Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La séparation des tâches d'exécution et de conception tend à se dissoudre.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous ces bouleversements appellent un système de formation tout au long de la vie, qui ne peut être viable sans une formation initiale générale et professionnelle de haut niveau.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une école de l'égalité, de la justice et de la réussite pour tous doit répondre à un triple enjeu.

Il s'agit, tout d'abord, d'un enjeu de justice sociale, qui suppose une action résolue contre les inégalités et la rupture avec le rôle ségrégatif de l'accès aux savoirs. Comment peut-on penser que la suppression de la carte scolaire permettra de remédier à ce problème ? C'est le contraire !

Je réitère donc la demande de mon groupe, formulée en 2005 dans une proposition de loi sur l'école, tendant à la création d'un observatoire des scolarités. Celui-ci permettrait d'analyser en profondeur les sources de l'échec scolaire, afin de construire les réponses que doit apporter le système éducatif. Cet observatoire prendrait tout son sens dans les zones d'éducation prioritaires, rebaptisées zones « ambition réussite », où se concentrent les difficultés sociales et l'échec scolaire.

Il s'agit, ensuite, d'un enjeu de culture, fondé sur un haut niveau de formation et de culture scolaire commune.

Face à cet enjeu, vous venez de décider, monsieur le ministre, d'apporter des modifications à trois heures d'enseignement par semaine en primaire - la suppression des deux heures du samedi et l'ajout d'une heure de sport -, et ce en l'absence de réflexion et de discussion préalables sur les contenus et leurs articulations. Derrière ces mesures se cache une vraie rupture et une réelle ambition, celle de diminuer les savoirs enseignés.

Le dernier enjeu concerne les moyens que la nation consacre à l'école.

Le choix de changer l'orientation et le volume des dépenses publiques, et d'organiser des transferts vers les collectivités territoriales et le privé, accentuera les inégalités en renforçant les disparités entre territoires. Je pense aux moyens financiers, aux équipements des collectivités et à l'inégalité de traitement entre le public et le privé, engendrée par l'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Cet article doit être abrogé.

Une véritable réforme devrait inviter à réfléchir au rôle nouveau de l'éducation nationale et à sa transformation en outil d'égalité, de gratuité et de cohérence d'organisation, en coopération avec les collectivités territoriales, et ce sur l'ensemble du territoire. Nous proposons ainsi, comme objectif d'une législature, de faire passer de 4 % à 7 % du produit intérieur brut la part que l'État consacre à l'école.

Je conclurai mon intervention en formant le voeu que s'engage le vaste débat public de réflexion, de conceptualisation et de définition de l'école dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Aider ceux qui en ont le plus besoin sans pour autant renoncer à la réussite de tous les élèves » : tel est, selon vos propres mots, l'objectif que vous vous êtes fixé, monsieur le ministre. Nous ne pouvons que vous suivre dans cette voie.

Je ne rappellerai pas, par manque de temps, les trois priorités de votre ministère, mais je tiens à exprimer mon adhésion s'agissant de ces objectifs.

Mon intervention portera sur quatre points : l'enseignement technique agricole, la scolarisation des élèves handicapés, l'organisation de la semaine, l'apprentissage.

S'agissant de l'enseignement technique agricole, je ne peux que souscrire aux propos tenus par Mme Françoise Férat.

Sur le terrain, alors que la dotation globale horaire, la DGH, est en diminution de 3 % par an, les établissements manquent d'une vision claire. Leur souhait serait de définir des objectifs globaux et négociés s'inscrivant dans un cadre pluriannuel, afin de soutenir des projets de développement et d'expérimentation, et de préparer l'avenir en mettant en place des formations réactives, complémentaires des formations traditionnelles.

Cela implique de sortir de la seule gestion des moyens. La déconcentration et la décentralisation pourraient permettre, me semble-t-il, une gestion de proximité.

Dans mon département, la Corrèze, l'enseignement agricole est un véritable atout et consent de réels efforts pour maintenir, dans un contexte budgétaire contraint, un niveau performant, afin de préserver tant ses priorités de formation que son identité au service du développement durable et du développement des territoires ruraux.

Confronté à une évolution importante et aux mutations professionnelles de l'agriculture - rénovation des référentiels, allongement d'un an de la préparation du baccalauréat professionnel, fermeture de classes à faible effectif, etc -, l'enseignement agricole sait être réactif. Les établissements ont su élaborer des projets authentiques, en phase avec leur territoire et en symbiose avec les attentes de la profession agricole.

Je peux d'autant mieux en parler que je suis avec attention l'évolution de ces établissements, notamment de celui qui est proche du chef-lieu de mon département, le lycée d'enseignement général et technologique agricole, ou LEGTA, de Tulle-Naves, qui a su prendre en compte, dans son projet, la multifonctionnalité de l'agriculture, le développement des territoires ruraux en termes d'accueil et d'animation, et le développement des services aux personnes, tout en s'investissant dans le pôle d'excellence rurale ainsi que dans le suivi et l'accueil d'élèves en difficulté ou handicapés. Cet établissement fonctionne parfaitement, dans une parfaite harmonie.

Mais les perspectives de la rentrée scolaire de 2008 - je le dis sans vouloir forcer le trait - risquent de mettre le feu aux poudres. Est ainsi prévue, au sein du LEGTA de Tulle-Naves, la suppression sans concertation de la classe de troisième, malgré la présence de 43 élèves due au bon partenariat établi avec l'éducation nationale. Une autre classe de troisième doit également être supprimée au sein du LEGTA de Neuvic. Par conséquent, plusieurs projets actés en conseil d'administration, dans ces établissements, ne seront pas concrétisés.

Le retour de 1 % de la DGH sert essentiellement à combler le désengagement accru de l'université de Limoges, qui est relativement pauvre sur le plan tant administratif que pédagogique, à l'égard des licences professionnelles et des instituts universitaires professionnalisés, les IUP, alors que l'existence de ces sections rend l'enseignement agricole supérieur du Limousin très attractif.

Devant un tel état des lieux, vous comprendrez, monsieur le ministre, notre souhait de voir les choses évoluer différemment.

Le deuxième point de mon intervention portera sur la scolarisation des élèves handicapés.

En la matière, chacun ne peut que reconnaître un réel progrès. L'effort consenti est important : 200 unités pédagogiques d'intégration, ou UPI, ont été créées, 2 000 sont prévues d'ici à 2010 et on compte 2 700 auxiliaires de vie scolaire.

Il est essentiel aujourd'hui d'accorder une attention soutenue sur la continuité des parcours de formation des élèves handicapés, ce qui passe par le développement des UPI, particulièrement dans les lycées.

Dans cette perspective, on peut regretter que l'enseignement agricole et ses structures ne soient pas plus sollicités, en complément des établissements de l'éducation nationale. Un réel partenariat s'appuyant sur les compétences des uns et des autres en la matière serait, monsieur le ministre, un moyen de créer une dynamique supplémentaire pour élargir la palette des formations.

Favoriser la continuité des parcours, c'est favoriser l'égalité des chances. C'est d'ailleurs ce principe qui a suscité dans mon département une adhésion de tous les partenaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un dispositif innovant, original et pour l'instant unique dans l'hexagone, d'accompagnement des jeunes handicapés de seize à vingt ans pour la préparation à l'insertion sociale et au travail.

Néanmoins, il serait vain d'imaginer, et vous l'avez bien compris, monsieur le ministre, que la politique d'intégration en milieu scolaire ordinaire puisse faire l'économie des moyens d'accompagnement spécifiques à l'éducation nationale, dont le rôle est complémentaire de celui des services spécialisés.

C'est là tout l'enjeu des postes d'assistants d'éducation et d'employés de vie scolaire. Leur rôle est primordial et l'impasse ne peut plus être faite sur l'identification d'un métier de l'accompagnement à la scolarité s'appuyant sur du personnel formé au handicap.

Il importe également que les enseignants référents chargé de l'élaboration et du suivi des projets personnalisés de scolarisation soient en nombre suffisant.

J'évoquerai rapidement le troisième point, à savoir l'impact pour les collectivités territoriales des décisions ou annonces en matière d'organisation pédagogique de la semaine de classe.

L'accompagnement éducatif, le soutien scolaire, l'assouplissement de la carte scolaire sont, certes, des mesures attendues, mais elles ont un impact direct sur l'organisation des collectivités territoriales, notamment en matière d'accueil extrascolaire et de transports scolaires.

Les collectivités territoriales souhaitent donc davantage de visibilité concernant les projets de réorganisation de la semaine scolaire. Comment articuler le temps hors de l'école avec le temps à l'école si ces temps ne sont plus repérés avec précision et si les modifications se multiplient ? Un problème se pose notamment, je le répète, en matière de transports scolaires.

Mon quatrième point a trait à l'orientation des jeunes, en particulier vers l'apprentissage.

Les classes préparatoires à l'apprentissage, qui devaient être remplacées par le dispositif « apprentissage junior », sont prorogées jusqu'en juin 2008, mais dans mon département s'élabore un projet d'établissement, porté par un centre de formation des apprentis, sur lequel je reviendrai après avoir, je l'espère, retenu votre attention sur quelques aspects du bilan de la classe préparatoire de ce même établissement.

Pour l'essentiel, ce bilan est le suivant : poursuite d'étude en lycée professionnel dans environ 10 % des cas ; poursuite par l'apprentissage dans environ 90 % des cas, avec quelques retours, peu nombreux sur une année, en collège ; taux de rupture des contrats d'apprentissage après la classe préparatoire inférieur à 5 % alors que la moyenne se situe communément entre 10 % et 15 %.

Sur le plan qualitatif, on constate que les jeunes de cette classe préparatoire à l'apprentissage, souvent considérés en grande difficulté au collège ou comme particulièrement turbulents, se révèlent être des pré-apprentis et des apprentis « modèles ». En tout cas, rares sont les problèmes de comportement.

Ce sont sur ces bases que responsables de l'établissement et de la chambre de métiers ont élaboré un projet sous le double signe de l'innovation et de la flexibilité des parcours de formation professionnelle. L'objectif est ambitieux puisqu'il s'agit de faire de l'établissement « un établissement de référence sur le plan académique » en le transformant en plateforme de projets et de formations professionnels. Peut-être suis-je en train de trop m'attarder sur ce projet auquel je souhaite une bonne évolution, monsieur le ministre, mais il concerne votre ministère et sans doute aurons-nous d'ailleurs l'occasion d'en reparler.

Monsieur le ministre, je me suis permis de vous renvoyer ces quelques échos du terrain, mais je vous sais vous-même à l'écoute du terrain et décidé à faire en sorte que les choses évoluent au mieux dans ce ministère qui concerne la jeunesse et l'avenir de notre pays. C'est pourquoi je vous fais entièrement confiance, et cette confiance se traduit pour l'heure par l'approbation sans hésitation de votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je partirai d'un constat : votre budget ne prend en compte ni la justice sociale ni l'efficacité.

Il ne garantit pas l'égalité de réussite scolaire, la cohésion sociale ou encore la transmission d'un socle commun de connaissances et de l'idéal républicain. Loin d'avoir l'ambition d'élever le niveau de qualification de tous et de permettre à chacun de maîtriser son destin, il empêche les élèves de se projeter sereinement vers l'avenir.

Si l'enseignement scolaire demeure le premier budget de la nation, avec 59 milliards d'euros pour 2008, les crédits destinés à cette mission enregistrent néanmoins une baisse de 1,2 % en euros constants.

Tout particulièrement, il est alarmant de constater la baisse générale des crédits du programme « Vie de l'élève », qui regroupe aussi les crédits de santé scolaire et les crédits destinés à l'accueil des élèves handicapés.

Après ce constat, je commencerai par la question des suppressions de postes.

Depuis 2003, budget après budget, ce sont près de 40 000 emplois qui ont été supprimés dans l'éducation nationale. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit 11 200 suppressions nettes de postes dans l'enseignement scolaire public et privé, de la maternelle à la terminale, dont l 000 postes administratifs.

Ces suppressions massives représentent la moitié des suppressions pour l'ensemble de la fonction publique. Elles s'ajoutent à la disparition progressive du corps des maîtres d'internat et surveillants d'externat, à la non-reconduction des postes d'aides éducateurs, à la baisse du nombre des personnels de service et à la pénurie d'assistantes sociales, d'infirmières ou de médecins scolaires. Cela fait beaucoup pour continuer à parler de façon cohérente d'équipes pédagogiques et de communauté éducative !

Comme je l'ai fait en commission, j'aborderai ensuite la situation désastreuse de la médecine scolaire.

Nous savons que les apprentissages fondamentaux nécessitent dès le plus jeune âge la mobilisation de tous les acteurs de la communauté éducative, notamment ceux de la médecine scolaire, médecins, infirmiers et psychologues.

C'est pourquoi je souhaite attirer à nouveau votre attention sur le taux d'encadrement médical, aujourd'hui insuffisant pour les élèves, et notamment pour ceux du premier degré. En effet, il est globalement prévu 1 201 médecins pour plus de 12 millions d'élèves, soit plus de 10 000 élèves par médecin en moyenne nationale brute !

Mme Nathalie Goulet. C'est le cas dans l'Orne !

M. Jean-Marc Todeschini. De plus, comme en 2007, aucune création de poste d'assistante sociale ou de médecin scolaire n'est envisagée pour 2008. Ainsi, de nombreux établissements scolaires n'ont plus de médecin en titre et seules les urgences sont assurées à la demande.

Or il est impératif que soient mis en place pour les enfants atteints de maladies chroniques, comme le diabète, l'asthme ou les allergies alimentaires, des protocoles spécifiques en présence du médecin scolaire et des parents afin d'éviter les drames qu'ont connus certains restaurants scolaires.

Il est également indispensable que les médecins scolaires détectent au plus tôt les difficultés d'apprentissage, comme les dyslexies ou les troubles organiques pour prévenir l'échec scolaire.

Il est par ailleurs essentiel que le bilan à l'âge de six ans soit réalisé partout sur le territoire national, d'une façon sérieuse et efficace, afin que la détection précoce des difficultés puisse déboucher sur une véritable évaluation des capacités langagières nécessaires aux apprentissages.

Que dire enfin des enfants en danger au sein de la cellule familiale et de tous ceux ayant des conduites à risque, qui ne peuvent plus bénéficier d'une écoute attentive ni d'une prise en compte de leurs souffrances psychiques ?

Je vous rappelle à cet égard qu'il n'y a toujours pas d'assistantes sociales dans le premier degré et que le médecin scolaire est souvent sollicité pour des enfants dont la situation familiale est difficile. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que la médecine scolaire soit réévaluée à sa juste valeur ? La renverrez-vous vers la médecine de ville ? Si tel est le cas, pour bon nombre d'enfants, le relais ne sera pas pris ! Renforcerez-vous au contraire comme il convient son efficacité au sein de la communauté éducative ?

J'en viens à l'enseignement privé et à la carte scolaire.

Monsieur le ministre, il est malheureusement aisé de constater que ce budget risque d'aggraver les conditions d'enseignement pour les catégories sociales les moins favorisées. Cela se confirme encore du fait d'une proportion de suppressions de postes plus importante dans l'éducation nationale que dans l'enseignement privé financé par l'argent public.

Vos priorités sont claires, et la rupture n'est pas faite avec vos prédécesseurs, qui ont obligé les communes à financer la scolarisation d'un enfant dans une école privée d'une autre commune.

De même, la suppression de la carte scolaire risque de favoriser une élite, au détriment d'une formation de qualité pour tous. Nous savons tous que l'absence de mixité sociale va à l'encontre de l'égalité des chances, et cette suppression ne fera que renforcer la ségrégation dont nous mesurons déjà les effets négatifs.

Monsieur le ministre, permettez-moi maintenant de revenir sur la suppression de l'école le samedi matin.

Vous présentez habilement cette mesure comme une forme de redistribution des heures d'enseignement en indiquant que les heures libérées bénéficieront aux 15 % d'élèves en difficulté. Cela ne trompe personne. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même que ce taux est abstrait et qu'il ne se répartit pas de manière égale dans toutes les classes et les établissements.

Au lieu, comme a l'habitude de le faire le Gouvernement, de stigmatiser les uns et les autres - enseignants qui ne seraient pas présents dans leurs classes, élèves en difficulté, parents des « orphelins de seize heures »... -, de modifier les rythmes scolaires, notamment en supprimant l'école le samedi matin sans concertation, de mener une campagne médiatique caricaturant les résultats de notre école républicaine, ne vaudrait-il pas mieux permettre aux élèves en difficulté d'évoluer dans des classes à faible effectif et dans des établissements où la présence d'adultes compétents serait renforcée ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez annoncé que les établissements scolaires resteraient ouverts le samedi matin.

Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions financières. Qui assumera la charge de cette ouverture ? S'agira-t-il des communes, des départements ?.... Je puis vous dire que nombre d'élus locaux s'interrogent et attendent votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des études récentes ont présenté l'école primaire comme le nouveau maillon faible du système éducatif et confirment qu'il est urgent d'agir quand pas moins de quatre écoliers sur dix sortent de CM2 avec de graves lacunes : acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ou absence complète de maîtrise des compétences de base dans ces domaines...

Monsieur le ministre, plus de 6 millions et demi d'enfants sont scolarisés dans nos écoles primaires. Ce chiffre traduit l'ampleur de la tâche confiée à votre ministère pour instruire ces jeunes à une époque fondamentale de leur vie.

L'école primaire porte une immense responsabilité, car elle est souvent tenue - à tort ou à raison - pour responsable de l'échec scolaire des adolescents. Les conséquences de la crise qu'elle traverse révèlent à quel point elle constitue une phase décisive dans la scolarité des élèves.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de fustiger les dérèglements du système ou d'en stigmatiser les acteurs, mais de mesurer l'efficacité des méthodes utilisées à l'aune des objectifs fixés.

Pour en finir avec la logique d'échec dans laquelle pourrait s'enfoncer notre système éducatif, encore faut-il désigner les dysfonctionnements qui l'atteignent et en identifier les causes. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir pris l'initiative, sans dogmatisme ni virulence, de cette réflexion sur les problèmes rencontrés par l'enseignement primaire.

Afin de redresser la situation, vous avez annoncé un objectif ambitieux : les 15 % d'élèves en grande difficulté à l'entrée en sixième ne devront plus être que 5 % d'ici à la fin de la législature. Nous ne pouvons que partager votre ambition.

Pour atteindre cet objectif, vous avez présenté plusieurs propositions d'un grand intérêt.

Vous préconisez tout d'abord un recentrage des programmes. Il n'est pas question de procéder à leur énième refonte, mais de respecter les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école d'avril 2005.

Ce recentrage sur les priorités de l'éducation me semble tout à fait nécessaire. La maîtrise de la langue française est la plus essentielle de ces priorités, elle est la raison d'être de l'école primaire, qui a pour mission première le travail sur la langue orale et écrite. Nous ne pouvons plus cultiver l'échec dans ce domaine. Ne faudrait-il pas laisser à l'enseignant une grande liberté pédagogique ?

L'année 2007-2008 est celle de la définition du socle commun des connaissances et des compétences, lequel devra devenir réalité à la rentrée de 2008.

Permettez-moi à ce stade de mon propos de m'interroger sur la formation des instituteurs. N'est-elle pas parfois trop théorique ? Le « savoir faire la classe » n'est-il pas un apprentissage nécessaire, au même titre que les autres apprentissages ? Ne faut-il pas encourager les bonnes pratiques ? Et même, osons le dire, valoriser les maîtres efficaces ?

J'espère que la réforme des IUFM permettra de déceler, au-delà des recrutements tenant compte des résultats universitaires, inévitables, de véritables vocations d'enseignants.

Vous souhaitez aussi intervenir plus spécifiquement en faveur des enfants en difficulté scolaire. Cet accompagnement privilégié doit permettre de mettre en oeuvre une pédagogie adaptée à chaque élève. Cette idée mérite évidemment d'être étudiée de très près, d'autant qu'elle complète la proposition qui a été faite de simplifier la description des programmes en excluant tout jargon hermétique afin d'aider les parents dans leur rôle éducatif, notamment pour les devoirs à la maison. Il n'est pas normal que seuls les enfants issus de milieux aisés puissent accéder au soutien scolaire et en bénéficier.

Mme Monique Papon. Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'elle propose un véritable partenariat avec les enseignants, qui pourront élaborer leur propre méthode pour parvenir aux objectifs fixés. Il s'agit d'un véritable « contrat éducatif évolutif ». Je suis persuadée que les professeurs des écoles comprendront l'intérêt que représente pour eux ce plan pédagogique.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le 22 novembre dernier un plan d'équipement des écoles pour favoriser la maîtrise des technologies de l'information et de la communication. Pouvez-vous nous dire quelles seront les modalités de sa mise en oeuvre ?

La France connaît une situation exceptionnelle. Elle est l'un des rares pays de l'OCDE dont les effectifs d'élèves en école primaire augmenteront d'ici à 2015. C'est une chance inouïe pour l'avenir de notre pays. La réforme de l'école est donc plus que jamais un enjeu essentiel pour notre avenir. Nous devons la réussir.

Étant donné l'importance de l'enjeu, il est évidemment nécessaire que le Parlement soit pleinement associé à la réflexion sur cette réforme. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur votre volonté de donner au législateur le rôle éminent qui lui revient sur un sujet aussi fondamental ; je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'éducation nationale, ce pilier de la République déterminant dans l'égalité des citoyens, est de plus en plus minée par le fléau de l'échec scolaire.

De nombreuses études ont démontré l'efficacité de l'éducation artistique et culturelle dans la réussite de tous les élèves. Ces études ont mis en lumière que l'art apprend à apprendre et donne à comprendre, car il permet de mieux relier l'ensemble des différents savoirs enseignés. Quant à la pratique instrumentale régulière, elle augmente les performances en mathématiques et en langues. Le théâtre aide à aller à la rencontre de soi-même et des autres, il favorise la maîtrise de la langue, qui permet de partager des mots plutôt que des coups.

Le contact direct avec des artistes de toutes disciplines montre aussi aux enfants et aux jeunes gens qu'il n'y pas de talent sans une quantité gigantesque de travail, avec le saut de pensée que vous pouvez imaginer.

Certes, les crédits qui sont consacrés à l'éducation artistique sont en augmentation. Et c'est un effort à saluer. Comment ne pas souscrire à ces propos du Président de la République : « Nous pensons que la création d'un enseignement obligatoire d'histoire de l'art peut constituer le support de cette éducation culturelle qui fait aujourd'hui si cruellement défaut à nos enfants. » Espérons que cette déclaration ne restera pas lettre morte ! En tout cas, je la prends au mot et souhaite que le plan d'action pour l'éducation artistique et culturelle que vous allez bientôt dévoiler, conjointement avec Mme la ministre de la culture, en prenne bien acte.

Il est temps en effet que les enseignements artistiques ne soient plus en souffrance, voire en déshérence. Il est urgent et indispensable de modifier en profondeur et durablement une réalité qui a trop duré : la minimisation et la marginalisation de l'éducation artistique.

L'art à l'école ne doit plus être à part, optionnel, ou reposer sur le volontarisme de quelques professeurs. Cela suppose que l'éducation artistique et culturelle relève dorénavant d'une véritable politique nationale, condition sine qua non pour que personne n'en soit écarté.

C'est essentiel, car nous savons bien que l'école est un élément déterminant dans le combat en faveur de la démocratisation culturelle. Ce n'est pas l'art qui est en crise ni sa démocratisation, mais plutôt la place qu'on lui accorde dans la société et dans le système scolaire en particulier.

L'école, de la maternelle à l'université, est une pièce maîtresse pour le partage des savoirs mais aussi de la culture, qui développe l'imaginaire, l'intelligence sensible et la créativité dont chacun est porteur. Nous savons bien qu'à diplôme égal c'est la culture générale et la capacité à symboliser le monde qui fait la différence dans l'obtention d'un emploi. La culture transmet aux descendants tout ce que l'hérédité ne fait pas. C'est aussi la raison pour laquelle elle doit faire partie de l'instruction publique et contribuer ainsi à l'égalité des droits.

Face aux défis d'un monde uniformisé par la culture marchande de loisirs, dont la jeunesse est la première cible, de nouvelles exigences s'imposent en termes d'éducation à l'image, d'histoire des arts, mais aussi d'appropriation de l'art contemporain, afin d'en faire une force de réflexion pour tous. C'est essentiel pour mieux comprendre notre époque et notre environnement.

Dans cet esprit, face aux flux d'informations et d'images, l'éducation nationale a l'impérieuse nécessité de former les jeunes à les trier, à les appréhender de façon critique, à mettre en lumière qu'une image n'est jamais une preuve mais une représentation et à en démonter les manipulations possibles.

De plus, si les technologies sont aujourd'hui un passage obligé dans l'accès aux connaissances, la dimension humaine, humaniste et humanisante de leur appropriation doit primer sur la technique en mettant l'accent sur la maîtrise, l'expertise et la créativité.

Il est évident que la formation initiale et continue des enseignants, préalable incontournable, nécessite des moyens budgétaires appropriés.

Dans un autre ordre d'idées, alors que les jeunes se détournent des filières scientifiques et que l'on peut même parler de désaffection massive, n'est-il pas indispensable de renforcer de façon plus conséquente encore les crédits en faveur de la culture scientifique ?

Dans ce monde lézardé par les sectarismes, la lutte contre l'illettrisme scientifique est fondamentale. Comme le disait si bien Condorcet, « il n'y a pas de liberté pour l'ignorant ».

M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien Condorcet !

M. Ivan Renar. C'est plus que jamais un enjeu crucial pour peser sur les choix environnementaux, éthiques et sociaux, qui résultent des avancées scientifiques elles-mêmes, d'autant que les sciences et les techniques sont de plus en plus présentes dans notre quotidien et qu'elles se trouvent au coeur des grandes problématiques auxquelles sont confrontés l'ensemble de nos concitoyens. Il n'est, pour s'en persuader, que d'examiner le rôle qu'elles jouent dans la plupart des grands débats de société, qu'il s'agisse du réchauffement climatique, de l'avenir de l'énergie nucléaire, des organismes génétiquement modifiés, des biotechnologies, des nombreux bouleversements juridiques, économiques ou sociaux induits par le développement de l'internet et des technologies de l'information, etc.

On mesure toute l'importance de démocratiser l'accès à la culture scientifique, car c'est aussi un enjeu de la démocratie tout court. Il n'y a pas de démocratie sans généralisation et partage des savoirs, sans citoyens éclairés, sauf à dire que notre pays renonce au progrès, à la raison même et à l'avenir.

La France n'adhère-t-elle pas à l'objectif stratégique fixé à Lisbonne en mars 2000, visant à faire de l'Union européenne, « l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde d'ici à 2010 » ?

N'y a t'il pas un paradoxe, monsieur le ministre, dans le décalage entre cet objectif et les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement, lesquels sont loin d'être à la hauteur d'une telle ambition ?

C'est pourquoi le groupe CRC ne peut approuver un budget qui ne relève pas aux niveaux nécessaires les défis de la société de la connaissance et du partage du savoir du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Mélenchon applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai trois points. J'évoquerai tout d'abord l'enseignement agricole, puis l'enseignement des langues étrangères et enfin l'enseignement des religions à l'école.

En ce qui concerne l'enseignement agricole, je voudrais vous citer le cas du lycée agricole de Sées. Cet établissement dispose d'un budget de fonctionnement de 6,6 millions d'euros, pour un budget d'investissement de 2,3 millions d'euros. Il reçoit 420 élèves et 275 personnes en formation continue.

C'est un établissement remarquable, comme est remarquable également le casse-tête que constitue pour son proviseur la gestion de personnels relevant de près de 200 contrats de travail répartis comme suit : des contrats de droit privé CAE, contrats aidés ; des contrats de droit privé classique pour l'exploitation et le centre équestre ; des contrats sur budget de droit public pour le centre de formation professionnelle et de promotion agricole, alignés sur la grille de la fonction publique ; des contrats de droit public sur budget pour le lycée ; des contrats d'agents contractuels d'enseignement régionaux gérés par la direction régionale de l'agriculture et de la forêt ; des contrats d'agents contractuels de l'enseignement national,... sans compter les titulaires.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que cette situation soit kafkaïenne ? Ne faudrait-il pas alléger le travail des proviseurs, dans un esprit « lolfien » ?

Je voudrais également évoquer le transfert des personnels TOS à la région Basse-Normandie, dont le contrat n'est pas encore signé. Je sais que la régularisation est en cours, mais je voulais tout de même attirer votre attention sur cette opération, qui a suscité de graves difficultés au moment de la rentrée scolaire, notamment pour les chauffeurs, en raison de la fusion des sites d'Alençon et de Sées. Il faudrait trouver une solution pour la rentrée prochaine, de façon que le proviseur puisse disposer d'une lisibilité sur plusieurs années.

Le temps n'est plus aux audits mais à l'action, c'est pourquoi je voudrais vous inviter, avec M. Barnier, à venir visiter cet établissement dans lequel Jacques Chirac s'était rendu au moment de la crise de la vache folle.

Enfin, je voudrais vous proposer de changer la dénomination des lycées agricoles. En effet, 20 % seulement de l'enseignement est directement lié à l'agriculture, les 80 % restants concernent l'aide à la personne en milieu rural, les nouvelles technologies et le développement durable. Le Grenelle de l'environnement l'a montré, mais, nous le savions tous, les agriculteurs ne sont pas les ennemis de l'environnement.

Je vous propose donc de changer les dénominations des lycées agricoles en « lycées agricoles et de développement durable », dans la mesure où l'enseignement agricole est absolument résiduel par rapport aux autres activités. Il serait bon de faire le lien entre l'agriculture et le développement durable, d'autant qu'il me semble que le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables est largement doté et que nous pourrions profiter de ses moyens.

J'aimerais maintenant aborder un sujet qui me semble tout aussi essentiel, celui de l'enseignement des langues étrangères.

En cette discussion budgétaire, j'ai remarqué qu'au cours de nos débats étaient souvent évoquées les difficultés de redressement, de positionnement, d'attractivité de la France vis-à-vis du monde extérieur. Dans ce contexte irréversible, je voudrais vous dire, moi qui ai hérité d'un siège où l'on a à coeur les pays du golf, mon attachement à l'enseignement des langues étrangères. Vous ne serez sans doute pas surpris si, à titre d'exemple, je mentionne le russe et l'arabe.

Le budget du ministère des affaires étrangères consacre une somme faramineuse à l'enseignement du français à l'étranger, dont chacun peut constater que l'usage se réduit comme peau de chagrin - ce n'est pas le président Gouteyron qui me démentira. (M le président acquiesce.)

Ne devrions-nous pas en l'espèce, monsieur le ministre, faire preuve de réciprocité ? On nous présente les projets du Louvre ou de la Sorbonne à Abou Dhabi comme des ponts entre les cultures, mais, que je sache, les ponts fonctionnent dans les deux sens !

Selon les données de vos services, le russe ne serait étudié que par 0,3 % de la population totale des élèves du second degré, l'arabe ne le serait que par 0,1 % de cette même population, alors que 248 établissements en France métropolitaine et dans les territoires d'outre-mer proposent l'arabe en langue vivante 2.

Ne serait-il pas opportun de sensibiliser les enfants à ces langues, de les y intéresser, afin de former la relève indispensable à notre action économique et sociale, faute de quoi, nous resterons dans le wagon de queue des pays dont les habitants sont capables de s'exprimer dans une langue étrangère ?

J'évoquerai plus particulièrement le cas du russe, car je peux m'appuyer sur un cas précis : ma fille, moyennant un triplement de son argent de poche (Sourires), avait accepté d'étudier cette langue, au lycée Molière. Or, quand elle est passée en classe de première, nous avons été informés par courrier que son cursus était interrompu et qu'elle devrait s'adresser au CNED, le Centre national d'enseignement à distance, pour poursuivre l'étude de cette langue.

Monsieur le ministre, vous reconnaîtrez avec moi que le Russe est, par excellence, la langue que l'on étudie par correspondance ! (Sourires.)

Au moment où nous travaillons à conclure des marchés avec les pays du golfe Persique, la Russie ou la Chine, il faut développer l'esprit de réciprocité et - passez-moi l'expression - « mettre le turbo » pour que les jeunes générations puissent étudier les langues « rares ». Nous pourrons ainsi surmonter la concurrence des pays où l'apprentissage des langues constitue une véritable culture. Dans le cas contraire, nous ne résisterons absolument pas aux lois implacables du marché. Protégeons notre langue, certes, mais sans mener la politique de l'autruche !

J'ajouterai un mot sur la réintégration de l'enseignement des religions dans l'école, qui me semble fondamentale pour garantir la cohésion nationale - et je distingue bien cette dernière de l'identité nationale, une expression dont j'ai dit ici même à M. Hortefeux tout le mal que j'en pensais !

Le communautarisme, ou encore la crainte qu'inspire l'Islam après le 11 Septembre peuvent être battus en brèche par l'éducation, me semble-t-il, car tout le monde s'accorde pour estimer que l'ignorance est à l'origine de bien des problèmes.

Avec Antoine Sfeir et le professeur Dominique Akhoun, je considère qu'il faut absolument réintégrer l'histoire des religions à l'école, comme c'est le cas en Alsace et, désormais, en Allemagne. Ce dernier exemple est tout à fait intéressant : un manuel d'enseignement destiné aux classes élémentaires se trouve en cours d'achèvement et de validation en langue allemande. Pour faciliter le vivre ensemble et éviter l'écueil de l'ignorance, nous devons absolument nous efforcer de réintroduire l'histoire des religions dans l'enseignement.

Mes chers collègues, si je n'avais pas épuisé mon temps de parole, je vous aurais parlé également de l'école en milieu rural ; de toute façon, les problèmes de celle-ci sont tels qu'elle mérite plutôt une minute de silence ! (MM. Jean-Luc Mélenchon et Jean-Marc Todeschini applaudissent.)