Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cet exercice budgétaire est déterminant pour la politique du logement, puisque, conformément à la loi du 5 mars 2007, le droit au logement opposable entrera en vigueur le 1er décembre 2008.

Je m'interroge sur un point essentiel : combien de ménages seront capables de faire valoir cette opposabilité devant les tribunaux administratifs dès la fin de l'année prochaine ? Madame la ministre, j'ai été quelque peu surpris, je dois l'avouer, de la réponse que j'ai obtenue de votre ministère à cette question. Il m'a en effet été indiqué que ce travail d'évaluation serait réalisé en vue de la préparation de la prochaine loi de finances, ce qui m'apparaît un peu tardif.

Le comité de suivi du DALO estime, de son côté, que plus de 600 000 ménages seraient concernés, soit 1,7 million de personnes, ce qui est considérable. Il est donc urgent de « mettre le paquet », si vous me permettez l'expression, sur le développement du parc locatif afin que le DALO devienne un droit véritablement effectif.

Quelle sera la situation en 2008 ? En application de la nouvelle programmation de la loi DALO, 142 000 logements locatifs sociaux seront financés - devrais-je dire finançables ? - au cours de l'année à venir. J'en conviens, ce chiffre est loin d'être négligeable, mais je voudrais néanmoins faire deux observations.

D'une part, il s'agit d'un chiffre relatif aux prévisions maximales de financement et non aux réalisations. Or, entre ces deux réalités, il y a malheureusement souvent un écart substantiel. Par exemple, alors qu'il nous a été constamment expliqué que la construction locative sociale s'était redressée depuis quelques années, les statistiques officielles sur le site du ministère montrent que le nombre de logements sociaux mis en service entre 2002 et 2005 plafonne, de façon linéaire, sous la barre des 48 000.

D'autre part, les 142 000 logements constituent, certes, un objectif louable, mais quels sont les moyens qui sont dégagés pour l'atteindre ? C'est sur ce point que mon analyse personnelle diffère de celle de la commission. La subvention budgétaire moyenne versée pour chaque nouveau logement social est insuffisante, puisqu'elle stagne depuis 2004 aux alentours de 2 700 euros pour un logement PLUS et de 12 000 euros pour un logement PLAI.

Or, dans le même temps, vous le savez tous, les coûts de la construction se sont accrus de 19 %, l'indice des prix de 7 %, et le taux du livret A a lui aussi augmenté, renchérissant ainsi le coût des prêts. En conséquence, les finances des collectivités territoriales ainsi que les fonds propres des organismes HLM sont de plus en plus souvent sollicités pour équilibrer les opérations.

Au total, la mise en oeuvre du DALO me semble commander, au-delà de la mobilisation de crédits budgétaires supplémentaires, quelques réformes urgentes.

Tout d'abord, il est indispensable d'élargir le champ des logements concernés pour loger les publics prioritaires. Dans sa rédaction actuelle, la loi n'évoque que le contingent préfectoral, ce qui sera très insuffisant pour répondre aux nombreuses demandes et aura pour conséquence de concentrer les populations concernées sur les seuls territoires pourvus en logements dans le secteur locatif social.

À mon sens, il convient de trouver les modalités permettant de solliciter également les contingents des collectivités territoriales et du 1 % logement, mais aussi le parc locatif privé.

Sur ce sujet, madame la ministre, je regrette que le Sénat ait rejeté un amendement que j'avais présenté lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances : il tendait à accorder aux propriétaires privés de logements à loyers très sociaux une exonération totale d'impôts sur leurs revenus locatifs dès lors que le logement était destiné à un ménage prioritaire au sens du DALO. Votre soutien permettra peut-être à l'avenir de changer la donne...

En outre, un recentrage de l'effort de l'État en faveur du logement m'apparaît plus qu'indispensable. Chaque année, avec l'amortissement Robien, ce sont 400 millions d'euros de recettes fiscales qui échappent à l'État. Pire encore, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt représentera près de 4,5 milliards d'euros de ressources en moins à l'horizon 2013. En comparaison, le prêt à taux zéro ne coûte que 500 millions d'euros par an. Tout cela n'est pas très raisonnable : cet argent public pourrait être utilisé à meilleur escient, compte tenu de la pénurie actuelle de logements abordables, que ce soit en locatif ou en accession sociale à la propriété.

Pour terminer, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur l'avenir du livret A, dont le mode de distribution a été remis en cause par la Commission européenne. Quelles sont les chances d'aboutir du recours déposé par la France ? Pouvez-nous nous dire quelques mots du rapport que M. Camdessus doit vous remettre sur le sujet ?

Il me semble fondamental de défendre notre système de financement du logement social, dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Sinon, nous risquons d'aller au-devant de graves problèmes pour les organismes HLM et de remettre en question l'accessibilité bancaire dans les ZUS, qui est liée au financement du logement social.

En définitive, si je reconnais que le Gouvernement a accompli un certain nombre d'efforts, je crains que ceux-ci ne soient pas suffisants pour atteindre les objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés avec la loi du 5 mars 2007, madame la ministre, puisque vous étiez le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.

C'est dans cet esprit que j'avais appelé la commission à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. Celle-ci ne m'ayant pas suivi, je me dois de vous dire qu'elle a, après argumentation, donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en ce qui concerne le budget de la mission « Ville et logement », je voudrais insister sur les contradictions d'un discours où compassion et fermeté résistent mal à l'épreuve des faits.

Les inégalités entre Français se creusent de plus en plus. Aujourd'hui, rien ne permet de dire que la situation des banlieues s'est améliorée. C'est même l'inverse : le recul du pouvoir d'achat y est plus durement ressenti, le nombre de RMIstes n'a pas diminué, le chômage demeure, et la désespérance est plus que jamais présente.

Nous serons certainement plusieurs ce soir à évoquer la baisse annoncée de la progression de la dotation de solidarité urbaine. Cette décision est en contradiction évidente avec le mécanisme de préservation prévu par la loi Borloo, avec les annonces gouvernementales et, surtout, avec la réalité que vivent ces communes de banlieues ; la récente actualité nous a encore montré leur degré de fragilité.

La pression est d'ailleurs tellement forte que l'on entend, ici ou là, dire que le Président de la République serait prêt à remettre les 30 millions d'euros qui manquent à la dotation de solidarité urbaine. Mais rien ne permet d'être optimiste sur ce point à l'examen du collectif budgétaire actuellement en discussion à l'Assemblée nationale.

L'argent manque pour les aides au logement. Les crédits consacrés aux aides personnelles restent stables à moins de 5 milliards d'euros. Grâce à un amendement socialiste à la loi DALO, nous avions obtenu une revalorisation de ces aides. Mais l'enveloppe supplémentaire de 230 millions d'euros n'est pas encore garantie. Or on estime que la non-revalorisation des aides au logement depuis 2002 a entraîné une baisse du pouvoir d'achat des ménages modestes de près de 10 %.

L'argent manque pour faire du vrai logement social. Dans les quartiers, la règle d'une reconstruction pour une démolition n'est pas respectée. Les logements reconstruits sont souvent plus petits et plus chers, de 40 à 150 euros par mois, que les logements démolis.

Le Gouvernement ne financera, en 2008, que 100 000 logements véritablement sociaux - 80 000 PLUS et 20 000 PLAI -, alors que le nombre de familles prioritaires est estimé à 600 000 par le comité de suivi de la loi DALO.

L'État ne remboursera pas sa dette aux organismes de logement social - elle est estimée à 200 millions d'euros au début de l'année 2007 - et les collectivités en font déjà beaucoup, un peu plus chaque année d'ailleurs.

Le budget pour 2008 de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat accusera lui aussi une baisse, alors qu'elle soutient le financement de logements à loyer modéré, de la remise sur le marché de logements vacants, de la lutte contre l'habitat indigne, et j'en passe.

Quant à la sécurisation des propriétaires privés mettant leur bien en location, prévue dans la loi DALO, elle ne restera qu'un voeu pieux, à moins que vous ne vous prononciez dès ce soir, madame la ministre, en faveur de l'amendement du groupe socialiste, qui vise à favoriser les actions comme celles que mène actuellement le maire de Paris et qui consiste à remettre sur le marché locatif des biens vacants au prix du logement social.

Mais revenons à l'argent de l'État. Il en manque pour assurer une mission qui vous tient à coeur, madame la ministre : l'hébergement d'urgence. Nous vous proposons donc de doubler dès ce soir la ligne budgétaire consacrée à l'hébergement d'urgence, en diminuant un peu les crédits consacrés à la communication des dispositifs d'animation de la politique de la ville.

L'argent manque, enfin, pour les associations qui oeuvrent dans nos quartiers : les crédits des associations d'éducation populaire sont en baisse de 5 % ! Or, il est fondamental, et Mme la secrétaire d'État ne me contredira pas sur ce point, de ne pas laisser la place à d'autres associations, attachées moins que nous aux principes républicains, dans des quartiers où s'installe parfois un sentiment d'abandon, qui fait le lit de comportements plus radicaux.

Par ailleurs, comment ferez-vous pour désenclaver les quartiers sans investir dans les transports en commun ?

Vous songez à un fonds spécifique pour les transports en banlieue. Nous y sommes favorables. Nous l'avions d'ailleurs proposé, dans le cadre d'une mission sénatoriale présidée par Alex Türk l'an passé, et nous le répétons à loisir aujourd'hui. Que les 4 milliards d'euros annoncés lors du Grenelle de l'environnement pour les 1 500 kilomètres de transports en commun en sites propres soient consacrés à désenclaver les quartiers, ce serait un engagement rassurant et crédible.

M. Thierry Repentin. Excellent !

Mme Bariza Khiari. Comment ferez-vous, enfin, pour favoriser l'emploi des jeunes de ces quartiers ? Je fais partie de ceux qui pensent que le mal-être et le malaise des banlieues sont liés à une question non pas identitaire ou comportementale, mais sociale. Ce point est essentiel.

Le logement et le travail sont des repères majeurs pour les individus. Au-delà de la question importante du salaire, le travail est un facteur de dignité. Il est donc temps de passer à « l'emploi franc », comme le propose l'association Ville et banlieue, qui consiste à alléger les charges sociales des emplois occupés par des personnes vivant dans les banlieues.

Les zones franches ont certes permis de créer des emplois, mais ils profitent peu aux habitants des banlieues. L'emploi franc permettrait de rendre attractif et durable tout emploi d'une personne habitant effectivement dans une zone sensible, quelles que soient ses particularités.

Lier les avantages au lieu de résidence fera des habitants des banlieues des « pépites recherchées » par les entreprises.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, que pensez-vous d'un tel dispositif ?

Évidemment, la mise en oeuvre technique d'une telle mesure requiert de faire preuve d'un peu d'imagination. Nul doute que certains esprits chagrins y verront des effets pervers, comme pour tout d'ailleurs ! Souvenez-vous des débats qui accompagnèrent la création des zones franches urbaines. Il ne viendrait pourtant à l'idée de personne aujourd'hui de les supprimer.

En conclusion, votre gouvernement fait des cadeaux fiscaux aux ménages les plus aisés et aux entreprises sans véritables contreparties en termes d'emplois et de salaires. Faites, enfin, un geste au profit des milliers d'habitants de nos quartiers en prenant des décisions audacieuses afin de rendre effective la promesse républicaine d'égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach.

M. Marcel-Pierre Cléach. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2008 intègre les objectifs de la loi du 5 mars dernier instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et ceux des deux lois qui encadrent le secteur du logement et de la rénovation urbaine.

L'essentiel de l'effort budgétaire pour 2008 est concentré dans le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement », afin de poursuivre et d'amplifier l'effort déjà considérable entrepris depuis 2003.

Ce programme d'aide à la pierre comprend cinq actions. Je ne commenterai que l'action « Construction locative et amélioration du parc », dont les crédits enregistrent une progression de 14,99 % et les autorisations d'engagement une augmentation de 30 %.

Les besoins sont importants, c'est vrai, mais le Gouvernement fait un effort sans précédent. Je tiens à le saluer.

Mme Christine Boutin, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur !

M. Marcel-Pierre Cléach. Toutefois, comme M. le rapporteur spécial, je déplore que la part réservée aux constructions nouvelles et à la rénovation urbaine ait conduit à réduire sensiblement les crédits de réhabilitation, hors convention ANRU.

Je pense qu'un équilibre entre ces deux catégories de concours de l'État devra être rétabli pour des raisons que je développerai plus loin. J'ajoute que cet équilibre devra être recherché territoire par territoire, département par département, tant la situation est différente d'un endroit à l'autre.

Pour illustrer mon propos, je m'appuierai sur une expérience locale, certes, mais bien représentative de la situation du logement social et des bailleurs sociaux en régions, hors grandes agglomérations.

Dans cette perspective, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, je voudrais vous faire part des réflexions et des interrogations du président d'un Office public d'aménagement et de construction que je suis depuis douze ans. J'aborderai successivement les problèmes posés par la spécificité des territoires et la différence des besoins des uns et des autres, les difficultés financières de la construction neuve, ainsi que celles, encore plus criantes, des opérations de réhabilitation.

Vous avez évoqué, madame la ministre, à l'occasion du congrès de l'Association des maires de France, « la nécessaire prise en compte de la dimension territoriale de la politique du logement ».

En effet, la situation du logement en France profonde n'est pas celle des banlieues des grandes villes, et les besoins n'y ont rien de comparable avec ceux des banlieues lyonnaises ou parisiennes. À l'intérieur même des régions, les situations sont différentes.

Dans mon département, qui est aussi celui du Premier ministre, le plan Borloo a entraîné l'obligation de construire en priorité des logements neufs, alors que l'ensemble des constructeurs sociaux souhaitaient un renforcement des aides à la réhabilitation.

La production en PLUS, en PLAI et en PLS a effectivement augmenté de 50 % entre 2005 et 2006, en raison du volontarisme parisien, relayé par l'impulsion préfectorale, mais l'objectif pour 2006 n'a été atteint, et bien difficilement, qu'à 85 %.

Le département de la Sarthe compte 36 500 logements sociaux. Plus de 700 logements étaient vacants au 31 décembre 2006. Le secteur privé compte, pour la seule ville du Mans, plus de 1 500 logements disponibles, qui sont le produit des dispositifs Borloo ou Robien.

La réalité oscille autour de 4 000 demandeurs - ils étaient initialement 8 000 -, qui ne veulent pas des logements trop vétustes du parc HLM. Par ailleurs, ils ne peuvent accéder au locatif privé, les effets du marché n'ayant pas encore suffisamment régulé les loyers, et la taille des logements disponibles dans le secteur privé - il s'agit souvent d'opérations Robien - ne correspondant pas à la demande.

L'importance de la vacance dans le secteur HLM souligne à la fois, pour mon département, l'absence de crise aiguë et la nécessité de moderniser, voire de démolir et de reconstruire des logements refusés par les candidats à la location en raison de leur vétusté.

On peut aussi déduire de cette situation qu'il faut tenir compte des spécificités territoriales et rééquilibrer, quand c'est nécessaire, les crédits destinés au logement en faveur des réhabilitations.

Le patrimoine social non réhabilité du département représente 8 555 logements, concentrés dans les villes moyennes et les communes rurales. Il apparaît donc nécessaire, pour éviter une augmentation de la vacance, de procéder à leur mise aux normes et à leur réhabilitation.

Les bailleurs sociaux ont besoin d'aide pour renouveler cette partie obsolète de leur parc. Le coût moyen de la rénovation d'un logement, pour l'OPAC de la Sarthe, est d'environ 30 000 euros, sans prendre en compte les travaux nécessaires à la réduction des consommations énergétiques, qu'il faudra pourtant prévoir.

Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

M. Marcel-Pierre Cléach. Nous recevons 2 370 euros d'aide par appartement, la région et le département confortant l'aide de l'État. Il reste donc à financer 27 270 euros par logement, soit sur fonds propres, soit par emprunt. C'est, par conséquent, à peu près 90 % de l'investissement que nous ne pouvons répercuter intégralement dans les loyers, en raison du niveau de ressources des locataires.

Et pourtant, ce patrimoine réhabilité est nécessaire, compte tenu du profil social et économique des demandeurs et des locataires. En effet, 80 % des demandeurs et 76 % des locataires de l'organisme que je préside ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds de ressources HLM.

Un renforcement significatif de la PALULOS, la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, me paraît s'imposer, la plupart des offices ne disposant pas de fonds propres suffisants pour rendre ces opérations supportables pour les locataires. Cette réévaluation devrait prendre en compte l'évolution des coûts de construction constatés depuis dix ans.

À défaut, le patrimoine ancien continuera de se marginaliser, la vacance d'augmenter et les ressources des constructeurs sociaux de se tarir. Les moins fortunés de nos compatriotes ne pourront toujours pas se loger.

Dans le domaine de la construction neuve, les problèmes financiers se posent en termes différents, mais la problématique est la même. Pardonnez-moi d'évoquer encore une expérience locale, mais je pense qu'elle est semblable à celles des constructeurs sociaux sur l'ensemble du territoire, hors grandes agglomérations.

L'aide de l'État pour un logement financé en PLUS est de 2,5 %. Les coûts de construction ont augmenté d'environ 20 % en trois ans. Nous ne pouvons plus construire de logements au-dessous de 95 000 à 100 000 euros l'unité, hors foncier. L'équilibre d'opération en zone 3 - c'est-à-dire dans l'ensemble du territoire départemental, à l'exception de l'agglomération centre - se situe à environ 80 000 euros. Le constructeur doit donc injecter 20 % de fonds propres par logement, soit 20 000 euros en moyenne, c'est-à-dire 2 millions d'euros pour 100 logements.

Sans l'aide du département, nous ne pouvons pas construire ! En effet, quel organisme peut aujourd'hui dégager autant de fonds propres ? La question contient la réponse ! Ceux qui se risqueraient à compléter le financement de la Caisse des dépôts et consignations par un emprunt complémentaire se trouveraient rapidement confrontés à un déséquilibre abyssal de leurs finances, qui les placerait inéluctablement dans une situation désagréable !

Construire ou réhabiliter devient donc de plus en plus difficile, en raison de l'augmentation du coût de la construction et du prix du foncier, de la nécessaire prise en compte des normes environnementales, ainsi que de l'absence de revalorisation du concours de l'État à l'unité logement.

C'est une situation paradoxale : la masse des crédits budgétaires en faveur du logement est en constante progression pour augmenter la production globale, mais les crédits à l'unité logement sont de plus en plus marginalisés, au point de rendre les équilibres d'opération impossibles. Pour certains offices, construire ou réhabiliter devient suicidaire. Vous ne devez pas, madame la ministre, sous-estimer cette situation, qui peut miner de l'intérieur l'ambitieux programme que vous défendez.

Quelles solutions reste-t-il ? On peut certainement vendre une partie du patrimoine ancien, mais à un rythme et suivant des modalités propres à chaque organisme, en fonction de sa politique patrimoniale et en considérant un ratio raisonnable de deux logements construits pour un logement vendu.

J'ajoute qu'il ne faut pas tirer de plans sur la comète, la demande d'achat devant être fortement sollicitée pour des résultats plutôt moyens.

Faut-il chercher à réaliser des gains de productivité ? Le maximum est fait en termes de limitation des coûts de construction. Sans doute la plupart des organismes peuvent-ils faire des économies au niveau des frais de gestion, le ratio nombre de locataires par gestionnaire pouvant vraisemblablement être amélioré.

Faut-il compter sur l'aide des collectivités locales ou de leurs groupements ? Elle est déjà fortement sollicitée et axée principalement sur l'allègement du coût du foncier et des viabilisations.

Reste une réévaluation des concours de l'État. Il me semble, madame la ministre, que nous y sommes contraints, sous peine de voir la construction et la rénovation sociales retomber à leur plus bas niveau, à un moment où les besoins exigent notre mobilisation commune.

Je pense que vous savez tout cela et que vous recherchez, de bonne foi, le croisement de toutes ces pistes pour maintenir le cap qui vous a été fixé.

Mme Christine Boutin, ministre. Absolument !

M. Marcel-Pierre Cléach. Dans cet esprit, vous avez évoqué, lors du congrès de l'Association des maires de France, le rôle de l'habitat privé pour résoudre le problème de l'insuffisance de logements à coût maîtrisé.

Les propriétaires privés n'y sont plus opposés. Ils sont même demandeurs, leurs organisations représentatives proposant des solutions qu'il serait judicieux d'explorer. Un partenariat avec les organismes HLM pourrait être organisé et amplifié. (Mme la ministre fait un signe d'approbation.)

Il vous restera, pour les convaincre, à lever de nombreux obstacles, dont certains ne relèvent pas de votre volonté ou de votre détermination. Je crains, en effet, que la perception qu'ils ont de leur situation, face à des locataires indélicats et à des décisions de justice lentes et souvent laxistes, n'ait guère changé depuis le constat que j'en avais fait pour la commission des affaires économique du Sénat en 2003.

Il n'en reste pas moins que l'investissement locatif privé constitue l'une des clés du problème qui nous est posé et qu'il convient sans doute de s'en préoccuper.

Telles sont, madame la ministre, les quelques observations que le terrain m'inspire et auxquelles je souhaitais vous sensibiliser, tout en étant bien conscient de la quadrature des cercles à laquelle vous êtes confrontée pour mener à bien la difficile mission qui vous a été confiée.

Mme Christine Boutin, ministre. Merci !

M. Marcel-Pierre Cléach. En acteur engagé, je souhaite que vous meniez cette mission à son terme, pour le bien des Français. J'espère que vous tiendrez compte, pour un prochain budget, des observations que j'ai développées ce soir, qui ne sont pas de nature à réduire l'image positive que j'ai des efforts que fait le Gouvernement en faveur du logement de nos compatriotes, en particulier du logement social. Ce budget mérite une appréciation positive, de ma part bien sûr, mais également de la part du groupe UMP, qui le votera. Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale dispose que la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, bénéficie d'une augmentation prioritaire de 120 millions d'euros par an entre 2005 et 2009, sous réserve que le montant de l'accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et de certains de leurs groupements soit supérieur à 500 millions d'euros chaque année sur cette période. Dans le cas contraire, l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale serait limitée à 24 % de l'accroissement constaté.

Jusqu'à présent, la règle de la progression de 120 millions d'euros par an avait été respectée. Mais ce ne sera plus le cas pour l'année 2008. En effet, la dotation globale de fonctionnement n'augmentera que de 463,6 millions d'euros pour les communes et leurs groupements. Par conséquent, la DSU progressera de seulement 90 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de moins que ce qui était prévu par le plan de cohésion sociale, dit « plan Borloo ».

Voilà trois ans, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale par le Sénat, M. Marc-Philippe Daubresse, alors ministre délégué au logement et à la ville, se montrait rassurant et déclarait : « Nous garantissons, pour les cinq années à venir, une visibilité financière à nos communes : celles-ci pourront, enfin, connaître le montant de DSU et de DSR sur lequel elles pourront compter. »

Or, cette année, une solution de continuité a été retenue et 30 millions d'euros escomptés ne seront pas au rendez-vous. Au demeurant, la progression de la DSU n'est même pas de 24 %, auquel cas le montant de la dotation s'élèverait à 111 millions d'euros.

M. Jacques Mahéas. Pire encore, en voulant sauver la face, le Sénat a adopté mercredi soir un amendement tendant à réduire la garantie annuelle de progression de la DSU de 5 % à 1,6 %, sous prétexte que cela permettrait de redistribuer les sommes ainsi économisées.

Mais, en l'occurrence, il s'agit bien de déshabiller Paul pour habiller Pierre ! De fait, la « solution » adoptée dans cet hémicycle, qui a été combattue par mes collègues du groupe socialiste, pénalisera plus de 350 communes,...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Pas tellement !

M. Jacques Mahéas. ... et pas forcément les moins nécessiteuses !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Et au bénéfice des plus pauvres

M. Jacques Mahéas. Certes, au sens strict, il s'agit d'une moindre augmentation, et non d'une diminution, de la DSU.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Eh oui !

M. Jacques Mahéas. Mais, en pratique, certaines communes perdront 200 000 euros ou 300 000 euros, ce qui est une somme considérable en valeur absolue.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ce n'est pas à cause du taux de 1,6 % !

M. Jacques Mahéas. Monsieur Dallier, la commune dont vous êtes le maire ne perdra rien, puisqu'elle est riche ! Elle ne perçoit pas la DSU !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Mais si ! Vous affirmez n'importe quoi !

M. Jacques Mahéas. Je vous donnerai tout à l'heure le tableau chiffré dont je dispose, monsieur Dallier.

Un tel manque à gagner diminue d'autant les capacités d'investissements des communes les moins riches.

J'ai bien pris note du communiqué de presse de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le 15 novembre 2007. De même, je l'ai bien entendue affirmer mercredi soir, dans cet hémicycle, que le comité des finances locales, le CFL, pouvait aller au-delà de la progression minimale de 90 millions d'euros. Mais elle a simplement botté en touche !

En effet, le CFL ne se réunira qu'au mois de février 2008. Or, comme le « pacte de stabilité » imposé aux collectivités par le Gouvernement affecte toutes les dotations, le comité, pour pouvoir se montrer plus favorable aux communes de banlieue, serait tenu de prendre de l'argent à d'autres collectivités locales, ce qui serait pour le moins indélicat.

M. Pierre André, rapporteur pour avis. C'est le principe de la péréquation !

M. Jacques Mahéas. Dès lors, comment tenir la promesse électorale d'un « plan Marshall » pour les banlieues ?

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, n'y a-t-il pas une contradiction majeure...

Mme Christine Boutin, ministre. Mais non ! (Sourires.)

M. Jacques Mahéas. ... entre un tel coup porté à la DSU et le plan pour les banlieues que vous devez annoncer à la fin du mois de janvier prochain ? Au demeurant, ce plan n'aura pas de marges de manoeuvre financière, puisque le projet de loi de finances pour 2008 aura déjà été adopté !

Faut-il rappeler l'extrême disparité des situations locales et la nécessité d'une juste péréquation ? Permettez-moi de vous faire part de quelques ordres de grandeur à titre d'illustrations.

Le pouvoir d'achat par habitant de la commune la mieux dotée représente 8 500 fois celui de la commune la moins bien pourvue. En outre, 1 % des communes les plus riches disposent de 44 fois plus de pouvoir d'achat, 7 403 euros par habitant, que les 1 % les plus pauvres, 168 euros par habitant. De surcroît, 10 % des communes les plus riches disposent de près de 30 % du pouvoir d'achat, tandis que, à l'opposé, les 10 % les plus pauvres n'en bénéficient qu'à hauteur d'un peu plus de 1 %.

Ces chiffres édifiants montrent combien les communes les plus défavorisées concentrent les difficultés. C'est pourquoi elles ont besoin de cette visibilité et de cette pérennité promises par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Sur cette foi, certaines collectivités locales ont engagé des projets de rénovation urbaine d'envergure. Cette situation est particulièrement inacceptable pour des villes qui doivent encore se mettre à niveau en matière d'offre de services publics et d'équipements. Les maires de banlieue sont inquiets d'une telle remise en cause de la dotation de solidarité urbaine.

Comme j'ai effectivement pour habitude d'étayer mes affirmations par des éléments concrets, je me suis permis d'apporter le résultat d'une étude réalisée par les directeurs généraux des communes de la Seine-Saint-Denis. Nous disposons de trente-huit réponses sur quarante.

Les conclusions de cette enquête prouvent non seulement que certaines communes connaissent des difficultés, mais également que le fait de réduire de 30 millions d'euros le montant global de la DSU n'arrange pas la situation ; les communes les plus pauvres le restent bien.

Certes, il y a bien une exception, en Seine-Saint-Denis : la commune de Clichy-sous-Bois.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avec un facteur quatre !

M. Jacques Mahéas. Mais, je le répète, c'est une exception !

La commune la plus pauvre du département, Stains, le reste bien, avec ou sans la DSU.

Avec la DSU, la deuxième commune la plus pauvre de Seine-Saint-Denis est la ville dont je suis le maire, Neuilly-sur-Marne. Sans la DSU, elle était quatrième...

Je pourrais multiplier les comparaisons, pour évaluer les véritables effets de la DSU.

Mme Christine Boutin, ministre. Il faudra revoir la DSU !

M. Jacques Mahéas. Ce serait positif et permettrait d'éviter de telles disparités, notamment en Seine-Saint-Denis.

Actuellement, compte tenu du produit de leurs quatre taxes, même augmenté des dotations des structures intercommunales et de la DSU, certaines communes pauvres disposent de trois fois moins de ressources que les communes les plus riches. Je le dis très nettement, c'est inadmissible !

Naturellement, dans les communes pauvres - je suis le maire de l'une d'elles -, nous acceptons la DSU.

Mme Christine Boutin, ministre. Ah ! Tout de même ! (Sourires.)

M. Jacques Mahéas. Elle est toujours la bienvenue, mais elle ne gomme pas les inégalités. Et comme elle sera réduite de 30 millions d'euros par rapport à ce qui était prévu, cela nous pose un véritable problème.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Et grâce à mon amendement, l'écart sera un peu réduit !

M. Jacques Mahéas. Je peux vous donner le classement de votre commune, monsieur Dallier. Vous étiez au seizième rang et vous êtes passé au quatorzième.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ce sont les chiffres de 2006 ?

M. Jacques Mahéas. Oui ! Je me suis fondé sur le produit des taxes pour l'année 2006 !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Mais ma commune est devenue éligible à la DSU en 2007 ! Vos chiffres sont périmés !

Mme la présidente. Veuillez laisser parler l'orateur, monsieur le rapporteur spécial !