réglementation sur les donations à titre gratuit de parcelles agricoles

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Philippe Richert, auteur de la question n° 206, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, je vous remercie, au nom de mon collègue Philippe Richert, de m’autoriser à poser cette question à laquelle il tient beaucoup et qui porte sur la réglementation des donations à titre gratuit de parcelles agricoles. Certes, je suis aujourd’hui élue de la région parisienne, mais j’ai travaillé pendant plus de trente ans dans les organismes agricoles et je suis donc très au fait des problèmes liés aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

En l’état actuel du droit, le code rural octroie aux SAFER un droit de préemption à l’occasion d’aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Ce droit de préemption peut s’exercer grâce à une obligation de déclaration préalable auprès de la SAFER par le vendeur.

Si l’aliénation est à titre gratuit, par donation ou par partage, aucune déclaration préalable n’est nécessaire. La SAFER n’a donc aucune prise sur l’opération, ce qui n’est pas scandaleux en soi, puisque ces donations se font généralement entre membres d’une même famille.

Or, dans la circonscription de mon collègue Philippe Richert, plus précisément dans le village de Lohr, cette faculté a été détournée de son but. Ainsi, un agriculteur a fait don de terrains agricoles, qui plus est déclarés constructibles, à un agriculteur résidant et exploitant à vingt kilomètres de là, avec lequel, semble-t-il, il n’entretient aucun lien. Vous imaginez sans peine, monsieur le secrétaire d’État, la réaction de la SAFER, mais aussi celle du jeune agriculteur voisin, qui aurait pu agrandir son domaine grâce aux parcelles agricoles en cause !

Cette pratique n’est pas du tout illégale ; elle trouve simplement son fondement dans les lacunes de notre législation, qui ne précise pas que le champ d’intervention de la SAFER s’arrête lorsqu’il s’agit de cession gratuite au sein d’une même famille.

Dans le cas d’espèce, la géographie et la topographie des parcelles incriminées auraient entraîné sans aucun doute l’exercice du droit de préemption par la SAFER. Il s’agit donc bien d’un détournement volontaire et très étudié de la loi, auquel il faut remédier rapidement.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, au nom de mon collègue Philippe Richert, je souhaite que vous indiquiez quelles sont les mesures envisagées pour parer à cette situation et donner aux collectivités les moyens d’exercer un droit de préemption sur les biens concernés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Madame le sénateur, permettez-moi de vous présenter les excuses de mon collègue Michel Barnier, qui, inaugurant ce matin un salon de l’agriculture en Aquitaine, m’a chargé de répondre à votre question.

Le droit de préemption conféré aux SAFER ne peut être exercé qu’à l’occasion d’aliénations à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Il ne peut donc intervenir que lorsqu’un propriétaire, ayant décidé de mettre en vente son bien, terrain, exploitation, siège d’exploitation ou bâtiment d’exploitation vendu isolément, maintient sa décision de vendre.

Tout propriétaire a effectivement la possibilité de retirer son bien de la vente lorsque la SAFER, assortissant sa préemption d’une révision de prix, présente une contre-offre de prix inférieure. Certaines aliénations faisant l’objet d’une exemption au droit de préemption des SAFER, limitativement prévues par les dispositions de l’article R. 143-9 du code rural, doivent leur être notifiées à titre déclaratif, aux fins d’information. Les transmissions par donation n’entrent pas dans le champ de ce dispositif.

Si des donations viennent à être opérées entre personnes sans liens de famille, et même s’il est permis de supposer qu’elles n’ont pas lieu de façon totalement désintéressée, la SAFER ne peut pas intervenir, sauf si elle prouve qu’il s’agit bien de donations fictives et de ventes déguisées, destinées à éluder intentionnellement son droit de préemption.

Pour l’heure, il n’est pas envisagé de modifier le droit de préemption des SAFER sur ce point précis, qui touche directement le droit de propriété.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Il m’est difficile de répondre à M. le secrétaire d’État, car la question émane de mon collègue Philippe Richert. Cependant, à sa place, en ma qualité de parlementaire, je déposerais un amendement ou une proposition de loi tendant à modifier la disposition en cause. Mon collègue avisera.

maintien et développement de l’offre de formation publique dans l’enseignement agricole

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 234, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la suppression de postes dans les lycées soulève une forte incompréhension de la part des lycéens, des parents d’élèves, des enseignants et des professionnels du monde agricole. Élèves et enseignants de Tours viennent de manifester plusieurs fois contre la suppression de postes d’enseignants.

Le 15  mai prochain, les écoles, collèges et lycées seront en grève. Cinq fédérations de l’éducation ont appelé à cette journée pour protester contre la politique budgétaire et éducative du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, la situation de l’enseignement agricole public se dégrade également de façon continue depuis près de six ans. Elle risque malheureusement de subir une chute brutale si vous ne prenez pas les mesures indispensables. Elle est tellement critique que votre collègue, le ministre de l’agriculture et de la pêche, a lui-même renoncé à l’aggraver davantage, en annonçant à l’intersyndicale le rétablissement de 130 postes sur les 319 initialement supprimés. Je souhaite que vous m’apportiez confirmation de ce rétablissement et que vous m’indiquiez à partir de quelles dotations le financement de ces postes est-il envisagé.

Quoi qu’il en soit, un certain nombre de points noirs subsistent un peu partout en France, et la région Centre n’est pas épargnée. Je voudrais m’y attarder quelques instants. Les trois exemples que je vais développer témoignent d’engagements pris par le ministère qui n’ont été accompagnés d’aucun moyen pour y faire face.

Pourquoi le lycée agricole de Bourges, qui dispense une formation d’analyse et de conduite des systèmes d’exploitation, au succès indéniable, et qui refuse chaque année des candidats, se verrait-il aujourd’hui contraint de supprimer cette classe ? Comment interpréter votre engagement en faveur des filières de production si, d’un autre côté, vous engagez la disparition d’une telle formation ? La profession a besoin de cadres formés pour gérer les exploitations et vous ne pouvez ignorer les contraintes de plus en plus complexes rencontrées par le monde agricole. Le rétablissement d’une telle formation me semble aujourd’hui impératif, pour l’agriculture berrichonne notamment.

La direction régionale de l’agriculture et de la forêt, la DRAF, a annulé, le 22 avril dernier, la création d’un BTS « gestion et maîtrise de l’eau » à Fondettes, alors que les inscriptions à ce brevet sont ouvertes sur le site du ministère depuis la fin du mois de février, que les collectivités territoriales, comme l’État, ont émis un avis favorable et que les financements nécessaires sont prévus.

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, mon étonnement face à ce brusque revirement, qui intervient sans aucune explication. J’attends que les inscriptions soient maintenues et que la classe soit bien ouverte, d’autant que le Grenelle de l’environnement a mis l’accent sur cette question déterminante.

Les agriculteurs sont souvent montrés du doigt sur les questions de pollution des eaux. On ne peut à la fois stigmatiser la profession et ne pas lui donner les moyens de mieux répondre à ce besoin de préservation de notre environnement.

Pour ce qui concerne Montargis, en 2007, M. Bussereau, alors en charge de ce secteur, avait promis, à grand renfort de publicité dans les médias, qu’une classe préparatoire « technologie et biologie » serait créée. Ce fut chose faite, sur décision ministérielle. Il s’avère, à ce jour, que cette classe, unique dans l’enseignement agricole, aura certes une suite, mais sans financement complémentaire de l’État. Son financement sera donc pris sur la dotation de la région Centre, ce qui aura une implication sur d’autres projets.

Ces situations relevées dans la région Centre se répètent malheureusement dans de nombreux lycées agricoles publics de notre pays, et ce de façon plus grave parfois, comme c’est le cas dans la région Midi-Pyrénées, où douze classes vont être supprimées, comme je viens de l’apprendre.

Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour permettre à notre enseignement agricole public de répondre aux besoins de l’agriculture et de l’environnement dans nos différentes régions, mais aussi à l’avenir de nos jeunes qui souhaitent se former à ces métiers ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Tout d’abord, monsieur le président, je souhaite présenter au Sénat les excuses de M. Barnier, qui se trouve actuellement au salon de l’agriculture de l’Aquitaine.

Madame le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur la situation de certains établissements d’enseignement agricole public de la région Centre à la rentrée scolaire 2008-2009.

Le Gouvernement est très sensible à l’intérêt que vous portez à l’enseignement agricole, qui est reconnu tant pour l’efficacité de sa pédagogie, pour la réussite de ses élèves aux examens de tous niveaux et pour ses résultats en matière d’insertion professionnelle que pour sa capacité à innover et à s’adapter aux mutations de l’agriculture, du monde rural et aux attentes de notre société. Comme nous avons déjà pu le constater à l’occasion de la question posée par M. Domeizel, aujourd’hui, ces mutations sont importantes ; le monde rural doit donc évoluer, tout en maintenant un équilibre entre le développement et la préservation des ressources.

L’enseignement agricole est un élément essentiel pour la conduite des politiques qui sont placées sous la responsabilité du ministre de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement entend le faire évoluer en réaffirmant ses missions et ses priorités.

Il souhaite vous apporter des précisions en ce qui concerne les questions que vous avez posées, madame le sénateur, sur les lycées de Bourges, Tours et Montargis et certaines de leurs formations.

L’information qui vous a été communiquée sur la fermeture du brevet de technicien supérieur agricole « analyse et conduite des systèmes d’exploitation », le BTSA ACSE, à Bourges est partiellement erronée. Cette formation est actuellement dispensée en un an et en deux ans. Désireuse de former des professionnels de l’agriculture de la meilleure manière, la direction régionale de l’agriculture et de la forêt a proposé au Gouvernement de fermer la formation en un an et d’orienter les étudiants sur la seule formation en deux ans. Dans la mesure où cette filière de production est maintenue dans l’enseignement public dans le Cher dans de meilleures conditions, le Gouvernement a validé cette proposition.

S’agissant du BTSA « gestion et maîtrise de l’eau » de Tours-Fondettes, le Gouvernement a effectivement donné un avis favorable à son ouverture à la rentrée 2008. Pour autant, cette ouverture suppose la mise en place d’installations techniques, comme des laboratoires, qui n’existent pas sur le site et ne seront pas construits à la prochaine rentrée scolaire. Le conseil régional, dont c’est la responsabilité, n’aura, semble-t-il, pas le temps d’achever les travaux d’ici au mois de septembre.

Dans ces conditions, est-il raisonnable d’accueillir des étudiants à la prochaine rentrée ? Je ne le pense pas ; c’est pourquoi le report d’ouverture de cette formation à la rentrée 2009 me semble la solution la plus sage. Il va s’en dire que l’ouverture en 2009 est d’ores et déjà acquise.

Enfin, je ne peux vous laisser affirmer que la deuxième année de classe préparatoire « technologie biologie » du lycée agricole de Montargis n’est pas financée, ne serait-ce que par respect pour les étudiants actuellement scolarisés en première année et qui comptent poursuivre leur formation. Ce sont ces jeunes que le Gouvernement veut rassurer, afin qu’ils étudient dans des conditions sereines. Je peux leur dire que l’autorité académique dispose des moyens nécessaires pour faire fonctionner cette deuxième année à la prochaine rentrée scolaire.

Attiser des craintes ne me semble pas la meilleure manière de convaincre les familles de scolariser leurs enfants dans l’enseignement agricole public. J’ai, pour ma part, une grande ambition pour cet enseignement d’avenir et de grande qualité et, au nom du ministre de l’agriculture et de la forêt, je veux assurer ses personnels, les élèves, les étudiants et les apprentis de l’engagement du Gouvernement et de son soutien.

Madame le sénateur, il est des sujets qui doivent être abordés de manière consensuelle, positive et sereine, dans l’intérêt de notre pays. L’enseignement agricole en est un. En notre qualité d’élus locaux, nous savons ce qu’il apporte au maintien de l’identité de tous les territoires, à leur préservation et à leur développement. Je sais pouvoir compter sur votre intérêt et sur votre appui afin de préserver la spécificité de l’enseignement agricole au sein du système éducatif, sa qualité et, surtout, son ancrage dans les territoires ruraux.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, mon attachement à l’enseignement agricole ne s’est jamais démenti, même lorsque je n’étais pas encore élue sénatrice.

En revanche, je peux vous dire que les réponses que vous avez apportées ne correspondent pas à la réalité. Avant de poser ma question, j’ai pris le temps de regarder quelle était la situation sur le terrain.

Actuellement, à Montargis, 2 200 heures de cours seraient nécessaires pour assurer la poursuite de la formation en question. Malheureusement, pour le moment, les moyens adéquats ne sont pas disponibles.

Pour ce qui concerne Fondettes, la région Centre a inscrit dans son budget la somme de 250 000 euros, afin que les moyens financiers nécessaires pour réaliser les équipements que requiert l’ouverture du BTS « gestion et maîtrise de l’eau » soient mis à disposition. Aujourd’hui, rien n’impose de supprimer cette formation. Des étudiants s’y sont déjà inscrits. Si le ministère maintient sa position, il devra leur proposer des solutions pertinentes, faute de quoi ces jeunes risquent de se retrouver dans l’impossibilité d’exercer le métier qu’ils ont choisi, métier passionnant et plus que jamais d’actualité depuis le Grenelle de l’environnement. Par ailleurs, monsieur le ministre, au moment où se déroule le débat sur le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE, de ma région, il serait dommage de ne pas donner un signe.

Il en va de même en ce qui concerne Bourges : je n’ai malheureusement pas d’information selon laquelle, s’il y a fermeture de la formation au BTS ACSE en un an, il y aura maintien de la formation en deux ans.

Cela signifie bien que des problèmes se posent sur le terrain et que les choses ne sont pas aussi claires que les services du ministère le croient. Je me réserve le droit de vous interroger à nouveau si la façon dont elles se déroulent sur place ne correspond pas à ce que votre réponse laisse espérer.

Projet d’abandon de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins à Bourg-Saint-Maurice

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 225, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Thierry Repentin. C’est par des fuites relayées par la presse nationale que nous avons appris, en Savoie, le projet de délocalisation de la garnison du 7e bataillon de chasseurs alpins basée à Bourg-Saint-Maurice, à l’horizon 2010.

Une telle éventualité a suscité d’abord la surprise, puis l’incompréhension, devant l’ampleur des bouleversements dans les implantations de notre armée, tout particulièrement en ce qui concerne les troupes de montagne.

Alors que les travaux de la commission du livre blanc sur la défense laissent systématiquement de côté la question des fermetures éventuelles de casernes malgré les demandes répétées des parlementaires qui y participent, la révision générale des politiques publiques semble très avancée sur cette même question, et ce alors qu’aucune concertation, qu’aucun échange avec les élus de la nation et ceux des territoires concernés n’a eu lieu.

Cette décision de fermeture ou de transfert, si elle se trouvait confirmée, aurait des conséquences irréversibles pour le territoire intéressé, en l’occurrence une zone de montagne : elle comporte directement, et par effet de cascades, un risque de fragilisation de la haute vallée de la Tarentaise.

En effet, même si l’activité touristique est le moteur de son développement économique, cette vallée n’en serait pas moins fragilisée, car les familles des militaires du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice contribuent à l’activité sociale et au développement des communes qui les accueillent, notamment par la scolarisation des enfants, le chiffre d’affaires généré dans les commerces et l’implication du bataillon lui-même dans les événements sportifs locaux ou ses interventions à l’occasion de difficultés rencontrées par les communes en Tarentaise.

Ces familles concourent également au dimensionnement et à la pérennité des services publics, elles sont prises en compte dans les bases de calcul pour les dotations financières d’État versées chaque année aux communes où elles résident : ainsi, pour le calcul de la DGF, ce sont 2 200 personnes liées à la caserne qui sont prises en compte sur une population totale de 7 600 habitants.

Certes, l’insuffisance des logements à loyer modéré a pu pénaliser certaines familles de militaires, mais il appartient à l’État de contribuer à susciter, là aussi, une offre plus forte sur ce territoire.

Par ailleurs, et dans un souci de cohérence plus globale, il serait paradoxal, à l’heure où la France se propose d’envoyer de nouvelles troupes à l’extérieur du territoire national, en particulier en Afghanistan, de se priver de l’excellence reconnue, pour ce théâtre d’opération montagnard, de troupes formées elles-mêmes en montagne.

Elles sont en effet demandées, sollicitées, parce que aguerries, expérimentées sur la base d’entraînements en milieu naturel, similaire aux milieux qui les accueilleront pour plusieurs mois ou plusieurs années pour des actions militaires coordonnées à l’échelle internationale.

Le chef d’état-major des armées afghanes me l’avait confirmé de vive voix lui-même, à l’occasion d’un dîner chez le chef d’état-major des armées françaises, voilà quelques semaines, en faisant une nette différence avec d’autres corps de troupes présents sur le sol afghan.

De façon plus générale, les troupes alpines sont régulièrement présentes sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures, notamment en Afrique, où leur professionnalisme est prouvé et apprécié.

En conséquence, quelques mois seulement après la réforme imposée de la carte judiciaire, qui a déjà touché durement la Savoie, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous dire que les fermetures envisagées du fait de la révision générale des politiques publiques ne sont pas décidées et qu’elles ne sauraient l’être avant un débat associant les parlementaires et les élus locaux. C’est au cours de ce débat que l’État devrait indiquer, en préalable, les contreparties proposées aux territoires qui verraient le départ de leurs bases militaires, lesquelles sont aussi des bases fiscales et des bases d’activités professionnelles.

Par ailleurs, la décision sera-t-elle prise rue Saint-Dominique ou à l’Élysée ? Qui doit-on interpeller ?

Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que les craintes des élus savoyards, particulièrement de la Haute-Tarentaise, pourront être apaisées par votre réponse, même si l’on dit que, d’ores et déjà, des infrastructures auraient été aménagées à Vars, dans l’Isère, pour recevoir prochainement deux premières compagnies du 7e BCA.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, comme l’ensemble des administrations concernées par le processus de révision générale des politiques publiques, le ministère de la défense, sous l’impulsion de M. Hervé Morin, entreprend une réforme ambitieuse et indispensable à la sécurité du pays, qui doit faire face aux nouvelles menaces de ce siècle, ce qui implique que nos armées s’adaptent à de nouvelles missions.

Par ailleurs, le contexte budgétaire contraint dans lequel se trouve la France nous oblige à trouver nous-mêmes, au ministère de la défense, des marges de manœuvre pour assurer l’équipement des forces et améliorer la condition du personnel militaire et civil. Vous avez évoqué tout à l’heure la situation des forces présentes sur des théâtres extérieurs : il convient qu’elles soient capables de remplir leur mission. Au demeurant, le ministère de la défense a obtenu le rare avantage d’effectuer cette réforme à budget constant : ainsi, les économies qui, progressivement, année après année, seront réalisées grâce au nouveau format des armées profiteront aux équipements, aux matériels, à la condition militaire.

Un autre élément nous pousse à la réforme : nous avons un système d’organisation trop dispersé, trop cloisonné, qui nous fait perdre en réactivité et en efficacité.

Nous n’avons pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation sur notre organisation. Aujourd’hui, il nous faut parachever la réforme afin d’orienter les flux de financement disponibles vers l’équipement des forces et un meilleur rendement du soutien, comme je le disais à l’instant.

Le livre blanc auquel vous faites allusion inspire notre démarche mais n’a pas vocation à indiquer où devraient intervenir des suppressions de garnisons ou des réorganisations.

Le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux a commencé depuis peu seulement : il n’y avait pas lieu de lancer un dialogue tant que nous ne disposions pas nous-mêmes d’éléments pour l’alimenter. Les choses se font à leur rythme. Ce dialogue va se poursuivre.

Il s’établira autour des trois grands axes de réorganisation qui articulent la réforme des armées : une densification des unités, pour rationaliser leur stationnement, une mutualisation et une interarmisation, particulièrement dans le domaine de l’administration générale et du soutien.

Je sais, comme vous, à quel point les populations sont attachées au 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice. Moi qui ai fait une partie de mon service militaire au 13e BCA, que vous connaissez bien, je partage votre point de vue : les troupes alpines, de par leur entraînement, leur adaptation au terrain montagneux, ont une excellence reconnue et sont sollicitées pour des actions militaires à l’échelle internationale en milieu naturel similaire à celui dans lequel elles ont coutume d’évoluer. Cela, le nouveau format des armées ne le remettra pas en cause. On ne peut pas dire qu’elles seront pour autant à l’abri de toute réorganisation, c’est évident.

L’abandon de la garnison du 7e BCA de Bourg-Saint-Maurice fait partie des hypothèses envisagées par les services du ministère de la défense dans le cadre de cette réforme, c’est vrai. En effet, sa situation isolée et l’indispensable prise en compte des critères liés à la condition du personnel, intimement associée aux problématiques de recrutement et de fidélisation, qui sont des défis permanents pour l’armée de terre professionnelle, conduisent à envisager le transfert de cette garnison.

Cependant, à ce jour, aucune décision définitive n’est arrêtée. En effet, les conclusions du livre blanc sur la défense nationale et la sécurité intérieure devraient être rendues d’ici à quelques semaines, puis faire l’objet d’une présentation devant les commissions parlementaires et d’un débat devant la représentation nationale. C’est à l’issue de ces travaux que les arbitrages définitifs seront rendus par le Président de la République, probablement à la mi-juin. Le ministre de la défense pourrait ainsi annoncer les mesures nouvelles au cours de la seconde quinzaine dudit mois.

Quoi qu’il en soit, pour chacune des implantations qui, in fine, connaîtront une réduction ou une fermeture – aucune région ne sera épargnée, nous le savons – les mesures d’accompagnement, qu’elles concernent la date de prise d’effet ou l’aménagement du territoire – M. Falco est associé à cette démarche – sont actuellement discutées avec les élus au ministère de la défense. Notre volonté est d’associer le Parlement et les élus locaux à la mise en œuvre de cette réforme essentielle pour la modernisation de notre outil de défense.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je m’attendais à une réponse prudente, surtout en ce jour de la sainte Prudence ! (Sourires.) Je ne suis pas déçu ; simplement, j’ai confirmation que le risque de la fermeture du 7bataillon de chasseurs alpins existe bien et qu’une décision sera prise d’ici au 15 juin.

J’ai bien noté aussi que c’est le chef des armées qui rendra les arbitrages et non le ministre de la défense. Nous savons donc où se trouve la clé du maintien – ou du départ – du 7bataillon de chasseurs alpins. Inutile de dire que, dans deux jours, autour des monuments aux morts de la vallée de la Tarentaise, cet éventuel départ suscitera beaucoup de discussions !

Vous avez indiqué que nos armées devaient s’adapter aux nouvelles menaces qui frappent notre pays, y compris à l’échelon international. Les chasseurs alpins sont fortement mobilisés sur ce théâtre d’opérations extérieures, leur compétence professionnelle étant reconnue. C’est un argument que nous invoquerons lorsque nous plaiderons pour leur maintien.

Vous avez précisé également que la réforme des armées s’articulait autour de trois grands axes de réorganisation, l’un étant la densification des unités. Vous pouvez indiquer à M. le ministre que Bourg-Saint-Maurice est candidate pour une telle densification sur le territoire de la Tarentaise.

Enfin, vous annoncez qu’il y aura des discussions, des échanges. Je note que ces échanges ont commencé aujourd’hui, même si ce n’est que par le biais d’une question orale. Selon moi, tous les parlementaires du département devraient y être associés, qu’ils soient députés ou sénateurs, ces derniers étant – je le rappelle – les représentants des collectivités territoriales.