M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, c'est sur le volet social de l'action que vous menez en faveur de nos compatriotes expatriés que mon attention se porte depuis de nombreuses années. Dans ce budget, j'aborderai donc plus particulièrement les crédits d'assistance.

Permettez-moi, tout d'abord, de rappeler que, sur l'initiative de Raymond Barre, ces crédits existent depuis 1977 et qu'ils permettent d'aider nos compatriotes expatriés démunis, handicapés ou âgés, ainsi que - ce qui est plus récent - les enfants en détresse. Ils permettent également, depuis maintenant plusieurs années, la prise en charge, pour nos compatriotes les plus modestes, d'un tiers de leur cotisation maladie à la Caisse des Français de l'étranger, la CFE.

Ces crédits, inscrits dans le projet de loi de finances au sein de la mission « Action extérieure de l'État », sont rattachés au programme 151 « Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes », renommé ainsi sur l'initiative de notre excellente collègue députée Geneviève Colot, rapporteur pour avis sur ce budget, et à la sous-action 02. Pour 2008, ils s'élèvent à 19,185 millions d'euros se répartissant entre l'aide aux personnes, avec 15,570 millions, l'aide à la troisième catégorie de la CFE, avec 2,8 millions, et les subventions aux sociétés de bienfaisance, avec 815 000 euros.

Si l'on considère uniquement les aides aux personnes, aides directes de nos consulats versées à nos compatriotes et aides versées aux sociétés de bienfaisance, les crédits pour 2008 sont de 16,385 millions d'euros, en régression par rapport à 2007.

Certes, un effort important et justifié a été réalisé dans le domaine de l'enseignement, et il va se poursuivre. À cet égard, je suis d'ailleurs tout à fait favorable aux mesures qui ont été prises en faveur des enfants français en matière d'aide à l'enseignement. Sur ce sujet, je m'étonne des propos de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et de M. David Assouline, respectivement rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles : parlaient-ils au nom de leur commission ou exprimaient-ils un avis personnel ?

M. Robert del Picchia. Bonne question !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. J'ai été très clair !

M. Jean-Pierre Cantegrit. D'ailleurs, Mme Cerisier-ben Guiga aurait parfaitement pu exprimer tout à l'heure son point de vue personnel, puisqu'elle est inscrite dans la discussion !

Si les rapporteurs expriment maintenant leur avis personnel, au nom de la commission qu'ils représentent, j'avoue que je ne comprends plus ; il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée de procéder ainsi !

M. Dominique Braye. Il s'agit d'un vrai problème ! C'est la confusion des genres !

M. Robert Hue. Quel esprit hégémonique ! C'est incroyable !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Poutine, c'est demain !

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, nous avons un devoir de solidarité envers nos compatriotes, et je m'inquiète.

Certes, en 2007, le cours de l'euro a permis d'aider un nombre plus important de bénéficiaires d'allocations de solidarité et d'allocations pour les handicapés, ainsi qu'un nombre croissant, mais qui reste limité, d'enfants en détresse. Toutefois, la minutie et la rigueur sont permanentes, et ce depuis plusieurs années, dans la gestion qu'assure à cet égard la Direction des Français de l'étranger.

Ainsi, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger du ministère des affaires étrangères, au sein de laquelle je représente le Sénat, et à qui il revient, en principe, de fixer le montant de ces diverses allocations, ne fait plus désormais qu'entériner les propositions que lui soumet votre administration, monsieur le ministre, car le fait de majorer l'un des montants entraînerait aussitôt la diminution d'un autre. Dans de telles conditions, vous en conviendrez, l'arbitrage est extrêmement difficile.

Je ne vous ferai pas un catalogue des diverses améliorations qui pourraient être apportées, si les crédits le permettaient, telles que la création de maisons de retraite, des campagnes d'information et de prévention des maladies spécifiques à l'expatriation, la création de dispensaires, ou encore l'amélioration de l'aide aux enfants en détresse ; j'ai de nombreuses propositions à vous faire en la matière.

Cependant, je m'arrêterai un instant plus précisément sur la situation des handicapés français à l'étranger.

Alors que, sur le territoire national, les handicapés adultes ou enfants bénéficient, et je m'en réjouis, de tout un ensemble d'aides, financières et matérielles, à l'étranger, ils bénéficient uniquement, et sous condition de ressources, d'une allocation et, éventuellement, selon leur taux de handicap, d'une aide pour tierce personne.

Récemment, au cours d'une mission à l'étranger, on m'a alerté sur le cas de certains enfants handicapés et sur les difficultés que pose leur scolarité à l'étranger. À ce propos, je vous rappelle que le handicap et la réussite scolaire sont deux thèmes chers au Président de la République.

La législation française prévoit, par exemple, des dispositions spécifiques d'accompagnement pédagogique pour les enfants atteints de troubles spécifiques. Si l'application de ces mesures n'est pas encore intégrale en France, elle est inexistante dans les établissements scolaires français à l'étranger, en raison du manque de moyens financiers.

Or, même si le nombre d'enfants français porteurs de ces troubles spécifiques est limité à l'étranger, la proportion est malheureusement, il faut le savoir, la même que celle qui existe sur le territoire national, à savoir 6,4 % dans le primaire, 7,14 % au collège et 6,3 % au lycée.

Il s'agit d'un exemple concret d'une des actions « sociales » qui pourrait être menée par votre ministère, conjointement entre l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui gère les établissements français à l'étranger, et la Direction des Français à l'étranger, qui gère les crédits du pôle social. Mais comment faire si les crédits du pôle social ne connaissent pas une hausse significative ? Telle est la question.

J'aborderai le second volet de mon intervention, non seulement en tant que parlementaire, mais également en tant que président de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle nous nous efforçons de mettre en place des mesures pour faciliter son accès aux Français expatriés ne disposant que de faibles ressources.

C'est ainsi que, dès 2001, un consensus s'est dégagé au sein du conseil d'administration de la CFE, des élus des Français de l'étranger et du Gouvernement pour créer une troisième catégorie « aidée » et mettre en place un dispositif d'aide à l'accès à l'assurance maladie.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'était en 2002, sous le gouvernement Jospin !

M. Jean-Louis Carrère. L'orateur est sourd de l'oreille gauche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Certains sont sourds des deux oreilles !

M. Jean-Pierre Cantegrit. Ce dispositif consiste à prendre en charge un tiers de la cotisation due en troisième catégorie - la plus faible - par les personnes dont les revenus sont inférieurs à la moitié du plafond de la sécurité sociale, à l'exception des pensionnés et des Français résidant dans l'Union européenne.

Dans un premier temps, cette aide a été financée par la CFE, sur ses fonds propres, puis, ainsi que cela était prévu par la loi de modernisation sociale de 2002, le ministère des affaires étrangères a pris le relais, et une ligne budgétaire spécifique apparaît désormais dans le programme 151.

Toutefois, ayant constaté que le nombre des adhésions dans cette catégorie « aidée » avait tendance à régresser, et que la solution mise en place en 2002 n'était plus appropriée à la situation de nos compatriotes les plus démunis,...

M. Jean-Pierre Cantegrit. ...j'ai proposé au conseil d'administration de la Caisse, en accord avec les deux vice-présidents, d'élargir l'accès à cette troisième catégorie aidée, en relevant de façon significative la part de l'aide de l'État, qui est passée de 33 % à 50 %.

Cette mesure, adoptée à l'unanimité en juin dernier par le conseil d'administration, intéresse donc directement votre ministère et la Direction des Français à l'étranger, qui en a d'ailleurs été aussitôt informée. Sa mise en oeuvre dépend désormais de vous, monsieur le ministre. Elle devrait engendrer un coût supplémentaire de quelque 3,7 millions d'euros. Si je comprends qu'elle n'ait pu être prise en compte dans le projet de budget que vous nous proposez aujourd'hui, il convient toutefois que vos services en tiennent compte dans la préparation du budget pour 2009, afin que nos compatriotes expatriés les plus démunis puissent en bénéficier dès janvier 2009.

Vous l'avez compris, mes propos vont tous dans le même sens : assurer aux Français expatriés les plus modestes l'équivalent de ce qu'ils pourraient avoir en métropole et agir enfin pour que la solidarité nationale ne les oublie pas et s'exprime aussi à leur égard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2008 est importante dans la mesure où elle jette les bases de la politique étrangère de la France pour la nouvelle législature.

Le 27 août dernier, lors de la conférence des ambassadeurs, le chef de l'État a exposé les grandes lignes de sa politique diplomatique pour les cinq prochaines années. Nous sommes réunis aujourd'hui pour voter le budget qui devrait concrétiser cette politique.

La représentation de la France dans le monde est forte de 158 ambassades, 17 représentations permanentes, 97 consulats et 15 000 Français fonctionnaires dans les institutions françaises. Ces chiffres accumulés sont impressionnants et montrent que notre pays est encore, et c'est heureux, extrêmement présent à l'étranger.

Or il ne me semble pas que le budget qui nous est aujourd'hui présenté nous aide à conserver la place importante que nous occupons actuellement au sein du réseau diplomatique mondial.

La politique étrangère de la France voulue par le Président de la République et par le Gouvernement s'accompagne de mots et de signes qui inquiètent tant en France qu'à l'étranger. Leurs conséquences peuvent être lourdes.

Notre diplomatie doit être forte, par son influence, mais aussi, et surtout, par sa capacité d'initiative. Pourtant, monsieur le ministre, quelle proposition formulez-vous ?

Les premières déclarations du Président de la République et du Gouvernement marquent une inclination à un alignement sur la politique « otanienne » des États-Unis.

Pour ma part, si je me sens proche du peuple américain, je n'accepte toutefois pas que mon pays se range aux côtés d'un président en fin de mandat, en quête de coups médiatiques et pratiquant la politique de la terre brûlée ; nous voyons le résultat désastreux en Irak.

Cette situation me semble extrêmement préoccupante et ne me paraît pas de bon augure pour les années à venir. J'en veux pour preuve le penchant du Président de la République pour le retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. Si cette volonté se confirmait, ce serait, je crois, un coup porté à notre indépendance, à notre rayonnement et à notre capacité de dialoguer en toute indépendance avec les peuples, dont notre diplomatie a su témoigner magistralement, en refusant de s'associer au projet de guerre en Irak de l'administration Bush.

Durant les six premiers mois de ce nouveau quinquennat, des déclarations souvent excessives et gravissimes se sont enchaînées. Le discours de Dakar, prononcé au mois de juillet dernier, ne risque pas d'apaiser nos craintes. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas les seuls à être inquiets. Le rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, n'a-t-il pas accusé la France de « légitimer le racisme » dans le monde ?

Après une première polémique sur la manière dont la France traite les questions d'immigration, c'est-à-dire systématiquement de façon ultra-sécuritaire, les propos de Dakar ont creusé une blessure encore plus profonde. Ce que beaucoup considèrent comme un mépris affiché envers nos amis africains continue de ternir l'image de la France.

Oui, notre pays gagnerait à rompre avec cette arrogance et avec ces certitudes dominatrices d'un autre âge. D'ailleurs, c'est le conseil que donne M.  Védrine, dans le rapport qu'il a remis au Président : il exhorte la France à faire preuve d'une plus grande modestie dans sa politique étrangère.

Certaines déclarations « guerrières » de notre diplomatie concernant l'Iran ont été particulièrement choquantes pour beaucoup d'entre nous et n'ont pas grandi la France aux yeux de ceux qui la regardent toujours comme la nation à la recherche de solutions négociées jusqu'au bout et comme le pays des droits de l'homme.

Dans ce domaine, qu'il me soit permis de faire une mise en garde à propos du rapprochement vers la Grande-Bretagne en vue de sanctions contre le président iranien, qui n'auraient pour effet qu'un affaiblissement de l'ONU. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Que s'est-il passé au Liban ? L'intervention du président de la République fut très maladroite et il en a résulté un effet pour le moins contre-productif. Les Libanais sont irrités. Pratiquer la politique du « diviser pour mieux régner » en sachant que les Syriens et les Iraniens sont liés entre eux de longue date ne peut avoir de résultat efficace.

Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous pouvons rendre hommage à votre détermination, bien sûr. Mais la précipitation fébrile du président Sarkozy a certainement gâché tous vos efforts, au point que certains observateurs ont qualifié ces manoeuvres de faux pas.

Concernant le conflit israélo-palestinien, et plus précisément la conférence d'Annapolis qui vient de s'achever, ce ne fut pas, et je le regrette, le « moment historique » que d'aucuns ont décrit. Certes, il ne faut pas minimiser cette amorce de reprise de dialogue, ni surtout le calendrier qui a été élaboré. Toutefois, je reste pessimiste sur l'issue des négociations.

En effet, l'annonce récente d'un gel partiel des colonies par le Premier ministre israélien est en décalage avec l'objectif annoncé, à savoir la création d'un État palestinien. L'échec des négociations pourrait entraîner les Palestiniens vers une radicalisation du pouvoir. Mais comment envisager la création d'un État palestinien viable sur un territoire toujours aussi morcelé ? Nous savons que la situation est complexe. Les inflexions données par le président de la République française peuvent, là encore, inquiéter certains de nos amis. La France doit pleinement jouer son rôle au Proche-Orient. Afin qu'une solution de paix s'impose entre Israël et la Palestine, notre pays doit se montrer plus efficace encore, plus entreprenant. Quant à l'Union européenne, elle doit agir pour que soient rétablis tous les financements de l'Autorité palestinienne.

Je terminerai ce trop rapide tour d'horizon par le drame du Darfour.

Depuis 2003, que de morts et de millions de personnes déplacées à cause de ce conflit ! Selon un rapport de la Fédération internationale des Droits de l'homme, la FIDH, les violations se sont amplifiées et la situation s'est gravement détériorée en 2007. La Conférence de Paris, qui s'est tenue au mois de juin dernier, a rendu des conclusions pleines d'espoir. Selon les termes d'un accord conclu entre l'ONU et l'Union Africaine, 20 000 hommes doivent, sous peu, se déployer dans la région du Darfour.

Concernant la France, quid des corridors humanitaires qui devaient être mis en place dans l'urgence ? Je souhaite que l'action éminemment condamnable de la prétendue ONG l'Arche de Zoé ne remette pas en question ce déploiement. Cette affaire a-t-elle eu des conséquences sur les relations entre la France, le Tchad et le Soudan ? Si oui, lesquelles ?

À ce sujet, la situation dans cette région d'Afrique est suffisamment dramatique pour ne pas en rajouter dans la qualification génocidaire de cette crise. D'ailleurs, je me félicite qu'en réponse à une question que je lui posais en commission des affaires étrangères Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme, m'ait confirmé que, pour la France, les événements du Darfour, certes terriblement dramatiques, ne pouvaient être qualifiés de « génocide ».

Venons-en aux chiffres du budget.

Compte tenu des propos que je viens d'énoncer, nous avons besoin d'un budget substantiel. Or celui du ministère des affaires étrangères stagne, avec 4,534 milliards d'euros, soit plus 1 % par rapport à 2006.

Un seul secteur de cette mission « Action extérieure de l'État » augmente, de 5 millions d'euros, c'est celui qui concerne l'action diplomatique. L'accroissement est d'autant plus faible que ces crédits n'ont cessé de baisser depuis des années. Et que nous propose-t-on ? De rassembler des ambassades de pays différents pour n'en faire qu'une, à l'instar d'un pseudo-consulat franco-allemand. Or un consulat n'est pas en place uniquement pour s'occuper des délivrances de visa. Un consulat, une ambassade, est chargé, en plus des actes administratifs, de jouer un rôle particulièrement actif dans la mise en oeuvre de la diplomatie en France. Les propos d'un ambassadeur ne sont pas sans conséquence ; il suffit de se souvenir des propos contre-productifs tenus au Tchad ! Qu'aurions-nous en commun, si ce n'est l'amitié, avec les Allemands pour réunir nos consulats ? Pour nous qui attachons tant d'importance - et à juste titre ! - au rayonnement de la langue française, ce projet, s'il était réalisé, serait une faute.

Venons-en aux personnels dépendant du ministère des affaires étrangères. Ils ont fait d'énormes sacrifices en subissant les conséquences de réformes successives, lesquelles ont débouché sur des réductions d'emploi. Ainsi, en trois ans, 740 emplois équivalents temps plein ont été supprimés. À cela s'ajoute la perte des recrutés locaux. De plus, ces personnels sont inquiets des restructurations immobilières engagées. Leur transfert entraînera-t-il à nouveau des suppressions de postes ?

On peut comprendre leur désarroi. La politique immobilière du ministère des affaires étrangères frise le scandale. Les bureaux de la rue de la Convention achetés 325 millions et ayant appartenu à l'Imprimerie nationale avaient été vendus par l'État en 2003 pour 85 millions d'euros ! Il est normal d'aborder cette question au moment où nous parlons de notre patrimoine ! Même si, incontestablement, cela ne vous concerne pas directement, monsieur le ministre, ces sommes auraient sans doute été plus utiles pour soutenir, par exemple, l'activité industrielle de l'Imprimerie nationale et ses emplois, ainsi que pour sauvegarder notre patrimoine culturel. J'appuie donc la demande de mon groupe, qui souhaite ouvrir une commission d'enquête parlementaire à ce sujet.

L'action culturelle de la France est fortement altérée. Une vingtaine de centres culturels ont fermé ces dernières années. Il y a là un formidable décalage entre les ambitions affichées pour le rayonnement de notre langue, de notre pays, dans le monde, et les moyens alloués !

S'agissant de la langue française, son utilisation dans le monde est en recul. Les crédits destinés à la promouvoir représentent environ 15 millions d'euros. Les 376 millions d'euros consacrés à l'avenir de l'enseignement du français à l'étranger sont insuffisants pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves.

Concernant, enfin, l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, AEFE, je soutiens la proposition faite par notre collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga de permettre l'organisation d'états généraux en 2008, afin de définir de nouvelles orientations en matière de financement, de personnel et de politique immobilière. Ce serait une très bonne chose.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, compte tenu de la situation internationale, des tensions qui hélas ! perdurent ou s'amplifient parfois, des discours et des méthodes du chef de l'État, souvent marqués, comme je l'ai dit précédemment, d'excès et d'incohérence, voire de choix politiques en rupture, certes, mais en rupture avec la politique étrangère d'une France indépendante des États-unis, le groupe communiste républicain et citoyen n'a d'autre choix - cela ne vous étonnera pas ! - que de voter contre ce budget. Monsieur le président, cela m'évitera de reprendre la parole tout à l'heure pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Philippe Richert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à Mme  Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes de temps de parole, c'est juste assez pour un modeste témoignage et quelques questions !

En compagnie de mon mari, le sénateur Daniel Goulet, j'ai parcouru plusieurs régions du monde ces dernières années. Monsieur le ministre, nous vous avions rencontré à Pristina, à l'occasion d'une mission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, avant votre intervention à Strasbourg en janvier 2000. (M. le ministre opine.)

Vous nous aviez résumé la situation ainsi : « Ils ne s'aiment pas ; faisons en sorte qu'ils se supportent. »

M. Bernard Kouchner, ministre. Ce n'était pas mal ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Pas immortel, mais efficace. La preuve, cela a marqué !

L'élection du président Sarkozy ouvre une nouvelle ère de rénovation, de dépoussiérage - carte judiciaire, méthodes, moyens, etc. Pourquoi le Quai échapperait-il à un légitime et diplomatique dépoussiérage ?

Je n'évoquerai que trois points : la formation, l'affectation des personnels et la chasse au gaspi.

Tout d'abord, s'agissant de la formation, je viens d'effectuer, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, un stage d'immersion à la Direction du renseignement militaire, DRM. Il s'avère, monsieur le ministre, que la notion de renseignement est superbement ignorée dans la formation de diplomate. Cela ne figure d'ailleurs pas dans le tronc commun des formations. Le renseignement n'est pas dans notre culture ; c'est pourquoi je proposerai l'adjonction d'un module « renseignement » dans le cursus de formation de nos diplomates, sur le modèle du Centre de formation interarmées au renseignement d'intérêt militaire, CFIAR. Cela contribuerait à une meilleure cohérence de l'équipe France, tant il est vrai aujourd'hui que le renseignement constitue la base incontournable, inévitable et fondamentale de l'action, qu'elle soit diplomatique, économique ou militaire.

Il faudrait aussi vous rapprocher de Mme Lagarde, afin que vous puissiez, ensemble, constituer des missions économiques dignes de ce nom, instaurant - pourquoi pas ? - des obligations de résultat, à l'instar des missions économiques italiennes. On peut toujours rêver !

J'en viens à l'affectation et à la rationalisation des moyens humains.

Monsieur le ministre, nous rencontrons parfois des ambassadeurs qui ne parlent pas la langue du pays où ils sont en poste ; il en est de même des attachés culturels ou des chefs de mission économique. Nous avons aussi quelquefois l'occasion de déplorer des erreurs de casting. Ainsi, tel ambassadeur arabisant émérite est nommé en terre d'Afrique anglophone ; tel anglophone non arabisant l'est dans un pays du Golfe d'importance stratégique majeure ; tel ambassadeur parlant des langues rares - farsi, turc, arabe, russe - est en poste dans un placard dans tel ou tel ministère. Enfin, et je ne peux qu'exprimer des regrets en le mentionnant, tel ambassadeur, sans doute l'un des meilleurs spécialistes du monde arabe, ayant cessé d'être bien en cour, cultive ses rosiers, sans que notre pays puisse bénéficier de ses compétences, de ses acquis et de ses connaissances !

À l'heure de la recherche d'une optimisation de nos moyens, y compris humains, pouvons-nous encore nous permettre des choix sur d'autres critères que la compétence ?

Enfin, dernier point, la chasse au gaspi.

Nous pourrions aider utilement le président de la commission des finances et le rapporteur général face au déficit de 41 milliards d'euros.

Je sais bien qu'il faut une assemblée européenne de défense. Toutefois, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention - c'est pourquoi j'ai déposé un amendement à ce sujet - sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, UEO.

Cette dernière, chargée des questions de défense, a vu l'exercice de la totalité de ses missions dites « missions Petersberg » transféré au Parlement européen

Cette entité, cette autoproclamée assemblée parlementaire, siège depuis lors deux jours et demi par semestre. Elle compte quelques dizaines de fonctionnaires internationaux pour qui la France contribue largement, à hauteur de 2,5 millions d'euros, et qui siègent dans les locaux du Conseil économique et social pour un budget annuel de 7,367 millions d'euros, dont 4,209 millions de charges de personnel.

Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale, mais ne convient-il pas de s'interroger sur son existence et son fonctionnement ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, un budget de 7 millions d'euros permettrait de nourrir un brain-trust de prix Nobel !

Monsieur le ministre, nous disposons également d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe. Puisque nous cherchons à faire des économies, plutôt que d'entretenir une ambassade entière, ne serait-il pas plus judicieux de déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay qui pourrait prendre le TGV pour assister aux réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont le travail est très souvent sous-estimé par ailleurs ?

On se demande parfois aussi où sont certains ambassadeurs. Sans viser personne, bien entendu, permettez-moi de citer le cas d'un ambassadeur chargé de la prévention des conflits, dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes au Darfour : au Liban ou en Birmanie ? Si le sujet n'était pas aussi sérieux, nous pourrions mettre son effigie à côté de celle d'Ingrid Betancourt, tant il est vrai qu'il a totalement disparu de la circulation !

Je défendrai deux amendements sans grand espoir de les voir adoptés, monsieur le ministre. Le rayonnement culturel de notre pays nécessite que l'on accroisse notre efficacité. Quoi qu'il en soit, je voterai votre budget.

Pardon, monsieur le président, pour ces trente-trois secondes de plus que le temps de parole qui m'était imparti ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai tout d'abord les questions relatives aux Français établis hors de France, en présentant par avance mes excuses à mes collègues qui ne sont pas concernés par cette question.

M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas de problème ! Cela nous fait plaisir !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'évoquerai ensuite les moyens alloués aux services du ministère des affaires étrangères et européennes. Je m'intéresserai enfin à quelques-unes des questions internationales les plus inquiétantes du moment.

Je voudrais tout d'abord vous rappeler, monsieur le ministre, que vous avez la responsabilité d'une administration qui concerne près de 1,4 million de Français inscrits dans les consulats, soit l'équivalent de la population d'un gros département. À ceux-ci s'ajoutent - et leur poids est très lourd pour certains postes - tous les Français de l'Hexagone qui se figurent que le monde ressemble aux catalogues de voyage, partent à l'aventure et attendent ensuite tout des services consulaires. (M. le ministre opine.) Ces touristes leur donnent souvent beaucoup plus de travail que les Français établis à l'étranger. Vous êtes donc concernés par les remarques que je m'apprête à formuler, mes chers collègues.

Je m'inquiète de lire, dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, que les consulats coûtent trop cher, de 3 millions à 6 millions d'euros par an dans les pays d'Europe où vivent la moitié des nôtres, à savoir 700 000 Français, « que la plupart des fonctions consulaires ne se justifient plus », « qu'elles pourraient être accomplies à Nantes par une plate-forme de télé-administration ».

Combien coûte l'administration des Français des Bouches-du-Rhône ? Quel est le coût de la préfecture, des sous-préfectures, des mairies, du conseil général et de ses services sociaux ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Vous proposez leur suppression ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pourquoi pas ! Puisqu'on supprime nos services, pourquoi ne pas supprimer ceux des autres !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Ben voyons !

M. Dominique Braye. Il n'y a qu'à supprimer le pays ! (Sourires.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Un tel budget est calculé en milliards plutôt qu'en millions ! Apparemment, nous ne sommes pas, en pratique, des citoyens à part entière, nous ne le sommes que dans les discours !

Bien entendu, monsieur le rapporteur spécial, je ne propose pas de supprimer tous ces services. Simplement, la disproportion est énorme entre les fonds mis à la disposition de toutes les structures de gestion des populations en France et ceux qui sont affectés au ministère des affaires étrangères et européennes pour gérer 1,4 million de Français, sans compter tous les touristes qui viennent nous « embêter » à longueur d'année.

M. Dominique Braye. C'est du clientélisme de bas niveau !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On peut, et on doit, j'en suis tout à fait d'accord, moderniser les procédures d'administration, comme en témoignent le service central d'État civil à Nantes, véritable modèle pour toutes les mairies de France, et le réseau d'administration consulaire informatisé, dit Racine.

Je souhaite cependant mettre en garde contre une erreur et trois illusions.

L'erreur serait de supprimer les procédures traditionnelles bien avant que la transposition télématique ne soit réalisée. La crise des passeports de 2005-2006 est présente dans nos esprits. Ne pas avoir de passeport quand on est un Français à l'étranger, c'est, croyez-moi, une sale affaire ! Nous avons traversé cette épreuve, parce que le passeport traditionnel a été supprimé avant que nous soyons capables de mettre en place le passeport Delphine.

La première illusion serait de croire que des usines administratives sont plus productives que des administrations de proximité. La démotivation des agents face à une tâche déshumanisée entraîne souffrance au travail et implication moindre.

La deuxième illusion serait d'imaginer que l'Union européenne est réalisée, et que les citoyens européens français n'ont plus besoin de l'administration française. C'est faux, non seulement dans les pays d'Europe du Sud, mais également dans des pays très structurés comme l'Allemagne ! Il existe, dans tous les services, des discriminations à l'égard des citoyens, fussent-ils européens. Au total, nous perdons des personnes qui se résignent à ne plus avoir que la nationalité de leur pays de résidence. Elles renoncent en pratique à leur nationalité française quand elles ne peuvent plus obtenir une carte d'identité, un acte de naissance pour leurs enfants ou un passeport.

À l'époque de la mondialisation, c'est au contraire d'un très grand nombre de Français plurinationaux - et pas seulement binationaux, que cela plaise ou non à certains ! - et polyglottes dont la France a besoin. Il nous faut des Franco-germano-Vénézuéliens ou des Franco-américano-italiens !

M. Roger Romani. On a une seule nationalité, une identité nationale, pas vingt-cinq !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La dernière illusion, c'est de croire que le ministère des affaires étrangères et européennes gardera sa substance en dégarnissant les postes de leurs agents d'exécution, qui appartiennent à la catégorie C, et de leur encadrement intermédiaire, à savoir des agents de la catégorie B. Il y perdra, croyez-moi, ce qui fait sa richesse et sa capacité de réaction, c'est-à-dire un personnel adaptable à des tâches variées et connaissant une très grande diversité de pays.

Pour conclure sur ce point, je m'élèverai contre la baisse des crédits consacrés à l'aide aux personnes en détresse, qui passent de 17,6 millions d'euros en 2002 à 15,6 millions d'euros pour 2008. Ce sont les plus abîmés par la vie et par l'expatriation - qui est dangereuse - que l'on prive du minimum vital ou que l'on envoie, comme c'était le cas anciennement, vers les sociétés de bienfaisance. Adieu à la solidarité nationale et place à la charité publique ! Nous sommes entrés dans le xixesiècle !

Je m'élèverai plus encore contre la baisse de moitié, entre 2002 et ce projet de loi de finances initial 2008, des crédits dévolus à l'emploi et à la formation professionnelle, qui ne représentent plus que 800 000 euros. Or les résultats obtenus par nos quarante-cinq structures consulaires ou associatives sont remarquables : elles ont placé, en 2006, plus de 4 000 Français, surtout en Europe, pour un coût unitaire de 292 euros. Par ailleurs, on sait que le coût d'un placement par l'ANPE internationale est de l'ordre de plusieurs milliers d'euros, mais cet organisme est incapable de nous donner une fourchette précise. Comparez, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rentabilité des uns et des autres !

L'appui à l'emploi des Français de l'étranger est l'action sociale la plus productive que mènent nos postes, d'un point de vue aussi bien humain qu'économique. Pourquoi la ruiner progressivement ?

Je voudrais, pour conclure sur ce point, rendre hommage à tous les agents de la Direction des Français à l'étranger,...