M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, j'étais prêt à accorder les quatre minutes qui m'étaient imparties à mon ami Jacques Ralite. À l'avenir, il serait préférable de laisser à la diligence du groupe la gestion du temps de parole global, afin d'éviter ce qui est malheureusement arrivé. Je comprends les contraintes du président de séance, mais, dans le même temps, il faut respecter les sensibilités et l'on aurait pu laisser Jack Ralite poursuivre.

M. le président. Monsieur Renar, la conférence des présidents fixe la façon de procéder. Si nous devons réserver à des sénateurs remarquables, brillants et captivants, de surcroît anciens ministres - et nous admirons tous ici M. Ralite - un traitement différent, la situation va être compliquée. Le président de séance agit avec le plus de souplesse possible, mais, au bout de douze minutes, quand le temps imparti est de dix, il peut légitimement commencer à s'inquiéter de l'équité de traitement entre tous les parlementaires.

Si vous souhaitez une remise en cause des règles de fonctionnement du Sénat pour permettre à M. Ralite de parler plus longtemps, je n'y vois aucune objection. Mais alors ces nouvelles règles doivent valoir pour tous les budgets et pour tous les parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Ivan Renar. Pour en revenir au budget, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas rentrer dans une querelle de chiffres, mais il est clair que les moyens affectés à la culture sont en retrait dans le moment même où les pratiques culturelles sont en plein bouleversement.

Le Gouvernement aurait-il perdu de vue que l'art et la culture sont des enjeux de civilisation ? Investir dans la culture, c'est aussi investir dans cette intelligence sensible dont notre pays a tant besoin pour relever le défi d'une société en demande de repères.

Contrairement à ce que titrait le Time Magazine, la culture française est bien vivante, avec un maillage territorial envié de par le monde. Mais un pays qui ne soutient plus résolument les artistes, l'audace de la création, l'imaginaire, se condamne au déclin, comme vient de le dire avec passion, mais aussi raison, mon ami Jack Ralite.

Face à un marché standardisant, qui se sert de la culture plus qu'il ne la sert, le contrepoids d'un service public national de la culture « élitaire pour tous » est plus que jamais une nécessité.

Si la création est mise à mal, la démocratisation, qui est pourtant une priorité affichée par le Président de la République, n'est guère mieux lotie. J'en veux pour preuve la suppression de 18 % des crédits visant à favoriser l'accès à la culture des territoires et des publics les moins favorisés. Cette baisse drastique touche les acteurs de terrain, les associations d'éducation populaire, les zones rurales, les contrats de ville et la lutte contre les exclusions. Comment justifier un tel recul alors que les quartiers ont plus que jamais besoin d'un puissant effort de solidarité nationale afin de combler des inégalités de plus en plus criantes ?

C'est le non-partage qui crée le non-public. Et l'on sait que les extrémismes naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et l'absence de culture. La médiation et la sensibilisation sont indispensables, mais elles sont malheureusement les premières sacrifiées quand les moyens diminuent.

Par ailleurs, alors que l'enseignement spécialisé va être transféré aux collectivités territoriales, déjà fortement mises à contribution, comment ne pas déplorer la baisse de 2 millions d'euros dédiés à la transmission des savoirs, qui concerne les conservatoires et écoles de musique, de théâtre et de danse ?

En ce qui concerne l'éducation artistique, pilier déterminant de la démocratisation, il faut acter que le budget est en hausse, ce qui ne veut pas dire que le compte y est. Le retard est tel qu'il faudrait au minimum le doubler.

Pour lutter efficacement contre la « fracture culturelle », il est nécessaire de rendre l'éducation artistique discipline obligatoire, à l'instar de la grammaire ou des mathématiques. Alors que les enfants passent de plus en plus de temps devant la télévision ou sur Internet, il est également incompréhensible que l'éducation à l'image ne soit pas généralisée. Tous les jeunes, de la maternelle à l'université, doivent pouvoir accéder aux oeuvres, à leur compréhension ainsi qu'aux pratiques artistiques. À cet égard, où en est le projet présidentiel de généraliser l'histoire de l'art à l'école ?

Enfin, dans une société où la technique et la technologie sont omniprésentes, malgré une légère augmentation du budget, les efforts en faveur de la diffusion de la culture scientifique restent insuffisants. Il faudra bien, un jour, sortir d'un système dans lequel « il est fatal qu'il soit fatal que la culture soit toujours traitée après », et la culture scientifique encore après. Démocratiser plus résolument la culture scientifique, développer plus largement sa diffusion, c'est essentiel pour que chacun puisse en connaissance de cause maîtriser les choix scientifiques et peser sur ceux qui dessineront le monde de demain.

Je pourrais allonger cet inventaire des moyens qui ne sont pas au rendez-vous des besoins ni à la hauteur de l'ambition du partage du meilleur de l'art et de la culture pour tous. C'est pourquoi, avec mon groupe, je ne peux que voter contre ce budget de non-assistance à culture en danger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier tous les orateurs : quelles que soient leur sensibilité politique et la tonalité de leur intervention, ils ont témoigné de leur engagement en faveur de la culture. C'est en effet une cause qui nous rassemble tous.

Je m'efforcerai de répondre aux différentes questions sans trop me répéter, certaines interventions se rejoignant. Ces dernières nous ont en tout cas permis de faire un tour d'horizon assez complet des différents aspects de la politique culturelle.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de reconnaître que, cette année, un effort soutenu est effectué en faveur du patrimoine.

Vous m'avez interrogée sur la problématique des établissements publics, en soulignant que le ministère de la culture assurait la tutelle de soixante-dix-huit opérateurs.

Je reconnais que c'est une caractéristique de mon ministère, ce qui renforce effectivement l'enjeu d'une bonne tutelle. Nous essayons ainsi d'améliorer le pilotage stratégique des établissements publics - tout en restant très attachés au principe d'autonomie - par l'envoi aux nouveaux dirigeants de lettres de mission précisant les priorités du ministère. Nous accélérons également la signature des contrats de performance, la question de la contractualisation des moyens dépendant bien évidemment des travaux en cours sur la pluriannualité des budgets des ministères. Nous cherchons à mutualiser les bonnes pratiques et à moderniser la gestion des emplois en nous posant la question d'un transfert de la gestion des personnels aujourd'hui simplement affectés.

Nous avons donc réalisé un effort important pour travailler le plus étroitement possible avec les établissements publics, qui sont des acteurs majeurs de notre paysage culturel.

Vous êtes également intervenu sur ce que vous appelez la « soutenabilité » de nos engagements financiers, en vous demandant si l'on pouvait réaliser des équipements culturels nouveaux. On peut bien sûr le faire, mais, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, notre priorité est de faire face à nos engagements antérieurs.

En 2008, les crédits de paiement alloués aux DRAC honoreront en priorité les engagements passés et les opérations ayant bénéficié de financements FEDER. En l'espèce, nous avons des dates butoir au-delà desquelles nous serions obligés de rembourser les apports réalisés ; mais cela ne nous empêchera pas de lancer de nouvelles opérations.

Nous avons ainsi inscrit des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour de grands projets. Je pense, par exemple, à la construction du Centre national des archives de Pierrefitte ou au réaménagement du quadrilatère Richelieu. Mais ce sont des projets à long terme, qui arriveront à maturité en 2012. En nous plaçant dans cette perspective, nous pouvons à la fois porter des projets et donner la priorité au règlement de nos engagements passés.

Comme M. Dauge, vous avez évoqué l'INRAP en indiquant que la situation tendait à s'améliorer. La productivité de la redevance d'archéologie préventive s'est en effet accrue en raison d'un effort particulier en ce qui concerne son recouvrement.

Nous nous sommes beaucoup mobilisés pour améliorer la situation de l'INRAP. Un plan de résorption de l'emploi précaire a été mis en place, ce qui a permis de consolider 350 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée en 2007, augmentant ainsi la capacité d'intervention de l'établissement. Il y a également eu des efforts de gestion interne, avec une amélioration des ressources humaines et un renforcement du dialogue entre l'INRAP et les services régionaux de l'archéologie.

En outre, nous avons le souci de développer une offre alternative afin que les collectivités locales qui le peuvent mettent en place leur propre service d'archéologie préventive. Actuellement, plus de cinquante services archéologiques de collectivités ont obtenu l'agrément. Des opérateurs privés, comme Archeodunum, en Suisse, ou Oxford, en Grande-Bretagne, peuvent également offrir des possibilités d'intervention et de soutien à l'action d'archéologie préventive.

La dette est réelle : l'INRAP doit encore 15,5 millions d'euros. Le règlement de cette question sera à nouveau évoqué avec le ministère du budget dans le cadre des discussions sur le futur contrat de performance. Vous l'avez rappelé à juste titre, cette somme était destinée à l'origine à permettre à l'établissement de disposer d'un fonds de roulement lors de sa création.

Le Conseil national de la recherche archéologique s'est réuni plusieurs fois, en 2007, sous la présidence du professeur François Baratte. Après son renouvellement partiel, j'ai l'intention d'assister à la mise en place du nouveau conseil, qui aura lieu en janvier prochain. (Marques de satisfaction au banc des commissions.)

Mme Christine Albanel, ministre. MM. Gaillard et Lagauche ont évoqué le CNC, qui fera l'objet d'une réforme nécessaire afin de moderniser sa gestion. L'objectif est de simplifier les circuits et les flux financiers en affectant directement au CNC les taxes qui sont aujourd'hui imputées sur le compte d'affectation spéciale. Toutefois, afin de faire coïncider recouvrement et gestion directe en ce qui concerne la taxe sur les entrées en salle, ou TSA, nous avons intégré dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007 une disposition permettant au CNC de conserver la trésorerie de cette taxe.

En parallèle, nous travaillons à la nécessaire modernisation de la gouvernance du CNC : comme il n'y a pas de conseil d'administration, les décisions sont prises par la directrice générale et par le comité financier. Un accord général existe sur ces nécessaires évolutions, lesquelles nécessiteront l'intervention de la loi.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué la proposition de loi de M. Mancel tendant à établir un classement des trésors inaliénables et des oeuvres éventuellement aliénables. Cette proposition rejoint la problématique de la mission que j'ai confiée à Jacques Rigaud, dont je ne veux pas préjuger les conclusions. Nous y serons extrêmement attentifs lorsque nous aborderons cette question sensible. Cela étant, je ne suis pas sûre que cette proposition constitue la meilleure réponse.

La publication du décret sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage, qui a été évoqué dans le domaine patrimonial, est prévue pour le premier trimestre de 2008. Le décret sera transmis au Conseil d'État dès le début du mois de janvier. Il prévoit une intervention des services de l'État afin d'aider les collectivités locales à conduire les travaux de restauration.

Quant à la mission confiée à Mme Catherine de Salins et à M. Jean-Paul Godderidge, elle porte sur l'organisation globale de la maîtrise d'ouvrage des monuments appartenant à l'État. C'est un domaine qu'il convient de simplifier, car il est extrêmement compliqué en raison de la multiplicité des intervenants : les DRAC, l'EMOC, le SNT, le Centre des monuments nationaux, etc.

Mme Morin-Desailly, MM. Nachbar, Renar, Fouché et Lagauche ont souligné le caractère insuffisant du programme « Patrimoines » au regard des besoins.

Le chiffre de 400 millions d'euros, qui a été évoqué par différents rapports parlementaires, notamment ceux de M. Richert et de M. Nachbar, et par le Président de la République lors de la campagne électorale, représente un objectif qui permettrait d'aller au-delà de ce que l'on a connu par le passé. On constate en effet que, depuis dix ans, les crédits consommés se sont toujours situés autour de 300 millions d'euros, avec une moyenne de 295 millions d'euros environ.

Sur la période 1997-2001, la moyenne était de 280 millions d'euros. Elle s'est accrue de 2002 à 2006, passant à 310 millions d'euros, avec un pic en 2004. Le projet de loi de finances pour 2008, avec 304 millions d'euros, se situe donc dans la moyenne sur dix ans.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport sur l'état du patrimoine monumental, que vous aviez appelé de vos voeux, est actuellement en cours d'élaboration. Il aurait dû vous être remis, mais nous avons pris du retard compte tenu de l'ampleur de la tâche. Il sera en tout cas à votre disposition avant le 31 décembre 2007, et nous espérons que vous pourrez l'avoir même plus tôt, si possible vers le 20 décembre.

Ce rapport devrait corroborer l'estimation de 400 millions d'euros. Nous nous interrogeons donc sur la possibilité d'un financement extrabudgétaire. Madame Morin-Desailly, vous m'avez également sollicitée à ce sujet, mais il m'est difficile d'être plus précise pour l'instant. Nous en sommes encore au stade de la réflexion, et beaucoup de pistes sont examinées.

Nous souhaitons associer le Parlement à cette réflexion, car chacun sait qu'en matière patrimoniale il y a, d'un côté, le problème du montant des crédits et, de l'autre, celui de la stabilité de ces derniers. En effet, l'interruption et le redémarrage des travaux ont des conséquences particulièrement graves pour les métiers d'art et pour toutes les entreprises.

M. Philippe Nachbar, entre autres intervenants, a également évoqué l'expérimentation actuellement conduite sur la gratuité.

Je rappelle que dix-huit établissements, soit quatorze musées et quatre grands établissements parisiens, font l'expérience de la gratuité : gratuité complète pour les collections permanentes ou gratuité ciblée certains soirs de la semaine.

Cette expérience sera menée pendant les six premiers mois de l'année 2008, et son coût est évalué à près de 2,2 millions d'euros, qui seront compensés par le ministère.

Cette expérience sera accompagnée d'un audit privé. Nous sommes en train de passer l'appel d'offres pour un montant estimé entre 100 000 euros et 200 000 euros. Cet audit nous permettra de constater si les habitudes du public changent et si cette initiative a vraiment des effets.

J'entends bien les réserves émises çà et là sur ce sujet.

Il est vrai qu'une politique tarifaire offre la possibilité de mener une politique culturelle. Cependant, il y a certainement de la place pour des déclinaisons de gratuités pouvant se révéler tout à fait intéressantes.

Quoi qu'il en soit, il sera passionnant d'avoir clairement tous les chiffres en main, ce qui sera rendu possible dans quelques mois.

M. Philippe Nachbar a également souligné l'effort en faveur de l'éducation culturelle et artistique, avec un budget qui s'élève à 31,5 millions d'euros. Je l'en remercie.

M. Serge Lagauche a évoqué le spectacle vivant et a parlé d'un budget contraint pour les opérateurs nationaux. Les crédits du spectacle vivant ont cependant été consolidés, et ils s'élèvent tout de même à 640 millions d'euros !

Je rappelle que l'offre culturelle en la matière reste considérable, pour ne pas dire tout à fait exceptionnelle, et que les crédits ont augmenté de plus de 40 % au cours des dix dernières années, ce qui permet de soutenir un tissu extrêmement dense et de subventionner environ 1 200 orchestres ou ensembles.

En tout état de cause, je pense qu'il existe aussi un temps pour la consolidation.

Évidemment, comme différents orateurs l'ont souligné, ce problème est rendu d'autant plus sensible que certains investissements ont été différés.

Il m'arrive, en effet, d'inaugurer des lieux pour lesquels nous n'avons pas encore réglé l'investissement dû : les financements sont allés davantage vers le fonctionnement, et il existe actuellement un gel de précaution de 6 %. Cela ajoute à la sensibilité du sujet.

Je pense néanmoins qu'il n'y a aucunement un désengagement de l'État à l'égard du spectacle vivant et que nous bénéficions toujours d'une offre considérable.

Quoi qu'il en soit, comme Mme Catherine Morin-Desailly l'a très justement demandé, nous ne devons pas faire l'économie d'une réflexion globale sur le sujet et sur les modalités d'intervention de l'État en la matière, en liaison avec les différentes collectivités locales. Que devons-nous soutenir, avec quel projet et où nous faut-il vraiment agir pour que l'intervention publique ait toute sa pertinence ? Telles sont les questions que nous devons examiner cette année.

M. Serge Lagauche a souligné la nécessité de développer le mécénat en faveur du spectacle vivant. À cet égard, nous ne voulons pas qu'il y ait de différence entre les particuliers et les entreprises.

Par ailleurs, nous voulons élargir le champ des institutions bénéficiant du mécénat. Pour l'instant, cet élargissement profitera aux lieux dont le capital est détenu entièrement par une personne publique, ce qui exclut les centres dramatiques nationaux qui sont pour la plupart des SARL.

Nous souhaitons poursuivre la discussion pour que le mécénat en faveur du spectacle vivant se développe, car il est très important.

L'enjeu de la circulation des oeuvres a été souligné par M. Serge Lagauche. Je partage son ambition. Nous souhaitons que les oeuvres soient beaucoup plus diffusées. C'est l'un des éléments que nous inscrirons dans les conventions que nous voulons généraliser avec toutes les institutions culturelles, en particulier avec les scènes nationales.

L'idée de créer un observatoire du spectacle vivant est intéressante, mais, actuellement, la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS, au ministère de la culture, a mis en place un bureau de l'observation de l'ensemble du spectacle vivant. Ce bureau fait remonter l'information et procède à des études qualitatives. L'idée est d'implanter en administration centrale une base de données et de l'étendre rapidement aux directions régionales des affaires culturelles.

Nous souhaitons également coordonner le plus possible tous les éléments apportés par le Centre national du théâtre, le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles, le Centre national de la danse, la Cité de la musique, et établir une convention d'échange d'informations avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.

Le CNT peut être un instrument intéressant, même s'il reste toutefois sectoriel.

Quoi qu'il en soit, on peut étudier l'idée de la création d'un observatoire. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous sommes en train de réfléchir aux missions des différents organismes. Nous étudions, par exemple, la pertinence des spécialisations entre, d'un côté, l'Office national de diffusion artistique, l'ONDA, et, de l'autre, le CNT.

S'agissant du livre, nous avons présenté un plan, avec trois priorités.

La première priorité concerne le renforcement des librairies indépendantes par la création d'un label « librairie de référence » - c'est sans doute la mesure la plus importante -, qui permettra aux librairies ainsi labellisées d'être exonérées de taxe professionnelle, la création d'un fonds d'aide à la transmission des librairies et le soutien de l'État à la création d'un portail internet des libraires.

La deuxième priorité s'articule autour du soutien au développement de la lecture publique en conduisant une expérimentation quant à l'ouverture des bibliothèques le soir ou les jours fériés. Je travaille avec Valérie Pécresse pour recourir à l'emploi étudiant à cet égard.

La troisième priorité est évidemment la définition d'une économie numérique du livre. C'est aujourd'hui toute la problématique entre les éditeurs et la BNF, pour numériser les ouvrages au rythme de 100 000 par an, mais aussi pour passer un accord en ce qui concerne les ouvrages sous droits.

Telles sont les grandes directions du plan « Livre ».

Je souhaite par ailleurs créer un Conseil du livre qui pourra jouer un rôle de médiation, comme l'a souligné M. Jacques Valade dans son rapport.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Mme Christine Albanel, ministre. En ce qui concerne la musique, il a été fait allusion au rapport Olivennes, qui est très prometteur pour l'industrie musicale et l'industrie du cinéma.

M. Serge Lagauche a en effet rappelé, à juste titre, que le piratage touchait également directement le cinéma.

Vous connaissez l'économie générale de cette action, qui tend à renforcer l'offre légale, à la rendre la plus attractive possible, notamment grâce à la suppression des Digital Rights Management, les DRM, ces verrous technologiques qui empêchent de passer d'un support à l'autre.

De plus, nous voulons dissuader les pirates par la mise en place de sanctions équilibrées, qui commencent par de la pédagogie, des avertissements via l'Autorité de régulation des mesures techniques dont les compétences seront élargies par la loi.

Par ailleurs, la rémunération équitable qui accroît les ressources des industries musicales est un élément essentiel, même si ce n'est pas le seul, pour soutenir l'industrie du disque. Il existe toujours, bien sûr, la problématique de la TVA sur le disque. C'est une problématique européenne qui fait partie de nos combats, mais nous sommes loin d'avoir gagné !

En ce qui concerne les intermittents, M. Serge Lagauche, notamment, a évoqué la question des artistes et des techniciens.

Depuis le 1er avril dernier, les nouvelles dispositions relatives aux annexes 8 et 10 sont entrées en vigueur.

Le nombre d'intermittents est descendu à 95 000 personnes. En revanche, l'engagement de l'État reste extrêmement élevé, puisqu'il est toujours de 1,2 milliard d'euros, notamment à la suite du déplafonnement des indemnisations. C'est donc un système qui demeure relativement coûteux et qui s'accompagne d'un engagement assez marqué de l'État.

Malgré tout, des progrès importants ont été enregistrés. On a fait allusion aux huit conventions, dont quatre ont déjà été signées ou en cours de signature et quatre sont en fin de négociation : la signature de la convention sur les éditions phonographiques est en bonne voie. Quant aux conventions relatives respectivement au spectacle vivant subventionné et au spectacle vivant privé, les choses sont un peu plus difficiles.

Nous nous efforçons aussi de prolonger le fonds de professionnalisation et de solidarité de façon à réaliser une jonction avec les négociations sur l'assurance chômage. Le sujet a été soumis à l'arbitrage du Premier ministre, et nous espérons qu'une décision positive sera prise en la matière.

Par ailleurs, à côté de ce fonds de professionnalisation et de solidarité, il y a aussi un volet social auquel on pense moins, mais qui reste très important dans la mesure où toutes les organisations syndicales sont parties prenantes.

Toutes ces dispositions vont dans le sens de la professionnalisation de ces métiers, ce qui, en soi, est très souhaitable.

M. Serge Lagauche a souligné les très bons résultats de notre cinéma.

En ce qui concerne le jeu vidéo, nous travaillons actuellement à la finalisation d'un accord avec la Commission européenne afin de valider le crédit d'impôt, que le Président de la République a souhaité voir rapidement entrer en vigueur.

La réponse de la Commission européenne à la notification qui lui a été faite est imminente. Cette mesure doit permettre de redonner à la France la compétitivité nécessaire pour concurrencer les studios asiatiques et nord-américains.

Il a enfin été fait allusion au droit à la concurrence. Les cartes illimitées de cinéma ont donné lieu à de nombreuses polémiques de la part des petits exploitants. Ces cartes illimitées sont malgré tout très intéressantes pour les consommateurs, et certains effets pervers ont été corrigés en permettant aux petits exploitants d'y participer.

Toutefois, compte tenu des tensions, une mission a été confiée à Mme Perrot et à M. Leclerc afin de parvenir à trouver de bonnes pratiques et de bons équilibres. Nous voulons élaborer une sorte de code de bonne conduite, comme celui qui avait malheureusement été invalidé dans sa forme par le Conseil de la concurrence, au nom d'une entente illicite.

Le Centre national du cinéma continuera bien évidemment à soutenir l'équipement des salles en technologie numérique.

Lors de la présidence française de l'Union européenne, nous essaierons d'exercer une influence sur la Commission de façon à pérenniser et à stabiliser tout notre système d'aide au cinéma, système qui a probablement rendu possible ce cinéma vivant dont nous pouvons être fiers en Europe aujourd'hui.

Ce cinéma n'est pas en danger. La commissaire européenne Mme Reding est très claire sur ce point.

Toutefois, de nouvelles orientations vont arriver sur le sujet. Il faut les préempter et peser sur elles. La présidence française de l'Union européenne sera un moment important pour la France à ce titre.

Madame Morin-Desailly, vous avez, vous aussi, déploré le caractère contraint de ce budget, en soulignant que nous avions été malmenés par Bercy. Nous ne l'avons pas été plus que les autres ministères ! Le ministère de l'enseignement et de la recherche, comme celui de la justice sont évidemment prioritaires, mais, au-delà, tout le monde doit se mobiliser dans l'effort commun.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! Excellent !

Mme Christine Albanel, ministre. Vous êtes revenue sur la problématique du patrimoine. Je partage totalement votre souci de trouver une nouvelle source de financement.

Vous avez souligné votre attachement à l'investissement pour le patrimoine privé. En 2008, ce sont bien 123 millions d'euros, soit une augmentation de 20 millions d'euros des crédits, qui seront affectés aux monuments appartenant à l'État. S'il n'est pas possible d'anticiper à ce stade la répartition de ces crédits entre les collectivités territoriales, les particuliers et les autres collectivités, l'objectif d'allouer 10 % de ces crédits aux propriétaires privés demeure.

Madame Morin-Desailly, vous êtes très engagée, nous le savons, dans l'éducation artistique et culturelle. Un effort important est consenti en faveur de l'éducation artistique. La diminution apparente de crédits résulte de la fusion de certaines actions et du recentrage des interventions du ministère en direction des publics les plus éloignés de la culture, notamment les personnes handicapées ou sous main de justice, les malades hospitalisés ou encore les jeunes publics des zones urbaines sensibles, à travers des opérations comme « Les Portes du temps ». L'accent mis sur l'éducation culturelle et artistique est pour nous tout à fait essentiel.

Une mission d'étude sur l'éducation artistique et culturelle, confiée à Éric Gross par Xavier Darcos et moi-même, est sur le point de s'achever. Elle s'articule autour de trois grands axes : la fréquentation des artistes et des oeuvres, l'apprentissage d'une pratique et une initiation consistante à l'histoire de l'art.

L'idée est que l'histoire de l'art ne doit pas être appréhendée comme une matière particulière, mais qu'elle doit irriguer en quelque sorte toutes les matières, y compris les mathématiques, dont les liens avec l'architecture peuvent être nombreux.

S'agissant de la formation à cet égard, mon ministère est à la disposition des IUFM. Je ne peux dévoiler pour l'instant le plan auquel nous avons travaillé, dans la mesure où il n'est pas encore finalisé ; mais nous avons des projets de partenariat entre les établissements culturels et les établissements scolaires, de façon que des compagnonnages étroits se nouent.

Nous souhaitons aussi pouvoir utiliser nos ressources ; je pense, par exemple, à l'INA, qui peut jouer un rôle important comme centre de ressources pour l'éducation artistique et culturelle dans nos écoles. J'indique d'ailleurs, s'agissant de l'INA, qu'un accord de partenariat a été signé aujourd'hui en Algérie, où je me suis rendue, entre cet institut et la télévision algérienne.

Vous vous êtes interrogée sur la problématique des artistes dans les écoles. C'est une perspective intéressante, mais qu'il ne faut évidemment pas ouvrir trop largement : il ne faudrait pas que les artistes effectuent au sein des établissements ce qu'ils doivent normalement réaliser sur scène ; 120 heures, sur les 507 heures qu'ils doivent effectuer pour bénéficier du régime de l'intermittence, sont prévues à ce titre. Des difficultés se posent parfois à cet égard avec les ASSEDIC. C'est un point que nous soulèverons lors d'une réunion qui aura lieu le 17 décembre prochain.

Vous avez évoqué une certaine stagnation des crédits de la création, ce que j'appelle, pour ma part, une consolidation.

Le gel de précaution, il est vrai, se fait sentir. Nous nous efforçons de le lever car, dans certains petits lieux, il est sensible. Il faut toutefois, comme vous l'avez dit très justement, mener une réflexion globale sur la politique de la culture.

S'agissant, par exemple, des opéras, nous soutenons au premier chef les opéras nationaux, ce qui est tout à fait normal, et nous intervenons différemment d'un lieu à l'autre en ce qui concerne les autres opéras régionaux. Il faut à cet égard clarifier les interventions de l'État.

Il faut faire de même, en matière culturelle, entre les différents ministères : de nombreuses actions sont en effet menées par différents départements ministériels, et une approche globale s'impose donc.

Quant au « Grenelle » de la culture, terme dont je me méfie quelque peu, car j'ai le sentiment qu'on ne peut pas partir de zéro dans un domaine d'une telle richesse, ...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Arrêtons avec ce terme !

Mme Christine Albanel, ministre. ... nous ne sommes pas opposés à une réflexion globale. En tout cas, nous l'envisageons.

MM. Lagauche et Ralite sont revenus sur la lettre de mission qui m'a été adressée par le Président de la République. Messieurs, j'ai été d'une totale franchise sur ce budget depuis le début ; j'ai ainsi souligné que ce budget n'était certes pas facile, mais qu'il permettait d'agir et s'inscrivait dans l'effort normal que l'État doit mener pour faire face à ses engagements.

Vous m'avez interrogée sur le spectacle vivant. J'ai tout à l'heure rappelé le nombre de lieux que nous subventionnons et le caractère très foisonnant de l'offre culturelle.

Vous avez évoqué en particulier les arts de la rue. Ces derniers ont fait l'objet d'un plan de trois ans, avec une augmentation totale des crédits de plus de 4 millions d'euros. Il existe actuellement neuf centres nationaux des arts de la rue, avec des aides à l'écriture, des aides à la diffusion et une consolidation des équipes. Nous avons demandé le maintien de ces crédits aux DRAC en 2008. Parmi les projets en cours, figure la Cité des arts de la rue, à Marseille.

Ce secteur est important pour le ministère. D'ailleurs, les professionnels des arts de la rue ont exprimé leur satisfaction à Toulouse, le mois dernier, lors d'une rencontre qui a clôturé le Temps des arts de la rue.

M. Fouché a évoqué la question du mécénat. Il a d'ailleurs rappelé plusieurs grandes opérations de mécénat, comme la restauration de la galerie des Glaces du château de Versailles, que j'ai vécue en direct.

Je souligne à cet égard que le décret et l'instruction fiscale relatifs au mécénat en faveur des monuments historiques privés sont en cours de finalisation avec la direction de la législation fiscale. L'éligibilité au mécénat des travaux sur les monuments privés est assortie de deux conditions : l'absence d'exploitation commerciale du lieu et l'ouverture au public pendant au moins dix ans des parties protégées et ayant fait l'objet des travaux.

Pour la condition d'ouverture au public, le projet de décret prend en compte différents éléments, comme le caractère saisonnier de l'exploitation. Par ailleurs, s'agissant de la condition d'absence d'exploitation commerciale, le projet prévoit une possibilité d'éligibilité au mécénat en dessous d'un seuil de recettes annuelles de 60 000 euros.

En tout cas, pour les travaux visant à permettre l'accessibilité à des personnes handicapées, aucune condition de ressources n'est exigée pour bénéficier du mécénat.

Ce décret simple devrait être publié avant la fin de l'année ou, au plus tard, au début de l'année prochaine.

Je remercie M. Fouché d'avoir, lui aussi, reconnu les efforts consentis en faveur de l'éducation artistique.

Il a évoqué la question des transferts de crédits aux départements et aux régions concernant les établissements d'enseignement spécialisé, en soulignant l'effort consenti par les collectivités locales.

Je rappelle que l'article 101 de la loi d'août 2004 n'opère pas de transfert de compétence. Il s'agit en fait d'aménager et d'actualiser l'exercice d'une compétence déjà transférée en 1983, de clarifier les compétences des divers niveaux de collectivités et de transférer aux régions et aux départements des subventions que l'État versait jusqu'à présent aux villes pour les accompagner dans leurs actions.

Une réunion s'est tenue le 6 novembre dernier entre mon cabinet et des représentants de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France et du ministère de l'intérieur. Il a été convenu, à la demande de l'ARF, que la commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, du 11 décembre prochain évoquerait, sur le plan général, la mise en oeuvre de cet article de loi.

Un nombre important de départements ayant mené à bien les travaux nécessaires à la signature des schémas départementaux, il a été convenu, pour conforter la dynamique ainsi engagée, de présenter à la CCEC les transferts de crédits des premières régions ayant pu aboutir sur l'ensemble du processus, de poursuivre dans les meilleurs délais l'élaboration des schémas départementaux et les travaux relatifs à l'inscription des cycles d'enseignement professionnel initial dans les plans régionaux de développement des formations professionnels, et, enfin, de procéder aux transferts au fur et à mesure des avancées.

En matière budgétaire, l'ensemble des crédits de fonctionnement - l'action 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » du programme 224  « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - devraient être transférés après délibération des schémas régionaux et départementaux d'enseignement spécialisé. Le montant total de ces crédits s'élève à 28,6 millions d'euros.

M. Ralite est revenu avec beaucoup de passion et de talent sur ce qu'il appelle le « vrai visage » de notre politique, qui s'incarnerait dans le rapport de Jean-Pierre Jouyet et Maurice Lévy, ainsi que dans la lettre de mission du Président de la République.

Je vous le répète, monsieur Ralite - nous en avons cent fois parlé -, je ne crois pas du tout que nous soyons dans un contexte de dérégulation. Nous avons su préserver en France un équilibre entre l'intervention publique et l'intervention privée. Je considère d'ailleurs que cet équilibre s'améliore au fil du temps, que nous avons dépassé certains tabous, sans pour autant mettre à bas les garde-fous qui font de notre politique culturelle précisément ce qu'elle est.

Je ne perçois pas du tout la financiarisation à outrance du monde culturel que vous dénoncez. Des projets comme Abou Dhabi ou Atlanta sont plus une reconnaissance de notre savoir-faire et de notre rayonnement culturel que des opérations strictement mercantiles. Toutes les précautions seront évidemment prises ; la mission confiée à Jacques Rigaud sur la possibilité d'aliéner les oeuvres s'inscrit dans ce cadre.

Quant à la volonté d'une ouverture plus large aux différents publics, exprimée dans la lettre de mission, elle ne signifie en rien baisse de la qualité ou renoncement à l'exigence que nous partageons tous. En tout cas, ce n'est pas du tout ainsi que je la comprends. Je ne pense pas - je l'ai souvent dit -que la qualité fasse fuir le public. J'observe au contraire que les grands créateurs font aussi salle comble.