M. Bernard Dussaut. C'est bien ce que nous pensons !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Aussi, nous avons déposé un amendement visant à reconnaître au juge le pouvoir de soulever d'office les règles protectrices du droit de la consommation, c'est-à-dire de les prendre en compte même si le consommateur n'a pas pensé à les invoquer. Cette règle pourra aussi s'appliquer au professionnel attaqué, par exemple au petit artisan qui n'a pas d'avocat et qui fait l'objet de la vindicte d'un consommateur procédurier. Cet amendement très important a, je dois le souligner, été adopté à l'unanimité de la commission.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà ce qu'il me semblait nécessaire de vous préciser sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en préalable à la présentation de notre analyse et de notre position sur ce projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, je tiens à remercier le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur du choix qu'ils ont fait de mettre en place un groupe de travail, afin que chacun des membres de la commission puisse participer aux nombreuses auditions qui ont été organisées.

Celles-ci, dans une organisation plus classique du travail des commissions, ne sont trop souvent accessibles qu'au seul rapporteur. Nous avons ainsi pu recueillir les appréciations de nombreux professionnels et associations directement concernés par les dispositions de ce texte. Travailler ainsi facilite grandement les choses, surtout lorsque l'on dispose de si peu de temps pour examiner un texte qui comportait à l'origine treize articles et qui, après modifications par l'Assemblée nationale, en comporte désormais trente et un.

Ce projet pour le développement de la concurrence au service des consommateurs s'inscrit dans le droit fil de la déclaration du 14 janvier 2007 de Nicolas Sarkozy : « Je veux être le Président du pouvoir d'achat ». Ce texte se situe également dans la logique qui prévalait déjà lorsqu'il fut ministre de l'économie en 2004 : faire reposer la relance du pouvoir d'achat sur la baisse des prix des produits de consommation courante.

Le Gouvernement mise pour cela sur l'accroissement de la concurrence dans le secteur commercial. En ce sens, l'exposé des motifs précise : « L'amélioration du pouvoir d'achat est une priorité du Gouvernement. Le présent projet de loi a pour objectif de renforcer les mesures susceptibles de contribuer au développement d'un environnement plus concurrentiel des relations commerciales au bénéfice du consommateur. »

Or, avant même la discussion de ce projet de loi, devant l'inflation des textes portant sur le sujet, les choix politiques du Gouvernement, qui sont quelque peu incohérents, nous inquiètent.

Le projet de loi phare en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adopté cet été, et qui grève les finances publiques de quelque 15 milliards d'euros, n'aurait donc pas eu l'effet attendu et pèsera sur notre croissance à moyen et à long terme, comme l'ont souligné de nombreux économistes.

Mme Nicole Bricq. Le phare est éteint ! (Sourires.)

M. Bernard Dussaut. Un nouveau projet de loi sur le pouvoir d'achat est annoncé pour le 18 décembre à l'Assemblée nationale. Il devrait être examiné au Sénat au mois de janvier, avec effets rétroactifs !

Un autre texte sur la modernisation de l'économie sera discuté après les élections municipales, texte dont l'objectif serait toujours de redonner du pouvoir d'achat aux Français et qui devrait, nous dit-on, remettre à plat la législation sur l'urbanisme commercial.

Et enfin, il y a le texte que nous examinons aujourd'hui !

Dès lors, quel crédit faut-il accorder à un projet de loi qui n'est finalement que l'apéritif de plusieurs textes annoncés et qui semble dépassé avant même d'être voté ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Oh !

Mme Odette Terrade et M. Jean-Claude Danglot. Absolument !

M. Bernard Dussaut. Pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, une telle parcellisation des mesures ? Une grande loi d'orientation n'aurait-elle pas eu un impact autre ? Devons-nous devenir soupçonneux et imaginer que le Gouvernement souhaite ainsi mieux faire accepter, à tous, des mesures qui n'auront d'impacts positifs que pour certains ? Ou bien cette segmentation s'inscrit-elle dans un « plan média » permettant d'occuper ce terrain sur toute une session budgétaire ?

Notre sentiment aurait été tout autre si, dès la rentrée parlementaire, le Gouvernement nous avait annoncé un échéancier global de la politique qu'il entendait conduire dans ce domaine. Là, tout apparaît improvisé, les textes se bousculent, ils arrivent au coup par coup comme collant aux remous des déceptions qu'ils suscitent dans l'opinion publique.

Mais revenons au projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Nous pensons que le dispositif envisagé repose sur une analyse erronée.

S'il est vrai - c'est ce qu'affirme l'INSEE - que le revenu réel des Français a augmenté de 2 % à 4 % par an depuis dix ans, ceux-ci ont le sentiment d'une baisse ou d'une stagnation de leur pouvoir d'achat.

Sans doute doivent-ils faire face à de nouvelles dépenses, mais surtout, les dépenses contraintes ont augmenté.

C'est pour ceux qui ont les salaires les plus bas et pour les classes moyennes que le poids de ces dépenses contraintes est le plus élevé : l'augmentation de l'énergie, des loyers, le coût des déplacements sont autant de dépenses incompressibles qui pèsent lourdement sur nos compatriotes. Et l'on apprend que les tarifs du gaz devraient encore augmenter, alors que l'entreprise rémunère confortablement ses actionnaires !

Dans quel contexte de prix nous situons-nous ?

Au mois d'octobre, on relève que, pour le dix-huitième mois consécutif, les prix des produits des grandes marques ont continué de baisser, alors que les prix des produits de consommation courante ont augmenté pour les marques de distributeurs et les « premiers prix ». Or ce sont eux qui pèsent le plus lourdement sur les ménages modestes.

Nous pensons que l'accroissement de la concurrence dans le secteur commercial n'aura probablement pas les effets escomptés sur les prix. Si, ces dernières années, la consommation a tiré notre croissance, force est de constater que ce moteur demeure fragile, d'autant plus qu'elle est artificiellement soutenue par un surendettement de certains ménages.

Enfin, faut-il encore souligner que, si nos ménages consomment, ce sont nos entreprises qui importent ? Qui nous dit que, dans un contexte d'accroissement de la concurrence, la grande distribution n'importera pas plus de produits des pays à bas coûts pour maintenir ses marges ?

M. Bernard Dussaut. Qui nous dit que la pression sur les fournisseurs ne sera pas encore accrue, impliquant un effet boomerang sur les coûts ?

Dans cette logique qui concentre le pouvoir d'achat dans la baisse des prix, on donne l'occasion formidable à la grande distribution de revendiquer une totale liberté d'action pour négocier ses tarifs auprès de ses fournisseurs.

Interrogé récemment dans la presse, le président de Système U présentait le constat et l'analyse suivants : « Au regard de ce qui s'est passé depuis la loi Dutreil de 1995, on voit bien que la baisse des prix tient plus aux promotions qu'aux articles dans les rayons. En d'autres termes, les distributeurs mettent en avant des produits d'appel qu'ils ajustent au seuil de revente à perte. » Il poursuit : « Les prix permanents vont augmenter et les prix en promotion vont baisser. »

La poussée des prix a finalement été assez limitée dans ce secteur de la distribution : ce n'est donc pas là que se situe entièrement le problème. En revanche, les revenus des Français ne progressent plus.

Si l'on ne fait pas le choix d'une augmentation des bas salaires et des minima sociaux, dont le niveau est très faible, l'impact sera nul. En France, la part des salariés à plein-temps payés au salaire minimum, le SMIC, en 2006 s'élève à 15 %, l'un des pourcentages les plus élevés en Europe.

Pourtant, encourager la valeur travail, chère à notre Président, c'est aussi assurer sa juste rémunération.

La démarche choisie par le Gouvernement est donc particulière : on n'augmente pas les salaires qui demeurent au niveau de l'inflation, mais on se place dans une logique consumériste. Pourtant, avant d'être consommateur, avant de dépenser, il faut avoir les revenus nécessaires.

À moins qu'il ne s'agisse d'une invitation du Gouvernement à inciter les Français qui en sont pourvus de se délester de leur épargne : monétisation des RTT et crédit épargne temps.

Le titre Ier du projet de loi s'attache aux relations commerciales.

Le commerce est, par essence, le domaine de la négociation entre un acheteur et un vendeur. À ce titre, rabais, ristournes - conditionnelles ou non -, remises, escomptes, délais de paiement y ont, de fait, toute leur place.

C'est ainsi que se sont constituées les marges arrière, avec une relative complicité du législateur, qui, les considérant comme incontournables, en quelque sorte constitutives de tout commerce, ne les a pas interdites, mais les a légalisées. Elles s'apparentent pourtant trop souvent, avec la coopération commerciale, à une forme de pression, parfois proche du racket.

À partir du moment où les marges arrière sont reconnues, il convient d'être très précis sur les contrats de coopération commerciale, que nous refusons de voir remplacés par de simples conventions.

Le contrat, et non une convention, doit permettre de connaître avec précision les services facturés par le distributeur et les ristournes obtenues : il revient à la grande distribution de prouver la réalité des services qu'elle se fait rémunérer et donc des marges de manoeuvre dont elle dispose pour diminuer les prix. Les conditions générales de vente doivent primer sur les conditions générales d'achat.

C'est pourquoi nous déposerons plusieurs amendements allant dans le sens d'un meilleur encadrement.

Maintenir et définir correctement le seuil de revente à perte, le SRP, est primordial et nous proposerons d'intégrer les charges afférentes au fonctionnement de l'établissement.

Il faut être d'autant plus vigilant que tous les fournisseurs ne disposent pas des mêmes moyens pour résister à la pression de la grande distribution : la négociation ne se fait pas dans les mêmes termes avec les multinationales de l'alimentaire et avec les PME.

M. Gérard Cornu, rapporteur. C'est vrai !

M. Bernard Dussaut. Si l'on continue de placer sur le même plan les multinationales, les producteurs et les fournisseurs indépendants, on ne pourra pas réprimer l'abus de position dominante : il faut des mesures spécifiques pour les protéger dans leurs négociations avec la grande distribution. C'est dans cet esprit que nous proposerons plusieurs amendements pour un véritable contrat de coopération commerciale.

Pour les mêmes raisons, il est indispensable d'encadrer correctement les délais de paiement.

Nous demandons qu'ils soient uniformisés à trente jours et que soient interdits les versements d'acomptes liés aux services facturés tant que les produits sur lesquels portent ces services n'ont pas été payés aux fournisseurs. Nous estimons par ailleurs que la facture doit être éditée le jour de la livraison alors que, dans de nombreux cas, elle n'est éditée que dans les trois semaines.

Nous nous élevons vivement contre l'exigence des distributeurs qui conditionnent la réduction des délais de paiement à la négociabilité totale des prix avec les fournisseurs.

Nous sommes inquiets car, comme je l'ai mentionné, ce projet de loi n'est qu'une étape. Mme la ministre Christine Lagarde nous avait alertés le mois dernier en déclarant : « Le principe de la négociabilité totale des conditions générales de vente et des tarifs va être examiné ». Vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État, une mission a été confiée à Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la Concurrence, pour étudier les conditions de sa mise en oeuvre.

On glisserait alors de conditions générales de vente à des conditions générales d'achat, et il est probable que de nombreux fournisseurs ne s'en relèveraient pas !

Les PME et les producteurs sont résolument contre un tel dispositif. Nous espérons qu'ils continueront à avoir gain de cause sur cette question, alors qu'ils se sont rangés, pour certains, en l'espace de quinze jours,...

M. Gérard Miquel. On se demande pourquoi !

M. Bernard Dussaut.... entre deux auditions, aux côtés du Gouvernement sur le calcul du seuil de revente à perte à partir du « triple net », ce qui ne manque pas de nous laisser un peu songeurs !

Je me permets d'insister : la primauté des conditions générales de vente doit être préservée.

On a le sentiment que l'on se dirige vers un amoindrissement des pénalisations économiques, vers une disparition progressive de la police économique.

Nous n'avons pas été convaincus par M. Chatel lors de la discussion du projet de loi de finances : les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sont très insuffisants et ce n'est ni la régionalisation ni la rationalisation du traitement des missions qui vont pallier les manques d'investissement pour des contrôles d'envergure.

Les agents le disent : ils ne traitent que les petites missions, car ils sont dans l'incapacité matérielle de suivre les gros dossiers. Or si aucun contrôle ambitieux ne peut être effectué, notamment sur les marges arrière pratiquées et leur intégration dans le seuil de revente à perte pour une baisse des prix, il y aura immanquablement des dérives.

Enfin, dans un texte en faveur des consommateurs, nous sommes surpris que rien ne soit proposé sur l'action de groupe. Nous déposerons, avec Nicole Bricq et Richard Yung, des propositions en ce sens.

Nous regrettons que le Gouvernement ait choisi la voie des ordonnances pour transposer les deux directives. Nous proposerons des amendements pour que soient inclus les éléments d'appréciation du caractère agressif d'une pratique commerciale tels qu'ils sont définis dans la directive sur la loyauté des pratiques commerciales.

En ce qui concerne le secteur bancaire, il nous semble indispensable d'encadrer plus avant les contrats de prêts à taux variables, qui attirent des emprunteurs souvent modestes. Pour protéger les emprunteurs, nous proposerons que soit instaurée une clause générale de plafonnement des taux applicables. Nous ferons également des propositions pour favoriser la mobilité bancaire.

Je laisse à mon collègue Michel Teston le soin d'évoquer plus précisément les dispositions relatives aux communications électroniques et à la téléphonie.

Pour conclure, nous pensons que les mesures proposées n'atteindront pas l'objectif visé et peuvent avoir des répercussions négatives.

Il est probable que nous assisterons à des délocalisations dans l'industrie, pour une production à moindre coût, et à une accélération des importations par les distributeurs pour des produits de concurrents étrangers plus compétitifs.

Dans la grande distribution, l'automatisation des caisses va probablement s'accélérer sans que la main-d'oeuvre soit réemployée : 150 000 caissières en France verront alors leur emploi menacé. Dans ce secteur, le doublement du salaire en cas de travail le dimanche n'ira pas très loin.

Ainsi que le soulignait très justement un hebdomadaire économique : « Pour quelques euros économisés dans le caddie des Français, des dizaines de milliers d'emplois dans le commerce et l'industrie risquent de disparaître ». C'est à méditer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ces derniers mois ont montré à quel point le pouvoir d'achat était au coeur des préoccupations des Français.

Améliorer la confiance du consommateur et augmenter les moyens dont il dispose sont donc devenus, tout le monde s'accorde sur ce point, un enjeu primordial.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement nous soumet aujourd'hui un projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, texte qui constitue le second pilier de son action en faveur du pouvoir d'achat, le premier étant lié aux mesures prises en juillet dernier dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, que l'on appelle communément la loi TEPA.

Votre projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, représente une avancée fondamentale qu'il convient de saluer puisque son objet est de créer les conditions d'une concurrence, encadrée et non débridée, qui soit profitable aux consommateurs comme à l'ensemble des acteurs sociaux et économiques.

Mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même approuvons les objectifs recherchés dans ce texte, lequel consiste à redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs en engageant une action durable sur les prix à la consommation. L'atteinte de ces objectifs est indissociable de la mise en oeuvre d'une plus grande transparence sur les prix et sur les marges.

Obtenir la diminution des prix en misant sur les vertus d'une concurrence bien régulée, au service des consommateurs, constitue une démarche qui s'inscrit dans une logique pragmatique prenant en compte les acteurs du marché et ayant des répercussions visibles et mesurables sur la vie quotidienne de l'ensemble de nos concitoyens.

Envisager la concurrence comme un moyen et non comme une fin en soi, moyen qui se justifie pleinement lorsqu'il est au service des consommateurs et de leur pouvoir d'achat, reçoit notre plein et entier soutien.

Je tiens à remercier M. le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, qui a pris l'initiative, le 14 novembre dernier, de créer un groupe de travail sur le développement de la concurrence au service des consommateurs, auquel ont participé, bien entendu, toutes les formations politiques représentées dans notre assemblée.

J'ai fait partie de ce groupe de travail qui a auditionné, bien en amont, les principaux acteurs concernés, notamment les associations de consommateurs, les fournisseurs industriels et agricoles, les distributeurs et commerçants, les acteurs du secteur des communications électroniques et les représentants du secteur bancaire.

Nos collègues de l'opposition savent très bien que, si l'urgence a été déclarée sur ce texte, c'est pour que le nouveau cadre légal applicable à la négociation commerciale entre les enseignes de la distribution et leurs fournisseurs puisse être appliqué rapidement, c'est-à-dire dès 2008. L'article 2 du projet de loi, qui institue une convention unique de relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur, à conclure avant le 1er mars, pourra donc être effectivement appliqué à partir du 1er mars 2008. Il y a donc là une véritable urgence.

La loi Dutreil du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a engagé un processus de réforme progressive dont les effets positifs sur l'évolution des prix sont aujourd'hui démontrés. Le projet de loi de M. Luc Châtel achève ce processus, dans le strict respect des orientations parlementaires exprimées en 2005.

Le projet de loi vise donc à mener à son terme l'évolution du « triple net », amorcée par la loi en faveur des PME, qui donnera aux distributeurs la possibilité d'abaisser les prix à la consommation : ristournes, rabais et services de coopération commerciale devront figurer sur les factures des fournisseurs à leurs distributeurs. Cette réforme est fondamentale et nécessaire.

Mes collègues et moi-même accueillons favorablement la volonté du Gouvernement de renforcer la spécificité agricole, à travers la mise en place de garanties. Nous nous félicitons, monsieur le secrétaire d'État, des améliorations apportées par le rapporteur aux dispositifs agricoles prévus pour affronter les fortes hausses des cours de certaines matières premières agricoles qui sont dues, chacun le sait, aux effets de la mondialisation et à l'arrivée sur le marché de la consommation de pays émergents.

Outre des mesures visant à la modernisation et à la transparence des pratiques commerciales, le projet de loi introduit des mesures spécifiques en vue de garantir le bon exercice de la concurrence dans deux secteurs emblématiques : les communications électroniques et les services bancaires, où la concurrence joue mal du fait de la spécificité de certaines offres, mais aussi à cause de l'existence de pratiques dans lesquelles il convient de mettre de l'ordre. Le texte vise en conséquence à rendre les offres commerciales plus lisibles, en termes tant de contenu que de prix.

J'insisterai sur le secteur des communications électroniques, que je connais bien, ayant été rapporteur de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, en 2004.

L'objectif de cette loi était d'établir une concurrence effective, mais régulée, sur l'ensemble du marché des communications électroniques. L'ouverture maîtrisée à la concurrence a indéniablement été bénéfique pour le consommateur en termes de prix et de diversification des offres. Ce secteur occupe une part importante dans la consommation des ménages et son évolution représente un pourcentage à deux chiffres.

La croissance exponentielle, en seulement dix ans, de ce secteur s'est inévitablement accompagnée d'un certain mécontentement chez les consommateurs. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, constate en effet une hausse continue des plaintes, dont la majorité est liée à la difficulté de résilier les contrats.

Selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, 65 % des Français se sentent mal protégés, estimant que les fournisseurs de services de communications électroniques ne respectent pas leurs engagements de manière satisfaisante.

Comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, seules sept des vingt et une propositions ont été satisfaites. C'est insuffisant et cela fait naître un doute quant à la politique contractuelle dans ce domaine.

C'est la raison pour laquelle je me félicite des propositions de la commission visant à instaurer une plus grande transparence de l'information du consommateur. Je tiens à saluer l'esprit protecteur du rapporteur à l'égard du consommateur.

Je salue le dispositif proposé qui vise à mettre fin aux abus constatés en matière de services après-vente par téléphone des fournisseurs de services. Les services de communications électroniques se voient désormais contraints d'ouvrir un accès à leurs services après vente via un numéro non surtaxé, fixe et géographique.

J'en viens au problème de la gratuité des temps d'attente ? Un rapport du Conseil général des technologies de l'information de juillet 2006, commandé par le ministre des télécommunications, énonce les difficultés techniques posées par la mise en oeuvre de la gratuité généralisée des temps d'attente, liées notamment à l'absence de standard permettant d'assurer une solution de « taxation arrière ».

L'article 6A se révèle en conséquence techniquement inapplicable par la plupart des opérateurs ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'avait reçu l'aval ni du Gouvernement ni de la commission ad hoc de l'Assemblée nationale.

Imposer la gratuité du temps d'attente, automates inclus, sur tous les numéros surtaxés, en ignorant leurs différences aurait des conséquences économiques dommageables pour les entreprises qui y recourent et ferait disparaître toute l'industrie des services télématiques et serveurs vocaux en France.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP soutiendra l'amendement de suppression proposé par la commission. Je souhaite donc ne pas avoir à défendre l'amendement de repli, no 78, que j'ai déposé sur ce point.

Par souci de précision et de clarification, j'ai, à titre personnel, déposé quelques amendements sur le chapitre des communications électroniques. Je remercie par avance M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État de l'attention qu'ils voudront bien y porter.

Par ailleurs, le texte prévoit de renforcer la concurrence et la transparence dans le secteur bancaire et d'élargir le champ de la médiation à tous les litiges relatifs au crédit et à l'épargne. Là encore, il faut se féliciter de voir les droits des consommateurs élargis et renforcés.

En conclusion, je tiens à rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires économiques, notre excellent collègue Gérard Cornu, qui, en dépit du très court délai dont il a disposé, a su maintenir l'équilibre du texte, tout en y apportant, avec toute la compétence qu'on lui connaît, quelques rectifications et précisions ainsi que des améliorations et compléments essentiels.

Les cinquante-deux amendements qu'il défendra, au nom de la commission, permettront d'achever le travail déjà engagé par le Gouvernement et par les députés, afin de favoriser la concurrence et la protection du consommateur, et de compléter le texte par des dispositions nouvelles tout à fait pertinentes. Le groupe de l'UMP y apportera son plein et entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer la méthode qui a été suivie pour mener les auditions lors de groupes de travail, méthode qui a permis d'entendre un plus grand nombre de partenaires des divers secteurs concernés, même si ensuite, mais c'est la règle, nous n'en tirons pas tous les mêmes conclusions.

Monsieur le secrétaire d'État, après cinq années de politique gouvernementale qui ont porté atteinte aux revenus des plus modestes, le Gouvernement tire aujourd'hui la sonnette d'alarme et dépose un projet de loi déclaré d'urgence pour revaloriser le pouvoir d'achat des Français.

Face à un constat, que nous pouvons partager, nous aurions pu raisonnablement espérer des mesures fortes en direction du portefeuille de nos concitoyens. Nous nourrissions même un infime espoir puisque, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi indiquait que deux éléments permettaient d'améliorer le pouvoir d'achat : la hausse des salaires, d'une part, et la baisse des prix, d'autre part.

Hélas ! aucune des dispositions du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs n'aborde la question, tant attendue par nos concitoyens, de la revalorisation de la rémunération de leur travail.

Dans ce contexte, comment ne pas douter de l'efficacité des mesures proposées, alors que vous vous privez du levier le plus efficace et le plus sûr pour augmenter le pouvoir d'achat des Français ?

Ne vous donnez pas la peine, monsieur le secrétaire d'État, de nous renvoyer au projet de loi sur le pouvoir d'achat qui devrait être discuté au début de l'année prochaine : les mesures annoncées ne nous satisfont pas.

Alors qu'à l'Assemblée nationale nos propositions alternatives à votre action ont été qualifiées de « politique d'un autre temps », permettez-moi de vous dire que le leitmotiv de M. le Président de la République, « travailler plus pour gagner plus », semble relever d'une époque lointaine où la notion de gains de productivité n'avait pas encore été mise à jour.

Selon nous, le progrès social se mesure à la possibilité, notamment technique, offerte aux salariés de travailler moins et de gagner plus ! Le progrès social consiste à créer les conditions collectives de la réalisation d'un bien-être personnel !

Enfin, avant d'en venir aux dispositions du projet de loi, je me permettrai d'éclaircir un point.

Vous n'avez de cesse d'expliquer aux Français qu'avant de redistribuer de la richesse, il faut la produire. Certes ! Sans revenir sur les dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, prenons l'exemple de Total, une entreprise qui intéresse particulièrement nos concitoyens en cette période de hausse des prix du pétrole.

Alors que le groupe Total réalise 12 milliards d'euros de bénéfices, que fait-il pour favoriser le pouvoir d'achat des Français ? Comment cet argent est-il réinjecté dans l'économie ? Le groupe utilise 2 milliards d'euros afin de racheter ses propres actions et le reste alimente les dividendes des actionnaires. Ces derniers réinvestissent en général dans la bourse ou dans l'immobilier, et le tour est joué. Les bénéfices donnent de la plus-value boursière ou immobilière, mais ne sont pas réinvestis pour créer des emplois ou pour augmenter les salaires.

Ainsi, l'idée selon laquelle les profits d'aujourd'hui seraient les emplois de demain est largement contredite.

Votre discours de culpabilisation des travailleurs ne cachera pas longtemps la stérilité du système économique que vous défendez, fondé sur un déséquilibre au profit de la rémunération du capital.

Au regard de toutes ces observations, nous vous proposons d'introduire, avant le titre Ier du présent projet de loi, un titre additionnel intitulé « Mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français ». Les dispositions que nous y incluons étant réellement urgentes, nous considérons qu'il est utile de les présenter dans ce texte qui a été déclaré d'urgence.

Nous demandons entre autres une baisse de la TVA à 17 % et l'augmentation du SMIC. Nous proposons un moratoire sur le prix du gaz et de l'électricité et l'interdiction des coupures d'énergie pour les familles en difficultés. La taxation sur les supers profits pétroliers permettra de financer une partie de ces mesures.

Nous souhaitons également que soient prises des dispositions en faveur de l'accession sociale à la propriété, de la limitation de l'augmentation des loyers ou encore que soit reconduite dans son intégralité l'exonération de la redevance audiovisuelle pour les personnes les plus défavorisées. Ces dispositions nous semblent de nature à relancer réellement le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Les mesures annoncées par M. le Président de la République sur l'indexation des loyers ou sur la limitation de la caution à un mois n'auront qu'une efficacité limitée. Mieux vaudrait adopter dès à présent les mesures simples que nous proposons plutôt que de donner un caractère rétroactif à une loi qui n'est pas encore votée !

J'en viens au contenu du projet de loi et à l'objectif de baisse des prix.

Monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez des statistiques réconfortantes en précisant, assez mystérieusement, que les chiffres de l'INSEE ne sont pas faux, mais qu'ils ne doivent pas être les bons.

Bien sûr, nous nous réjouissons que vous réfléchissiez sur la création de nouveaux indicateurs, notamment pour mesurer l'évolution des prix. Mais il suffit simplement d'écouter les inquiétudes de nos concitoyens pour comprendre que la hausse des prix est une réalité bien palpable qui devient insupportable !

Le coût de la vie n'a cessé d'augmenter sous l'impulsion de vos politiques remettant en cause la solidarité nationale, la péréquation tarifaire, que ce soit dans le domaine de l'énergie, de la santé ou des transports !

Alors que la misère augmente, que les Français sont de plus en plus préoccupés par la pauvreté, que la qualité de la vie diminue, votre action se limite à proposer, d'une part, un mécanisme mettant entre les mains de la grande distribution la politique des prix et, d'autre part, quelques mesures relatives au secteur des télécommunications et au secteur bancaire.

Le titre Ier n'est que la première étape de la dérégulation totale du droit du commerce. En effet, là encore, le Gouvernement choisit de tronquer le débat en annonçant l'examen d'un nouveau texte dans quelques mois.

L'article 1er prévoit que les distributeurs intègrent la totalité des marges arrière dans le seuil de revente à perte, afin qu'ils puissent baisser leurs prix. En adoptant cette solution, vous déplacez insidieusement le problème. La baisse des prix n'a jamais été une révolution sociale et elle ne profite jamais, sur le long terme, aux milieux les plus modestes.

Par ailleurs, votre projet de loi officialise les pratiques abusives de la grande distribution. Les marges arrière ont atteint des niveaux inadmissibles, traduisant bien plus un rapport de force en faveur de la grande distribution que de réels services de coopération commerciale. Le seuil de revente à perte est encore assoupli, laissant à la seule grande distribution, comme vous l'avez confessé vous-même, monsieur le secrétaire d'État, la possibilité de baisser les prix.

Accepter la revente à perte, c'est permettre la pratique de prix abusivement bas, qui seront obligatoirement répercutés sur les prix d'achat aux producteurs et aux fournisseurs. Or on ne peut pas accepter que les prix soient décidés par les grands groupes quand on sait que six d'entre eux détiennent 86 % des parts de marché !

On ne peut pas accepter non plus que la valeur du travail soit déconnectée de la valeur des biens produits. Les prix doivent correspondre à une réalité économique capable de faire vivre les producteurs. C'est pourquoi nous proposerons des amendements sur les prix minimums et visant à fixer un prix de référence qui permette de rémunérer le travail des producteurs. À ce sujet, nous aborderons plus en détail la non-application du coefficient multiplicateur.

Nous regrettons également que ne soient pas traitées dans ce projet de loi la question des délais de paiement ni celle du retour sans rémunération aux fournisseurs de produits périssables, sujets sur lesquels nous reviendrons au cours du débat.

La grande distribution se targue d'avoir démocratisé l'accès à la consommation et place le consommateur en arbitre. La réalité est quelque peu différente : le consommateur est trop souvent l'otage de la publicité, de l'incitation à une consommation à tout crin ; il est victime de l'endettement lié également à la faiblesse de son pouvoir d'achat. Là encore, sur la défense des consommateurs, le texte reste muet !

Afin de défendre leurs intérêts, nous vous proposons d'instaurer une action de groupe et de permettre au juge de soulever d'office les dispositions protectrices des consommateurs.

De plus, les profits de la grande distribution se font au détriment des salariés du secteur qui, dans bien des cas, ne sont même pas rémunérés au SMIC. Rappelons au passage que ces personnes sont également des consommateurs et que, si leurs salaires augmentent, elles pourront consommer davantage.

Ce secteur est révélateur de la précarisation du travail, contre laquelle il est urgent de lutter. Les salariés, qui sont souvent des femmes, se voient imposer le temps partiel. Autrement dit, on ne leur offre même pas la possibilité de bénéficier d'un SMIC complet.

À la pénibilité du travail s'ajoute la grande flexibilité des heures de travail, puisque les salariés se voient imposer des horaires fragmentés souvent tard le soir. Les dirigeants des entreprises de la grande distribution reconnaissent eux-mêmes qu'ils n'ont aucun intérêt à recourir au temps complet. Les dispositions de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, sur les heures supplémentaires vont renforcer encore cette tendance et la fragmentation du pouvoir d'achat des salariés.

Cette situation est aggravée par l'extension des horaires d'ouverture des grands magasins. C'est pourquoi nous nous opposons fermement, à l'inverse de certains de nos collègues, à l'ouverture des grandes enseignes le dimanche, qui, sans relancer la consommation, aura des effets nuisibles sur la qualité de vie des salariés concernés.

De plus, on ne peut aborder cette réforme des relations commerciales en mettant de côté les effets dévastateurs de la mondialisation. En effet, quelle solution auront nos producteurs pour défendre leurs prix de vente dans un contexte de baisse accrue des tarifs douaniers agricoles ? La grande distribution va importer des produits moins chers sans privilégier les circuits courts de distribution. Ces importations spéculatives renforceront encore le déséquilibre des relations commerciales au détriment des fournisseurs français et européens.

Par ailleurs, le risque est grand de voir se détériorer la qualité de nos aliments ! À ce sujet, je dirai un mot des derniers articles du projet de loi relatifs à la sécurité sanitaire des aliments.

Nous nous étonnons toujours de l'insouciance avec laquelle le Gouvernement confie des missions supplémentaires à ses administrations de contrôle, qu'il s'agisse des douanes ou de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, en diminuant, dans le même temps, leurs moyens financiers et en personnel.

Les mesures relatives au secteur des télécommunications sont positives mais elles ne sont que justice. Elles restent, de toute façon, bien timides. En effet, comment ne pas critiquer les numéros surtaxés ou l'absence de gratuité des services techniques ou des services après-vente ? Nous sommes assez inquiets devant certains des amendements de la commission qui vont réduire encore la portée d'un texte déjà timide.

En ce qui concerne le secteur bancaire, selon nous, tout reste à faire. Si l'on veut renforcer la défense des droits des consommateurs dans leurs relations avec les banques, il faut donner un sens au service bancaire universel. Nous présenterons des amendements allant dans ce sens mais également en faveur de l'allègement des taux d'intérêts des prêts accordés aux particuliers.

Enfin, nous demandons la suppression de l'article visant à donner compétence au Gouvernement pour codifier à droit constant le droit de la consommation.

D'une part, il nous semble que le Parlement se dessaisit trop souvent de ses compétences. La révision de la Constitution visant à enterrer le Parlement n'a pas encore eu lieu...