M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'État, je souhaite avant tout vous remercier. En effet, vous confortez l'existant et vous tracez des perspectives dans le sens souhaité, c'est-à-dire avec la meilleure adaptation possible aux réalités du terrain, en particulier en milieu rural.

Votre réponse est très dense et comprend de nombreux éléments précis. À ma grande confusion, j'avoue que je découvre certaines réalités. Inutile de vous dire que je la relirai et que je la ferai lire à ceux qui, comme moi, sont sensibles à cette réalité sociale dans nos départements. Peut-être cela donnera-t-il lieu à d'autres rendez-vous.

En attendant, pour l'heure, je vous renouvelle mes remerciements.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, à Marseille, nous avons des bébécars. Ce sont des bus qui stationnent à différents endroits et où les parents peuvent laisser leurs enfants pendant qu'ils font des courses ou qu'ils effectuent des formalités administratives. Je peux vous dire que c'est dur de créer des crèches !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. En effet, c'est très difficile !

M. le président. Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de M. Laurent Wauquiez, il y a lieu d'interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

production de la référence laitière nationale

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 93, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Bizet. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les inquiétudes exprimées par la filière laitière française face à l'incapacité de produire l'intégralité de la référence laitière nationale.

Depuis quatre campagnes laitières, la production laitière nationale n'atteint pas les possibilités de production dont dispose la France avec sa quantité nationale garantie établie dans un cadre communautaire. L'accentuation de cette sous-production devient particulièrement préoccupante.

Je rappelle que, pour l'année laitière en cours, qui va d'avril à avril, la sous-réalisation était de 630 000 tonnes. Cette année, il est fort probable que nous approchions les 900 000 tonnes, voire 1 million de tonnes.

En effet, les principales conséquences de cette situation sont pénalisantes pour notre secteur laitier.

D'une part, le secteur ne peut bénéficier pleinement de la bonne tenue des marchés mondiaux par manque de matière première, cela se concrétisant par une perte de création de richesse. C'est un peu de pouvoir d'achat en moins pour les agriculteurs.

À l'heure où il est beaucoup question du pouvoir d'achat de nos concitoyens, n'oublions pas celui des agriculteurs dans notre pays. Ces derniers enregistrent une perte en raison de l'impossibilité de produire davantage. Certaines contraintes administratives sont, aujourd'hui, inappropriées.

D'autre part, on constate, phénomène beaucoup plus inquiétant, à l'heure du bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC, que plusieurs États membres évoquent les possibilités de transfert des quotas laitiers sous-réalisés vers des pays contraints par leurs quantités nationales garanties.

Une telle décision diminuerait durablement la capacité économique du secteur laitier français. Ce serait la mesure la plus dramatique qui soit pour l'avenir de la filière laitière nationale.

À ce jour, je le répète, la tendance reste orientée vers une sous-réalisation nationale pour la campagne en cours, de près de 1 million de tonnes.

Face à l'évolution du contexte laitier mondial et européen, les règles françaises de gestion de la production laitière apparaissent maintenant inadaptées.

Permettant de pénaliser les producteurs dépassant leur quota, même si la France est en sous-réalisation massive, le système français, unique dans l'Union européenne, est lourd de contraintes qui handicapent la reprise de la production chez les producteurs les plus dynamiques et prêts à se développer.

Une des voies permettant d'inverser cette tendance, tout en restant dans le cadre de la maîtrise laitière européenne, serait de ne pas appliquer de pénalité aux producteurs tant que la France ne dépasse pas sa quantité nationale garantie.

Une décision de cet ordre permettrait de redresser significativement la production laitière et d'aborder 2015, soit la fin officielle des quotas, avec beaucoup plus de pertinence.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir m'indiquer les mesures qui seront prises pour atteindre l'objectif fixé de produire toute la référence laitière nationale, tout en permettant à certains producteurs de disposer d'une certaine souplesse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Jean Bizet, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, retenu ce jour à Bruxelles pour défendre la politique agricole devant l'Union européenne.

En effet, vous avez raison de le rappeler, monsieur le sénateur, la France reste en situation de sous-réalisation au regard de sa référence nationale laitière, ce que l'on appelle « les quotas ».

Vous êtes un expert de ces questions, monsieur le sénateur, et vos remontées de terrain sont particulièrement utiles pour le suivi de notre politique agricole.

En tout état de cause, l'augmentation des prix et les assouplissements apportés à la gestion des quotas laitiers commencent progressivement à donner des résultats.

Le suivi hebdomadaire de la collecte laitière, conduit par l'Office de l'élevage, indique une reprise de la production depuis la fin du mois de novembre, ce qui devrait permettre de limiter le déficit de production, que vous avez souligné, pour la campagne actuellement en cours.

À l'échelon communautaire, la Commission souhaiterait, pour relancer la production laitière européenne, augmenter les références nationales, c'est-à-dire les quotas. C'est une décision importante et elle ne doit pas être prise à la légère. Michel Barnier a voulu adresser un message de prudence à l'ensemble de ses collègues européens. Une augmentation des quotas n'implique pas forcément une augmentation de la production.

Nous savons tous qu'il y a toujours un certain délai entre le moment où les mesures sont prises et celui où les résultats sont enregistrés. Cela suppose l'augmentation du cheptel bovin. Or il faut du temps pour augmenter son troupeau et être capable de produire plus. C'est une difficulté que tous les élus des territoires agricoles connaissent bien. Il s'agit de marchés qui sont très volatils, très réactifs, alors que la vie agricole et le rythme de la production agricole ont leurs pesanteurs.

Pour plusieurs pays, dont la France, l'enjeu est d'abord de réussir à atteindre notre quota actuel. Nous devons réaliser pleinement nos objectifs.

La proposition de la Commission, qui correspond désormais à une augmentation de 2 % des quotas, là où un certain nombre de pays avaient demandé un accroissement de 4 % à 5 %, témoigne que la voix de la France a été entendue.

Il conviendra, pour répondre à votre question sur le plan communautaire, monsieur le sénateur, de replacer cette discussion dans le cade général du bilan de santé de la PAC.

Vous le savez, le Gouvernement n'a pas l'intention d'attendre dans un coin que la PAC soit remise en cause. Nous souhaitons faire des propositions et faire preuve d'initiative.

L'avenir des quotas laitiers est l'un des principaux éléments de ce bilan de santé. Cette réflexion devra intégrer deux problématiques : l'avenir des outils de régulation des marchés - on le voit bien au travers de l'actuelle augmentation des prix des produits alimentaires - et l'équilibre des territoires. Une de nos priorités sera ainsi d'éviter la déstructuration des filières, en particulier dans les zones fragiles.

Pour revenir à votre question, monsieur le sénateur, par rapport à notre production nationale et notre objectif d'atteindre notre référence laitière, nous notons une reprise de la production depuis maintenant deux mois mais il nous faut tout faire pour la consolider.

C'est pourquoi des mesures supplémentaires d'assouplissement des règles de gestion des quotas ont été prises de façon pragmatique par M. Barnier. J'en donnerai quelques exemples.

Chaque producteur est désormais autorisé à augmenter sa production de 10 % à 15 %.

Par ailleurs, le remboursement de fin de campagne des producteurs dont la référence individuelle est inférieure ou égale à 140 000 litres est porté de 7 000 à 10 000 litres - vous connaissez parfaitement toutes ces questions, monsieur Jean Bizet.

Enfin, pour tenir compte des difficultés des producteurs laitiers situés dans les zones affectées par la fièvre catarrhale ovine, le ministre de l'agriculture et de la pêche a décidé d'accorder une franchise de dépassement de référence laitière de 10 000 litres pour les producteurs situés en zone de fièvre catarrhale ovine.

Voilà, monsieur le sénateur, les mesures que le ministre de l'agriculture et de la pêche entend prendre pour atteindre les objectifs fixés : parvenir dès maintenant pleinement à notre quota, grâce à des mesures pragmatiques pour encourager le mouvement de reprise de production, et agir sur le plan européen dans le cadre de la réflexion sur la PAC.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Je remercie M. le secrétaire d'État d'avoir répondu de façon très pragmatique et très claire.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour renouveler la confiance que nous accordons tous au ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier.

Je prends note, monsieur le secrétaire d'État, du redressement de la production, que vous annoncez, à compter du mois de novembre.

Je souhaite, malgré tout, mettre l'accent sur deux points.

D'une part, il faut essayer d'assouplir davantage les droits de la concurrence et renforcer l'organisation collective des filières, de façon à donner plus de pouvoir aux organisations de producteurs et aux interprofessions de la gestion du marché.

D'autre part, il ne faut pas oublier de lier très finement la production laitière et la politique de l'aménagement du territoire. La France offre cette particularité qu'on ne peut dissocier ces deux secteurs.

Au-delà de 2015, pour aboutir à une disparition des quotas laitiers, je crois très fermement qu'il faut lier quotas laitiers et contractualisation avec les transformateurs.

réglementation de la pêche de loisir

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 88, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, porte sur le décret n° 2007-1317 du 6 septembre 2007 modifiant le décret n° 90-618 du 11 juillet 1990 relatif à l'exercice de la pêche maritime de loisir.

Je rappelle que la pêche de loisir est pratiquée dans notre pays par plus de 800 000 personnes, que ce soit en mer ou en eau douce.

La parution de ce décret, au mois de septembre dernier, a été appréciée par l'ensemble des responsables du secteur.

En effet, il prend globalement en compte les demandes formulées depuis de nombreuses années par les pêcheurs plaisanciers, notamment en ce qui concerne l'usage du filet droit ou le nombre d'hameçons.

Néanmoins, une autre disposition de ce décret ne fait pas consensus. Il s'agit de l'article 3 bis, qui interdit toute utilisation de matériels de relevage, c'est-à-dire de treuil, pour les casiers ou les filets eux-mêmes autorisés sur ces bateaux.

Les pêcheurs plaisanciers contestent cette interdiction, qui empêcherait, notamment, les personnes âgées ou handicapées, voire un certain nombre de femmes, de pratiquer leur loisir, car la plupart ont besoin d'une aide mécanique pour relever leurs filets ou leurs casiers.

Par ailleurs, vous n'ignorez pas qu'il y a de forts courants et que les profondeurs sont importantes au large de nos côtes, notamment dans le Cotentin. La possibilité d'utiliser alors un appareil de relevage est un élément indéniable de sécurité.

M. Jean Kiffer, président de la Fédération nationale des pêcheurs plaisanciers et sportifs de France a saisi M. le ministre de l'agriculture et de la pêche de cette question le 27 septembre 2007.

Pour ces raisons, les pêcheurs plaisanciers demandent à M. Michel Barnier de bien vouloir modifier cette partie du décret, en leur accordant la possibilité d'utiliser des appareils de faible puissance, c'est-à-dire d'une puissance maximale de 1 000 watts.

Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement compte accéder à cette demande ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie également de bien de bien vouloir excuser l'absence de M.  Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, retenu à Bruxelles pour les motifs que j'ai déjà indiqué.

Monsieur Godefroy, vous connaissez bien le milieu des pêcheurs. À cet égard, vous appelez l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les inquiétudes que suscitent parmi les pêcheurs de loisirs certaines dispositions réglementaires du décret du 11 juillet 1990 modifié.

Vous avez insisté plus particulièrement sur l'article 3 bis, qui, comme vous l'avez rappelé, encadre la détention d'un certain nombre de moyens électriques permettant de remonter les lignes de pêche et engins de pêche à bord de navires non titulaires d'un rôle d'équipage de pêche.

Toutefois, je tiens à indiquer, monsieur Godefroy, tout en saluant la précision et l'équilibre de votre question, que ce même article autorise la détention et l'utilisation d'engins électriques de type vire-lignes électriques ou moulinets dans la limite de trois engins électriques par navire, d'une puissance maximale de 800 watts chacun.

Cette faculté me paraît ainsi répondre de manière la plus satisfaisante et proportionnée possible aux besoins de mécanisation propres à l'exercice d'une activité de loisir.

Ce dispositif réglementaire - vous l'avez rappelé - a été adopté en concertation avec l'ensemble des représentants des pêcheurs de loisir et après avis du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins fédérant la représentation professionnelle. Le décret entre bien dans un cadre de négociation globale.

II vise à préserver une ressource halieutique que vous connaissez bien mais également à permettre un équilibre entre pêche de loisir et pêche professionnelle, sur laquelle - vous êtes bien placé pour le savoir - pèsent actuellement des contraintes très fortes.

C'est pourquoi, dans l'immédiat, le Gouvernement considère que cette disposition doit être maintenue dans l'intérêt même d'une ressource dont la préservation conditionne le maintien des activités de pêche de loisir. Toutefois, il restera attentif à la question que vous avez soulevée.

réforme de la carte judiciaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 95, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous en conviendrez, rarement une réforme gouvernementale n'a suscité un tel front de mécontentement ! Tous les professionnels de la justice se sont rassemblés pour crier leur incompréhension, leur indignation, leur révolte face à cette réforme de la carte judiciaire décidée arbitrairement et sans concertation aucune, au mépris des avis des chefs de cour et des autorités préfectorales, sans parler de celui des élus.

Synonyme de régression, cette réforme n'est en fait qu'un vaste plan de fermeture des tribunaux. Après la suppression des bureaux de poste, des hôpitaux de proximité, des trésoreries et des brigades de gendarmerie, la suppression des tribunaux porte une nouvelle et grave atteinte au service public.

En Gironde - département le plus étendu de France en superficie -, les tribunaux d'instance de Bazas, de Lesparre, de La Réole et de Blaye sont ainsi rayés de la carte.

En ce qui concerne la sous-préfecture de Blaye, la sentence de suppression est double puisque, à la suppression du tribunal de commerce, vient s'ajouter la liquidation du tribunal d'instance. Ressentie comme un non-sens absolu par l'ensemble de la profession et de la population, la suppression du tribunal de Blaye a de quoi surprendre.

En effet, cette décision va à l'encontre de l'évolution même de la structure, car ce tribunal affiche, ces dernières années, une activité en hausse constante, illustrée notamment par une forte augmentation des affaires liées au surendettement, par de très nombreuses procédures de tutelle, par des déclarations de pacte civil de solidarité... Il faut également rappeler que le budget de fonctionnement est de seulement 20 000 euros, avec des locaux mis gratuitement à disposition par la municipalité.

La suppression de ce tribunal va entraîner l'obligation pour les justiciables de se rendre à Libourne ou à Bordeaux, alors que le secteur de la Haute Gironde reste très mal desservi par les lignes de transport en commun : il n'y a pas de ligne ferroviaire, les bus sont très rares pour Bordeaux et inexistants pour Libourne.

La disparition d'un tel service de proximité va aggraver considérablement l'asphyxie des tribunaux de Libourne et de Bordeaux, allonger les délais de délibéré, accroître les distances et créer des coûts de déplacement.

Cette réforme pénalise lourdement les plus faibles et les plus vulnérables. Pourquoi supprimer ainsi un service public qui fonctionne ?

Au-delà d'un coût de fonctionnement très modeste, de l'efficacité reconnue des services rendus, il faut savoir, monsieur le secrétaire d'État, que près de 80 000 justiciables dépendent du tribunal de Blaye, que toutes les professions travaillent de concert et en proximité. Si nous sommes d'accord pour que la nouvelle carte judiciaire s'inscrive à la fois dans une logique de territoires et de services, nous ne pouvons pas accepter qu'elle méconnaisse l'évolution démographique des cantons concernés et les réalités de ce territoire. Ces critères plaident au contraire en faveur du maintien du tribunal d'instance de Blaye.

Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, de déplorer les graves conséquences de l'approche technocratique et financière de cette réforme qui va injustement compliquer la vie des justiciables de la Haute Gironde. Une nouvelle fois, la ruralité verse un lourd tribut à la disparition du service public.

Les motions votées à l'unanimité par les élus des conseils municipaux de toutes les communes concernées, quelles que soient les étiquettes politiques, les pétitions signées par plus d'un millier de personnes illustrent bien la volonté politique de tout un territoire qui ne peut se résoudre à voir disparaître le tribunal d'instance.

Ce n'est pas ainsi, monsieur le secrétaire d'État, en oubliant les citoyens, que l'on peut réformer l'État. Il faut absolument que le sort du tribunal d'instance de Blaye soit réexaminé favorablement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Madrelle, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, retenue ce matin à l'Assemblée nationale et qui regrette de ne pouvoir répondre en personne à votre question.

Voici la réponse qu'elle m'a chargé de vous transmettre.

Vous avez souhaité l'interroger sur les modifications de la carte judiciaire envisagées dans le ressort de la cour d'appel de Bordeaux, notamment sur le devenir du tribunal d'instance de Blaye.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le tribunal d'instance de Blaye est une juridiction de faible niveau d'activité avec seulement 495 affaires civiles nouvelles par an. Aussi, malgré une augmentation de l'activité civile qui n'a toutefois pas de corollaire en matière pénale, le tribunal d'instance de Blaye compte parmi les 187 tribunaux d'instance dont l'activité ne permet plus de justifier l'emploi d'un juge à plein temps.

Dans ces conditions, la continuité du service, l'accueil du justiciable et la sécurité du tribunal ne peuvent être assurés de manière acceptable.

Il n'est pas non plus concevable, et vous en conviendrez monsieur le sénateur, d'avoir des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'École nationale de la magistrature, seuls dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés. Nous avons éprouvé, par le passé, les erreurs auxquelles pouvait conduire ce type de situation.

Je tiens à vous préciser, monsieur le sénateur, puisque vous avez soulevé la question de la concertation, que la réflexion de Mme le garde des sceaux est le résultat de la concertation conduite du mois de juin 2007 jusqu'au 19 octobre 2007, date de l'annonce par Mme le garde des sceaux de la fermeture de cette juridiction lors de son déplacement en Aquitaine.

Mme le garde des sceaux a été notamment attentive aux observations des avocats des deux barreaux de Bordeaux et Libourne. Ceux-ci, par la voix de leur bâtonnier, lui ont fait connaître leur préférence pour un nouveau découpage des ressorts des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne permettant le rattachement des cantons composant le ressort du tribunal de Blaye au tribunal d'instance de Libourne plutôt qu'à celui de Bordeaux.

Ainsi, sur le plan de l'aménagement du territoire, il en résultera également un meilleur équilibre entre Bordeaux et Libourne.

S'agissant du tribunal de commerce de Blaye, comme vous le savez, monsieur le sénateur, son niveau d'activité est extrêmement faible : 73 affaires contentieuses nouvelles par an en moyenne entre 2003 et 2005, ce qui représente 12 dossiers par an pour chacun des 6 juges consulaires de cette juridiction, pour une charge moyenne nationale par juge consulaire proche de 60 dossiers.

Ainsi, la fusion de cette juridiction avec le tribunal de commerce de Libourne a été proposée par les chefs de la cour d'appel de Bordeaux. Elle est également conforme à la proposition faite par la conférence des juges consulaires de France.

Enfin, il convient de signaler que les greffes des deux juridictions sont, au demeurant, déjà rassemblés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne saurait me satisfaire. Elle va à l'encontre des intérêts des justiciables. La présidente du tribunal d'instance de Blaye a une grande compétence et une très grande expérience. Les magistrats en poste ne sont pas de nouveaux venus.

Des raisons géographique et démographique plaident en faveur du maintien du tribunal d'instance de Blaye : d'abord, les justiciables de l'arrondissement de Blaye se trouveraient à quelque soixante-dix kilomètres de Libourne sans aucun moyen de transport en commun et, ensuite, 80 000 justiciables dépendent de ce tribunal d'instance.

Il faut également savoir que les personnes vulnérables, sans protection judiciaire, suivies par le juge des tutelles local - 970 personnes protégées sont suivies par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Blaye en raison de leur déficience physique ou mentale - ne disposent pas de moyens de transport et sont incapables de se déplacer sur de longs trajets. Cette suppression rendrait virtuelle leur protection, ce qui serait en totale contradiction avec la réforme des tutelles qui va entrer en vigueur en janvier 2009.

Je ne peux donc accepter une telle réponse.

avenir du tribunal d'instance de nontron

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 96, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de la présentation de la réforme de la carte judiciaire, Mme le garde des sceaux a expliqué que le regroupement des juridictions se faisait en fonction de critères tels que l'activité de la juridiction, le nombre de magistrats fonctionnaires, l'effectif des professions judiciaires. Elle a également affirmé que cette carte n'était pas figée et qu'il pouvait y avoir des évolutions en fonction de la démographie, de l'essor économique de la zone concernée, d'un développement de l'attractivité d'un territoire.

En Dordogne, le projet d'organisation judiciaire fait que Nontron perd son tribunal d'instance et se trouve regroupé avec Périgueux. Nontron, sous-préfecture de l'arrondissement le plus au nord de la Dordogne, fut pendant longtemps très enclavée, ce qui constitua un frein considérable au développement économique local. Actuellement, grâce aux efforts et soutiens de la commune, de l'intercommunalité et avec l'aide des collectivités publiques, Nontron connaît un nouvel essor.

Aujourd'hui, au niveau des services, nous assistons à une véritable modernisation avec la construction d'une nouvelle gendarmerie, la création d'un service de recherche, la restructuration de l'hôpital local, l'installation d'un centre de tri pour le nord de la Dordogne, le regroupement des services de l'équipement et le développement du collège.

Sur le plan économique, on trouve dans le Nontronnais des entreprises diverses, allant du luxe, avec l'entreprise Hermès, les coutelleries, à l'artisanat, en passant par l'agroalimentaire et les commerces de centre-ville, activités qui se créent et se développent, l'extension des ateliers d'Hermès devant entraîner la création de 200 à 300 emplois.

Tout cela se traduit par l'accroissement de la population ; selon le dernier recensement effectué en 2007, la seule commune de Nontron a vu sa population passer de 3 150 à 3 900 habitants. L'augmentation importante du nombre de permis de construire, l'existence de projets immobiliers importants témoignent de l'attractivité du Nontronnais.

Dans cette zone du Périgord blanc, éloignée de la préfecture du département - à une heure de voiture, qui est le seul moyen de déplacement -, une nouvelle dynamique s'est instaurée avec son effet d'entraînement. Au niveau de l'équilibre territorial de notre grand département, il apparaît important de conserver à Nontron un tribunal d'instance afin que la population locale puisse avoir accès, sans de trop longs déplacements, aux services de la justice.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Mortemousque, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme Rachida Dati, qui est retenue ce matin à l'Assemblée nationale où elle répond également à des questions.

Vous avez souhaité l'interroger sur la modification de la carte judiciaire envisagée dans le ressort de la cour d'appel de Bordeaux et notamment sur le devenir du tribunal d'instance de Nontron.

Dans votre question, vous avez d'ailleurs très bien retracé la réalité du dynamisme local dont vous êtes sans doute l'un des meilleurs défenseurs au niveau national puisque vous ne manquez jamais une occasion de souligner le dynamisme de ce territoire, porteur d'un nouvel avenir.

Mais, vous le savez, monsieur le sénateur, la réforme de la carte judiciaire était nécessaire. En effet, nous avons plus de 1 200 juridictions dispersées sur 800 sites, et cet éparpillement des magistrats, des fonctionnaires et des moyens peut être préjudiciable au service public de la justice.

Durant la phase de concertation - où vous avez été particulièrement actif -, les membres du comité consultatif ont remis leur contribution et leurs propositions à Mme le garde des sceaux.

De plus, les chefs de cour ont procédé à une large concertation locale avec les acteurs judiciaires, et les préfets ont tenté d'associer les élus à cette phase de concertation.

Les propositions ont été examinées cour par cour, tribunal par tribunal, site par site, et, comme vous l'avez dit, il ne s'agit pas d'une application mécanique. Nous avons véritablement tenté de prendre en compte chaque réalité locale.

Lors de ses différents déplacements, Mme le garde des sceaux a discuté de ces propositions avec les acteurs de terrain et nous sommes très attentifs à ce que, au-delà des questions du service public de la justice stricte, ces problématiques d'aménagement du territoire soient pleinement prises en compte par le Gouvernement.

Mme Rachida Dati a tenu compte de la densité de la population, des réseaux routiers et de l'essor économique de chacun de ces territoires.

Comme vous l'avez souligné avec beaucoup de justesse et d'efficacité, monsieur le sénateur, Nontron connaît une nouvelle phase d'expansion. Toutefois, l'activité du tribunal d'instance de Nontron, elle, reste faible. Avec 356 affaires civiles nouvelles par an, en moyenne, de 2004 à 2006, il compte parmi les 187 tribunaux dont l'activité ne permet malheureusement pas de justifier l'emploi d'un juge à plein temps. Dans ces conditions, la continuité du service, l'accueil du justiciable et la sécurité du tribunal ne pouvaient pas être pleinement assurés.

Mme le garde des sceaux a bien évidemment intégré dans sa réflexion les préoccupations d'aménagement du territoire que vous avez soulignées avec justesse. Certes, Nontron est en expansion mais la population sous la juridiction du tribunal d'instance de Nontron a, elle, continué de diminuer entre les deux derniers recensements, en passant de 43 749 habitants à 41 782 habitants, soit une baisse de 4,5 %.

Le tribunal d'instance de Périgueux, auquel est rattaché l'ancien tribunal d'instance de Nontron, se trouve à 49 kilomètres par la route. Bien entendu, des difficultés de transport se posent mais nous serons attentifs aux aménagements et à toutes les solutions que vous proposerez afin de gérer au mieux cette situation en tenant compte des préoccupations de votre département et du secteur que vous défendez avec efficacité.

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Je remercie M. le secrétaire d'État d'avoir parfaitement considéré la situation de notre département, la Dordogne. Je prends acte du fait que tous les paramètres ont été analysés. En ce qui concerne la juridiction de Nontron, le potentiel est en effet aujourd'hui relativement faible.

Néanmoins, il faut le souligner, la situation n'est pas forcément définitivement figée. Au fur et à mesure, il faut observer comment sont réellement traités les gens dans ce secteur. Ils ont aujourd'hui le sentiment que la situation n'est peut-être pas efficiente. Nous restons donc attentifs à cette évolution et aux mesures annoncées par Mme le garde des sceaux.