M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Alors que nous sommes parvenus aux explications de vote, un certain nombre de collègues se demandent comment votera le groupe auquel j'appartiens.

L'exégèse que j'ai faite de l'article 89 diverge quelque peu de l'analyse qu'en a faite M. le rapporteur.

Il est clairement établi que c'est le compromis de mai 2006 qui s'applique aujourd'hui. À ma connaissance, dans la Marne, où les maires et moi-même dénonçons, comme ailleurs, l'article 89, aucun contentieux n'est survenu à la suite de l'absence d'accord entre l'établissement privé et la commune sur la base du compromis. Toutefois, je ne partage pas l'optimisme de M. le rapporteur quand il affirme que le Conseil d'État confirmera que le compromis a force de loi. Mais dans l'attente que celui-ci rende sa décision, nous suivrons les conclusions de la commission des lois.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. De la commission des affaires culturelles !

M. Yves Détraigne. Monsieur le président de la commission, pardonnez ce lapsus d'un membre de la commission des lois ! Mais il est vrai que la commission des lois n'aurait peut-être pas adopté la même position que la commission des affaires culturelles ! (Sourires.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous m'auriez convaincu ! (Nouveaux sourires.)

M. Yves Détraigne. Tant que ce compromis, à défaut d'avoir force de loi, est la règle sur laquelle sont conclus les accords, tout va bien. Mais que se passera-t-il quand le Conseil d'État estimera que les termes de la loi diffèrent de ceux du compromis ? Évidemment, la loi l'emportera. À tout le moins, c'est ce que j'ai appris au cours de mes années d'apprentissage de droit et c'est ce qu'ont appris tous ceux qui ont fait du droit.

J'ai bien noté que tant M. le président de la commission que M. le rapporteur s'accordent à penser que si le Conseil d'État considère que seul doit s'appliquer l'article 89, les trois exceptions prévues par l'accord de mai 2006 seront caduques et il faudra bien alors les inscrire explicitement dans la loi.

En conclusion, le groupe de l'Union centriste-UDF suivra les conclusions de la commission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Notre collègue du groupe socialiste prétendait voilà quelques instants que nous ne fréquentions pas les mêmes représentants de maires. Pour ma part, je suis très soucieux du respect de la démocratie. À cet égard, l'AMF est, me semble-t-il, l'association la plus représentative, si l'on considère le nombre de ses adhérents et leur diversité politique et philosophique. Or ses représentants, que nous avons rencontrés, nous ont dit très clairement qu'il fallait s'en tenir au compromis qu'ils ont signé avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur et avec l'enseignement privé.

Attendons que le Conseil d'État se prononce. Selon la décision qu'il rendra, peut-être faudra-t-il inscrire plus tard dans la loi les propositions de notre collègue Yves Détraigne.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous permettrez à l'auteur du délit de dire un mot avant la fin de cette discussion ! (Sourires.)

Je remercie les collègues, le rapporteur et le ministre, qui ont bien voulu rappeler tout à l'heure, en termes délicats, courtois et amicaux, les circonstances dans lesquelles j'avais été conduit à prendre cette initiative.

De ce point de vue, je n'ai rien à rajouter, car finalement l'article 89 n'est qu'une simple mesure d'application de deux dispositions de la loi Debré et de la loi Chevènement de 1985, qui ne pouvaient pas être mises en oeuvre, faute pour le législateur d'avoir prévu, comme il l'a fait pour l'école publique, que lorsqu'il n'y avait pas d'accord entre les communes pour la répartition des dépenses, c'était le préfet qui devait trancher.

Donc, c'est une simple mesure technique, sans plus. Vous imaginez bien que, en ce qui me concerne et connaissant mes convictions personnelles, je n'avais aucune arrière-pensée. Restons-en là sur ce point !

Mes chers collègues, au-dessus de tout cela avec le processus de la loi Debré, confirmé, comme l'a rappelé le ministre, par la loi Guermeur, existe avant toute autre considération ou disposition un principe fondamental, reconnu à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel : c'est le principe de parité entre enseignement public et privé : il serait inconstitutionnel de donner plus à l'enseignement privé qu'à l'enseignement public, toutes choses égales par ailleurs.

M. Michel Charasse. Et c'est essentiellement l'objet, d'ailleurs, d'un des paragraphes de la circulaire de 2007, qui le confirme très clairement, et de l'accord conclu entre l'Association des maires de France, les ministres concernés et l'enseignement privé - l'enseignement catholique, je crois - en 2006, c'est la question qui se trouve maintenant posée au Conseil d'État s'il décide de s'en saisir, ce qu'il n'est pas obligé de faire puisque le recours ne porte que sur la conformité de la circulaire à l'article 89.

Bref, ce principe de parité s'impose et je ne fais pas partie de ceux qui craignent que le Conseil d'État ne revienne dessus dans son arrêt. Car, dans ce cas, il s'arrogerait peut-être le droit de considérer que le principe de parité est subordonné à d'autres considérations, ce qui n'est pas possible au regard de la République et de ses principes, posés sur ce sujet-là par la loi Debré, confirmés par plusieurs lois ultérieures, validés par le Conseil constitutionnel et qui n'ont jamais été remis en cause depuis 1959.

Ce que je regrette, mes chers collègues, c'est que la commission ne nous ait pas proposé de faire oeuvre utile, en sacralisant l'accord du printemps 2006 dans la loi, ce qui revient à rectifier et à compléter l'article 89. Mon intention d'origine - mais je n'ai pas déposé le texte rectifié de mon d'amendement - visait, comme l'a rappelé l'un de nos collègues, uniquement les communes qui n'ont pas ou plus d'école publique.

J'aurais donc souhaité que la commission nous propose de compléter l'article 89 en disant : « C'est le principe de parité qui s'applique ». De ce point de vue, la proposition de la commission - même si, comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, elle ne s'en est peut-être pas aperçue - revient à dire : « Laissons le Conseil d'État faire la loi à notre place ». Eh bien, pour moi, cette démarche n'est pas acceptable !

Et si nous avions sacralisé aujourd'hui, dans la loi, l'accord auquel nous sommes parvenus en 2006, qui fait largement consensus et n'est plus de nature à soulever des contentieux - bien sûr, il peut toujours y avoir des chicaneries, car le simple accord n'a pas d'autre valeur que morale, si je puis dire -, nous ne serions pas, les uns et les autres, inquiets de ce qui peut se produire jusqu'au prononcé de l'arrêt du Conseil d'État.

Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles je suivrai naturellement mon groupe dans son vote tout à l'heure.

M. le président. Avant de donner la parole à M. Alain Vasselle, je vous rappelle, mes chers collègues, que, si j'ai accepté de prolonger le débat, c'est parce que l'on m'avait donné quelques assurances.

Vous avez la parole, monsieur Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je suis désolé de vous contrarier, mais il faudrait que le Sénat organise son travail de telle sorte que les sénateurs puissent participer aux débats en séance publique sur les sujets qui concernent leur département. En ma qualité de président de l'association départementale des maires, j'ai un avis à donner sur cette proposition de loi. Quand on me demande de présider la mission d'évaluation et de contrôle des dépenses de la sécurité sociale, d'être le rapporteur des travaux de la mission commune d'information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance et que, dans le même temps, on délibère en séance publique, vous comprendrez, monsieur le président, que de telles conditions de travail ne permettent pas à l'ensemble des parlementaires de s'investir sur tous les dossiers sur lesquels ils ont un droit de regard et doivent pouvoir s'exprimer.

M. Alain Vasselle. Je regrette de prolonger le débat en intervenant sur ce sujet, mais je voudrais simplement formuler deux observations.

En premier lieu, je partage l'idée de ceux qui considèrent qu'une parité stricte doit être respectée entre l'enseignement public et l'enseignement privé.

En second lieu, si l'on ne règle pas le problème immédiatement, il faudrait que le ministre de l'éducation nationale ou le Premier ministre puissent au moins envoyer une circulaire aux préfets pour leur dire que, tant que le Conseil d'État ne s'est pas prononcé, toutes les dispositions tendant au financement des écoles privées par les communes dont les enfants sont scolarisés dans ces établissements seront gelées. Cela nous permettrait d'attendre et, le moment venu, de délibérer de nouveau sur cette question. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Paul Girod. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Mes chers collègues, avant que vous ne votiez, je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'il s'agit de conclusions tendant à ne pas adopter la proposition de loi.

Autrement dit : ceux qui ne sont pas favorables à la proposition de loi doivent voter « pour » les conclusions de la commission ; ceux qui sont favorables à la proposition de loi et souhaitent passer à la discussion des articles doivent voter « contre » les conclusions de la commission.

Je mets aux voix les conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 106.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants. Je vous rappelle que nous allons recevoir M. le Premier président de la Cour des comptes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales
 

4

DÉpÔt du rapport annuel de la Cour des comptes

M. le président. L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans l'hémicycle selon le cérémonial d'usage.)

M. le président. Monsieur le Premier président, au nom de mes collègues et en mon nom propre, je vous souhaite une très cordiale bienvenue au Sénat où vous venez pour la quatrième fois pour la remise du rapport annuel de la Cour des comptes, un rapport toujours très attendu.

Laissez-moi saisir l'occasion de votre venue dans cet hémicycle pour rappeler l'importance que notre assemblée accorde au développement de relations toujours plus étroites avec la Cour des comptes, afin de contribuer avec la plus grande efficacité à la mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, qui constitue - dois-je encore le rappeler ? - la « seconde nature » du Sénat.

À la fin de l'année dernière, la Cour des comptes a célébré son bicentenaire - et j'ai d'ailleurs moi-même assisté, sur votre invitation, monsieur le Premier président, à la séance solennelle du 5 novembre. Je sais que, sans tourner le dos à la tradition, l'institution que vous représentez est pleinement engagée dans la modernité.

Celle-ci passe naturellement par le renforcement des liens de la Cour avec le Parlement, en particulier avec les commissions des finances et des affaires sociales dans le cadre de la mission d'assistance que l'article 58 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a bien voulu lui confirmer.

C'est donc avec un intérêt, une curiosité et une attention chaque année renouvelés que nous allons prendre connaissance de votre rapport.

Monsieur le Premier président, vous avez maintenant la parole.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, en application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président de la Cour des comptes remet à M. le président du Sénat le rapport annuel de la Cour des comptes. - Applaudissements.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier président. Ce rapport est lourd ! (Sourires.)

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, messieurs les présidents des commissions des finances et des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, voici donc venu le moment rituel de la remise du rapport annuel, rapport au demeurant mal dénommé puisqu'il n'est plus, et de loin, la seule publication de la Cour.

De même, s'il a longtemps constitué avec la « déclaration de conformité » l'essentiel de notre assistance au Parlement, il n'est plus aujourd'hui qu'un élément parmi beaucoup d'autres dans l'ensemble des travaux qui vous sont destinés.

Nous vous livrons ainsi, depuis plus de dix ans maintenant, les trois rapports que nous élaborons dans le cadre du contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale : le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État, le rapport nouvellement dénommé « rapport sur l'état des finances publiques » et le rapport sur la sécurité sociale. Et pour la première fois cette année, j'ai eu l'honneur de vous remettre deux autres rapports rassemblant les résultats de nos travaux de certification sur les comptes de l'État et sur ceux de la sécurité sociale.

Nous vous transmettons également chaque année l'ensemble de nos rapports thématiques. En 2007, nous en avons publié cinq, qui portent sur les grands chantiers culturels, les aides des collectivités territoriales aux entreprises, la recherche publique dans le domaine des sciences du vivant, la prise en charge des personnes sans domicile et les institutions sociales des industries électriques et gazières.

Vous avez été également destinataires de quatre rapports présentant les résultats de nos contrôles relatifs aux organismes faisant appel à la générosité publique.

Mais je veux surtout insister sur les rapports que nous réalisons à la demande de vos commissions des finances et des affaires sociales. Nous avons ainsi adressé à la commission des finances du Sénat cinq rapports dits « 58-2 » portant respectivement sur les retraites militaires, la gestion des crédits d'intervention de la politique de la ville, l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et les conditions d'exercice de sa maîtrise d'ouvrage, le service des pensions de l'État et la gestion et l'efficacité des remboursements et des dégrèvements d'impôts d'État et d'impôts locaux.

Nous avons également remis à la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, de la commission des affaires sociales un rapport sur la protection sociale agricole.

Je voudrais vous dire combien nous sommes satisfaits de voir l'attention que vous portez à l'ensemble de ces travaux. Je pense aux nombreuses auditions que vous organisez et auxquelles les magistrats de la Cour participent toujours avec beaucoup d'empressement. Je pense également aux rapports d'information que les rapporteurs des commissions réalisent sur cette base ainsi qu'aux rapports de suivi.

Votre intervention est bien évidemment essentielle à nos yeux. Elle permet aux recommandations de la Cour d'être mieux entendues, d'être relayées et d'être portées par la voix efficace de vos présidents et de vos rapporteurs.

Ce point est décisif à nos yeux et c'est une raison supplémentaire, s'il en était besoin, de compter sur notre entière coopération.

Il faudrait que je mentionne également les rapports sur les entreprises publiques. Nous vous en avons remis dix-huit cette année.

Je n'oublie pas non plus les référés, qui vous sont désormais communiqués trois mois après leur transmission aux ministres. Nous vous en avons adressé trente-trois en 2007.

À cet égard, vous avez bien voulu me faire part voilà quelques jours, monsieur le président de la commission des finances, des analyses effectuées par les rapporteurs spéciaux sur ces référés et ces rapports particuliers. Je m'en réjouis, comme je me réjouis de l'organisation de trois auditions de suivi sur les systèmes d'information du ministère des affaires étrangères, sur la réforme des ports autonomes et sur la mise en oeuvre des engagements pris par l'Établissement public pour l'aménagement de la Défense afin de clarifier ses comptes.

Comme vous le rappelez, c'est là une nouvelle forme de valorisation des travaux de la Cour dont je me félicite grandement. Soyez assurés que la Cour continuera à vous apporter tout le soutien nécessaire dans cette démarche.

Encouragée sans aucun doute par l'intérêt et la portée que vous donnez à nos travaux, la Cour a voulu, cette année encore, par le biais de son rapport annuel, vous faire part d'un certain nombre d'observations dans des domaines très divers.

Le rapport public annuel n'est certes plus qu'une publication parmi d'autres, mais il reste important. Il garde en effet une aura particulière pour l'opinion et pour les médias. Il constitue aussi pour nous l'occasion de faire valoir le travail de l'ensemble des chambres de la Cour et des chambres régionales des comptes. C'est l'occasion aussi de faire un bilan de notre activité.

Vous aurez pu constater que, pour la troisième année consécutive, le rapport comporte un deuxième volume consacré aux suites données à nos travaux.

Il faut en effet mettre un terme à une idée fausse qui voudrait que la Cour parle le plus souvent dans le vide. D'autant que cette année, avec trente-huit insertions de suivi, nous battons en quelque sorte un record.

Vous n'y êtes pas étrangers, je le répète. Bien des avancées sont à mettre à l'actif du travail de vos commissions et de leurs rapporteurs.

Permettez-moi de revenir sur les progrès les plus significatifs enregistrés cette année. Il s'agit notamment de la taxation des stock-options consacrée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, de l'intégration progressive dans le budget de l'Élysée de l'ensemble des dépenses qui lui sont rattachables, de la plus grande autonomie conférée aux universités grâce à la loi du 10 août dernier, de la consécration législative d'un principe de continuité de la prise en charge pour les personnes sans domicile ou encore du redéploiement de certaines places d'hébergement d'urgence en un hébergement plus durable.

Il faut citer aussi le meilleur encadrement des remboursements par l'assurance maladie des frais de transport, la réforme de la protection juridique des majeurs par la loi de mars 2007, la simplification et la consolidation juridique du dispositif de crédit impôt recherche, la fusion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise avec le contrat initiative emploi, acquise grâce à votre intervention, ce qui devrait, selon le rapporteur de votre commission des finances, entraîner une économie budgétaire substantielle.

Je pourrais mentionner également les progrès réalisés par nombre d'organismes, notamment la création par l'UNEDIC d'un fonds de réserve pour lisser les conséquences financières des aléas conjoncturels, l'amélioration de la gestion de l'action sociale à la Caisse des dépôts et consignations ou la poursuite de la réforme de la Banque de France, sujet bien connu de vous et sur lequel vous nous aviez demandé, en 2003, un rapport 58-2.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Dans certains domaines, les résultats sont même quantifiés. C'est le cas pour nos observations concernant les comptes de l'État dans le cadre de la certification. Nous avons calculé que plus de 90 % de nos recommandations avaient été mises en oeuvre.

Certes, le bilan n'est pas toujours positif. Mais force est de constater que les choses bougent.

Vous trouverez également dans ce deuxième tome de nombreux sujets déjà traités par la commission des finances concernant par exemple l'Établissement public pour l'aménagement de la Défense - qui avait fait l'objet d'un référé de la Cour puis d'une audition -, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, que nous avions contrôlé à votre demande en 2005, le service de l'équarrissage ou la gestion immobilière du ministère de l'équipement, qui fut également l'objet d'un « 58-2 ».

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, si je parle moins de votre commission, c'est parce qu'elle dispose en quelque sorte de son rapport public annuel, avec le rapport sur la sécurité sociale que nous lui remettons en septembre. (M. le président de la commission des affaires sociales opine.)

Dans tous ces domaines, nous avons pu constater certains progrès mais nous encourageons les administrations à poursuivre leurs efforts.

Voilà pour ce qui est du travail de suivi.

J'en viens au premier tome du rapport. Il reprend plusieurs sujets dont certains ont, à très juste titre, intéressé votre commission des finances cette année.

Un de nos sujets communs de préoccupation concerne le service des pensions des fonctionnaires.

Vous avez rendu public, le 31 janvier dernier, votre rapport d'information sur la question, à la suite du rapport 58-2 que nous vous avions remis. Nous revenons également dans notre rapport public annuel sur ce sujet que nous avions déjà traité en 2003. Vous connaissez le diagnostic. La situation n'est plus acceptable et nous nous félicitons que vous proposiez des mesures pour relancer cette nécessaire réforme.

Le deuxième sujet, qui recoupe également vos préoccupations, est celui de la gestion immobilière de l'État.

L'enjeu n'est pas mince puisque le patrimoine de l'État est estimé à environ 50 milliards d'euros. La Cour dénonce depuis très longtemps les gaspillages, la faiblesse de la maîtrise d'ouvrage et la priorité trop souvent accordée, par facilité, aux opérations nouvelles sur les opérations d'entretien.

L'annonce, par le ministère des finances en février 2006, d'une réforme de la politique immobilière de l'État, incluant la création de l'agence « France-Domaine » héritière du service des domaines de ce même ministère, devrait conduire, nous l'espérons tous, à des changements significatifs.

Mais nous n'en sommes pas encore là.

Les cinq exemples cités par la Cour dans ce rapport annuel illustrent chacun un aspect différent des problèmes. L'un est malheureusement « classique » : il s'agit de la rénovation du grand ensemble de bureaux des ministères sociaux, place de Fontenoy. Faute d'engagement politique et financier clair, l'opération décidée en 1992 ne sera bouclée au mieux qu'en 2011 et les dépenses auront plus que doublé par rapport aux estimations initiales.

Deux autres cas illustrent certains risques du recours à des montages dits « innovants », sortes de partenariats public-privé, pour financer des localisations nouvelles. Pour le ministère de l'intérieur, c'est la relocalisation des directions de renseignement à Levallois-Perret et pour le ministère des affaires étrangères, la construction d'un immeuble pour les archives diplomatiques. Résultats de ces « innovations » qui ne visent en fait, le plus souvent, qu'à faire face à l'insuffisance de crédits immédiatement disponibles : des surcoûts très importants pour l'État, estimés à près 40 millions d'euros en valeur actuelle pour le seul ministère de l'intérieur, surcoûts liés au fait que l'on semble avoir oublié que l'État emprunte à un taux plus faible que les sociétés privées auxquelles il fait appel pour ce type de montage.

Vous retrouverez également dans le rapport des cas déjà bien connus de vous : la restructuration de l'immeuble des Bons-Enfants, resté sans occupant pendant plus de quinze ans pour cause de querelle entre le ministère des finances et celui de la culture, ou les conditions du relogement des affaires étrangères sur l'ancien site de l'Imprimerie nationale. Je sais que vous avez organisé une audition sur ce thème en octobre dernier.

De façon générale, l'État aura fait preuve dans toutes ces opérations d'une myopie coûteuse...

Le rapport contient de nombreux autres exemples illustrant la difficulté qu'éprouve l'État pour réformer sa gestion interne.

Il y a la question de la redevance audiovisuelle. La Cour s'est attachée à dresser le bilan de la réforme du service de la redevance. Nous montrons ainsi qu'il en est bien résulté une simplification pour l'usager et une diminution de la fraude ainsi que des économies assez significatives, mais qu'un plein parti n'a pas été tiré des gains de productivité réalisés.

Par ailleurs, la réforme n'a pas apporté de réponse à la question du financement de l'audiovisuel public. Le niveau de la redevance augmente en effet moins vite que les dépenses des sociétés audiovisuelles. Son montant est resté fixé à son niveau de 2002, soit 116 euros. C'est deux fois moins que chez nos voisins allemands ou britanniques. Il y a donc d'ores et déjà un problème financier qui fait peser un risque de report de charge sur le budget de l'État.

Le débat a resurgi voilà quelques semaines avec des hypothèses tout à fait nouvelles. Vous ne trouverez bien évidemment pas dans ce rapport l'avis de la Cour sur les propositions de M. le Président de la République ; nous sortirions de notre rôle. En revanche, vous y trouverez les termes financiers du débat.

Nous revenons également sur la situation de l'Imprimerie nationale et évaluons son plan de redressement.

Ce plan, au prix d'une réduction draconienne des effectifs, a permis d'écarter le risque de dépôt de bilan. Mais il a coûté cher à l'État et l'entreprise reste très dépendante de ses dernières activités de monopole. Elle doit encore faire un effort pour aligner sa productivité sur ses concurrentes.

La Cour aborde aussi dans ce rapport ce qu'elle qualifie, avec ce sens de la litote que nul ne songe à lui contester, de « curiosité administrative » : les conservations des hypothèques. Les conservateurs des hypothèques bénéficient d'un statut datant d'un édit de Louis xv, pris en 1771. Leurs rémunérations font partie des plus élevées du ministère des finances, sans lien avec leurs responsabilités véritables. Voilà de beaux postes de débouché, ce qui peut expliquer que le nombre de conservations et donc de conservateurs n'ait pas bougé alors que le nombre d'agents a beaucoup diminué.

À côté de cela, les usagers continuent à payer des tarifs élevés et le service rendu n'a pas bénéficié de tous les progrès rendus possibles grâce à l'informatisation.

J'ai évoqué des questions de gestion interne à l'État. La Cour s'est également intéressée à la manière dont l'État assume sa fonction d'actionnaire.

À cet égard, il convient tout d'abord de souligner les progrès engendrés par la création de l'Agence des participations de l'État. Elle a permis un plus grand professionnalisme des opérations en capital ainsi qu'une meilleure gouvernance des entreprises publiques.

Il reste que l'État actionnaire a des intérêts contradictoires, patrimoniaux et financiers d'un côté, stratégiques de l'autre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Il est de ce fait quelque peu schizophrène : doit-il privilégier l'un ou l'autre ? La situation financière, le déficit pour parler clair, le pousse parfois à vendre au détriment d'une vision de long terme de ses intérêts.

Pour schématiser, il est des cas où l'État vend mal et vend des participations pourtant stratégiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Du coup, il se retrouve de plus en plus souvent dans une position d'actionnaire minoritaire, qui affaiblit ses positions et sa maîtrise des décisions. La mauvaise gestion de l'affaire EADS est symptomatique de ces difficultés. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Nous citons aussi à l'appui de notre analyse l'exemple de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes qui n'a pas rapporté autant qu'elle aurait pu et qui a été conduite sans que les précautions nécessaires à la protection des usagers en matière de tarifs aient été prises.

La question des tarifs autoroutiers fait, du coup, l'objet d'un chapitre entier du rapport public. La Cour en a analysé précisément les mécanismes. Elle constate qu'aujourd'hui les prix pratiqués ne correspondent plus aux coûts des investissements et de l'exploitation des autoroutes et que bien souvent, trop souvent, l'usager paye plus qu'il ne devrait. Aucune remise en ordre n'a été effectuée ni lors de l'ouverture du capital ni lors de la privatisation des concessionnaires en 2006. Il faut revoir ce système et la Cour demande à l'administration qui homologue chaque année les tarifs de faire preuve de plus de rigueur.

Le rapport présente également un bilan des défaisances ayant concerné le Crédit lyonnais, bien entendu, mais aussi le Crédit foncier de France, le Comptoir des entrepreneurs ou le Groupe des assurances nationales, le GAN.

Ce sujet, la Cour l'avait déjà examiné en 2000 dans un rapport sur l'intervention de l'État dans la crise du secteur financier. Aujourd'hui, elle est en mesure de dresser un bilan que l'on peut considérer quasi définitif.

Financièrement, on s'y attendait, la facture pour l'État est lourde, très lourde : 20,7 milliards d'euros.

Surtout, le choix de « cantonner » les actifs compromis dans des structures spécifiques vouées à la disparition n'a pas permis d'en tirer le meilleur parti. Les montages complexes ont conduit à de fréquentes confusions de responsabilités, aggravées par le fait que l'État ne pouvait guère se désintéresser de ces sujets.

On peut légitimement se demander s'il ne conviendrait pas plutôt, en de semblables circonstances, de responsabiliser les sociétés concernées en leur laissant la gestion directe des actifs compromis et des contentieux.

Nous avons examiné les performances de l'État gestionnaire et celles de l'État actionnaire. Nous évaluons également dans ce rapport ses performances dans un certain nombre des politiques publiques qu'il mène.

Notre travail aborde cette année encore les questions d'enseignement supérieur et de recherche, thèmes sur lesquels la Cour a réalisé ces dernières années de nombreux contrôles.

Je vous renvoie notamment au chapitre consacré au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS. L'établissement, en dépit d'une meilleure gestion, a souffert de l'instabilité de ses équipes dirigeantes et des hésitations portant sur son rôle. Il y a aujourd'hui trois solutions pour le CNRS : être un fédérateur de compétences, être un opérateur direct de recherche, ou être une agence de moyens au service d'une recherche conduite par les universités. Il faudra bien choisir et, en tout cas, trouver des équilibres durables avec l'université.

La Cour s'est également intéressée aux quatre universités des villes nouvelles de la région d'Île-de-France, créées au tout début des années quatre-vingt-dix. Elles apparaissent comme un succès, ne serait-ce que parce que leurs effectifs augmentent alors qu'ailleurs le nombre des étudiants a plutôt tendance à baisser. Ce succès semble avoir pris l'État au dépourvu, et les établissements concernés sont aujourd'hui victimes de leur croissance.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. La Cour a donc consigné un certain nombre de recommandations dans le rapport.

Nous abordons ensuite le domaine de l'emploi, avec deux sujets, et d'abord le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, créé en 2005 sur le modèle du fonds géré pour le secteur privé par l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés.

Le parti pris d'aligner le dispositif des fonctions publiques sur celui du privé était difficile à tenir, je crois pouvoir en parler en connaissance de cause : si les objectifs peuvent légitimement être transposés, les moyens pour y parvenir doivent nécessairement différer, au moins partiellement.

Du coup, la greffe n'a pas pris : le fonds dispose de ressources financières élevées qu'il ne parvient pas à utiliser, cependant que le taux d'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique reste très en deçà de l'objectif. (M. le président de la commission des finances opine.)

La raison principale du retard constaté et de la difficulté à dépenser les ressources disponibles réside dans les modes de recrutement dans la fonction publique, qui, par définition, divergent de ceux du secteur privé et privilégient les concours, et, surtout, exigent hors concours l'équivalence des diplômes pour tout candidat à un emploi donné. C'est donc en amont du processus de recrutement qu'il faudrait agir, notamment en améliorant la formation des personnes handicapées, quitte à élargir le champ d'intervention du fonds. En bref, il faudrait imaginer pour la fonction publique un dispositif qui lui soit plus spécifique.

Le second sujet concernant l'emploi est la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC. Nous en préconisons le rapprochement depuis plusieurs années. Nous dénoncions, notamment en 2006, un système qui impose au demandeur d'emploi des allers-retours entre l'ASSEDIC, qui l'inscrit sur les listes et l'indemnise, et l'ANPE, qui l'aide dans sa recherche d'emploi. Dans la perspective de la fusion annoncée, nous sommes revenus examiner cette question en 2007. Nous avons constaté certains progrès, notamment la création de quelques guichets uniques. Cependant, il faut bien le reconnaître, l'amélioration reste très limitée.

Nous avons également examiné les conditions du recours à des opérateurs privés de placement pour les demandeurs les plus éloignés de l'emploi. Cette sous-traitance a coûté cher sans que son efficacité soit prouvée. Une méthode d'évaluation plus rigoureuse a été mise en place ; il faudra être vigilant sur ses résultats.

On trouvera également, plus loin dans le rapport, les résultats d'un contrôle que la Cour a effectué sur la gestion des ressources humaines à l'ANPE. L'enjeu est de taille : l'ANPE est le plus gros opérateur de l'État, et 30 000 agents sont concernés. Il faut savoir que les dépenses de personnel de l'ANPE, qui dépassent désormais 1 milliard d'euros, ont crû de plus des deux tiers entre 1999 et 2006, plus vite que les effectifs, notamment grâce à une politique de primes et d'indemnités très favorable. La fusion avec l'UNEDIC devrait être l'occasion d'une remise en ordre.

La Cour aborde également deux sujets de moindre importance financière, mais illustrant, chacun à sa manière, des aspects particuliers de politiques publiques importantes.

Les relations entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, d'abord, au titre de la continuité territoriale. L'État a mis en place un dispositif financier d'aide aux déplacements entre ces territoires et la métropole. Mais, contrairement à ce qui était prévu, l'État finance seul ce dispositif, alors que les collectivités concernées en déterminent les critères d'attribution. Ainsi, outre des abus ou des effets d'aubaine, on constate que les objectifs n'ont pas été atteints. La Cour pense qu'il faut revoir ce dispositif.

S'agissant maintenant de la politique d'aide au développement agricole - le sujet est d'actualité ! -, les conclusions de la Cour sont sévères. Il convient selon nous de redéfinir et de recentrer rapidement les dispositifs concernés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en arrive au terme de cette présentation. Je n'aurai évidemment pas passé en revue toutes les insertions, il s'en faut de beaucoup. Nous avons préparé à votre intention des synthèses sur chacune d'entre elles.

Je ne saurais oublier, avant d'en terminer, de mentionner que, comme chaque année, le rapport annuel de la Cour est accompagné du rapport annuel de la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF, sous forme d'un fascicule distinct.

À ce sujet, je dois signaler, puisque j'évoquais tout à l'heure les défaisances, que le Conseil d'État vient de confirmer l'arrêt rendu par la CDBF dans le dossier d'Altus Finance, filiale du Crédit lyonnais, condamnant deux dirigeants à des amendes très significatives. Cette décision conforte la jurisprudence de la CDBF sur la faute grave de gestion, confirmation qui sera utile demain pour offrir un fondement au régime rénové de responsabilité des gestionnaires que le Président de la République a appelé de ses voeux.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais mettre en exergue. J'espère qu'ils vous apporteront des éléments d'information et des analyses utiles à vos débats et à votre travail de contrôle et d'évaluation. C'est en tout cas dans cet esprit que nous avons travaillé et que nous continuerons de travailler pour vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE - M. Jean-Claude Frécon applaudit également.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)