Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

3. Démission d'un membre d'une commission et candidature

4. Rappel au règlement

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jean-Claude Peyronnet.

5. Service public de l'emploi. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : Mmes Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Christiane Demontès, M. Gérard Larcher, Mme Annie David, M. Michel Mercier, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Alain Gournac.

Clôture de la discussion générale.

6. Nomination d'un membre d'une commission

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

7. Service public de l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Question préalable

Motion no 65 de M. Guy Fischer. - M. Guy Fischer, Mmes Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales ; la ministre. - Rejet.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 67 de M. Jean-Pierre Godefroy. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Article 1er

Amendements nos 37 à 39 de Mme Annie David, 68 à 70 rectifié de Mme Christiane Demontès, 31 de M. Jean-Jacques Jégou, 88 rectifié de M. Jean-Claude Carle, 2 de la commission. - Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Muguette Dini, M. Jean-Claude Carle, Mme le rapporteur, M. Guy Fischer, Mmes Christiane Demontès, le rapporteur, la ministre. - Retrait des amendements nos 68, 31 et 88 rectifié ; rejet des amendements nos 37 à 39 et 69 ; adoption de l'amendement n° 2, l'amendement no 70 rectifié devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement n° 32 de M. Jean-Jacques Jégou. - Mmes Muguette Dini, le rapporteur, la ministre. - Retrait.

Amendement n° 71 de Mmes Christiane Demontès. - Mmes Christiane Demontès, le rapporteur, la ministre. - Retrait.

Article 2

Amendements nos 35 de M. Michel Mercier, 40 de Mme Annie David et 72 de Mme Christiane Demontès. - Mmes Muguette Dini, Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, le rapporteur, la ministre. - Adoption des amendements nos 35 et 40, l'amendement n° 72 devenant sans objet.

Amendements nos 42 rectifié de Mme Annie David et 73 de Mme Christiane Demontès. - Mmes Annie David, Patricia Schillinger, le rapporteur, la ministre, M. Jean-Pierre Godefroy. - Adoption de l'amendement n° 42 rectifié, l'amendement n° 73 devenant sans objet.

Amendements nos 43 de Mme Annie David et 74 de Mme Christiane Demontès. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes le rapporteur, la ministre, Annie David. - Rejet des amendements nos 43 et 74.

Amendement n° 44 de Mme Annie David. - Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendements nos 45 rectifié de Mme Annie David et 92 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Mmes Annie David, Joëlle Garriaud-Maylam, le rapporteur, la ministre. - Retrait de l'amendement n° 92 rectifié ; rejet de l'amendement n° 45 rectifié.

Amendement n° 46 de Mme Annie David. - M. Guy Fischer, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendement n° 41 de Mme Annie David. - Mmes Annie David, le rapporteur, la ministre. - Retrait.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dessaisissement d'une commission

9. Renvois pour avis

10. Dépôt d'un projet de loi

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

3

Démission d'un membre d'une commission et candidature

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de M. Simon Loueckhote, comme membre de la commission des affaires culturelles.

J'informe le Sénat que le Groupe Union pour un Mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Serge Vinçon, décédé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour un rappel au règlement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais brièvement revenir sur les modalités d'application de l'article 40 de la Constitution.

M. Guy Fischer. Encore !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pendant de longues années, le Sénat a eu une lecture spécifique de l'article 40.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une lecture sénatoriale !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Toutefois, chacun ici s'en souvient, les décisions du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 nous ont amenés à conduire une réflexion collective au sein de la conférence des présidents et, avec l'accord de l'ensemble des responsables des groupes, nous sommes convenus d'appliquer dans sa rigueur l'article 40 de la Constitution.

Je mesure à quel point des incompréhensions peuvent apparaître ici ou là. Ainsi, hier soir, lors de la discussion des deux textes relatifs aux archives, l'un de nos collègues, M. Peyronnet, a eu comme une réaction de protestation.

Je voudrais rappeler que la commission des finances s'efforce d'assurer, dans les conditions les plus rigoureuses possibles, le respect de l'article 40, puisqu'elle en a la mission. Vous voudrez bien en convenir, ce n'est pas l'aspect le plus gratifiant de notre travail que de devoir, à certains moments, expliquer à tel ou tel collègue que l'amendement qu'il a déposé ne viendra pas en discussion parce qu'il contient une disposition qui n'est pas recevable. Aussi, nous essayons chaque fois de prévenir les auteurs des amendements susceptibles de tomber sous le coup de l'article 40, de façon qu'ils puissent modifier leur texte et éviter l'irrecevabilité.

Contrairement à ce qu'on a laissé entendre hier, lundi, alors que j'étais dans mon département, mon administrateur m'a informé que l'amendement de M. Peyronnet contenait des dispositions auxquelles risquait de s'appliquer l'article 40, et il m'en a saisi. Je lui ai fait connaître mon appréciation et lui ai demandé de se mettre en rapport avec l'auteur de la proposition afin qu'il puisse en modifier le texte.

Je veux dissiper tout malentendu : ce n'est pas l'administration de la commission des finances en tant que telle qui décide de l'application de l'article 40. Avec mes collègues de la commission des finances, j'exerce mes prérogatives et j'assume totalement la responsabilité de l'irrecevabilité qui est prononcée à l'égard de certains amendements.

Je reste à la disposition de chacun d'entre vous, mes chers collègues, pour, en tant que de besoin, expliquer nos positions, les faire comprendre et, je l'espère, les faire partager. Je rappelle que, avant la fin du semestre en cours, nous procéderons à un rapport d'étape qui nous permettra de tirer les enseignements d'une année d'application de l'article 40 au Sénat.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.

M. le président. Aux termes du règlement, mon cher collègue, je ne peux pas vous donner la parole. Néanmoins, étant donné l'importance du sujet, je vais vous permettre de vous exprimer, mais très brièvement.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je vous remercie, monsieur le président, de bien vouloir me donner la parole sur un sujet qui, effectivement, est difficile et fait l'objet d'une incompréhension non pas seulement de ma part, monsieur le président de la commission des finances, mais également de la part de plusieurs de nos collègues : peut-être les membres de la commission des finances sont-ils tous bien au fait, mais les membres des autres commissions, il faut le reconnaître, se posent souvent des questions.

En l'occurrence, sans revenir sur le débat, je proposais qu'un fonctionnaire d'État puisse être remplacé par un fonctionnaire territorial au poste de directeur départemental des archives et, considérant qu'alors l'État réalisait une économie, je demandais, tout naturellement, que la charge du salaire de ce fonctionnaire territorial soit compensée par un versement au conseil général.

Vous dites, monsieur le président de la commission, qu'il s'agit d'une dépense nouvelle. Je ne le comprends pas ainsi ! Vous estimez que le poste existe par ailleurs : non ! Et c'est là qu'il y a incompréhension entre nous ; c'est un poste vacant et l'État n'est donc pas obligé d'en payer par ailleurs le titulaire. Par conséquent, il n'y a pas de dépense nouvelle !

Si les fonctionnaires de la commission des finances ou vous-mêmes avez été choqués, sur la forme, par mon intervention, je le regrette, car je sais que vous faites tous votre travail avec la plus grande honnêteté.

Mais, sur le fond, l'article 40 nous pose un réel problème. Bien sûr, on sait pourquoi il a été créé : il s'agissait de limiter les pouvoirs du Parlement. Il joue donc pleinement son rôle.

Toutefois, au moment où l'on se demande s'il ne faut pas, au contraire, renforcer les droits du Parlement, l'article 40 lui-même est à revoir ou, du moins, la façon dont il est appliqué. Le bilan que la commission des finances établira en juin permettra assurément une discussion ouverte et approfondie sur ce sujet, et débouchera peut-être sur une libéralisation de l'application de cet article de la Constitution qui nous permettrait de trouver une solution ménageant le droit légitime du Parlement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'article 40 ne se prête pas à l'interprétation. Si un amendement a pour conséquence une diminution des ressources publiques, il est irrecevable. Toutefois, le mot « ressources » étant au pluriel, on peut recourir aux gages ; j'ignore si le tabac pourra continuer durablement à remplir cette fonction comme il l'a fait jusqu'à maintenant. En revanche, s'agissant de la création ou de l'aggravation d'une charge publique, la formulation est au singulier : aucune compensation n'est donc possible.

Dans l'amendement que vous vouliez présenter, monsieur Peyronnet, vous proposiez que des agents issus de la fonction publique territoriale puissent exercer les fonctions de directeur départemental des archives et que, dans cette hypothèse, l'État devrait compenser. C'est votre excès de scrupule qui a rendu irrecevable votre amendement !

C'est la raison pour laquelle je vous avais suggéré de retirer cette précision : s'il est évident, de votre point de vue, que l'agent recruté par l'État restera à la disposition du département mais sera payé par l'État, ce n'est pas la peine de le dire. Si vous le précisez, c'est qu'il y a doute ; et s'il y a doute, c'est qu'une aggravation de la charge publique est possible, ce qui fait tomber l'amendement sous le coup de l'irrecevabilité prévue à l'article 40.

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale (suite)

Service public de l'emploi

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi (urgence déclarée) (nos 141, 154).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs du Gouvernement sont simples : atteindre le plein-emploi en 2012, ramener le taux de chômage à 5 % et le taux d'emploi à 70 %.

La France a probablement une chance historique d'atteindre ces objectifs en raison des transformations qui sont à l'oeuvre sur le marché du travail et qui tiennent à deux facteurs : d'une part, une dynamique retrouvée de création d'emplois ; d'autre part, la transition démographique qui, ajoutée à une modification significative de notre économie, peut nous permettre de réaliser nos objectifs d'ici à 2012.

La baisse du chômage, continue depuis deux ans, s'est accélérée au troisième trimestre 2007, nous permettant de passer désormais sous la barre symbolique des 8 %, sous la barre symbolique des 2 millions de demandeurs d'emploi : cela montre clairement que nous sommes sur la bonne voie.

Un homme politique célèbre en son temps constatait : « Contre le chômage, on a tout essayé. » Nous souhaitons nous placer dans une autre logique, non pas dans la logique du traitement du chômage mais, tout simplement, dans la logique de la libération de l'emploi.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, constitue la première étape d'une ambitieuse réforme du service public de l'emploi et du marché du travail. Celle-ci nous occupera pendant toute l'année 2008. Les étapes en ont été fixées avec les partenaires sociaux lors de la conférence sociale du 19 décembre dernier, tenue sous la présidence de M. le Président de la République.

J'aborderai trois points, en essayant d'être brève : d'abord, je vous exposerai ma logique de la politique de l'emploi ; ensuite, je reviendrai sur les principes fondamentaux qui inspirent la fusion des réseaux opérationnels de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, et de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC ; enfin, je vous présenterai les principaux éléments de cette réforme.

Pour revenir au plein-emploi, c'est-à-dire à 5 % de chômage, nous souhaitons adopter une politique active destinée à encourager la création d'emplois et à faciliter le placement, c'est-à-dire la rencontre entre des demandeurs d'emploi et des offres d'emplois non encore pourvus.

Nous ne devons jamais perdre de vue que la création d'emplois constitue la réponse la plus durable au chômage.

De ce point de vue, on ne peut que se féliciter des chiffres de l'année 2007 : plus de 312 000 créations d'emplois, c'est-à-dire un tiers de plus que sur toute l'année 2006. Si l'on y ajoute la création probable, cette année, de plus de 300 000 entreprises, c'est clairement un mouvement de croissance qui est en marche et dont on ne peut que se réjouir pour l'emploi.

Toute la logique de notre action, c'est qu'il ne sert à rien de diviser le travail ; il faut au contraire le multiplier. Ce n'est pas en travaillant moins que l'on travaillera tous ; c'est en travaillant plus que l'on inventera de nouveaux emplois dans le secteur des nouvelles technologies, notamment de l'information, de la communication et, enfin, dans le secteur des services à la personne.

Mais créer des emplois ne suffira pas ; encore faut-il qu'ils puissent être pourvus. Certains ergotent sur le chiffre exact : s'agit-il de 450 000, de 500 000, de 550 000 emplois non pourvus ? Nous le voyons bien, les uns et les autres, dans nos circonscriptions, aujourd'hui, nombre d'entreprises n'arrivent pas à trouver les personnes susceptibles d'occuper les emplois disponibles, et les tensions que nous connaissons déjà pourraient s'aggraver dans l'avenir.

Il faut en effet s'attendre à de profondes modifications du marché de l'emploi dans les prochaines années. L'économie qui est déjà à plus de 70 % « tertiarisée » va poursuivre ce mouvement aux deux extrêmes de l'échelle des qualifications : il y aura davantage d'emplois qualifiés de niveau cadre dans l'informatique, le commerce et les services aux entreprises, mais aussi, et selon des formes probablement nouvelles et à réinventer au fur et à mesure du vieillissement de la population et de la dépendance, davantage d'emplois, souvent moins qualifiés, dans les services à la personne, qu'il s'agisse des aides à domicile, des employés de maison, des assistantes maternelles, des agents d'entretien ; tous ces secteurs constituent un gisement de créations d'emplois considérable.

M. Guy Fischer. À 700 euros !

Mme Christine Lagarde, ministre. En ajoutant les emplois libérés par les départs à la retraite aux créations nettes d'emplois, on peut quantifier les besoins en main-d'oeuvre à environ 750 000 par an jusqu'en 2015, alors que la population active devrait se stabiliser d'ici à quelques années.

Or, en dépit du nombre d'actifs disponibles sur le marché du travail, ces déséquilibres ne se résorberont pas d'eux-mêmes, parce que les profils recherchés ne correspondent pas toujours aux profils disponibles et parce que certains métiers en tension sont perçus, à tort d'ailleurs, comme peu attractifs et, en particulier, peu susceptibles d'intéresser les jeunes.

Des efforts devront être accomplis dans ce domaine, parce que les services en charge de l'intermédiation entre l'offre et la demande ne sont pas assez efficaces.

Nous avons donc aujourd'hui une formidable opportunité pour en finir avec le chômage. Néanmoins, si nous ne faisons rien, nous risquons de nous trouver face à un paradoxe : les employeurs qui souhaitent embaucher n'y parviennent pas, tandis que les chômeurs ne trouvent pas d'emploi.

Notre pays est confronté à un défi considérable, que nous devons tous ensemble relever. Pour être en mesure de le faire, il faut, bien entendu, agir au niveau de l'orientation, avec un système de formation capable de répondre aux nouveaux besoins de qualification et, bien sûr, au niveau du service public de l'emploi, pour qu'il soit plus efficace.

La formation concerne au premier plan les jeunes. Avec Valérie Pécresse et Xavier Darcos, nous voulons améliorer leur chance de trouver un travail à la sortie de leurs études. Le rôle des universités dans l'insertion professionnelle a été inscrit dans la loi votée l'été dernier. L'orientation des jeunes est un sujet majeur dont le Gouvernement s'est saisi. Parallèlement, je poursuivrai la politique de développement des dispositifs d'alternance, dont les résultats en termes d'insertion professionnelle sont unanimement reconnus.

Mais la formation ne doit pas s'arrêter aux portes de la vie active. Elle doit être présente au coeur des entreprises et des branches, dans le service public de l'emploi, comme l'a à juste titre souligné la mission d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, présidée par M. Jean-Claude Carle, que je souhaite saluer ici.

Ce sujet est au centre de la négociation sur la sécurisation des parcours professionnels qui entre dans sa phase finale aujourd'hui. Je souhaite que les partenaires sociaux parviennent à des avancées concrètes, notamment en ce qui concerne l'accès des demandeurs d'emploi à la formation.

Quoi qu'il arrive, le Gouvernement entend progresser sur ce sujet en 2008, en y associant les régions et les partenaires sociaux. Conformément à l'agenda social défini par le Président de la République, je vais donc mettre en place dans les tout prochains jours un groupe de travail sur la formation professionnelle continue, qui réunira l'État, les partenaires sociaux et les régions. Il s'agira de clarifier les priorités stratégiques en matière de formation professionnelle et d'établir un partage clair entre les sujets qui relèveront de la compétence des partenaires sociaux et ceux qui relèveront de la compétence du législateur, et ce d'ici à la fin de l'année 2008.

Amélioration des services de placement et d'accompagnement, développement de la formation tout au long de la vie, réforme du contrat de travail, meilleure prise en charge des périodes de chômage, ce sont là les éléments constitutifs de la vaste réforme du marché du travail engagée par le Gouvernement, à laquelle Xavier Bertrand et moi-même participons et à laquelle les partenaires sociaux sont évidemment associés de manière particulièrement efficace : des négociations importantes sont en cours.

L'objectif est clair : construire avec les salariés et les entreprises des formes de sécurisation des parcours professionnels adaptés à notre économie mondialisée, post-industrielle et de plus en plus « tertiarisée ».

J'en viens maintenant au coeur de la réforme qui est soumise à votre examen.

La première étape de cette réforme, c'est évidemment le projet de fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC. Pourquoi fusionner l'ANPE et les ASSEDIC ? Je commencerai par quelques brefs constats.

Le premier constat, c'est la multiplicité des acteurs sur le terrain et la coexistence de plusieurs réseaux qui ont parfois du mal à se coordonner. Nous le savons tous, même si nous n'osons pas toujours l'avouer, la multiplicité de ces réseaux n'est pas propice à la réalisation de cette intermédiation entre les demandeurs d'emploi, d'une part, et les entreprises, d'autre part.

Le deuxième constat, c'est ce qui se passe au-delà des frontières de la France. Que font nos voisins ? La plupart de ceux qui ont réussi en matière de créations d'emplois et d'intermédiation entre les demandeurs d'emplois et les entreprises disposent d'un réseau unifié. En l'espèce, il s'agit du Royaume-Uni, de l'Allemagne, du Danemark et, plus loin de nous, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande ou des États-Unis, qui disposent tous de services unifiés.

M. Guy Fischer. À quel prix ?

Mme Christine Lagarde, ministre. La tendance est générale dans les pays les plus performants. Et cela se fonde sur un constat éprouvé : l'accompagnement d'un demandeur d'emploi est un tout qui associe l'accueil, la prise en charge financière, le diagnostic, les propositions de formation et le placement. Pourquoi se priver d'un outil qui a fait ses preuves ailleurs ?

Le troisième constat, c'est que la voie du « rapprochement sur le terrain » des deux réseaux au sein de guichets uniques et par les maisons de l'emploi, voie qui avait été retenue par la loi de programmation pour la cohésion sociale et qui a fourni un certain nombre de résultats, a probablement atteint ses limites.

Les réalisations concrètes en matière d'unicité de réseaux peinent à se construire et à se déployer. Pour ne prendre que cet exemple, les véritables guichets uniques, c'est-à-dire des sites entièrement communs, se comptent sur les doigts des deux mains : pas plus de dix sont réellement constitués en site unique où toutes les prestations sont disponibles.

Quant au système d'information commun, le GIE informatique qui en constitue le support n'a commencé à fonctionner que l'été dernier. Heureusement que nous l'avons : il permettra, dans le cadre de la fusion, de faire avancer les dossiers plus rapidement. Mais sa mise en place fut laborieuse, malgré toutes les bonnes volontés.

Cela ne permet pas de traiter l'ensemble des problèmes : l'enrichissement de l'offre de service vers les entreprises et les demandeurs d'emploi, la rationalisation des moyens mis en oeuvre, et surtout la dualité du marché du placement entre, d'une part, les chômeurs indemnisés et, d'autre part, les chômeurs non indemnisés. Ce que nous souhaitons, c'est parvenir au placement de tous ceux qui sont à la recherche d'un emploi, qu'ils soient indemnisés ou qu'ils ne le soient pas.

Au total, je crois que la direction retenue dans la loi de programmation pour la cohésion sociale était la bonne, que le rapprochement était une étape indispensable et que les premiers efforts entrepris ont permis de faire mûrir les esprits. C'est d'ailleurs parce que les acteurs se sont rapprochés que ce projet de fusion peut aujourd'hui être acceptable par la plupart d'entre eux.

Mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Quels sont les objectifs de ce nouveau chantier ?

Le premier objectif est d'améliorer le service rendu aux usagers. Certes, nous allons modifier une structure juridique, rapprocher des personnels et, en particulier, travailler à la création d'une culture nouvelle. Toutefois, ce qui est fondamental et ce qui permettra de fédérer les énergies, c'est, bien sûr, le service rendu aux usagers, les demandeurs d'emploi, d'un côté, les entreprises, de l'autre. Car c'est en favorisant la rencontre entre les offres des uns et les demandes des autres que nous parviendrons à lutter contre le chômage et à créer des emplois, et ce en mettant en place des guichets uniques en tout point du territoire.

Ces plateformes polyvalentes seront en charge de l'intégralité des prestations : l'accueil, le diagnostic, la recommandation de formation, l'accompagnement, le suivi, le placement et l'indemnisation. Et quand je parle des usagers, je pense aux demandeurs d'emploi, qui doivent véritablement être pris par la main quand c'est nécessaire, notamment lorsqu'il s'agit de publics qui sont depuis longtemps éloignés de l'emploi ou qui sont particulièrement en difficulté, comme les séniors, mais je pense aussi aux entreprises, car il faut non seulement aller chercher les demandeurs d'emploi, les accompagner, mais également se rendre sur le terrain, là où se trouvent les emplois.

Le deuxième objectif est de proposer une gamme de prestations complètes pour tous les demandeurs d'emploi, c'est-à-dire ceux qui sont indemnisés et ceux qui ne le sont pas. C'est un élément très important de notre réforme.

Le troisième objectif est de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, grâce à la mutualisation des moyens qui permettra de déployer plus d'agents sur le terrain.

Vous le voyez, au travers de ces objectifs, notre réforme va créer non pas un nouveau monstre administratif à deux têtes, mais plutôt un attelage de course, rapide et performant, au service de l'emploi.

La fusion n'est pas une construction bureaucratique dont la portée serait purement institutionnelle. Elle a des implications concrètes sur le terrain, pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.

Ne pas attendre plusieurs jours, ne pas avoir à faire des kilomètres pour se rendre à l'ANPE, puis à l'ASSEDIC, c'est du concret pour les demandeurs d'emploi.

Pouvoir désormais proposer toutes les prestations à l'ensemble des demandeurs d'emploi et non plus seulement aux demandeurs d'emploi indemnisés pour certaines prestations, c'est aussi du concret.

Redéployer davantage d'agents au contact direct des usagers, après les périodes de formation nécessaires à cet effet, c'est encore du concret.

La mise en oeuvre de cette opération sera essentielle. Elle ne sera pas simple, elle sera graduelle, mais l'étape législative que nous commençons aujourd'hui au Sénat est déterminante.

La fusion elle-même n'est qu'une première étape de la réforme du service public de l'emploi. Elle en est le socle, mais elle n'épuise pas, et de loin, la réforme que nous voulons conduire.

J'entends porter une attention particulière au contenu de l'offre de service du nouvel opérateur, qui sera définie par la convention que passeront avec lui les deux commanditaires que sont l'État, d'une part, et le régime d'assurance chômage, d'autre part.

Il s'agira de définir les publics prioritaires du nouveau service public de l'emploi, en ce qui concerne tant les entreprises que les salariés, les prestations offertes en matière de formation et d'orientation et les conditions de collaboration avec les réseaux spécialisés, publics ou privés, qui devront trouver toute leur place dans ce nouveau dispositif.

Je souhaite mener ces différents chantiers selon le même mode que le chantier de la fusion lui-même, en associant systématiquement en amont toutes les parties prenantes, tous les partenaires sociaux, toutes les collectivités territoriales et tous les usagers. Pour ce faire, nous allons mettre en place au sein du Comité supérieur de l'emploi un groupe de travail qui accompagnera ces différentes études.

En conclusion, je vous présenterai les modalités pratiques de l'opération, telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi.

Elles correspondent, pour l'essentiel, à cinq grands principes, qui se sont peu à peu dégagés de l'intense concertation que nous menons depuis le mois de juillet dernier avec les partenaires sociaux, dont le point culminant a été la réunion du Comité supérieur de l'emploi le 19 novembre dernier, et qui a permis de faire évoluer les esprits de chacun sur ce dossier pour le rendre, je l'espère, acceptable.

Premier principe que nous avons retenu et que nous réaffirmons : le respect du paritarisme.

Le régime paritaire d'assurance chômage demeure sous la responsabilité de l'UNEDIC. Je veillerai notamment à ce que le transfert aux URSSAF du recouvrement des contributions d'assurance chômage n'entame ni l'autonomie financière de l'UNEDIC ni la qualité et la mise à jour de l'information qu'elle détient et dont elle demeurera propriétaire.

Deuxième principe : une gouvernance efficace, autour des deux financeurs et commanditaires.

Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil, mais c'est l'État qui aura la responsabilité de la nomination du directeur général, afin que le nouvel opérateur reste un outil de la politique de l'emploi, laquelle relève du domaine de l'État. Cet équilibre obtenu par la concertation est à la fois politique et juridique.

À l'extérieur de l'opérateur, un conseil national de l'emploi, que je présiderai, assurera la cohérence des politiques de l'emploi. C'est également la vocation de la convention tripartite entre l'État, l'UNEDIC et la nouvelle institution, qui fixera les priorités et les moyens alloués.

Troisième principe : la mise en tension de l'opérateur, avec la définition d'objectifs de résultat, le recours à l'évaluation et le principe d'un appel systématique à des opérateurs spécialisés.

Un comité de suivi de la convention tripartite conclue entre l'État, l'UNEDIC et le nouvel opérateur vérifiera le respect et la mise en oeuvre de ces principes. Au sein de l'institution, j'ai également souhaité la création d'un comité d'audit permanent. Chaque fois que de nouvelles priorités seront fixées et que de nouveaux moyens seront déployés pour mettre en place de nouveaux programmes, nous examinerons l'efficacité de ces derniers pour savoir s'il faut continuer de les financer.

Quatrième principe : la dimension territoriale des politiques d'emploi, qui est un facteur clé pour leur succès.

On le sait, c'est sur le terrain, au plus près des demandeurs d'emploi et des entreprises créatrices d'emploi, que nous trouverons les solutions. Les politiques de l'emploi seront adaptées aux situations locales grâce aux budgets d'intervention déconcentrés et aux coopérations que le nouvel opérateur entretiendra avec tous les réseaux secondaires spécialisés, qu'il s'agisse de l'APEC, l'Association pour l'emploi des cadres, des missions locales, ou encore de Cap Emploi.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les maisons de l'emploi, dont le rôle de coordination est essentiel dans les bassins d'emploi où elles sont implantées, j'ai confié une mission au député Jean-Paul Anciaux pour formuler des recommandations sur le futur cahier des charges des maisons de l'emploi, qui permette une bonne articulation avec le réseau territorial du nouvel opérateur. Il s'agit donc non pas d'absorber les maisons de l'emploi, mais de mettre en place une bonne coordination avec cette nouvelle institution pour que chacun respecte ses devoirs et ses engagements.

Cinquième principe : le pragmatisme dans la mise en oeuvre.

Le projet de loi prévoit notamment la mise en place immédiate d'une instance provisoire, qui permettra de préparer la naissance officielle de la nouvelle institution d'ici à la fin de l'année 2008. C'est elle qui sera notamment chargée de conduire une réflexion sur l'organisation territoriale du réseau. Je souhaite que cela se fasse dans la concertation.

Naturellement, comme je m'y étais engagée devant le Comité supérieur de l'emploi et en m'adressant directement, au travers de leurs directeurs, aux agents concernés, j'ai tenu à inscrire dans le texte des garanties fortes pour les agents des deux institutions. Il s'agit d'un projet ambitieux en raison des objectifs que nous nous sommes fixés et des difficultés qui se présenteront du fait du mécanisme même de la fusion.

C'est ainsi que le statut actuel des personnels des ASSEDIC, qui résulte d'une convention collective, sera conservé jusqu'à ce qu'ait pu être négociée une nouvelle convention collective au sein de la nouvelle institution. Je le réaffirme, il n'y aura pas, contrairement à ce que prévoit le code du travail en pareil cas, de dénonciation de la convention actuelle. La convention collective continuera de s'appliquer jusqu'à ce qu'un autre texte, qui fera l'objet d'une négociation, s'y substitue.

Les personnels de l'ANPE conserveront également leur statut actuel, qui est un statut de droit public durant cette période de négociation de la nouvelle convention collective.

Une fois la convention collective négociée et signée, ils auront le choix, pendant un an, de rejoindre le statut commun ou de conserver, à titre dérogatoire, le statut public qu'ils ont aujourd'hui. Nous le savons, le passage d'un statut public à un statut privé est un changement important, mais la convention collective comportera des garanties qui tiendront compte de la nature particulière des missions de service public exercées par ces agents, comme le prévoit d'ailleurs une convention de l'Organisation internationale du travail.

Au-delà des dispositions législatives, j'ai par ailleurs indiqué clairement que la fusion des réseaux n'avait pas pour objet de réduire les effectifs ; il s?agissait simplement de mieux les utiliser pour répondre au seul objectif que nous poursuivons, à savoir la lutte contre le chômage.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. De la même manière, j'en ai pris l'engagement, il n'y aura pas de mobilité géographique imposée.

Tout cela doit permettre de mettre en place rapidement, mais sereinement, le nouvel opérateur central du service public de l'emploi.

Vous aurez peut-être remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n'ai pas évoqué, durant cette présentation, le nom de cette nouvelle institution, même si, en tant que futurs parents, nous allons probablement passer un certain temps avec ce nouvel enfant. En fait, nous allons tout simplement demander à l'instance de préfiguration de la nouvelle institution de proposer un certain nombre de dénominations - vous en avez sans doute déjà lu quelques-unes, ici ou là, dans la presse - pour que les équipes elles-mêmes se rassemblent autour d'éléments d'identification tels que les couleurs, les marques, les logos ou encore les sigles, et se l'approprient.

Quel que soit son nom, je suis convaincue que ce nouvel organisme répondra aux attentes des usagers, demandeurs d'emploi et entreprises. Mon souhait le plus cher est qu'il soit un meilleur intermédiaire entre les offres et les demandes d'emploi, afin que les chefs d'entreprise ne nous disent plus jamais qu'ils préfèrent consulter un chasseur de têtes plutôt qu'un agent de l'ANPE et que les jeunes qui sortent du système universitaire aient immédiatement le réflexe de se tourner vers l'ANPE plutôt que d'aller dans une agence d'intérim. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cet après-midi prévoit une réforme ambitieuse des deux principaux opérateurs du service public de l'emploi que sont l'ANPE et l'UNEDIC.

Cette réforme est ambitieuse, car ces deux organismes sont de statuts très différents : l'ANPE est un établissement public administratif, tandis que l'UNEDIC est une association, gérée paritairement par les partenaires sociaux, tout comme les trente ASSEDIC qui constituent son réseau. Ces organismes exercent des missions complémentaires : l'ANPE est chargée du placement des demandeurs d'emploi et l'UNEDIC de leur indemnisation.

Cette réforme est ambitieuse, car elle prévoit de créer un opérateur unique, qui assurera à la fois le placement et l'indemnisation des demandeurs d'emploi, en fusionnant l'ANPE et le réseau opérationnel de l'UNEDIC. Or, l'histoire l'a montré, toute fusion est toujours un peu compliquée.

La fusion, qui a été voulue et annoncée par le Président de la République, a un objectif premier, essentiel à mes yeux - et pas seulement aux miens, puisque presque toutes les personnes auditionnées l'ont estimé indispensable : améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi en simplifiant leurs démarches.

Le regroupement des deux réseaux entraînera des économies de gestion - je dis bien des « économies de gestion » et non des « économies de personnel », ainsi que Mme la ministre l'a de nouveau rappelé -, ...

M. Guy Fischer. Cela ne nous rassure pas du tout !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mais rien ne vous rassure, mon cher collègue ! (Sourires.)

... économies qui permettront de consacrer plus de moyens à l'accompagnement de ceux qui cherchent un emploi ou veulent en changer.

Comme Mme Lagarde l'a souligné, l'objectif du Gouvernement est de parvenir, à terme, à un ratio de soixante demandeurs d'emploi, puis de trente, pour un conseiller ANPE, contre un pour 100 ou 120 actuellement. Les visites que j'ai tenues à faire sur le terrain et les discussions que j'ai eues avec les personnels des agences locales m'ont conforté dans l'idée que plus ils consacraient de temps à un demandeur d'emploi, plus ils pouvaient personnaliser la demande et donc être plus efficaces pour lui trouver un emploi.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'ambition concerne aussi le service rendu aux entreprises, que l'on oublie parfois, la fusion devant permettre de mieux rapprocher les offres et les demandes d'emploi, et notamment d'améliorer l'embauche dans les secteurs d'activité qui rencontrent des difficultés de recrutement.

En revanche, il est clair que cette idée n'est pas nouvelle, l'éventualité d'une fusion de ces deux institutions ayant été, à plusieurs reprises, envisagée dans le passé. Aujourd'hui, on passe enfin aux actes, l'intention devient réalité, car un obstacle a été levé.

En effet, au début de l'année 2007, lorsque le président Jacques Chirac avait exprimé ce souhait, le bureau de l'UNEDIC avait unanimement fait part de sa désapprobation. Les partenaires sociaux ne voulaient pas perdre leurs prérogatives en matière de définition des règles de l'assurance chômage.

Mais la concertation approfondie qui a été menée par le Gouvernement, et notamment par Mme la ministre de l'économie, a permis de trouver une solution de compromis : les partenaires sociaux continueront de définir, par voie conventionnelle, les paramètres de l'assurance chômage et l'UNEDIC sera maintenue comme une structure support permettant de gérer la convention. Cette garantie a rassuré les organisations syndicales et patronales qui composent la majorité de gestion de l'UNEDIC et explique pourquoi ce projet de fusion est aujourd'hui approuvé dans son principe général.

Une convention conclue entre l'État, le nouvel opérateur et l'UNEDIC leur permettra de coordonner leurs actions. Un Conseil national de l'emploi, qui se substituera à l'actuel Comité supérieur de l'emploi, permettra en outre d'associer tous les acteurs à la définition de la politique de l'emploi.

Ce nouvel opérateur sera chargé, pour le compte de l'UNEDIC, de verser les allocations chômage et, dans un premier temps tout au moins, de collecter les contributions d'assurance chômage. Au plus tard en 2012, le recouvrement des contributions d'assurance chômage sera en effet transféré aux URSSAF. Il s'agit, à nos yeux, d'une mesure de rationalisation administrative bienvenue. Dans la mesure où l'assiette des contributions d'assurance chômage est quasiment identique à celle des cotisations de sécurité sociale, pourquoi laisser subsister deux réseaux de collecte ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que, depuis le 1er janvier 2008, c'est ainsi que fonctionne le RSI, le régime social des indépendants.

Cette réforme suscite cependant une préoccupation très légitime de la part des salariés des ASSEDIC qui s'interrogent sur le devenir de leurs collègues affectés aux tâches de recouvrement. L'inquiétude est particulièrement vive au sein du GARP, le groupement des ASSEDIC de la région parisienne, dont les 500 salariés collectent les contributions pour toute l'Île-de-France.

Le délai prévu avant l'entrée en vigueur du transfert doit justement permettre d'organiser le reclassement professionnel de ces salariés : une partie d'entre eux pourrait être recrutée par les URSSAF, dans des conditions à définir avec l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ; ils pourraient notamment rejoindre le nouveau corps de contrôleurs du recouvrement que l'ACOSS prévoit de mettre en place pour mieux lutter contre la fraude. Cette préoccupation devrait faire partie des négociations de la nouvelle institution.

D'autres salariés pourraient demeurer au sein du nouvel opérateur et être affectés à d'autres tâches, qu'il s'agisse de l'accompagnement des chômeurs ou d'une mise en relation avec les entreprises, par exemple, ce qui suppose qu'un effort important soit réalisé en matière de formation. Je me permets d'insister sur cette question, madame la ministre. Certes, je le sais bien, ce n'est pas vous, mais la future institution qui établira le plan de formation, et l'UNEDIC y travaille déjà, mais il faut que celui-ci intègre, dès cette année, une formation vers les métiers de l'orientation pour tous les salariés qui souhaitent changer d'orientation. Il ne faut pas attendre 2010 ou 2011 !

Les contours de la réforme étant posés, je voudrais maintenant décrire rapidement l'organisation du nouvel opérateur qui résultera de la fusion. Bien qu'il s'apparente à un établissement public administratif, le projet de loi le définit comme une « institution nationale » afin de souligner l'originalité de son statut, qui emprunte, sur certains points, le mode de gestion du secteur privé.

Par exemple, sa comptabilité sera celle qui est utilisée par les entreprises et son personnel sera soumis au code du travail.

Le nouvel opérateur sera piloté par un conseil d'administration au sein duquel les partenaires sociaux seront majoritaires et il sera dirigé, sur le plan opérationnel, par un directeur général nommé en conseil des ministres.

Des directions régionales concluront, chaque année, une convention avec le préfet de région pour déterminer de quelle manière les interventions de l'opérateur s'adapteront à la situation locale de l'emploi.

Son budget sera divisé en plusieurs sections non fongibles, afin de bien distinguer les dépenses d'indemnisation du chômage financées par l'UNEDIC, les dépenses de solidarité, qui bénéficient aux chômeurs en fin de droit et sont prises en charge par l'État ou le fonds de solidarité, les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention au profit des chômeurs, financées conjointement par l'État, l'UNEDIC et, éventuellement, d'autres acteurs tels que les collectivités territoriales.

La commission approuve globalement l'organisation proposée pour le nouvel opérateur, mais elle vous présentera quelques amendements visant, notamment, à préciser les prérogatives du conseil d'administration par rapport au directeur général, à améliorer la structure du budget et à fixer les règles applicables en matière de passation de marchés.

Je veux également évoquer la question du nom de cette future institution : au cours de nos auditions, la plupart de nos interlocuteurs nous ont instamment demandé de baptiser cette nouvelle structure. La commission estime qu'il appartient au futur conseil d'administration de proposer un nom et d'associer les personnels à ce choix. C'est un processus d'appropriation essentiel et beaucoup plus fondateur qu'un baptême purement parlementaire ou gouvernemental.

Je constate avec plaisir, madame la ministre, que vous avez rejoint notre position et je vous remercie d'avoir annoncé que vous acceptiez notre amendement sur ce point.

J'aborderai à présent la mise en oeuvre concrète de la fusion : elle suppose régler de nombreux problèmes techniques. Une mission a été confiée à cet effet à une inspectrice générale des affaires sociales qui fera le point, d'ici à la fin du mois de janvier, sur les questions en suspens.

D'ores et déjà, le projet de loi s'attache à régler les questions relatives au statut du personnel et au transfert des biens immobiliers.

Les salariés du nouvel opérateur seront des salariés de droit privé régis par le code du travail. Il convient cependant d'apporter deux précisions : en premier lieu, les agents de l'ANPE actuellement en poste auront la possibilité de conserver, s'ils le souhaitent, leur statut de contractuel de droit public ; en second lieu, la direction du nouvel opérateur et les syndicats représentatifs devront négocier une nouvelle convention collective, qui apportera aux salariés les garanties nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, au regard notamment des règles de l'OIT.

Cette nouvelle convention collective s'appliquera aux salariés employés par les ASSEDIC, aux agents de l'ANPE qui choisiront de renoncer à leur statut public, ainsi qu'aux nouveaux embauchés.

Les salariés des ASSEDIC craignent que la nouvelle convention collective leur soit moins favorable que celle qui est actuellement en vigueur. Leurs délégués du personnel et représentants syndicaux, ainsi que les manifestants, hier, ont demandé qu'ils bénéficient d'un « droit d'option ».

Après avoir longuement réfléchi, il m'apparaît malgré tout déraisonnable de faire coexister trois systèmes au sein d'un même organisme : deux conventions collectives et un statut de droit public.

Je comprends parfaitement l'inquiétude des salariés des ASSEDIC, mais le risque que la nouvelle convention leur soit défavorable me semble en réalité assez faible. Outre les déclarations de Mme la ministre, j'affirme que, moi - et il semble que l'opposition ne me suive pas -, je crois à la volonté des syndicats de défendre les salariés,...

M. Guy Fischer. Nous aussi !

Mme Annie David. Cela se saurait s'ils gagnaient !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ... quelle que soit leur origine institutionnelle.

La convention en vigueur doit servir de base à la négociation et les syndicats n'auront aucun intérêt à signer un accord consacrant un recul des droits des salariés.

Enfin, je ne voudrais pas que la nouvelle convention ne s'applique qu'aux futurs embauchés, les anciens de l'ANPE conservant la leur et ceux de l'UNEDIC la leur. Cela reviendrait à établir une sorte de ségrégation entre les anciens et les nouveaux et empêcherait l'intégration des nouveaux salariés. Telle est ma conviction profonde.

Comme je ne doute pas que la nouvelle convention sera proche de celle qui est en vigueur aux ASSEDIC, je pense que la fusion pourrait avoir un coût financier non négligeable dans la mesure où les rémunérations versées aux ASSEDIC sont sensiblement plus élevées que celles qui sont versées à l'ANPE.

Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des indications sur les évaluations dont vous disposez à ce sujet ?

Pour les biens appartenant à l'ANPE et à l'UNEDIC, notamment s'agissant de leur patrimoine immobilier, le projet de loi prévoit un transfert, de plein droit et à titre gratuit, des biens de l'ANPE à la nouvelle institution.

La situation est plus complexe pour les biens des ASSEDIC, en raison de leur nature associative : au moment de leur dissolution, les ASSEDIC transféreront leurs biens à l'UNEDIC, qui les mettra ensuite à la disposition du nouvel opérateur pour un montant symbolique.

La fusion a pu donner lieu à des inquiétudes, y compris au sein de la commission, concernant le maillage territorial de la nouvelle institution. L'objectif est de disposer, à terme et sur l'ensemble du territoire, d'implantations polyvalentes, dans lesquelles les demandeurs d'emploi pourront trouver tous les services actuellement offerts par l'ANPE et par les ASSEDIC, ce qui conduira parfois, en agglomération, à fermer une agence locale pour l'emploi et une antenne ASSEDIC pour les regrouper sur un même site.

La fusion ne saurait, en revanche, servir de prétexte à un recul du service public de l'emploi dans les zones rurales ; vous nous l'avez assuré, madame la ministre, lors de votre audition par la commission. J'espère que vous le confirmerez aux sénateurs issus des milieux ruraux qui sont présents dans cet hémicycle.

J'ai entendu les inquiétudes des élus locaux - nous le sommes quasiment tous - quant aux incertitudes pesant sur les maisons de l'emploi. Sur ce point, la commission a déposé un amendement, qui pourra être amélioré par l'Assemblée nationale, en particulier à la suite des conclusions de la mission menée par le député Jean-Paul Anciaux.

Enfin, je vous suggérerai d'introduire dans la loi une disposition visant à créer une instance régionale, qui permettra à la nouvelle institution d'être plus proche des réalités de terrain régionales, départementales et locales.

La commission vous propose d'approuver le projet de fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, amélioré par le travail et les amendements du Sénat.

En cet instant, je tiens à remercier les sénateurs qui ont sacrifié leurs vacances pour travailler à mes côtés et participer aux auditions de la commission.

Ce texte marque une première étape de la réforme du marché du travail. Celle-ci sera complétée dans les prochains mois par une réforme du contrat de travail et de notre système de formation professionnelle. Mais, comme disait Rudyard Kipling, cela est une autre histoire ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, déclaré d'urgence, une fois de plus, porte sur la réforme du service public de l'emploi, titre usurpé s'il en est, ce que je m'emploierai à démontrer dans quelques minutes.

Mais je veux d'abord dénoncer, madame la ministre, les conditions dans lesquelles les sénateurs ont travaillé pour préparer ce débat.

Une première présentation a été faite par vous, en commission des affaires sociales, le 12 décembre dernier, sans texte, ce qui est normal. Puis le projet de loi nous a été communiqué juste avant la suspension des travaux du Sénat, le 20 décembre. Des auditions ont été conduites par Mme le rapporteur - elle a été désignée le 12 décembre - entre le 18 décembre et le 7 janvier.  Et ce n'est que ce matin que le rapport de la commission nous a été remis.

Je veux d'ailleurs vous remercier, madame Procaccia, d'avoir ouvert les auditions à l'ensemble des sénateurs, ce qui nous a permis de rencontrer les acteurs institutionnels et les partenaires sociaux concernés par ce projet de loi.

Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que ce texte, dont l'examen était initialement programmé en première lecture à l'Assemblée nationale à la fin de l'année 2007, a été transféré dans la précipitation au Sénat. Tel qu'il nous est présenté, sur le fond, mérite-t-il vraiment d'être déclaré d'urgence ? Contribuera-t-il à améliorer la situation des demandeurs d'emploi ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Christiane Demontès. Nous pensons que non ! La précipitation et la communication font toujours fonction de politique pour le Président de la République.

Madame la ministre, je veux vous redire en séance publique ce que je vous ai indiqué en commission : nous sommes favorables au guichet unique pour recevoir les chômeurs, indemnisés ou non, un lieu où ils peuvent rencontrer des professionnels qui traitent leur dossier administratif et leur indemnisation, qui les accompagnent dans l'accès ou le retour à l'emploi. Cela existe, vous l'avez dit, et dans un nombre plus élevé de territoires, d'ailleurs, que vous ne l'avez indiqué : on constate d'ores et déjà des regroupements entre les ASSEDIC et l'ANPE ; il y a également des maisons de l'emploi.

Je vais plus loin : nous sommes favorables à la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC.

Mais nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi, et je vais vous indiquer pourquoi.

D'abord, je l'ai dit, le titre est une tromperie : il annonce une réforme du service public de l'emploi. La réforme semblait être l'objectif effectif après que le Président de la République avait déclaré, le 18 septembre dernier - je ne le cite pas souvent : « Nous sommes, sans doute, le seul pays où le suivi de la recherche effective d'emploi est assuré par trois institutions : l'État, l'assurance chômage et l'ANPE. Autant dire qu'elle n'est suivie par personne »

La réforme du service public de l'emploi suppose la prise en compte de l'ensemble des dimensions de ce service tel que le prévoit l'article L 311-1 du code du travail, soit le placement, l'indemnisation, l'insertion, la formation et l'accompagnement des demandeurs d'emplois.

Or, à la lecture de l'exposé des motifs, nous nous apercevons rapidement que, si le titre se veut évocateur, il n'en demeure pas moins trompeur : il s'agit non pas d'une réforme du service public de l'emploi, mais de la fusion de deux opérateurs de ce service public, l'ANPE et l'UNEDIC. Concrètement, il s'agit de la fusion des réseaux opérationnels de l'ANPE et des ASSEDIC, puisque l'UNEDIC demeure.

Si la réforme du service public de l'emploi avait été une volonté réelle du Gouvernement, la logique et la cohérence, pour ne pas dire le sérieux, auraient commandé qu'avant de réformer le cadre le Gouvernement tire un premier bilan des effets de la signature de la convention tripartite État-ANPE- UNEDIC de mai 2006, qui a permis la création de 190 guichets uniques et de 180 maisons de l'emploi, l'instauration d'un dossier unique de demandeur d'emploi, le rapprochement au sein d'un groupement d'intérêt économique, ou GIE, des services informatiques de tous les opérateurs publics de l'emploi... Cela nécessitait pour le moins une évaluation.

Il aurait également été souhaitable que le Gouvernement laisse se conclure la grande négociation sur le marché du travail, qu'il prenne en considération les travaux effectués en matière de formation professionnelle, laquelle devrait faire l'objet d'une réforme, comme ceux de la conférence tripartite sur l'emploi et le pouvoir d'achat, réunie pour la première fois le 23 octobre dernier, et qu'il s'emploie à oeuvrer pour sécuriser les parcours professionnels

Ainsi, sauf à considérer qu'il convient de modifier les outils avant même de se mettre d'accord sur le contenu d'une réelle politique de l'emploi, en d'autres termes que la lutte contre le chômage dépend uniquement de la fusion de deux opérateurs, ce sont bien toutes les dimensions du service public de l'emploi qu'il aurait été nécessaire de prendre en compte.

Ce faisant, nous aurions pu définir une politique de l'emploi cohérente et dynamique, une politique qui ne se limite pas, comme c'est le cas actuellement, à la seule et dangereuse baisse des cotisations sociales et au « travailler plus pour gagner moins ».

Compte tenu de ces observations, vous comprendrez que nous nous étonnions de la déclaration d'urgence sur ce texte, qui n'a de réforme que le nom.

Plusieurs éléments démontrent qu'il s'agit d'un faux-semblant de réforme et d'une démarche inaboutie. J'insisterai sur six points.

Le premier point concerne l'absence de dénomination de la nouvelle institution : celle-ci est simplement mentionnée dans la rédaction proposée par l'article 1er pour l'article L. 311-1 du code du travail. Certes, ce point n'est pas le plus important, mais il est symbolique du manque de précision qui caractérise ce texte.

J'ai bien entendu Mme le ministre et Mme le rapporteur ; néanmoins, je ne suis pas certaine que les administrateurs et les personnels de cette nouvelle institution tiennent à lui donner un nom ; ils auront d'autres priorités.

Même en la limitant au strict cadre de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, la démarche engagée par le Gouvernement reste inaboutie.

Le deuxième point est relatif au devenir et à la place des autres opérateurs. Chacun sait qu'au-delà de l'ANPE et de l'UNEDIC d'autres opérateurs interviennent : l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, les services déconcentrés de l'État, les missions locales, les maisons de l'emploi, et bien d'autres encore ; nous connaissons tous, dans nos territoires, de nombreuses associations qui oeuvrent pour des publics spécifiques. Or le projet de loi n'apporte aucune précision sur la place et le rôle de la future institution, pas plus que sur la nature de ses missions ou sur les modalités d'intervention des uns et des autres. Seul l'exposé des motifs dresse rapidement une liste incomplète de réseaux avec lesquels il faudra « resserrer les liens ».

Ce manque de précision suscite de nombreuses interrogations au sein des structures qui ont signé des conventions avec l'ANPE et/ou les ASSEDIC.

Seul l'article 2 dispose qu'une convention conclue annuellement par le préfet de région et le directeur régional de la nouvelle institution précisera les conditions de collaboration entre celle-ci et les autres réseaux et intervenants du service public de l'emploi. Aucune précision n'est apportée sur l'articulation entre le champ d'action de la nouvelle institution et la dimension territoriale dans laquelle agissent ces différents réseaux.

Et lorsqu'on vous entend, madame la ministre, annoncer le gel de ces conventions au motif qu'on « n'aurait plus besoin d'elles une fois la fusion intervenue », on ne peut que s'inquiéter et, surtout, penser que vous avez mis la charrue avant les boeufs. En effet, on traite de l'outil sans répondre à la question fondamentale de ce que doit être une politique de l'emploi, tant au niveau national qu'au niveau territorial ; j'y reviendrai

De même, on peut s'interroger sur les suites qui seront données aux expérimentations réalisées par des services privés de placement, permises par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Ne va-t-on pas assister à une accentuation de la concurrence entre les organismes de placement, à une segmentation encore plus grande des demandeurs d'emploi, répartis selon leur degré d'éloignement du marché du travail, le secteur public s'occupant, avec moins de moyens, des personnes les plus en difficulté ?

Un tel flou est dommageable, voire inquiétant, et interroge sur la volonté réelle du Gouvernement. La vilaine petite musique sur les sanctions et les radiations de chômeurs en cas de deux refus successifs d'une « offre valable d'emploi » ne nous rassure pas du tout.

Le troisième point a trait à la territorialisation du nouveau dispositif.

Chacun s'accorde à dire que les problèmes de l'emploi trouvent une solution très majoritairement à l'échelon territorial. Aussi, on ne peut que s'interroger sur la place des collectivités territoriales, dont les compétences ont été fixées par le législateur : la formation des jeunes et des demandeurs d'emploi pour les régions, l'insertion sociale et professionnelle des allocataires du revenu minimum d'insertion pour les départements.

Les régions ont fait part de leur position sur cette réforme, tout comme les départements. Elles s'interrogent sur l'organisation et le pilotage des multiples structures qui existent à l'échelon territorial et qui interviennent dans l'accueil, l'accompagnement et l'orientation des demandeurs d'emploi.

La création des maisons de l'emploi et de la formation, en 2005, a permis le rapprochement des équipes sur le terrain, au bénéfice du demandeur d'emploi. Parce qu'elles jouent un rôle dans la formation et dans le retour à l'emploi, les régions doivent être parties prenantes : présentes au conseil d'administration de l'ANPE, elles doivent l'être au conseil d'administration de la nouvelle institution ; nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens.

En outre, comme le demandent les régions, pourquoi la loi n'autoriserait-elle pas celles qui le souhaitent à élaborer, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, après concertation avec l'État, les collectivités locales et leurs groupements, les organismes du service public de l'emploi et les partenaires sociaux, un schéma régional de l'emploi opposable aux différents partenaires ?

Cette proposition de redéfinition de la gouvernance territoriale s'inscrit dans une logique d'amélioration de la cohérence et de la coordination des outils dévolus à l'emploi.

Le quatrième point concerne la question du financement.

S'agissant de la dimension financière de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, le préalable consiste à garantir que les fonds destinés à l'indemnisation des chômeurs et collectés auprès des entreprises et des salariés seront « fléchés » vers les demandeurs d'emploi.

Le fait que l'assurance chômage ait enregistré en 2007 un excédent de 3,5 milliards d'euros, lequel devrait atteindre 5 milliards d'euros cette année, ne doit pas être l'occasion pour l'État, qui ne cesse de creuser les déficits, de se servir de ces fonds afin de se désendetter un peu. Car la tentation est sans doute grande de se servir de cette manne, d'autant que le budget pour 2008 a été bâti sur des hypothèses de croissance particulièrement déraisonnables et que la protection sociale s'inscrit dans une « dynamique » déficitaire qui devrait la conduire à un déficit cumulé de plusieurs dizaines de milliards d'euros à l'horizon 2012.

Au-delà de la volonté affichée de mettre ce texte au service des demandeurs d'emploi, la question relative au traitement comptable de ce dossier mérite d'être posée. En effet, l'article 3 dispose qu'au moins 10 % des cotisations d'assurance chômage sont « fléchées » pour financer la nouvelle structure. Or le surplus que représente cette masse budgétaire n'est pas pris en charge par le budget de l'État. Dans les faits, cela signifie donc un désengagement de l'État à l'endroit du service public de l'emploi.

Si le nouvel article L. 311-7-5 prévoit que le budget de l'institution comporte trois sections non fongibles - « assurance chômage », « solidarité » et « fonctionnement, intervention et investissement » -, la part de l'État n'est pas précisée.

Partant, des interrogations se posent quant aux dispositifs d'indemnisation et à leur non-fongibilité. En outre, si, comme le souhaite la présidente de l'UNEDIC, les cotisations restent acquises uniquement aux demandeurs d'emploi indemnisés, ce ne sont que 50 % des chômeurs qui sont concernés. Quid du devenir de la solidarité nationale envers les autres ?

Cette question revêt une dimension capitale quand on sait que les 426 100 décisions de radiation prises au cours de l'année 2006 ont été deux fois plus nombreuses qu'en 2002 et cinq fois plus qu'en 1996.

S'y ajoute la question de la traduction de la mobilité géographique des demandeurs d'emploi, telle qu'elle est mentionnée au 2° du nouvel article L. 311-7. Deviendra-t-elle un motif supplémentaire de radiation en cas de non-respect ? Les récentes déclarations du Président de la République peuvent nous inciter à le penser. Ne risque-t-on pas de voir les publics les plus en difficulté orientés vers les collectivités locales, en particulier les conseils généraux, notamment au travers de la montée en charge du revenu de solidarité active, le RSA ?

Enfin, comment ne pas prendre en considération la volonté du MEDEF de gérer la politique de l'emploi dès lors que sa position au sein de la nouvelle instance est renforcée par la mise en place d'une majorité de gestion, consacrée par l'alliance entre l'État et les employeurs ?

Le cinquième point est relatif au devenir des personnels.

Le projet de loi précise qu'à l'horizon 2012 l'URSSAF assurera le recouvrement des cotisations d'assurance chômage. La disparition annoncée de ce service des ASSEDIC concerne 1 800 salariés, dont l'activité devra connaître une nécessaire évolution vers les demandeurs d'emploi ou vers les entreprises.

La grève du 27 novembre dernier a mobilisé près de 70 % du personnel, lequel recourt très rarement à ce genre d'action. Les mots d'ordre centrés sur le recouvrement et les garanties concernant la convention collective démontrent combien les personnels sont inquiets face aux risques de dégradation de leurs conditions de travail, mais aussi de remise en cause de leurs acquis sociaux.

Pour la réussite de l'opération, il est indispensable que le personnel soit associé, et non pas contraint.

En outre, rien n'est précisé quant à la prise en compte de l'impact budgétaire du nouveau statut.

Ainsi, dans la mesure où c'est la nature juridique de l'employeur qui détermine l'affiliation aux régimes complémentaires, les agents de l'ANPE pourraient, en raison de leur transfert vers une institution nationale, qui, selon l'article 2, « est soumise en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales », être affiliés à l'ARRCO et à l'AGIRC.

D'ailleurs, les représentants de l'IRCANTEC, que nous avons reçus sur l'initiative de Mme la rapporteur, nous ont fait part de l'inquiétude des agents de l'ANPE quant à la perspective d'être affiliés à l'ARRCO et à l'AGIRC. De fait, il y aura des conséquences directes non seulement sur le taux de cotisation, mais aussi sur le niveau des pensions. Dans un contexte de dégradation constante du pouvoir d'achat et de remise en cause des périodes de cotisations retraite, cette inquiétude est légitime.

En tout état de cause, les incertitudes qui pèsent sur le statut des personnels ne sont pas de nature à permettre aux professionnels de vivre cette fusion dans la sérénité. Ces derniers jours, j'ai ressenti une crispation de la part des personnels de l'ANPE et des ASSEDIC.

Le sixième point a trait à la question immobilière.

L'article 2 prévoit, par l'insertion d'un article L. 311-7-11 dans le code du travail, que les biens immobiliers détenus par l'UNEDIC et par les ASSEDIC, lesquelles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, relèvent du domaine privé. L'article 7 dispose que ces biens sont mis à disposition de la nouvelle institution dès sa création.

Lorsque les ASSEDIC vont se dissoudre pour intégrer le nouvel opérateur, le transfert ne pourra s'effectuer que vers une association ayant le même objet, soit l'UNEDIC. Dans ce cadre, il est essentiel que les procédures mais aussi les intérêts patrimoniaux concernés soient scrupuleusement respectés. Tel est le sens de la délibération adoptée par le conseil d'administration de l'UNEDIC le 29 novembre dernier. Or la rédaction proposée dans le projet de loi ne le garantit pas.

Cette question est d'autant plus importante que, si l'on en croit la presse, le nombre d'antennes passerait de 1 600 à 1 200 et la carte des nouvelles implantations serait d'ores et déjà en cours d'élaboration, voire finalisée. Madame la ministre, j'espère que vous nous rassurerez sur ce point.

En conclusion, nous pensons que ce texte ne constitue en rien une réforme et qu'il ne peut constituer une solution de rechange à une politique de l'emploi dynamique et rénovée qui prendrait en considération l'ensemble des éléments permettant de lutter contre le chômage. Une telle politique fait défaut à notre pays. Je pense particulièrement aux jeunes, notamment à ceux qui sont victimes de discriminations dans l'accès à l'emploi ; je pense aussi aux travailleurs séniors qui, comme me l'ont rapporté des associations, se trouvent écartés des entreprises dès 45 ans ; et je pense à bien d'autres encore.

Ce texte se singularise par des manques, des incohérences, voire des contradictions, sources d'inquiétudes légitimes pour les acteurs de l'emploi et les personnels concernés par la fusion.

Ce projet de loi hâtif, voulu par le Président de la République, réforme pour parler et communiquer, n'apporte pas de vraie réponse en matière de politique de l'emploi.

Alors qu'un nouveau rapport de l'Inspection générale des affaires sociales devrait paraître à la fin de janvier, qu'un nouveau contrat de travail est en discussion, qu'une réforme du marché du travail est en négociation, que la sécurisation des parcours professionnels fait l'objet d'un débat, que doit être réformée la formation professionnelle et qu'un rapport est attendu sur les maisons de l'emploi, décidément, rien ne justifiait une telle précipitation dans la présentation et le vote de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Je voudrais tout d'abord vous remercier, madame le rapporteur, du rapport que vous avez établi au nom de la commission des affaires sociales, rapport qui est maintenant celui du Sénat.

Comme vous le soulignez, la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC constitue une étape essentielle de la démarche de modernisation de notre marché du travail.

Madame la ministre, vous l'avez dit, la baisse du chômage depuis le début de l'année 2006 est une réalité tendancielle, qui rend d'ailleurs a posteriori assez dérisoires certains « faux débats » sur les statistiques de l'année dernière.

Mais nous pouvons, nous devons faire mieux, notamment en termes de taux d'activité, d'emploi des jeunes et des séniors. Ceux-ci ont trop souvent été des variables d'ajustement en raison d'une politique de l'emploi inexistante depuis vingt-cinq ans.

Notre marché du travail a besoin d'être optimisé. Par exemple, le délai est trop long entre la rencontre de l'offre et de la demande d'emploi. Savez-vous, mes chers collègues, que, voilà quatre ans, ce délai était en moyenne de six mois ?

Cette rigidité s'explique par un faisceau de causes.

Il s'agit, d'abord, de la complexité de nos dispositifs et de nos structures - État, Agence nationale pour l'emploi, UNEDIC -, qui ne pouvaient même pas dialoguer, sur le plan informatique, il y a encore peu de temps.

Il s'agit, ensuite, de la complexité de nos relations du travail, qui, avec l'objectif légitime de protéger le salarié, nous a conduits trop souvent aux licenciements détournés, aux conflits, parfois aux vrai-faux conflits, ou au passage du salarié par la case « chômage », faute de pouvoir construire une transition professionnelle.

Je l'ai dit, l'exclusion des jeunes et des séniors a été trop massive.

Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, s'il est rupture au sens moléculaire, suivie d'une fusion de réseaux, s'inscrit, en la renforçant, dans la continuité d'une démarche engagée en 2004 par la remise à François Fillon d'un rapport rédigé par Jean Marimbert et évoquant une « mosaïque » dont le cryptage était tel qu'il ne permettait pas de communiquer et de se comprendre. Ce rapport fut d'ailleurs pour partie à l'origine du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale que j'ai eu l'honneur, avec Jean-Louis Borloo, de défendre en 2004 à cette tribune.

Ce texte est aussi le fruit de l'accord du 18 janvier 2006 entre les partenaires sociaux sur la nouvelle convention d'assurance chômage, de la convention de reclassement personnalisé et de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle.

Un cheminement de près de quatre ans nous permet aujourd'hui d'aborder l'examen de ce texte et de prendre une décision tout à fait essentielle.

Je procéderai à quelques rappels sur les apports de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

La convention tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC du 8 octobre 2005 a eu pour objet d'améliorer le service rendu aux demandeurs d'emploi. Car nous devons d'abord nous intéresser aux demandeurs d'emploi avant d'aborder la question des structures ! Celles-ci sont certes importantes, mais elles ne sont que des outils. Nous avons trop tendance, dans notre pays, à croire que, parce qu'on a créé une structure, on a réglé un problème.

M. Gérard Larcher. Or le sujet essentiel, c'est la rencontre entre un demandeur d'emploi et un offreur d'emploi.

Il faut aussi tenir compte de l'expérimentation des guichets uniques - madame Procaccia, dans votre rapport, vous parlez de l'expérience très positive d'Issy-les-Moulineaux - et du rapprochement opérationnel s'agissant du système d'information commun, le GIE informatique. Ce rapprochement n'a pas été simple.

Enfin, il convient de citer le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emplois.

Il faudra mettre fin à quelques paradoxes, mais un texte ou une réorganisation ne suffiront pas !

Alors que 500 000 emplois ne sont pas pourvus aujourd'hui, il existe 100 métiers en tension. Comment peut-on accélérer la mise en relation entre offres et demandes d'emploi ?

Alors que nous sommes le pays qui, en pourcentage, a le plus d'agents affectés à la lutte contre le chômage - 24 000 plus 14 000 salariés, auxquels s'ajoutent les services de l'État -, nous faisons partie de ceux qui ont le moins de conseillers référents par demandeur d'emploi : les pays qui réussissent sur le marché de l'emploi comptent trente demandeurs pour un conseiller référent, contre plus de cent chez nous, parce que nos structures absorbent le reste.

Aujourd'hui, l'objectif est de rétablir des conseillers auprès des demandeurs d'emploi pour assurer un suivi personnalisé. La priorité est de permettre à des hommes et des femmes qui en sont privés de trouver ou de retrouver un emploi. Nous l'avons constaté au fil des années avec les partenaires sociaux. Regardons ce qui se passe chez nos voisins européens.

Il faut mieux conseiller, mieux accompagner, mieux rechercher les offres d'emploi. Car du fait de la lenteur de la mise en relation de l'offre et de la demande, un certain nombre d'employeurs se retirent de la dynamique de création d'emplois et n'offrent plus d'emplois.

Il faut aussi mieux assurer la préparation à la transition professionnelle. Je voudrais insister sur le rapport de nos collègues Jean-Claude Carle et Bernard Seillier sur la formation tout au long de la vie, y compris au moment de la transition professionnelle, afin que les salariés qui changent d'emploi ne soient plus contraints de passer par la case « chômage ». Nous devons éviter de mettre en place des « usines à gaz » et préparer des hommes et des femmes aux métiers de demain.

Madame la ministre, vous avez engagé une longue concertation avec les partenaires sociaux. D'ailleurs, quand le Comité supérieur de l'emploi approuve un projet de texte, c'est un signe ! (Sourires.) Mes souvenirs d'expert sur le sujet m'amènent à penser que c'est un bonheur rare qui mérite d'être goûté et qui traduit bien la qualité de la concertation que vous avez conduite.

Les grands principes que vous avez posés me paraissent essentiels : le respect d'un paritarisme fort - il faut que l'assurance chômage demeure un acte majeur de responsabilité des partenaires sociaux, qui doivent être les « co-constructeurs » de la politique de l'emploi - ; une gouvernance nouvelle avec des partenaires sociaux majoritaires ; une dimension territoriale des politiques de l'emploi, sans oublier le rôle des collectivités territoriales - la région pour la formation -, du bassin d'emploi, des maisons d'emploi ; enfin, le pragmatisme dans l'évaluation des résultats.

Mme le rapporteur a fait allusion aux interrogations des personnels, qui sont légitimes ; nous avons d'ailleurs eu des échanges sur ce point. Les réponses apportées, le travail d'écoute et de proposition qui a été conduit sous votre autorité, monsieur le président de la commission, sont porteurs d'assurance. Le débat devrait permettre de rassurer les uns et les autres.

Vous le comprenez, je suis favorable à la fusion des réseaux, qui est le fruit de quatre années de cheminement.

Pour conclure, n'oublions jamais que les structures, certes importantes, ne sont que des outils et que le coeur de notre débat c'est l'emploi. Il est une catégorie dans ce pays qui a longtemps été maltraitée : le demandeur d'emploi non indemnisé. Il a souvent été l'oublié de nos politiques de l'emploi ; il doit être au coeur de nos préoccupations.

C'est donc avec joie que je voterai ce texte, enrichi des amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'emploi est depuis des années l'une des préoccupations majeures de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Depuis trop longtemps, notre pays subit les conséquences d'un taux de chômage élevé : précarité, pauvreté, insécurité, mal-être social.

Or dans notre pays existent l'ANPE et l'assurance chômage.

Le 13 juillet 1967, un jeune secrétaire d'État aux affaires sociales, Jacques Chirac, crée l'Agence nationale pour l'emploi, alors que le chômage commence à se développer en France. Pour le gouvernement de Georges Pompidou, il y avait urgence à intervenir, au point que, dans une procédure d'exception, le Premier ministre défend la création d'une « organisation du marché du travail, comprenant tout d'abord un appareil de placement, d'orientation et de conseils ».

C'est cette organisation que Jacques Chirac aura mission de mettre sur pied. Il y a alors quelque 430 000 chômeurs, soit 2,1 % de la population. Le même secrétaire d'État chargé de l'emploi minore déjà ce nombre, en n'annonçant pas plus de 140 000 sans-emploi.

Cette agence a pour objet d'aider les demandeurs d'emploi dans leur recherche et dans leur parcours de retour à une activité professionnelle. Elle est un service public, puisqu'elle remplit une mission nécessaire et indispensable pour notre société. De plus, il est fondamental que de tels services soient accessibles de manière égale à tous les citoyens.

Aussi, les sénateurs et sénatrices du groupe CRC sont très attachés à son existence et à son rôle de lutte contre le phénomène de violence sociale, inhérent au système capitaliste, qu'est le chômage, pour en limiter ses aspects.

L'ANPE était donc créée. À n'en pas douter, vous aimeriez aujourd'hui la voir disparaître ou, pour le moins, la contrôler en la plaçant sous la tutelle directe du pouvoir politique.

Pourtant, le chômage perdure et, en 1967 déjà, Georges Pompidou en décrivait les motifs : l'ouverture des frontières et la mise en concurrence des entreprises européennes entre elles, que le Premier ministre présentait comme « une nouvelle mutation pour notre économie qu'il convient non seulement de prévoir mais de préparer, et qui est la dernière étape du marché commun ». Il s'agit, en d'autres termes, de l'inflation et de la naissance progressive d'un capitalisme financiarisé qui trouve aujourd'hui son âge d'or.

Mais qu'avez-vous fait depuis ? Vous avez privatisé des domaines qui ne l'étaient pas encore ; je pense à EDF ou GDF, dont le Sénat a débattu hier.

Qu'avez-vous fait encore pour « prévoir et préparer » les crises à venir ? Vous les avez facilitées en défendant dans l'économie de service la directive Bolkestein et en organisant, avec vos amis de la Banque centrale européenne, la fin des monopôles des services publics.

Quarante ans plus tard, il y a encore 8,5 % de chômeurs, preuve, s'il en est, que vos réformes toujours plus libérales, toujours plus à l'écoute du patronat et de ses désirs, à la recherche de toujours plus d'économies pour l'État et de précarisation du marché du travail, auront été contre-productives.

Quant au système français de protection sociale contre la privation involontaire d'emploi, il a été créé le 31 décembre 1958. Géré par l'UNEDIC, sa politique est mise en oeuvre par les ASSEDIC. Financée par les cotisations des salariés et des employeurs, l'assurance chômage est imprégnée du principe de solidarité que l'on retrouve en pratique au travers de la redistribution des cotisations.

Le groupe CRC est très attaché à ce principe de solidarité, tout comme au rôle de l'État, seul rempart contre les débordements et abus de l'économie de marché qui induit licenciements, emplois précaires et nombre d'autres maux sociétaux.

Aujourd'hui, force est de constater que le nombre de personnes privées d'emploi reste très élevé, puisqu'il est de 1,4 million environ selon les chiffres officiels.

Si ce chiffre est aussi important, oscillant entre 8 % et 10% selon les systèmes de comptage et l'importance des radiations, sans doute est-ce la preuve, me direz-vous, qu'il faut réformer le service public de l'emploi. Probablement ! Mais il existe de nombreux types de réformes.

Depuis quelques années, le mot « réforme » est brandi de manière incantatoire par les gouvernements successifs, à croire que ce n'est pas le contenu qui compte, ni l'idéologie que ce terme sous-tend. Il faut réformer le régime des retraites, l'éducation, la santé et, maintenant, le service public de l'emploi.

L'actuel gouvernement, digne héritier des gouvernements de droite précédents, n'échappe pas à la règle. Il n'est plus question de rupture !

Mais penchons-nous un peu sur le contenu de ces réformes et sur la manière qu'elles ont de transformer en profondeur notre pays et son organisation sociale, pour réaliser un projet de société en adéquation parfaite avec l'économie libérale et ses thèses les plus antisociales.

Le service public de l'emploi en est un exemple éloquent. Maintes fois réformée, cette institution n'est plus aujourd'hui au service exclusif des salariés privés d'emploi, alors que telle était sa mission première. Pire, elle doit fournir aux entreprises des travailleurs façonnés selon leurs besoins. Les 500 000 emplois non pourvus brandis par le MEDEF sont malheureusement là pour me donner raison !

Les « privés d'emploi » sont étroitement surveillés. Ils sont culpabilisés, stigmatisés, et on imagine aisément que l'institution qui va prochainement être mise en place renforcera cette surveillance.

Cette conception est aux antipodes de celle que nous défendons. Nous considérons que, après un licenciement, le salarié est la victime. Il ne doit pas être soupçonné et surveillé comme un voyou alors que les responsables, ceux qu'il faut blâmer, sont les entreprises qui, malgré leurs profits colossaux, délocalisent pour gagner toujours plus.

Malheureusement, les exemples ne manquent pas : en Isère, récemment, l'entreprise Poliméri, dont l'actionnaire majoritaire, ENI, vient d'être condamné pour entente illicite par la Commission européenne, a mis à la porte 250 personnes avant de délocaliser son activité en Inde ! Madame la ministre, j'ai interrogé vos services sur ce sujet ; j'espère que vous pourrez m'apporter une réponse.

En France, environ 15 000 suppressions d'emplois par an sont dues aux délocalisations.

J'en reviens à votre réforme. Malgré les dispositions prévues dans le projet de loi, on peut s'interroger sur le statut des agents de la nouvelle institution. Comment être sûr qu'aucun ne sera désavantagé, puisqu'une nouvelle convention doit être négociée ?

Certes, madame Procaccia, nous sommes persuadés que les partenaires sociaux négocieront en pensant aux salariés. Toutefois, s'ils sortaient gagnants de toutes les négociations, cela saurait et il y aurait sans doute moins de manifestants dans les rues ! Je leur fais entière confiance pour revendiquer et réclamer un statut de bonne qualité pour les agents, mais je ne suis pas persuadée qu'ils seront entendus...

Par ailleurs, comment être sûr que les agents parviendront à assurer convenablement certaines missions pour lesquelles ils n'ont pas été formés, et que chacun d'eux conservera son emploi, notamment chez les cadres - il en est qui comparent cette fusion à un « tsunami » - ou encore chez les titulaires d'un CDD ?

Votre projet de loi comporte décidément de nombreuses zones d'ombre.

Madame la ministre, je m'étonne également que vous puissiez croire, ou tenter de faire croire, que c'est en fusionnant l'ANPE et les ASSEDIC que vous parviendrez à diminuer durablement le nombre de demandeurs d'emploi. Il n'y a, en la matière, ni mystère ni secret et, sur ce point, je rejoins M. Gérard Larcher : pour réduire le chômage, il faut offrir plus qu'un travail, il faut offrir un emploi stable et rémunéré à hauteur des qualifications demandées.

Il ne suffira pas de créer un guichet unique - une structure de plus, comme le dit encore M. Larcher - à destination des demandeurs d'emploi, car, ne vous en déplaise, ce qui fait défaut, ce sont bien les offres d'emploi elles-mêmes. Et je ne parle pas des quelques centaines de milliers d'emplois non pourvus, de ces temps partiels imposés et payés une misère, des emplois difficiles et non reconnus sur le plan salarial, que le MEDEF entend combler par tous les moyens et pour lesquels il sait pouvoir compter sur votre soutien.

L'adoption du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, et l'esprit même de ce projet de loi en sont des exemples. Et que dire de l'émergence de la nouvelle notion, volontairement très abstraite, d'offre acceptable d'emploi, qui se substituera peut-être à l'offre valable d'emploi, l'OVE, dont on connaît les critères de référence ?

Madame la ministre, nous arrivons ici au coeur même de votre projet de loi. Vous soutenez que son objectif est double : d'une part, faciliter les démarches des usagers par la mise à disposition d'une plateforme polyvalente assurant l'ensemble des prestations nécessaires au recrutement et au placement et, d'autre part, mettre à disposition, au seul bénéfice cette fois des salariés et des personnes à la recherche d'un emploi, un ensemble de prestations facilitant leur orientation sur le marché du travail et leur donnant accès, à chaque étape de leur parcours professionnel, à l'accompagnement et, le cas échéant, à la formation dont ils peuvent avoir besoin. Mais de créations d'emplois, il n'est nullement question !

Pour ma part, je vois aussi deux objectifs dans votre texte, mais ils sont bien loin de ceux que vous affichez : faire des économies sur le dos des chômeurs et des agents ; finaliser votre projet de « modernisation » du marché du travail.

Votre premier objectif consiste donc à faire des économies.

Le Président de la République a une obsession : diminuer le nombre de fonctionnaires pour tenir sa promesse. Or, il est impossible de réduire trop massivement les effectifs de la justice, de la police ou de l'éducation tant ces domaines sont sensibles. Pour autant, ils ne seront pas épargnés, loin s'en faut, mais cela ne suffira pas. C'est ailleurs, ou plutôt partout, qu'il faut économiser : l'ANPE et ses agents en feront les frais.

Le projet de loi prévoit de fusionner des agences en les réunissant dans un même lieu géographique, d'où la fermeture de locaux. Ce sera le cas en ville, mais aussi dans les zones rurales, ce qui aura pour conséquence d'éloigner plus encore les demandeurs d'emplois du lieu qui devrait leur permettre de trouver un travail ou d'être justement indemnisés.

Cela aura également des incidences sur l'aménagement même des territoires périurbains et ruraux, déjà sinistrés par la fermeture des bureaux de poste, des hôpitaux et des maternités, des tribunaux de proximité, des gendarmeries, des classes d'écoles.

Mais cela ne vous émeut guère : pour vous, ce sont les économies réalisées qui comptent ! Les régions, les départements et les communes n'auront qu'à compenser, en acceptant par exemple l'installation sur leur territoire de maisons de l'emploi qu'il faudra financer, si tant est que vous ne les supprimiez pas purement et simplement.

Des fermetures de sites interviendront donc. On recense aujourd'hui 1 800 sites ANPE et ASSEDIC confondus. Vous avez promis aux partenaires sociaux que 1 000 sites au moins resteraient ouverts. Cela veut-il dire que près de 800 d'entre eux fermeront ?

Pouvez-vous me préciser selon quels critères sera effectuée la «sélection » entre les sites destinés à perdurer et ceux qui sont voués à la fermeture ? Avez-vous déjà élaboré un projet que vous gardez secret, sans doute par crainte des réactions qu'il susciterait ?

La presse évoque la suppression de vingt-cinq unités spécialisées mises en place par l'ANPE afin de répondre à des situations particulières touchant notamment les cadres, les anciens détenus ou les professionnels des métiers des arts et du spectacle. Madame la ministre, pouvez-vous confirmer ou infirmer cette information devant les sénatrices et les sénateurs, ainsi que devant les partenaires sociaux qui, je le sais, sont attentifs à nos débats ? La clarté est nécessaire à la pleine mesure de votre réforme.

En tout cas, nul doute que la recherche d'économies est l'un des objectifs du Gouvernement. Le Premier ministre ne s'en est d'ailleurs pas caché, allant jusqu'à préciser qu'il financerait ses réformes par de substantielles économies, réalisées notamment par la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Autrement dit, vous faites payer aux chômeurs et aux agents les cadeaux qui ont été faits dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA !

On apprend, à la lecture du journal Les Echos du 4 janvier 2008 que, dans une note de synthèse datée du 14 décembre, le groupe de travail chargé de l'organisation pointe plusieurs sources de rationalisation : « des économies liées au maillage territorial » - j'ai évoqué les territoires ruraux -, « des économies liées à la dématérialisation » - fermetures de sites -, « des économies liées directement à la fusion. » - quid des agents ?  On ne saurait être plus clair !

Le second objectif de votre projet de loi réside dans la mutation totale du marché du travail et des missions de ce que sera la future institution.

Vous voulez faire des demandeurs d'emplois une main-d'oeuvre corvéable à souhait, les contraindre demain à accepter sans condition tout emploi proposé, au nom de la fameuse offre valable d'emploi sur laquelle je reviendrai.

Cette volonté s'inscrit dans la logique du PARE et de l'ensemble des réformes votées par la droite et concoctées par le MEDEF. D'ailleurs, le Président de la République ne fait pas secret de ses projets : il veut renforcer les sanctions contre les chômeurs qui refusent deux offres acceptables d'emploi. Et M. Laurent Wauquiez de préciser : « il y a un travail en commun qui devra être fait avec les partenaires sociaux pour définir ce que sont deux offres d'emploi acceptables ».

C'est bien, en effet, la question dont nous aurons à discuter. Pour les partenaires sociaux et les associations, une offre valable d'emploi doit tenir compte d'au moins trois critères auxquels le MEDEF est par principe opposé : la formation du demandeur d'emploi, la même zone géographique et la garantie d'un salaire au moins égal au précédent.

Or, on sait déjà que, pour Mme Parisot et ses amis, la référence est anglo-saxonne. Outre-Manche, l'offre d'emploi et sa «viabilité » s'analysent non au regard des besoins du salarié ou de ses spécificités, mais au regard de l'agence de placement, rémunérée au pourcentage.

Ce modèle britannique que vous vantez tant a conduit la grande majorité des « privés d'emplois » à accepter, sous la pression, n'importe quel travail, quitte à cumuler les emplois pour être tout juste au-dessus du seuil de survie, à tel point que la Grande-Bretagne compte un nombre très important de travailleurs pauvres.

On est bien loin de la définition posée par l'Organisation internationale du travail en 1934, qui instaurait comme critères la distance entre le travail et le domicile, le niveau de rémunération et la stabilité du poste. On mesure bien la différence : on pense non plus offre valable d'emploi, mais offre acceptable d'emploi, autrement dit employabilité du demandeur d'emploi ou manière la plus rapide de le sortir des statistiques du chômage et des indemnisations, tout en satisfaisant le patronat.

Voilà le futur que vous promettez aux salariés de notre pays. Vous voulez les contraindre non seulement à travailler plus pour ne pas gagner nécessairement plus, mais aussi à travailler dans des domaines qui ne sont pas les leurs.

Une réforme est-elle nécessaire, ai-je demandé tout à l'heure. Eh bien oui, mais dans le sens de l'acquisition de nouveaux droits sociaux pour les salariés. Car les communistes ne sont pas pour le statu quo. Face à votre projet de fusion des ASSEDIC et de l'ANPE, qui vise à soumettre un peu plus le service public de l'emploi aux intérêts des entreprises, nous avançons des propositions.

Comme vous n'avez de cesse de reprendre vos vielles méthodes libérales - qui n'ont pourtant pas fait leur preuve, je viens de vous le démontrer -, je vous suggère d'innover en créant une véritable sécurisation des parcours professionnels.

Cela passe d'abord, et je comprends que cela vous déplaise, par le renforcement des droits des salariés : suppression des CNE et autres contrats précaires, suppression des trappes à bas salaires et des exonérations patronales.

Cela passe également par le renforcement du contrat de travail et par l'affiliation de tous les salariés à une institution de sécurisation des parcours professionnels.

Cela passe aussi par le droit à la formation continue, que vous avez évoqué à juste titre, madame la ministre. Il faut renforcer et amplifier la formation continue, en lien étroit avec l'Association nationale pour la formation professionnelle, l'AFPA, le Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, l'éducation nationale, les associations, les entreprises privées de formation, afin de permettre à chaque salarié d'évoluer au cours de son activité professionnelle, d'en changer s'il en ressent l'envie et de bénéficier d'un vrai droit à une formation qualifiante.

Cela passe enfin par un réel service public de l'emploi, rénové, intégrant la refonte de l'ANPE, de l'UNEDIC, des missions locales, ainsi que leur articulation et coopération nouvelle.

Enfin, dernier étage de cette construction ambitieuse, la réorientation et le contrôle des fonds publics, dont l'octroi pourrait être soumis à une obligation en termes d'emploi, par exemple en interdisant les licenciements spéculatifs sans remboursement des fonds publics alloués

Naturellement, et nous aurons tout loisir d'y revenir dans les prochains mois, il convient de maintenir les 35 heures qui, vous le savez, ont permis des créations d'emplois, même si, trop souvent, leur application a pu créer des difficultés.

Madame la ministre, comme vous pouvez le constater, nous sommes en totale opposition avec votre projet de loi, qui s'insère dans une démarche beaucoup plus large de libéralisation du monde du travail. Il stigmatise les chômeurs, précarise le monde du travail pour favoriser des entreprises qui font déjà des profits astronomiques, j'y reviendrai lors de l'examen des articles. Il est inefficace en matière d'emploi, dangereux pour les salariés de l'ANPE et des ASSEDIC, ainsi que pour les demandeurs d'emplois.

En conséquence, madame la ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'évoquerai brièvement les raisons pour lesquelles mon groupe votera le projet de loi qui nous est soumis.

La première est très simple : le chômage reste l'un des problèmes majeurs de notre société. Le Gouvernement tente d'y remédier par la mise en oeuvre de politiques économiques ou sociales et par l'action du service public de l'emploi, que ce texte vise à renforcer, ce que j'approuve. En effet, notre pays a besoin d'un service public de l'emploi fort afin que tous ceux et toutes celles qui sont à la recherche d'un emploi soient traités d'une façon égale.

Cette conviction résulte de l'expérience que j'ai acquise dans mon département ; j'y suis chargé de trouver des moyens pour aider les plus pauvres, ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, c'est-à-dire les bénéficiaires du RMI.

Si nous sommes parvenus, dans le département du Rhône, à réduire de 17 % le nombre de bénéficiaires du RMI en une année, nous le devons d'abord à la volonté de ces derniers de chercher un emploi : personne n'est volontaire pour être RMIste, tout le monde a envie de s'en sortir. Nous le devons ensuite au travail de grande qualité que nous avons pu bâtir avec l'ANPE.

La première caractéristique de votre projet de loi, madame la ministre, réside dans l'affirmation que l'emploi reste une affaire de l'État et qu'un service public est nécessaire pour s'en occuper. Je trouve quelque peu bizarre que personne n'ait encore relevé ce fait, notamment là où l'on aurait dû le faire ! C'est pourtant un point essentiel dans la façon de vivre à la française. Pour nous, il est extrêmement important que vous réaffirmiez la nécessité de l'existence d'un service public de l'emploi.

Beaucoup a été dit, et avec justesse, sur la « mosaïque » du service public de l'emploi, pour reprendre l'expression de M. Jean Marimbert, qui est assuré soit par une association, l'UNEDIC, dotée de missions de service public, soit par un établissement public, l'ANPE. Leurs rôles sont concomitants, elles vont dans le même sens ; il faut donc les renforcer, les faire aller de concert.

La fusion de ces deux organismes est, par conséquent, une très bonne chose. Notre groupe politique l'avait d'ailleurs demandée à deux reprises, en 2003 et en 2005. On nous avait expliqué alors que nous étions en avance, ce qui ne nous étonne guère, d'ailleurs, puisque c'est l'une de nos caractéristiques essentielles ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Oui, monsieur Gournac, nous sommes toujours devant vous quand il s'agit de s'occuper des plus pauvres : nous n'avons jamais failli à notre tâche ! (M. Guy Fischer s'exclame.) J'ai généralement votre soutien dans ces cas-là, monsieur Fischer, et je vous en remercie !

Madame la ministre, il ne faut pas avoir honte de le dire avec force : nous avons besoin d'un grand service public de l'emploi, d'un organisme public qui va s'occuper complètement, du début à la fin, de tous les demandeurs d'emplois et les traiter de façon égalitaire.

Il est assez facile de placer des gens qui sont proches de l'emploi, qui sont concernés par des métiers dans lesquels la demande est forte ; il est beaucoup plus difficile de placer des gens qui sont loin de l'emploi, qui ont besoin de formation et qu'on aurait tendance à laisser de côté. L'écrémage existe lorsque l'on veut réduire le chômage ; cela se traduit par de bons chiffres pendant quelques temps, mais cela fait aussi des gens qui restent très loin, et très longtemps, de l'emploi.

M. Guy Fischer. Cela fait des emplois précaires !

M. Michel Mercier. En tant que responsable, dans un département, des bénéficiaires du RMI, je sais bien que c'est l'ANPE qui met en place le traitement égalitaire de tous les demandeurs d'emplois. Il convient d'insister sur cette qualité du service public de l'emploi, ce qui justifie pleinement le soutien que nous apporterons à votre projet de loi.

Alors, bien sûr, des questions se posent

On peut, certes, s'interroger sur le nom du service public d'aide à emploi. Vous nous avez expliqué que vous laisseriez les partenaires le trouver ; pourquoi pas ? En revanche, nous ne pouvons pas être incertains sur la nature juridique de cet opérateur. Au cours du débat, madame la ministre, vous devrez être très claire sur ce point, qui est essentiel et sur lequel je souhaite que nous puissions avancer.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est sûr !

M. Michel Mercier. Nous devons également parler du devenir des « maisons de l'emploi », mises en place par la loi précédente. Le système est quelque peu confus, touffu ; il faut le rationaliser, le rendre efficace et dire quel sera le rôle de ces maisons.

La question du statut des personnels se pose aussi ; Mme le rapporteur l'a traitée de façon approfondie. Nous savons bien que cela ne peut se faire que s'il n'y a pas de pertes pour les agents ; certains vont même être gagnants.

M. Guy Fischer. On ne le sait pas !

M. Michel Mercier. Je voudrais savoir, madame la ministre, comment vous comptez financer l'augmentation des traitements des agents de l'ANPE.

Aujourd'hui, cette agence est financée par une dotation budgétaire de l'État - cela peut se comprendre -, par une dotation budgétaire de l'UNEDIC - cela peut également se comprendre puisque, chaque fois que l'ANPE travaille bien, les bénéficiaires de l'UNEDIC sont moins nombreux -, et, dans une moindre mesure, par une dotation budgétaire des collectivités locales qui passent des contrats avec l'ANPE pour placer des chômeurs, notamment des RMIstes. Dans mon département, nous consacrons ainsi un peu plus de 1,5 million d'euros chaque année à l'ANPE.

Cela va-t-il nous coûter plus cher ? J'ai bien compris que la réponse est « oui », même si vous ne nous avez pas encore répondu ! (Sourires.) Si ce service public de l'emploi est plus cher mais qu'il est plus efficace, cela ne pose pas de problème, mais s'il est plus cher et qu'il est moins efficace, cela n'ira pas !

Madame la ministre, nous attendons que vous nous apportiez des précisions sur l'ensemble de ces sujets.

En résumé, notre groupe est favorable à la fusion des services, à l'affirmation du rôle de l'État, à la création d'un grand service public de l'emploi. Nous attendons des débats qui vont suivre les réponses aux questions qui demeurent en suspens. Ainsi, en suivant Mme le rapporteur, nous pourrons faire en sorte que le projet de loi que vous nous présentez devienne réalité le plus tôt possible ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les bonnes résolutions sont de saison, comme les réformes. L'urgence semble être un mode cher au Gouvernement et, par voie de conséquence, l'une des obligations du Parlement « nouvelle tendance ».

La réforme du service public de l'emploi, vaste sujet qui mérite toute notre attention et une mobilisation de tous les instants, n'y coupe pas. Ce texte, initialement programmé à l'Assemblée nationale, a été transféré au Sénat dans la hâte. Saura-t-on jamais la raison d'une telle précipitation ?

Certes, il est urgent de résorber le chômage. Depuis le temps qu'on y travaille, on s'étonne que l'urgence n'ait pas été déclarée plus tôt pour cette idée d'une fusion ASSEDIC-ANPE, qui n'est pas une nouveauté, n'en déplaise à notre Président qui n'est pas avare d'idées neuves ! Elle date de 1984 ; elle est ressortie des cartons en 1990, a réapparu en 2007 à l'Assemblée nationale et, enfin, cette année, elle est soumise au Sénat.

Les raisons de cet historique laborieux ne sont pas le sujet. Et, puisque nous y sommes conviés, nous pratiquerons l'ouverture - au moins d'esprit - en nous interrogeant sur la contribution réelle de ce projet à l'amélioration de la situation des demandeurs d'emploi et sur la réalité de l'efficience des transformations en matière de politiques sociale et de l'emploi.

Dès lors, l'urgence ne nous sert pas, mais nous ne sommes pas à une contradiction près !

Malgré la célérité vertigineuse des auditions préalables à l'examen de ce texte, son contenu appelle un certain nombre de remarques dont il nous faudra tenir compte ici, afin de ne pas installer une entité nouvelle qui soit ingérable. Pour ce faire, il nous faut prendre le temps d'opérer quelques rappels.

La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, notamment son article 1er, définit parfaitement le rôle et les missions du service public de l'emploi et sa déclinaison sur le territoire, prévoyant des modalités de coordination des actions respectives des différents intervenants, notamment l'ANPE et les ASSEDIC. De nombreux rapprochements ont déjà eu lieu et les deux organismes ont adopté le dossier unique du demandeur d'emploi. Alors, pourquoi envisager aujourd'hui une fusion dans l'urgence ?

De même, le plan de cohésion sociale a favorisé les créations des maisons de l'emploi, dans l'objectif de rapprocher le service public de l'emploi - ANPE, ASSEDIC - et les multiples partenaires que sont les missions locales, l'AFPA, les chambres consulaires, les organismes de développement économique, les structures d'insertion professionnelle, etc. Or, sans tenir compte de ce qui a été réalisé, vous introduisez de façon prématurée votre projet de loi alors même qu'une évaluation de ces maisons de l'emploi était programmée.

Parallèlement, un certain nombre d'élus qui s'étaient investis s'interrogent sur le devenir de ces maisons. Rappelons-nous que vous venez de geler leur conventionnement, alors que le territoire n'est pas totalement couvert et qu'elles n'ont pas encore été évaluées.

Elles ont pourtant une mission de diagnostic sur les territoires, d'observation, d'anticipation et d'adaptation des différentes mutations économiques. Elles ont développé un partenariat, une complémentarité, une mutualisation des ressources qui contribuent à optimiser leurs actions. Leurs autres missions correspondent bien à la structuration de l'offre d'emploi, au rapprochement et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi jusqu'à leur insertion. Alors, pourquoi casser un outil qui commençait à se développer et à devenir réellement un guichet unique ?

Durant la dernière législature, de nombreuses modifications sont déjà intervenues dans le champ de la gestion des demandeurs d'emploi : création de 220 guichets uniques dans lesquels l'inscription peut être réalisée par un conseiller ANPE ou ASSEDIC ; adoption d'un dossier électronique unique résumant les parcours du demandeur d'emploi, dossier accessible à tous les organismes publics et privés participant à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; mise en place, en 2007, d'un GIE pour intégrer les services informatiques... Toutes ces avancées sont balayées d'un revers de main sans même avoir été évaluées.

Ce rappel préliminaire me permet d'introduire une analyse plus avancée du contenu de ce projet de loi. Les remarques que le texte appelle resteront dans le ton.

Comme vous nous l'avez annoncé le 10 décembre dernier, le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi que vous présentez a pour ambition de réduire le chômage, d'augmenter la croissance et l'emploi. Afin d'atteindre ces objectifs, vous envisagez la fusion de l'ANPE avec les ASSEDIC.

Si nous approuvons la création d'un guichet unique devant faciliter les démarches des usagers - demandeurs d'emploi et entreprises -, nous ne voyons pas en quoi la création de cette nouvelle institution contribuera à l'augmentation de la croissance.

Nous redoutons également que la vision strictement budgétaire, dans un souci de rationalisation des coûts du chômage en France, ne revienne à une centralisation de la politique de l'emploi autour de Bercy, au détriment des actions locales, qui sont souvent plus adaptées aux réalités des territoires que l'idée que l'on s'en fait à Paris.

Par ailleurs, la très louable rationalisation des dépenses sociales ne doit pas faire dépendre la politique sociale de choix économiques dont les chômeurs, pas plus que les travailleurs, ne sont responsables.

À ce titre, nous nous inquiétons aussi du fait que la reprise en main par l'État du financement et de l'attribution des allocations de chômage ainsi que du contrôle et du placement des demandeurs d'emploi via la fusion des deux instances n'ait pas fait l'objet d'une ligne budgétaire spécifique dans le projet de loi de finances pour 2008.

En effet, le budget de 2008 ne prévoit rien, si ce n'est 89,2 millions d'euros pour financer le fonctionnement des maisons de l'emploi et 8,8 millions d'euros pour investir dans trente-six maisons de l'emploi en cours de conventionnement.

Certes, la fusion ANPE-ASSEDIC devrait permettre de réaliser une économie telle que la subvention de l'État passerait de 1,36 milliard d'euros à 1,31 milliard d'euros. Mais le coût total de l'opération a été évalué par le rapport Marimbert à 300 millions d'euros. L'économie ne suffira donc pas. Qui donc y pourvoira ? Comptez-vous sur les réserves de l'UNEDIC ?

À moins que votre objectif ne soit l'économie pour elle-même, non pas comme un moyen mais comme une fin en soi. Ce serait dramatique pour la politique de l'emploi, mais se situerait néanmoins dans la droite ligne des réductions de crédits pour 2008 concernant notamment les contrats aidés, l'insertion par l'activité, l'insertion professionnelle des jeunes et, plus généralement, de la diminution du budget dans tous les secteurs, à l'exception des exonérations de cotisations sociales patronales, notamment dans la branche dite HCR, à savoir les hôtels, les cafés et les restaurants !

Le statut juridique de cette nouvelle entité n'est, en outre, pas clairement défini ni explicité. Vous évoquez une « institution nationale nouvelle ». Est-ce un établissement privé assurant des missions de service public, avec des salariés soumis au code du travail et à une gestion comptable et financière conforme aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales, ou est-ce un établissement public à caractère industriel et commercial, de type EPIC ?

La question de la gouvernance est également posée dans le texte qui nous est soumis. Et ce n'est pas anodin !

J'ai évoqué une « reprise en main par l'État ». Or, la rationalisation des dépenses justifie-t-elle une centralisation et si oui, en quels termes ? Qui dirigera l'institution née de la fusion ?

Ce texte contient de grandes similitudes entre le mode de gouvernance proposé pour la future entité et ce qui a été réalisé pour l'assurance maladie : un directeur général nommé par le Gouvernement et disposant de tous les pouvoirs ainsi qu'un conseil d'administration paritaire réduit à la portion congrue. On notera en passant que le paritarisme est organisé ici de telle sorte que les représentants de l'État, des personnalités qualifiées et du patronat constituent toujours une majorité. En somme, pour les orientations et la gestion de la politique de l'emploi en France, le paritarisme n'est plus de mise !

Par ailleurs, si nous sommes renseignés sur la gouvernance à l'échelle nationale, il n'en est pas de même pour les instances régionales, qui n'associent pas les collectivités territoriales pourtant compétentes sur certains segments de la politique de l'emploi. Je pense notamment aux conseils régionaux pour la formation, aux conseils généraux pour le RMA et l'insertion, et aux collectivités locales pour la gestion des maisons de l'emploi.

Le fait de laisser les collectivités territoriales de côté, alors même qu'on leur demande de façon prévisionnelle de financer certaines prestations qui pourront être rendues par la nouvelle institution, laisse présager qu'elles devront gérer les populations les plus éloignées de l'emploi, via le RSA notamment, tandis que la gestion de la main-d'oeuvre qualifiée sera recentrée.

En conséquence, on s'interroge autant sur la couverture territoriale que sur les incidences pour les personnels. La gestion du personnel de chaque entité locale, avec deux cultures professionnelles différentes et un responsable issu de l'une ou de l'autre institution, ne sera réalisable que si elle est préparée dans un temps nécessaire et suffisant à la formation et à l'adaptation de ces personnels.

De quelle gestion des doublons prévisibles, notamment dans les effectifs des cadres, s'accompagnera le redéploiement des personnels ? Le suivi renforcé des demandeurs d'emploi nécessiterait au minimum 4 500 agents pour passer de la gestion de 60 à 30 demandeurs d'emploi par agent. Actuellement, nous sommes plus proches des 120 à 150 personnes par agent. La formation de ces agents n'a pas été prévue dans le budget pour 2008.

Quant au statut de droit public ou privé - 28 000 agents publics ANPE et 14 000 salariés de droit privé ASSEDIC -, le projet de loi prévoit le maintien de l'existant pour les salariés actuels et une nouvelle convention collective pour les nouveaux entrants. Outre la disparition d'une nouvelle catégorie d'agents publics, le renouvellement des CDD de nombreux salariés de l'ANPE est gelé. Même si la future convention collective devra être conforme aux prescriptions de l'OIT en matière de garanties déontologiques, les personnels de droit privé seront, de fait, plus vulnérables. Il s'agit bien là d'une nouvelle réduction d'effectifs de la fonction publique, sous couvert de fusion !

De même, de quelle gestion « immobilière » s'accompagnera la réforme ? Si je me réfère à ce qu'ont dit les précédents orateurs, j'ai vraiment l'impression de me répéter ... En fait, cela pose autant la question de la desserte territoriale que de l'accessibilité des services pour les demandeurs d'emploi résidant en zone rurale.

Pour ces questions très pragmatiques, il n'y pas trace de la moindre anticipation. Comme l'écrit Mme Annie Thomas, présidente de l'UNEDIC, dans Le Monde d'aujourd'hui : « on a construit l'outil avant de définir ses missions » !

J'en viens précisément aux missions.

Les récentes déclarations du Président de la République en matière de sanctions à l'égard des chômeurs récidivistes du rejet d'offres d'emploi « acceptables » apportent un éclairage nouveau sur les missions de la nouvelle entité. Elles confirment également les intentions déjà très claires du patronat dans ce dossier et son implication dans la négociation sur le contrat de travail et l'indemnisation des chômeurs.

Surveiller et punir, mais de façon unilatérale, bien sûr ! Une sorte de tri sélectif est une formule plus élégante, mais qui, prise au pied de la lettre, n'en est pas moins effrayante.

Je ne doute pas que mes collègues de l'opposition seront soutenus par les membres les plus éclairés de la majorité pour relever le caractère inique et détestable de cet état d'esprit lors des débats qui suivront. J'ose espérer qu'il apparaîtra à tous que cet état d'esprit n'est pas tourné vers les chômeurs, qu'il n'a pas l'intention de les soulager, ni de mieux les accompagner, malgré ce qui est dit.

La traque aux prétendus profiteurs - combien sont-ils au fait, le sait-on vraiment ou s'agit-il encore d'un chiffon rouge que l'on agite ? - est un volet très restrictif d'une politique de civilisation. Je laisse le soin à mes collègues de ne pas laisser passer les articles qui instaureraient insidieusement cette conception suspicieuse de la politique sociale. La mission de l'entité qui pourrait naître devrait être exclusivement de former, de qualifier, d'accompagner et d'insérer ceux que l'économie n'a pas favorisés ou laisse de côté. Cependant, le projet de loi reste évasif à ce sujet, de même que sur les articulations avec les autres partenaires de l'emploi et de la formation.

La planification de la mise en oeuvre des différentes actions n'est pas indiquée, excepté pour le recouvrement des contributions d'assurance chômage qu'il est prévu de confier aux URSSAF en 2012. C'est le second volet de la réforme. L'URSSAF, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, sera également conduite à recouvrer les cotisations chômage ...

Le présent projet de loi participe donc d'un mécanisme double.

D'une part, il vise à trier les demandeurs d'emploi en fonction de leur employabilité et donc du « risque » financier qu'ils représentent dans le sens d'une gestion rationalisée de l'assurance chômage. Celle-ci redevient, au sens strict, une assurance avec une mutualisation des risques calculés au plus juste. À moyen terme, n'est pas exclue la présence de sociétés d'assurances privées contre cet accident de la vie qu'est le chômage.

D'autre part, il tend à constituer un système global de protection sociale minimale - panier de soins réduit de l'assurance maladie, retraites de base et complémentaires non revalorisées - dans lequel entrera la protection contre le chômage pour les moins bien insérés professionnellement, le financement de cette protection de base, par définition non rentable, étant abandonné à la solidarité nationale.

La faiblesse et la division des représentants du monde salarié, la détermination du MEDEF et le besoin d'argent de l'État se conjuguent, dans la période actuelle, pour composer un angle de tir dont le Gouvernement entend profiter afin de mener à bien ce dossier, en prenant de vitesse de possibles mouvements sociaux.

Ce projet de loi ne semble pas destiné à aider les demandeurs d'emploi à trouver un emploi stable et de qualité. Il s'agit à nouveau d'un traitement statistique du chômage, à moindre coût, qui risque fort d'aboutir dans le contexte actuel à remplacer, pour les personnes concernées, le chômage par la précarité, à accepter n'importe quel emploi, dans n'importe quelles conditions et à n'importe quel salaire.

En conclusion, nous avancerons donc qu'une politique de l'emploi ne peut pas être circonstancielle. Elle doit s'inscrire dans le temps et dans une raison d'être qui conjugue efficacité économique, justice sociale et dignité humaine.

Nous terminerons par une citation de Lamartine extraite de l'article « la société industrielle », inséré au Bien Public de 1844 : « ...société en commandite, où les travailleurs ne sont que des rouages à user et à dépenser au plus bas prix possible, où tout se résout par perte ou gain au bas d'une colonne de chiffres, sans considérer que ces quantités sont des hommes, que ces rouages sont des intelligences, que ces chiffres sont la vie, la moralité, la sueur, le corps (...) de millions d'êtres (...) ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à créer un service public de l'emploi universel. Nous le faisons !

Certains critiquent le fait que l'urgence ait été une fois de plus déclarée. Mais le traitement de cette question est urgent, car ce projet de réforme est évoqué depuis plus de vingt ans !

Aujourd'hui, il s'agit de mettre fin à un vrai parcours du combattant pour le demandeur d'emploi. Gérard Larcher l'a dit tout à l'heure, nous devons le placer enfin au centre du système. Arrêtons de parler de tout ce qu'il y a autour : c'est lui qui est important, c'est lui qu'il s'agit d'aider, c'est lui qui doit trouver facilement un emploi !

Comme l'a souligné le Président de la République, « le devoir d'un chômeur, c'est de rechercher un emploi, pas de supporter le fardeau de la complexité administrative. Et le devoir de la collectivité nationale, c'est de mobiliser ses moyens au service du retour du chômeur à l'emploi ».

Certains disent que tout cela n'est qu'une question financière. Non ! Quand on est à la recherche d'un emploi, un problème humain terrible se pose. On vous dit d'aller à telle ou telle porte, d'appuyer sur la touche A, puis sur la touche B. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Je peux vous en parler, car je l'ai fait !

Il existe aujourd'hui 900 points d'accueil pour l'ANPE et 700 points d'accueil pour l'UNEDIC. Grâce à la fusion de ces deux organismes, il sera possible de trouver à un même endroit l'ensemble des services.

La dynamique ainsi engagée est positive, mais les progrès réalisés restent encore insuffisants. Les guichets uniques ne sont pas assez nombreux : on comptait, à la fin du mois d'août dernier, 299 agences locales pour l'emploi et 248 antennes ASSEDIC sous la configuration du guichet unique, mais seuls une dizaine d'entre eux - j'insiste sur ce point, car j'ai entendu citer d'autres chiffres - fonctionnent en respectant réellement le principe d'unicité de site et de services. En effet, le plus souvent, les locaux, tout en étant voisins, ne sont pas réellement partagés et conservent des responsables différents.

En fait, la définition de guichet unique est très large. Il peut s'agir soit d'un site commun, soit de sites mitoyens ou distants de moins de 200 mètres, soit encore de sites ANPE qui accueillent des agents ASSEDIC, ou l'inverse. Nous devons donc aller vers davantage de simplification.

La réforme vise également à améliorer la qualité du service rendu. L'objectif annoncé est de diviser par deux le nombre de demandeurs d'emploi suivis par un conseiller référent, soit un ratio d'un agent pour trente demandeurs d'emploi au lieu de soixante. Par ailleurs, plus d'agents se consacreront à la recherche des offres d'emplois et à la meilleure adéquation de l'offre et de la demande.

Aujourd'hui, l'UNEDIC compte 14  00 personnes, dont 12 000 ne sont pas au contact du demandeur d'emploi, tandis que l'ANPE emploie 28 000 agents, dont 22 000 sont en contact direct avec le demandeur d'emploi : grâce aux synergies que permettra la fusion des deux organismes, le nombre de conseillers en contact direct avec les demandeurs d'emploi augmentera.

L'amélioration de la qualité du service rendu doit permettre aux chômeurs de retrouver plus rapidement un emploi. En France, et ce n'est pas normal, la durée moyenne du chômage des personnes de vingt-cinq ans à cinquante-quatre ans est de plus de seize mois, contre douze mois en moyenne pour les pays de l'OCDE et moins de neuf mois pour les pays du G7.

En outre, aujourd'hui, alors que plus de 400 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites, on compte près de 2 millions de demandeurs. Un sérieux problème de rapprochement se pose donc et nous devons nous efforcer de mettre un terme à cet état de fait.

La rénovation du service public de l'emploi sera utile à la fois aux chômeurs et aux entreprises, en permettant de mieux mettre en relation l'offre et la demande de travail. Je pense aux Job Center Plus, en Grande-Bretagne ou à l'Institut national pour l'emploi, en Espagne.

En France, il existe déjà des guichets uniques dont le bon fonctionnement doit être souligné. En effet, l'actuelle réforme parachève le mouvement de constitution d'un service public de l'emploi, engagé en mai 2006 par une convention tripartite entre l'État, l'ANPE et l'UNEDIC.

Je voudrais donc savoir, madame le ministre, comment vous envisagez la façon dont les maisons de l'emploi pourraient s'intégrer localement dans l'opération de fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.

En ce qui concerne le statut des agents, notre groupe se réjouit qu'il soit respecté par le projet de loi. Une période transitoire est prévue. Les agents de l'ANPE auront un droit d'option entre leur statut actuel et la nouvelle convention collective. Quant aux agents de l'UNEDIC et des ASSEDIC, ils conserveront leur convention actuelle jusqu'à ce que la nouvelle convention ait pu être négociée.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à ce que la réforme n'entraîne pas de réduction d'effectifs - certains l'ont craint - et à ce qu'aucune mobilité géographique ne soit imposée.

J'aimerais également que vous me disiez, madame le ministre, ce qui est prévu pour former les agents qui devront, notamment, être de plus en plus compétents et proches de la personne qui cherche un emploi.

La réforme du service public de l'emploi est une étape. Le Président de la République ouvre, en effet, un vaste chantier de lutte contre le chômage et de promotion de la réinsertion. À cet égard, notre groupe se réjouit tout particulièrement que se tienne prochainement, dans le cadre des travaux de la Haute Assemblée, un débat portant sur le Grenelle de l'insertion.

Je rappelle que les derniers chiffres du chômage - on nous a toujours beaucoup critiqués sur ce sujet - montrent que la politique du Gouvernement commence à porter ses fruits. En effet, pour la première fois depuis 1982, le nombre des chômeurs est passé sous la barre des 2 millions de personnes. Sur les quatre derniers trimestres, 312 000 emplois ont été créés dans l'ensemble de l'économie. La baisse du chômage touche toutes les catégories, notamment les jeunes, les seniors et les chômeurs de longue durée.

Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux : atteindre le plein emploi en cinq ans, ce qui signifie un taux de chômage inférieur à 5 % et un taux d'emploi proche de 70 %.

Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est un texte fondateur qui, accompagné d'autres réformes telles que celles des contrats aidés ou de la formation, redonnera l'espoir à nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale (suite)

6

Nomination d'UN membre d'UNE commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :

- M. Simon Loueckhote membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Serge Vinçon, décédé.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Question préalable

Service public de l'emploi

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de répondre de la manière la plus précise possible à un certain nombre des questions qui ont été évoquées.

Au préalable, comme l'ont fait précédemment un certain nombre d'orateurs, je tiens à remercier très vivement Mme le rapporteur et tous ceux qui ont participé aux travaux de la commission pour la qualité du travail qu'ils ont accompli dans un délai très court. Lorsque nous avons, le 12 décembre dernier, commencé à évoquer ce projet, je ne doutais pas, bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous arriveriez à le mener à bien, mais je suis admirative du résultat. Donc, permettez-moi de féliciter tous ceux d'entre vous qui ont participé à ces travaux, qui plus est à une période où l'on n'a pas forcément la tête à la réforme du service public de l'emploi ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Je voudrais également exprimer ma reconnaissance à M. Gérard Larcher. À l'évidence, le projet que nous examinons est la prolongation du travail dont il nous a tout à l'heure décrit la genèse, qu'il a accompli au cours des trois dernières années, et sans lequel - je le dis clairement -, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Je tiens à le remercier aussi de l'esprit de concertation auquel il m'a vivement invitée et encouragée lorsque, avec mon équipe, j'ai commencé la préparation de ce projet.

Vous m'avez interrogée sur un certain nombre de points techniques, en particulier sur les incidences de la fusion en termes de coût.

Au cours de la discussion, notamment lors de l'examen d'un certain nombre d'amendements, je serai amenée à vous fournir des éléments de réponse plus précis, mais, d'ores et déjà, je répète, comme je l'ai déjà fait tout à l'heure, qu'il n'est pas question, dans le cadre de l'examen de ce texte ni à l'occasion de sa mise en oeuvre, de chercher des réductions d'effectifs ou de coûts. Le projet a exclusivement pour objectif d'améliorer le service rendu à l'ensemble des usagers, des demandeurs d'emploi comme des entreprises.

Il n'a pas été élaboré dans un souci d'économie. Nous savons qu'il engendrera nécessairement des coûts supplémentaires. Les deux statuts collectifs respectifs des personnels des ASSEDIC, d'une part, et de l'ANPE, d'autre part, présentent des avantages divers et, très clairement, la nouvelle convention collective qui régira l'ensemble de l'effectif au terme de la période d'option ainsi que le nouveau personnel affecté à l'établissement qui sera embauché post-fusion engendrera des coûts supplémentaires.

Sur le chiffrage de ces coûts, vous avez pu lire ici ou là, sous la plume de tel ou tel -  madame le rapporteur, je tiens d'ailleurs à rendre hommage à votre travail sur ce point -, que le montant des enveloppes variait selon les estimations, les configurations, l'étude de la pyramide des âges, notamment pour les départs en retraite, et selon les termes de la négociation à laquelle on sera parvenu dans le cadre de l'application de cette nouvelle convention collective. En fonction de ces paramètres, les sommes varient de 350 millions à 500 millions d'euros.

Donc, c'est le coût d'ajustement dont on parle puisqu'on sait, évidemment, que l'ajustement, en général, se pratique par le haut. À cette occasion, je rappelle qu'il y a des avantages dans une convention collective, dans un statut par ailleurs applicable à l'ANPE et que c'est très probablement vers un modèle de convergence que nous obtiendrons peut-être le meilleur de chacun des deux statuts dans le cadre du nouveau texte qui s'appliquera au terme de la négociation.

Vous m'avez interrogée sur le maillage du réseau. En particulier, Mme David m'a demandé combien de sites seraient maintenus.

Aujourd'hui, il existe un peu plus de 1 600 sites et s'il est clair que certains devront être supprimés, simplement pour éviter des doublons, l'objectif que nous visons, c'est, je le répète une fois de plus, un meilleur service au bénéfice des usagers. Nous ne sommes pas dans une logique de réduction des sites et je ne garde pas caché au fond d'un tiroir à Bercy un plan des sites ANPE-ASSEDIC, avec je ne sais quelle arrière-pensée.

M. Guy Fischer. Est-ce bien vrai ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je réaffirme avec force que notre souci est celui du service à l'usager, du maillage du territoire. Nous voulons que, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, l'ensemble des usagers, demandeurs d'emploi et entreprises, aient accès à ce service, et nous allons donc procéder à la mise en place d'un bon réseau.

M. Gérard Larcher parlait tout à l'heure de la rupture moléculaire suivie d'une fusion. Je ne résiste pas à la fusion des particules de la mosaïque (Sourires.) pour former un paysage qui soit un véritable réseau et un maillage efficace pour le service que nous entendons donner.

Certains d'entre vous ont évoqué l'aspect de « stigmatisation », de « culpabilisation » qui résulterait de la réforme que nous entendons entreprendre. Dans l'esprit du Gouvernement, il ne s'agit nullement de cela. L'objet de ce texte est véritablement d'améliorer le service rendu aux usagers, le service de l'emploi, dans le souci d'emmener les demandeurs d'emploi vers le marché du travail et d'attirer les entreprises vers les services fournis par l'ANPE révisée post-fusion, qui portera un nom nouveau ; je m'exprimerai sur ce sujet dans un instant.

Tel est l'esprit dans lequel nous abordons ce projet, et nullement avec le souci de culpabiliser, de stigmatiser. C'est dans une logique de contrat et de partenariat que nous entendons proposer le nouveau service public de l'emploi, étant néanmoins précisé que ceux qui ne souhaiteraient pas entrer dans cette démarche vers l'emploi devront, bien entendu, en tirer toutes les conséquences.

En ce qui concerne le nom de la nouvelle institution, je sais que certains d'entre vous se sont étonnés, voire peut-être offusqués de la position que j'ai exprimée tout à l'heure. Il n'est pas mauvais, pour l'ensemble des membres d'un nouvel être juridique, sur la nature duquel je reviendrai, dans le cadre du développement d'une nouvelle culture, du développement d'une nouvelle offre, d'une nouvelle plateforme, de réfléchir ensemble, sur la base d'un certain nombre de propositions, à ce que sera la nouvelle identité, au nom qui lui sera donné et à l'ensemble des attributs qui lui seront associés. Cette démarche collective permet de constituer une sorte d'« humus culturel » entre ceux qui y participent.

S'agissant de la nature juridique de l'établissement, il ne fait de doute pour personne, en tout cas pour aucun de ceux qui ont participé aux travaux de rédaction de ce projet, que la nouvelle institution sera un établissement public qui remplira un service public de l'emploi. Nous aurons l'occasion d'examiner cette question lors de la discussion des amendements, mais je tenais d'ores et déjà à le préciser.

Enfin, en ce qui concerne les aspects de gestion du changement et de tensions observées au sein des équipes concernées, soit dans les ASSEDIC, soit à l'ANPE, dans les agences locales pour l'emploi, je crois qu'il est inhérent à toute perspective de rapprochement entraînant une fusion de deux opérateurs qui ont pour habitude de travailler séparément de créer une certaine anxiété ; cela est propre à toutes les opérations de fusion.

Votre rôle, en tant que législateurs, et le nôtre, en proposant ce texte, c'est précisément d'essayer de pallier les difficultés, d'anticiper les phénomènes anxiogènes. Il est de proposer un certain nombre de réponses permettant, en se concentrant sur le service à rendre, sur les besoins des usagers, sur l'identité collective nécessaire à la création d'une culture, de parvenir à ce qui est notre objectif, c'est-à-dire un meilleur service public de l'emploi au service des usagers, ainsi que nous allons maintenant en débattre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°65, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi (N° 141, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce nouveau projet de loi, à n'en pas douter, fera le bonheur du MEDEF, des libéraux et de celles et de ceux qui, dans vos rangs, attendent, depuis des années, la fin du dernier monopole d'État encore existant, celui de l'indemnisation des demandeurs d'emplois.

En adoptant ce projet de loi, vous rajouterez une pierre à votre vaste édifice de démantèlement du service public de l'emploi. Et si je dis qu'il s'agit là d'une pierre de plus et non du parachèvement de votre projet, c'est que je mesure justement tout le chemin que vous avez accompli et les dernières étapes qu'il vous reste à franchir pour offrir - « enfin ! », dirais-je - tout le service public de l'emploi au privé en général.

Une dernière étape reste à franchir, celle du désengagement total de l'État. Il ne saurait tarder.

Ce projet de loi n'est qu'un stratagème qui vise à jouer la montre et à habituer progressivement, contre leur gré, les agents de feu le service public de l'emploi et les chômeurs à la mainmise du secteur privé.

Voilà quelle est notre analyse, voilà la direction que vous voulez prendre, à la grande satisfaction de Mme Parisot.

Au cours de ces dernières années, votre majorité a organisé la privatisation « rampante » de la mission de placement, pour aboutir aujourd'hui, si votre projet de loi était adopté, à la création d'une structure unique, totalement privée, chargée à la fois de l'accueil, de l'inscription, du placement, de l'indemnisation, du contrôle et de la sanction.

Demain, comme vous l'avez fait en matière de santé, comme vous voulez le faire en matière de dépendance, nous assisterons à la privatisation totale et complète du placement et de l'indemnisation - bien sûr, cela se fera progressivement, en quatre ou cinq ans peut-être. Il appartiendra aux sociétés privée, aux grands majors de l'intérim comme Adecco ou Manpower, d'organiser le placement des demandeurs d'emploi, en prenant bien soin de respecter les attentes du patronat. Les chômeurs eux-mêmes seront invités, bien entendu, à se plier à des contraintes qu'ils ne connaissaient pas auparavant.

Madame la ministre, vous avez évoqué les craintes suscitées par les transferts de compétences, notamment pour le recouvrement des cotisations qui sera assuré par les URSSAF. Sans empiéter sur la discussion des articles, je dirai que ce transfert est la preuve de la fiscalisation des risques sociaux que nous dénonçons.

Pourquoi devrions-nous débattre ici d'un projet de loi qui n'est qu'une manoeuvre visant à dissimuler un projet plus grave encore et à faire croire aux Français, comme vous l'avez fait avec la sécurité sociale en la privant d'une partie de ses ressources, qu'il n'y a pas d'autres choix possibles qu'une anti-réforme de plus ? C'est la raison pour laquelle je vous demanderai, à la fin de mon intervention, d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. Auparavant, il m'apparaît important de vous apporter, dans les faits, la preuve - ou, tout du moins, des éléments de preuve - de ce que j'ai dénoncé plus haut.

Souvenez-vous de l'adoption de la loi appelée, non sans ironie, loi de programmation « pour la cohésion sociale » ; M. Gérard Larcher, qui a défendu ce projet de loi lorsqu'il était ministre, est présent ce soir. Selon nous, ce texte entamait déjà le monopole du service public de l'emploi, en précisant - nous nous y étions d'ailleurs opposés - que les associations, les sociétés d'intérim et les entreprises privées de placement comme Maatwerk - d'ailleurs fermée depuis - contribuaient au service public de l'emploi. Dès cette époque, à notre sens, vous avez tout simplement fait entrer le loup dans la bergerie, quitte à dire aujourd'hui que les opérateurs ou les composantes du service public de l'emploi sont trop diversifiés, voire trop nombreux.

Dans les départements où la droite est au pouvoir, vous avez fait le choix idéologique d'expérimenter et de recourir régulièrement à ces sociétés de placement. Je ne prendrai qu'un exemple, celui des Hauts-de-Seine, où le président de l'exécutif départemental n'était autre que M. Sarkozy. Alors qu'il ne cachait rien de ses ambitions présidentielles, il affirmait lui-même vouloir faire de ce département un laboratoire d'essai. En fait d'essai, le recours aux sociétés privées de placements est plutôt synonyme d'échec ! Ainsi, pour l'année 2007, la majorité UMP-UDF du conseil général des Hauts-de-Seine a versé 6,8 millions d'euros à une société de placement, Ingeus, pour ne pas la citer. Mais pour quels résultats ? En 2007, à l'issue de la dernière session de formation et de placement, organisée en faveur de vingt jeunes cadres demandeurs d'emplois, seuls quatre d'entre eux ont signé un contrat à durée indéterminée et trois, un contrat à durée déterminée ; les treize autres n'ont rien obtenu. Les contribuables des Hauts-de-Seine auront pourtant déboursé 38 460 euros, pour un résultat, vous en conviendrez, bien mitigé. Tel est le choix idéologique et dogmatique que vous avez fait : privilégier le privé, même inefficace, contre le service public de l'emploi.

Vous qui nous parlez souvent, dans cet hémicycle et dans les médias, de mesures de « bon sens » ou bien de mesures « utiles », vous ne pouvez plus le faire aujourd'hui car, ne vous en déplaise, ce n'est pas le recours à des sociétés de placement qui résoudra le problème du chômage, ni même votre fusion de l'ANPE et des ASSEDIC.

Seule une tout autre politique de l'emploi permettra de diminuer le nombre de demandeurs d'emploi, avec une loi qui reviendrait sur le PARE, sur la privatisation de l'ANPE, sur les trappes à bas salaires, sur les contrats précaires, dont il faudrait que nous discutions. Mais vous ne voulez pas d'une telle loi ! En effet, elle supposerait de revenir sur les exonérations de cotisations sociales octroyées au patronat et d'en finir avec les contrats précaires en renforçant le contrat à durée indéterminée. Mais surtout, elle mettrait un terme à vos politiques libérales, qui ont eu pour seul effet de culpabiliser les sans-emploi, de créer la suspicion, d'exclure un certain nombre d'entre eux des mécanismes de solidarité ou d'aviver l'angoisse des salariés qui comprennent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de plier, sous peine d'être licenciés à leur tour.

Vos politiques instaurent une ambiance délétère pour conditionner les salariés de notre pays, leur apprendre à être toujours plus dociles. Si certains se réjouissent de ce contexte, soyez sûrs que vous les trouverez du côté du patronat ! La réalité d'aujourd'hui, c'est l'explosion de la précarité : il serait intéressant, comme M. le président Mercier le disait tout à l'heure, de voir ce que deviennent réellement les RMIstes qui acceptent un contrat. Pour ma part, je défends l'idée que ces RMIstes en difficulté sont en train de constituer le volant de travailleurs pauvres qui devient une spécificité de notre pays. Le phénomène était connu dans les pays anglo-saxons, mais nous le voyons apparaître en France : nous devrons en discuter, notamment dans le cadre de notre réflexion sur l'évolution de l'exclusion en France.

Votre fusion aggravera ces phénomènes, elle permettra au patronat, déjà très présent dans la gestion de l'UNEDIC, de participer à la gestion de la future institution que vous voulez créer, l'associant cette fois-ci à la gestion du placement. Avec la participation de deux ou de trois de vos ministres - on a même entendu parler du ministre de l'immigration - et celle du MEDEF, la présence des partenaires sociaux sera amoindrie.

Cette situation aura de lourdes conséquences sur les politiques de l'emploi et je ne doute pas que, demain, une fois votre projet adopté, le secteur privé ne manquera pas de faire connaître ses exigences sur le placement, notamment en usant de la notion d'offre valable d'emploi ou OVE. Là encore, madame la ministre, le Gouvernement et le Président de la République satisfont ces exigences à l'avance, lorsqu'ils précisent qu'un salarié ne pourra, sans risque de sanction, refuser plus de deux propositions.

Votre fusion aura-t-elle des effets sur le chômage ? Oui, à n'en pas douter, puisque demain, plus que vous ne le faites déjà aujourd'hui, vous allez radier arbitrairement des demandeurs d'emplois ou les contraindre à accepter n'importe quel travail.

Sans doute le taux de chômage diminuera-t-il sous le double effet des évolutions démographiques et des radiations abusives qui se sont multipliées sous votre majorité. Les récentes déclarations du Président de la République sur le sujet ne manquent pas de sel : il annonce vouloir sanctionner les demandeurs d'emplois qui refuseraient deux offres valables, alors qu'une négociation devrait bientôt s'ouvrir pour permettre aux partenaires sociaux d'établir une définition claire de cette notion !

Mais cette définition existe déjà partiellement, elle est contenue dans une convention de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, et je vous prierai de bien vouloir répondre à ma question, si les éléments déjà contenus dans la convention de l'OIT serviront de point d'ancrage à la négociation. Je souhaiterais également que vous nous garantissiez qu'on n'enregistrera pas de recul sur aucun des éléments de la définition actuelle.

Qu'adviendrait--il de la définition de l'OVE si, demain, les partenaires sociaux ne s'entendaient pas ? On sait que le Gouvernement interviendra, on sait aussi qu'il le fera, comme c'est toujours le cas avec votre majorité, sur les positions défendues par les industriels. Il aurait été plus logique, madame la ministre, d'attendre la fin des négociations sur ce sujet. De même qu'il aurait été plus logique d'attendre pour dessiner la structure nouvelle capable de répondre à une exigence définie en partie sur de nouveaux critères, comme la nouvelle définition de l'OVE. Car, selon le contenu de cette définition, la mission principale des agents, placement ou radiation, sera radicalement modifiée, avec des incidences sur les missions de conseil, d'orientation et d'information en matière de formation.

Mais vous n'en avez cure ! La déclaration d'urgence sur ce texte en est la preuve. Peu importe que l'on crée aujourd'hui une institution alors qu'un élément fondamental, utile à sa mission, n'est pas encore défini, puisque ce qui compte, c'est l'affichage. Cela nous confirme dans l'idée que le texte que vous nous présentez aujourd'hui n'est qu'un trompe-l'oeil. Mais, sur le fond, parviendrez-vous à garantir le plein emploi ? J'en doute car, d'une certaine manière, ce chômage vous est utile.

En effet, d'une part, nous l'avons déjà dit, un chômage résiduel permet aux employeurs de faire pression sur les salariés. Ce phénomène va s'accentuer à l'avenir, même si le Président de la République nous a expliqué que ce que nous avions cru devoir comprendre, à savoir la fin de la durée légale du travail, n'était plus de mise. En renvoyant la définition de la durée légale du travail aux négociations par branches ou, comme le voudrait le patronat, à la négociation individuelle, il ne fait pas de doute que l'employeur choisira le salarié faussement volontaire pour travailler plus.

D'autre part, deux économistes, Franco Modigliani et Lucas Papademos, ont démontré que les mesures conjoncturelles étaient inefficaces pour combattre ce que l'on appelle le « chômage naturel ». C'est dans les années 1970 qu'un des chefs de l'école de pensée néolibérale, l'économiste Milton Friedman, a développé cette thèse et expliqué que le chômage traduit un mauvais fonctionnement du marché du travail. Chaque pays aurait un niveau de chômage normal, habituel, « naturel », reflétant la qualité du marché du travail : certains pays sont caractérisés par une plus grande flexibilité du marché du travail, leur « taux de chômage naturel » est donc plus faible.

En fait, cette analyse est tronquée et l'utilité de ce concept se situe ailleurs, dans la relation entre le taux de chômage et l'inflation. Car ces économistes démontrent, non sans malice, que plus le taux de chômage est faible, plus l'inflation est importante. Puisque vous refusez d'organiser une réforme non libérale d'ampleur de notre économie, il faut donc arbitrer entre chômage et inflation. Les libéraux, dont vous êtes, ont fait le choix d'un chômage compris entre 5 % et 9 %, justement pour limiter une inflation que vos politiques comptables ne sauraient compenser. Demandez par exemple aux retraités si la « généreuse » progression des retraites de 1,1 % suffira à compenser la hausse des prix !

Mes chers collègues, je ne me fais aucune illusion sur le sort que vous réserverez à cette motion tendant à opposer la question préalable. Je vous demande toutefois de l'adopter, pour éviter une fusion qui nous semble inutile et dangereuse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. M. le président Fischer a su deviner quel était l'avis de la commission, qui ne peut être que défavorable. Je ne partage pas son opinion quant au désengagement de l'État qu'il annonce.

Le président Fischer a parlé de choix idéologiques, mais ses propos eux-mêmes sont empreints d'idéologie : il nous parle de mainmise du secteur privé sur l'emploi, de structure privée unique, etc. Personnellement - mais un certain nombre de membres de la commission partagent cet avis -, j'estime que c'est l'efficacité du service rendu aux demandeurs d'emploi qui prime. Peu importe que le statut de l'opérateur soit public ou privé, la question n'est pas là !

Le projet de loi ne comporte aucun risque pour les chômeurs. L'UNEDIC gère déjà actuellement l'assurance chômage avec les partenaires sociaux, et parfois avec des partenaires privés : il n'y a eu aucune déviation. Notre objectif et celui du Gouvernement, au travers de ce texte, est de rapprocher la main-d'oeuvre des emplois disponibles, de faire en sorte que ceux qui ont besoin de trouver un emploi, les plus faibles, les plus démunis de nos concitoyens, ceux d'entre eux qui se trouvent depuis le plus longtemps au chômage puissent, grâce à l'instauration d'un lieu unique destiné à les accueillir, se trouver dans une situation plus favorable à la reprise d'un emploi.

Cette position de la commission n'est, quant à elle, pas idéologique. C'est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Afin de répondre brièvement à M. Fischer, je rappellerai tout d'abord que c'est le gouvernement auquel j'appartiens qui a encouragé les partenaires sociaux à examiner les situations où se créent des trappes à bas salaires, c'est-à-dire ces phénomènes d' « écrasement » et de tassement des salaires dans une zone assez étroite juste au-delà du SMIC.

C'est dans ce cadre que nous avons envisagé, en particulier, la conditionnalité des allégements de charges sociales pour inciter les entreprises à négocier les salaires de manière annuelle, comme elles y sont d'ailleurs tenues par la loi dès lors que des organisations syndicales peuvent être leurs interlocuteurs dans ce dialogue.

Je pense donc que c'est nous faire un mauvais procès que de nous soupçonner de souhaiter le maintien d'un chômage résiduel « utile », au bénéfice des employeurs, que d'imaginer que nous ne nous soucions pas de ceux que vous appelez les « travailleurs pauvres », monsieur Fischer : nous savons que, pour eux, l'important est d'accéder, au-delà du RMI, au RSA et, bien plus encore, à un travail.

C'est dans cet esprit que nous abordons le débat. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 65, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Article 1er

M. le président. Je suis saisi, par M. Godefroy, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle, Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 67, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi (n° 141, 2007-2008) (urgence déclarée).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est juste avant les vacances parlementaires que nous avons appris que ce texte, initialement programmé pour être étudié en première lecture à l'Assemblée nationale à la fin de l'année 2007, avait été transféré au Sénat, non sans précipitation d'ailleurs.

Avant de présenter cette motion tendant au renvoi à la commission, je voudrais souligner que c'est donc une fois de plus pendant les vacances parlementaires, pour l'essentiel, qu'il a fallu entendre les acteurs concernés. Je remercie d'ailleurs Mme le rapporteur d'avoir ouvert ces auditions à l'ensemble des sénateurs de la commission - de manière générale, il me semble toujours préférable de procéder ainsi -, mais en cette période où chacun est soumis à des contraintes, notre participation n'a pas été sans poser de réels problèmes d'organisation.

De même, c'est seulement hier matin que nous avons entendu Mme le rapporteur en commission et examiné ses propositions d'amendements. Quant à la version intégrale de son rapport, nous n'avons pu en prendre connaissance que ce matin, puisqu'elle a été « mise en ligne » hier soir, vers 22 heures 30. Nos amendements ont, pour leur part, été étudiés ce soir même par la commission, à partir de 20 heures 30, après les voeux présidentiels, ce qui, soit dit avec tout le respect que je porte tant au travail de Mme le rapporteur qu'à celui des administrateurs de la commission, que je tiens à saluer ici, ne crée pas les conditions d'un examen attentif et d'un débat approfondi.

Je signale, à ce sujet, que le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Balladur, propose que soit débattu en séance publique le texte tel qu'il est issu des travaux de la commission saisie, c'est-à-dire, essentiellement, le texte initial amendé par le rapporteur. Si cette proposition de réforme doit être retenue à l'occasion de la prochaine réforme institutionnelle, les pratiques actuelles devront changer ; il ne devra plus être possible d'étudier un texte en commission la veille de son examen en séance publique, voire quelques heures seulement avant celui-ci...

Cela étant dit, cette demande de renvoi à la commission est d'autant plus justifiée aux yeux du groupe socialiste que l'urgence a été déclarée dès le dépôt du projet de loi : il n'y aura donc qu'une seule lecture dans chaque assemblée avant la commission mixte paritaire et l'adoption définitive du texte.

Il en est d'ailleurs ainsi pour la plupart des textes devant être examinés par le Parlement au mois de janvier. Outre celui qui nous occupe aujourd'hui, je pense notamment aux projets de loi relatifs aux organismes génétiquement modifiés, d'une part, et au pouvoir d'achat, d'autre part.

Le texte relatif aux OGM a été de façon encore plus urgente retiré du circuit, et il reviendra au ministre concerné de s'en expliquer. Reste le projet de loi relatif au pouvoir d'achat, le seul texte pour lequel le recours à la procédure d'urgence pourrait être justifié, du fait de la dégradation des conditions de vie de nos concitoyens. Malheureusement, ce ne sont pas les mesures préconisées par le Gouvernement qui permettront d'apporter une réponse efficace ; nous en débattrons le 23 janvier prochain.

Si je m'exprime ainsi, c'est en référence à l'aveu d'incapacité du Président de la République qui, lors de sa conférence de presse d'hier matin, s'interrogeait en ces termes : « Qu'est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ? » Il confirmait, par là même, des propos tenus naguère par son Premier ministre. Soit dit en passant, la majorité actuelle exerce le pouvoir depuis six ans.

Le Président de la République a poursuivi en demandant si l'on attendait de lui qu'il donne des ordres à des entreprises à qui il n'a pas d'ordres à donner. Cependant, vous et vos amis ne vous privez pas, madame la ministre, de donner des conseils péremptoires aux salariés. Enfin, si j'en crois la presse, il a posé la question suivante : « Vous croyez que le seul boulot d'un Président, c'est d'augmenter le SMIC ? » Il nous semble pourtant que cela relève de la responsabilité du gouvernement qu'il dirige de fait.

Le recours généralisé à l'urgence n'est pas respectueux de nos assemblées et encore moins des citoyens que nous représentons. En matière de réformes sociales, je ne pense pas que le recours à la déclaration d'urgence soit la meilleure voie. M. Raffarin a très justement dit un jour : « On ne réforme pas en klaxonnant. » Aujourd'hui, mes chers collègues, c'est toutes sirènes hurlantes que l'on prétend réformer, l'effet d'annonce tenant bien souvent lieu de raisonnement !

À cet égard, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, pour rappeler que le volontarisme, aussi affirmé soit-il, ne suffit pas à résoudre un problème, et que la précipitation est souvent mauvaise conseillère. Je crois, madame la ministre, que vous devriez, comme certains de vos collègues du Gouvernement, tirer les leçons des mois passés, qui nous ont montré qu'à vouloir fabriquer des lois dans la hâte, on se trouve parfois obligé de les « détricoter » tout aussi rapidement, qu'à vouloir aller vite, trop vite, on fait parfois des erreurs d'appréciation, erreurs que nous laissons bien évidemment au Président de la République le soin d'évaluer !

Nous ne comprenons pas cette précipitation, moins de dix-huit mois après le vote de la loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, texte que M. Larcher, ici présent, avait défendu avec beaucoup d'énergie et dont nous avions longuement débattu.

Il ne faut pas oublier que de nombreuses évolutions sont déjà intervenues dans ce domaine sous la dernière législature, qu'il s'agisse du contrôle accru des chômeurs et de l'aggravation des sanctions, de l'intervention d'agences de placement privées ou de la création des maisons de l'emploi, et que de nombreux rapprochements ont déjà eu lieu entre l'ANPE et les ASSEDIC, notamment grâce à la mise en place du dossier unique du demandeur d'emploi, à l'installation de 220 guichets uniques auxquels l'inscription peut être réalisée par un conseiller de l'ANPE ou des ASSEDIC, ainsi qu'à la création d'un groupement d'intérêt économique pour intégrer les services informatiques.

Sans qu'il soit besoin de procéder à une fusion juridique, le rapprochement opérationnel de l'ANPE et des ASSEDIC est donc déjà aujourd'hui une réalité en marche. Nous ne contestons d'ailleurs pas cette volonté de mettre en place des guichets uniques, c'est-à-dire des lieux d'accueil dans lesquels les demandeurs d'emploi peuvent effectuer l'ensemble des démarches relatives à leur recherche d'emploi, à leur formation, à leur indemnisation, etc.

Cela étant, madame la ministre, il n'y a pas d'urgence à voter ce texte avant la fin du mois de janvier. Que je sache, la nouvelle institution que vous entendez créer ne doit pas être mise en place de façon impérative le 1er mars prochain.

En revanche, il est nécessaire d'approfondir le contenu du texte. À cet effet, nous demandons le renvoi de ce dernier à la commission, car il apparaît que le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est largement inabouti.

La concertation préalable a bien eu lieu, certes, mais l'unique consultation du comité supérieur de l'emploi n'a pas permis de résoudre toutes les questions techniques induites par la fusion envisagée entre l'ANPE et les ASSEDIC. Toutes les organisations syndicales ont fait état devant nous du « calendrier abominable » qui leur a été imposé ; bien que n'ayant pas demandé la fusion, elles ont joué le jeu de la concertation, mais force est de constater que leur inquiétude ne fait que croître, eu égard au manque de réponses concrètes à leurs préoccupations.

Cette fusion n'est pas aussi simplificatrice que vous le dites, madame la ministre. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales, qui a été chargée de recenser les questions techniques liées au projet de fusion. Cependant, elle doit remettre ses conclusions à la fin du mois de janvier, c'est-à-dire après l'adoption du présent texte par le Parlement. Il me semble pourtant que les conclusions de ce rapport seraient très utiles au Parlement pour apprécier plus justement les incidences et les implications de la réforme.

Une autre proposition du comité présidé par M. Balladur vise d'ailleurs à imposer la réalisation d'études d'impact préalablement au dépôt des projets de loi, préconisation que, pour l'heure, le Gouvernement ne suit pas.

Or il me semble que certains sujets, tel celui qui nous occupe aujourd'hui, se prêtent particulièrement bien à une telle démarche : il s'agit tout de même de modifier des institutions qui emploient plus de 40 000 salariés et qui reçoivent chaque année plusieurs millions de personnes à la recherche d'un emploi. La véritable question que nous devons nous poser en abordant l'examen de ce texte, c'est de savoir s'il va contribuer à améliorer la situation des demandeurs d'emploi. En quoi est-il une pièce importante du dispositif de transformation de la politique sociale ? En résumé, quelle est la « plus-value » qu'il apporte par rapport au système actuel ? Nous l'ignorons, et nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sur ce point pour l'instant.

Quant aux questions ayant trait au personnel, nous ne pouvons pas nous contenter de vos déclarations, madame la ministre. Vous êtes de bonne volonté, mais elles demeurent imprécises. « On prendra le meilleur des deux statuts », dites-vous. Or les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré à quel point les particularités des deux statuts ne pouvaient être « mixées » simplement, qu'il s'agisse des salaires et des autres éléments de rémunération, de la protection sociale, des retraites, des oeuvres sociales ou encore des règles de représentation du personnel. Ce sont autant de sujets qui méritent d'être approfondis avant le vote du texte, ne serait-ce que pour apaiser les inquiétudes des agents des deux institutions, qui ont encore manifesté hier devant le Sénat. Il me semble qu'une telle fusion, si elle doit intervenir, aurait dû être précédée, pour le moins, de l'information du Parlement sur tous ces éléments.

En outre, une mission d'évaluation, conduite par notre collègue député Jean-Paul Anciaux, président de la Commission nationale de labellisation des maisons de l'emploi, devrait rendre son rapport définitif au mois d'avril. Or les conclusions de ce rapport nous seraient elles aussi très utiles pour nous déterminer, tant vos propos sur l'avenir des maisons de l'emploi nourrissent nos inquiétudes.

En effet, un an et demi après leur lancement, ces maisons de l'emploi ne sont apparemment plus une priorité pour le Gouvernement ; vous vous êtes d'ailleurs prononcée pour le gel de leur mise en place. Voyant fonctionner une maison de l'emploi et de la formation dans la communauté urbaine de Cherbourg depuis une dizaine d'années - nous avons innové en la matière -, je ne puis que m'étonner d'une telle attitude, l'utilité et l'efficacité de ces structures n'étant plus à démontrer. Les collectivités territoriales sont d'autant plus inquiètes qu'elles sont écartées de l'économie globale du projet de loi, alors que leur rôle en matière d'emploi, d'insertion, de formation professionnelle et de développement économique est de plus en plus important. Madame la ministre, pourquoi les collectivités locales sont-elles ignorées par le texte ? Qu'est-ce que cela signifie ?

D'autres incertitudes auraient également mérité d'être levées avant l'examen du présent projet de loi au Parlement, pour que l'on y voie plus clair dans cette fusion. En effet, la convention tripartite ANPE-UNEDIC-État n'étant pas allée à son terme et les négociations sur la modernisation de l'emploi étant tout juste engagées, les objectifs et l'organisation de l'opérateur unique ne sont pas encore, bien évidemment, tout à fait définis.

Ainsi, la précipitation avec laquelle vous voulez faire adopter ce texte vous oblige à prévoir une instance provisoire chargée de préparer la mise en place de la nouvelle institution : d'ailleurs, si son nom n'est toujours pas connu, il semble que celui de son futur directeur le soit déjà, si l'on en croit de nombreux bruits. Pourtant, il devrait revenir au conseil d'administration de l'institution, à mon sens, de proposer son candidat au poste de directeur général.

Il nous semble surtout qu'il eût été préférable de se mettre d'accord sur le contenu avant la mise en place de l'outil. Certes, on parle de guichet unique pour accueillir les demandeurs d'emploi, mais, dans ce texte, rien n'est précisé sur le type d'accueil qui devrait être mis en place pour des publics très divers. Vous avez seulement indiqué que l'objectif était de parvenir à un ratio de un référent pour trente demandeurs d'emploi issus des catégories les plus éloignées de l'emploi, chiffre auxquels les personnels concernés ne croient absolument pas, sauf à créer des milliers de postes, ce qui n'est certainement pas dans vos intentions.

Il n'y a rien non plus, dans le projet de loi, sur les actions à conduire, notamment en matière de formation : l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, est la grande oubliée du texte.

Le projet de loi n'est guère plus explicite sur l'organisation au sein des territoires : la déclinaison régionale de la nouvelle institution est des plus floues.

Or ce sont là des paramètres importants pour s'assurer de la réussite de cette réforme et de ses conséquences positives sur l'emploi.

D'autres dossiers auront également un impact sur la politique du futur organisme, notamment les négociations entre l'État et les partenaires sociaux relatives au contrat de travail, à la sécurisation des parcours professionnels, à l'indemnisation du chômage et à la réforme de la formation professionnelle continue, ou bien encore le « Grenelle de l'insertion ». Tous ces sujets auront des répercussions sur les missions et sur le travail des agents de la future institution.

Pour l'instant, ce texte n'est qu'une opération de communication qui permettra bien évidemment à l'exécutif, dans une période sensible, de déclarer qu'il a accompli la réforme du service public de l'emploi, alors que nous en sommes en fait très loin.

Ce n'est pas une réforme institutionnelle qui permettra de faire baisser le chômage, comme le Gouvernement tente de s'en convaincre, ou qui pourra remplacer la mise en oeuvre d'une politique économique à même de susciter la croissance et des créations d'emplois. Les Français en font l'amère expérience. Dans un contexte plus que morose, la politique à sens unique du Gouvernement montre ses limites. Les sondages qui reflètent les désillusions de nos concitoyens devraient vous inciter à changer de cap, madame la ministre. Malheureusement, je crains qu'il n'en soit rien, particulièrement après avoir entendu les propos tenus hier matin par le Président de la République.

Nous craignons que la vision gouvernementale de la fusion ne soit en fait le moyen de réaliser de nouvelles économies sur le dos des agents et des demandeurs d'emploi. Ces craintes ont été renforcées après l'annonce par le Président de la République de la prochaine mise en place de sanctions à l'encontre des demandeurs d'emploi qui refuseraient deux offres d'emploi « acceptables ».

Madame la ministre, pourriez-vous définir très clairement la différence entre une offre « valable », concept connu depuis 1934, et une offre « acceptable », nouvelle notion présidentielle ?

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de renvoyer ce texte à la commission. Il est véritablement nécessaire d'approfondir notre travail et d'explorer toutes les dimensions de la réforme proposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mes chers collègues, je ne peux pas nier que nous avons travaillé dans des délais extrêmement courts. Un hommage mérité a été rendu au travail que nous avons effectué ensemble en commission. Je tiens d'ailleurs à remercier, outre Mme la ministre, tous mes collègues de la commission, notamment M. Godefroy et Mme Demontès, car nous avons les uns set les autres dû sacrifier une semaine que nous passons habituellement en famille avec nos enfants.

L'ambiance est, certes, excellente en commission, mais ce n'est certainement pas une raison suffisante pour que nous nous réunissions de nouveau ! (Sourires.)

Toujours est-il, mes chers collègues, que le renvoi à la commission ne me paraît pas nécessaire.

Ce texte devant initialement être déposé à l'Assemblée nationale, j'avais pensé disposer de beaucoup plus de temps, mais cela ne nous a pas empêchés de mener seize auditions, qui ont été ouvertes à tous nos collègues. Je pense notamment aux auditions respectives de Mme la ministre, de la présidente et du directeur général de l'UNEDIC et de celui de l'ANPE. Nous avons même eu le temps de recevoir hier une délégation des manifestants qui s'étaient rassemblés devant le Palais du Luxembourg.

Nous, sénateurs, pouvons au contraire être fiers d'être saisis une nouvelle fois en premier d'un texte important, comme cela a déjà été le cas avec la loi sur le dialogue social et la continuité des services publics dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat. Je suis persuadée que, à l'issue des travaux que nous allons mener, nous aurons enrichi ce texte, comme nous le faisons toujours. Ce n'est peut-être pas très gentil pour mes collègues de l'Assemblée nationale, mais, comme je suis fort satisfaite du travail que nous avons effectué ensemble, je préfère que le texte ait été examiné par le Sénat avant l'Assemblée nationale, même au bénéfice de l'urgence.

J'émets donc un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émettra bien évidemment un avis défavorable en reprenant à son compte une partie des arguments de Mme le rapporteur.

Je l'ai souligné tout à l'heure, le travail a été mené dans des conditions de célérité et de diligence absolument remarquables permettant l'audition de toutes les parties concernées. Je réitère l'hommage que je vous ai rendu précédemment, si besoin en était.

Je voudrais cependant répondre à quelques points soulevés par M. Godefroy concernant le rythme de la discussion de ce projet de loi et l'urgence déclarée.

Monsieur Godefroy, nous croyons, nous, qu'il y a urgence tout simplement parce que les chômeurs n'attendent pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons engagé ce travail de concertation et de réflexion depuis le début du mois de juillet avec toutes les instances représentatives. J'ai reçu toutes les organisations syndicales et patronales à de multiples reprises pour écouter leurs points de vue afin d'avancer dans la concertation.

Il faut maintenant donner un sens à l'ensemble de ce travail en cours depuis donc depuis plus de six mois. Certains d'entre vous l'ont évoqué : une inquiétude s'est exprimée au sein des équipes tout simplement parce que ce sujet est discuté depuis longtemps au sein de l'ANPE et des ASSEDIC.

Dès que la loi aura été votée, et au terme du travail technique de grande qualité réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales, qui nous permet d'anticiper sur quels points, dans quels domaines, et sur quels secteurs il va falloir travailler en priorité, il sera temps pour l'instance de préfiguration de mettre en oeuvre des réformes qui ne peuvent pas être anticipées.

Mettre en place les nouvelles instances représentatives du personnel ou négocier la nouvelle convention collective ne peut se faire en amont ; ce travail doit être mené en aval, une fois le texte voté. Pour ces raisons, je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous poursuiviez sans plus attendre l'examen de ce texte.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 67, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code du travail est ainsi modifiée :

1° L'article L. 311-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « l'Agence nationale pour l'emploi » sont remplacés par les mots : « l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 » et les mots : « les organismes de l'assurance chômage mentionnés à l'article L. 351-21 dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont propres » sont remplacés par les mots : « l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionnée à l'article L. 351-21 dans le cadre des dispositions légales qui lui sont propres » ;

b) Les huit derniers alinéas sont supprimés ;

2° Après l'article L. 311-1, sont insérés deux articles L. 311-1-1 et L. 311-1-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 311-1-1. - Le Conseil national de l'emploi est présidé par le ministre chargé de l'emploi et comprend des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, des collectivités territoriales, des administrations intéressées, des principaux opérateurs du service public de l'emploi, notamment l'institution mentionnée à l'article L. 311-7, l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionnée à l'article L. 351-21 et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, et des personnalités qualifiées.

« Le Conseil national de l'emploi concourt à la définition des orientations stratégiques des politiques de l'emploi. Il veille à la mise en cohérence des actions des différentes institutions et organismes mentionnés à l'article L. 311-1 et à l'évaluation des actions engagées.

« À cette fin, il émet un avis :

« 1° Sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs à l'emploi ;

« 2° Sur le projet de convention pluriannuelle d'objectifs et de gestion définie à l'article L. 311-1-2 ;

« 3° Sur l'agrément de l'accord d'assurance chômage mentionné à l'article L. 351-8, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° Sur l'adaptation et la cohérence des systèmes d'information du service public de l'emploi.

« Art. L. 311-1-2 - Une convention pluriannuelle conclue entre l'État, l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionnée à l'article L. 351-21 et l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 définit les objectifs assignés à celle-ci au regard de la situation de l'emploi et au vu des moyens prévisionnels qui lui sont alloués par l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage et l'État.

« Elle précise notamment :

« 1° Les personnes devant bénéficier prioritairement des interventions de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 ;

« 2° Les objectifs d'amélioration des services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises ;

« 3° L'évolution de l'organisation territoriale de l'institution ;

« 4° Les conditions de recours aux organismes privés exerçant une activité de placement mentionnés à l'article L. 311-1 ;

« 5° Les conditions dans lesquelles les actions de l'institution sont évaluées, à partir d'indicateurs de performance qu'elle définit.

« Un comité de suivi veille à l'application de la convention et en évalue la mise en oeuvre.

« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article et de l'article L. 311-1-1. »

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous vous proposons la suppression de l'article 1er, qui tend à créer la nouvelle instance demain chargée de l'emploi dans notre pays. C'est avec un certain cynisme que vous nous avez présenté un projet de loi intitulé « Réforme du service public de l'emploi ». Mais je dois vous avouer que, même en cherchant bien, même avec toute la bonne volonté que peut inspirer le passage à la nouvelle année (Sourires.), je ne trouve rien dans ce texte qui réforme le service public de l'emploi ou qui contribue à la création d'emplois nouveaux, stables et justement rémunérés, rien qui permette à un salarié privé d'emploi d'organiser son retour à un emploi équivalent à celui qu'il a perdu.

Je trouve au contraire bien des éléments qui limitent et restreignent ce service public de l'emploi, en un mot qui le privatisent.

Je comprends bien qu'il aurait été plus délicat pour votre gouvernement, mais pourtant plus juste, de nous présenter un projet de loi intitulé « Privatisation du service public de l'emploi ». Ce texte n'est en effet que la continuité des politiques déjà mises en oeuvre de casse du service public de l'emploi, comme d'ailleurs de l'ensemble des services publics.

Remarquez bien qu'il aura fallu peu de temps pour que les propositions gouvernementales viennent contredire l'intitulé du projet de loi.

Tout, en effet, est compris dans cet article 1er.

Il y a la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Autrement dit, pour la première fois, ce sera la même « institution », puisque vous la nommez ainsi, qui aura la charge tout à la fois de l'indemnisation des demandeurs d'emploi en raison de la perte de leur emploi, et de leur placement.

Plus grave encore, ce sera la même institution qui contrôlera et sanctionnera les demandeurs d'emploi. Il y aura fusion entre le prescripteur, le payeur et le contrôleur. Vous demanderez au même agent de jouer tous les rôles, ce qui fait reposer sur lui seul des charges qu'il faudrait, par nature, répartir afin d'éviter, comme le dit l'adage, qu'il ne soit juge et partie. Telle était d'ailleurs la volonté des législateurs passés, qui étaient, de mon point de vue, bien mieux inspirés.

Ce n'est donc pas une réforme, mais c'est bien plutôt, permettez-moi l'expression, une reculade.

Ce n'est pas non plus une rupture avec les politiques récentes des gouvernements précédents, la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC ayant déjà été bien avancée sous le gouvernement de M. de Villepin.

Madame la ministre, vous dites dans la presse que cette fusion sera bénéfique aux demandeurs d'emploi, pour qui les démarches seront simplifiées. Vous venez d'ailleurs de nous le répéter à l'instant.

Avant toute chose, je souhaiterais vous dire que nous ne sommes pas opposés à des rapprochements opérationnels entre les agents de l'ANPE et des ASSEDIC dès lors que de tels rapprochements sont élaborés en amont et avec les partenaires sociaux.

Mais tel n'est pas le cas dans ce projet de loi. L'un de ses objectifs n'est ni plus ni moins que la réalisation d'économies sur le dos des demandeurs d'emploi, comme l'attestent les articles suivants.

Madame la ministre, si vous souhaitiez réellement faciliter les démarches des demandeurs d'emploi, vous auriez dû, à la place de cette fusion imposée, permettre au contraire la multiplication de lieux où les deux entités pourraient siéger dans le respect de leurs missions et en toute indépendance, afin de les rapprocher des demandeurs d'emploi.

Vous auriez mis fin à la règle actuelle qui veut qu'un demandeur d'emploi ne peut être reçu s'il n'a pas précédemment obtenu un rendez-vous. Vous auriez mis un terme aux procédures de radiation excessives pour non-présentation à une convocation, alors même que l'agence locale ne peut faire la preuve de la réception de la convocation. Vous auriez également supprimé le double contrôle des ASSEDIC et de la direction départementale, et vous auriez chargé les agents de cette nouvelle institution d'une véritable mission d'accompagnement du salarié privé d'emploi, telle qu'était la mission initiale de l'Agence, créée en 1967 pour faire face à la massification du chômage.

Il est donc clair que les objectifs annoncés ne sont pas ceux qui sont fixés. C'est la justification de cet amendement de suppression de l'article 1er.

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (a du 1°) de cet article, remplacer les mots :

institution mentionnée

par les mots :

établissement public national doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière mentionné

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre amendement propose de donner une qualification précise à ce qui va naître de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC et que le projet de loi appelle « institution ».

Jusqu'à présent, nous pensions que le terme « institution » était réservé aux institutions de la République, telles que décrites dans la Constitution. Apparemment, le mot semble promis à une nouvelle fortune, puisqu'il désignerait une « chose », permettez-nous de la nommer ainsi pour le moment, issue de la fusion d'une association et d'un établissement public.

En réalité, ce choix d'un mot innovant dans ce domaine, n'est pas anodin. Il vise à contourner une explication claire sur la nature exacte de cette institution.

Juridiquement, c'est le mariage de la carpe et du lapin, avec tous les problèmes que cela pose. Mais, s'il s'agit, comme vous le prétendez, de la réforme du service public de l'emploi, pourquoi ne pas qualifier l'organisme créé d'établissement public ? Cela n'empêcherait pas celui-ci d'être chargé d'une mission de service public. C'est même la règle qui prévaut.

Cette ambiguïté, que l'on retrouve tout au long des divers aspects de ce projet de loi, ne laisse pas d'être inquiétante pour l'avenir, et ce d'autant plus que rien dans le texte n'indique que cette institution aura un rôle primordial, prioritaire, dans une éventuelle politique de l'emploi. Elle ne sera, selon la rédaction du futur article L. 311-7, qu'une « institution », ce qui sous-entend clairement qu'il y en aura d'autres, que ce soit des entreprises privées de placement, des entreprises d'intérim, et bien au-delà de ce que nous connaissons déjà.

Mais que va-t-il se passer dans la durée ? Comment cette structure va-t-elle évoluer face aux opérateurs privés auxquels il est expressément prévu qu'elle ait recours ? Comment vont être traités les publics de demandeurs d'emploi ? Cette institution ne risque-t-elle pas de se voir confier les publics les plus éloignés de l'emploi, alors que d'autres organismes géreront les autres ?

Mais il n'y a pas que le placement ; il y a aussi le contrôle. Nous avons vu récemment comment le Gouvernement envisageait de régler le contrôle des arrêts maladie des salariés.

La dernière loi de financement de la sécurité sociale a prévu que des médecins mandatés et payés par l'employeur pourront adresser leurs conclusions sur un patient en arrêt maladie au médecin contrôleur de la sécurité sociale, qui, selon les caisses pour le moment, devra s'y conformer sans autre formalité.

Déjà, en matière d'emploi, les officines de placement privées avec lesquelles l'ANPE a contracté expliquent à des demandeurs d'emploi en difficulté qu'ils doivent accepter l'emploi proposé sous peine de suspension de l'allocation. Nous sommes dans le même schéma.

Il vous suffira d'inscrire dans un prochain texte que la décision de suspension du versement du revenu de remplacement ne fait pas l'objet d'une contre-expertise, mais est prise sur proposition de l'agent de contrôle, quel que soit le statut de son organisme, et le tour sera joué !

Le secteur privé aurait la haute main sur l'ensemble de la protection sociale.

Nous souhaitons donc que le choix soit clairement fait dès à présent de créer un établissement public national qui gère l'ensemble des actes de placement, d'indemnisation et de contrôle, dans le cadre d'un service public de l'emploi et au service d'une politique nationale de l'emploi.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 311-1-1 dans le code du travail :

« Le Conseil national de l'emploi est présidé par le ministre chargé de l'emploi et comprend des représentants des organisations syndicales de salariés, des organisations professionnelles d'employeurs, des représentants du ministère du travail, des collectivités territoriales, des administrations intéressées, des représentants des institutions mentionnées à l'article L. 311-7, l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionnée à l'article L. 351-21, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et des représentants des missions locales, et, - titre consultatif, des représentants des organisations de demandeurs d'emplois

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans le cadre de la « réorganisation », ou plutôt de la casse du service public de l'emploi, vous substituez au Conseil supérieur de l'emploi un conseil national de l'emploi - un CNE ! -, qui reçoit déjà des partenaires sociaux le même accueil qu'un autre CNE. Souvenez-vous-en !

Vous voulez faire de cette instance un lieu de définition des orientations stratégiques des politiques de l'emploi, qui veillerait « à la mise en cohérence des actions des différentes institutions » et - c'est à la mode ! - « à l'évaluation des actions engagées ».

Pour notre part, nous sommes dubitatifs sur le fait de demander aux partenaires sociaux de concourir aux orientations stratégiques des politiques de l'emploi. Cela nous semble relever de la compétence du politique, du Gouvernement pour être précis, plus particulièrement du ministère de M. Xavier Bertrand, officiellement chargé du travail, mais dont la mission est toute théorique, puisque, en matière d'emploi, c'est du côté du MEDEF que vous recherchez votre inspiration !

Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi vous avez déclaré l'urgence sur ce texte puisque ses dispositions étaient déjà bien détaillées dans un livre en partie rédigé par Mme Parisot, dont le titre, Besoin d'air, est à lui seul riche d'enseignements. Il s'agit là d'un parfait petit manifeste de l'économie libérale. On y retrouve presque toutes les mesures actuellement défendues par votre gouvernement, y compris celles que nous examinons aujourd'hui.

Bien que nous soyons opposés à ce CNE, il nous a semblé opportun de déposer un amendement visant à en modifier la composition. Nous souhaitons éviter, notamment, que ne fassent partie du CNE ceux que vous appelez les « principaux opérateurs », car, sous cette appellation, vous dissimulez en fait les sociétés privées de placement et d'intérim, qui, vous le savez tous - en tout cas, les syndicats, eux, le savent ! - sont friandes de dérégulation en matière de politique d'emploi et de casse des droits collectifs. Voilà en partie ce que nous voudrions éviter.

Nous vous proposons également d'intégrer au CNE des organisations représentatives des demandeurs d'emploi afin qu'ils puissent lui faire connaître la réalité de leurs difficultés. Il n'est pas choquant que le public ciblé fasse partie des organes qui lui sont destinés.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-1-1 du code du travail, supprimer les mots :

et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. L'objet du présent amendement est de faire sortir l'AFPA du service public de l'emploi en tant que simple prestataire de services.

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Carle, Gournac et Humbert, Mme Debré, M. Mortemousque, Mmes Dumas et Hermange et M. Girod, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 311-1-1 du code du travail, remplacer les mots :

et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

par les mots :

, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et les organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 311-1

II. - En conséquence, procéder à la même modification dans le texte proposé par le 16° de l'article 11 pour l'article L. 5112-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, en remplaçant la référence à l'article L. 311-1 par une référence à l'article L. 5311-4.

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Mon amendement est explicite : il vise à assurer une meilleure représentativité du futur conseil national de l'emploi, organisme qui sera, madame la ministre, très important puisqu'il regroupera tous les partenaires de l'emploi, au premier rang desquels, bien sûr, ceux de la formation professionnelle. Chacun sait combien la formation est importante en matière d'emploi, le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises.

Parmi ces partenaires figure bien sûr l'AFPA, mais elle n'est pas la seule partenaire en matière de formation professionnelle. Mon amendement vise à réaffirmer la présence de l'AFPA, mais également à y associer les autres partenaires, notamment ceux du « troisième cercle ».

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-1-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans chaque région, un conseil régional de l'emploi est présidé par le préfet de région et comprend des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, des collectivités territoriales, des administrations intéressées, des représentants d'organisations participant au service public local de l'emploi, notamment des maisons de l'emploi, ainsi que le représentant de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7. Il est consulté sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi en région et émet un avis sur la convention prévue à l'article L. 311-7-9.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer un conseil régional de l'emploi dans chaque région, à l'image du conseil national de l'emploi dont le présent projet de loi prévoit la création.

En tant que représentants des collectivités territoriales- les communes, les départements et les régions -, il nous paraît important qu'un tel conseil soit mis en place au niveau régional afin de contribuer à la coordination des différents acteurs du service public de l'emploi, ainsi qu'à la bonne coopération de tous les organismes existants.

Sa composition s'inspire de celle du futur conseil national de l'emploi, mais nous ajoutons des représentants d'autres acteurs locaux, dont les maisons de l'emploi, qui jouent un rôle important sur le terrain. Je précise, car c'est l'une de nos préoccupations, que le conseil régional de l'emploi sera consulté sur l'organisation territoriale de l'emploi dans la région.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 311-1-2 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une loi de programmation pluriannuelle définit les axes de développement du service public de l'emploi.

« Une convention pluriannuelle conclue entre l'État et l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 définit les objectifs assignés à celle-ci au regard de la situation de l'emploi et des moyens prévisionnels qui lui sont alloués par l'État.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement tend à prévoir la création d'une loi de programmation pluriannuelle définissant les axes de développement du service public de l'emploi, ainsi que son financement par l'État.

Je l'ai déjà dit en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, seule une politique ambitieuse en matière d'emploi et de formation sera de nature à faire diminuer considérablement le chômage, ce que nous souhaitons tous, et à favoriser le retour à l'emploi de tous, y compris - et surtout ! -, les publics les plus en difficulté. Je pense aux plus âgés des demandeurs d'emploi, aux chômeurs de longue durée et aux jeunes.

L'institution que vous voulez créer doit trouver sa place dans cette ambitieuse politique, madame la ministre. Elle doit être l'outil intelligent des politiques de l'emploi.

Cela passe inéluctablement par l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle prévoyant le financement et l'organisation de l'institution, outil du service public de l'emploi, ainsi que par une convention pluriannuelle passée entre l'État et la nouvelle institution définissant ses missions et ses objectifs.

« Gouverner, c'est prévoir ».

M. Jean-Claude Carle. C'est vrai ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. S'il est rare que je cite l'auteur de cette phrase, il n'en demeure pas moins que les conséquences économiques des politiques de dérégulation sont connues et que des outils statistiques performants permettent de déterminer, avec exactitude, lorsqu'ils sont utilisés avec honnêteté et sans détournement, les besoins existants comme les besoins à venir.

Naturellement, une loi de programmation pluriannuelle n'est nullement inscrite dans le marbre, et des éléments importants, comme les moyens financiers nécessaires à la réalisation des besoins, doivent être confirmés. Tout au contraire, une telle loi doit fixer des missions au service public de l'emploi, clairement définies lors d'une grande négociation avec les partenaires sociaux, et doit également lui donner les moyens financiers de les remplir.

Il s'agit, au final, de sortir de la logique d'entreprise, de cesser d'imposer aux agents des chiffres impossibles à atteindre en individualisant les objectifs. C'est tout simplement sortir de ce que le Gouvernement appelle fièrement la « culture d'entreprise ». Selon nous, comme selon les personnels qui manifestaient hier devant le Sénat, les demandeurs d'emploi ne doivent pas être considérés comme des marchandises. L'ANPE n'est pas une société de placement comme les autres, c'est un service public de l'emploi.

Le concept de « culture d'entreprise » tant vantée par M. Charpy, l'actuel président de l'ANPE, et par ailleurs, si j'ai bien lu, candidat au poste de directeur général de la nouvelle institution, signifierait en fait « maximisation du service rendu ». Personnellement, je préfère parler de la qualité du service plutôt que de sa « maximisation ».

Il est vrai que, malgré la formidable mobilisation des agents de l'ANPE, le service est encore perfectible. Mais, pour qu'il soit amélioré, il faudrait revenir sur le PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, et sur la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui, à notre sens, éloignent les conseillers de l'ANPE des demandeurs d'emploi en les transformant en simples guichets de conseil et de contrôle. Réunir en une seule personne l'agent de conseil, de placement, de contrôle et de sanction, c'est non pas perfectionner le système, mais le soumettre plus encore à l'arbitraire, tout en imposant à l'agent une pression incessante.

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le septième alinéa (5°) du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 311-1-2 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une annexe à la convention signée par l'association pour la formation professionnelle des adultes détermine les conditions dans lesquelles celle-ci participe aux objectifs de l'établissement public ainsi que les modalités d'évaluation de cette participation.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Notre amendement tend à maintenir l'existant, c'est-à-dire la participation explicite de l'AFPA aux objectifs et aux interventions de la nouvelle institution, comme le prévoit actuellement l'article L. 311-1 du code du travail.

Nous observons d'ailleurs que Mme le rapporteur a exprimé le même regret que nous. En effet, elle a déclaré en commission - cela figure en page 71 de son rapport - qu'il « aurait été souhaitable d'associer l'AFPA à la fusion. »

Mme Christiane Demontès. Qu'à cela ne tienne, votre voeu est exaucé, madame le rapporteur !

Vous n'êtes cependant pas la seule à souhaiter cette intégration.

Jean-Claude Carle et Bernard Seillier proposent dans leur rapport d'intégrer les services d'orientation de l'AFPA dans l'ensemble qui résultera de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.

Il est en effet de simple bon sens qu'une institution qui nous est présentée comme devant rassembler l'ensemble des actions relatives à la gestion de l'emploi ne laisse pas de côté la formation.

Ainsi la convention pluriannuelle devrait-elle, selon l'article 2 du projet de loi, préciser « les objectifs d'amélioration des services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises ».

Le premier service qu'il convient de rendre à un demandeur d'emploi n'est-il pas de lui permettre de retrouver un emploi dans des conditions satisfaisantes ? Le premier service à rendre à une entreprise n'est-il pas de lui envoyer des candidats formés ?

Si le nombre de demandeurs d'emploi doit, pour des raisons démographiques, mécaniquement continuer de diminuer, ceux qui n'auront pas d'emploi devront, de plus en plus, bénéficier d'un soutien et d'une formation accrus. À moins qu'il ne s'agisse, comme nous le craignons, de faire de la nouvelle institution un organisme de placement et de contrôle, au sens le plus restreint, destiné aux publics peu qualifiés ?

Parallèlement, les salariés qualifiés continueraient de bénéficier, comme aujourd'hui, de plus de formation, mais dispensée par des organismes privés et sous le régime du co-investissement.

Les entreprises et l'économie françaises n'ont rien à gagner à une pareille orientation, que l'on déplore depuis longtemps sans jamais avoir la volonté politique de la modifier.

Nous proposons donc de saisir l'occasion que constitue la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC pour intégrer l'AFPA dans le nouveau dispositif et renforcer ses interventions.

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 311-1-2 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans chaque région, le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle, CCREFP, élargi au directeur régional de l'établissement public est consulté sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi dans la région et émet un avis sur la convention prévue à l'article L. 311-7-9.

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Cet amendement vise à améliorer la proposition de Mme le rapporteur, qui souhaite créer un comité régional de l'emploi, en tenant compte de l'existant.

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a instauré à l'échelon régional des comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle, les CCREFP, au sein desquels siègent tous les partenaires au niveau régional. Nous proposons que ces comités de coordination régionaux soient consultés sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi.

Cette instance est co-présidée par le préfet de région et par le président du conseil régional. Elle réunit les représentants des services régionaux de l'État désignés par le préfet de région tels que l'ANPE, la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, la DRTEFP, mais aussi le rectorat, donc l'éducation nationale, la direction régionale de la jeunesse et des sports, des élus régionaux désignés par le président du conseil régional, le président du conseil économique et social régional ou son représentant, ainsi que les représentants des salariés et des employeurs.

Cette instance a pour mission de favoriser la concertation entre les différents acteurs régionaux, afin d'assurer une meilleure coordination des politiques de formation professionnelle et d'emploi.

Au regard des compétences du CCREFP, nous formulons deux propositions. D'une part, le comité doit désormais être consulté sur l'organisation territoriale du service public de l'emploi. D'autre part, il doit pouvoir émettre un avis sur la convention prévue à l'article L. 311-7-9 du code du travail, qui lie l'autorité administrative et le directeur régional de la nouvelle institution. Bien entendu, ces deux volets de l'amendement sont liés.

Dans un strict souci d'efficacité, il nous paraît indispensable qu'une instance comme le CCREFP soit consultée sur l'organisation territoriale du service public, car ces structures ont capitalisé une somme respectable de savoirs, de connaissances et de savoir-faire depuis leur création.

À l'occasion de l'examen des amendements en commission, certains ont argué que, dans certaines régions, les CCREFP ne se réunissaient pas. Mais, dans ce cas, en quoi les conseils régionaux de l'emploi que le présent projet de loi vise à instituer seraient-ils plus susceptibles de se réunir ?

De notre point de vue, les CCREFP possèdent une connaissance fine et concrète de la réalité de l'emploi et de la formation professionnelle, notamment s'agissant d'aspects tels que l'orientation, la formation, la qualification ou l'insertion, celle des jeunes en particulier.

De tels organismes ont également créé des voies spécifiques, au regard du contexte territorial, en matière de maintien et de retour à l'emploi. Je pense notamment à l'élaboration de politiques relatives à la validation des acquis de l'expérience, à leur intégration au sein des politiques d'emploi régionales, à l'animation des réseaux d'information et de conseil, au développement de l'accompagnement, à la lisibilité et à l'efficacité des financements et à la politique de suivi.

Certaines de ces instances se sont investies dans des problématiques touchant à la mobilité professionnelle, à l'anticipation de mutations économiques ou encore au suivi des pôles de compétitivité.

La prise en compte de ces spécificités, de ces acquis et de ces dynamiques nous semble indispensable.

Parce que les principes de concertation et de dialogue social constituent, selon nous, une condition de réussite de la politique de l'emploi, et donc de son organisation territoriale, parce que nous sommes attachés à la dynamique de la construction et à la démarche partagée, il nous semble essentiel de permettre au CCREFP de pouvoir émettre un avis sur la convention prévue par l'article L. 311-7-9, qui déterminera la programmation des interventions de l'institution au regard de la situation locale de l'emploi et du marché du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Nos collègues du groupe CRC, en déposant un amendement de suppression, ont manifesté clairement leur opposition à la création du futur conseil national de l'emploi. Or la commission est, elle, favorable à la mise en place de cette nouvelle institution. C'est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 37.

L'amendement n° 68 s'inscrit dans la même perspective qu'un certain nombre d'amendements tendant à préciser le statut juridique du nouvel organisme institué par l'article 1er. Dans le texte du projet de loi, cette instance est qualifiée d'« institution nationale ».

Certes, il s'agit d'une dénomination plutôt originale, qui ne correspond guère aux catégories juridiques auxquelles nous sommes habitués.

C'est pourquoi la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement, afin de savoir si le statut juridique de conseil national de l'emploi doit être précisé ou si la qualification mentionnée dans le projet de loi est suffisante.

Quoi qu'il en soit, nous aurons encore l'occasion d'aborder cette question lors de l'examen d'un certain nombre d'autres amendements.

L'amendement n° 38 vise à modifier la composition du CNE en y intégrant des représentants d'organisations de chômeurs et en écartant les opérateurs privés, y compris une structure telle que l'Association pour l'emploi des cadres, l'APEC. Pour ma part, je ne vois pas ce qui justifierait une telle ségrégation.

En outre, comme je l'ai déjà évoqué en commission, les associations de chômeurs, que nous avions contactées afin de les auditionner, ne sont pas venues.

Certes, nous n'avons pas pu recevoir tout le monde. D'ailleurs, nous n'avons pas non plus auditionné l'APEC. Mais nous ne pouvons pas intégrer tout le monde au sein du CNE ! Au demeurant, les associations de chômeurs ne sont pas aussi représentatives, me semble-t-il, que les organisations syndicales.

L'amendement n° 31 concerne la place de l'AFPA dans le dispositif.

À cet égard, je vous rappelle que nous disposons d'un très intéressant rapport sénatorial sur la formation professionnelle et que le Président de la République a annoncé qu'un texte serait bientôt déposé sur le sujet.

L'amendement n° 31 a pour objet de faire sortir l'AFPA du service public de l'emploi. Une telle proposition est-elle ou non opportune ? La commission estime qu'il n'est pas souhaitable d'évoquer l'AFPA dans le cadre du présent projet de loi. C'est la raison pour laquelle l'avis est défavorable.

Je répondrai d'ailleurs tout à l'heure à Mme Christiane Demontès sur l'AFPA.

L'amendement n° 88 rectifié tend à élargir la composition du conseil national pour l'emploi en y intégrant les entreprises privées de placement, les agences d'intérim, ainsi que des organismes de formation autres que l'AFPA.

Certes, un certain nombre de structures concourent effectivement au placement des chômeurs, mais soit nous intégrons la totalité de ces instances au sein du CNE, soit nous n'en intégrons aucune. En tout état de cause, et je dis cela en réponse à l'amendement précédent, nous ne pouvons pas y faire figurer un seul organisme à l'exclusion de tous les autres.

Dans l'hypothèse où nous déciderions d'intégrer toutes ces structures au sein du CNE, nous pourrions être favorables à cet amendement. Mais j'ai le sentiment qu'une telle option rendrait ce conseil national difficilement opérationnel.

C'est pourquoi la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

L'amendement n° 39 vise à instaurer une loi pluriannuelle de programmation. Or cela revient, me semble-t-il, à donner une injonction au Gouvernement, ce qui est anticonstitutionnel. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 69, la commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.

En effet, comme Mme Christiane Demontès l'a rappelé, en 2004, le Sénat avait adopté un amendement sur ce thème lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Or une telle disposition ne figure plus dans le présent projet de loi, qui prévoit une convention liant l'État, le nouvel opérateur et l'UNEDIC.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur un détail. Madame Demontès, vous avez mentionné la page 71 du rapport.

Selon le compte rendu de nos travaux de commission, j'aurais déclaré ceci : « Il aurait été souhaitable d'associer l'AFPA ». Je le précise, je parlais d'associer l'AFPA à la réflexion sur le présent projet de loi, et non à la fusion qui est prévue dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle.

M. Guy Fischer. Vous reculez !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je pense que nous aurions effectivement pu auditionner l'AFPA.

En l'occurrence, mes propos ont été quelque peu déformés, mais j'avoue que mon attention a été retenue par bien d'autres choses que le compte rendu des auditions de la commission.

Enfin, j'en viens à l'amendement n° 70 rectifié.

La commission a déposé un amendement tendant à instituer un conseil régional de l'emploi dans chaque région.

Mme Demontès évoque un comité qui, je n'en doute pas, fonctionne bien dans sa région, mais le dispositif qu'elle propose n'est pas compatible avec l'amendement de la commission.

Mme la ministre nous dira tout à l'heure s'il est vrai, comme je l'ai fait valoir en commission, que les CCREFP ne fonctionnent pas nécessairement bien dans toutes les régions.

En tout cas, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour faire court, monsieur le président, je dirai que le Gouvernement est défavorable à l'ensemble des amendements portant sur l'article 1er, à l'exception de l'amendement n° 2, présenté par Mme le rapporteur. Cela étant, cette position globale exige quelques commentaires plus nuancés.

L'amendement n° 37 vise à supprimer l'article 1er. Or le Gouvernement, qui a déposé le projet de loi et qui a proposé la création du CNE, tient à ce dispositif. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 68 vise à donner une qualification juridique à l'établissement créé par l'article 1er.

Mme le rapporteur, vous m'avez interrogée sur ce point et il me paraît effectivement utile de préciser le statut de cette structure.

Toutefois, il serait, me semble-t-il, bien plus opportun de faire figurer cette qualification spécifique, y compris sous la forme d'un amendement - dans ce cas, l'avis du Gouvernement serait favorable -, au sein de l'article 2, qui a vocation à préciser le régime juridique de la nouvelle institution créée.

Nous proposons donc d'évoquer cette question ultérieurement, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 35.

L'amendement n° 38 vise à modifier la composition du conseil national de l'emploi. Or il nous paraît que les intérêts des demandeurs d'emploi sont fort bien défendus par les syndicats représentatifs.

D'ailleurs, lors des différentes consultations que nous avons menées avec les organisations représentatives des salariés, employés ou en recherche d'emploi, ces dernières se sont déclarées disposées à défendre également les intérêts des personnes en situation de chômage.

En outre, comme le projet de loi prévoit que le CNE comprendra également des personnalités qualifiées, il faudra naturellement choisir des acteurs susceptibles d'appréhender les soucis et les préoccupations particuliers des demandeurs d'emploi. Mais je crois que les organisations syndicales sont à même de le faire.

L'amendement n° 31 vise tout simplement à exclure l'AFPA du service public de l'emploi.

Or l'AFPA est un acteur majeur de la formation des demandeurs d'emploi ; elle intervient dans leur orientation, dans l'accompagnement des mutations économiques et dans la certification des compétences et elle exerce des missions de service public.

À ce titre, elle doit conserver toute sa place dans ce que l'on appelle communément le « premier cercle », défini à l'article L. 311-1 du code du travail.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 88 rectifié, je pourrais émettre un avis de sagesse, mais je crois que le futur conseil national de l'emploi devra avant tout privilégier l'efficacité.

Dès lors, il me paraît souhaitable d'en limiter la composition au strict minimum, c'est-à-dire aux organismes les plus efficients, et ce dans le souci de définir les principales politiques de l'emploi.

Aussi, même s'il peut s'agir d'une bonne idée, il ne me paraît pas indispensable qu'un certain nombre d'opérateurs, dont la liste ne serait d'ailleurs pas nécessairement exhaustive, siègent également au sein de l'instance, faute de quoi nous aurions un tour de table qui serait probablement pléthorique, ce qui nuirait à l'efficacité du CNE.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis de sagesse, mais plutôt de « sagesse défavorable » (Sourires), à moins que vous n'acceptiez de retirer l'amendement, monsieur Carle.

L'amendement n° 2, présenté par Mme le rapporteur, vise à la création d'un conseil régional de l'emploi, sur le modèle du CNE, mais décliné dans chaque région.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

C'est véritablement dans un esprit de coopération et en essayant de faire participer les acteurs réellement déterminants pour privilégier une politique de l'emploi efficace que nous avons émis cet avis favorable. Nous souhaitons que l'ensemble des acteurs, ceux qui représentent les collectivités locales mais ceux aussi qui parlent au nom des maisons de l'emploi, puissent siéger au sein de ce conseil régional pour l'emploi.

S'agissant maintenant de l'amendement n° 70 rectifié, le Gouvernement a émis un avis défavorable pour deux raisons.

D'une part, l'amendement n° 70 rectifié est satisfait par l'amendement de la commission et n'aura plus d'objet si celui-ci est adopté. D'autre part, au cours des consultations que le Gouvernement a menées, j'ai pu constater que, si les CCREFP fonctionnaient bien dans certaines régions, cela n'était pas nécessairement le cas sur l'ensemble du territoire, madame Demontès.

En effet, en ne rassemblant pas toujours les élus locaux de manière suffisamment efficace, ces comités ne comprennent pas en leur sein tous les acteurs directement concernés.

Sur l'amendement n° 39, l'avis est défavorable, sans préjudice de la question de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité. Je l'ai rappelé, parmi les cinq principes cardinaux que je souhaite privilégier pour ce projet figure le paritarisme. À ce titre, je souhaite que la convention soit bien l'instrument juridique qui exprime le paritarisme, car c'est dans ce cadre, je crois, que peuvent se mettre en place les meilleures politiques.

L'avis est également défavorable sur l'amendement n° 69. En effet, la convention tripartite porte sur les relations entre ceux que nous regardons comme étant les deux commanditaires principaux, notamment au titre du financement : l'État, d'une part, et l'UNEDIC, d'autre part, qui, en liaison avec le nouvel opérateur, sont les mieux à même de négocier cette convention.

Je ne pense pas que l'AFPA en tant que telle doive être partie à la convention, car elle intervient, dans le cadre de ses missions de service public que je rappelais tout à l'heure, soit pour le compte des régions, soit pour le compte de l'État, soit encore, à l'avenir, pour le compte du nouvel opérateur. L'intégrer dans la convention d'objectifs nationale et pluriannuelle du nouvel opérateur n'aurait donc pas de sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur l'amendement n° 68.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous avons entendu les arguments de Mme la ministre. Nous retirons donc provisoirement cet amendement, pour mieux le présenter à l'article 2 : il pourra ainsi être discuté en même temps que l'amendement de M. Mercier.

M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote sur l'amendement n° 88 rectifié.

M. Jean-Claude Carle. Loin de moi l'idée de faire de la nouvelle institution un « gros machin » pléthorique : la commission que j'ai eu l'honneur de présider a trop souvent dénoncé ces « gros machins » à qui leur trop nombreuse composition ôte toute efficacité pour que je ne partage pas votre crainte, madame la ministre ! Toutefois, ma proposition vise à associer un représentant des acteurs du « troisième cercle », et un seul.

Certes, le projet de loi doit aboutir à un texte-cadre qui définira les missions et l'organisation de cette nouvelle structure et qu'il ne faudrait pas venir polluer par des amendements visant à régler tout, à la virgule près : l'histoire montre que, en pareil cas, on ne règle rien et que, très souvent, le résultat est inapplicable.

Par ailleurs, madame la ministre, nous traiterons très prochainement des problèmes de la formation professionnelle, notamment, d'ici une dizaine de jours, à l'occasion de la discussion d'une question orale que j'ai eu l'honneur d'adresser au Gouvernement et, surtout, dans quelques mois, lors de l'examen d'un texte que vous nous présenterez sur le même sujet.

Dans ces conditions, et pour nous donner un peu de temps, je retire mon amendement. Mais vous connaissez ma pugnacité, madame : je formulerai de nouveau cette proposition dans un cadre plus adapté.

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 70 rectifié n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. J'ai bien compris, monsieur le président, que notre amendement n° 70 rectifié était satisfait, au moins partiellement, du fait de l'adoption de l'amendement n° 2 de la commission. Je ferai cependant observer que le CCREFP a le mérite d'exister : si la simplification consiste à créer une nouvelle instance à l'échelon régional, il faut que l'on m'explique !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Article 2 (début)

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé une Commission nationale d'évaluation de l'emploi, de la formation et de l'insertion. Celle-ci est chargée de l'évaluation de l'ensemble des politiques publiques de formation et d'orientation professionnelles à destination des demandeurs d'emploi.

Elle établit tous les ans un rapport sur l'utilisation des ressources financières affectées à la formation et à l'orientation professionnelles des demandeurs d'emploi indemnisés.

Elle est composée de représentants de l'État et du Parlement et de représentants des organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, des collectivités territoriales, des administrations intéressées, de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail, de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionnée à l'article L. 5424-7 du même code, ainsi que de représentants des organismes spécialisés dans le domaine de la formation et de l'insertion.

Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est de créer une commission nationale d'évaluation de l'emploi, de la formation et de l'insertion.

En effet, conformément au constat établi par la mission sénatoriale d'information sur les dispositifs de formation, des sommes importantes sont consacrées par la nation à la formation professionnelle, mais les résultats de cet effort financier ne font l'objet d'aucune évaluation. Nous proposons donc d'instituer une instance d'évaluation des politiques de formation et d'insertion.

La commission nationale d'évaluation de l'emploi, de la formation et de l'insertion établirait tous les ans un rapport sur l'utilisation des ressources financières affectées à la formation et à l'orientation professionnelles des demandeurs d'emploi indemnisés. Elle serait composée de représentants de l'État, du Parlement, des organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, des collectivités territoriales, de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage, ainsi que de représentants des organismes spécialisés dans les domaines de la formation et de l'insertion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mme Demontès observait tout à l'heure que, avec le conseil régional de l'emploi institué par l'amendement n° 2, nous avions déjà créé un nouvel organe Vous proposez, ma chère collègue, de mettre en place une nouvelle commission nationale : ce serait encore une instance supplémentaire, la troisième dans le seul cadre de cette loi !

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Avis défavorable, monsieur le président, même si je partage pleinement les préoccupations de Mme le sénateur sur la nécessité, en particulier, d'évaluer régulièrement les politiques, que ce soit pour les modifier, pour les supprimer ou, tout simplement, pour les poursuivre et les soutenir. C'est d'ailleurs l'un des cinq principes que j'évoquais dans la discussion générale.

Je voudrais cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, attirer votre attention sur le fait que, au sein du conseil national pour l'emploi, un comité de suivi sera chargé de suivre la mise en oeuvre de la convention tripartite et d'évaluer les résultats de l'opérateur au regard des indicateurs de performance qui seront établis. De plus, à la demande particulière de deux des organisations syndicales représentatives, un comité d'évaluation sera mis en place au sein même de l'opérateur.

Compte tenu de l'existence, d'une part, du comité de suivi et, d'autre part, du comité d'évaluation au sein de l'institution elle-même, je pense, madame, que votre préoccupation, qui me paraît tout à fait légitime, est déjà prise en compte, et il ne me paraît pas utile d'ajouter une troisième instance.

M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 32 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 32 est retiré.

L'amendement n° 71, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 13 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions du premier alinéa, la convention mentionnée au 1° est prorogée de vingt-quatre mois à compter du 31 décembre 2008. »

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Cet amendement est un peu marginal, mais des engagements avaient été pris à son sujet. C'est pourquoi nous le présentons.

L'État a prévu de transférer aux régions les compétences - et les crédits associés - en matière d'organisation et de financement des actions de formation de l'AFPA au plus tard le 1er janvier 2009. Une période transitoire a été organisée jusqu'à cette date pour permettre aux régions d'anticiper ce transfert.

L'amendement n° 71 a pour objet de proroger de vingt-quatre mois les conventions conclues entre le représentant de l'État en région, les régions et l'AFPA, soit les conventions signées dans le cadre de la période transitoire initialement prévue jusqu'au 31 décembre prochain.

Cet amendement a déjà été déposé lors de la discussion de la loi de finances pour 2008. À cette occasion, notre collègue Claude Haut avait fait valoir un certain nombre d'arguments qui, du fait de la pérennisation de la situation, demeurent très largement pertinents.

Ainsi, le contexte juridique dans lequel s'inscriront les relations entre les régions et l'AFPA à l'issue de la période transitoire, qui s'achève le 31 décembre 2008, n'est toujours pas stabilisé puisque, malgré de très nombreuses sollicitations, l'État n'a toujours pas fixé de cadre clair aux régions. Or cela constitue un véritable handicap et une réelle source d'inquiétude pour les collectivités territoriales puisque, pour qu'elles puissent procéder en 2009 à des passations de marchés ou à des délégations de services publics, les délais de consultation auraient dû être clarifiés avant la fin de 2007. La situation est donc fragile, et nombreuses sont les études juridiques qui viennent étayer cette considération.

En outre, des interrogations demeurent quant aux conclusions des travaux de la Commission européenne sur les services d'intérêt général, notamment sur le segment des services sociaux. Si la formation des personnes en difficulté - et elles sont de plus en plus nombreuses - était reconnue comme un SSIG, c'est-à-dire comme un service social d'intérêt général, le cadre juridique serait clarifié à la satisfaction de toutes les parties, régions et AFPA. Aussi, compte tenu des délais nécessaires à cette prise de décision, puis à sa transcription dans le droit français, il nous semble nécessaire de proroger la période transitoire.

S'ajoute à cet argument la situation de l'immobilier de l'AFPA. Nous savons tous que l'État souhaite le céder. Or l'hébergement est considéré comme un élément décisif dans la réussite des parcours de formation et, à ce titre, fait partie intégrante de l'offre de l'AFPA. Aussi, les décisions que prendra l'État sur le devenir de ce patrimoine auront pour l'AFPA des conséquences financières différentes selon que le coût en sera ou non répercuté. Bien évidemment, cela aura des incidences immédiates sur les coûts de formation, donc sur la position concurrentielle de l'AFPA.

Le sujet est complexe, j'en conviens. En particulier, la situation de chaque centre de l'AFPA devra faire l'objet d'un examen minutieux, ce qui renforce encore la nécessité de proroger la période de transition de deux ans.

Enfin, certains pourraient s'interroger sur les effets financiers d'une telle prorogation. Il apparaît qu'ils seront nuls pour les régions ayant signé une convention de transfert de l'AFPA, soient toutes, à l'exception de la Lorraine et de la Corse. En effet, les sommes correspondant à la commande publique de l'AFPA ont été « débasées » - puisque tel est le terme technique ! - du budget de l'État à la date de signature des conventions transitoires, les montants transférés aux régions étant financés par une fraction de la TIPP. Le mode de financement par la TIPP sera identique après le transfert.

Reste le cas de la Corse et la Lorraine, qui n'ont pas conventionné : elles auraient de toute façon été automatiquement débasées au 1er janvier 2009, date à laquelle les recettes correspondantes de TIPP leur auraient été transférées. Ainsi, dans le cadre d'une prorogation de la période transitoire, et au cas où elles ne souhaiteraient pas conventionner avec l'AFPA, ces deux régions pourraient être maintenues dans le budget « formation » de l'État pour deux années supplémentaires.

Lors du débat sur la loi de finances, M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a considéré que ce sujet ne relevait pas d'un projet de loi de finances et qu'il serait préférable de l'aborder à l'occasion de l'examen d'un texte ultérieur. Il ajoutait que le Gouvernement envisageait « de procéder à un report d'un an » et qu'il étudierait, « au cours de l'année 2008 », les possibilités de prendre des mesures allant dans le sens que nous souhaitions. Je crois savoir que cet engagement a été confirmé à l'occasion d'un rendez-vous entre le président de l'Association des régions de France et un responsable du cabinet de Mme Lagarde.

Les conditions idoines de temps et de cadre législatif nous paraissent réunies pour évoquer cette question. Nous vous proposons donc de proroger de deux ans la période transitoire. Nous parviendrons ainsi à stabiliser et à sécuriser juridiquement les relations que l'État et les régions entendent nouer avec l'AFPA, au service des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission estime que cet amendement, bien à la marge du texte, n'a pas, a priori, sa place dans cette discussion, mais, comme elle a entendu la réponse qui avait été faite au groupe socialiste lors de la discussion de la loi de finances, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. L'amendement vise à proroger de vingt-quatre mois une période transitoire qui s'achève, de plein droit, le 31 décembre 2008.

Je partage l'avis de Mme le rapporteur, nous sommes un peu à la périphérie du texte, mais je vais vous donner mon sentiment, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous dire pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Nous sommes aujourd'hui au tout début de l'année 2008 et nous nous avons encore presque douze mois utiles devant nous. D'ores et déjà, vingt des vingt-deux régions ont mis à profit le délai qui leur était imparti pour transférer les compétences et les crédits associés en matière de financement des formations des demandeurs d'emploi.

Seules deux régions n'ont donc pas encore mis en oeuvre ce transfert et il leur reste encore onze mois et demi pour le faire.

Les conventions tripartites conclues par une majorité de conseils régionaux, l'AFPA et l'État, ont donc permis d'anticiper ce transfert pour les vingt autres régions, organisant ainsi le travail le travail d'appropriation de l'offre de service de l'AFPA par les collectivités territoriales intéressées, et de se préparer à aborder avec une sécurité juridique les relations que les régions entendent nouer avec l'AFPA à l'issue de cette période transitoire. C'est donc plutôt cette question des relations financières sous-jacentes entre les régions et l'AFPA qui est visée par la demande de prorogation de vingt-quatre mois.

S'agissant de l'application du code des marchés publics, aujourd'hui toutes les analyses juridiques convergent : l'achat de prestations de formation relève de la mise en concurrence. De ce point de vue, j'ai proposé au président de l'Association des régions de France, M. Alain Rousset, de mener, en liaison avec mes services, notamment compte tenu de leurs compétences juridiques, une étude sur les meilleures conditions de passation de ces commandes qui réponde à la fois au droit de la concurrence, le droit communautaire évidemment, et à la nécessaire réactivité de l'offre de formation.

Je réitère cette proposition, nous la mettrons en oeuvre dans les meilleurs délais et, bien entendu, avant l'expiration du délai le 31 décembre 2008.

Dans ces conditions, il ne me semble pas justifié de proroger de vingt-quatre mois la période impartie aux régions pour se mettre en conformité.

M. le président. Madame Demontès, l'amendement n° 71 est-il maintenu ?

Mme Christiane Demontès. J'ai bien entendu vos arguments, madame la ministre, et je comprends que cet amendement n'a pas tout à fait sa place dans ce texte, mais j'insiste, car nous avons besoin de temps encore pour permettre au nouveau dispositif de se mettre en place. Pour être prêt au 1er janvier 2009, il aurait fallu avoir réglé toutes les questions avant la fin de l'année 2007. Or, c'est très compliqué.

Madame la ministre, vos collaborateurs ont pris l'engagement de prolonger cette période d'un an au moins et je souhaiterais que vous le confirmiez, ce qui me permettrait de retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Madame le sénateur, la proposition que j'ai faite tient. Nous nous mettons au travail dès la semaine prochaine avec les représentants de l'Association des régions de France. La balle est dans leur camp. Il faut maintenant se mettre autour de la table. Nous avons toutes les compétences nécessaires pour les aider à trouver les mécanismes appropriés. Si nous n'y arrivons pas dans les délais, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2008, il sera temps de prévoir alors une extension de délai. Mais, pour le moment, ce ne serait pas raisonnable, dans la mesure où la première priorité, c'est de se mettre au travail, et ce dès la semaine prochaine !

M. le président. Qu'en est-il en définitive de l'amendement n° 71, madame Demontès ?

Mme Christiane Demontès. Nous aurons suffisamment de projets de loi portant réforme de la formation professionnelle pour déposer de nouveau cet amendement de prorogation si cet engagement n'était pas respecté. (Mme la ministre acquiesce.)

Puisque je vois Mme la ministre confirmer son engagement, je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

I. - La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code du travail est remplacée par les dispositions suivantes :

« Section 4

« Placement et accompagnement des demandeurs d'emploi

« Art. L. 311-7. - Une institution nationale dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière a pour mission de :

« 1° Prospecter le marché du travail, procéder à la collecte des offres d'emploi, aider les employeurs à les pourvoir, assurer la mise en relation entre l'offre et la demande, et veiller au respect des règles relatives à la lutte contre les discriminations à l'embauche ;

« 2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et faciliter leur mobilité ;

« 3° Procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi, tenir celle-ci à jour dans les conditions prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-5-1 et assurer à ce titre le contrôle de la recherche d'emploi dans les conditions prévues à l'article L. 351-18 ;

« 4° Assurer, pour le compte de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage, le versement de l'allocation d'assurance, et, pour le compte de l'État ou du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982, le service des allocations de solidarité mentionnées aux articles L. 351-9, L. 351-10, L. 351-10-1, L. 351-10-2, L. 351-13-1, de la prime de retour à l'emploi mentionnée à l'article L. 322-12 pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de la prime forfaitaire mentionnée à l'article L. 351-20, ainsi que de toute autre allocation ou aide dont l'État lui confierait le versement par convention ;

« 5° Recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'État et de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ;

« 6° Mettre en oeuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l'État, les collectivités territoriales et l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage en relation avec sa mission.

« Art. L. 311-7-1. - L'institution mentionnée à l'article L. 311-7 est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général.

« Art. L. 311-7-2. - Le conseil d'administration comprend :

« 1° Cinq représentants de l'État ;

« 2° Cinq représentants des employeurs et cinq représentants des salariés ;

« 3° Trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans les domaines d'activités de l'institution.

« Les représentants des employeurs et les représentants des salariés sont désignés par les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, mentionnées à l'article L. 352-2.

« Les personnalités qualifiées sont désignées par le ministre chargé de l'emploi.

« Le président est élu par le conseil d'administration en son sein.

« Art. L 311-7-3. - Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires relatives à l'objet de l'institution.

« Les décisions relatives au budget et aux emprunts, ainsi qu'aux encours maximum des crédits de trésorerie, sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents.

« Le conseil d'administration désigne en son sein un comité d'audit et un comité d'évaluation.

« Art. L. 311-7-4. - Le directeur général exerce la direction de l'institution dans le cadre des orientations définies par le conseil d'administration ; il prépare les délibérations de ce conseil et en assure l'exécution.

« Le directeur général est nommé par décret, après avis du conseil d'administration.

« Art. L. 311-7-5. - Le budget de l'institution comporte trois sections non fongibles qui doivent chacune être présentées à l'équilibre :

« 1° La section « assurance chômage » retrace en dépenses les allocations d'assurance prévues aux articles L. 351-3 et suivants, qui sont versées pour le compte de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage, ainsi que les cotisations sociales afférentes à ces allocations dans les conditions prévues par les lois et règlements en vigueur et en recettes une contribution de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage, dans les conditions déterminées par la convention d'assurance chômage prévue à l'article L. 351-8, permettant d'assurer l'équilibre ;

« 2° La section « solidarité » retrace en dépenses les allocations et aides versées pour le compte de l'État ou du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982, ainsi que les cotisations sociales afférentes à ces allocations dans les conditions prévues par les lois et règlements en vigueur, et en recettes une contribution de l'État permettant d'assurer l'équilibre ;

« 3° La section « fonctionnement, intervention et investissement » comporte en dépenses les charges de personnel et de fonctionnement, les charges financières et les charges exceptionnelles, les dépenses d'investissement ainsi que les dépenses d'intervention concourant au placement, à l'orientation, à l'insertion professionnelle, à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, et en recettes une contribution de l'État et une contribution de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage dans les conditions prévues à l'article L. 354-1, ainsi que, le cas échéant, les subventions des collectivités territoriales et autres organismes publics, les produits reçus au titre des prestations pour services rendus, toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements en vigueur, les produits financiers et les produits exceptionnels.

« L'institution est autorisée à placer ses fonds disponibles dans des conditions fixées par les ministres chargés de l'emploi et du budget.

« Art. L. 311-7-6. - L'institution est soumise en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales.

« Art. L. 311-7-7. - Les agents de l'institution nationale, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le code du travail dans les conditions particulières prévues par une convention collective agréée par les ministres chargés de l'emploi et du budget. Cette convention comporte des stipulations, notamment en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de cette mission.

« Les règles de représentation des salariés prévues par le code du travail s'appliquent à tous les agents de l'institution, quel que soit leur régime d'emploi.

« Art. L. 311-7-8. - L'institution est organisée en une direction générale et des directions régionales.

« Au sein de chaque direction régionale, une instance paritaire, composée de représentants des employeurs et des salariés désignés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, mentionnées à l'article L. 352-2, veille à la bonne application de l'accord d'assurance chômage prévu à l'article L. 351-8 et est consultée sur la programmation des interventions au niveau territorial.

« Art. L 311-7-9. - Une convention annuelle est conclue au nom de l'État par l'autorité administrative et le représentant régional de l'institution.

« Cette convention, compte tenu des objectifs définis par la convention prévue à l'article L. 311-1-2, détermine la programmation des interventions de l'institution au regard de la situation locale de l'emploi et du marché du travail et précise les conditions dans lesquelles elle participe à la mise en oeuvre des actions prévues à l'article L. 322-1. Elle fixe également les conditions d'évaluation de son action.

« Art. L. 311-7-10. - Les litiges relatifs aux prestations dont le service est assuré par l'institution, pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage, de l'État ou du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982, sont soumis au régime contentieux qui leur était applicable antérieurement à la création de cette institution.

« Art. L. 311-7-11. - Les biens immobiliers de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail relèvent en totalité de son domaine privé. Sont déclassés les biens immobiliers qui lui sont transférés, lorsqu'ils appartiennent au domaine public. Lorsqu'un ouvrage ou terrain appartenant à l'institution est nécessaire à la bonne exécution de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, l'État peut s'opposer à sa cession, à son apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur cet ouvrage ou terrain, ou subordonner la cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement de ces missions. Est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l'État ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération.

« Art. L. 311-7-12. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente section. »

II. - Aux articles L. 311-5, L. 311-5-1 et L. 311-6 du même code, les mots : « Agence nationale pour l'emploi » sont remplacés par les mots : « institution mentionnée à l'article L. 311-7 ».

III. - À l'article L. 311-10-1 du même code, les mots : « l'Agence nationale pour l'emploi, les organismes mentionnés à l'article L. 351-21 » sont remplacés par les mots : « l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 ».

IV. - Au premier alinéa de l'article L. 351-17 du même code, après les mots : « de l'article L. 311-5 » sont insérés les mots : « par l'autorité de l'État ».

V. - L'article L. 351-18 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L 351-18. - Le contrôle de la recherche d'emploi est exercé par les agents de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles les agents chargés du contrôle ont accès, pour l'exercice de leur mission, aux renseignements détenus par les administrations sociales et fiscales. »

M. le président. Je suis d'abord saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.

L'amendement n° 40 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail, après les mots :

Une institution nationale

insérer le mot :

publique

La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 35.

Mme Muguette Dini. L'objet de notre amendement est de préciser que le nouvel opérateur issu de la fusion ANPE-ASSEDIC sera bien une personne morale de droit public.

Dans l'état actuel du texte, un faisceau d'indices pourrait laisser penser que la nouvelle institution appartiendrait à la catégorie des établissements publics administratifs.

Mais le projet de loi désigne le nouvel opérateur comme « une institution nationale dotée de la personnalité morale ». Il ne précise donc pas qu'il s'agit d'une personne morale de droit public. Notre amendement a pour objet de lever cette ambiguïté aux implications juridiques importantes.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 40.

Mme Annie David. Madame la ministre, vous le savez, nous l'avons dit lors de la discussion générale et lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable, les syndicats n'ont eu de cesse de vous le dire et Mme Dini vient de le faire également à l'instant, la notion d'« institution », à laquelle vous recourez dans votre projet de loi suscite beaucoup d'inquiétudes par son manque de précision.

Comment pourrait-il en être différemment quand le terme utilisé pour désigner ce qui sera créé demain ne le qualifie en rien ? Or, vous le savez fort bien, en politique comme en droit, les mots ont un sens et sont rarement interchangeables.

Je me suis donc plongé dans un célèbre dictionnaire juridique pour voir quelle définition il donnait du mot « institution ». Je vous passe des acceptions qui, de toute évidence, n'ont pas d'intérêt ici. Il semblerait donc que ce soit, selon Maurice Hauriou, une « réalité que constitue soit un organisme existant, par exemple un établissement administratif, lorsque s'y dégagent la conscience d'une mission et la volonté de la remplir en agissant comme une personne morale ». Nous voilà bien avancés, mais la référence au droit public aurait pu me rassurer, si je n'avais poursuivi ma lecture et découvert qu'il existait également une définition en droit privé, précisant que c'était « une théorie utilisée pour rendre compte du phénomène de la personnalité morale à l'exemple des associations, des syndicats et des sociétés ».

Ce terme peut donc renvoyer pêle-mêle au droit public et au droit privé, habile recours, j'en conviens.

Il fallait donc apporter une précision importante sur la nature de cette « institution ». Nous précisons donc dans cet amendement qu'elle est publique et nationale.

Nationale d'abord, car trop de services publics gérés hier par l'État sont aujourd'hui confiés à la gestion et au financement des régions et des départements, sans d'ailleurs que soit systématiquement prévue la compensation nécessaire, mais c'est un autre débat.

Lui garantir un statut national, c'est garantir aux usagers, aux demandeurs d'emploi, une égalité de traitement, d'accueil et d'indemnisation, quel que soit leur territoire, urbain ou rural. C'est garantir également une égalité dans les orientations et les politiques d'emploi afin d'éviter que ce qui est vrai à Paris ne soit faux à Marseille ou à Grenoble.

Publique, ensuite, car les missions d'accueil, de conseil, de placement et d'indemnisation ne peuvent relever que d'une institution publique, d'un service public, administratif même, mais j'y reviendrai lors du prochain amendement. Elle doit être publique pour éviter que la recherche ne soit celle du profit, mais s'assurer au contraire qu'elle est bien celle du plein emploi, ce qui est rarement l'objectif des groupes privés.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail, remplacer les mots :

institution nationale

par les mots :

établissement public national

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous avons déjà exposé nos arguments sur cet amendement pour ce qui concerne les demandeurs d'emploi. Mais un autre aspect nous amène à demander que l'ANPE et les ASSEDIC fusionnent pour former un nouvel établissement public.

La convention 88 de l'Organisation internationale du travail dispose que les agents du service public de l'emploi doivent être des agents publics et surtout qu'ils bénéficient d'un statut et de conditions de service qui les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue.

La question qui se pose est donc bien la nature de ce service de l'emploi que vous créez. S'agit-il encore d'un service public, à tout le moins d'intérêt général ? Nous observons que les agents de votre « institution » seront chargés d'une mission de service public. Vous ne pouviez faire moins, s'agissant particulièrement des agents de l'ANPE. Mais il n'est indiqué nulle part que l'institution elle-même est chargée d'une mission de service public.

En revanche, elle sera soumise aux règles de la comptabilité industrielle et commerciale, ce qui est la marque indubitable de son caractère non public. De même, ses biens, éventuellement déclassés, relèveront du domaine privé.

Nous sommes donc bien en présence d'une institution ad hoc, dérivant lentement vers une gestion privée et une politique de résultats chiffrés, résultats en matière de placement, selon la doctrine des « offres acceptables d'emploi », et résultats comptables dans l'avenir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission suivra l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 35 et 40, et Mme la ministre nous a d'ores et déjà annoncé qu'il serait favorable. Ces amendements posent en effet une vraie question qui a été soulevée par un grand nombre de personnes au cours des auditions.

S'agissant de l'amendement n°72, nous aurions fait de même, mais, en raison d'un précédent avis défavorable, la commission émet maintenant un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet en effet un avis favorable sur les amendements identiques nos  35 et 40, de précision. Il s'agit, bien évidemment, d'une personne publique qui remplit une mission de service public, ce que le Conseil d'État avait d'ailleurs clairement indiqué lors de l'examen du texte.

M. le président. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur un amendement d'ouverture UC-CRC ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Quand c'est pour la bonne cause...

M. le président. Je vois que vous avez entendu le Président de la République, monsieur Fischer ! (Nouveaux sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Quant à l'amendement n° 72, il deviendrait sans objet dans la mesure où la nature juridique de personne publique et la mission de service public auront déjà été précisées.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 40.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 72 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

«1° Prospecter le marché du travail, procéder à la collecte des offres d'emplois, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre l'offre et la demande, participer activement, notamment en communiquant sur la loi et en signalant les pratiques délictuelles, à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, je ferai une présentation d'ensemble des amendements nos 42, 43, 44 et 45.

Madame la ministre, c'est votre ministère qui est chargé de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Vous vous êtes souvent exprimée dans la presse sur ce sujet, tout comme M. le Premier ministre. Nous nous étonnons tout de même du partage de compétences organisé en la matière par M. Fillon. Il semblerait que nous n'ayons pas la même conception des demandeurs d'emploi.

À nos yeux, les demandeurs d'emploi sont des salariés privés temporairement de travail - même si le temporaire dure quelque peu à cause de votre logique libérale - et contre leur volonté. Nous estimons, pour notre part, qu'il appartient à l'État de les accompagner pour leur permettre, disons-le franchement, de se réinsérer dans le monde du travail.

Cette compétence, qui ne saurait être dévolue au privé, contrairement à la démarche qui est la vôtre aujourd'hui et que vous voulez encore accentuer, devrait relever du même ministère dont dépendent les salariés, c'est-à-dire du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, dont M. Xavier Bertrand a la charge.

En décidant de vous confier cette réforme, M. Fillon fait un aveu sur le fond : celle-ci n'aura pas pour objet de réduire le chômage en offrant aux demandeurs d'emploi des emplois stables et justement rémunérés. Dans votre ministère, madame la ministre, l'emploi fait allégeance à l'économie. On comprendra donc qu'il s'agit non pas de trouver un travail aux chômeurs, mais de combler les emplois vacants mal rémunérés, pénibles ou dangereux, comme je l'ai déjà dit dans mon intervention liminaire.

Le fait que ce soit le ministère de l'économie qui soit compétent pour encadrer cette fusion nous inquiète, et cela ne sera pas sans conséquences sur les missions de la future institution.

Après avoir auditionné les représentants nationaux du SNU, de FO, de la CFDT, de la CGT, et de CFTC-ASSEDIC, ainsi que ceux de la CGT-ANPE, nous vous proposons donc, mes chers collègues, d'adopter les amendements nos 42, 43, 44 et 45, qui visent à préciser les missions de la future institution.

Cela étant, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention, mes chers collègues, sur trois éléments : la communication positive de l'institution en direction des entreprises, la lutte active contre les discriminations - et tel est l'objet de l'amendement n° 42 - et la participation à la réalisation des statistiques, prévue dans l'amendement n° 45.

Monsieur le président, pour répondre à la demande de la commission des affaires sociales, je souhaite modifier l'amendement n° 42, en supprimant le membre de phrase suivant : «, notamment en communiquant sur la loi et en signalant les pratiques délictuelles. »

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

«1° Prospecter le marché du travail, procéder à la collecte des offres d'emplois, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre l'offre et la demande, participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ;

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Annie David. Je voudrais conclure sur la communication positive de l'institution en direction des entreprises, et plus particulièrement des très petites et moyennes entreprises.

Il s'agit là de tenir compte d'une réalité économique. Les structures les plus petites sont souvent, malgré leur volonté, celles qui hésitent le plus à recourir à l'emploi, notamment en raison d'un manque d'information. Pour notre part, nous entendons acter ces besoins particuliers et tentons d'y répondre en faisant participer les entreprises à l'élaboration de stratégies en matière de création et de gestion d'emploi.

Par ailleurs, nous voulons également que cette nouvelle institution soit un outil performant pour lutter contre les formes de discrimination dans l'emploi, ce qui passe notamment par une information de qualité à destination des employeurs.

L'amendement n° 42 rectifié me semble aller dans le sens des annonces faites par le Gouvernement. Son adoption constituerait un changement considérable par rapport à la situation actuelle, car, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, certaines sociétés d'intérim qui participent au service public de l'emploi ont été, je le rappelle, condamnées par la justice de notre pays pour avoir délibérément instauré des pratiques discriminantes.

En considérant que le placement des travailleurs est un marché comme un autre, vous avez contraint les opérateurs privés à subir les règles du marché, certaines d'entre elles étant particulièrement odieuses.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail par les mots :

et pour l'égalité professionnelle

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. S'il est un sujet aussi consensuel que la lutte contre les discriminations, c'est bien l'égalité professionnelle. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de réparer ce qui est sans doute un oubli que nous avons constaté dans le texte.

Pour ce qui concerne la lutte contre les discriminations, les discours et les promesses se succèdent à l'envi. Sur le plan légal, ils se résument à un projet de loi d'adaptation de diverses mesures communautaires déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, un texte de mise en conformité qui ne modifiera pas vraiment notre législation.

S'agissant de l'égalité professionnelle, le Parlement a adopté la loi du 23 mars 2006, ayant pour objet de supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes d'ici à 2010. Or, ce n'est pas vous faire un procès, madame la ministre, que de constater que les femmes gagnent toujours en moyenne 20 % de moins que les hommes, qu'elles sont, pour 80 % d'entre elles, des salariés à temps partiel, le plus souvent un temps partiel contraint, et que 77 % des travailleurs à bas salaire sont des femmes. Les handicaps sont donc multiples.

Cette loi de 2006 prévoyait la prise en compte de l'égalité des sexes au sein du service public de l'emploi, des maisons de l'emploi et des services de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

À l'issue de la conférence tripartite qui s'est tenue au cours de l'automne dernier, votre collègue Xavier Bertrand a présenté des pistes d'action pour assurer l'égalité professionnelle. J'en rappelle les principales : l'accompagnement des entreprises pour s'approprier les outils existants, la mise en place de référents sur le sujet dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et la signature d'accords salariaux comportant des mesures d'égalité sous peine de refus d'agrément.

Des sanctions financières seraient même envisagées pour les employeurs qui n'auraient pas prévu au plus tard à la fin de l'année 2009 un plan de rattrapage pour les salaires des femmes. De plus, un projet de loi devrait être déposé sur ce sujet avant la fin du premier semestre de 2008.

Notre question est donc simple : où en êtes-vous ? Mais nous avons une question subsidiaire : les salariés de la nouvelle institution ne rendraient-ils pas service, conformément à leur vocation de conseil, aux salariés comme aux employeurs en les informant des évolutions législatives ? Cela irait dans le sens de la volonté générale qui s'est exprimée en la matière et permettrait aux employeurs d'anticiper les sanctions financières, qui seront, nous n'en doutons pas, particulièrement sévères.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L'amendement n° 42 ayant été modifié par Mme David, il devient très proche de l'amendement n° 73.

Ces deux amendements, qui visent à lutter contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle, répondent aux objectifs ...

M. Guy Fischer. Légitimes !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ... de la politique de l'emploi.

En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 42 rectifié, sachant que, s'il est adopté, l'amendement n° 73 sera satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. J'ai un infini respect pour le travail qui a été réalisé par la commission des affaires sociales, sous l'autorité de Mme le rapporteur. J'aurais plutôt tendance à m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée pour ce qui concerne ces deux amendements.

Toutefois, je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l'article 2 du projet de loi, dans la rédaction proposée pour l'article L. 311-7 du code du travail, comporte déjà six alinéas particulièrement complets, décrivant de manière exhaustive, me semble-t-il, la mission de la nouvelle institution.

En précisant que celle-ci doit « veiller au respect des règles relatives à la lutte contre les discriminations à l'embauche », on fait très précisément référence à un certain nombre de questions relatives au libellé des offres d'embauche, auquel la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, est d'ailleurs, elle aussi, particulièrement sensible.

Certes, on peut allonger encore la liste en prévoyant d'y faire figurer la lutte contre toutes les inégalités, mais jusqu'où ce souci de l'exégèse de la loi va-t-il nous conduire ? Que faisons-nous figurer dans la loi et que faisons-nous figurer dans le décret ? Telles sont les questions que je me pose.

Je crains que tous les amendements qui vont venir en discussion n'aient le même objet. C'est un travail de dentelle qui, certes, peut être efficace, mais a-t-il véritablement sa place dans la loi ?

Je ne suis évidemment pas insensible, vous l'imaginez, à la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, et je participe moi-même à ce combat. Je suis évidemment aux côtés de mon collègue Xavier Bertrand, mais c'est à lui qu'il appartient de traiter ces questions dans le cadre de ses attributions.

J'indique, au passage, madame David, qu'il me paraît plutôt de bon augure de voir figurer l'emploi à côté de l'économie. Cela ne constitue pas un handicap, car l'emploi est une résultante de l'économie. L'ensemble des entreprises et des acteurs économiques concourent évidemment à la création d'emplois et, donc à l'économie française.

Pardonnez-moi cette digression un peu longue, monsieur le président, mais le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. Je suis surprise, je dois l'admettre, par l'avis favorable de la commission, car je ne suis pas certaine que ces amendements participent de cette concision et de cette précision qui sont la marque du bon travail législatif.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 42 rectifié.

Mme Annie David. Je comprends bien, madame la ministre, que l'on ne puisse multiplier indéfiniment les alinéas dans un article de loi, en particulier lorsqu'il vise des missions bien précises.

Cependant, nous proposons, en l'occurrence, non pas d'ajouter une septième mission à celles qui sont déjà prévues par cet article, mais de modifier le texte existant au deuxième alinéa en ajoutant simplement la notion d'égalité professionnelle.

Je regrette donc, madame la ministre, que cet amendement n'ait pas recueilli un avis favorable du Gouvernement, et j'espère que la commission, quant à elle, maintiendra son avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, je pensais que vous alliez sinon émettre un avis favorable, du moins vous en remettre à la sagesse du Sénat, mais vous êtes revenue quelque peu en arrière.

Il ne me semble pas que l'ajout de la notion d'égalité professionnelle soit de nature à alourdir exagérément un texte qui fait très légitimement référence aux discriminations à l'embauche, discriminations dont on connaît les méfaits. En effet, cette notion montre le souci du législateur de faire en sorte que les propositions d'emploi soient identiques, assorties des mêmes conditions, notamment de rémunération, pour un homme et pour une femme.

Il relève tout à fait des missions d'une institution publique de veiller à cette égalité professionnelle.

Par conséquent, madame la ministre, peut-être pourriez-vous revenir sur votre avis défavorable et vous en remettre à la sagesse du Sénat, car vous sentez bien dans quel sens il va se prononcer.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, me rendant aux arguments conjugués de manière aussi paritaire par Mme David et par M. Godefroy et, surtout, à la sagesse de Mme le rapporteur, je reviens sur l'avis défavorable que j'ai exprimé en premier lieu et je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement, en vous demandant de me pardonner cette valse-hésitation. (Sourires.)

Je n'ai pas de regret à changer d'avis, car il me semble en effet opportun d'ajouter la notion d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes comme objectif complémentaire de la mission au titre du 1°. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. C'est bien !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Merci, madame la ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 73 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 43, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

« 2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toute action utile pour développer leurs qualifications professionnelles, favoriser leur reclassement et faciliter leur mobilité en se fondant sur le libre choix et volontaire de l'individu.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 74, présenté par Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Godefroy, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

compétences professionnelles

rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour le l'article L. 311-7 du code du travail :

, et leurs qualifications, favoriser leur reclassement et faciliter leur mobilité en préservant leur faculté de choix ;

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Derrière cet amendement se profile une question majeure : en quoi ce texte sera-t-il utile aux demandeurs d'emploi ?

S'il ne peut évidemment, en soi, conduire à des créations d'emplois, en quoi va-t-il améliorer la situation des chômeurs et leur permettre de retrouver un emploi stable, correctement rémunéré et dans des conditions décentes ?

La rédaction de ce 2° du texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail nécessite une réflexion. Ainsi, il est dangereux d'utiliser le terme d' « employabilité » dans un texte de loi, car c'est une notion totalement imprécise. Peut-on d'ailleurs la définir de façon objective ?

Cette définition relèverait peut-être du rôle des agents d'un service public de l'emploi, à cela près qu'un demandeur d'emploi, selon son âge, sa qualification, ses possibilités d'adaptation tant professionnelles que personnelles, qui pourra être considéré comme employable ici, ne le sera pas forcément dans une autre branche d'activité ou dans une autre entreprise. Jamais aucun critère objectif n'a été et ne pourra sans doute être établi sur cette notion dangereuse, je le répète, d'employabilité.

Nous avons récemment franchi un nouveau pas en passant de la notion d' « offre valable d'emploi », sur laquelle le débat était déjà vif, à celle d' « offre acceptable d'emploi », à laquelle j'ai fait référence en défendant ma motion tendant au renvoi à la commission et sur laquelle je n'ai d'ailleurs pas obtenu de réponse de Mme la ministre.

Nous ne pouvons approuver la notion d' « offre acceptable d'emploi ». En effet, elle laisse clairement entendre qu'il s'agit d'établir non plus si l'offre d'emploi est valable ou non, ce qui n'est déjà pas facile, et les experts sont intarissables à ce sujet, mais si elle est « acceptable ». Cela signifie que l'offre qui est considérée comme étant acceptable par telle personne doit donc être acceptée par cette dernière, que cela lui plaise ou non, compte tenu de ses caractéristiques, par exemple son faible niveau de qualification ou la durée du chômage. Autrement dit, ce qui se cache derrière l'offre acceptable, c'est une acceptation contrainte !

C'est pourquoi il nous paraît indispensable de préciser dans un texte traitant du service public de l'emploi que ce sont les qualifications des demandeurs d'emploi qui doivent être améliorées, car les qualifications sont répertoriées depuis longtemps, et que la liberté de choix des demandeurs d'emploi doit être préservée, afin de leur donner la possibilité de refuser une offre qui ne tient pas compte de leur formation et des qualifications acquises, qui prévoit une rémunération très inférieure à leur ancien salaire, ou qui porte un grave préjudice à leurs conditions de vie.

Tel est l'objet de cet amendement qui nous semble tout à fait important tant la notion d' « offre acceptable d'emploi » reste à l'heure où je parle totalement indéfinie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 43, nous avons dit tout à l'heure que la précision alourdissait énormément la rédaction de l'alinéa visé.

En ce qui concerne la mobilité volontaire, n'est-il pas souhaitable que le salarié contraint de changer de région à la suite d'un licenciement ait la possibilité de le faire ? Si la nouvelle institution lui propose un emploi ailleurs, il serait dommage de ne pas l'autoriser à changer de région.

Ces observations valent également pour l'amendement n° 74.

Au demeurant, je continue à penser que les dispositions proposées relèvent davantage de la politique de l'emploi que de la fusion ici en débat et des objectifs qui sont fixés à l'institution.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 43 et 74.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant de l'amendement n° 43, la rédaction du texte qui vous est soumis étant suffisante pour indiquer les missions de l'institution en faveur des demandeurs d'emploi, il ne me paraît pas utile de l'alourdir.

Sur l'amendement n° 74, je ne vous ai pas répondu, monsieur Godefroy, car la définition de l'offre valable d'emploi est actuellement à l'étude par les partenaires sociaux, dans le cadre des négociations, discussions et concertations qui se tiennent tous les vendredis, depuis le début du mois de septembre, et qui devraient aboutir, nous l'espérons tous, à un accord en fin de journée demain.

Si un tel accord n'intervenait malheureusement pas, nous aborderions ce point, comme le Premier ministre me l'a demandé, lors d'une conférence qui se tiendra à la fin du mois de mars, en préalable à la négociation sur la nouvelle convention d'assurance chômage. À cette occasion, les discussions porteront sur les sujets de la compétence des partenaires sociaux, auxquels nous demanderions notamment d'examiner à nouveau cette notion d'offre valable d'emploi. Le cas échéant, un autre texte serait soumis à votre assemblée.

Pour l'instant, la définition de l'offre valable d'emploi est donc entre les mains des partenaires sociaux, auxquels nous avons demandé de mener leur réflexion à l'aune d'une série de critères figurant dans une convention de l'Organisation internationale du travail, mais dont, curieusement, nous ne nous servons pas beaucoup, contrairement à un certain nombre de pays. Si elle était appliquée à la lettre, cette convention nous amènerait à avoir un des systèmes les plus restrictifs en Europe.

Par conséquent, cette question de l'offre valable d'emploi me paraît relever non pas du texte dont nous débattons aujourd'hui, mais bien plutôt d'une concertation et d'une réflexion entre les partenaires sociaux et d'un autre texte ultérieurement si cela se révélait nécessaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos  43 et 74.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.

Mme Annie David. Là encore, il s'agit non pas d'ajouter des missions à celles figurant dans cet article 2, mais au contraire d'alléger celles de ce 2° en supprimant la notion « d'amélioration de l'employabilité des demandeurs d'emploi ».

En effet, pour nous, à l'évidence, on ne peut accoler le terme d'employabilité à un salarié, qu'il soit actif ou privé d'emploi. Je l'ai très souvent entendu en entreprise lors de différents entretiens. C'est à mes yeux de la barbarie que de parler d'employabilité lorsqu'il s'agit des compétences professionnelles des travailleurs.

Ensuite, s'agissant de la mobilité, nous proposons d'ajouter les mots : « en se fondant sur le libre choix et le volontarisme de l'individu ». Selon nous, si elle ne peut pas être refusée de façon systématique, la mobilité ne peut pas non plus systématiquement être acceptée. Pensez au cas où, par exemple, on propose à un salarié d'aller travailler à Lille ou à Marseille, alors qu'il réside avec sa famille à Grenoble et que son conjoint occupe un emploi dans la région. La mobilité obligerait dans ce cas l'un des conjoints à démissionner pour suivre l'autre, ce qui n'est pas acceptable.

Nous proposons de préciser la notion de mobilité qui ne peut être laissée en l'état.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 74.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ajoute aux propos tenus par Annie David que ce terme d'employabilité avait été utilisé dans le cadre du drame social de Moulinex. À chaque fois qu'il était question d'employabilité pour les anciennes ouvrières de l'entreprise, c'était généralement pour dire qu'elles n'étaient pas réemployables, sauf à accepter des emplois sans aucune qualification, ou très éloignés de leur domicile, ce qui était exiger beaucoup de salariées d'un certain âge qui avaient travaillé toute leur vie au sein de l'entreprise. La plupart d'entre elles n'ont d'ailleurs toujours pas retrouvé d'emploi, car on n'avait pas d'emploi à leur proposer en fonction de cette fameuse « employabilité », terme qui me choque moi aussi beaucoup.

En revanche, j'ai bien noté l'engagement de Mme la ministre de revenir devant le Parlement si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord sur la définition de l' « offre valable d'emploi ».

Cela étant, nous tenons à maintenir cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail, insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« ...°Contribuer à l'élaboration et à l'évolution de l'offre de formation professionnelle à partir du constat découlant des besoins des demandeurs d'emploi ;

« ...°Développer une expertise sur l'évolution prospective des emplois et des qualifications ;

« ...°Développer une expertise et capacité de conseil en matière de stratégie de gestion de l'emploi auprès des entreprises en particulier des très petites et petites et moyennes entreprises ;

« ...°Recueillir les données relatives à l'adéquation locale des offres et des demandes d'emploi, à l'évolution des qualifications, de l'évolution de la situation de l'emploi sous toutes ses formes et participer au schéma de développement national, régional, local de formation et de reconnaissance des qualifications ;

Cet amendement a été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les missions de la nouvelle institution.

S'il était adopté, la nouvelle institution empiéterait sur les compétences d'autres acteurs et, en particulier, celles des maisons pour l'emploi, auxquelles nous sommes attachés, en tout cas quand elles fonctionnent bien, ou encore sur les compétences des chambres de commerce et d'industrie, qui peuvent conseiller les entreprises. Il nous apparaît donc qu'il existe un risque de chevauchement.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, et pour les mêmes motifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 45, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

« 5° Participer, au sein d'un service public national des statistiques, au recueil et à l'élaboration de données relatives à l'emploi, à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, à la récurrence des demandes d'emploi, et aux demandes d'emploi de longue durée. Participer à la mise en place d'une statistique des emplois occupés par les demandeurs d'emplois à la recherche d'un autre emploi. Élaborer une statistique descriptive des offres d'emplois en fonction de l'emploi offert que ce soit la durée du contrat, les horaires de travail, la qualification exigée, le salaire proposé, et des caractéristiques de l'offre d'emploi : récurrence de l'offre sans augmentation d'effectif, délai de satisfaction. Ces données statistiques sont diffusées et mises à la disposition du public ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. En commission, cet amendement a été jugé très explicite, peut-être trop, et il a été dit qu'il aurait plutôt sa place dans un décret ou dans un règlement intérieur.

Monsieur le président, je souhaite donc rectifier mon amendement, pour ne conserver que la première phrase du texte proposé pour le 5°.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :

Rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

« 5° Participer, au sein d'un service public national des statistiques, au recueil et à l'élaboration de données relatives à l'emploi, à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, à la récurrence des demandes d'emploi, et aux demandes d'emploi de longue durée ;

Veuillez poursuivre, madame David.

Mme Annie David. Il faut faire apparaître le fait que cette nouvelle institution conserve une compétence particulière en matière de statistiques pour fournir, en complément des URSSAF, à l'État, aux employeurs et aux citoyens des éléments chiffrés qui sont toujours utiles.

M. le président. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Brisepierre et MM. Cointat, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Guerry, est ainsi libellé :

Compléter le 5° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Créer une base de données des Français à la recherche d'un emploi à l'étranger ou y travaillant déjà.

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre, comme vous le savez en tant qu'ancien ministre du commerce extérieur, nos résultats économiques dépendent aussi de l'importance de notre présence à l'étranger.

Dans un contexte de mondialisation galopante, de compétitivité exacerbée, il est indispensable de développer, mais aussi de mieux appréhender, voire de mieux canaliser la mobilité transfrontière, afin qu'elle soit véritablement un atout pour notre pays.

De l'avis de beaucoup de responsables et d'acteurs de cette mobilité, élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, chambres de commerce françaises à l'étranger, comités consulaires ou ANPE, il est essentiel d'avoir une meilleure coordination administrative - et je vous félicite, madame la ministre, de ce projet de loi -, mais aussi de disposer de meilleurs outils de connaissance et d'évaluation de cette mobilité transfrontière.

Cet amendement vise donc, sur le fondement du volontariat, à créer une base de données des Français travaillant à l'étranger ou y recherchant un emploi. Cette base, qui pourrait être mise en place par le réseau spécialisé pour le placement et la réinsertion des Français à l'étranger, le réseau ANPE- ANAEM, serait utile pour plusieurs raisons.

D'une part, elle permettrait de créer un outil d'analyse rationnelle de la mobilité professionnelle française transfrontière, avec des critères d'appréciation tant qualitatifs que quantitatifs.

D'autre part, elle permettrait de mettre en adéquation les offres d'emploi et les profils de nos ressortissants à l'étranger, en améliorant le suivi de leur parcours professionnel.

En outre, elle permettrait d'exercer, grâce au réseau hors-frontières ainsi créé, de véritables veilles quant à de nouvelles possibilités d'emploi dans les différents pays et secteurs d'activité.

De plus, en croisant les informations de l'ANPE, des ASSEDIC, des comités consulaires pour l'emploi et la formation à l'étranger, les CCEFP, et des missions économiques, elle contribuerait à renforcer les contrôles et à lutter contre les fraudes, en nombre croissant, de personnes percevant des allocations chômage en France mais exerçant un emploi à l'étranger.

Enfin, et c'est essentiel, elle pourrait mieux aider à la réinsertion des personnes souhaitant rentrer en France pour y retrouver un emploi. Actuellement, l'expérience et les compétences internationales des Français expatriés ne sont que rarement valorisées à leur retour, alors qu'elles pourraient être extrêmement utiles aux entreprises françaises et à notre économie dans son ensemble.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission n'était pas favorable à l'amendement initial n° 45 de Mme David. À présent, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur sa version rectifiée.

S'agissant de l'amendement n° 92 rectifié, je ne doute pas que notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam connaisse très bien la situation des Français de l'étranger et ses arguments me paraissent convaincants. Cependant, et sans mettre en cause son bien-fondé, la commission a émis un avis réservé sur cet amendement et souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur cette situation très particulière.

Je dois reconnaître que, bien que plusieurs amendements les concernant aient été déposés, je n'ai pas eu le temps de me pencher sur le sort des Français de l'étranger en particulier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 45 rectifié, car il ne lui paraît pas nécessaire d'alourdir le texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail. Il nous semble que la convention tripartite y pourvoira.

Quant à l'amendement n° 92 rectifié, si je comprends bien vos propos, madame Garriaud-Maylam, il concerne plus particulièrement les Français résidant à l'étranger non loin de nos frontières.

Mme Christine Lagarde, ministre. Certes, mais notamment !

Le 5° de l'article 2 dispose bien que la nouvelle institution aura notamment pour mission de « recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'État et de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ». Certes, cette mission est assez générique et globale et ne concerne pas spécifiquement les Français de l'étranger, qui, par définition, n'ont pas vocation à travailler en France.

La question que vous avez soulevée est parfaitement légitime, mais elle mérite expertise. J'estime en effet que la mise en place d'une base de données spécifique pour les Français de l'étranger devrait préalablement faire l'objet d'une étude de faisabilité opérationnelle. Cela étant, j'ai bien conscience de la nécessité de mettre en place des outils statistiques, d'information et de contrôle spécifiques, ne serait-ce que pour lutter contre les fraudes, mais dans le cadre de ce qui est prévu au 5°du texte proposé pour l'article L. 311-7 du code du travail.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous serais reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 45 rectifié.

Mme Annie David. Le texte de mon amendement diffère de celui qui nous est proposé à l'article 2 du projet de loi, mais en aucun cas il ne l'alourdit. L'argument que vous avancez me paraît bien spécieux, madame la ministre.

Le texte du projet de loi dispose simplement que la nouvelle institution aura notamment pour mission de « recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l'État et de l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ». Avec notre amendement, nous allons plus loin en proposant qu'elle participe à l'élaboration de statistiques, ce qui est bien différent. Certes, pour élaborer des statistiques, il faut évidemment des chiffres, mais tout dépend ensuite de la manière dont on « mouline » ces chiffres !

C'est pour cette raison que nous aurions souhaité que la nouvelle institution puisse non seulement acquérir ces données, mais encore participe à l'élaboration des statistiques, ce qui est un peu plus pointu que le simple recueil de données chiffrées. Nous sommes certes ravis d'apprendre que l'institution sera publique, mais nous serions encore plus rassurés si notre amendement était adopté. Nous regrettons donc que le Gouvernement ait émis un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 92 rectifié est-il maintenu ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je comprends la prudence de Mme le ministre, mais je sais aussi tout l'intérêt qu'elle porte aux Français de l'étranger et à ces questions.

Prenant acte de ses propos, j'accepte de retirer mon amendement, monsieur le président. Toutefois, je lui serai vraiment très reconnaissante de respecter l'engagement moral qu'elle a pris envers nous et de faire étudier la faisabilité d'une telle base de données, qui serait un outil important pouvant, d'ailleurs, servir à tous.

Les jeunes sont de plus en plus tentés par l'expatriation. Nous avons besoin de les aider non seulement à partir, mais aussi à revenir en France, et ce en identifiant les gisements d'emplois. L'un de nos collègues parlait tout à l'heure de l'emploi des seniors. Il faut savoir qu'en Chine, par exemple, ce ne sont pas les jeunes, mais les seniors expérimentés qui sont le plus demandés. C'est le genre d'informations extrêmement utiles qui pourraient se retrouver dans cette base de données.

Nous avons besoin de réfléchir à l'avenir de l'institution qui sera chargée de l'emploi, en particulier à l'étranger.

Pour l'heure, monsieur le président, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 92 rectifié est retiré.

L'amendement n° 46, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

État

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa (6°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail :

et les collectivités territoriales

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L'article 2 du projet de loi précise les missions de la future institution telles que vous les concevez. Nous vous avons déjà proposé un certain nombre de modifications.

Je souhaite revenir sur le 6° de l'article L. 311-7 dans sa rédaction proposée à l'article 2 du projet de loi, qui dispose que la nouvelle institution aura pour mission de « mettre en oeuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l'État, les collectivités territoriales et l'institution gestionnaire du régime d'assurance chômage en relation avec sa mission ».

Madame la ministre, vous dites vouloir fusionner les institutions pour éviter d'avoir demain un monstre à deux têtes. J'en prends acte, même si, pour être honnête, je doute qu'il s'agisse là de votre seul objectif. J'y reviendrai, à la suite des arguments que j'ai déjà développés.

Notre amendement vise simplement à réserver aux seules collectivités territoriales et à l'État la possibilité de confier des missions nouvelles et particulières à l'institution dont la création est prévue.

Cette position est cohérente avec notre proposition relative à la composition du futur conseil national de l'emploi et avec nos positions sur les missions de l'institution et sur son caractère public.

Il est parfaitement logique que l'État, qui est censé insuffler et piloter les politiques de l'emploi, puisse, le cas échéant, attribuer de nouvelles missions à cette nouvelle institution.

Il est encore logique, et souhaitable, que les collectivités territoriales participent aussi ponctuellement et géographiquement aux définitions de certaines missions particulières.

Nous savons tous que les deux échelons régional et départemental sont aujourd'hui cruciaux dans la lutte contre le chômage, dans la mesure où les collectivités connaissent mieux que personne les bassins d'activités et les crises qui les traversent.

Les intégrer pleinement dans les organes de direction régionaux de la nouvelle institution est donc un impératif, et leur reconnaître une compétence en matière de définition des actions est donc plus que bienvenu ; c'est souhaitable.

Nous resterons cependant vigilants et veillerons à ce que cette compétence ne s'accompagne pas une nouvelle fois d'un transfert de charges non compensé. Cette vigilance est d'ailleurs plus que légitime, puisque vos politiques de radiations massives ont conduit un nombre très important des demandeurs d'emploi à se diriger vers les collectivités territoriales pour bénéficier jusqu'à aujourd'hui du RMI et, demain, puisque des expérimentations sont en cours, du RSA.

Ce sont pour nous les seuls acteurs habilités à définir les missions d'un réel service public de l'emploi.

Telle est la raison pour laquelle nous vous présentons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En effet, cet amendement vise à interdire à l'UNEDIC de confier à l'avenir d'autres missions à la nouvelle institution. Or des liens forts uniront l'UNEDIC et la nouvelle institution, et je ne vois pas pourquoi, mon cher collègue, vous voulez interdire toute évolution de cette institution et tout lien avec l'UNEDIC.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-7 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« La nouvelle institution créée pour l'accomplissement du service public de l'emploi est constituée sous forme d'établissement public administratif.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Lorsque, en 1967, Jacques Chirac crée l'ANPE, l'option retenue est d'en faire un service public administratif doté de l'autonomie de gestion et de l'autonomie financière.

Les législateurs d'alors avaient justement compris que le placement des demandeurs d'emploi appelait l'application de normes particulières différentes des règles marchandes et commerciales. Je souhaite que vous conserviez encore un peu de cette sagesse.

Avec cet amendement, nous vous proposons que la nouvelle institution créée pour l'accomplissement du service public de l'emploi soit constituée sous forme d'établissement public administratif.

Que dit le droit en ce qui concerne les établissements publics administratifs ? Il dit la même chose que les législateurs de 1967 : cette nouvelle institution devrait être un service public administratif.

Les trois critères traditionnellement exigés par la jurisprudence administrative sont réunis.

S'agissant d'abord de l'objet, la mission de cette future institution, qui aura la charge de l'accueil, de l'inscription, du conseil à la formation, du placement, de l'indemnisation et du contrôle des demandeurs d'emploi, ne relève pas d'une entreprise industrielle ni du secteur marchand.

Le mode de financement, ensuite, renvoie au service public administratif, puisque les ressources de cette institution proviennent pour l'essentiel de recettes fiscales directes et indirectes. Il ne s'agit ni d'une redevance ni d'une contribution volontaire.

Enfin, le mode de fonctionnement fait encore pencher en faveur d'un service public administratif.

Ce faisceau d'indices ferait conclure vraiment en faveur du service public administratif, mais, vous le savez, la loi peut tout aussi bien qualifier directement cette institution. C'est ce que je vous propose de faire en adoptant cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission sollicite le retrait de l'amendement n° 41, qui est satisfait par les dispositions de l'amendement n° 35 de M. Mercier que nous avons adopté et qui caractérise déjà cette institution. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis !

M. le président. Madame David, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi
Discussion générale

8

Déssaisissement d'une commission

M. le président. En accord avec la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, qui en avait préalablement été saisie au fond, la proposition de loi en faveur du pouvoir d'achat, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est renvoyée au fond à la commission des affaires sociales.

9

Renvois pour avis

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi pour le pouvoir d'achat, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 151), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

J'informe le Sénat que la proposition de loi en faveur du pouvoir d'achat (n° 116), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

10

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Le projet de loi sera imprimé sous le n°  156, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3747 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception des véhicules à moteur et des moteurs au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et à l'accès aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3748 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles (refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3749 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au relevé statistique des transports de marchandises et de passagers par mer (refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3750 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 460/2004 instituant l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information en ce qui concerne sa durée.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3751 et distribué.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 10 janvier 2008 :

À neuf heures quarante-cinq :

1. Désignation des membres de la mission d'information commune sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 141, 2007-2008) relatif à la réforme du service public de l'emploi (urgence déclarée).

Rapport (n° 154, 2007-2008) de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales.

À quinze heures et le soir :

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

Délai limite d'inscription des auteurs de questions : Jeudi 10 janvier 2008, à onze heures.

4. Suite de l'ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 10 janvier 2008, à zéro heure trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD