M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il m'appartient de rapporter les crédits du programme « Patrimoines » et ceux du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui représentent respectivement 41 % et 38 % du projet de budget de la mission « Culture ».

Les cinq minutes qui me sont imparties ne me permettent évidemment pas de présenter l'architecture de ces crédits, et je connais trop les rigueurs de la procédure, et la rigueur du président, pour m'affranchir du délai qui m'est accordé et qui évoque irrésistiblement le lit de Procuste de la mythologie ! (Sourires.)

Je me contenterai donc d'aborder trois aspects, les plus importants à mes yeux, de ces deux programmes.

Tout d'abord, en ce qui concerne le patrimoine monumental, l'examen des dotations montre que 334 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus qu'en 2006 et 17 millions d'euros de moins qu'en 2007, sont prévus en autorisations d'engagement. Compte tenu des contraintes budgétaires qu'évoquait à l'instant mon collègue de la commission des finances, l'effort est réel.

Cependant, la commission des affaires culturelles du Sénat n'a pas caché son inquiétude quant à l'exécution du budget en 2008. Toute mesure de régulation serait lourde de conséquences pour le patrimoine tant public que privé et, par conséquent, pour les entreprises spécialisées dans la restauration des monuments, qui ont vécu, en 2005 et en 2006, une véritable crise.

Comment ne pas rappeler, à cet égard, les propos du Président de la République inaugurant le Palais de l'architecture et du patrimoine et évoquant la mobilisation d'une somme de 4 milliards d'euros sur dix ans pour être à la hauteur des besoins du patrimoine en France ?

Nous serons donc à vos côtés, madame la ministre, pour défendre les crédits du patrimoine et limiter les effets de la rigueur budgétaire en 2008.

Cela concerne le patrimoine monumental de l'État, mais aussi celui des collectivités territoriales. Il faut souligner que 60 % des monuments classés et 45 % de l'ensemble du patrimoine appartiennent aux collectivités locales, pour l'essentiel aux communes. À cet égard, je signale qu'elles attendent avec impatience la mise en oeuvre de la réforme de la maîtrise d'ouvrage, qui doit en principe faire prochainement l'objet de textes d'application.

J'évoquerai aussi le patrimoine privé, qui représente 49 % du patrimoine total et 35 % des monuments historiques classés. Dans ce domaine, l'État doit encourager la diversification des moyens de financement. Sur ce plan, les propriétaires privés attendent avec beaucoup d'impatience la publication des décrets d'application de l'amendement voté l'année dernière sur l'initiative du rapporteur spécial du budget et visant à étendre le bénéfice des dispositions de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Nous en espérons beaucoup.

Je voudrais maintenant saluer le défi, que le ministère s'est lancé, d'instaurer la gratuité dans les musées. En 2008 sera menée une expérimentation qui durera six mois et concernera quatorze musées, huit en province, six à Paris. L'objectif est d'encourager l'accès de tous à la culture. Chacun d'entre nous ne peut que se féliciter de cette expérience ; le Sénat considère que la culture pour tous est un des moyens privilégiés d'assurer l'égalité des chances ou ce que l'on aurait appelé autrefois, d'un mot cher à Jean Vilar, « l'élitisme pour tous ».

Néanmoins, la commission des affaires culturelles s'est interrogée sur l'incidence financière d'une telle mesure. Compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'ensemble des crédits, ceux de votre ministère pourront-ils l'an prochain compenser le manque à gagner important que subiront les musées concernés par cette expérimentation ?

Au-delà de la question de la gratuité, le débat doit porter sur les réelles mesures d'éducation qui permettront d'élargir le public des musées hors du cercle des habitués.

Je voudrais citer ici la formule qui figure au fronton du palais de Chaillot : « Ami, n'entre pas ici sans désir. » C'est, je crois, autant le désir d'art et de beauté que la gratuité d'entrée qui permettront d'étendre, comme nous le souhaitons tous, le public des musées.

En tout cas, le défi que se lance votre ministère est important. Je ne doute pas un seul instant que vous saurez le relever. Nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau dans le courant de l'année prochaine, lorsque les résultats de l'expérimentation auront été mesurés par un organisme indépendant.

Je voudrais enfin mettre en exergue, pour m'en féliciter, l'effort consenti, dans ce projet de budget, en faveur de l'éducation culturelle et artistique. Les crédits affectés augmentent de 6 %, ce qui est méritoire en ces temps de difficultés et de rigueur budgétaire. Ils s'élèvent à 32 millions d'euros et traduisent une réelle volonté politique, que je veux ici saluer.

Cet effort permettra de financer, en étroite liaison avec le ministère de l'éducation nationale, des opérations exemplaires, telles que les ateliers artistiques dans les lycées et les collèges, le soutien aux services éducatifs des musées - le nombre de ces structures se multiplie aujourd'hui sur l'initiative des communes pourvues d'un musée -, la formation des enseignants, des actions spécifiques dans les écoles.

S'agissant des actions en milieu scolaire, deux mesures nouvelles m'apparaissent particulièrement intéressantes.

Il s'agit de l'introduction, tant attendue, de l'enseignement de l'histoire de l'art dans les établissements d'enseignement et de la mise en place de liens contractuels entre établissements scolaires et établissements culturels. Ces dispositions permettront, je le crois, d'ouvrir le monde de la culture aux plus jeunes. C'est parmi eux que se recrute le public qui demain fréquentera avec bonheur les musées, les théâtres ou les salles de concert.

Malgré les contraintes, votre projet de budget, madame la ministre, traduit une réelle volonté de démocratiser la culture. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, qui a tenu à marquer à la fois son soutien à cette volonté de démocratisation et sa vigilance pour ce qui est du patrimoine monumental, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Je salue votre performance, mon cher collègue, car vous avez su respecter votre temps de parole sans rien sacrifier de la densité de votre propos !

La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présenterai d'abord, pour ce qui me concerne, le programme « Création », qui représente 38 % des interventions de la mission « Culture » et dont les crédits connaîtront une quasi-stagnation en 2008.

Ce projet de budget s'établit, hors dépenses de personnel, à 736,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 739,3 millions d'euros en crédits de paiement. En intégrant les dépenses de personnel, le programme atteint 798,23 millions d'euros en crédits de paiement et 798,23 millions d'euros en autorisations d'engagement ; la progression est donc seulement de 0,1 % pour les crédits de paiement et de 0,6 % pour les autorisations d'engagement.

La première action concerne le spectacle vivant, qui représente 38 % du programme et avait constitué une priorité ces dernières années : sa part dans le budget du ministère était passée de 24 % en 1999 à 35,9 % en 2006. Après être revenue cependant à 32,32 % en 2007, elle sera de 30,87 % en 2008. Les crédits diminueront, par conséquent, de 0,38 %, ce qui inquiète bien entendu les professionnels concernés.

Les opérateurs nationaux auront un budget contraint ; il leur est donc demandé de poursuivre leurs efforts de rationalisation et de développer de nouvelles ressources, afin d'accroître leurs marges de manoeuvre. À cet égard, avez-vous envisagé, madame la ministre, que les festivals dédiés au spectacle vivant puissent bénéficier des dispositions applicables en matière de mécénat ?

J'avais salué l'an dernier l'ajout d'un indicateur concernant la « part des structures bénéficiant d'une subvention de fonctionnement ayant signé une convention avec l'État ». Il nous semble important que cet indicateur soit désormais respecté, ce qui suppose un renforcement de la politique de contractualisation de l'État avec les structures dont il subventionne le fonctionnement. Dans cet ordre d'idée, je regrette le retard pris dans la mise en place des contrats d'objectifs et de moyens des scènes nationales.

Par ailleurs, j'insiste à nouveau sur la nécessité d'amplifier la diffusion des spectacles.

Certains progrès ont été réalisés depuis la publication du rapport de Bernard Latarjet, qui a jeté la lumière sur les insuffisances en la matière, mais l'évolution s'avère lente. C'est dans le domaine du théâtre et du cirque que les efforts sont le plus importants, puisque chaque spectacle fait l'objet, en moyenne, de 3,7 représentations, contre 2,6 représentations toutes disciplines confondues. Mais ces chiffres restent très faibles, et il faut renforcer les efforts dans ce domaine.

Le nécessaire développement de la circulation des spectacles entre les théâtres vaut, au premier chef, pour le réseau des théâtres publics. À cet égard, je souhaite que soient pris aussi en compte les théâtres municipaux. Une meilleure circulation des oeuvres doit également être encouragée entre théâtres publics et théâtres privés. Nous manquons d'informations complètes et fiables dans ces domaines, aussi sommes-nous favorables à la création d'un observatoire du spectacle vivant, qui centraliserait l'ensemble des données statistiques et pourrait produire des données incontestables, notamment sur la place de la création contemporaine et des auteurs vivants dans les théâtres. Que pensez-vous, madame la ministre, de l'idée de confier cette mission au Centre national du théâtre ?

Pour ce qui concerne les arts plastiques, qui représentent 10,5 % du programme, la hausse des crédits en leur faveur est importante, puisqu'elle atteint 8 %. Nous saluons en outre le « plan de renouveau pour le marché de l'art », que vous avez annoncé en septembre dernier.

Pour ce qui concerne le livre et la lecture, qui représentent 4,1 % du programme, nous nous réjouissons du lancement d'un « plan livre », que nous avions appelé de nos voeux. Les librairies indépendantes, fragiles, seront les premières concernées.

Ce plan reprend partiellement les propositions du rapport « Livre 2010 » et d'Antoine Gallimard, mais aussi celles qui avaient été avancées par notre commission dans son rapport d'information. Cependant, pourquoi ne pas reprendre l'idée de créer un médiateur du livre, madame la ministre ? Je sais que l'ensemble des professionnels ne l'approuvent pas, mais ne serait-ce pas là le moyen de rééquilibrer un rapport de force le plus souvent défavorable aux auteurs ?

S'agissant de la musique, la situation est très inquiétante, les entreprises étant particulièrement affaiblies par le piratage des oeuvres. Ainsi, depuis 2003, le marché du support musical aura perdu 43,6 % en volume et 44,8 % en valeur !

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les modalités du « plan de sauvetage » annoncé pour cette industrie, qui prévoyait notamment une baisse de la TVA sur le disque, mais aussi l'engagement d'actions innovantes ?

J'en viens à ce que j'ai appelé la « permanence de la question de l'intermittence ».

La Cour des comptes a analysé la gestion du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. Elle conclut que, si l'on tente d'établir un bilan des dispositifs existants au regard des objectifs assignés, force est de constater qu'ils n'y ont qu'imparfaitement satisfait : le système des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage n'est pas entièrement vertueux, et le dispositif ne semble pas avoir permis à l'UNEDIC de réaliser les économies attendues.

Lors de la dernière réunion, le 15 octobre dernier, du Comité national des professions du spectacle, le CNPS, vous aviez indiqué, madame la ministre, vouloir demander au Premier ministre de reconduire en 2008 le dispositif applicable aux allocataires du Fonds de professionnalisation et de solidarité, financé par l'État. Où en sommes-nous aujourd'hui, et pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'utilisation des fonds publics déjà engagés à ce titre ?

Par ailleurs, je m'inquiète du retard pris dans la négociation des conventions collectives, alors que l'on avait fixé pour objectif de les avoir conclues à la fin de 2006. En effet, si des progrès ont été réalisés dans certains domaines, les discussions semblent s'enliser sur d'autres sujets...

Au total, les artistes et techniciens sont inquiets.

Nous insistons pour que, dans le cadre de la renégociation du régime général d'assurance chômage qui se déroulera en 2008, les partenaires sociaux prennent en compte les spécificités des professions artistiques. Un équilibre doit être légitimement trouvé pour cela, sans pour autant que l'assurance chômage soit conduite à prendre en charge ce qui relève d'autres acteurs : de l'État, au titre de la solidarité nationale ou de la politique culturelle, des employeurs ou des collectivités territoriales.

En conclusion, je vous indique que la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2008. (Applaudissements au banc des commissions.)

S'agissant maintenant du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », je constate que le secteur du cinéma est globalement en « bonne santé » économique. Le nombre de films produits en 2006 est identique à celui de 2004, après le record enregistré en 2005. Par ailleurs, la fréquentation des salles a progressé de 7,6 % et la part des films français s'établit à 44,7 %. Elle n'avait pas été aussi élevée depuis 1984. En outre, les exportations de films français à l'étranger se sont bien tenues en 2006, même si certaines évolutions s'avèrent préoccupantes dans ce domaine.

Cependant, ce tableau positif ne doit pas dissimuler des fragilités, ainsi que la nervosité d'un certain nombre des professionnels que j'ai auditionnés.

Je pense, en premier lieu, au secteur de la vidéo. Ce marché a subi une diminution de 5,2 % en volume et de 7 % en valeur en 2006, puis une nouvelle baisse de 0,4 % et de 7 % respectivement au cours du premier semestre de 2007. La vidéo à la demande, quant à elle, démarre lentement.

Je pense, en second lieu, au problème du piratage massif des oeuvres. Depuis l'adoption de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, les technologies et les comportements des internautes ont continué à évoluer, et il est, nous le savons, particulièrement difficile de réglementer un secteur aussi sujet à mutations. Toutefois, l'évolution des technologies permet aussi d'envisager de nouveaux moyens de lutter contre ce fléau.

Notre commission se réjouit sincèrement de la signature, le 23 novembre dernier, de l'accord pour le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux. Ainsi, dans un délai très rapide, la mission confiée à M. Denis Olivennes a permis d'aboutir, pour la première fois, à une position commune des acteurs du monde de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel et des fournisseurs d'accès. Nous tenions à ce que la responsabilité, dans ce domaine, soit partagée entre ces différents intervenants.

Cet accord permettra de protéger nos industries culturelles du fléau de la piraterie de masse. Finie l'idée que la création est gratuite ! Les ayants droit seront mieux respectés, mais l'accord profitera également aux consommateurs, et ce de deux manières : d'une part, en raison de la suppression des mesures techniques de protection qui empêchent d'écouter les titres téléchargés légalement sur tous les types d'appareils ; d'autre part, par l'amélioration de l'offre légale de musique et de films, qui sera plus rapidement disponible sur Internet et moins onéreuse.

La procédure d'avertissement préalable des internautes par le biais d'une autorité indépendante, qui, en cas de récidive, pourrait prononcer des sanctions, nous semble tout à fait adaptée ; elle viendra utilement compléter cette loi.

Pour notre commission, l'Autorité de régulation des mesures techniques, créée à l'initiative du Sénat, devrait se voir confier ces nouvelles responsabilités. Que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ?

Un autre sujet de préoccupation tient à la nécessité de repenser et de réaffirmer la complémentarité entre politique culturelle et droit de la concurrence.

Cette question recouvre de nombreux sujets. Je pense notamment à la carte illimitée. Le récent agrément accordé à la nouvelle carte illimitée a suscité bien des polémiques. Madame la ministre, s'agit-il d'un procès d'intention ou d'un risque véritable de spoliation des ayants droit ?

Par ailleurs, je m'inquiète des possibles conséquences de la remise en cause, par le Conseil de la concurrence, du code de bonne conduite qui encadrait, depuis 1999, les relations entre distributeurs et exploitants, et qui tenait compte de l'économie extrêmement particulière de la diffusion des films en salles. Il serait souhaitable d'éviter tout phénomène de « guerre des prix » dans le secteur du cinéma qui porterait préjudice à l'ensemble du secteur.

En ce qui concerne la cohabitation entre salles privées et salles publiques, l'équilibre est tellement fragile qu'il convient d'y veiller en permanence et de prendre en compte, bien entendu, les réalités locales.

Tous ces sujets justifient à l'évidence la mission sur le thème « Cinéma et droit de la concurrence » qui a été confiée à Anne Perrot et à Jean-Pierre Leclerc. Disposez-vous, madame la ministre, des premiers résultats de cette mission ?

L'équipement du territoire en salles de cinéma est désormais globalement satisfaisant.

Dans le cas où le Gouvernement, suivant les préconisations de la commission Attali, proposerait d'abroger les lois Royer de 1973 et Raffarin de 1996, notre commission juge absolument nécessaire de maintenir les dispositions régulant les créations et extensions d'établissements cinématographiques.

Pour ce qui concerne la projection numérique, la politique en ce domaine me semble se situer entre frilosité et volontarisme. Les exploitants, souvent en situation économique fragile, ne montrent pas tous le même empressement à sauter le pas de la projection numérique. En outre, le modèle économique permettant un développement de ces technologies dans les salles de cinéma n'a pas encore été trouvé à ce jour dans notre pays, même si les réflexions progressent.

L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle, sans doute, une adaptation du soutien financier géré par le CNC. Il nous apparaît essentiel que les modes de financements garantissent l'indépendance de programmation des exploitants.

Tant les pouvoirs publics que les professionnels devront également veiller à ce que des écarts ne se creusent pas durablement entre des salles « à plusieurs vitesses ». À cette fin, une attention particulière devra sans doute être portée aux salles d'art et essai, ainsi qu'aux salles jouant un rôle spécifique en matière d'aménagement culturel du territoire.

Dans ce contexte, le programme 711, consacré aux industries cinématographiques, devrait bénéficier d'une hausse de 4,54 % en 2008, pour s'établir à 280,8 millions d'euros. Le secteur continuera aussi à être soutenu par une politique fiscale incitative.

Je me suis interrogé sur l'idée d'une taxation des recettes de publicité de la vidéo à la demande, qui me semblerait pertinente et respectueuse du principe de la neutralité technologique.

Il nous a semblé toutefois opportun d'attendre l'an prochain, compte tenu des réflexions en cours sur la réforme du dispositif de soutien du CNC et des règles régissant la publicité télévisée.

Enfin, j'insiste pour que la pérennisation à long terme du régime d'aides publiques aux oeuvres cinématographiques et télévisuelles soit inscrite à l'agenda de la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Je conclurai en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, conformément aux décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, depuis votre prise de fonction rue de Valois, nous assistons à l'ouverture de nombreux chantiers dans plusieurs secteurs de notre politique culturelle : missions Olivennes sur le téléchargement illégal, Gross sur l'éducation artistique et culturelle, « Grenelle de l'audiovisuel ». La lettre de mission que vous a adressée le Président de la République a fixé les grandes lignes de votre action, dont nous commençons à trouver la traduction dans ce budget.

Madame la ministre, je serai très directe : ce budget inquiète les acteurs culturels tout autant que les collectivités territoriales, que nous représentons ici au Sénat, déjà très investies dans la culture. Vous l'avez vous-même admis, votre budget n'est pas seulement contraint, c'est un budget d'austérité. Je dirais que vous avez été quelque peu malmenée par Bercy et nous sommes nombreux ici à le penser.

Certes, nous sommes conscients de l'état critique de nos finances publiques. Nous concevons tout à fait que le ministère de la culture participe à l'effort de réduction des dépenses. Cependant, l'effort demandé est très important pour un secteur qui représente à peine 1 % du budget de l'État. Il ne faudrait pas que l'ensemble du secteur culturel soit pénalisé outre mesure. Gardons à l'esprit cette maxime que l'on doit au cinéaste et humoriste américain Woody Allen qui dit fort à propos que « l'argent est plus utile que la pauvreté pour des raisons financières ».

La lettre de mission du Président de la République vous fixe des objectifs ambitieux. Aussi, dans un contexte budgétaire contraint, notre interrogation concerne les moyens dont vous disposez pour les atteindre.

Comment sauvegarder le patrimoine monumental quand on constate une stagnation des crédits, alors que cette action suppose des moyens importants et un effort constant, selon les termes du Président de la République ?

Comment favoriser la création et la diffusion des spectacles quand les crédits en faveur du spectacle vivant restent, au mieux, au même niveau ?

Comment faire de la démocratisation culturelle une priorité de la politique culturelle lorsque les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont en baisse d'environ 1,7 million d'euros ?

Ainsi dans le programme « Patrimoines », on constate la stagnation des crédits alloués au patrimoine historique, autour de 300 millions d'euros, qui ne se situent à ce niveau que grâce à la rebudgétisation de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux. Nous regrettons cette décision, car cette recette pérenne nouvelle de 70 millions d'euros par an, prélevés sur les droits de mutation perçus par l'État, était particulièrement utile. Nous retombons donc à un niveau de crédits insuffisants pour les besoins de ce secteur, après deux années marquées par des mesures d'urgence qui avaient permis d'atteindre les 350 millions d'euros jugés nécessaires par notre mission d'information. Nous sommes également loin des 400 millions promis par le Président de la République pendant la campagne présidentielle « pour redonner sa splendeur à notre patrimoine ». Dans ces conditions, un certain nombre de chantiers vont de nouveau être arrêtés ou reportés.

Cette situation confirme, au-delà d'un engagement constant, la nécessité de mettre en oeuvre au plus vite les dispositions préconisées par les missions de l'Assemblée nationale et du Sénat en faveur du patrimoine, notamment la diversification de ses sources de financement.

Consciente de ces difficultés, madame la ministre, vous avez évoqué la recherche d'une ressource extrabudgétaire pour assurer la pérennité du financement. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette mesure ?

Cela dit, pour être équitable, je tiens à saluer les efforts déployés en faveur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État, puisque 20 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2007 leur seront consacrés. C'est une bonne chose, car les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés disposent traditionnellement de moins de moyens que les monuments parisiens, et sont dans une situation très tendue.

Dans ce programme, je citerai également l'action renforcée du ministère en faveur des musées en région qui voient leurs crédits augmenter de près de 18 %. Ces crédits supplémentaires permettront de financer les opérations d'investissement et d'améliorer la qualité des équipes et des lieux qui assurent en région la diffusion des riches oeuvres de notre patrimoine muséal. Ce rééquilibrage en faveur des régions est le bienvenu.

L'effort est aussi conséquent en faveur des archives, puisque ce sont 76 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28 millions en crédits de paiement qui sont consacrés à la construction du nouveau Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. Ce centre pour les archives de l'État postérieures à 1790, qui devrait voir le jour en 2011, permettra aux chercheurs de disposer d'un lieu moderne et adapté de conservation et de consultation des archives. Par cet engagement, qui sera complété par le projet de loi relatif aux archives - il sera prochainement discuté dans notre assemblée -, l'État confirme que la conservation, l'enrichissement et la valorisation du patrimoine archivistique constituent un objectif majeur de sa politique culturelle.

Concernant la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, je regrette la baisse globale des crédits de ce programme. Certes, figure dans ce budget une augmentation de 6 % des crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle qui fait figure de priorité de votre action.

Nous ne pouvons que vous soutenir dans ce choix politique, car nous sommes convaincus que toute réforme profonde de la politique culturelle tient à la place que l'on fera à l'éducation artistique dans le cadre de l'enseignement général. Nous serons bien sûr attentifs aux mesures concrètes que vous mettrez en oeuvre à la suite des recommandations de M. Éric Gross sur la généralisation de l'éducation artistique et culturelle et l'amélioration de ses dispositifs.

Cependant, les actions en faveur de l'accès à la culture sont touchées, ce qui est en contradiction totale avec l'objectif prioritaire de démocratisation culturelle affiché par le ministère. Ce sont les actions de sensibilisation des publics, les politiques de lutte contre les inégalités territoriales, le travail des associations auprès des populations culturellement défavorisées qui sont remis en cause. On ne peut financer l'éducation artistique et culturelle au détriment des dispositifs de démocratisation culturelle.

Il est également difficilement compréhensible aujourd'hui que les ASSEDIC refusent encore de prendre en compte - comme pourtant l'avait souhaité votre prédécesseur, Renaud Donnedieu de Vabres - les heures d'intervention des artistes dans les écoles et dans d'autres lieux pour qu'ils bénéficient de leur régime d'assurance chômage. Nous savons tous que l'éducation artistique et culturelle passe par la présence renforcée des artistes dans les écoles. C'est d'ailleurs le sens des mesures prises dans ce budget. Comment cette politique est-elle possible si les ASSEDIC ne reconnaissent pas ces heures comme faisant partie du travail artistique ouvrant des droits aux intermittents ? Ces derniers ont besoin, madame la ministre, d'être aujourd'hui rassurés.

Un dernier mot pour déplorer la diminution des aides aux établissements d'enseignement spécialisé, qui obligera les collectivités territoriales à venir compenser ce désengagement. C'est le cas dans mon département, comme dans beaucoup d'autres, où les crédits pour l'école des beaux-arts du Havre et de Rouen sont en baisse de 15 %. Je n'ose croire qu'une baisse similaire affectera les conservatoires. À l'heure de la mise en oeuvre, inégalement avancée, d'ailleurs, de la loi relative aux libertés et responsabilités locales d'août 2004 concernant ces établissements, cette décision serait regrettable, car elle donnerait le sentiment d'un « marché de dupes ». On ne peut concevoir la décentralisation comme un désengagement de l'État qui se décharge de ses missions sur les collectivités locales.

Concernant l'expérimentation de la gratuité des musées, je voudrais exprimer les mêmes réserves que notre rapporteur pour avis Philippe Nachbar. Si cette initiative apparaît de prime abord comme une bonne idée, je ne suis pas sûre qu'elle soit particulièrement opportune dans un contexte budgétaire particulièrement contraint et qu'elle soit la panacée pour favoriser l'accès à la culture. De nombreuses études ont en effet montré que ce type de mesure renforçait la fréquentation des publics déjà habitués à venir dans les musées. On ne peut donc pas associer si facilement gratuité et démocratisation.

C'est en outre méconnaître tout le travail de sensibilisation des publics éloignés des pratiques culturelles, qui ne viendront pas dans les musées uniquement parce qu'ils sont gratuits. C'est pour cette raison que les actions en faveur de l'accès à la culture ne doivent pas être délaissées. Cela dit, j'ai bien entendu que cette expérimentation sera ciblée et soumise à évaluation.

Enfin, en ce qui concerne le programme « Création », hormis le secteur des arts plastiques, qui est en progression, les crédits stagnent, ce qui ne manque pas d'inquiéter les professionnels du spectacle vivant, qui tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme.

Alors que le spectacle vivant a fait figure de secteur prioritaire ces dernières années, ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui. Le gel des crédits à hauteur de 6 % prévu cette année fait craindre des réductions qui vont se traduire par moins de création, peut-être des licenciements d'artistes ou de techniciens, en tout cas des non-renouvellements de contrat, fragilisant encore plus les structures et les compagnies.

Ainsi, Laurent Hénart, président de la Réunion des opéras de France, vous a alertée sur le désengagement de l'État vis-à-vis des opéras en région. Pardonnez-moi une fois encore de citer un exemple tiré de mon quotidien d'élue locale, mais, très concrètement, à Rouen, ce désengagement se traduit par une baisse de 6 % de la subvention de l'État à l'opéra, et la hausse prévue pour le centre dramatique régional lors du recrutement de sa nouvelle directrice semble remise en cause.

Tout le monde constate l'essoufflement des financements de l'État, notamment dans le secteur du spectacle vivant, ce qui l'empêche de remplir correctement ses missions. Pour ma part, j'appelle de mes voeux une politique contractuelle de l'État avec les collectivités territoriales pour non seulement réduire les déséquilibres financiers, mais surtout clarifier le rôle de l'État et définir l'articulation des différents échelons des collectivités locales, plutôt que chacun fasse sa politique culturelle dans son coin. Cela conduit parfois - il faut bien le dire - à un éparpillement des financements. D'ailleurs, les acteurs culturels eux-mêmes ont besoin de savoir qui fait quoi, avec qui, comment et pourquoi.

On n'a pas non plus encore tiré toutes les conséquences du rôle premier des collectivités locales dans le financement de la culture. Elles sont aujourd'hui en première ligne ; elles jouent un rôle majeur en matière de politique culturelle en finançant des équipements culturels et en accompagnant les structures artistiques à plus des deux tiers des dépenses pour le spectacle vivant.

Faisant le constat des difficultés récurrentes de financement dans l'ensemble de nos départements, les professionnels du spectacle vivant vous demandent l'organisation d'un « Grenelle de la culture ». Il y a maintenant trois ans, lors des débats sur le spectacle vivant organisés au Parlement, nous étions plusieurs parlementaires à souhaiter une loi d'orientation sur le spectacle vivant. Plus récemment, pendant la campagne présidentielle, j'ai personnellement évoqué l'organisation d'états généraux de la culture.

Au-delà de ces différences de terminologie, l'idée est la même : il s'agit de traiter enfin l'ensemble des difficultés liées à ce secteur. Le ministère n'échappera pas à cette remise à plat et, de ce fait, à une profonde réforme de ses structures.

On ne fera donc pas l'économie d'une conférence nationale réunissant l'État, les collectivités territoriales et les acteurs culturels afin de clarifier le rôle de chacun au regard de ses responsabilités et de ses engagements financiers réels, pour faire mieux, peut-être plus simple et plus clair, de façon coordonnée et autour de projets structurants. Pour être réussie, la décentralisation culturelle doit, plus que jamais, être organisée.

« Vivre, c'est ne pas se résigner », a écrit Albert Camus. Aussi, mes chers collègues, je crois venu le temps d'inviter Mme la ministre, et nous souhaitons l'y aider, à ouvrir quelques-uns de ces grands chantiers que je viens d'évoquer. Là sont les enjeux d'aujourd'hui.

Êtes-vous également prête, madame la ministre, à engager cette grande réflexion si nécessaire sur les missions du ministère de la culture, conjointement d'ailleurs avec les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, car ils conduisent eux-mêmes un certain nombre d'actions qui ne sont pas toujours clairement articulées avec la rue de Valois ?

Voilà donc synthétisé notre point de vue sur les crédits de la mission « Culture ».

Nous aimerions être constructifs, mais les interrogations sont aujourd'hui trop nombreuses. Nous ne pouvons donc raisonnablement pas voter ces crédits. À vrai dire, depuis que je suis parlementaire, c'est sans doute la première fois que je m'abstiendrai de voter le budget de la culture. C'est dire si notre inquiétude est grande !

J'espère très sincèrement, madame la ministre, vous qui n'êtes pas personnellement à mettre en cause et dont le professionnalisme est reconnu, que ces mises en garde feront réagir le Gouvernement dans le bon sens. Il doit comprendre que, comme l'a écrit Gao Xingjian, « la culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)