M. Paul Blanc. C'est bien !

M. Michel Billout. ... au détriment du service public.

Cette nouvelle politique d'entreprise justifie le choix du haut débit ferroviaire et la fin programmée du service du wagon isolé, jugé non rentable. Selon les propos mêmes de sa présidente, « la SNCF renonce à l'universalisme de ce service et à la couverture homogène du territoire ».

Nous avons vu quelles conséquences ont découlé, dans le plan fret 2004-2006, de l'application de ces nouvelles priorités : suppression de plus de 7000 postes, fermeture de 100 gares de triage et de nombreuses gares de fret, sans parler de la dégradation des résultats de cette branche d'activité. Mais comment penser augmenter le chiffre d'affaires quand on réduit le réseau au maximum ?

Parallèlement, la mise en oeuvre de ce plan a eu pour conséquence immédiate de mettre sur les routes plus de 1 400 000 camions supplémentaires. Aujourd'hui, nous savons donc pertinemment que si de nouvelles gares de fret sont fermées - je pense là à la fermeture au service du wagon isolé, envisagée au 30 novembre dernier, de 262 gares -, c'est autant de trafic qui se reportera sur la route, mode de transport très polluant qui bénéficie pourtant d'une réglementation fiscale et sociale particulièrement avantageuse.

À l'évidence, lorsque les entreprises ou le Gouvernement en appellent à la notion de compétitivité économique, cela provoque nécessairement de nouveaux reculs pour le développement ferroviaire durable et pour la protection de l'environnement.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment, pour leur part, que la mise en oeuvre d'une véritable politique des transports permettant l'essor des modes alternatifs à la route conformément aux impératifs environnementaux nécessite une intervention publique importante, dégagée des impératifs économiques de court terme.

Cet objectif suppose des moyens accrus pour les opérateurs publics, outils de la puissance publique.

En ce qui concerne notamment le ferroviaire, celui-ci ne pourra regagner des parts qu'à l'unique condition d'engager une modernisation de ses réseaux et de son matériel et d'offrir aux agents des conditions de travail satisfaisantes.

Dans ce sens, l'école polytechnique de Lausanne a chiffré dans son audit les besoins d'investissement dans les réseaux à 5,5 milliards d'ici à 2015, ce qui correspond à un effort de 500 millions par an. Pourtant, contre toute attente, les subventions au réseau baissent.

L'aide au désendettement de RFF stagne à 730 millions d'euros, après une baisse de 70 millions depuis 2006.

Pourtant, dans le modèle de développement du ferroviaire allemand, si souvent cité en exemple, l'État a, pour sa part, fait le choix de la reprise intégrale de la dette. Cela devrait tout de même nous conduire à réfléchir !

De plus, par un subtil jeu d'écritures, vous augmentez la subvention de régénération de 80 millions d'euros, mais, parallèlement, vous diminuez de 180 millions d'euros la contribution aux charges d'infrastructures versée à RFF.

Le manque à gagner de 100 millions d'euros a vocation à être comblé par des augmentations de péages, qui, je le précise, ont déjà augmenté de 49 % depuis 2003, et par des cessions immobilières.

Autrement dit, vous continuez la « grande braderie » du patrimoine public et vous renforcez la pression financière, notamment sur la SNCF, qui voit ses charges d'exploitation exploser !

En outre, l'exploitant public investi d'une mission de service public reste pénalisé par le poids de la dette historique. Là encore, la contribution de l'État à cette charge diminue de 30 millions d'euros cette année.

Par ailleurs, la compensation au titre de la politique de mobilité passe de 84 millions d'euros inscrits au budget l'an passé à 74 millions d'euros cette année. Au moment où les Français font les frais d'une perte importante de leur pouvoir d'achat, cette nouvelle coupe leur donne des indications claires sur le sens que donne le Gouvernement à la notion de solidarité.

J'en viens maintenant à la subvention au transport combiné. Celle-ci baisse, c'est un comble, de 2,5 millions d'euros concernant les autorisations d'engagement pour atteindre péniblement 23,4 millions d'euros. C'est une aberration quand on sait que ce même gouvernement ne cesse de discourir sur l'exigence du développement durable et de la protection de l'environnement.

Il ne faut pas l'oublier, avant l'arrivée de la droite au pouvoir, la subvention octroyée pour le développement du transport combiné s'élevait à 92 millions d'euros.

Parallèlement, les aides aux transporteurs routiers, notamment grâce aux exonérations fiscales et sociales, sont une nouvelle fois en augmentation. Et je ne parle pas de la généralisation des véhicules de 44 tonnes, qui va accroître la concurrence entre ces deux modes au détriment du rail. Quant à la mise en oeuvre de l'eurovignette, proposition phare du fameux Grenelle de l'environnement, vous la cantonnez au réseau non concédé. De plus, le Gouvernement a déjà annoncé des compensations fiscales en faveur des entreprises du fret routier. Autant dire que, dans ces conditions, l'utilité de cette écotaxe sera très limitée.

Où sont donc passés les engagements forts du Gouvernement en faveur du développement durable qui devaient passer par une réorientation de la politique des transports ? Comment comprendre le choix de la SNCF, outil de la puissance publique, de renoncer à ses missions de service public au nom de la rentabilité ?

Pour couronner le tout, comment ne pas être inquiet pour l'avenir des financements de l'AFITF ? En effet, le reversement à cette agence d'une partie du produit de la vente des concessions d'autoroutes va cesser dès la fin 2008. Selon les indications du ministre de l'écologie, les besoins de financement s'élèvent à 16 milliards d'euros uniquement pour les actions déjà programmées. Comment seront alors financés les engagements pris dans les contrats de projets État-régions 2007-2013 ? Comment sera financé le plan de régénération du réseau ? Comment seront financées les décisions du Grenelle de l'environnement ? Quelles sont les perspectives ouvertes pour le prochain comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT ?

Alors que les dividendes des SEMCA auraient dû rapporter sur le long terme des financements importants et pérennes à l'État, le Gouvernement a fait le choix de céder dans la précipitation cette rente au privé.

En outre, comment ne pas être tous inquiets quand vous annoncez, monsieur le secrétaire d'État, à l'Assemblée nationale, lors de l'examen des crédits budgétaires de la politique des territoires, que le recours à l'emprunt ou de nouvelles cessions d'actifs peuvent être considérés comme des pistes pour financer l'AFITF ?

Ces pistes n'étant pas de notre point de vue pertinentes, nous craignons une pression accrue sur les collectivités pour le financement du service public du transport.

Concernant la clef de répartition des investissements réalisés par l'AFTIF, aucun signe n'est réellement donné en faveur du rééquilibrage, puisque 42 % des sommes allouées financeront encore des projets routiers.

Nous sommes donc bien loin de la révolution annoncée à grand renfort de médias lors du Grenelle de l'environnement.

Puisque nous sommes dans la continuité de l'action menée par la droite au pouvoir depuis 2002, dont les objectifs sont l'austérité budgétaire et la mise en oeuvre de la libéralisation du secteur des transports, nous voterons contre les crédits du programme « Transports terrestres et maritimes », qui ne répondent nullement aux enjeux du développement durable et de la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous avons désormais un super ministère d'État chargé du développement durable, qui est une priorité non seulement pour la France - et notre pays veut être en la matière tout à fait en pointe -, mais aussi pour l'humanité tout entière.

Le Président de la République et le Gouvernement en ont pris conscience, tout comme les Français. Il en va de même pour les populations de la plupart des pays, bien que tous les gouvernements n'aient ni notre courage ni notre détermination.

Il faut commencer par saluer une grande victoire. En effet, le Grenelle de l'environnement était une gageure puisque, pour la première fois, une série d'associations et d'ONG ont eu l'occasion de discuter avec des responsables politiques et économiques. Après des débuts difficiles, le débat a donné lieu à de nombreux échanges, et le dialogue s'est avéré positif.

Avec mon collègue Claude Saunier, nous sommes en train d'achever un rapport intitulé La biodiversité, le deuxième choc. Nous avions déjà présenté un premier rapport qui portait sur le changement climatique et la transition énergétique. Vous y trouverez des dizaines de suggestions concrètes qui font suite à des milliers d'heures de travail, notamment lors de voyages dans les principaux pays et de contacts avec nombre de scientifiques concernés.

Ces rapports s'inscrivent dans une série d'études, notamment produites dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui peuvent intéresser d'autres pays ne disposant pas de telles synthèses. En effet, les problèmes liés aussi bien à la biodiversité qu'au changement climatique et à la transition énergétique sont extraordinairement complexes et interconnectés. Par conséquent, il faut prendre le temps d'étudier ces sujets et de les analyser.

La création de note super ministère d'État regroupant une pléiade de structures auparavant très dispersées constitue une autre gageure. La lecture des nombreux rapports de nos collègues des différentes commissions saisies sur le projet de budget de la mission nous montre que, sur chaque sujet de préoccupation, des problèmes peuvent être soulevés et des solutions trouvées, mais qu'il est très difficile d'avoir une vision de l'ensemble.

Sans doute aurait-il fallu mettre beaucoup plus en exergue la nouveauté que constitue la création de ce ministère. L'objectif recherché est clair : d'une part, préparer un changement de mentalité pour développer les économies d'énergie, d'espace et d'eau, et, d'autre part, mettre en place une stratégie de long terme qui nécessite une programmation sur une quinzaine d'années.

Cela sera très certainement l'objet du texte de loi sur le développement durable qui nous sera très prochainement présenté. Il était impossible, en raison du délai trop court - à peine un mois -, d'intégrer les conclusions du Grenelle de l'environnement dans le projet de loi de finances. La LOLF ne facilite d'ailleurs pas la tâche : la plupart des rapporteurs et, plus largement, tous ceux qui veulent comprendre ce que représente telle ou telle action sont quelque peu dépités.

Si je prends l'exemple du programme 113, les leviers essentiels n'y figurent pas. Je pense notamment aux agences de l'eau, ou aux aides que l'État peut accorder aux collectivités locales tant en investissement qu'en fonctionnement par le biais de dotation globale d'équipement et de la dotation globale de fonctionnement. L'État a les moyens avec de tels leviers d'orienter par exemple les plans locaux d'urbanisme, les PLU, ou les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, dans un sens favorable à l'environnement.

Ces actions sont en dehors du programme, elles ne sont donc pas visibles, alors qu'elles représentent pourtant des sommes dix fois ou cent fois supérieures à celles qui sont indiquées dans le budget.

M. Charles Revet. C'est très lourd !

M. Pierre Laffitte. Au final, on a l'impression étrange de mal comprendre ce dont on parle et ce qui va se passer.

Pour l'énergie, je ferai la même remarque. En effet, 90 % du budget du programme sont consacrés à la gestion des retraites des mineurs. On ne peut pas dire qu'il s'agisse là de la politique énergétique de l'État ! On ne trouve rien ni dans la LOLF ni dans le budget, puisque la plupart des financements sont extérieurs. On pourrait même considérer qu'ils sont négatifs ! L'État opère des prélèvements sur Électricité de France, sur l'Institut français du pétrole et le Commissariat à l'énergie atomique sur Areva. Par conséquent, des sommes considérables rentrent dans les caisses de l'État et ne sont pas inscrites au budget de la politique énergétique de la France. Il me semble que c'est un problème : il est important que nous ayons en la matière une vision qui nous permette de mieux comprendre les choses. Pourrait-on examiner cela en annexe au budget ?

Enfin, remarque fondamentale, face aux nécessités de réactivité, le ministère doit se doter d'une cellule de réflexion ; il n'est pas nécessaire de créer un grand institut, mais cette cellule aurait justement pour fonction d'assurer la continuation des initiatives déjà lancées. Il faudrait que cela apparaisse en tant que programme, pour que notre volonté de réflexion, d'analyse, de décision, de comparaisons internationales, se manifeste clairement.

Cette volonté doit se traduire non seulement par des actions mais aussi par le développement de l'évaluation. Il faudrait monter une cellule de veille sur ce qui se passe à l'étranger, car nous ne sommes pas les seuls sur terre !

En liaison entre et le ministère des affaires étrangères, ce super ministère doit pouvoir mener une action de politique étrangère en coopération avec l'Union européenne pour que, par exemple, l'Organisation mondiale du commerce puisse introduire des règles qui pénaliseraient les mauvais et récompenseraient les bons. Cette dynamique ne pourra s'engager sans la volonté de la France. Comme vous l'avez compris, je vise ici certains pays qui sont très riches, mais qui ne font pas le nécessaire. Encore que l'Australie vienne de prendre des mesures qui vont dans le bon sens !

Outre la cellule de réflexion, donc la tête, et en interaction étroite avec elle, il nous faut les jambes, c'est-à-dire la régionalisation nécessaire de la réflexion et de l'action. Ces jambes, nous les avons déjà : ce sont les DRIRE et les DIREN. La fusion de ces deux organismes, lorsqu'elle a été réalisée, donne de très bons résultats. Il faudra renforcer ces structures qui sont les seules à pouvoir nous faire remonter, depuis les collectivités locales et les préfectures, les idées, les suggestions et les évaluations. Il faudrait inscrire cela dans un autre programme ad hoc. Ainsi, le Parlement français pourrait comprendre l'étendue de cette volonté politique, procéder à une évaluation et appuyer des actions de long terme, au niveau national et international. C'est une façon de renforcer son rôle.

Il s'agit non pas de créer un nouvel organisme, mais de centraliser les compétences, un peu dans la continuité du Grenelle de l'environnement, à la différence que les expertises extérieures - dans le cadre du Grenelle, elles étaient parfois contestées par certaines organisations - devraient faire partie de l'ensemble de la réflexion.

Il est en effet anormal que l'on ne dispose pas des réflexions de l'INRA, du CEA, de l'ADEME, de tous ces organismes compétents. Ils pourraient émettre des avis, au sein d'un organisme centralisé, à l'intention des décideurs. Je pense que c'est une nécessité absolue.

Il faut que cette tête soit bien alimentée, et nous devons pour ce faire nous appuyer à la fois sur les régions, ces jambes indispensables dans une démocratie, et sur l'ensemble des organismes que je viens d'évoquer, dont les compétences sont nombreuses et qui comptent probablement parmi les meilleurs au monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, mes chers amis, le budget que nous examinons aujourd'hui reflète tout d'abord une organisation administrative nouvelle, placée sous le signe de la mobilisation des moyens et des effectifs au service de l'écologie et du développement durable.

En effet, la création d'un grand ministère aux compétences transversales, doté de douze programmes budgétaires et coiffé par un ministre d'État, exprime véritablement une volonté politique majeure, qui s'est imposée au cours de la campagne électorale et qui correspond aux attentes des Français.

Vous connaissez mon engagement de longue date contre le réchauffement climatique. Je salue donc avec enthousiasme la création d'un ministère qui dispose enfin de tous les moyens lui permettant de mener une politique dynamique et réactive pour la préservation de notre environnement, dans les domaines tant des transports que de l'aménagement du territoire ou de l'énergie. La tâche est importante, j'oserai même dire vitale, madame, monsieur les secrétaires d'État. Je peux d'ores et déjà vous assurer du soutien du groupe UC-UDF dans votre action. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Vous avez également la chance d'intervenir dans un cadre tant international que national entièrement renouvelé.

Au niveau international, tout d'abord, l'attribution récente du prix Nobel de la paix à l'ancien vice-président des États-Unis, Al Gore, ainsi qu'aux membres du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, souligne de façon éclatante combien les enjeux environnementaux sont cruciaux et désormais reconnus comme tels.

Le principal défi pour les mois à venir sera de convaincre les pays en développement - le Brésil, l'Inde, la Chine - et les pays développés encore réticents - la Nouvelle-Zélande et, surtout, les États-Unis - de s'engager en faveur d'un régime multilatéral du climat.

Dans cette perspective, notre pays et l'Europe auront un rôle déterminant à jouer pour parvenir à un accord sur les objectifs et les moyens, et éviter ainsi toute interruption du régime du protocole de Kyoto en 2012. Un pas important a d'ailleurs été franchi cette semaine, lors de la conférence de Bali, avec la ratification du protocole de Kyoto par l'Australie.

De même, au niveau national, cette fois, la cause de la protection de notre environnement a connu, en quelques mois, d'importants progrès. Fait nouveau, le Grenelle de l'environnement a permis à tous les acteurs de se rencontrer et de débattre de la protection de l'environnement.

Nous attendons désormais d'examiner le « paquet législatif » qui permettra de transcrire juridiquement les engagements qui ont été pris. Pourrez-vous, madame, monsieur les secrétaires d'État, nous donner quelques détails sur le contenu de ce paquet, sur le calendrier législatif et sur les méthodes qui seront employées ?

D'un point de vue budgétaire, on ne peut que s'interroger sur la mise en oeuvre des mesures les plus décisives, qui ont été repoussées ou différées. Aucune ligne budgétaire ne fait apparaître de crédits destinés au financement des premières actions susceptibles d'être mises en oeuvre dès l'exercice budgétaire 2008, celui qui nous préoccupe en ce moment.

J'appelle de mes voeux la discussion d'un projet de loi de finances rectificative comprenant des dispositions en faveur de l'environnement afin de remédier au silence de ce projet de budget. Faute de cela, le Grenelle de l'environnement se résumerait à une très bonne opération médiatique et à un catalogue de voeux pieux.

Je développerai maintenant quatre thèmes qui me semblent particulièrement importants.

Je commencerai tout d'abord - ce sera le premier thème - par évoquer les énergies renouvelables. J'insisterai notamment sur l'énergie solaire.

Pour la première fois, la politique de l'énergie et des matières premières fait l'objet d'un programme budgétaire à part entière. Mais je regrette, monsieur le secrétaire d'État, qu'il soit si peu question des énergies renouvelables dans le programme « Énergie et matières premières ». Certes, les moyens de la politique énergétique et de la politique des matières premières dépassent très largement les crédits budgétaires.

Le projet annuel de performances, lui, présente le montant des dépenses fiscales rattachées au programme « Énergie et matières premières ». Celles-ci devraient s'élever à 2,5 milliards d'euros en 2008, à comparer aux 54 millions d'euros d'autorisations d'engagement du programme 174. La principale dépense fiscale de ce programme, estimée à 2,4 milliards d'euros pour 2008, correspond au crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable. Toutefois, je crains que cette incitation fiscale, bien que très importante, ne soit pas à la hauteur des enjeux, d'autant moins qu'elle concerne, pour l'essentiel, l'isolement des lieux d'habitation.

En mars 2007, les dirigeants européens se sont engagés à respecter un objectif commun consistant à produire 20 % de leur énergie à partir de sources renouvelables d'ici à 2020. Nous sommes encore très loin du compte, si loin en fait que l'objectif peut sembler à certains quasi impossible à atteindre.

Prenons l'exemple de l'énergie solaire. À la fin 2005, notre voisin l'Allemagne, pays qui n'est pourtant pas réputé pour son ensoleillement, comptait sur ses toits une surface installée de capteurs solaires thermiques de 6,7 millions de mètres carrés, représentant une puissance thermique de 4 700 mégawatts, 4 % des foyers allemands étant équipés.

En outre, l'Allemagne a produit plus de 1 000 mégawatts d'électricité photovoltaïque en 2006, soit les trois-quarts de l'électricité solaire européenne. L'Allemagne dispose donc à présent d'un savoir-faire technologique et industriel qui en fait, comme c'est déjà le cas pour l'éolien, le leader européen en matière d'énergie solaire, avec toutes les retombées très positives que cela entraîne en termes de créations d'emplois qualifiés.

Pendant ce temps, en France, la production solaire, qu'elle soit photovoltaïque ou thermique, reste marginale et insignifiante. Pourtant notre pays dispose d'un excellent potentiel solaire. Plus de vingt départements du sud de la France bénéficient de plus de 2 000 heures d'ensoleillement par an. Même en Île-de-France, le rayonnement solaire moyen annuel n'est inférieur que de 20 % à celui du sud de la France !

Il est donc regrettable et, pour tout dire, incompréhensible que la France, qui a la chance de disposer d'un excellent gisement solaire, ne parvienne pas à utiliser cette énergie gratuite, non polluante et dont la durabilité est assurée, avec le même niveau d'efficacité que l'Espagne ou l'Allemagne.

J'évoquerai maintenant - c'est le deuxième thème - les biocarburants.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, la défiscalisation dont bénéficient les différentes filières de biocarburants a été diminuée. Sans doute fallait-il le faire. Je déplore cependant, monsieur le secrétaire d'État, la remise en cause partielle de ce dispositif, tel que cela a été fait, alors que les différentes filières sont en train de se structurer au niveau industriel. L'amendement que le Gouvernement a inspiré, et que le Sénat a voté, crée une distorsion de traitement en ce qui concerne le pourcentage de diminution de l'aide accordée aux entreprises.

Il est absolument indispensable que la France soit présente demain dans ces filières, en particulier qu'elle mette en place une véritable expertise dans le secteur de la chimie verte - on en parle beaucoup, mais il faut y venir ! - pour faire face à la montée en puissance des États-Unis et du Brésil.

Il est donc primordial que nous nous investissions tous dans ce secteur, qui non seulement représente une solution de rechange, moins polluante et moins coûteuse que celles qui sont proposées par ailleurs, par rapport aux énergies fossiles que nous utilisons actuellement, mais qui, en outre, offre un avenir prometteur à l'agriculture et ouvre des perspectives déjà encourageantes pour la valorisation de la biomasse.

Ce n'est pas en matraquant les résultats financiers des entreprises que nous leur donnerons confiance en l'avenir. Or nous avons besoin qu'elles financent les dépenses de recherche et de développement pour la seconde génération de biocarburants, dont tout le monde parle et que tout le monde réclame.

Cette erreur est rattrapable. La commission mixte paritaire peut y remédier. Je compte sur vous, madame, monsieur les secrétaires d'État, pour que le ministère de l'industrie maintienne sa réputation de partenaire fiable en matière de développement industriel.

J'aborderai maintenant - c'est le troisième thème - la poursuite d'une politique de transports durables.

Le budget des transports est fortement influencé par le Grenelle de l'environnement. Les avancées et les objectifs énoncés sont nombreux : financement de nouvelles lignes à grande vitesse d'ici à 2020, aménagement de 1 500 kilomètres de lignes supplémentaires de tramway, projet du canal Seine-Nord Europe et réalisation d'autoroutes de la mer sur la façade atlantique, enfin, mise en place envisagée d'une écotaxe kilométrique sur les poids lourds pour l'utilisation du réseau routier national non concédé.

Je me félicite que le mode de transport fluvial soit enfin reconnu, au travers notamment du projet de canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, qui doit relier les bassins de la Seine et de l'Oise à l'ensemble du réseau européen. La décision budgétaire prise à Bruxelles nous conforte. La déclaration d'utilité publique devrait intervenir bientôt. On ne peut que soutenir ce projet emblématique de la politique de développement durable, qui doit reposer sur un partenariat public-privé original et permettre de créer de nombreux emplois dans les zones concernées.

Je dirai un mot sur les autoroutes.

Bien sûr, la construction d'une nouvelle route doit pouvoir être décidée si elle répond à un besoin de sécurité ou si elle a pour but de résoudre un problème de congestion ou de desserte de certaines installations, comme cela a été dit lors du Grenelle de l'environnement. C'est le cas notamment - raison pour laquelle je vous en parle, monsieur le secrétaire d'État - de l'autoroute A24, qui part d'Amiens vers la Belgique. Où en est-on concernant ce projet, monsieur le secrétaire d'État ? Il ne peut que rester dans les « super priorités ». Je compte sur votre attention.

Toutefois se pose le problème du financement de ces infrastructures. L'AFITF porte plusieurs des projets déjà décidés. Cependant, il lui manque déjà 10,5 milliards d'euros d'ici à 2012 pour financer ces projets, sans compter les choix nouveaux énoncés lors du Grenelle de l'environnement, qui représentent un investissement que certains ont évalué à plus de 20 milliards d'euros. Comment trouver ces sommes ? Comment, si on ne les trouve pas, procéder aux arbitrages permettant de décider ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas ? Le sous-financement de l'AFITF est patent et j'ai de véritables inquiétudes sur son devenir. Je tiens d'ailleurs ici à rappeler la grave erreur commise par le précédent gouvernement lors de la cession des participations de l'État dans les sociétés autoroutières.

Enfin, j'en viens à mon quatrième et dernier thème : les OGM.

Je sais, monsieur le secrétaire d'État, qu'un projet de loi sur les OGM est en cours de finalisation par vos services. C'est pourquoi je tiens à réaffirmer que la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui a trait aux OGM, comme certains le préconisent.

D'une part, pour connaître les risques réels, il faut pouvoir expérimenter. D'autre part, un encadrement strict, une information publique et des mesures d'isolement efficaces sont les éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu dans de bonnes conditions et que des autorisations de mises en culture soient données. En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront sans doute apporter des réponses demain, au même titre que les semences hybrides hier. Laissons donc aux chercheurs la possibilité de faire leur travail et de le continuer.

Dans un second temps, il sera sans doute indispensable de garantir une coexistence des cultures. Chaque agriculture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou OGM, a sa place et devra toujours pouvoir l'avoir. Telle est la position que les sénateurs centristes avaient défendue lors de l'examen du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés et à laquelle nous restons attachés.

Il faudra donc agir sur deux points.

Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles. Pourquoi ne pas reprendre les distances d'isolement prévues lors des essais de semences, qui peuvent aller jusqu'à 300 mètres ou 400 mètres ? C'est un ordre de distance qui est reconnu par la profession.

Deuxièmement, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ?

Pour aller plus loin, il sera sans doute nécessaire de prévoir des mesures contraignantes afin que les disséminations, s'il doit y en avoir, soient limitées sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport. Tout cela est possible.

Je terminerai par une question d'actualité.

Ce matin, un quotidien nous révélait sur une double page le niveau de la taxe appelée « éco-pastille ». Nous en connaissions déjà le principe, mais nous disposons désormais d'informations plus précises.

Ainsi, comme nous l'avons découvert, la voiture hybride, qui bénéficie aujourd'hui d'un crédit d'impôt de 2 000 euros, aura droit demain à un bonus de 700 euros. Est-ce une erreur ? Est-ce une orientation nouvelle ? Votre réponse nous intéresse, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis en effet prêt à soutenir la politique gouvernementale en matière d'environnement. Encore faut-il qu'elle soit lisible, compréhensible et irréprochable ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la conjugaison de l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, et de l'appréhension du format de ce nouveau grand ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables pose tout de même des difficultés aux parlementaires qui souhaitent mesurer avec exactitude l'évolution des masses budgétaires.

La mission que nous examinons aujourd'hui regroupe la quasi-totalité des programmes des missions qui relevaient, en 2007, de deux anciens ministères, en l'occurrence le ministère de l'écologie et du développement durable et le ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Comme le souligne le fascicule bleu budgétaire, le programme 181 « Protection de l'environnement et prévention des risques » traduit la volonté de l'État de placer l'écologie et le développement durable au premier rang de ses priorités. Mais il ne doit pas seulement s'agir d'un simple effet d'affichage.

Certes, le budget de ce programme est en progression, s'agissant tant des autorisations d'engagement que des crédits de paiement. Mais si les dépenses de personnels sont légèrement en baisse, ce qui va dans le sens souhaité par le Président de la République, les dépenses d'investissements le sont également, ce qui est dommageable.

Madame, monsieur le secrétaire d'État, le Grenelle de l'environnement s'est révélé un exercice fort intéressant. On peut saluer l'effort de concertation et de négociation qui a été effectué pendant près de quatre mois avec tous les acteurs environnementaux. Ce dialogue social aura permis de rassembler autour de la table l'ensemble des composantes de la société, ce qui est inédit en la matière. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

La crise écologique - personne ne l'ignore - est face à nous. Les impératifs de prévention et d'action ne devraient plus aujourd'hui se heurter à l'indifférence, à l'incompréhension administrative ou, parfois, politique, voire à l'hostilité des grands groupes industriels. L'enjeu est d'inventer un contenu différent à la croissance.

Mais nous ne disposons pas véritablement d'indications s'agissant de la mise en oeuvre du Grenelle. Quid de la taxe carbone, du plan de réduction des pesticides et de la question des déchets ?

Je voudrais évoquer très brièvement le programme 174 « Énergie et matières premières », parce qu'il s'agit d'un enjeu crucial pour notre pays.

La maîtrise de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement énergétique sont deux fondements de notre politique de l'énergie. Or ils sont en train d'être sapés par l'ouverture à la concurrence voulue par la Commission européenne. Ainsi, l'augmentation du prix du baril, et donc du gaz, n'a fait ciller personne à Bruxelles.

Or, des géants se sont constitués aux portes de l'Europe. Ils n'attendent que l'affaiblissement de nos groupes européens. Bien évidemment, la stratégie énergétique de notre pays se ressent du processus dogmatique de libéralisation qui est actuellement en cours.

Les « usagers consommateurs » sont tout de même les perdants d'un tel jeu, qui se joue malgré eux. À terme, notre pays risque de devoir renoncer à son indépendance.

Dès lors, garantir l'approvisionnement en énergie et en matières premières pour satisfaire la demande, renforcer l'indépendance énergétique de la France par la maîtrise de la consommation et le développement de la production nationale, assurer le bon fonctionnement du service public de l'énergie et favoriser la réduction de l'impact environnemental de la consommation énergétique, notamment la production de gaz à effet de serre, doivent être l'alpha et l'oméga de ce budget et des budgets à venir.

Madame, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous le cache pas, nous aurions tout de même préféré que les différents gouvernements en place depuis 2002 donnent moins de gages à la libéralisation du marché de l'énergie et se dispensent, entre autres, de la privatisation de GDF.