difficultés.

Mais il faut tout de même, en 2008, donner un peu de souplesse et de dynamisme à la gestion des collectivités territoriales et les aider à investir. Comment obtenir ce résultat sans augmenter la participation de l'État ? Je ne peux en effet être à la fois pour la résorption du déficit et pour l'augmentation des transferts de l'État vers les collectivités.

Je vous propose donc de mettre rapidement en application l'une des recommandations du rapport Mauroy qui est restée lettre morte. Elle consiste à permettre aux établissements publics de coopération intercommunale de s'engager de manière volontaire dans la révision des valeurs locatives servant d'assiette aux impôts sur les ménages, cette réforme étant bien entendu menée sous le contrôle de l'administration et étalée sur plusieurs années.

Trois avantages découleraient d'une telle réforme.

Premièrement, cela permettrait de mieux tenir compte de la réalité fiscale de notre pays. En effet, à l'heure actuelle, la taxe d'habitation et les taxes foncières reposent sur des bases qui ont beaucoup vieillies et qui ne sont pas comparables d'un secteur à l'autre.

Deuxièmement, cela mettrait davantage en lumière le problème des dégrèvements que l'État est obligé de rembourser.

Troisièmement, cela simplifierait les rapports entre les contribuables, les élus locaux et les administrations fiscales.

Je demande donc au Gouvernement de mettre en oeuvre cet élément de souplesse qui serait bénéfique.

Ma deuxième proposition concerne les conséquences de la décentralisation qui n'ont pas encore été complètement tirées en matière d'emplois et de structures administratives. Pour avoir présidé pendant plusieurs années la commission consultative sur l'évaluation des charges, je me crois bien placé pour évoquer ce sujet.

Quelle que soit la collectivité territoriale que l'on a à gérer, on ne peut que constater la lourdeur des procédures, l'entrecroisement incroyable des financements, et la difficulté d'arriver à des résultats dans des délais raisonnables, que ce soit pour lancer un programme, pour développer l'insertion des RMIstes, pour signer un contrat avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ou pour développer une mesure en matière de politique de la ville...

Quand je constate que la culture de l'évaluation n'a pas encore pénétré la plupart des cercles administratifs et que l'on est beaucoup plus attentif au développement des procédures plutôt qu'aux résultats sur le terrain, je me dis que nous avons encore beaucoup de chemin à faire en termes de réduction des emplois !

Monsieur le ministre, ce sujet intéresse non pas seulement l'État, mais aussi les régions, les départements, les communautés de communes et les communes elles-mêmes. Aujourd'hui, un examen sérieux de la façon dont sont réparties les compétences et exercées les différentes missions d'intérêt général que nous avons tous à mettre en oeuvre permettrait de gagner facilement chaque année de 50 000 à 100 000 emplois. Tous les maires ici présents qui ont un jour essayé de concilier sur un dossier le fonctionnaire de l'État, le responsable au niveau du département et celui de la région ...

M. Alain Lambert. C'est kafkaïen !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... savent que beaucoup d'économies administratives peuvent être réalisées.

M. Alain Lambert. C'est exact !

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, on vous adresse le reproche de n'avoir réduit que de 27 000 le nombre de fonctionnaires de l'État. Il nous faut en fait essayer d'améliorer nos procédures, de préciser les compétences, car il y a là un gisement formidable d'économies à réaliser au cours des prochaines années.

Ma troisième et dernière proposition concerne un problème tout à fait particulier, spécifique à notre pays, qui suscite d'ailleurs étonnement et circonspection à l'étranger, je veux parler de la masse considérable des allégements de charges sociales. En 2008, le montant de ces allégements atteindra 30 milliards d'euros, ce qui est beaucoup si on le compare aux 42 milliards d'euros du déficit. On ne peut pas dire que la clarté soit la vertu dominante dans ce domaine !

Ces réductions de charges sont constituées de différentes strates qui se sont superposées au cours des années. Elles ont commencé en 1995 - cela fait un certain temps ! -, sous Alain Jupé. Aujourd'hui, personne ne connaît avec précision l'effet réel de ces opérations sur l'emploi et la croissance.

À votre tour, monsieur le ministre, contraint par le vote du Parlement, vous avez été obligé d'ajouter dans cette masse l'incidence de l'exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires. Il fallait bien qu'elle figure quelque part !

Ma proposition est simple, monsieur le ministre. Je vous propose d'accepter la création d'une mission parlementaire chargée d'étudier de manière précise - on connaît le talent de la commission des finances et de la commission des affaires économiques - les raisons pour lesquelles les allégements sont en progression, quel est le lien réel entre l'allégement des charges et la création ou le maintien d'emplois, ainsi que les possibilités de réduire progressivement cette masse financière considérable, qui, je le répète, est une spécificité française.

Aucun pays européen, voire aucun pays de l'OCDE n'a envisagé de financer sur le budget de l'état la réduction de la durée du temps de travail. Aucun ! Nous sommes les seuls ! Nous n'avons pas à être fiers de cette spécificité nationale, qui se traduit en termes de déficit et d'endettement.

Il me semble donc que la création d'une mission parlementaire, composée de gens sérieux et objectifs, ouverte à toutes les formations politiques, permettrait d'évaluer la situation et surtout de mettre en route un programme de diminution progressive. Au fur et à mesure que le chômage décroît, il me semble utile d'améliorer un peu nos systèmes et d'étudier ce que l'on peut faire.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois propositions que je formule : il faut donner un peu de souplesse aux collectivités territoriales en réévaluant les bases de leurs assiettes fiscales, tirer les conséquences de la décentralisation en étudiant toutes les chaînes d'emploi aux six niveaux d'administration actuels - de l'Europe jusqu'à la commune -, qui engendrent une charge considérable, enfin mesurer les coûts et les avantages de l'ensemble des réductions de charges sociales.

Si nous faisons cela sérieusement, en nous donnant du temps, en examinant les choses de manière concrète, en concertation avec les syndicats ouvriers, les organisations professionnelles, les branches industrielles et l'ensemble des systèmes de service, nous pourrons progresser et parvenir à un budget équilibré en 2012.

Si nous obtenons ce résultat, il nous aura tout de même fallu attendre trente-sept ans - de 1975 à 2012 - pour retrouver un budget en équilibre. Le moment est donc venu de nous y mettre, n'attendons plus car nous ne pouvons pas continuer d'engranger des déficits et de nous endetter de la sorte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrit dans la continuité des politiques menées. Il aggrave les choix opérés.

Si ce projet de loi de finances introduit une rupture, c'est d'abord une rupture du pacte républicain, que les choses soient claires !

Entérinant les mesures prises dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi TEPA - comment comprendre ce cadeau du Gouvernement dans la mesure où les 12 milliards, voire les 15 milliards d'euros du paquet fiscal n'apporteront pas le point de croissance qui nous manque ? -, ce projet de loi de finances comporte une fois encore des mesures exclusivement favorables aux revenus du capital et du patrimoine, ainsi qu'aux intérêts financiers des plus grandes entreprises. Il est une soumission sans conditions à la loi d'airain des marchés financiers.

Quelles mesures de fond contient ce texte ?

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une réévaluation du barème de l'impôt sur le revenu, qui fera porter aux salariés l'essentiel de la majoration de recettes attendue.

Si 5 milliards d'euros de progression spontanée des recettes de l'impôt sont prévus, cela signifie, compte tenu de la place des revenus salariaux dans l'assiette, que l'on va encore ponctionner 3 milliards d'euros sur les revenus du travail, soit bien plus que l'hypothétique bénéfice attendu des mesures sur les heures supplémentaires votées cet été, et 1 milliard d'euros supplémentaires sur les retraites !

Ensuite, comme si cela ne suffisait pas au bonheur de celles et de ceux qui n'ont pas besoin de manifester et de lutter pour que l'on fasse droit à leurs attentes, ce projet de loi de finances contient deux mesures phares.

La première permettra aux personnes disposant de dividendes d'opter pour un prélèvement libératoire les dispensant de s'acquitter de l'impôt sur le revenu aux taux en vigueur dans le barème.

La seconde, qui est contradictoire avec la volonté régulièrement affichée de soutenir l'investissement à long terme dans les entreprises, est l'assouplissement des règles relatives aux pactes d'actionnaires, notamment en matière de succession, de transmission par donation et d'impôt de solidarité sur la fortune.

Franchement, au moment où d'aucuns évoquent également une hausse de la TVA et l'émergence d'une fiscalité écologique pour alléger les cotisations sociales dues par les entreprises, ces deux dispositions constituent-elles la priorité des priorités ?

Et pour faire bonne mesure, on nous propose de supprimer l'impôt de bourse, au moment même où, pour équilibrer le budget, on supprime l'exonération de redevance audiovisuelle pour 700 000 retraités modestes !

Dans notre pays, des centaines de milliers de familles continuent de vivre dans des conditions de logement précaires, quand ce n'est pas sans logement ! À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est l'application de la loi instituant le droit au logement opposable ?

Dans notre pays, les diplômes et les qualifications ne sont pas reconnus à leur juste valeur, ce qui entraîne la dévaluation de nombre de formations en termes de rémunérations !

Dans notre pays, les discriminations les plus diverses, fondées sur des présupposés et des a priori contestables, sont mises en oeuvre chaque jour !

Dans notre pays, près de 9 millions de salariés, notamment dans le secteur privé, sont si chichement payés qu'ils ont droit à la prime pour l'emploi, ce complément de revenu qu'ils financent d'ailleurs en grande partie avec la TVA qui grève leurs achats !

Dans notre pays, on laisse partir les services publics, au nom d'une prétendue réforme de l'État, créant ainsi les conditions de la désertification rurale et de la vulnérabilisation des quartiers dits « sensibles ».

Mes chers collègues, superposez toutes ces réformes : la réforme de la carte judiciaire, les projets de fermeture des services postaux, les conséquences de la fusion des services des impôts avec ceux du Trésor public, les prévisions de fermetures de classes dans les écoles, la fermeture de certaines dessertes de fret ferroviaire, la rationalisation de la carte des équipements hospitaliers. Imaginez ce que cela va donner, notamment pour les départements les plus ruraux de notre pays, éligibles à la dotation de fonctionnement minimale, mais également, comme nous l'avons souligné, pour les quartiers dits « sensibles » !

Allez ensuite expliquer à vos administrés, aux électrices et aux électeurs de ce pays, que, en toutes circonstances, vous soutenez par votre vote cette politique qui fait dépérir les services publics sous toutes leurs formes. Le citoyen est pourtant légitimement en droit d'attendre de tels services, eu égard aux impôts qu'il paie !

L'actualité montre à quel point ce projet de loi de finances est en décalage absolu avec ce qu'attendent les Françaises et les Français.

Après le discours quasi mystique sur le « possible » tenu pendant la campagne présidentielle, les promesses tardent quelque peu à se traduire dans les faits, et les résistances à ce que vous appelez, de manière scandaleuse, la « réforme » se font de plus en plus fortes.

Depuis plusieurs jours, comme chacun le sait, les salariés de nos grandes entreprises de transport sont mobilisés pour leurs droits sociaux. Mardi dernier, les fonctionnaires ont massivement participé à l'action revendicative, à l'appel de leurs organisations syndicales. Dans de nombreuses entreprises du secteur concurrentiel, on assiste à des mouvements sociaux de vaste ampleur concernant les salaires, l'emploi, les qualifications, les droits. Allez-vous en tenir compte, monsieur le ministre ?

Quelles réponses ce projet de loi de finances apporte-t-il à ceux dont le souci et la volonté - c'est le trait commun à tous ces mouvements sociaux - sont d'être justement rémunérés pour leur travail, première étape de la reconnaissance de la dignité des salariés ?

Des mesures sont-elles prévues en faveur du pouvoir d'achat, à part l'Arlésienne que constitue le « travailler plus pour gagner plus » ?

Aux déficits publics - avec l'accumulation des gaspillages des ressources fiscales, alors que la dépense fiscale est devenue le premier budget de l'État, ils ne sont pas près de décroître ! -, vous vous faites fort d'ajouter aujourd'hui le déficit de réponse aux attentes populaires.

Cette politique conservatrice de défense acharnée des privilèges de la fortune et du capital n'est décidément pas celle dont la France a besoin.

Aujourd'hui, compte tenu des mesures que vous voulez mettre en oeuvre, il s'agit non plus de « travailler plus pour gagner plus », formule chère au Président de la République, mais de « travailler plus et plus longtemps pour gagner moins ».

Vos engagements en matière d'emploi et de pouvoir d'achat sont loin d'être tenus. Vous ne répondez pas aux attentes des Françaises et des Français. Nous ne pouvons donc que combattre le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, tel un Sisyphe contemporain, dans la lignée de vos prédécesseurs, vous essayez de réduire, presque d'effacer - en vain, puisqu'il repart à la hausse, passant de 2,6 % à 2,7 %, voire plus, du PIB - ce déficit récurrent qui réduit considérablement, voire annule, la force de frappe financière de l'État. Or vous ne semblez pas tout mettre en oeuvre dans ce budget pour atteindre cet objectif.

Certes, le contexte international apparaît particulièrement difficile : le prix du baril de pétrole frôle les 100 dollars, le coût des matières premières connaît une hausse considérable et l'on assiste à l'effondrement des subprimes américaines, dont les conséquences affectent toutes les économies ; la hausse des taux d'intérêts augmente la charge de notre dette et rend votre tâche encore plus difficile.

Ce constat fait, ce budget ne présente pas les caractéristiques de la rupture tant prônée et tant promise. Les méthodes et les chiffres ne varient guère par rapport à l'année dernière.

Le déficit prévisionnel s'établirait à 41,7 milliards d'euros ; or son montant est déjà supérieur à celui qui a été relevé l'année dernière à la même époque et à celui qui est prévu en exécution pour 2007.

Les dépenses de l'État progressent de 0,3 point, donc à un rythme supérieur à l'inflation, en dépit de la mise en place d'une norme de dépense à « zéro volume élargie ».

Les sous-budgétisations résistent à la LOLF, à hauteur de 1,3 milliard d'euros cette année.

La baisse nette annoncée du nombre de fonctionnaires - 22 800 en équivalents temps plein - est en réalité compensée par une hausse de la masse salariale due à la création de nouveaux emplois chez les opérateurs de l'État et par les dépenses de pension.

Alors quid de la rupture ?

Monsieur le ministre, il conviendrait sans doute que le projet de loi de finances soit a priori assis sur les meilleures bases possibles. Or, tout comme l'année dernière, je crains, ainsi que beaucoup d'autres, que votre hypothèse de croissance de 2,25 % ne soit plus réaliste, en particulier - je le répète - compte tenu des nouveaux paramètres, tels que le pétrole, les matières premières et les taux d'intérêts.

Pouvez-vous expliquer plus précisément vos certitudes lorsque l'INSEE table au mieux sur un taux de croissance de 2 %, tout comme le Bureau d'informations et de prévisions économiques, le BIPE, et la majorité des instituts d'analyse ? Le montant exceptionnellement élevé de la réserve de précaution, 7 milliards d'euros, ne contredit-il pas un tel excès d'optimisme ?

Plus que tout, notre dette continue d'obérer toutes les marges de manoeuvre nécessaires à un choc de croissance. Quel avenir réservons-nous à nos enfants lorsque l'encours de la dette publique atteint 64 % du PIB, soit 1 180 milliards d'euros ? En microéconomie, une entreprise est déclarée en faillite si ses passifs sont deux fois plus élevés que ses actifs. Sachant que l'État dispose de 538 milliards d'euros d'actifs, le Premier ministre avait raison de déclarer que la France est en faillite.

Nos compatriotes ont compris qu'il n'était plus soutenable, économiquement, socialement et moralement, de laisser aux générations futures le soin de corriger les errements auxquels nous avons tous participé. L'état de santé de nos finances est alarmant ; le traitement doit être drastique. Il n'est pas question d'augmenter encore les prélèvements obligatoires, qui figurent déjà parmi les plus élevés de l'OCDE, ou de se satisfaire de la vente des actifs de l'État, opérations par nature non reconductibles.

Nous devons oser dire que seule une réforme profonde de la façon de dépenser sera à même de garantir que l'État continuera à jouer son rôle social en aidant les plus faibles et à servir l'intérêt général. Cela implique au minimum une amélioration structurelle des comptes publics de 0,5 point de PIB par an jusqu'en 2012.

Comme le souligne notre collègue Joël Bourdin dans son rapport d'information consacré aux perspectives économiques 2008-2012, il s'agit maintenant de « modérer la part des ressources économiques allouées aux dépenses publiques » et de « réduire de façon structurelle la place des dépenses publiques ». D'autres pays l'ont fait. Comme je l'ai déjà exposé à de nombreuses reprises, c'est notamment le cas du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de l'Espagne ou du Royaume-Uni.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et de la Suède !

M. Aymeri de Montesquiou. Sommes-nous moins vertueux et ou moins motivés que nos amis et concurrents pour ne pas y parvenir ? Ou plutôt, monsieur le ministre, dites-nous pourquoi vous n'appliquez pas la politique qui a réussi dans des pays à économies comparables ?

La France peut-elle maintenir des prélèvements obligatoires aussi élevés, alors que nos voisins profitent de la libre circulation des capitaux dans l'Union européenne pour attirer ces derniers avec une fiscalité plus légère ?

Je le sais, le Chef de l'État a émis le voeu de parvenir à une harmonisation fiscale qui contribuerait à garder chez nous les talents et les patrimoines. C'est certainement votre ambition également, monsieur le ministre. Hélas, notre patrimoine foncier, immobilier et industriel glisse progressivement dans les mains de fonds de placement ou d'investisseurs étrangers !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

M. Aymeri de Montesquiou. Ces derniers seront de plus en plus incités par l'évolution physique, économique et fiscale de l'Union européenne à acquérir des biens dans notre pays, et ce au détriment des investisseurs français.

Il existerait pourtant bien des postes de dépenses à rationaliser. J'en mentionnerai deux.

Premièrement, les fonctionnaires représentent, en moyenne, 16 % de la population active au sein de l'OCDE, contre 25 % en France. On sait que la fonction publique représente 43 % du budget de l'État. Il est évidemment possible d'y faire progresser, comme dans toute entreprise, dans toute organisation, la productivité et surtout l'efficacité des agents, et ce à structure budgétaire moindre.

Encore faut-il mettre en place une véritable politique managériale de la fonction publique, qui revalorise la carrière des fonctionnaires, comme avait tenté de le faire Michel Rocard ainsi qu'on peut le constater en se reportant à sa circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du service public. Des audits ont été réalisés ; allez-vous les mettre en application ?

Deuxièmement, la loi TEPA, qui a été votée au mois d'août dernier, a, certes, permis d'insuffler de l'air dans notre économie, mais à quel prix ? Je reste dubitatif quant à son financement, qui est estimé à 14 milliards d'euros en année pleine. Monsieur le ministre, je souhaite une réponse à une situation incompréhensible. Pourquoi l'État continue-t-il de prendre à sa charge 20 milliards d'euros au titre de la compensation de l'allégement des charges des entreprises, alors que des aménagements successifs ont été mis en place pour pallier le non-sens économique des 35 heures ? Pourquoi le financement de l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires s'effectue-t-il au détriment des crédits des agences de recherche, au moment où l'innovation est déclarée priorité nationale ?

Les deux candidats présents au second tour de l'élection présidentielle prônaient une politique replaçant l'initiative et le goût de l'effort au coeur de notre société, contestaient à l'État le droit de ponctionner indéfiniment ceux qui réussissent au profit des passifs et l'exhortaient à aider, à inciter, et non à assister, à inhiber...

Ainsi, chacun considère que les PME constituent un formidable vivier de talents, d'envies et de potentiel de créations d'emplois. Alors pourquoi avons-nous, à proportions comparables, deux fois moins de PME moyennes qu'en Allemagne et trois fois moins qu'en Italie ? Pourquoi existe-t-il en France deux fois plus de PME de dix salariés que de PME de onze salariés et deux fois plus de sociétés à quarante-neuf salariés que de sociétés à cinquante salariés ? Hasard de l'arithmétique ? Tout se passe comme si nous entravions volontairement le développement de nos entreprises.

Pourquoi l'imposition sur les sociétés est-elle de sept points plus élevée que la moyenne européenne ? Vous ne l'ignorez pas, l'Allemagne envisage de réduire la sienne de 25 % à 15 %. Pourquoi les délais de paiement des entreprises, sources de bien des défaillances, sont-ils en moyenne de quarante-sept jours en Allemagne, contre soixante-six jours en France ?

Nos entreprises sont en perte de compétitivité face à nos concurrents européens, notamment sur les marchés émergents. Que compte faire l'État pour y remédier ? Y a-t-il un plan se déroulant sur la législature ?

Existe-t-il des indicateurs de la performance de nos missions économiques ? Nous conservons des consulats totalement inutiles à Anvers ou à Bilbao, alors que nos missions économiques sont absentes de villes chinoises de 10 millions d'habitants ? Quand on sait que l'Allemagne réalise 50 % des exportations européennes vers la Chine, on mesure combien notre action extérieure est trop souvent insuffisante et, parfois, sans cohérence.

C'est à partir de l'innovation que la France pourra relever le défi posé par un marché mondial exigeant, tel Moloch, de nouveaux produits. Seules les PME qui innoveront pourront croître et exporter. Je vous rappelle que 350 000 brevets sont déposés au Japon chaque année, contre seulement 13 500 en France, et que la Chine nous talonne désormais en termes de publications scientifiques.

Des réponses ont été apportées par la création du crédit d'impôt recherche ou la possibilité d'imputer l'ISF dans les PME innovantes, à hauteur de 50 000 euros au maximum. Mais ces mesures sont dérisoires face aux business angels américains, qui drainent, avec le soutien de l'État fédéral, des centaines de millions de dollars pour financer les PME américaines de pointe. Pour tenter d'y remédier, je soutiendrai l'amendement déposé par le président de notre groupe, Pierre Laffitte, visant à mieux orienter l'ISF vers l'aide à la création de PME innovantes.

J'attendais un budget de rupture, c'est un budget dans la continuité. J'attendais l'introduction de la TVA pour l'emploi, antidote pour atténuer notre déficit commercial. J'attendais aussi que votre budget privilégie l'offre, source d'exportation et donc créatrice d'emplois. Or nous privilégions la croissance par la demande, qui déséquilibre notre balance des échanges.

Monsieur le ministre, je vous donne acte des nouvelles contraintes pesant sur notre économie, mais j'attends des réponses sans détour aux questions que je viens de soulever.

Innovation, liberté du travail, levée des entraves, voilà les ressorts du choc de croissance...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou.... après lequel, tel le lapin blanc de Lewis Carroll, notre pays court en vain depuis tant d'années.

Monsieur le ministre, il existe une compétition interne à l'Union européenne, qui se traduit par une course à l'attractivité. Notre fiscalité et le poids de l'administration nous placent à un rang médiocre ; n'attendons pas d'être hors course !

Votre souhait que la France retrouve son rang est évident, mais j'aurais ardemment voulu que ce budget traduise une volonté forte par une véritable rupture. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne passerai pas en revue chacun des budgets spéciaux des différentes missions composant le projet de budget général. Nous sommes tous conscients de la difficulté qu'il y a pour l'État, dans une période de transition, à jongler entre la nécessaire continuité et la rupture. Nous ne sommes pas encore dans les réformes budgétaires de fond, même si elles sont annoncées, attendues et amorcées.

Par ailleurs, il faut attendre les effets des réformes engagées depuis quelques mois, comme celles qui figurent dans la loi TEPA. Dans un premier temps, l'application de celle-ci peut représenter un coût pour nos finances publiques, mais nous en attendons un retour intéressant et positif dans un terme que nous espérons proche.

Monsieur le ministre, dans cet hémicycle, il y a de nombreux responsables d'exécutif qui, à ce titre, connaissent fort bien la complexité de l'équilibre budgétaire. La complémentarité des mandats qu'ils exercent vous permet d'avoir ici comme interlocuteurs des parlementaires avisés et en mesure de comprendre vos difficultés.

Dans notre société, qui est avant tout mondiale et concurrentielle,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Éric Doligé.... nous ne pouvons nous exonérer de mettre en perspective la productivité et la performance. Évoquer ces deux mots relève, il est vrai, de l'exploit dans un pays où de faibles minorités, refusant toute avancée, sont en capacité de tout bloquer. Ainsi, nous vivons depuis une semaine une véritable mutilation économique et donc sociale. Chacun peut imaginer la pénalité qui vient d'être infligée à notre économie.

Il est de notre devoir de ne plus vivre dans une bulle et d'accepter d'affronter les standards mondiaux et leur évolution en faisant comprendre à nos concitoyens que, sans « rupture », nous serons définitivement décrochés du peloton de tête des grandes nations.

Nous pouvons nous satisfaire d'avoir mis en place, voilà peu, les rapports annuels de performance, les RAP, et les projets annuels de performance, les PAP. Mais suffit-il de parler de performance pour être performant ?

Nous ne pouvons que le constater à regret, notre modèle français ne fonctionne plus depuis fort longtemps. Soyons collectivement lucides !

Nos mesures endogènes n'ont pas apporté les résultats escomptés. Ainsi, malgré des efforts budgétaires considérables, les résultats de notre éducation nationale ne sont pas là. Nous devons en être conscients, ce n'est pas le volume des moyens financiers mobilisés qui fait le succès d'une politique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est sûr !

M. Éric Doligé. De même, la place de notre système universitaire dans l'échelle mondiale des classements n'est pas à la hauteur de nos légitimes ambitions.

Voilà seulement quelques jours, en abordant la santé et la démographie médicale, nous avons constaté le fossé qu'il nous reste à franchir pour atteindre la performance. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est encore en profond déficit et notre système ne s'améliore que très modestement.

Nous pourrions éventuellement nous satisfaire de notre performance affichée dans deux domaines, le tourisme et les investissements étrangers en France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Éric Doligé. Or, si nous grattons un peu derrière les annonces, nous constatons que le tourisme régresse par rapport au développement du tourisme mondial ; nous perdons des parts de marché.

Quant aux investissements étrangers, nous savons tous qu'ils sont largement constitués d'investissements dans l'immobilier. Leur effet sur le développement économique est symbolique.

Cette perte de compétitivité internationale et régulière est notre responsabilité collective et partagée.

La triste vérité est que l'État a été jusqu'à ce jour dans l'incapacité de se réformer en profondeur. Le simple fait d'évoquer le non-remplacement d'un départ sur deux dans la fonction publique met celle-ci en émoi. Pourquoi le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède, le Canada, l'Espagne et l'Italie sont-ils parvenus à se réformer et à prendre de véritables décisions ? Tout simplement parce que ces pays ont osé.

Le déficit, l'emprunt, la facilité et la marche arrière face à l'adversité ont baigné notre culture politique. Comme l'expliquait notre collègue Jean-Pierre Fourcade, cela fait trente-cinq ans que nous vivons avec des budgets déficitaires. Si j'ai bien compris, nous en avons encore jusqu'à 2012, ce qui fera donc quarante ans. Ainsi, les jeunes qui atteindront l'âge de quarante ans en 2012 n'auront vécu qu'avec la culture du déficit !

Des priorités, nous en avons connu en vingt ans ! Si l'on examinait toutes les annonces gouvernementales successives, on constaterait que tout a été prioritaire. (Sourires.) Résultat : 64,2 % du PIB d'endettement et la nécessité de trouver, d'ici à 2012, 60 milliards d'euros d'économies par rapport au projet de loi de finances pour 2008 !

Les parlementaires se donnent beaucoup de mal pour faire des propositions au Parlement, mais elles ne passent que trop rarement la censure des cabinets. Alors, comment se fait-il que ces mêmes parlementaires parviennent à gérer leurs collectivités en présentant un taux d'endettement faible et que les collectivités locales assurent les deux tiers des investissements publics ?

Dans le cadre de la préparation de la réforme constitutionnelle annoncée, nous pourrions nous interroger sur cette réalité et nous demander si nous ne sommes pas passés à côté d'une décentralisation positive.

Les grands commis de l'État pourraient certainement nous expliquer que cette réussite des collectivités est due aux dotations budgétaires croissantes et généreuses de l'État : c'est à l'évidence une idée reçue. Chacun sait que les compensations viennent se substituer à des recettes confisquées, telle la vignette ou la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle. Ces recettes étaient dynamiques alors que les dotations correspondantes ne le sont pas.

Chacun sait également que les charges transférées ont toujours été supérieures aux compensations. L'allocation personnalisée d'autonomie, le revenu minimum d'insertion, la prestation de compensation du handicap en sont des illustrations, tout comme le transfert des techniciens ouvriers et de service, les TOS, et des agents de la direction départementale de l'équipement. Sur ce dernier point, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que des améliorations viendraient compenser ces transferts.

Notre pays est dans une configuration inédite. Le Président de la République endosse avec volontarisme le choix de la rupture : rupture avec les règles établies et avec la facilité. Il nous demande de tout mettre en oeuvre pour améliorer le pouvoir d'achat.

Faisons table rase des « recettes miracles » qui, de 1980 à 2000, ont totalement rongé notre pays ! Que faut-il faire ? Il faut se fixer des objectifs ambitieux et se donner les moyens de les atteindre, mais aussi de les expliquer à notre pays.

MM. Attali et Balladur se sont vu confier des missions fortes par le Président de la République et le Premier ministre. C'est un début, mais il faut se garder du prisme parisien et ne pas créer un nouvel écran de fumée. Par exemple, annoncer la suppression des départements relève de la démagogie et n'a aucune justification. Mon cher collègue Alain Lambert, c'est parce que je ne vous considère pas comme faisant partie du prisme parisien que je n'ai pas cité votre mission. (Sourires.)

M. Éric Doligé. Le drame français, c'est notre perte constante de compétitivité. Comment, avec les 35 heures, avec des charges plus fortes que chez tous nos voisins, des contraintes administratives et réglementaires toujours plus pesantes, pourrions-nous résister à la déferlante concurrentielle de nos grands partenaires ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Éric Doligé. Comme nous l'a dit Mme Lagarde ce matin, notre objectif doit être d'améliorer l'attractivité de nos territoires pour y attirer des entreprises, seules sources de richesses. Il faut que notre territoire national et nos territoires locaux pèsent moins lourd sur notre économie.

La première orientation forte qu'il convient de prendre d'urgence est de réduire la voilure de l'État. La commission présidée par M. Attali a déjà annoncé que la réduction de la dépense publique était le meilleur moyen de stimuler la croissance et qu'il fallait combattre la suradministration. Le leitmotiv est de libérer les freins de la croissance. J'avoue qu'il m'arrive de temps en temps d'approuver M. Attali. (Sourires.)

Nous avons initié un embryon de réponse avec le non-remplacement de 22 791 équivalents temps plein. Par rapport à nos voisins, cette réduction est particulièrement modeste. Nous devons la prendre comme un signe, si infime soit-il encore.

Je souhaite, madame, monsieur le ministre, que l'on fasse une étude sérieuse de la taille optimale de l'État, en comparaison de nos autres partenaires, pour rester compétitif.

L'empilement des structures réalisé au fil des ans nous conduit à l'échec. Le constat est général : trop d'échelons, trop de doublons, trop de financements croisés et, en définitive, trop de dépenses. Le gisement d'économie est considérable.

Première mesure immédiate : l'État doit transférer dans les meilleurs délais aux collectivités concernées tous les personnels qui auraient dû l'être dans l'acte II de la décentralisation. Cette surcharge pour l'État le pénalise. Nous allons même jusqu'à constater, dans le cas des Maisons départementales des personnes handicapées, par exemple, que l'État paye deux fois la charge de certains personnels !

M. Éric Doligé. Deuxième mesure : explorer toutes les pistes « d'agenciarisation ». Dans certains pays, comme la Suède, les ministères sont réduits à leur plus simple expression - composés de 60 personnes pour le plus petit à 500 personnes pour le plus grand -, toutes les fonctions étant confiées à des agences contrôlables et mesurables. Le rapporteur général a évoqué ce point ce matin. Par ailleurs, dans ce même pays, un gouvernement de gauche avait, à l'époque, confirmé le statut privé des fonctionnaires ; et ce n'est qu'un exemple !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et la TVA est à 25 % !

M. Éric Doligé. L'État doit se mettre en condition de réduire la voilure au strict minimum, en commençant par ses services déconcentrés. Je citerai les routes, confiées à 95 % aux départements, l'action sociale, dévolue à 100 % aux départements - voire aux communes, par le biais de leur centre communal d'action sociale, le CCAS -, la culture, dont les dépenses sont assurées majoritairement par les collectivités, l'université ou encore la santé...

L'État doit confier ces diverses compétences aux collectivités qui sont les plus proches sur le terrain et qui sont les premières à investir en ces domaines.

L'État doit accepter de revoir la répartition des compétences entre les niveaux, avec pour seul objectif l'efficacité, la performance et la maîtrise de la dépense. Posons-nous la question de la dimension nécessaire des sous-préfectures, de la DRAC, de la DASS, de la DRJS, de la DDE, et j'en passe.

Les collectivités doivent, de leur côté, accepter de repenser leur organisation. Les pays sont-ils réellement utiles ? Les structures que l'État a favorisées, comme les agglomérations ou les communautés, ont-elles joué le jeu du juste transfert des compétences et n'ont-elles pas conduit à additionner des structures coûteuses ? La compétence en ce qui concerne les lycées est-elle placée au bon niveau ?

Rendre plus efficients tous les niveaux aurait un effet positif sur le budget de l'État et de nos collectivités. Il est évident que, moins il y aura d'échelons, moins les contrôles seront nécessaires, moins il y aura d'empilement d'études coûteuses, moins il y aura de perte en ligne, de réunions, de dépenses inutiles : le circuit court a toujours été plus efficace que le circuit long.

Si j'osais une projection chiffrée, je dirais que, dans un département moyen, un objectif de réduction de 500 à 1 000 emplois structurels partagés entre tous les niveaux, État et collectivités, serait tout à fait envisageable si l'on acceptait de se mettre autour d'une table. À l'échelle de 100 départements, cela représenterait 50 000 à 100 000 emplois, à comparer aux 22 701 équivalents temps plein prévus dans le projet de budget pour 2008.

Tout gestionnaire sait en outre que chaque emploi induit des dépenses d'investissement, de fonctionnement et d'énergie. Je n'ai jamais vu d'étude sur le sujet. Imaginez des circuits allégés, raccourcis, des réunions annulées, des dépenses administratives supprimées !

Chacun d'entre nous peut mesurer, au moment de l'examen de la loi de finances, la difficulté d'économiser sur telle ou telle mission quelques millions d'euros, alors que nous avons en perspective 60 milliards d'euros à trouver !

Je peux vous assurer que la connaissance que nous avons du terrain rend possible une telle évolution sans aucun drame humain, uniquement en gérant progressivement l'évolution des effectifs. Réduire les besoins financiers des multiples structures doit conduire à un allègement de l'endettement et des charges.

Comme vous pouvez le constater, je me suis limité à un thème unique, parce qu'il me paraît essentiel, quantifiable, et qu'il n'a pas été véritablement exploré. Le but est d'améliorer notre situation budgétaire et économique. En la matière, nous sommes réduits à travailler en permanence à la marge. L'effort que nous produisons n'est pas récompensé par les résultats.

Madame, monsieur le ministre, nous attendons un véritable budget de rupture en 2009. Pour l'instant, nous acceptons le projet de budget de transition que vous nous présentez pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, président de la délégation du Sénat pour la planification et auteur de l'excellent rapport « 2012 : cibler la croissance plutôt que la dette publique ».

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, m'exprimant en effet en qualité de président de la délégation du Sénat pour la planification, je souhaiterais mettre en perspective le projet de loi de finances pour 2008 avec les engagements de politique budgétaire à l'horizon 2012 que le Gouvernement lui a associé. Ils préfigurent sans doute le programme de stabilité pluriannuel que la France notifiera en application des règles du pacte de stabilité et de croissance européen.

D'emblée, il apparaît que le projet de loi de finances pour 2008 présente une grande singularité par rapport à la politique budgétaire programmée à moyen terme. Le déficit de l'État sera-t-il réduit ou augmenté par rapport à l'année en cours ? On ne le sait, compte tenu des chiffres que vous avez annoncés hier, monsieur le ministre.

Ce qui est certain, en revanche, c'est que l'effort structurel de l'État sera très loin d'atteindre le niveau que vous entendez mettre en oeuvre entre 2009 et 2012. Je rappelle que celui-ci est décrit dans deux scénarios qui figurent dans le rapport économique, social et financier.

Dans le premier scénario, que je qualifierai de « central », la croissance s'accélère, pour atteindre 2,5 % par an à partir de 2009, et le déficit public structurel baisse de 0,5 point de PIB par an, conformément aux exigences du pacte de stabilité. À ce rythme, les comptes publics se trouveraient à l'équilibre en 2012.

Dans un second scénario, dit « scénario haut », la croissance atteint cette fois 3 % à partir de 2009, tandis que, dès 2011, les comptes publics présenteraient un excédent grâce à une diminution encore plus énergique du déficit public.

Dans un récent rapport d'information que j'ai présenté au Sénat, je m'interroge sur les conditions de réalisation de ces engagements, mais aussi, au moins partiellement, sur leur sens.

En ce qui concerne les conditions de réalisation, il s'agit, au fond, de trouver comment une croissance soutenue peut se concilier avec un ajustement budgétaire qui, en soi, exerce une impulsion négative sur la croissance, de l'ordre de 0,5 point par an.

La baisse du déficit public constitue d'une certaine manière une « réépargne » publique qui, dès lors, doit être plus que compensée par une « désépargne » privée afin de permettre une accélération de la croissance.

Malgré une progression du pouvoir d'achat freinée par la réduction des déficits publics, la demande des ménages doit être assez dynamique pour soutenir la croissance, qui conditionne, en retour, la réussite de l'ajustement budgétaire. Ce dynamisme de la demande suppose une baisse importante du taux d'épargne des ménages.

Les scénarios de croissance impliquent aussi une forte hausse de l'investissement, dont chacun sait, depuis Keynes, qu'il participe au soutien de la demande. En outre, par ses effets d'offre, l'investissement renforce la croissance potentielle.

À cet égard, les taux d'intérêt ont un rôle central à jouer. La Banque centrale européenne conditionne la mise en oeuvre d'une politique monétaire accommodante à la réduction des déficits publics.

Mais il faut aussi, pour que les entreprises prennent effectivement la décision d'investir, conforter leurs perspectives de débouchés, tant sur le marché domestique que sur les marchés extérieurs, ainsi que leur compétitivité

Dans ces conditions, une politique économique européenne davantage tournée vers la croissance s'impose clairement : la politique monétaire doit favoriser non seulement la stabilité des prix, mais aussi l'activité économique ; les politiques économiques en Europe doivent être plus coopératives. Nous insistons sur le fait qu'une politique de change européenne, animée bien évidemment par la BCE, doit voir le jour.

Dans tous ces domaines, le manque de perspectives est tel qu'il suscite la mise en place en Europe de politiques économiques nationales égoïstes, qui, collectivement coûteuses, ne réussissent qu'aux dépens du voisin.

Depuis plusieurs années, la politique de désinflation compétitive menée en Allemagne coûte à la France, en moyenne, 0,3 point de croissance. Plusieurs petits pays d'Europe exercent une concurrence fiscale destinée à attirer les capitaux. Tout cela nous prive de ressources publiques et creuse nos déficits.

Dans ces conditions, à quoi sert-il de coordonner les politiques budgétaires entre pays européens alors que des pans entiers de l'économie ne le sont pas ? La question mérite d'être posée.

Madame, monsieur le ministre, vos ambitions sont grandes et nous nous en réjouissons. Elles reposent sur un pari économique qui comporte des risques. Elles reposent aussi sur des engagements en matière de finances publiques qui représentent une véritable rupture.

Le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et le rapporteur général, Philippe Marini, ont remarquablement éclairé la Haute Assemblée sur les questions que pose le projet de loi de finances pour 2008. Au sein de la délégation, nous partageons le même diagnostic sur la norme d'évolution des dépenses publiques pour la période 2009-2012, mais l'amélioration de la productivité du secteur public ne suffira pas. Cette norme suppose des réformes structurelles de très grande ampleur pour être tenue.

J'indiquerai seulement, pour conclure, mon scepticisme quant au renoncement à l'emprunt qu'implique la trajectoire du solde public dans laquelle vous vous engagez. Cette trajectoire suppose que le secteur privé prenne le relais, dans des domaines où l'intervention publique est souvent, et pour d'excellentes raisons, la règle.

Si tel n'était pas le cas, l'augmentation potentielle de la croissance et le développement durable nécessiteraient des investissements publics massifs en infrastructures, en formation et en recherche, qu'il faudrait bien évidemment financer.

Il faut donc aborder sans complexe et avec réalisme la question de la soutenabilité de la réduction de la dette publique. Nous ne pourrons échapper à un véritable débat sur ce sujet, quitte à démontrer de manière un peu caricaturale que l'endettement public n'est peut-être pas excessif au-delà du ratio de 60 %, dans une zone caractérisée par un taux de change excessivement élevé.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà les quelques remarques que je tenais à formuler, tout en insistant sur les relais que le Gouvernement doit impérativement trouver dès lors que son objectif est de comprimer la dépense publique et que le taux de croissance du PIB est volontairement choisi à un haut niveau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.

M. Pierre Bernard-Reymond. Madame la ministre, monsieur le ministre, dans le cadre d'un projet de loi de finances globalement positif, vous avez choisi de présenter un budget qui, du point de vue de l'équilibre des finances publiques, n'aggrave pas la situation, mais qui ne l'améliore pas beaucoup non plus.

S'il s'agit de donner le temps nécessaire au Gouvernement pour réaliser les deux grandes revues générales indispensables des politiques publiques et des prélèvements obligatoires, je souscris à cette stratégie.

Si vous en attendez également une relance, je suis plus réservé. En fait, ce choix pose tout le problème de l'importance respective que l'on accorde à la politique de l'offre, à la politique de la demande, à la compétitivité et à l'équilibre des finances publiques dans la construction de notre croissance.

J'ai voté sans aucune arrière-pensée en juillet - et je ne le regrette pas - la loi dite TEPA, tout en pensant qu'elle créerait davantage un état de confiance qu'un choc de relance. À vrai dire, les politiques de relance sont-elles encore adaptées à la situation présente ?

Nous sommes dans une économie ouverte.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Pierre Bernard-Reymond. Une grande partie des sommes que nous pouvons injecter - au demeurant, nécessairement modestes - s'évanouissent dans l'économie mondiale en déséquilibrant de surcroît un peu plus notre commerce extérieur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

M. Pierre Bernard-Reymond. Une autre partie se réfugie dans l'épargne, si bien que la part utile à la relance n'est pas aussi importante qu'on pourrait l'espérer.

En supposant même que les deux-tiers de la loi TEPA aient une influence sur la conjoncture française, que représentent 5 milliards d'euros au regard des 1 791 milliards d'euros du produit intérieur brut français ?

Le rapport coût-rentabilité d'une politique de relance devient de plus en plus faible. Nous devons donc nous interroger sur les leviers de croissance actuels.

Ayons d'abord la modestie de considérer que le taux de croissance ne dépend pas que de nous. La conjoncture internationale y est pour beaucoup, et ce sera de plus en plus vrai au fur et à mesure que les économies s'intégreront.

Or la conjoncture pour 2008 ne se présente malheureusement pas sous les meilleurs auspices. L'augmentation du prix du pétrole et des matières premières agricoles, le niveau de l'euro, les tensions inflationnistes, la crise des subprimes - qui ne s'est certes pas encore diffusée à l'économie réelle, mais dont l'inventaire n'est pas terminé -, l'inquiétude des bourses, la perturbation du marché du crédit, la crainte de voir monter les taux d'intérêt ainsi que les risques géopolitiques dessinent un tableau qui a conduit les conjoncturistes à faire des estimations du taux de croissance mondial à la baisse, c'est-à-dire en dessous de 5 %.

En revanche, quels sont les domaines dans lesquels nous pouvons avoir une politique réellement volontariste entraînant à terme notre taux de croissance et nous permettant de profiter au maximum de la croissance mondiale lorsqu'elle est là ?

Globalement, il y en a au moins deux : je pense certes à la politique de l'offre, de l'accroissement de notre compétitivité, mais également à la gestion équilibrée de nos finances publiques.

Nous savons tous que notre pays a besoin de profondes réformes de structure, qui doivent à moyen et long terme débrider notre économie et lui rendre sa productivité et sa compétitivité. Tout ce que vous avez rappelé ce matin, madame la ministre, monsieur le ministre, va dans le bon sens et reçoit mon total soutien. Le pays, dans ses profondeurs, a ressenti cette nécessité et a élu le Président de la République capable de conduire et d'entraîner ce changement.

Depuis, le travail du Gouvernement, soutenu par une majorité solide, a été considérable. II faut poursuivre cette politique dans tous les domaines, dans la concertation, en expliquant clairement à l'opinion publique la réalité de la situation et les enjeux qu'elle représente, tout en l'assortissant d'un constant souci de répartition équitable des efforts afin que la plus grande partie de la nation y adhère.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Pierre Bernard-Reymond. Mais cette politique de rupture ne sera pas complète si cette ambitieuse action réformatrice s'arrête aux portes du budget, lequel présente, par ailleurs, de très bonnes orientations et décisions.

La stabilisation de la dépense publique à assiette élargie, même si cette année ce sont l'Europe et les collectivités locales qui y contribuent le plus, la réserve importante mais nécessaire de 7 milliards d'euros, l'effort réalisé au profit de la justice, de la recherche et de l'innovation, l'aide au logement, la réglementation des parachutes dorés ainsi que l'annonce d'un budget pluriannuel dès 2009, sont autant de mesures extrêmement positives. Mais nous restons un peu sur notre faim en matière de rééquilibrage des finances publiques !

Je suis de ceux qui pensent que l'équilibre budgétaire est l'un des éléments constitutifs de la croissance et que notre dette leste trop lourdement l'essor de l'économie française. Des exemples étrangers viennent conforter mes propos.

Ainsi, après avoir adopté des mesures difficiles et courageuses, le Canada profite aujourd'hui du résultat de ses efforts : ce pays attendait pour 2007 un excédent de 3 milliards ; il sera de 16 milliards ! II consacrera sagement 10 milliards à l'allégement de la dette, qui passera en dessous de 25 % du produit intérieur brut dans trois ou quatre ans,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Pierre Bernard-Reymond.... alors que nous aurons le plus grand mal à passer de 64 % à 60 % en 2012. Avec ce qui lui reste, le Canada allégera les impôts, ce qui est pour lui une promesse de croissance encore plus forte pour demain. Non seulement ce pays a cassé l'effet boule-de-neige de l'endettement, mais il est entré dans un cercle vertueux.

Dans le même temps, la France, depuis 1986, n'a consacré qu'un quart du produit des privatisations au désendettement, soit 99 milliards d'euros. Or cet effort est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que les taux d'intérêt risquent d'être à nouveau orientés à la hausse et que notre dette coûtera de plus en plus cher ; déjà cette année, vous avez dû inscrire 1,6 milliard d'euros supplémentaires afin de faire face aux remboursements, contre 200 millions d'euros l'année dernière.

Ce rétablissement ne sera pas facile.

Lorsque vous avez annoncé la suppression d'un emploi sur trois libérés par les fonctionnaires partis à la retraite, soit 23 000 emplois, cette décision a été perçue par beaucoup - dont je suis - comme forte et très courageuse. Mais cela ne représente qu'un gain de 450 millions d'euros - ce qui équivaut à la perte de moins de deux jours de grève -, dont la moitié servira à l'amélioration des revenus des fonctionnaires en activité.

Mis en regard de 1,6 milliard d'euros d'augmentation de l'annuité de la dette, des 2 milliards d'euros nécessaires pour payer les nouveaux retraités, des 40 milliards d'euros de remboursement de la dette, des 42 milliards d'euros du déficit budgétaire, cela met en lumière l'extraordinaire difficulté qui nous attend. Raison de plus pour ne pas trop tarder à faire entrer le budget dans la politique de rupture !

À cela s'ajoutent deux raisons.

La première tient à notre responsabilité vis-à-vis des générations futures : nous devons bâtir des « budgets durables », c'est-à-dire des budgets qui laissent à nos petits-enfants toutes les chances pour leur propre avenir.

La seconde raison tient à la place de la France en Europe. Nous avons signé un pacte de stabilité. Nous avons le devoir de le respecter ! Au demeurant, c'est notre intérêt tant économique que diplomatique. Plus la France sera sans reproche, mieux elle sera écoutée.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Pierre Bernard-Reymond. Madame la ministre, monsieur le ministre, je voterai bien sûr ce budget, qui n'a pas dû être facile à réaliser. Sans vouloir employer de mots qui fâchent, dans l'optique du renforcement de notre croissance, j'appelle de mes voeux une politique dynamique et déterminée visant à un retour à l'équilibre budgétaire et à une réduction de notre endettement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs de référence se sont exprimés : le Gouvernement - excellemment -, le président de la commission des finances et le rapporteur général - avec beaucoup de pédagogie, comme chaque année, ce qui nous éclaire beaucoup -, et les représentants des groupes, dont M. de Raincourt - magnifiquement - pour l'UMP.

La discussion générale pouvait donc s'arrêter là. Toutefois, puisque j'ai la possibilité de dire quelques mots, je voudrais aborder deux sujets qui me semblent devoir être traités de façon urgente, et poser les principes qui permettraient de leur apporter une réponse. L'un pourrait être considéré comme mineur, c'est la réforme constitutionnelle, et l'autre comme plus important, puisqu'il s'agit de la gestion des ressources humaines de l'État.

Avant de poser les principes, je voudrais vous faire part d'une intuition à laquelle je crois profondément. Mais je ne voudrais surtout pas qu'elle soit prise en mauvaise part.

Au regard des comptes publics - et seulement dans ce domaine, car je ne veux pas m'élever au-dessus de ma condition -, je pense que nous entamons le quinquennat de la dernière chance. À défaut de réformes majeures, la descente de la France en seconde division serait inévitable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !

M. Éric Doligé. C'est vrai !

M. Alain Lambert. Le risque, c'est celui d'une crise, qui ne serait plus seulement financière, mais qui toucherait notre démocratie. Ce n'est pas un soudain pessimisme qui me fait parler ainsi : ce sont les chiffres qui parlent et même qui crient, mais nous ne les entendons pas.

L'an prochain, nous fêterons les cinquante ans de la Ve République, dont trente années de déficit de nos comptes publics. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Nos prélèvements sont parmi les plus élevés et n'offrent aucune marge de manoeuvre. Notre déficit peine à se réduire et alimente une dette qui n'a jamais atteint un tel montant, pas même au lendemain des deux guerres mondiales.

Cependant, rien n'est perdu ! Il y a en effet l'énergie exceptionnelle du Président de la république - soyons clairs, c'est la raison du choix des Français -, la détermination du Premier ministre et la qualité du Gouvernement. C'est une chance à saisir sans attendre et sans faiblesse !

Des décisions lourdes et structurantes doivent être prises. L'an prochain, il sera déjà trop tard, car les mauvaises habitudes auront à nouveau contaminé le nouveau logiciel public voulu par le Président de la République !

La première décision que je préconise est de faire en sorte que ce soit la dernière fois que nous examinions séparément la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, votre nomination est le signal fort d'une nouvelle conception au sein de l'exécutif - et vous savez que je milite depuis longtemps en ce sens -, conception qui doit impérativement se traduire symétriquement au Parlement.

Après que l'Académie des sciences morales et politiques a bien voulu reconnaître quelques mérites aux travaux que Didier Migaud et moi-même avons conduits, nous avons ensemble demandé solennellement au Premier ministre de saisir l'opportunité de la prochaine réforme constitutionnelle pour réformer l'article 34 de notre Constitution,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Lambert.... et permettre la fusion de la première partie du projet de loi de finances et de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une nécessité absolue pour éclairer enfin le consentement à l'impôt.

Ainsi, en première partie du projet de loi de finances, l'ensemble des dispositions qui ont une incidence sur les recettes de l'État comme sur celles de la sécurité sociale serait enfin unifié. Cela permettrait aussi d'introduire dans l'article d'équilibre - je parle sous le contrôle du rapporteur général - un tableau d'équilibre social évaluant chacune des recettes sociales et de fixer un plafond global de dépenses, la répartition de ce plafond continuant évidemment à relever de la loi de financement de la sécurité sociale.

Cette proposition, qui émanait donc du rapport que nous avons présenté conjointement au Gouvernement en octobre 2006, Didier Migaud et moi, supposait une réforme constitutionnelle. Une révision s'annonce, saisissons l'occasion !

Cette réforme, qui ne remettrait nullement en cause la participation des partenaires sociaux à la gestion des organismes de sécurité sociale, serait le seul moyen d'éviter le chevauchement des mesures fiscales et sociales ayant une incidence sur le budget.

Permettez-moi de rappeler un fait un peu triste et inquiétant.

Voilà une semaine, alors que la commission des finances auditionnait Mme Dati sur les crédits de la justice, étaient discutés en séance publique les transferts de l'État à la sécurité sociale dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, ce sujet d'importance était traité alors qu'il était difficile aux membres de la commission des finances d'être présents dans l'hémicycle ! Il est donc d'une urgente nécessité de mieux coordonner les discussions pour gagner en clarté et garantir une meilleure cohérence du pilotage global de nos finances.

Avant d'en terminer sur ce premier point, faisant écho à des propos que j'ai déjà entendus dans la bouche de certains de nos collègues, je voudrais que nous prenions la mesure de la croissance inévitable, d'une part, des dépenses sociales, notamment des dépenses de santé, et, d'autre part, du rôle des collectivités territoriales.

Pris en étau entre les deux, la part et le rôle de l'État dans l'action publique doivent d'urgence s'adapter et se concentrer sur ses fonctions stratégiques. À défaut, l'État deviendrait une sorte de squelette, sans moyens d'agir, voulant conserver jalousement ses effectifs. Il produirait alors de la réglementation, du contrôle et du papier, cela avec une conséquence inévitable et tragique : l'ankylose de l'économie tout entière. Un processus économique mortel serait en marche. Évitons-le à tout prix !

Cela me conduit tout naturellement à la question essentielle et d'actualité : la gestion des ressources humaines de l'État.

Les agents de l'État sont avant tout des personnes et non des effectifs. Nul n'envisage qu'ils deviennent une variable d'ajustement des déficits publics. Ils doivent être fiers d'être la première richesse de l'État et savoir qu'ils sont aussi sa première dépense. Or cette dépense ne peut continuer à croître indéfiniment. Elle doit, au contraire, décroître. En vingt ans, l'emploi public a augmenté plus vite que l'emploi total.

Disons-le, notre nation ne peut plus continuer à consacrer autant de moyens aux dépenses de personnel ! Il serait bon d'ailleurs que les salaires et les pensions soient rassemblés en une masse commune. M. le rapporteur général a dressé, de ce point de vue, un tableau très intéressant et, là encore, très pédagogique !

Ces dépenses représenteront ensemble pour l'État - je parle sous le contrôle du rapporteur général - presque 120 milliards d'euros en 2008, dont 73,5 milliards d'euros pour les rémunérations et 45,9 milliards d'euros pour les pensions. Comme vous le disiez ce matin, monsieur le rapporteur général, la baisse très légère des rémunérations ne couvre pas l'augmentation mécanique des pensions liée à la démographie.

Pourtant, selon moi, le total de la dépense de 120 milliards d'euros devrait impérativement ne pas varier en valeur pendant cinq ans si nous voulons enfin assainir nos comptes et faire face aux dépenses inéluctables liées au vieillissement et aux dépenses d'avenir.

C'est impossible, me direz-vous. Non, c'est possible, c'est même nécessaire ! Si nous utilisons bien la fongibilité asymétrique, je suis certain que nous y parviendrons.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Alain Lambert. Si nous ne nous fixons pas un tel objectif, le coût des pensions ne cessera d'augmenter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Lambert. Il deviendra, dès lors, inéluctable de faire baisser violemment le total des rémunérations, car nous ne pourrons pas faire autrement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Alain Lambert. Cela ne peut évidemment se faire à effectifs constants ; c'est pourquoi les non-remplacements de départs à la retraite sont d'une évidente nécessité.

Mais il faut aller plus loin et dire franchement que l'amélioration du pouvoir d'achat des fonctionnaires ne peut passer que par la réduction de leur nombre. Ces tendances structurent profondément nos comptes publics, et ce bien au-delà des clivages idéologiques ; la France ne pourra échapper à l'épreuve de vérité qui l'attend.

Vous noterez que, pour éviter tout tracas aux séniors, je n'ai pas envisagé l'hypothèse dans laquelle des comptes de l'État trop dégradés ne permettraient plus d'honorer les retraites des fonctionnaires à leur niveau actuel. Mais un tel scénario pourrait toujours être imaginé.

Madame la ministre, monsieur le ministre, l'équilibre de nos comptes publics à la fin de la législature est donc - et je pèse mes mots - un vrai quitte ou double. S'il est atteint, tous les espoirs sont permis ! S'il est à nouveau reporté, alors je vous le dis, c'est la menace de la fin d'un régime, peut-être même de la fin d'une République.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Alain Lambert. Ne jouons pas avec une si funeste extrémité ! Restons-en à la première hypothèse, celle où nous réussissons. Mais elle exige une trajectoire de redressement claire, ferme et responsable qui ne reporte pas sur la dernière année les efforts nécessaires.

C'est pourquoi j'aimerais connaître, année après année, vos prévisions de solde des comptes publics : les recettes que vous anticipez et les dépenses que vous envisagez. Chaque année, nous pourrions voir si votre feuille de route est tenue.

Puisque vous devez envoyer dans quelques semaines votre programmation à Bruxelles, communiquez-la nous dès aujourd'hui, même si les projections sont, comme chaque année, quelque peu différentes des documents qui nous sont fournis au cours de la discussion de la loi de finances. Cette programmation sera le message d'espoir et de responsabilité que la France attend.

La France n'a besoin ni de larmes ni de sang. Elle a simplement besoin de vérité, de transparence et d'une volonté sans faille.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Lambert. Peu importe que nous soyons mal jugés en cours de chemin. L'essentiel est d'être au rendez-vous de l'équilibre en 2012, pour passer du quinquennat de l'espoir à celui de la renaissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Lambert. Vous avez été très écouté ; j'espère que vous serez entendu !

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais vous faire une première série de réponses qui sera suivie de celles que Christine Lagarde souhaite vous apporter. À défaut de répondre à tout - tant de choses ont été dites ! -, je m'efforcerai de balayer l'ensemble des sujets abordés. Ils sont nombreux, tout comme vos prises de position. J'ai entendu les appels que vous avez parfois adressés au Gouvernement, notamment l'appel d'Alain Lambert, lancé avec tant de talent !

Je tiens à le dire à Jean Arthuis et à Philippe Marini, la commission des finances du Sénat, comme à son habitude, a travaillé en profondeur. J'ai apprécié son approche à la fois positive et vigilante - notamment ses appels à la prudence - du budget que nous présentons.

Dans les jours qui viennent, nous aurons l'occasion de débattre de façon approfondie de chaque sujet : les collectivités locales, la politique fiscale, les questions de gouvernance. Je suis sûr que nous progresserons et que nous parviendrons à corriger un certain nombre d'éléments que vous avez soulignés.

Je pense entre autres aux sous-budgétisations résiduelles sur certains postes. Monsieur le président de la commission des finances, je tiens à dire qu'elles n'ont jamais été aussi peu nombreuses. Certes, compte tenu des principes sur lesquelles elles sont fondées, il est bien difficile de procéder à une évaluation précise. Le rapporteur général et vous-même l'avez souligné, nous avons d'ores et déjà pris en compte - nous aurons l'occasion d'en discuter - la problématique des opérations extérieures, OPEX, et des opérations de maintien de la paix. À l'issue de cette discussion générale, je vous confirme ce que je vous ai dit dans mon discours introductif.

Je pense également aux modalités de mise en oeuvre de la nouvelle indexation du contrat avec les collectivités locales. Nombre d'entre vous ont bien évidemment rappelé à cette tribune la sensibilité particulière du Sénat pour tout ce qui concerne ces collectivités. Étant moi-même un élu local, j'ai la même sensibilité.

Aujourd'hui, l'État souhaite que le taux d'indexation du contrat de stabilité des dotations aux collectivités locales soit aligné sur le taux d'inflation. L'effort s'est donc porté sur la base de ce contrat. Certes, les rapports entre les collectivités locales et l'État sont plus larges que ce seul et unique contrat.

Pourquoi avoir choisi l'inflation ? En raison de l'extrême importance de la masse des dotations. Il semblait assez naturel de demander des efforts aux collectivités locales, au même titre que l'État s'impose un effort supplémentaire de maîtrise de ses propres dépenses courantes.

Une fois ce principe partagé, il faut bien évidemment lui donner vie. Sa mise en oeuvre est plus compliquée, car vous ne souhaitez pas - c'est en tout cas ce qui est ressorti des discussions préalables que nous avons eues - toucher à la dotation globale de fonctionnement, DGF, dont bénéficient nombre de petites communes ; on peut le comprendre !

Compte tenu du maintien des règles d'indexation spécifiques de la DGF, il faut jouer sur les autres dotations intégrées dans le périmètre du contrat. La diminution des variables d'ajustement que constituent la dotation de compensation de la taxe professionnelle, DCTP, ou la taxe foncière sur les propriétés non bâties, TFNB, - déjà modifiée à l'Assemblée nationale, ce qui a donné lieu à pas mal de discussions ! - peut s'avérer difficile à absorber pour certains départements ruraux ou pour certaines communes, cela pour des raisons tenant souvent à leur histoire.

À partir du moment où nous réussissons à arrêter un certain nombre de principes et que nous les respectons, le Gouvernement étant ouvert sur ce sujet, ce système s'inscrivant dans l'appel à la sagesse que j'ai entendu au cours de ces trois heures et auquel je souscris tout à fait et s'agissant de plus, me semble-t-il, d'un effort raisonnable et raisonné que nous pouvons partager ensemble, je suis convaincu que nous parviendrons à trouver les ajustements qui permettront de corriger les situations les plus difficiles. Ne revenons donc pas sur l'idée d'indexer sur les prix le contrat avec les collectivités !

De plus, comme l'a annoncé le Premier ministre aux différentes associations d'élus, progressons, avant le projet de loi de finances pour 2009, sur une vision différenciée des rapports entre les collectivités et l'État, une vision peut-être plus adulte - l'État imposant moins de contraintes aux collectivités -, une vision renouvelée de la fiscalité locale.

Tous ces sujets qui font l'objet de débats depuis des années - je pense aux valeurs cadastrales évoquées par M. Fourcade - doivent maintenant être mis sur la table. À nous de trancher sur des points qui ne l'ont pas été jusqu'à présent, car ce ne sont pas des sujets faciles.

Je le répète, le Gouvernement est ouvert pour trouver les ajustements nécessaires - et je sais combien vous y êtes sensibles, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général -, ajustements qui nous permettront de modifier le texte issu de l'Assemblée nationale sur ce contrat.

Si vous en décidez ainsi, ce que je souhaite, je vous demande seulement de respecter un certain nombre de principes, car s'en écarter rendrait difficile la constitution d'un socle solide fixant pour les années qui viennent les rapports entre l'État et les collectivités territoriales.

Vous avez également évoqué l'extension de la norme de dépense. Il faut que l'examen de ce projet de loi de finances - c'est un objectif que nous avons en commun, monsieur le rapporteur général - n'accentue pas, bien évidemment, le solde déficitaire. Ce point de vue est partagé, me semble-t-il, par l'ensemble d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, le solde est déjà très lourd, bien qu'il soit en légère diminution par rapport à celui qui avait été présenté l'année dernière.

S'agissant de l'exécution, j'ai bien l'intention de faire en sorte que les choses soient encore plus serrées. Nous verrons ce qu'il en est pour le budget de 2007. Nous avons évoqué cette question au moment de la présentation du projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres, malgré l'incertitude concernant les ressources engendrées par l'impôt sur les sociétés au mois de décembre 2007. Évidemment, plus nous nous approchons de la fin de l'année, plus les prévisions deviennent sérieuses.

Je vous engage donc à souscrire à ce principe d'un solde non dégradé par rapport à ce qui a été voté à l'Assemblée nationale, voire à vous inscrire dans une perspective un peu plus ambitieuse en adoptant - pourquoi pas ? - un solde amélioré.

Comme M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général l'ont noté, l'extension du périmètre du budget ne résulte pas d'un intérêt conjoncturel. Je tiens à le dire, car, en l'occurrence satisfaire à un intérêt conjoncturel ne servirait à rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Cela reviendrait à brûler ses vaisseaux ! Il s'agit au contraire d'une décision mûrement réfléchie permettant d'encadrer par une norme un périmètre élargi de dépenses, ce qui est bien naturel.

J'en viens aux dépenses fiscales, et plus particulièrement aux niches. Vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur général, en tant que ministre du budget, je rêverais que les dépenses fiscales soient intégrées dans la norme de dépense. Il faut examiner cette proposition, qui permettrait de mieux contrôler l'ensemble de la dépense.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Éric Woerth, ministre. Et, s'il existe des ministres sensibles à cet aspect, ce sont bien les ministres responsables du budget et de l'économie ! Une telle mesure n'est pas simple à mettre en place, mais cela n'est pas impossible. Au demeurant, vous connaissez parfaitement bien les termes de ce débat technique, la dépense fiscale étant, par principe, difficile à appréhender et à piloter. Peut-être pouvons-nous nous fixer le début de l'année prochaine pour réfléchir en commun sur l'opportunité d'une telle décision, puis, le cas échéant, sur la manière de procéder. Pour ma part, je suis tout à fait ouvert au débat.

J'ai noté néanmoins avec intérêt vos deux suggestions.

Il s'agit tout d'abord de faire des lois de finances le point de passage obligé de toute nouvelle mesure dérogatoire en matière fiscale. Une telle disposition me semble relever du domaine constitutionnel, mais elle mérite d'être sérieusement explorée, comme je vous l'avais déjà indiqué lors du débat d'orientation budgétaire.

Ensuite, le fait d'introduire une distinction entre les niches « horizontales » à durée indéterminée et les niches « verticales », sectorielles, à durée déterminée me semble une idée neuve très intéressante, qui, d'une certaine façon, enfoncerait un coin entre les 600 ou 700 niches fiscales, qui sont plus ou moins bien évaluées et dont certaines, selon les circonstances, sont plafonnées.

D'autres ministres - et pas des moindres ! - se sont attachés à mieux maîtriser l'ensemble de ces niches fiscales. Nous pourrions, me semble-t-il, essayer d'utiliser les mois qui viennent pour adopter une réponse plus concrète sur ce sujet, compte tenu de l'existence du bouclier fiscal et d'un certain nombre de circonstances. Nous devons travailler sans tabou et en toute transparence, car, dans ce domaine, il existe une véritable marge d'amélioration.

Concernant les emplois des opérateurs, sujet sur lequel vous avez, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, fait porter une partie de vos interventions, je veillerai - je donnerai des instructions en ce sens à l'ensemble de mes collaborateurs qui participent aux conseils d'administration - à ce qu'on ne sape pas ailleurs les efforts que nous nous fixons nous-mêmes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. S'agissant de la reprise de la dette de la sécurité sociale, je suis d'accord avec vous, monsieur le président de la commission des finances, pour considérer qu'il s'agit d'un progrès.

L'opération d'apurement a été effectuée dans de bonnes conditions. Il ne s'agit pas d'un montage financier : l'argent a été versé et la dette réduite. Évidemment, cela conduit à désendetter la sécurité sociale à partir d'une ressource claire. Peut-être cette mesure aurait-elle pu être examinée par le Parlement, puisqu'elle répondait à un certain nombre de critères, mais cela n'a pas été le cas. Cependant, tout a été parfait d'un point de vue juridique. L'important, me semble-t-il, était d'annoncer une telle décision, ce que j'ai fait au mois de juin. J'ai également indiqué devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le Parlement et la commission des finances du Sénat que cette opération aurait lieu au mois d'octobre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout cela est clair.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Massion, j'ai l'impression, avec tout le respect que je vous dois, que votre vision de la fiscalité et de l'économie est un peu datée. (Mme Nicole Bricq proteste.) Vous contestez en effet toutes les mesures fiscales qui dynamisent nos entreprises.

S'agissant des dépenses publiques, vous adhérez systématiquement au principe du « toujours plus ». En tant que responsable politique, j'ai également toujours envie de faire plaisir, et, d'une certaine façon, cela passe souvent par plus de dépenses. Il est plus facile de dépenser plus : c'est vrai dans son ménage ; c'est également vrai en tant qu'élu ou chef d'entreprise.

Mme Marie-France Beaufils. Bien des ménages ne peuvent dépenser plus !

M. Éric Woerth, ministre. Mais, en l'occurrence, les circonstances ne le permettent pas. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, les seules dépenses que nous avons programmées sont des dépenses d'investissement. Mme Lagarde reviendra certainement sur ce point.

Que vous ne croyiez pas à ces dépenses, c'est votre droit. Nous sommes en démocratie et je respecte votre position. Il est d'ailleurs heureux qu'il existe une majorité et une opposition !

Au demeurant, ces dépenses ne doivent pas être confondues avec des dépenses courantes, à l'instar de celles que nous avons proposées au mois de juillet dernier. Je pense notamment au dispositif fiscal et de cotisations sociales lié à la possibilité de travailler plus. Vous connaissez parfaitement nos positions dans ce domaine.

Ne confondez donc pas ces deux types de mesures et n'opposez pas systématiquement les politiques d'offre et de demande. Il faut souvent un équilibre entre les deux et, dans le projet de loi dit TEPA, il n'y pas d'opposition entre ces deux approches. (Mme Nicole Bricq proteste.) Nous menons - Mme Lagarde l'a parfaitement expliqué concernant le crédit d'impôt recherche - une politique de l'offre, tournée vers les entreprises. Parallèlement, les mesures en faveur des heures supplémentaires s'inscrivent dans une politique de la demande. L'économie, me semble-t-il, ne peut pas être caricaturée comme vous le faites, monsieur Massion, même si vos propos reflètent probablement votre sentiment.

Le projet de loi de finances pour 2008 tend à prévoir d'importants moyens en faveur de la rémunération des fonctionnaires. Plus de 2,5 milliards d'euros y sont destinés. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, une part sera consacrée à la progression des carrières, une autre part sera affectée à la rémunération des heures supplémentaires prévues dans le texte et une dernière part permettra de financer des mesures catégorielles au titre de l'intéressement des fonctionnaires. Ces dépenses seront réparties entre les différents ministères.

Monsieur de Raincourt, je vous remercie d'avoir souligné, au début de votre intervention, les difficiles contraintes auxquelles est soumis ce projet de budget. Celles-ci sont de plus en plus lourdes, comme j'ai essayé de l'expliquer en évoquant le double objectif de croissance et de maîtrise de la dépense publique.

Nous avons fixé à 2012, monsieur Lambert, la nécessité absolue de revenir à l'équilibre de nos finances publiques, M. Fourcade nous ayant rappelé qu'il était le dernier des ministres de l'économie à avoir fait voter un budget en équilibre. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve.) Nous souhaiterions que ce témoin soit transmis, après toutes les années écoulées !

Je vous remercie également, monsieur de Raincourt, d'avoir témoigné votre confiance en la politique menée par le Gouvernement. En effet, on entend souvent, dans les travées de l'opposition, une évocation caricaturale de cette politique. Au nom du groupe UMP, avec le talent et le pouvoir de conviction qui vous animent, vous avez mis en évidence l'important travail mené dans notre pays pour rétablir la confiance qui a souvent manqué entre les dirigeants politiques et les citoyens.

Vous avez également souligné l'importance du travail de contrôle du Parlement et la volonté de celui-ci d'exercer ce rôle. À cet égard, la qualité des documents budgétaires que nous rédigeons est absolument fondamentale pour aider les parlementaires à mieux contrôler l'action du Gouvernement et à en évaluer les résultats, dans la mesure où il s'agit non pas de politiques de routine, mais de politiques nouvelles, comme c'est le cas de la politique menée par le gouvernement de François Fillon.

Vous avez également noté le caractère crucial de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et de la RGPO, la revue générale des prélèvements obligatoires. Vous avez raison, ces exercices se font aujourd'hui avec beaucoup de sérieux et d'implication de la part du Gouvernement et une large participation du Parlement. Nous en reparlerons dans les mois et les années à venir, lors des annonces qui seront faites et des orientations politiques qui seront données, mais aussi au moment de l'exécution de certaines mesures.

Madame Beaufils, nous n'avons pas, c'est vrai, la même évaluation de l'effet des mesures que nous prenons. Non, la loi dite TEPA n'est pas destinée aux riches, je tiens à le redire, car vous ne cessez de caricaturer ce texte. Il ne suffit pas de répéter un mensonge pour qu'il devienne vérité, ça ne se passe pas comme ça ! Ce n'est pas parce que vous répétez dix fois la même erreur ou le même mensonge, que cela les transforme, la onzième fois, en vérité. Je ne vous vise pas personnellement, mais je retrouve souvent ce type d'attitude chez les parlementaires de votre groupe, ici comme à l'Assemblée nationale. Non, les heures supplémentaires ne sont pas réservées à une catégorie de Français que vous nommez, dans vos formations politiques, les « riches ».

Mme Marie-France Beaufils. Sauf que le bouclier fiscal, c'est la réalité !

M. Éric Woerth, ministre. Non, la baisse de la dépense publique n'est pas uniquement supportée par les personnes modestes. Non, les crédits d'impôt immobiliers ne sont pas réservés uniquement aux personnes riches.

Mme Marie-France Beaufils. Le bouclier fiscal, si !

M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, celles-ci sont déjà, très souvent, propriétaires de leur logement. Il s'agit plutôt d'aider celles qui n'ont pas réussi, jusqu'à présent, à le devenir. C'est d'ailleurs là que réside la clé de notre politique. Ce que nous faisons pour les étudiants n'est pas non plus destiné aux personnes aisées.

Cette politique est donc clairement et fondamentalement destinée à ceux qui ont décidé de travailler, d'accéder à la propriété ou de fournir, parallèlement à leurs études, un travail. Il s'agit selon moi d'une politique à la fois économique et sociale.

Monsieur Othily, j'ai beaucoup appris en écoutant votre plaidoyer en faveur d'une politique maritime plus dynamique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons bien navigué !

M. Aymeri de Montesquiou. C'est le Christophe Colomb du Sénat ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Je n'ai pas compétence pour vous répondre sur ce sujet que vous connaissez parfaitement ; l'un de mes collègues le fera à ma place. Je peux simplement vous dire que, dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, la voie de mer étant très utilisée pour les trafics, tout particulièrement outre-mer, l'ensemble des douanes, qui relève de mon domaine de compétences, est parfaitement mobilisé.

Vous pourrez poursuivre la discussion avec mes collègues du Gouvernement chargé de ce dossier. Je souhaitais pour ma part vous remercier de la qualité de votre intervention.

Monsieur Badré, même si vous avez mis beaucoup de coeur à défendre votre point de vue, je ne partage pas votre pessimisme, qu'il s'agisse de la croissance ou des déficits.

Il m'a semblé que vous voyiez tout en noir. Or il est possible, sans pour autant tout voir en rose,...

Mme Nicole Bricq. Ce serait dur !

M. Éric Woerth, ministre. ... de ne pas tout voir en noir ! Nous devons croire en la capacité de notre pays à revenir à l'équilibre, à retrouver la croissance, à aller vers le plein-emploi.

Il n'est que de voir les bons résultats enregistrés sur le terrain de l'emploi ! Christine Lagarde, qui est en charge de ce secteur, le sait mieux que quiconque. Qui aurait cru, voilà cinq ou six ans, que la France reviendrait à un taux de chômage de l'ordre de 8 % ? Or c'est aujourd'hui une réalité, et l'on peut tout de même s'en féliciter !

Cela signifie bien que l'on peut croire en notre pays et dans sa capacité d'accéder réellement aux réformes.

M. Éric Woerth, ministre. On peut croire aussi au fait que les Français ont envie de réformes, ce que reflètent d'ailleurs les sondages.

Le Gouvernement en tient compte. La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, celle de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, la réforme du marché du travail, celle des régimes spéciaux, celle des universités : tous ces chantiers, qui ont été lancés depuis près de six mois, ainsi que tous qui vont l'être dans les mois à venir, répondent profondément au déficit structurel du pays.

Ils montrent que, à un moment donné, on est peut-être plus utile en accompagnant les réformes, voire en y participant, qu'en faisant systématiquement preuve de scepticisme !

Pour ma part, j'ai la conviction que nous investissons pour la croissance, que ce budget pour 2008 est fondé sur des hypothèses raisonnables et responsables et qu'il donne une image cohérente de la politique économique de la France.

M. François Marc. Ce n'est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fourcade, vous avez lancé trois idées très intéressantes.

Premièrement, s'agissant de la révision des bases d'imposition des collectivités territoriales, sujet très ancien, je prends acte de votre proposition.

La solution que vous préconisez peut cependant créer une nouvelle inégalité entre les collectivités locales qui auraient eu le courage de réviser leurs bases et celles qui ne l'auraient pas eu. Certes, l'inégalité existe déjà puisque les taux d'imposition ne sont pas uniques, mais votre proposition conduirait à considérer, par exemple, dans des communes très proches, où la valeur des biens serait la même, que, à politique fiscale constante, les bases seraient différentes.

À l'évidence, il convient de mener une réflexion sur ce thème des bases, qui a d'ailleurs été évoqué à l'Assemblée nationale la semaine dernière.

Hier, devant le Congrès des maires de France, le Président de la République a également abordé ce sujet, en indiquant qu'il souhaitait aller dans le sens d'une révision des bases au fil des transactions.

Nous allons travailler avec détermination sur la piste qu'il a ainsi fixée et nous étudierons toutes les propositions, notamment la vôtre.

Deuxièmement, l'ensemble des exonérations et allégements de charges qui se sont accumulés avec le temps représente près de 30 milliards d'euros.

Le Conseil d'orientation pour l'emploi estime à 800 000 le nombre d'emplois qui seraient mis en péril si l'on revenait brutalement - mais je sais que ce n'est pas ce que vous proposez - sur ces allégements. Certes, le budget de l'État s'en porterait beaucoup mieux, mais, sur le front du marché du travail, les choses iraient nettement moins bien. Je ne suis donc pas sûr que nous soyons globalement gagnants.

Il convient d'étudier cette question d'une manière très détaillée. Le Premier ministre a rappelé récemment que nous devions lier les exonérations de charges aux politiques salariales menées branche par branche, en proposant une sorte de donnant-donnant ou de contrepartie entre, d'une part, l'exonération de charges, notamment sur les bas salaires, permettant de réduire le prix du travail - mais sans que se constituent des trappes à bas salaires -, et, d'autre part, la capacité des branches professionnelles à mener une politique salariale plus active.

Nous sommes au coeur du débat sur l'équilibre des finances publiques et du débat sur le pouvoir d'achat.

Troisièmement, vous avez évoqué une clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités locales. La mission très importante menée sur ce sujet par votre collègue Alain Lambert, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, pour le Conseil de modernisation des politiques publiques, dégagera d'ici quelque temps des pistes qui devraient faire l'objet d'une décision politique lors de la conclusion des travaux de la révision générale des politiques publiques.

Monsieur de Montesquiou, nous ne nous voilons nullement la face sur la situation de nos finances publiques. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises, il faut affronter les choses telles qu'elles sont.

La situation est tendue, c'est vrai, mais les mesures que nous prenons dans le cadre de ce budget pour 2008 démontrent notre exigence, ainsi que la conscience que nous avons du chemin qui reste à parcourir.

Vous souhaitez que nous appliquions les recettes d'autres pays. C'est une piste extrêmement intéressante. Pendant des années, il nous a été reproché de ne pas faire comme les Canadiens, les Suédois ou d'autres. Or la révision générale des politiques publiques, à laquelle je me réfère une fois de plus car je fonde sur elle beaucoup d'espoirs, correspond en fait à la démarche canadienne, légèrement modifiée cependant, puisque cette dernière a abouti à une diminution de la qualité du service public.

La révision générale des politiques publiques procède d'une démarche qui n'est pas strictement comptable et qui vise surtout l'organisation du service public et la hiérarchisation des politiques. Elle est le fruit d'une approche profondément politique, qui doit aboutir, une fois les priorités mieux fixées, à une maîtrise de la dépense publique.

Monsieur le sénateur, vous avez également appelé de vos voeux une nouvelle politique managériale dans la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre. À l'évidence, c'est à cela que nous tendons, y compris lorsque, comme c'est le cas actuellement, les relations sociales sont un peu agitées, ce qui est somme toute assez naturel.

Nous ouvrons de nombreux dialogues avec l'ensemble de la fonction publique, qui vont du dialogue social à la politique salariale, en passant par les parcours professionnels et même par les valeurs que porte l'engagement dans la fonction publique.

Monsieur Foucaud, je vous dirai à mon tour que j'aurais du mal à vous suivre, car votre discours tend à l'immobilisme ! Or la France n'a besoin d'immobilisme ou de conservatisme !

M. Thierry Foucaud. La croissance est en berne !

M. Éric Woerth, ministre. Elle a besoin d'aller de l'avant, de croire aux réformes !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui ! Au CRC, vous êtes des révolutionnaires conservateurs !

M. Éric Woerth, ministre. La France ne doit pas reproduire systématiquement des schémas anciens qui n'ont pas fonctionné ! Elle n'est pas là pour défendre tel ou tel avantage catégoriel !

Mme Marie-France Beaufils. Le bouclier fiscal, c'est pourtant la défense d'intérêts catégoriels !

M. Éric Woerth, ministre. Bien au contraire, la France est là pour s'ouvrir au monde, ce qui implique qu'elle doit savoir, en même temps, grâce à une meilleure compétitivité, se protéger du monde et tirer parti de cette ouverture ! C'est tout le sens de notre action.

Dans quelques années, à la fin du quinquennat qui vient d'être inauguré, lorsque nous aurons procédé à l'ensemble des réformes, vous pourrez évaluer l'efficacité de nos politiques et vous nous direz si nous avions eu raison ou non de les engager. Mais ne partez pas systématiquement avec un a priori négatif !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas un a priori !

M. Éric Woerth, ministre. Vous aurez peut-être de bonnes surprises !

Monsieur Doligé, vous avez soulevé, avec raison, un point critique, qui est au coeur de la révision générale des politiques publiques : plus de dépenses ne veut pas dire plus de performances. Aussi voulons-nous mettre en place un État avant tout plus efficace. Je sais bien que cette formule est souvent utilisée pour agrémenter les discours, mais il s'agit bien pour nous d'en faire une réalité. J'en veux pour preuve les réformes que nous avons mises en place, tout comme celles que nous mènerons demain, qui visent à mieux maîtriser la dépense, mais aussi à conduire des politiques publiques plus efficaces.

Vous partagez avec M. Fourcade le souci de la rationalisation de l'intervention des administrations publiques. Nous réfléchissons nous-mêmes à une meilleure répartition des compétences entre collectivités territoriales et État et, au-delà, à l'évolution de l'organisation locale de l'État sur le territoire national.

Toutes les pistes doivent être explorées, et il n'existe pas, à l'heure actuelle, un schéma unique susceptible de recueillir un consensus total. À l'évidence, ce chantier tiendra compte du souhait, exprimé hier par le Président de la République devant le Congrès des maires de France, d'avoir une approche globale de la répartition des services publics sur notre territoire national.

Monsieur Bernard-Reymond, je vous remercie de saluer les initiatives et les orientations de ce budget. J'ai noté votre impatience, qui me paraît au demeurant bien naturelle, d'autant que j'ai la même !

S'agissant de l'exemple canadien, auquel vous vous êtes également référé, je me permets de vous renvoyer à la réponse que j'ai apportée tout à l'heure à M. de Montesquiou.

Je partage votre diagnostic au sujet des contraintes - les intérêts de la dette, les pensions - qui ont encadré l'évolution de ce budget. Simplement, il faut que nous sachions nous en extraire.

Tel est d'ailleurs bien le sens de votre message, monsieur Lambert.

Vous avez employé cette extraordinaire formule des « chiffres qui crient » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, cela marque !

M. Éric Woerth, ministre. Cette expression m'a, en effet, figé à mon banc !

Vous avez raison, monsieur Lambert, les chiffres ne sont pas une opinion de comptable, comme on le dit souvent ; c'est la réalité des choses qui se traduit, à un moment donné, par des chiffres.

Vous avez ajouté que rien n'était perdu. J'ai aussi cette conviction profonde que nous nous devons d'affronter la réalité, de ne pas édulcorer tel ou tel chiffre parce qu'il n'irait pas dans le sens souhaité et, en même temps, nous de dire que rien n'est perdu, à condition de faire les efforts nécessaires.

J'ai essayé de démontrer que nous allions dans ce sens, mais vous connaissez trop la situation politique pour ne pas mesurer les efforts qui sont accomplis.

Quant à votre proposition de réforme constitutionnelle, il faut en débattre, mais j'ai le sentiment que la commission des affaires sociales ne partage pas votre point de vue, même si les deux commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale ont à peu près la même approche. On retrouve probablement là une sorte de déséquilibre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme dans l'exécutif, d'ailleurs ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. En effet !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les lois doivent être un terrain de rapprochement !

M. Éric Woerth, ministre. On peut améliorer tous les systèmes et tous les modes de gouvernance. Une telle réforme permettrait d'introduire plus de clarté, ce qui est souhaitable à partir du moment où les comptes sont « consolidés » dans mon ministère sur le plan national, par rapport au reste du monde et surtout à nos partenaires européens.

Néanmoins, le problème des déséquilibres des finances publiques se résoudra avant tout par la maîtrise réelle de la dépense, et non pas uniquement par la gouvernance, quelle que soit l'organisation de cette dernière.

Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet dans le cadre de la mission que vous avez demandée, avec votre collègue député M. Migaud, afin que nous puissions avancer rapidement sur ce point.

En ce qui concerne les ressources humaines, bien sûr, il faut lutter contre l'ankylose. Mais il importe d'aller plus loin aussi bien en termes de gestion du volume des effectifs que de valorisation des ressources humaines.

Ce point est extrêmement important, car on a trop souvent tendance à caricaturer le statut des fonctionnaires. Il faut leur redonner leur fierté, leur montrer que nous les aimons, parce qu'ils sont au service de l'État, tout comme nous, les politiques, parce qu'ils exercent un métier difficile.

En même temps, nous ne devons pas nous extraire de la réalité, celle du poids que représentent dans la dépense publique les salaires, les traitements et des pensions des fonctionnaires.

Nous allons voir si nous pouvons répondre à votre demande de stabiliser ce vaste ensemble, de mieux utiliser la fongibilité asymétrique. C'est un exercice très difficile, sachant que les pensions connaissent une dérive de 2 milliards d'euros cette année. Cela étant, il fallait rétablir la réalité des chiffres sur les pensions.

En outre, à partir du moment où il ne sera pas procédé au remplacement d'un fonctionnaire au moins sur deux partant à la retraite, sans que soit pour autant affectée la qualité du service public, grâce aux résultats de la révision générale des politiques publiques, nous parviendrons à mieux maîtriser la masse salariale.

Enfin, la loi de finances pluriannuelle doit être au coeur de nos préoccupations pour éclairer la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. C'est celle qui a été présentée par Christine Lagarde devant nos partenaires européens et que nous vous avons exposée lors du débat d'orientation budgétaire. Elle soutiendra, à partir de 2009, un rythme plus soutenu d'assainissement de nos finances publiques, pour parvenir en 2012 à l'équilibre de l'ensemble de notre sphère publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'excellent dialogue qui s'est engagé durant cette première journée d'examen du projet de loi de finances pour 2008.

Éric Woerth m'a chargée de répondre à certaines questions qui lui ont été posées. Je le ferai selon le schéma suivant : les questions macroéconomiques, d'abord ; les questions relatives à l'endettement, ensuite ; les questions de nature fiscale, enfin.

Concernant les questions macroéconomiques, plusieurs d'entre vous ont commenté l'évolution du prix des produits pétroliers.

Il faut se souvenir que celle-ci dépend, d'une part, de la demande, d'autre part, d'un phénomène de spéculation qu'on n'observait pas il y a encore quelques mois. Si le prix de ces produits a fortement augmenté ces derniers temps, il a aussi varié de manière très erratique au cours d'un même mois et, parfois, au cours d'une même semaine, allant jusqu'à perdre entre 8 % et 12 % en l'espace de quelques jours.

C'est pourquoi il faut demeurer prudent. En novembre, la Commission européenne, dans ses prévisions, tablait sur un cours moyen du baril à 78,8 dollars en 2008, soit 5 dollars de plus que notre propre prévision.

Monsieur Marc, vous nous dites qu'une augmentation de 20 dollars du prix du baril de pétrole a pour conséquence une diminution de un point de la croissance. Je crois que c'est inexact, d'une part, en raison de ce mouvement extrêmement erratique des prix que je viens d'évoquer, d'autre part, parce que les effets d'une hausse se font sentir plusieurs trimestres après que celle-ci s'est produite. Ce phénomène tient non seulement à l'engagement pris par les pays producteurs de lisser les hausses, mais encore, tout simplement, à l'existence de stocks.

Le récent regain inflationniste est, bien sûr, étroitement lié à l'augmentation du prix des produits pétroliers. Bien qu'il n'y ait là matière ni à consolation ni à satisfecit, on doit néanmoins apprécier que la France parvienne, mieux que ses voisins européens, à maîtriser son inflation. C'est d'ailleurs ce que confirment les prévisions de la Commission.

Monsieur le président de la commission, vous avez évoqué la question des fonds souverains. Vous savez que nous sommes très attentifs au développement de ce phénomène, qui pose avec acuité la question des grands équilibres mondiaux, celle des grands investissements et de la manière dont ceux-ci sont financés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les fonds souverains trouvent en effet leur origine dans les excédents de la balance des paiements de certains pays. Certes, ces pays sont généralement performants, mais il convient aussi de souligner que beaucoup d'entre eux gèrent leurs changes non par des mécanismes de marché, mais selon des régimes administrés. En outre, leurs bons résultats sont aussi dus aux excédents de leur balance commerciale, mais ceux-ci résultent dans bien des cas d'une rente, notamment pétrolière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut être extrêmement attentif à la réponse qu'il convient d'apporter à ces fonds souverains.

À cet égard, comme en matière de changes, la France a adopté une position très affirmative. Tant nos partenaires de l'Eurogroupe que ceux du G7 et du G20 sont conscients de ce que cette question doit être abordée en concertation avec les pays dont sont originaires ces fonds souverains. Tel est l'objet de la résolution qui a été transmise par l'ensemble des pays membres du Fonds monétaire international à son nouveau directeur, ainsi qu'à l'OCDE, résolution dans laquelle ils demandent à ces deux institutions de faire des propositions visant à de meilleures pratiques et à la mise en place de codes.

Il ne faut pas se servir des fonds souverains comme d'un épouvantail. Je rappelle que certains fonds singapouriens existent depuis plus de vingt-cinq ans, qu'il existe un fonds norvégien très ancien, que la plupart des fonds des pays du Golfe comme le Koweït ou les Émirats ont été créés il y a plus de vingt ans, et que les uns et les autres se comportent comme des investisseurs parfaitement légitimes : ils ne doivent donc susciter aucune appréhension particulière.

Plus fondamentalement, ces fonds peuvent probablement mieux participer à la « formation professionnelle » des fonds nouveaux issus de pays émergents, afin que ceux-ci répondent aux caractéristiques que j'évoquais à l'instant.

Nous allons poursuivre le travail pédagogique que nous avons engagé au sein des instances internationales pour demander plus de transparence sur les stratégies d'investissement de ces fonds, ainsi qu'une meilleure communication.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et davantage de réciprocité !

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais nous devons nous garder de les englober tous et d'en faire les épouvantails d'un nouveau capitalisme prédateur qui remettrait en cause notre économie.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué, respectivement dans votre rapport et dans votre intervention, la question du commerce extérieur et de sa contribution à la croissance.

Tout comme l'INSEE et les économistes de Morgan Stanley, qui sont encore plus optimistes, je crois que, en 2008, le commerce extérieur sera au pis neutre pour la croissance, au mieux légèrement contributeur, contrairement à ce qu'il s'est passé en 2007. J'espère que la croissance de 3,8 % des exportations que nous avons observée au cours du troisième trimestre de cette année perdurera. Et l'on sait à quel point les troisième et quatrième trimestres d'une année n-1 sont importants pour la détermination de la croissance de l'année n.

Monsieur le rapporteur général, permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que, si la balance commerciale est un indicateur de la compétitivité de la France vis-à-vis du reste du monde, notre balance des paiements courants est excédentaire ; or, vous le savez, elle retrace, outre les échanges de marchandises, les échanges de services, notamment les transactions liées au tourisme, domaine dans lequel la France est actuellement en position de champion, dirai-je pour éviter de recourir à un anglicisme qui serait en l'occurrence de mauvais aloi. Quoi qu'il en soit, si nous devons consolider notre position, nous devons aussi tenir compte de ces apports à la croissance française.

J'ai entendu M. Bourdin soutenir une politique de la demande, cependant que M. Bernard-Reymond soutenait quant à lui une politique de l'offre productive. Les différentes mesures votées au cours du mois d'août et celles qui sont contenues dans ce projet de loi de finances répondent à l'un comme à l'autre.

Je crois indispensable de soutenir l'offre productive, à l'amélioration de laquelle le crédit impôt recherche me paraît répondre précisément.

Merci, monsieur le président de la commission, d'avoir souligné - et avec quel style ! - que le Gouvernement ne cédait pas aux « enchantements éphémères », mais avait fait le choix, avec une « détermination calme et résolue », d'engager des réformes durables qui contribueront à renforcer l'offre des entreprises françaises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce que je pense !

Mme Christine Lagarde, ministre. On parle souvent à ce sujet d'une simple politique d'amélioration de la demande- comme si une politique pouvait être simple ! - par le biais du financement des mesures associées aux heures supplémentaires, de la défiscalisation et des exonérations de charges.

Pour l'essentiel, ces dispositions visent effectivement à soutenir la demande dès lors que, profitant à celui qui effectue des heures supplémentaires, elles lui permettront de consacrer son surplus de pouvoir d'achat, pour une partie, à des produits importés,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...mais aussi, pour une autre partie, à des biens et des services produits et facturés en France ; je pense notamment aux dépenses contraintes, qu'on évoque si souvent actuellement.

Cependant, n'oublions pas que la diminution des charges sociales patronales contribue, elle aussi, à l'amélioration de l'offre dans la mesure où elle est de nature à rendre plus compétitif le travail des salariés français au sein des entreprises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. J'ajoute que le financement d'heures supplémentaires ne peut que contribuer à la réalisation de notre ambition de réduire le chômage et d'augmenter l'offre d'emplois disponibles.

La politique économique du Gouvernement est pragmatique plutôt que dogmatique. Elle n'est pas « 100 % offre » ou « 100 % demande ». Compte tenu des nuages qui se sont accumulés ces dernières semaines sur l'économie mondiale, et donc sur les facteurs exogènes de notre croissance, il n'était peut-être pas de mauvaise politique que d'avoir pratiqué peu ou prou une relance par la demande. Même ceux qui prônent exclusivement une relance par l'offre pourraient en convenir.

Au titre des mesures pragmatiques, je voudrais citer notamment le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.

Monsieur Badré, vous avez annoncé l'intention du groupe de l'UC-UDF de proposer la suppression pure et simple de l'article 7 du projet de loi de finances pour 2008. Vous savez mon attachement au retour à l'équilibre des finances publiques, au plus tard en 2012. En général, c'est moi qui, à Bruxelles ou ailleurs, devant l'Eurogroupe, défends la position de la France et rappelle la rigueur - j'ose le mot - de nos engagements.

Là, il ne s'agit pas de dépenser pour dépenser : il s'agit de permettre à nos concitoyens, en particulier les ménages qui sont parfois les plus modestes, d'accéder à la propriété de leur logement. On le sait, la cohésion sociale passe très souvent par l'accession à la propriété et cette mesure me paraît de nature à renforcer cette détermination.

J'en viens maintenant à la politique en matière d'endettement de l'État.

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué la possibilité de fixer en loi de finances un plafond d'emprunt à moyen et long terme de l'État.

Comme vous le soulignez, le plafond d'emprunt ne couvre que les emprunts à moyen et long terme de l'État, c'est-à-dire ceux dont la durée est supérieure à une année.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui ! Cela ne va pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Comme l'avait souligné Alain Lambert devant la Haute Assemblée lors de l'examen de la loi organique relative aux lois de finances, ce plafond ne peut concerner les emprunts à court terme, qui sont utilisés essentiellement pour couvrir les besoins de trésorerie de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Là, ce n'est pas le cas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Instaurer un plafond pour ces titres ferait courir à l'État le risque de ne pas être en mesure de couvrir ses engagements en cas d'aléas de trésorerie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Fiction !

Mme Christine Lagarde, ministre. L'augmentation des emprunts à court terme revêt un caractère exceptionnel et correspond à un double souci de bonne gestion.

D'une part, il permet d'éviter un ressaut brutal, en 2008, des émissions à moyen et long terme de l'État, compte tenu des amortissements élevés constatés pour 2008. Un tel ressaut pourrait dégrader les conditions de financement de l'État, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même souligné.

D'autre part, l'État dispose de marges de manoeuvre sur le compartiment des titres à court terme, dont l'encours a baissé de près de 30 milliards d'euros l'an dernier. Une augmentation de l'encours des titres à court terme permettra de maintenir la liquidité de ce compartiment de marché, condition nécessaire au maintien d'un taux de refinancement attractif pour l'État à court terme.

Le recours à un financement de court terme est certes plus volatil, mais il se révèle, en moyenne, moins coûteux pour l'État, même dans le contexte actuel d'aplatissement de la courbe des taux. Il est vrai que la charge budgétaire associée à l'émission de la dette à court terme a un impact immédiat, alors qu'il existe un décalage de l'ordre d'un an pour la dette à moyen et long terme. Il s'agit cependant d'un effet purement budgétaire, sans lien avec le coût financier réel pour l'État.

Vous évoquez enfin la difficile distinction entre emprunt et trésorerie : le tableau de financement associé au projet de loi de finances l'expose très clairement puisqu'il présente, d'une part, les émissions et les remboursements de dette à moyen et long terme et, d'autre part, la variation de la dette à court terme. L'information de la représentation nationale et de l'ensemble de nos concitoyens est complète et j'entends bien qu'elle le demeure.

Je regrette, comme vous, l'écart entre les taux français et allemand. Il convient toutefois de rester prudent dans l'interprétation de ces données financières, car des facteurs techniques, qui concernent l'ensemble des dettes publiques européennes, en expliquent l'essentiel.

J'en viens maintenant aux questions à caractère purement fiscal et, pour commencer, au coût du bouclier fiscal institué par la loi du 21 août 2007,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Coût très surestimé !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...ainsi qu'à la question accessoire de l'autoliquidation.

Monsieur le rapporteur général, vous le savez, lorsque les services procèdent à l'évaluation du bouclier fiscal, ils retraitent les fichiers reprenant les données fiscales des contribuables et retiennent tous ceux qui ont objectivement intérêt à demander le bénéfice du bouclier fiscal.

Toutes les personnes qui ont théoriquement droit au bouclier fiscal ne demandent pas à en bénéficier, ce qui explique l'écart entre son coût estimé pour 2007 et son coût réel, environ deux fois moins élevé.

M. François Marc. C'est qu'elles ne croient pas en vous !

Mme Christine Lagarde, ministre. Éric Woerth a demandé que l'administration fiscale procède à une information des contribuables pouvant bénéficier du bouclier fiscal. Je vois là une excellente démarche pour leur permettre de jouir de leurs droits.

Vous avez aussi évoqué l'autoliquidation du bouclier fiscal.

Le Gouvernement n'y est toujours pas favorable, bien entendu pour un motif budgétaire : quelle que soit l'évaluation que nous retenions, monsieur le rapporteur général, l'autoliquidation conduirait de toute façon à enregistrer deux années de coût de la mesure lors de l'année de transition.

Je rappelle en outre qu'environ un demandeur du bouclier sur six voit sa demande refusée. On peut imaginer ce que serait ce ratio en cas d'autoliquidation. Il ne faut donc pas sous-estimer l'intérêt d'une démarche déclarative pour la mise en oeuvre du bouclier, dans la mesure où, par ailleurs, Éric Woerth et moi-même avons demandé aux services de l'administration fiscale dont nous assurons respectivement la tutelle de se placer vis-à-vis des contribuables, fussent-ils redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, dans un rapport de conseil plutôt que de contrôle, de confiance plutôt que de défiance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas très convaincant !

Mme Christine Lagarde, ministre. Autre mesure que vous avez évoquée : le prélèvement libératoire pour les dirigeants non salariés, quelle que soit leur participation au capital.

Cette proposition est pertinente, car elle me semble notamment nous prémunir contre tout risque d'optimisation entre dividende et salaire, puisque l'amendement de la commission ne vise que les dirigeants non salariés.

Vous avez par ailleurs proposé le relèvement du seuil d'imposition des cessions de valeurs mobilières à 25 000 euros et, au-delà, le prélèvement libératoire à 18 %.

C'est encore une proposition très intéressante de la commission des finances. Nous devons rechercher une fiscalité équilibrée sur les dividendes, et votre solution, monsieur le rapporteur général, me paraît à cet égard aller dans le bon sens.

Vous avez suggéré la mise en oeuvre d'un régime de résident fiscal temporaire sur agrément.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous le dis comme je le pense, j'aimerais que nous travaillions ensemble sur cette proposition extrêmement judicieuse, elle aussi, et que nous prenions le temps de comparer le régime fiscal applicable aux non-résidents en France et en Grande-Bretagne, par exemple.

La fiscalité britannique est actuellement en cours d'évolution, et il y a lieu de s'interroger sur les raisons de ces changements. Ainsi, nous pourrions tirer parti des meilleures pratiques britanniques pour renforcer la compétitivité et l'attractivité de notre territoire, d'autant que ces régimes sont souvent invoqués par ceux qui contribuent généralement à faire d'un endroit particulier une bonne place financière, et je vous rappelle que j'ai cette ambition pour Paris et l'ensemble de notre pays.

Le dernier point que vous avez évoqué concerne la déductibilité des cotisations dépendance versées sur un contrat couplé à un contrat d'épargne retraite.

Nous avons, vous le savez, un rendez-vous important en 2008 sur ce sujet : il s'agit de la couverture d'un cinquième risque, celui de la dépendance. Nous devrons à cette occasion, avec Xavier Bertrand, nous poser la question de savoir où est la ligne de partage, le point d'équilibre entre un financement fondé essentiellement sur la solidarité et un financement qui reposerait sur la gestion du risque par l'individu, y compris grâce à l'intervention des compagnies d'assurance et des mutuelles.

Enfin, je répondrai à M. Alain Lambert, qui souhaite que nous passions du quinquennat de l'espérance à celui de la renaissance. J'avais, quant à moi, parlé de rigueur et de vigueur. Je vois que nous nous inspirons des mêmes sources, qui sont d'ailleurs de nature présidentielle, puisque c'était le candidat Sarkozy qui avait invoqué l'esprit de la Renaissance. (Exclamations sarcastiques sur les travées du groupe socialiste.)

Il est parfaitement opportun d'évoquer l'esprit de la Renaissance et d'appeler à ce qu'il souffle sur la France.

Souvenons-nous que c'est d'ailleurs dans des villes italiennes magnifiquement gérées que sont nés et ont prospéré un certain nombre d'instruments financiers qui sont encore en usage aujourd'hui, à commencer par la lettre de change.

Dans ces mêmes villes, croissance se mariait allègrement avec culture, rigueur avec vigueur, espérance avec renaissance, et c'est dans cet esprit de la Renaissance, fondé sur des finances publiques solides, sur une ingénierie financière intelligente et créative que, comme les Médicis et les Pazzi en leur temps, nous ferons en sorte que se lève sur la France cet esprit de renaissance que vous appelez de vos voeux.

Je conclurai en vous indiquant que la trajectoire des finances publiques que je soumettrai au début de décembre à nos partenaires européens sera évidemment communiquée auparavant à votre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Question préalable (interruption de la discussion)

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°I-246.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide  qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2008 adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2008 ne déroge pas aux orientations imprimées par les lois équivalentes depuis 2002 que nous avons combattues sans la moindre ambiguïté.

Par cette motion tendant à opposer la question préalable, notre groupe propose donc de ne pas débattre d'un texte dont nous rejetons les dispositions.

La raison principale est que le cadrage économique et les hypothèses qui sous-tendent le projet de loi de finances pour 2008 sont manifestement trop optimistes au regard de la conjoncture.

Je ferai d'ailleurs observer que la prévision de croissance des lois de finances votées depuis 2002 n'a jamais été finalement enregistrée : le taux constaté a toujours été inférieur à celui qui était attendu. Et il y a fort à parier qu'il en sera de même pour le présent projet de budget.

Notons simplement que, chaque année, les lois de finances ont prévu de 2 % à 2,5 % de croissance du produit intérieur brut, et que nous avons peiné, tous les ans, à nous retrouver aux alentours des 2 %, nous situant le plus souvent en dessous de ce chiffre.

Évidemment, nous pourrions nous demander pourquoi cette situation économique plutôt dégradée, avec une croissance « molle », ne se traduit pas par une aggravation des déficits publics plus marquée qu'elle ne l'est aujourd'hui ?

Sur ce point, il est intéressant de relever l'explication fournie par l'INSEE, qui indique dans la présentation des comptes nationaux pour l'année 2006 : « La consommation des ménages et l'investissement restent dynamiques. Le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages gagne de la vigueur et leur taux d'épargne progresse. Le taux de marge des sociétés non financières se maintient. Le déficit public se réduit, sous l'effet d'une hausse du taux de prélèvements obligatoires et d'un ralentissement des dépenses publiques. »

Soulignons ce dernier point, tout à fait essentiel : le déficit public se réduit sous l'effet d'une hausse du taux de prélèvements obligatoires et d'un ralentissement des dépenses publiques.

Ainsi, chers collègues de la majorité, vous avez voté depuis 2002 des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale qui n'ont pas permis de réduire le taux de prélèvements obligatoires, mais qui ont conduit, dans le même temps, à la réduction de la dépense publique !

Pour les Français, tout est donc très simple : depuis 2002, ils paient plus d'impôts et ils disposent en retour de toujours moins de services publics !

Tout au plus, ces prélèvements obligatoires sont simplement distribués différemment, la perception de droits indirects prenant une part sans cesse plus importante dans l'ensemble des prélèvements, au détriment de l'impôt direct.

Autre résultat de vos choix politiques : la distribution de l'impôt sur le revenu est aujourd'hui différente et celui-ci frappe plus nettement les salariés modestes et moyens que les très hauts revenus. J'évoquerai quelques chiffres fournis par le ministère des finances sur l'un de ses sites d'information en ligne.

Les contribuables disposant d'un revenu fiscal de référence supérieur à 78 000 euros, c'est-à-dire un ensemble constitué de 1 % environ du total des contribuables de ce pays, ont capitalisé depuis 2002 le quart de la hausse du revenu imposable ! Le taux de prélèvement apparent frappant ces revenus n'a pourtant pas suivi le même chemin et est resté stable, se situant aux alentours de 23 %.

Dans une ville comme Paris, nous obtenons un résultat encore plus spectaculaire. Les contribuables parisiens les plus aisés ont en effet cumulé les trois quarts de la progression des revenus imposables entre 2002 et 2005, et pourtant, le taux de prélèvement apparent pesant sur leurs revenus s'est réduit, passant de 26,9 % à 26,4 % !

Nul doute que l'optimisation fiscale sous toutes ses formes, largement permise par l'ensemble des dispositions que vous avez ajoutées depuis 2002 aux niches fiscales et aux divers dispositifs dérogatoires déjà existants, a trouvé à s'appliquer à la situation de nombre de ces 70 000 privilégiés.

Attendons d'ailleurs avec intérêt les chiffres de l'année 2006 - année de la réforme de l'impôt sur le revenu - pour mieux constater encore le résultat !

Attendons notamment de mesurer à quel point la suppression de l'abattement de 20 % et son intégration dans le barème permettront encore mieux aux très hauts revenus de tirer pleinement parti de la pseudo-réforme de l'impôt, votée à la fin de 2005.

Examinons maintenant la question de la dépense publique.

Cette dépense publique a globalement été freinée depuis 2002, et ce freinage conduit d'ailleurs, si l'on s'en tient aux termes de ce projet de loi de finances pour 2008, au blocage pur et simple.

Cette situation n'est pas bonne pour la croissance, car le ralentissement de la dépense publique a clairement un impact sur l'activité de très nombreuses entreprises fournisseurs de l'État comme des autres collectivités publiques.

Mais elle n'est pas non plus satisfaisante pour le compte de l'État lui-même. En effet, l'effondrement de la formation brute de capital fixe des administrations publiques, c'est-à-dire de leurs dépenses d'équipement, contribue au ralentissement de l'activité économique.

Cela signifie que le déficit budgétaire de l'État ne participe pas à l'équipement de la nation.

Cependant, d'autres facteurs pèsent aujourd'hui dans les comptes publics et dans ce projet de loi de finances pour détériorer la situation à long terme.

Nous avons devant nous un étrange projet de budget, dont le premier poste de dépenses est constitué par la mission « Remboursements et dégrèvements » : son montant, particulièrement important - 83,16 milliards d'euros, dont 67 milliards d'euros de transfert aux entreprises -, est supérieur au montant des crédits engagés au titre des missions « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur ».

Mais ce n'est pas tout.

Quand on procède à l'examen de l'évaluation des voies et moyens, on constate que la somme des dépenses fiscales intégrées dans ce document dépasse aujourd'hui 71 milliards d'euros.

Nous sommes donc en présence d'un projet de loi de finances qui prévoit des impôts supplémentaires et des dépenses indirectes de plus de 140 milliards d'euros, afin de corriger les effets de la fiscalité, sans que l'évaluation économique de la pertinence de toutes les mesures soit effectuée.

De plus, le projet de loi de finances n'interrompt guère le mouvement d'accroissement des dépenses liées à la dette publique.

L'encours de la dette atteignait à la fin du mois d'octobre 924 milliards d'euros, dont 288 milliards d'euros en bons du Trésor.

Les lois de finances qui ont été adoptées ces dernières années n'ont pas empêché la dette de l'État de progresser de 207 milliards d'euros depuis la fin de 2002, l'année en cours étant d'ailleurs marquée par un nouvel accroissement de la dette globale.

Et cette charge de la dette est d'autant plus lourde que les taux d'intérêt remontent, avec un taux de 4,14 % pour la dette à un an, de 4,19 % pour la dette à cinq ans, et de 4,33 % pour la dette à dix ans.

Le budget de l'État est assez largement contraint, nous le voyons encore avec ce projet de loi de finances, par les transferts de fiscalité liés à la décentralisation comme à la prise en charge des allégements de cotisations sociales.

S'agissant de ce dernier point, que constate-t-on ? Si l'on additionne les crédits ouverts pour les politiques publiques que recouvrent les missions « Travail et emploi », « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Santé », nous constatons qu'ils sont inférieurs aux sommes dédiées, par la voie du transfert de ressources fiscales, à la prise en charge des exonérations de cotisations sociales !

Alors même que l'efficacité des politiques d'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires est directement mise en cause, notamment par des rapports parlementaires, et qu'aucune évaluation concrète n'est produite à l'appui de ces politiques, on va faire en sorte de dépenser encore plus !

Nous ne sommes pas partisans de telles orientations.

Le développement des politiques d'allégement visait, par principe, à permettre aux entreprises de faire face à la concurrence internationale et à renforcer leur compétitivité.

Quels résultats enregistre-t-on ?

Depuis 2002, année où vous avez voté la généralisation des allégements de cotisations sociales, l'emploi industriel n'a cessé de décroître, avec près de 420 000 emplois de moins entre juin 2002 et juin 2007 !

L'emploi dans le secteur tertiaire a connu une progression globale concentrée de manière quasi exclusive sur les services aux particuliers et les services aux entreprises, pour un ensemble proche de 500 000 postes de travail.

Nous avons donc remplacé beaucoup d'emplois industriels qualifiés par des emplois de service déqualifiés ; cette situation trouve d'ailleurs une traduction concrète dans les comptes publics : la croissance exponentielle de la prime pour l'emploi.

En outre, les principaux bénéficiaires des politiques d'allégement des cotisations sociales sont, bien souvent, les chaînes de restauration rapide ou les grands groupes de la distribution, qui ne courent strictement aucun risque face à la concurrence étrangère !

Cette politique d'allégement de cotisations sociales ne fait d'ailleurs pas le bonheur des salariés, dans la mesure où, cela est largement admis, elle tend à écraser les rémunérations au plus bas et au plus près des bornes de l'allégement de cotisations. C'est aussi là qu'il faut voir la source des difficultés de pouvoir d'achat des salariés !

Quand, de surcroît, l'État employeur gèle pratiquement la rémunération de ses propres fonctionnaires avec, chaque année, une revalorisation indiciaire largement inférieure à l'inflation, il n'incite pas le secteur privé à faire mieux.

Enfin, sur un plan budgétaire, cette pseudo-politique de l'emploi a des coûts cachés.

À cet égard, je mentionnerai au premier chef l'ensemble des moins-values qui résultent de niveaux de salaires maintenus trop bas pour alimenter réellement le dynamisme de la consommation.

Mais il y a aussi les dommages collatéraux, comme la prime pour l'emploi ou la prise en charge des exonérations de fiscalité locale, qui découlent de cette incitation à la sous-rémunération du travail.

Le tout se déroule dans un contexte où l'État n'assume pas en totalité la charge qu'il impute à la sécurité sociale. Il s'en faut en effet de 2 milliards à 3 milliards d'euros par an pour que les allégements de cotisations sociales soient intégralement compensés.

Tout, dans ce projet de loi de finances pour 2008 - et je n'ai pas évoqué la question des collectivités locales qui, à elle seule, mériterait de longs débats - persiste à inscrire les politiques publiques dans la ligne des orientations que je viens de détailler.

Tout montre qu'il est temps de revoir la copie, de décider d'un usage plus pertinent et plus efficace des deniers publics, permettant de faire du budget de l'État l'outil de la croissance économique, du développement de l'activité et de l'emploi.

C'est le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable que nous vous invitons à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, en vérité, je suis plutôt surpris par cette motion.

En effet, nos collègues du groupe CRC ont beaucoup d'arguments à développer. Or ils n'en ont exprimé qu'une petite partie. Je vois mal comment ils pourront diffuser leur message si la discussion s'arrête avant même d'avoir commencé ! (Sourires.)

La question préalable est une procédure inadéquate. Mieux vaut, dans un échange démocratique, confronter nos vues article après article, comme le permet le pluralisme qui prévaut au sein de notre assemblée.

C'est donc animé de la volonté de goûter, avec une certaine gourmandise, à cet échange qui, pour être courtois, n'en sera pas moins parfois vif que j'émets un avis défavorable sur cette motion.

La commission a pris cette décision après en avoir délibéré en début d'après-midi, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Longuement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... après avoir bien pesé le pour et le contre.

J'ajoute que l'avis défavorable de la commission traduit une marque de considération pour la contribution que nos collègues du groupe CRC ne manqueront pas d'apporter au débat. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, j'ai appris aujourd'hui que notre éminent collègue M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, avait déposé, en 1992, une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 1993 et que cette motion avait été adoptée. Je me demande au nom de quel principe le groupe communiste républicain et citoyen ne pourrait pas faire de même, d'autant que, nous le savons - inutile d'employer la langue de bois ! -, nous ne serons pas suivis.

Nous ne sommes évidemment pas opposés à ce que les assemblées débattent du projet de loi de finances. L'objet premier de cette motion est de faire en sorte que le présent projet de loi de finances rompe réellement avec les budgets de la précédente législature.

Cette question préalable pose le problème du sens que l'on donne à l'intervention parlementaire dans le débat budgétaire. Dans l'esprit de certains, l'application rigoureuse de la loi organique sur les lois de finances consiste à cantonner les élus de la nation au rôle de gardien du temple de la réduction de la dépense publique, la réalisation d'économies comptables étant réputée synonyme de vertu budgétaire.

Nous considérons que notre mission est plus large et que nous devons, lorsque c'est nécessaire, mettre en question les dispositions fiscales en vigueur.

Pour autant, nous n'avons pas à nous associer plus avant à la révision générale des politiques publiques, dont nous voyons clairement l'objet en lisant le projet de loi de finances pour 2008, en particulier la seconde partie relative aux dépenses et aux crédits des missions des programmes budgétaires.

On oppose le RMI au RMA ; on taille dans le vif des crédits de la culture, mettant ainsi en cause l'existence de la décentralisation culturelle ; on oppose exonérations de cotisations sociales des entreprises et efforts d'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi ; on supprime des crédits de la politique de la ville, d'où l'impossibilité de réaliser le programme prévu par la loi dite « de cohésion sociale » ; on ne permet pas l'application concrète du droit au logement opposable, et je vous ai posé à ce sujet, monsieur le ministre, une question à laquelle vous n'avez toujours pas répondu ; on gage le surcoût temporaire de la réforme, onéreuse, de la carte judiciaire en remettant en cause l'aide juridictionnelle ; on prétend prendre partiellement en charge les retraites des cheminots tout en taillant de nouveau dans les crédits de développement des transports collectifs.

Par ailleurs, la progression des aides au logement et du financement de l'action sociale d'État n'est pas à la hauteur des besoins.

Que dire encore de la non-participation de l'État à l'équilibre des régimes sociaux en crise structurelle ? Je pense notamment à la Mutualité sociale agricole, qui affiche un déficit cumulé de 10 milliards d'euros.

Cette logique de réduction constante de la dépense publique est apparemment satisfaisante d'un point de vue comptable. D'ailleurs, le collectif de fin d'année ne traduit-il pas une réduction de plus de 3 milliards d'euros du déficit budgétaire voté en loi de finances initiale ?

Tout ce projet de budget s'appuie en réalité sur la béance des besoins non satisfaits et des dépenses non réalisées. Ces raisons ne peuvent que nous conduire à vous demander, mes chers collègues, d'adopter cette motion par scrutin public.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite faire observer à nos collègues Bernard Vera et Thierry Foucaud que la procédure de dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable doit garder un caractère exceptionnel, afin de ne pas être pervertie.

Il est vrai qu'à l'automne 1992 - je venais alors d'être nommé rapporteur général -, après une assez longue discussion, le Sénat a décidé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur projet de loi de finances pour 1993, tant ce projet était insincère.

M. Alain Lambert. Une question préalable tous les quinze ans !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'exécution du budget nous a malheureusement permis de vérifier la validité de cette analyse.

Si le présent projet de loi de finances affiche un déficit prévisionnel significatif, plusieurs orateurs l'ont souligné, au moins est-il sincère ! Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.

Cette sincérité, qui souligne la gravité de la situation, doit être un élément pédagogique fort, pour aider nos compatriotes à comprendre l'urgence et la nécessité de la réforme de l'État et de la maîtrise des dépenses publiques.

La fin de l'année 1992 fut assez étonnante. Nous n'avions pas opposé la question préalable à la loi de finances rectificative par laquelle on demandait au Parlement de valider un produit extrêmement complexe, les titres subordonnés à durée indéterminée, les TSDI. Il s'agissait d'émettre des titres « repackagés » dans îles Caïman afin de permettre la recapitalisation des entreprises publiques dans le respect du dogme du « ni-ni » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le Trésor qui avait trouvé cela !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Autre époque, autre attitude ! Je considère en toute franchise qu'il serait fâcheux de ne pas pouvoir délibérer du projet de loi de finances pour 2008. Nous avons de nombreuses questions à évoquer. Le Gouvernement, nous le savons, va nous donner les moyens de rendre ce projet de loi de finances encore plus sincère...

Mme Nicole Bricq. Cela veut dire qu'il ne l'est pas tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut toujours progresser !

Mme Nicole Bricq. Nous verrons ! J'attends avec impatience la loi de règlement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne peux donc que confirmer l'avis qu'a exprimé M. le rapporteur général au nom de la commission des finances et inviter le Sénat à repousser cette question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-246, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 36 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 229
Majorité absolue des suffrages exprimés 115
Pour l'adoption 30
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

7

Transmission d'un projet de loi

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 97, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

8

Dépôt de propositions de loi

M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Richert, Jacques Legendre, Mme Élisabeth Lamure, MM. Jean-Paul Alduy, Alain Milon, Philippe Leroy, Robert del Picchia, Claude Belot, Laurent Béteille, Mme Catherine Troendle, M. Jean-Claude Carle, Mme Christiane Kammermann, MM. Bernard Saugey, Gérard Cornu, Rémy Pointereau, Bernard Murat, Hubert Falco, Charles Pasqua, Jean-René Lecerf, Benoît Huré, Francis Giraud, Jackie Pierre, Christian Cointat, Ladislas Poniatowski, Georges Gruillot, Mme Esther Sittler, MM. Serge Dassault, Francis Grignon, Louis Grillot, Jean Puech, Mme Fabienne Keller, MM. Roland du Luart, Michel Houel, André Lardeux, Hubert Haenel, Charles Ginésy, André Dulait, Mmes Brigitte Bout, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Soibahaddine Ibrahim, François Trucy, Mme Paulette Brisepierre, M. André Ferrand, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean-Paul Virapoullé, Jean-Pierre Cantegrit, Marcel-Pierre Cléach, Bernard Barraux, Jean-Paul Émin, Eric Doligé, Henri Revol, Jean-Pierre Vial, François Gerbaud, Michel Bécot, Mmes Colette Melot, Christiane Hummel, M. Paul Blanc, Mme Janine Rozier, MM. Yannick Texier, Daniel Bernardet, Roger Besse, Joël Billard, Jean Bizet, Jacques Blanc, Joël Bourdin, Dominique Braye, François-Noël Buffet, Auguste Cazalet, Gérard César, Philippe Dallier, Christian Demuynck, Michel Doublet, Alain Dufaut, Louis Duvernois, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Jean Faure, Alain Fouché, Jean-Claude Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, Adrien Gouteyron, Michel Guerry, Mme Françoise Henneron, MM. Jean-Marc Juilhard, Robert Laufoaulu, Jean-François Le Grand, Gérard Longuet, Simon Loueckhote, Jean-Luc Miraux, Mme Monique Papon, M. Hugues Portelli, Mme Catherine Procaccia, MM. Henri de Richemont et André Trillard une proposition de loi tendant à modifier le régime des candidatures pour les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.

La proposition de loi sera imprimée sous le n°  98, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de MM. Philippe Richert, Jean-Paul Alduy, Bernard Barraux, René Beaumont, Michel Bécot, Claude Belot, Roger Besse, Laurent Béteille, Jean Bizet, Jacques Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, François-Noël BUFFET, Christian Cambon, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Claude Carle, Gérard César, Marcel-Pierre Cléach, Christian Cointat, Gérard Cornu, Mme Isabelle Debré, MM. Christian Demuynck, Gérard Dériot, Eric Doligé, Michel Doublet, Alain Dufaut, André Dulait, Mme Bernadette Dupont, MM. Louis Duvernois, Michel Esneu, Hubert Falco, André Ferrand, Bernard Fournier, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Georges Gruillot, Michel Guerry, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre Hérisson, Michel Houel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Benoît Huré, Soibahaddine Ibrahim, Jean-Marc Juilhard, Mme Christiane Kammermann, MM. Alain Lambert, Robert Laufoaulu, Jean René Lecerf, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Mmes Lucienne Malovry, Colette Melot, MM. Alain Milon, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Jacques Peyrat, Jackie Pierre, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski, Hugues Portelli, Mme Catherine Procaccia, M. Henri de Richemont, Mme Janine Rozier, M. Bernard Saugey, Mme Esther Sittler, MM. Louis Souvet, André Trillard, Mme Catherine Troendle, MM. François Trucy, Jacques Valade et Alain Vasselle une proposition de loi visant à améliorer le régime de retraite des élus locaux ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à leur mandat.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 99, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil portant adaptation de l'annexe VIII de l'acte d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3698 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3699 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 3491/90 relatif aux importations de riz originaire du Bangladesh.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3700 et distribué.

10

Dépôt d'un rapport

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 91 et distribué.

11

Dépôt d'avis

M. le président. J'ai reçu de MM. David Assouline, Jacques Legendre, Philippe Nachbar, Serge Lagauche Ambroise Dupont, Philippe Richert, Mmes Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Louis de Broissia, Pierre Laffitte, Jean-Léonce Dupont, Bernard Murat, Pierre Martin et Serge Lagauche un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 92 et distribué.

J'ai reçu de MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau, Alain Gérard, Pierre Hérisson, Gérard Cornu, Jean Bizet, Roland Courteau, Georges Gruillot, Charles Revet, Jean-François Le Grand, Claude Lise, Jean Paul Alduy, Dominique Mortemousque, Henri Revol, Jean Boyer, Bernard Piras, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. Pierre André, Thierry Repentin et Michel Bécot un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 93 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-Guy Branger, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Paulette Brisepierre, MM. André Dulait, Philippe Nogrix, André Boyer, Xavier Pintat, Didier Boulaud, Jean Faure, Jean-Guy Branger et Hubert Haenel un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 94 et distribué.

J'ai reçu de Mmes Janine Rozier, Anne-Marie Payet, MM. Dominique Leclerc, Alain Milon, Gilbert Barbier, Paul Blanc, Louis Souvet et Jean Marie Vanlerenberghe un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 95 et distribué.

J'ai reçu de M. José Balarello, Mme Jacqueline Gourault, MM. Yves Détraigne, Simon Sutour, Jean-René Lecerf, Nicolas Alfonsi, Christian Cointat, Bernard Saugey, Jean-Patrick Courtois, François-Noël Buffet et Mme Catherine Troendle un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).

L'avis sera imprimé sous le n° 96 et distribué.

12

Dépôt de rapports d'information

M. le président. J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée, au cours de la deuxième partie de la session ordinaire de 2007, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 100 et distribué.

J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée, au cours de la troisième partie de la session ordinaire de 2007, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 101 et distribué.

J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée, au cours de la quatrième partie de la session ordinaire de 2007, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 102 et distribué.

13

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 23 novembre 2007 :

À dix heures quinze :

1. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Rapport (n° 89, 2007-2008) de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat.

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008). Examen des articles de la première partie - Conditions générales de l'équilibre financier (articles 1er à 33 et état A).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Vote de l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2008

En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits des missions pour le projet de loi de finances pour 2008

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2008 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD