Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Josette Durrieu. Nous étions nombreux à observer les élections et à les valider. Nous avons même payé !

Il faut aider la Palestine à mettre en place sa police, via la mission EUPOL COPPS,...

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Josette Durrieu. Je termine, monsieur le président.

L'EUPOL COPPS est une bonne démarche. Permettez-moi de vous raconter une anecdote à ce sujet. J'ai rencontré le Premier ministre palestinien la semaine dernière. Il nous a expliqué ce qu'il parvenait à faire en termes de police à Naplouse et à Jéricho, ce qui y était efficace. Or, à la sortie de cet entretien, on lui annonçait que l'armée israélienne venait d'entrer dans Naplouse et que, par conséquent, le faible équilibre qu'il essayait d'y établir allait être immédiatement détruit !

Tous ces chantiers entraînent de nombreuses dépenses.

Pour conclure - je n'ai pas le temps de finir -, j'évoquerai le choix auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Il nous faut choisir entre une Europe de la défense autonome et une Europe de la défense intégrée à l'OTAN. Je crains malheureusement que le choix ne soit déjà fait. Pour défendre et la France et l'Europe, nous allons déléguer nos pouvoirs à un allié de référence, peut-être, en tout cas à une organisation internationale, l'OTAN, qui est une coquille vide.

M. le président. Concluez, ma chère collègue !

Mme Josette Durrieu. Désormais, quand les Américains veulent intervenir, lorsqu'ils définissent la mission, en général, ils constituent simultanément une coalition et contournent l'OTAN.

J'espère que vous nous direz, monsieur le ministre, quelle est la stratégie de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de respecter le temps de parole qui vous est imparti. Il est très gênant d'avoir à faire des rappels à l'ordre !

La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Ma passion pour l'innovation me conduit à vous parler de la recherche et de l'innovation en matière de défense.

Les chiffres de votre budget à cet égard démontrent, monsieur le ministre, que la France est le bon élève de l'Europe, ce dont je me réjouis. L'agrégat « recherches et technologies » du projet de loi de finances pour 2008 s'élève à 3,6 milliards d'euros. Il inclut non seulement la recherche et développement, mais également d'autres secteurs, tels les écoles militaires, les études à caractère technico-opérationnel, la recherche duale et le financement du Commissariat à l'énergie atomique.

Les chiffres publiés par l'Agence européenne de défense pour 2006 me paraissent un peu faibles. La France consacre 779 millions d'euros à la recherche et à la technologie, le Royaume Uni 654 millions d'euros et l'Allemagne 325 millions d'euros. Là encore, nous sommes les meilleurs !

En revanche, les États-Unis n'y consacrent que 10,5 milliards. Ce montant est probablement très largement sous-évalué, surtout si l'on tient compte du fait que, aux États-Unis, le volume de la défense extérieure et celui de la défense intérieure sont à peu près identiques depuis le 11 septembre. Il s'agit de volumes considérables.

Dans la mondialisation actuelle, il faut penser France, mais également Europe. À et égard, j'ai entendu nos collègues du groupe CRC évoquer la nécessité d'une défense européenne. Je m'en étonne et je m'en réjouis, car, pour ma part, je souhaite une relance européenne par la France, axée sur une stratégie en amont, débattue en commun, de recherche et d'innovation, notamment avec les États les plus engagés, non seulement ceux que j'ai déjà cités, mais également l'Italie, l'Espagne et la Suède.

La relance européenne par le Président de la République pourrait être d'une grande aide. J'espère que la présidence française de l'Union européenne permettra une avancée considérable.

J'ai noté avec plaisir, monsieur le ministre, que vous êtes favorable à la recherche duale et à une participation des petites et moyennes entreprises, en sous-traitance, un peu comme aux États-Unis, dans le cadre du Small Business Act.

La recherche duale est indispensable et très utile, compte tenu des règles de l'OMC. Elle est d'autant plus importante que la vigilance extrême de la commission de la concurrence de Bruxelles à l'égard du principe de minimis limite considérablement les aides publiques aux entreprises et entrave notre compétitivité.

Il n'en est pas de même aux Etats-Unis, grâce à l'OMC et aux contrats du ministère américain de la défense. On connaît le débat entre Boeing et EADS à cet égard.

Les petites sociétés innovantes seront désormais fondamentales, notamment dans le cadre du programme Galileo. Ce projet requiert le développement d'une myriade d'applications. Il est donc impératif de coordonner une dynamique non seulement française, mais également européenne, afin que la règle de minimis ne s'applique pas à l'innovation. Galiléo et ses conséquences sont une révolution.

Je dirai maintenant quelques mots d'une autre révolution, qui me paraît amusante et intéressante : l'utilisation des espaces virtuels.

Vos services, monsieur le ministre, utilisent déjà très largement les possibilités qu'offrent les technologies de l'information, notamment en matière de simulation - de vol par exemple -, de formation de spécialistes ou, plus largement, pour tout programme de longue durée.

La naissance et le développement rapide d'Internet à trois dimensions, joints à la voix sur réseau IP et au développement de la téléphonie mobile, conduisent à une mutation importante de la société.

Les armées savent à quel point il est nécessaire de procéder à des manoeuvres et à des simulations de crises, qu'il s'agisse d'une crise extérieure, liée au terrorisme ou à la criminalité organisée, ou d'une catastrophe naturelle.

Vous connaissez l'engouement actuel pour les univers virtuels, dont les plus simples sont les tchats, ces discussions sur internet ou par téléphonie mobile. Les plus évolués sont du type de Second Life, cette utopie où chacun peut se fabriquer un avatar, acheter une île virtuelle pour y construire un palais des congrès, des salles de jeu ou de réunion, ou y fabriquer de l'argent, toutes transactions qui sont évidemment virtuelles, mais qui ont une interaction avec la vie réelle.

Cet univers initialement ludique sert désormais également aux entreprises et aux organisations. En maîtriser la pratique, notamment pour les militaires, me paraît essentiel, car il s'agit là d'une possibilité nouvelle.

Vos services, monsieur le ministre, ne pourraient-ils pas avoir recours à ces pratiques nouvelles, à ces méthodes de contact professionnelles, qui pourraient être efficaces pour des groupements ou des équipes d'intervention rapide ?

Les grandes manoeuvres du futur doivent être maîtrisées. Il faut évidemment s'y préparer. Les méthodes modernes permettent de réaliser plus de manoeuvres et de simulations pour un coût extrêmement modique. L'objectif doit être la préparation et l'emploi des forces, cette question étant majeure. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP. - Mme Josette Durrieu applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est la politique de défense et de sécurité de la France ?

À l'écoute des interventions des principaux responsables politiques de notre pays ou à la lecture des analyses des principaux chefs militaires, bien malin qui pourrait se faire une opinion.

Prédomine l'impression que l'on affiche tour à tour, et au fil de l'eau, un certain nombre d'options. Un jour, l'accent est mis sur l'Europe de la défense, présentée comme une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, avec des objectifs néanmoins encore flous. Le lendemain, il est mis sur le rapprochement avec l'OTAN, sans que le débat ait lieu, ne serait-ce qu'aux marges, avec la société, et sans que les implications concrètes, en termes de priorités stratégiques et de choix d'équipements, en soient précisées.

Plus généralement, des évolutions lourdes ont été décidées au cours des dernières années, sans que les Français en soient réellement conscients, faute d'un débat démocratique digne de ce nom. D'une armée de conscription, conçue comme un outil de cohésion nationale, nous sommes passés à une armée professionnelle. D'une armée de protection du territoire national, nous sommes passés à une armée d'interventions extérieures. D'une volonté d'autonomie stratégique, nous sommes passés à une démarche d'intégration, dont on ne sait pas très bien si elle donne priorité à la construction de l'Europe ou au dialogue transatlantique. Et n'oublions pas l'effet de ces évolutions, amplifié par la réalité budgétaire, sur l'industrie de défense, hier nationale, demain sans doute plus intégrée.

Quelles sont les menaces ? Quels sont les outils de notre sécurité ? Comment construire une paix durable ? Le comportement réel de la France est-il respectueux des principes que nous prétendons défendre ? Voilà les questions.

La commission chargée d'élaborer le Livre blanc, sous la présidence de Jean-Claude Mallet, apportera-t-elle des éléments de réponse ? Sans faire de procès d'intention, on peut se poser des questions au regard de sa composition largement « endogamique », qui se caractérise par une surreprésentation du ministère de la défense. Il n'y a qu'un seul représentant du ministère des affaires étrangères et européennes et aucune personnalité qualifiée issue de mouvements plus sensibles à la prévention des conflits, à la médiation, à la culture de paix !

Dans un autre registre, après la multiplication des « Grenelle », sur l'environnement, l'insertion ou la fiscalité locale, nous assistons à l'avalanche des « livres blancs », par exemple sur la défense, sur les institutions ou sur la politique étrangère. Quelle cohérence ? Quels arbitrages ? Quel rôle pour le Parlement ? Mystère...

On nous dit que le Livre blanc traduira une nouvelle approche, qu'il permettra de mieux prendre en compte le terrorisme ou la prolifération nucléaire, chimique, ou bactériologique. J'en accepte l'augure. Traitera-t-il des menaces nouvelles ? De la raréfaction des matières premières, et notamment des énergies fossiles ? De la multiplication des événements climatiques extrêmes, sur fond de changement climatique, d'une ampleur hier encore sous-estimée ? Du retour des tensions sur le marché des céréales ? Du risque de terrorisme informatique, ou de destruction de satellites, provoquant la désorganisation de pans entiers du fonctionnement de nos sociétés ? Nous verrons bien.

Je veux comprendre, et je vous pose deux questions.

Premièrement, à quelques encablures de la livraison du Livre blanc, et alors que l'on nous renvoie à son imminente publication à chaque questionnement, pourquoi avons-nous le sentiment que les décisions importantes ont déjà été prises ? Car, si rien n'est décidé, pourquoi les catapultes nécessaires à un second porte-avions ont-elles été commandées ? Pourquoi 3 milliards d'euros ont-ils été provisionnés au budget ? Et ce contre votre avis, monsieur le ministre, si j'ai bien suivi...

Deuxièmement, pourquoi ne pas admettre que la réponse aux nouvelles menaces n'est largement pas militaire ? Qui peut une seconde imaginer qu'agiter le chiffon rouge d'une défense antimissiles positionnée sur le sol européen sous le nez de Vladimir Poutine permette de renforcer la sécurité de notre continent ? Comment ne pas considérer la décision de la Russie, annoncée vendredi dernier en marge de la conférence annuelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de suspendre sa participation au traité de réduction des forces conventionnelles en Europe comme une réponse à ce qui apparaît comme une inutile et dangereuse provocation ? Comment lutter contre le terrorisme ? Qui espère qu'une victoire militaire contre la ou les têtes d'Al-Qaida - au demeurant, la plupart des observateurs jugent cette perspective improbable - suffirait à assurer la sécurité de notre population, de nos villes, de nos équipements et de nos approvisionnements en matières premières ?

Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part de quelques préoccupations, à commencer par la dissuasion nucléaire. C'est un sujet dont il reste difficile de débattre. J'en veux pour preuve le message adressé par le Président de la République à Jean-Claude Mallet, dans lequel il déclarait que la dissuasion restait « un impératif absolu ».

Pourtant, comme nous l'avons vu précédemment, le nucléaire ne nous protège d'aucune des menaces actuelles. Aujourd'hui, une vingtaine de pays sont au seuil et on considère qu'il y en aura deux fois plus dans une quinzaine d'années. Quel sera l'effet sur la sécurité du monde et sur la nôtre ? Poser la question, c'est hélas y répondre ! Qu'attend notre pays, qui présente volontiers le renoncement à la composante terrestre de sa dissuasion comme une mesure de désarmement, et ce en tordant un peu le cou à la réalité, pour prendre une initiative diplomatique forte ? Le moment n'est-il pas venu d'élaborer une convention sur le désarmement nucléaire sur le modèle de la Convention sur les armes chimiques, au lieu de finaliser le missile M51, de contourner de fait, par le développement de Mégajoule, les engagements pris par notre pays dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et de préparer les esprits à une guerre contre l'Iran ?

Qu'en pensent nos principaux partenaires européens ? Si l'on en croit Der Spiegel, l'hebdomadaire de référence outre-Rhin, Nicolas Sarkozy a tenté de convaincre la chancelière allemande de l'intérêt qu'elle pourrait trouver à placer son pays sous la protection nucléaire française. Ce faisant, il a démontré une profonde méconnaissance de la situation politique et de l'opinion allemandes et il a irrité Angela Merkel. Aucun de nos partenaires européens ne se place dans la perspective hâtivement tracée par le président français. C'est là une réalité dont nous ferions bien de tenir compte. En revanche, tous s'interrogent. Que veut la France ? Réintégrer l'OTAN ou construire l'Europe de la défense ? Cette dernière perspective me semble, à tous égards, bien plus crédible et bien moins hasardeuse.

Je fais partie de ceux qui s'inquiètent de la perspective d'une réintégration complète de la France dans l'OTAN si elle ne s'accompagne pas de la reconnaissance de l'autonomie du pilier européen, de la restauration du débat stratégique entre alliés et de la redéfinition du champ d'action et de la doctrine d'intervention de l'organisation. D'abord, parce que le statut actuel de la France n'empêche pas la coopération. Ensuite, parce que, comme le souligne Hubert Védrine, dans le rapport qu'il a remis au Président de la République, le prix à payer pour un tel geste politique en direction des États-Unis serait élevé. Il donnerait à penser que la France n'a plus les moyens de son autonomie stratégique et opérationnelle. Il éroderait la capacité de notre pays à se faire entendre en Afrique ou au Proche-Orient, en donnant le sentiment que la France se rallie à l'idée d'un choc des civilisations.

Sur l'OTAN toujours, on trouve dans le projet de loi de finances la mention de la contribution française au budget de l'organisation. La France verse 106 millions d'euros à cette organisation, ce qui en fait le cinquième contributeur. Pas mal pour un pays qui, officiellement, n'est pas membre de cette structure ! En revanche, on ne trouve pas le montant total des dépenses, incluant les personnels et les matériels, liées à la participation française aux opérations de l'OTAN. Merci de nous renseigner sur ce point, monsieur le ministre.

Autre sujet de préoccupation : la politique française d'exportation d'armes

Monsieur le ministre, dans le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France que vous venez de nous faire parvenir, vous prétendez, « dans un contexte où la concurrence internationale ne cesse de croître », faire du soutien aux exportations d'équipements de défense et de sécurité l'une des priorités de votre action pour les prochaines années. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas à vous de rassembler les industriels pour discuter des moyens d'accroître leur réactivité sur le marché mondial. C'est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, de le faire, dans l'hypothèse, que je conteste par ailleurs, où l'on considérerait que les entreprises de la défense sont des entreprises comme les autres. Ce n'est pas votre mission non plus d'alléger le contrôle sur les exportations d'armes. Écoutez votre directeur des affaires stratégiques, qui déclarait ceci : « On ne peut s'en remettre à la seule responsabilité des industriels », compte tenu des tentations toujours présentes. Il ajoutait également : « Le dispositif a au moins eu le mérite jusqu'à présent de ne pas exposer la France aux reproches que l'on peut faire à certains membres de l'Union européenne pour la diffusion de technologies sensibles dans des États proliférants. »

L'agrément préalable unique ou la délivrance d'autorisations globales pour les matériels les moins sensibles, mis en place selon les recommandations d'Yves Fromion, devront être sérieusement évalués et, si nécessaire, remis en cause, si l'objectif n'est pas seulement, ce que j'espère, de doper, quel qu'en soit le prix, les exportations d'armes.

En outre, la France continue à produire, à utiliser à et exporter des bombes à sous-munitions. Cette année encore, je me fais donc le relais du plaidoyer d'Handicap international en faveur de leur interdiction pure et simple.

Je souhaite également évoquer les conséquences écologiques des activités de défense. Pour mémoire, je mentionnerai simplement la question non seulement environnementale, mais également économique, du prix des carburants, dont tout indique qu'il sera demain beaucoup plus élevé encore qu'il ne l'est aujourd'hui. On peut espérer que le renouvellement des matériels permettra de progresser.

En revanche, je veux insister sur le démantèlement des navires de guerre - je pense au Clemenceau et au Colbert - et des sous-marins, qui pose des problèmes considérables s'agissant de la santé des travailleurs ou de l'environnement. En matière d'équipements militaires, pourquoi ne pas respecter la règle mise en place dans le domaine civil, c'est-à-dire la responsabilité des industriels du berceau à la tombe ?

Bien d'autres sujets mériteraient d'être évoqués. Je pense à la sous-évaluation du coût des OPEX, préoccupante alors que la France entend jouer un rôle important à l'est du Tchad et au Darfour, ou au retard pris par l'avion de transport militaire A400 M. Ces questions sont toutes importantes, mais elles ne doivent pas occulter une préoccupation toute politique. Comment le Parlement, qui sait consacrer des heures et des heures de débat à la sécurité des manèges forains ou à la réglementation des espèces canines, peut-il continuer à accepter chaque année des dépenses à hauteur de 48 milliards d'euros pour assurer la sécurité de notre pays, sans qu'on soit seulement en capacité d'en démontrer l'efficacité au regard du seul objectif valable, c'est-à-dire protéger la paix ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2008 étant la dernière année d'application de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit, s'agissant de la mission « Défense », un budget à la fois de transition et d'attente. Nous l'avons entendu pendant toute la soirée.

M. Hervé Morin, ministre. Ce n'est pas de mon fait ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Mais ce n'était pas un reproche, monsieur le ministre. (Nouveaux sourires.)

D'ores et déjà, le contexte financier de la prochaine loi de programmation militaire est incertain. En effet, les besoins de financement pour les programmes lancés, prévus ou annoncés depuis 2002 devraient passer de 15,9 milliards d'euros en moyenne par an à 19,1 milliards d'euros en 2009, pour atteindre 23 milliards d'euros en 2012.

Ainsi, la « bosse » financière des crédits de paiement qui s'annonce pour la prochaine loi de programmation militaire obère tout l'avenir budgétaire de la défense, ce dont nous avions à maintes reprises alerté votre prédécesseur, monsieur le ministre.

Vous reconnaissez vous-même l'impossibilité de tenir un tel niveau de dépenses. Vous avez ainsi déclaré ceci : « Certains programmes subiront des coupes, d'autres seront lancés en fonction des besoins opérationnels et des conclusions du Livre blanc, mais, à ce stade de l'exercice, il est impossible de le savoir avec précision. »

C'est de ces incertitudes financières que viennent mes inquiétudes pour un programme essentiel pour notre marine et la crédibilité de notre politique de défense, celui des sous-marins de type Barracuda.

Ces dernières années, j'ai régulièrement interrogé votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, sur ce sujet, et ce tant à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

Or, à la lecture des documents budgétaires de cette année, et au vu du débat à l'Assemblée nationale, je ne peux que manifester mon inquiétude.

Selon le « bleu » de la mission « Défense », 330,36 millions d'euros de crédits de paiements et 253,55 millions d'autorisations d'engagement sont inscrits au projet de loi de finances pour 2008, ce qui correspond grosso modo à la commande du premier sous-marin. Mais ce document ne donne aucune indication quant à la suite du programme Barracuda, qui, je le rappelle, concerne normalement la livraison de six sous-marins entre 2016 et 2027. D'ailleurs, nous avons déjà du retard. Le montant total est évalué à 7,9 milliards d'euros, sachant que nous sommes dans les limites extrêmes pour renouveler notre flotte de sous-marins nucléaires d'attaque, les SNA.

À mon sens, monsieur le ministre, lorsque vous avez été interrogé sur ce sujet à l'Assemblée nationale, vous vous êtes montré beaucoup trop évasif. Vous avez seulement déclaré ceci : « Quant aux Barracudas, [...], ils représentent également un programme majeur. Nos SNA de type Rubis ont en effet déjà plusieurs décennies de service actif » - pour ma part, je les connais bien - « et il est évident que la France a besoin d'un nouveau programme de sous-marins nucléaires d'attaque. » Vous avez ensuite ajouté : « Il nous reste désormais à fixer précisément le nombre de sous-marins et la cadence de réalisation, sachant que nous ne disposons pas d'une grande marge de manoeuvre sur ce programme. » Je souhaiterais que vous puissiez m'expliciter cette dernière phrase.

En effet, monsieur le ministre, le nombre de sous-marins de type Barracuda a déjà été fixé par la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il doit être de six. Ce chiffre n'est pas dû au hasard ; il correspond aux besoins de la marine pour remplacer les sous-marins de type Rubis actuellement en service.

Quant à la cadence, elle s'impose également à nous, au rythme du retrait du service actif des sous-marins actuels. Vous le dites d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre, il n'y a pas de grande marge de manoeuvre sur ce programme qui est conditionné aux besoins de notre marine, sauf à prévoir des « trous »...

Cette dernière hypothèse serait, me semble-t-il, extrêmement dommageable pour l'efficacité et la crédibilité de nos forces navales. En effet, moins de SNA à la mer, c'est l'obligation pour le commandement de la marine de faire des choix entre la protection de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, SNLE, et celle du groupement aéronaval, c'est-à-dire entre la dissuasion et la projection, ce qui risque d'affaiblir nos capacités de défense.

Il est vrai que le programme Barracuda représente un investissement important de la part de la nation, mais il me semble néanmoins qu'il n'y a aucune tergiversation à avoir sur ce sujet. Or les premiers échos qui nous parviennent des travaux sur le livre blanc de la défense nous interrogent, car ils laissent planer un doute. À cet égard, on peut se demander s'il ne s'agit pas de la fin programmée de la sanctuarisation des crédits de la défense dans les budgets de l'État ?

Il me paraît contestable, pour ne pas dire inacceptable, comme certains en avancent l'hypothèse, de conditionner le lancement du second porte-avions au consentement par la marine de sacrifices sur les frégates européennes multimission, les FREMM, ou les sous-marins de type Barracuda.

Sur le plan industriel, je rappelle que la réalisation des six sous-marins Barracuda est censée assurer, et ce théoriquement jusqu'en 2027, une part très significative de l'activité de DCNS, d'Areva TA, du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et de plus d'une centaine de PME françaises, c'est-à-dire fournir du travail à plusieurs milliers de salariés tout au long de sa réalisation. Certes, cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une obligation, notamment si la création des sous-marins allait à l'encontre d'impératifs stratégiques. Mais je ne vois pas en quoi ce serait le cas.

Je voudrais vous rappeler ce que je disais déjà l'année dernière à Mme Alliot-Marie. Les retards accumulés depuis 2005 par ce programme, notamment la notification tardive du contrat, qui n'est intervenu qu'à la fin du mois de décembre 2006, ont déjà des conséquences pour DCNS. Je ne reviendrai pas sur les propos de Jean-Marie Poimboeuf, qui nous expliquait l'année dernière que le décalage de ce programme pourrait être compensé par les établissements concernés, notamment par une solidarité entre les sites sur les autres projets, en particulier celui des FREMM, avec un système de sous-traitance.

J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous vous efforciez de démentir les rumeurs qui avaient pu naître quant à la diminution du nombre de FREMM.

Je souhaiterais pour conclure vous poser deux questions, monsieur le ministre : pourriez-vous être plus clair et plus précis sur l'avenir du programme Barracuda ? Pourriez-vous éclairer le Sénat sur l'ensemble de ces programmes importants pour notre marine nationale et les établissements industriels concernés ?

En tant que Normand, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans rejoindre les propos de Mme Goulet : n'oublions pas, monsieur le ministre, ce combat essentiel qu'est la réunification de la Normandie ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez bien compris que notre assemblée attend vos réponses.

M. Hervé Morin, ministre. Sur la réunification de la Normandie ? (Sourires.)

M. le président. Vous avez donc la parole.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, le débat budgétaire est toujours une occasion privilégiée, pour les parlementaires que vous êtes, de poser des questions sur la politique de défense, le budget, les programmes en cours. En l'occurrence, j'ai été servi ! Je vais donc essayer, dans toute la mesure possible, de respecter cette tradition et de répondre à vos principales interrogations.

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, d'adresser un message d'amitié à Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lequel est l'un des parlementaires qui connaît le mieux ces questions et qui a souvent rédigé des rapports remarqués et remarquables.

Je vais tenter de regrouper vos questions et vos observations autour de trois thématiques que je souhaite développer devant vous.

Premièrement, il ne faut pas s'en cacher, notre outil de défense est à la veille d'une mutation stratégique majeure.

Deuxièmement, le budget pour 2008 contribue à la maîtrise des dépenses publiques - c'est apprécié sur certaines travées et reproché sur d'autres ; c'est apprécié sur certains points et moins apprécié sur d'autres - mais il permet la mise en oeuvre de la dernière année de la loi de programmation militaire et préserve l'efficacité de nos forces.

Troisièmement, et j'aborderai à cette occasion toute une série de programmes, la politique de défense s'inscrit dans l'ensemble des politiques publiques ou cherche à le faire.

S'agissant de notre outil de défense qui est à la veille d'une mutation majeure, je voudrais rappeler, tout d'abord, quelques éléments du contexte dans lequel nous évoluons.

La France a consenti, depuis 2003, un niveau d'engagement élevé de ses forces, tant sur le territoire national qu'à l'extérieur, avec plus de 35 000 hommes déployés en permanence hors de métropole : plus de 12 000 hommes engagés en opérations extérieures - pour cette année, le chiffre est même de l'ordre de 12 500 à 13 000 -, 17 000 dans les forces de souveraineté outre-mer et 6 000 dans les forces de présence. Chaque année, si l'on ajoute les relèves, ce sont ainsi près de 60 000 hommes et femmes qui partent effectuer des missions de deux à six mois.

Les opérations extérieures concernent des opérations majeures telles que l'Afghanistan, le Kosovo, le Liban, la République de Côte d'Ivoire et, demain, le Tchad et la République centrafricaine.

Comme M. Georges Othily l'a souligné, les forces de souveraineté dans nos départements et collectivités d'outre-mer jouent un rôle majeur dans la sauvegarde maritime, la protection de nos côtes, la lutte contre les trafics et l'immigration clandestine, la protection de nos voies commerciales.

Quant aux forces de présence, elles sont engagées dans certains pays d'Afrique, en vertu d'accords de coopération et de défense.

Voilà pour le contexte opérationnel.

Sur le plan capacitaire, la France appartient au club très restreint, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, des pays capables d'assumer le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation-cadre au sein d'une coalition. Nos armées, vous le savez, sont internationalement crédibles ; elles remplissent globalement leurs contrats opérationnels, il est vrai au prix de certains aménagements et en consentant quelques fragilités dans certains domaines.

Parallèlement à ce constat, l'état des lieux que j'ai fait réaliser lors de ma prise de fonction a montré que la trajectoire de dépenses associée à l'acquisition et au remplacement des capacités nécessaires pour atteindre le modèle 2015 dans laquelle nous étions inscrits était en effet, messieurs Yves Fréville et Didier Boulaud, une trajectoire difficile et assez problématique.

À contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient, en moyenne, supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007, comme M. Yves Pozzo di Borgo l'a souligné. La moyenne annuelle devrait ainsi passer d'environ 15,5 milliards d'euros à près de 22 milliards d'euros : c'est ce que l'on appelle pudiquement « la bosse ». Celle-ci a une marche extrêmement élevée dès 2009, comprise entre 2 milliards et 3 milliards d'euros.

Sur ce sujet, messieurs les rapporteurs spéciaux, je voudrais dissiper toute équivoque.

La première cause de cette situation, monsieur Didier Boulaud, remonte à l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'équivalent d'une année a purement et simplement été rayé d'un trait de plume, la défense ayant servi de variable d'ajustement au budget de la France.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Bien sûr !

M. Roger Romani. Très bien !

M. Hervé Morin, ministre. Grâce à la ténacité de Michèle Alliot-Marie et à la détermination de Jacques Chirac, à qui je souhaite rendre hommage aujourd'hui, un effort constant, nécessaire et indispensable, a été accompli pour relever le niveau d'équipement et de disponibilité opérationnelle du matériel. Après les phases de lancement et d'étude de ces programmes d'équipement, nous en arrivons aux périodes de fabrication et de livraison, ce qui rend bien entendu l'exercice difficile. Mais nous saurons le relever.

Il est aussi exact que, malgré la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 sur le plan des ressources, il a fallu procéder à des ajustements très significatifs en termes de besoins. Comme l'a noté M. Yves Fréville, 7,5 milliards d'euros ont dû être inscrits dans les budgets.

L'agrégat nucléaire a bénéficié d'un abondement de 1,5 milliard d'euros pour faire face à la dérive des coûts de certains programmes.

Les crédits de maintenance - MCO - ont dû être augmentés d'un montant à peu près équivalent. Cela pose d'ailleurs la question de la conception des programmes d'armement. À l'avenir, la discussion d'un programme devrait associer, outre l'état-major des armées et la délégation générale pour l'armement, un troisième interlocuteur, qui pourrait être la direction des affaires financières du ministère, afin d'intégrer des problématiques de coût, d'analyse de la valeur, d'économétrie. Le séquençage des programmes d'armement nous permettrait de vérifier régulièrement leur adaptation à nos besoins, leur rapport coût-efficacité et leur faisabilité budgétaire. C'est en tout cas la proposition que j'ai faite au Président de la République.

Je souhaite, monsieur Yves Fréville, que cette nouvelle modalité de développement des programmes soit intégrée au sein d'un comité d'investissement, présidé par le ministre. La nécessité de chaque programme pourra ainsi faire l'objet d'une vraie discussion. Nous devons tenir compte des coûts à la fois d'acquisition et de développement, mais aussi de maintien en condition opérationnelle des programmes. Ces deux éléments font partie intégrante de la problématique du développement des programmes.

Pour en revenir aux ajustements, des besoins opérationnels nouveaux sont apparus, notamment la lutte contre les engins explosifs improvisés, ce qui nous a coûté 700 millions d'euros.

Par ailleurs, comme vous le savez, des besoins de trésorerie concernant le programme Rafale avaient été sous-estimés.

Au total, ce sont donc près de 7,5 milliards d'euros de dépenses qui n'avaient pas été prévues dans la loi de programmation militaire.

Cette loi de programmation militaire, pour la première fois depuis une trentaine d'années, a cependant été appliquée en totalité, ce qui mérite d'être souligné.

Avec un niveau de ressources de l'ordre de 2 % du PIB, l'enjeu pour la défense sera à la fois de maintenir la cohérence d'ensemble de ses capacités, de garantir les normes d'activité et d'entraînement, et de continuer à améliorer la condition militaire.

Atteindre ces objectifs implique nécessairement de réévaluer nos choix capacitaires - c'est tout le travail de la revue des programmes d'armement - et de mener de nouvelles transformations de l'organisation et des implantations de nos armées, notamment en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles, comme l'a relevé M. Dulait en évoquant les schémas d'implantation de nos forces.

C'est tout l'enjeu et le sens des grands chantiers qui sont en cours : le Livre blanc, qui porte sur l'analyse des menaces, sur la stratégie de défense de notre pays, sur les missions de nos forces armées, sur le modèle et les moyens dont nous avons besoin ; la revue des programmes d'armement ; la révision générale des politiques publiques.

Le Président de la République a souhaité que la commission du Livre blanc travaille sans tabous ni préjugés. Je me permets de vous indiquer, madame Voynet, que seuls dix des trente membres de cette commission appartiennent au monde de la défense - je peux vous en communiquer la liste, si vous le souhaitez. Par ailleurs, c'est la première fois qu'une telle commission comprend des parlementaires de la majorité et de l'opposition, comme j'en avais pris l'engagement devant les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. MM. André Dulait et Didier Boulaud sont ainsi membres de cette commission du Livre blanc.

La revue des programmes d'armement consiste en une sorte de radiographie de la totalité des programmes, afin que nous disposions d'une boîte à outils parfaitement opérationnelle lorsque, le moment venu, nous serons amenés à faire des choix et des arbitrages pour la future loi de programmation. Il s'agit de connaître précisément la situation financière pour chaque programme. Nous connaîtrons ainsi le coût de ce programme, ce que nous avons déjà payé, ce qui nous reste à payer et les conditions financières dans lesquelles nous pouvons effectuer les choix, les arbitrages.

Enfin, la révision générale des politiques publiques, qui est un exercice commun à tous les ministères, nous permettra de faire des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions, dont certains sont essentiels à l'activité des forces, comme M. FrançoisTrucy l'a justement souligné au sujet du service de santé des armées, il s'agit de les rationaliser, de les moderniser, ce qui signifie que nous devons aller résolument vers « l'interarmisation » et la restructuration des forces de soutien.

Le ratio entre les forces opérationnelles et les forces de soutien et d'administration générale doit être amélioré. Il est certes toujours difficile de faire des comparaisons précises, mais le rapport serait, en Grande-Bretagne, de 65 % pour les forces opérationnelles, contre 35 % pour le soutien à l'administration générale. En France, nous serions à peu près à 50-50.

Ces travaux ont vocation à converger à la fin de l'année en vue de contribuer à l'élaboration de la future loi de programmation militaire, qui sera soumise au Parlement au printemps prochain.

Dans ce cadre, je voudrais rappeler trois préalables incontournables.

Le premier est bien entendu le maintien de l'effort de défense. C'est l'engagement du Président de la République, et c'est aussi le mien.

Le deuxième préalable repose sur la confirmation de notre autonomie de décision. La France ne peut pas déléguer son pouvoir d'appréciation et de décision à un allié de référence ou à une grande organisation internationale, ce qui nous impose notamment de posséder de solides capacités en matière de renseignement et de commandement.

Je considère donc, comme vous, madame Nathalie Goulet et monsieur Didier Boulaud, que le renseignement est une priorité. Au-delà des problématiques de formation dont vous avez parlé avec le Centre de formation interarmées de Strasbourg, qu'est-ce que cela signifie ?

Tout d'abord, il faut améliorer la coordination des différents services de renseignement, que ceux-ci dépendent du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense, tout en sachant que la DRM conserve l'aspect opérationnel et apporte un soutien aux forces et que la DGSE est chargée du renseignement. En cette matière, les plus hautes instances du pays doivent définir des orientations politiques claires.

Ensuite, il faut absolument développer des synergies, notamment en termes d'équipement et de programmes, afin que l'effort de modernisation des forces de renseignement serve autant aux uns qu'aux autres.

Le troisième préalable est que notre pays doit rester une puissance militaire crédible avec un appareil militaire possédant l'ensemble des grandes capacités. Il me semble inconcevable, impossible, que la France y renonce, ce qui n'empêche pas la coopération, et devrait même nous y inciter, puisque la coopération est d'autant plus facile que l'on est fort.

J'en viens au projet de budget pour 2008.

Cela ne me dérange pas que l'on qualifie ce budget de budget de transition ou d'attente, comme l'a fait Mme Michelle Demessine. À 250 millions d'euros près, il applique le dernier volet d'une loi de programmation militaire votée par le Parlement. En attendant les grandes décisions stratégiques que le Président de la République, chef des armées, prendra au début de l'année prochaine et dans la perspective de la future loi de programmation militaire, cet exercice est logique.

Le ministère de la défense procédera au non-remplacement de la moitié des départs à la retraite, à l'instar de la quasi-totalité des administrations. Cela représente un effort de 6 037 emplois, uniquement dans des fonctions d'administration et de soutien, car je souhaite ne pas affecter la capacité opérationnelle de nos forces.

Votre analyse, monsieur François Trucy, est exacte : la réduction du plafond ministériel d'emploi porte sur des emplois vacants non financés - que je qualifierai donc de virtuels - à hauteur de 7 500 pour l'ensemble du périmètre du ministère de la défense. Les seules réductions réelles d'emplois porteront donc sur ces postes. Il ne faut pas confondre les suppressions de postes liées à un budget et les postes inscrits dans les effectifs du ministère de la défense, mais non financés.

Nous aurons ainsi un personnel un peu moins nombreux, mais mieux payé. En contrepartie de cet effort, le projet de budget pour 2008 prévoit une revalorisation significative de la condition militaire, puisque l'enveloppe atteint un montant sans précédent de 102 millions d'euros. Il n'y a pas eu d'effort équivalent depuis dix ans !

Cela permettra de mettre en oeuvre les premières recommandations du Haut comité à l'évaluation de la condition militaire. En effet, le rapport commandé par Michèle Alliot-Marie à des personnalités indépendantes avait conclu, en février 2007, qu'il existait une disparité entre les fonctionnaires en tenue et les militaires. Pour y remédier, l'effort a été chiffré à 350 millions d'euros.

Cette année, nous entamerons la première partie de cet effort pour les militaires du rang et les sous-officiers, c'est-à-dire les sergents et les gendarmes. Les mesures ne s'appliqueront qu'à eux pour une seule raison : nous devons, pour les autres, modifier les statuts particuliers. À cet égard, des réunions interministérielles sont en cours. Nous allons aboutir à une solution, je l'espère, dans les jours à venir, ce qui permettra de pouvoir continuer cet effort pour les autres sous-officiers, officiers et officiers supérieurs.

Pour le personnel civil, le plan prévu est de 15,9 millions d'euros. C'est là aussi le montant le plus élevé depuis plus de dix ans !

En dépit des réductions d'effectifs, le ministère de la défense demeure le premier recruteur de l'État avec près de 30 000 militaires et 2 000 civils recrutés chaque année.

Concernant les crédits d'équipement, vous avez été nombreux à m'interroger sur toute une série de programmes. Vous me pardonnerez donc si vous trouvez que ma réponse ressemble à un inventaire à la Prévert.

Messieurs Georges Othily et Michel Guerry, vous m'avez interrogé sur le porte-avions. Je le répète pour la dixième fois, les 3 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement permettront de financer le programme si la décision de lancer sa construction était prise à l'issue des travaux du Livre blanc. Ils ont donc été provisionnés dans un esprit « lolfien », cher au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. C'est le seul sens à donner à cette autorisation d'engagement.

S'agissant du NH 90, la commande de douze premiers appareils a été notifiée le 30 novembre dernier. L'affermissement de la tranche de vingt-deux appareils est prévu l'an prochain et figure à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2008. L'affermissement de la tranche suivante de trente-quatre appareils sera inscrit dans la prochaine loi de programmation militaire. Je vous le confirme, monsieur Xavier Pintat, le marché de rénovation des Cougar sera notifié dans les quinze derniers jours du mois de décembre.

Messieurs Yves Fréville et Xavier Pintat, notamment, vous m'avez interrogé sur le financement des frégates multimissions, les FREMM. Comme vous le savez, ce programme est financé à hauteur de six dix-neuvième de son coût en loi de finances initiale, le solde étant financé dans le collectif de fin d'année.

Le Gouvernement avait pensé initialement suivre cette voie encore pour la dernière année en 2007 avant de réintégrer l'intégralité du financement de ce programme dans la prochaine loi de programmation militaire. Au regard des effets induits par une telle procédure, notamment, comme vous l'avez souligné, des reports de crédits qu'elle génère inévitablement, puisque les crédits votés en collectif ne peuvent être dépensés immédiatement, il a été jugé plus rationnel d'y renoncer dès cette année. Notre prévision de report de crédits de 2007 sur 2008 est d'au moins du même montant que celui de 2006 sur 2007, soit 1,5 milliard d'euros, sous réserve d'ajustements. Il aurait été peu judicieux d'y ajouter 339 millions d'euros au titre du financement des FREMM.

Cette décision de gestion financière n'a aucun impact sur le programme lui-même ; elle ne doit en aucun cas être interprétée comme une volonté de réduire le nombre de frégates, monsieur Jean-Pierre Godefroy. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de le dire. Le report de charges existe, en effet, monsieur Yves Fréville, car nous financerons bien évidemment les FREMM malgré l'absence de ces crédits, mais le volume de nos reports de crédits nous permettra d'y faire face dans le cadre des arbitrages qui seront à la base de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.

Le Barracuda, comme vous le savez, monsieur Jean-Pierre Godefroy, est destiné à remplacer sans rupture capacitaire les sous-marins nucléaires d'attaque de type Rubis. Pour l'instant, la loi de programmation militaire prévoit d'en réaliser six. La notification du premier marché a eu lieu le 21 décembre 2006. À partir de 2017, un bâtiment devrait entrer en service tous les deux ans.

Cela étant, compte tenu de l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation militaire, dans le cadre de la revue des programmes d'armement et dans l'attente des décisions du Président de la République et des conclusions du Livre blanc, il m'est impossible de vous dire précisément si nous allons en construire cinq ou six et à quel rythme. Mon souhait, en raison des contraintes capacitaires de ce programme, est que nous maintenions autant que possible les perspectives envisagées.

S'agissant de l'avion de transport A 400 M, messieurs Xavier Pintat et Philippe Nogrix, vous savez qu'EADS a confirmé un retard de six mois, avec un risque de glissement supplémentaire de six mois. Ces retards nous posent évidemment un problème majeur, car les armées ont besoin de ces avions pour assumer leurs contrats opérationnels en matière de transport tactique. Les solutions palliatives sont connues, et nous y avons d'ailleurs déjà recours dans un certain nombre de cas. Elles consistent en des contrats de location de capacités de transport gros porteurs à des opérateurs privés, mais ces solutions ne sont bien sûr pas extensibles à l'infini. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous serons très fermes sur le respect de ses obligations contractuelles par l'industriel. Reste qu'il y a des difficultés techniques importantes.

Quant au ravitailleur MRTT, la décision sera prise dans la future loi de programmation militaire.

Monsieur Xavier Pintat, vous m'avez interrogé sur l'espace.

Les crédits de paiement pour l'espace s'élèveront à 393 millions d'euros en 2008, soit moins que la loi de finances de 2007, mais plus que l'exécution réelle de ces dernières années. Les crédits effectivement consommés ont été de 370 millions d'euros par an, en moyenne, entre 2003 et 2006. Nous avons donc inscrit en loi de finances le montant des crédits que nous consommons généralement.

Dans ce domaine, notre effort de recherche technologique restera soutenu de manière à maintenir les compétences de nos industriels, qui comptent parmi les meilleurs au monde, comme vous le savez tous. Je peux vous assurer dès maintenant qu'il n'y aura pas de rupture capacitaire en matière d'observation spatiale.

Les travaux de préparation de la future capacité européenne d'observation spatiale, le programme MUSIS, sont actuellement menés en étroite collaboration avec nos partenaires. Lorsque je me suis rendu en Grèce, la semaine dernière, et en Belgique, ....