M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Raymonde Le Texier. J’en ai bientôt terminé, monsieur le président.

L’homologation par défaut, émanant d’une autorité administrative débordée et de plus en plus lointaine en raison de la révision générale des politiques publiques, et le recours in fine aux prud’hommes apparaissent en fin de compte comme des procédures assez largement formelles.

La rupture conventionnelle est donc un OVNI sympathique, si l’employeur et le salarié sont eux-mêmes sympathiques, mais notre rôle de législateur nous oblige à envisager toutes les éventualités, à commencer par les plus désagréables.

Il n’est pas raisonnable de permettre que, dans le cas où l’employeur prend l’initiative de la rupture conventionnelle, il puisse le dissimuler. S’il est de bonne foi…

M. le président. Chère collègue, vous avez dépassé votre temps de parole !

Mme Raymonde Le Texier. Il est limité ?

M. le président. Je le regrette, mais votre temps de parole en explication de vote est limité à cinq minutes, et il incombe au président de séance de faire respecter le règlement pour que chacun soit traité à la même enseigne.

Mme Raymonde Le Texier. Avouez qu’on vous énerve !

Mme Catherine Procaccia. Vous n’avez qu’à lire plus vite !

M. le président. Madame Le Texier, je vous ai accordé deux minutes supplémentaires, mais vous ne sembliez toujours pas vous acheminer vers votre conclusion. (Mme Raymonde Le Texier manifeste son mécontentement.)

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.

Mme Annie David. Je vais essayer de développer une explication de vote à partir de la réponse de M. le rapporteur, puisque M. le ministre ne nous parle plus depuis hier soir.

L’amendement n° 75 tend non pas à détourner l’article 5 de son sens initial, monsieur le rapporteur, mais à le préciser, puisque nous demandons simplement que, lorsque la rupture conventionnelle est demandée, la partie qui en a pris l’initiative soit mentionnée.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que l’initiative de la rupture conventionnelle reviendra autant aux salariés qu’aux employeurs. Pourquoi pas ? Je veux bien l’admettre. Vu les conditions de travail, la pression, les difficultés que rencontrent certains salariés dans leur entreprise, ils ne demandent qu’à en partir pour trouver un emploi plus intéressant ailleurs. Mais, dans un tel cas, l’employeur les fera démissionner.

Pour quelle raison un employeur signerait-il une rupture conventionnelle pour verser, au bout du compte, une indemnité, alors que le salarié qui veut partir n’a qu’à démissionner, l’employeur n’ayant plus à verser d’indemnité ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il vaut mieux un abandon de poste !

Mme Annie David. Nous y reviendrons tout à l’heure, je crois que vous avez déposé un amendement à ce sujet, monsieur le président.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, je l’ai retiré !

Mme Annie David. Tant mieux, nous n’aurons pas à en débattre ! Je souhaiterais poursuivre mon explication de vote, sous peine d’être prise par le temps…

Vouloir nous faire croire que l’initiative de la rupture pourrait revenir au salarié, c’est faire fi de tout ce que nous avons dit depuis hier sur le lien de subordination qui existe dans les entreprises. Les salariés et les employeurs ne sont pas sur un pied d’égalité, tout le monde le sait ici. Bien naïfs sont ceux qui prétendraient le contraire ! Je n’ai jamais vu traiter un salarié sur le même pied qu’un employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise ! Dire que le salarié pourra, sur son initiative, imposer à l’employeur de signer une rupture conventionnelle, c’est croire en un monde utopique, celui dans lequel vous vivez peut-être, mais qui n’est pas le monde réel, celui dans lequel vivent les salariés ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)

Non, nous ne souhaitons pas dévoyer cet article 5, nous souhaitons simplement, avec cet amendement, que la rupture soit motivée lorsque l’initiative en a été prise par l’employeur, tout simplement pour respecter la convention n° 158 de l’OIT. Je vous rappelle que c’est sur la base de cette convention que la France a été condamnée par le Bureau international du travail dans le cas du contrat nouvelles embauches, ou CNE, pour des raisons identiques à celles que nous venons d’évoquer, puisque l’employeur pouvait mettre fin au CNE sans être obligé de fournir un motif valable.

Je tenais à apporter ces précisions, monsieur le rapporteur. Je ne m’adresse pas à M. le ministre puisqu’il ne nous a rien dit !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il s’est associé aux propos du rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l’amendement n° 75.

M. Jean-Luc Mélenchon. Après ce qu’ont dit nos collègues et, plus particulièrement, Mme Raymonde Le Texier, il n’y aurait rien à ajouter. Mais, comme M. Fourcade est intervenu tout à l’heure et que je respecte beaucoup ses interventions, je me dois de répondre à la question préalable qu’il a en quelque sorte posée. Ayant en effet longtemps présidé la commission des affaires sociales de notre assemblée, il est certainement l’un des plus fins connaisseurs de ces sujets et, faut-il l’ajouter, un parlementaire confirmé.

Il est donc tout à fait surprenant de l’entendre nous demander pourquoi nous discutons alors qu’un accord est déjà intervenu. Et M. Fourcade d’en conclure que nous serions contre la négociation sociale !

Plusieurs d’entre nous vous ont déjà répondu, monsieur Fourcade, que nous n’étions pas contre la négociation, bien au contraire. Je ne reviens pas sur leurs arguments, notamment sur le caractère contraint de la négociation.

Mais, monsieur Fourcade, faut-il conclure de votre raisonnement que, du fait même de la loi de modernisation du dialogue social adoptée en janvier 2007, qui prévoit qu’une concertation intervienne entre les parties concernées avant toute législation sociale, le Parlement n’aurait plus qu’à enregistrer tel quel le résultat de ces négociations paritaires ?

À quoi bon, alors, discuter ? Pourquoi un Parlement et pourquoi une commission des affaires sociales ? Pourquoi un droit d’amendement ? Et, monsieur Fourcade, que faites-vous ici, alors qu’il vous serait si simple de ne venir qu’au moment du vote et d’effacer en quelques instants tous ces débats, tous ces blablas ?...

Mais non, vous êtes comme nous présent et désireux comme nous de faire votre travail de parlementaire. En l’espèce, nous devons procéder à la transcription d’un accord négocié entre deux parties, car, s’il y a bien eu accord, il n’a pas force de loi.

Nous tous, ici, avons pour charge de représenter la société tout entière et de défendre l’intérêt général. C’est bien ce que nous sommes en train de faire, et nous sommes donc fondés à intervenir à tout moment, et sur quelque accord que ce soit.

Il n’y a pas d’autre voix suprême dans notre pays que celle du souverain, et le souverain, c’est nous qui le représentons !

Sur cet accord, il est de notre devoir de défendre l’intérêt général, l’intérêt de la société tout entière, elle qui, tiers à la négociation et donc exclue de l’accord, devra pourtant assumer les conséquences non seulement matérielles mais aussi morales des licenciements. La société est tout de même fondée à avoir un avis sur la question !

Nous aurions de surcroît l’outrecuidance de prétendre pouvoir régler, depuis cet hémicycle, tous les problèmes de la compétition entre les nations, les firmes et les biens. Je vous reconnais bien là, monsieur Fourcade. Mais on pourrait aussi bien généraliser et se demander s’il est encore utile de débattre de quoi que ce soit puisque, de toute façon, les rapports de force qui régissent le monde extérieur nous écrasent…

S’agissant, précisément, de la compétitivité de nos entreprises, souffrez qu’il y ait deux visions de la question et non pas une seule.

La première, c’est que la compétitivité est globale : les produits français portent en eux tout ce qui caractérise, en amont, la production à la française, à savoir des services publics de grande qualité et, partant, un haut niveau de santé et d’éducation. Dans les comparaisons internationales, le poids de ces atouts n’est pas nul dès lors que le produit lui-même traverse nos frontières. Mais nous ne sommes pas toujours dans ce cas de figure. Le plus souvent, les entreprises françaises proposent leurs prestations à l’étranger et, pour ce faire, embauchent des travailleurs locaux, à qui s’applique le droit local. Or, vous le savez bien, nous n’avons nullement l’intention que le droit social « déménage » d’un pays à l’autre et que les migrants qui s’installent dans un pays se voient appliquer le droit social de leur pays d’origine. Ce serait très bon pour les travailleurs russes ou chinois embauchés localement, mais terrible pour nous !

À l’évidence, monsieur Fourcade, la question ne se pose pas dans des termes aussi simples que vous l’avez formulée. En outre, en quoi la stabilité des relations sociales, la lutte contre la précarité, la tranquillité d’esprit seraient des facteurs défavorables à la qualité de la production hexagonale ? En quoi la précarité et la peur du lendemain constitueraient des stimulants pour l’ouvrier et le feraient travailler davantage et mieux ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Une telle analyse est une vue de l’esprit : cela ne se passe pas ainsi dans la réalité. La qualité de la production est d’autant meilleure et de haut niveau que le travailleur est reconnu dans sa dignité de personne et d’homme, donc dans des relations sociales stables dont la peur doit être exclue.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat est non seulement légitime, mais encore nécessaire et, de toute façon, indispensable.

Mme Annie David. Très bien !

M. le président. Monsieur Fourcade, souhaitez-vous répondre à M. Mélenchon ?

M. Jean-Pierre Fourcade. Je connais les arguments de M. Mélenchon, cela fait vingt ans que nous débattons. (Sourires.) Je constate simplement que nos exportations diminuent ; il doit bien y avoir une explication à ce phénomène !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en êtes resté au XIXe siècle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail.

II. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

II bis. - Dans les articles L. 5421-1 et L. 5422-1 du code du travail, après les mots : « involontairement privés d'emploi », sont insérés les mots : « ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’Assemblée nationale a souhaité préciser dans la loi que les personnes ayant conclu une rupture conventionnelle de leur contrat de travail ont droit à être indemnisées par l’assurance chômage. Nous approuvons tout à fait cette précision. Toutefois, nous souhaitons modifier la rédaction qui a été retenue par l'Assemblée nationale. Il nous paraît en effet beaucoup plus cohérent de faire figurer cette indication dans la partie du code qui est relative à l’assurance chômage.

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail, remplacer les mots :

des conditions

par les mots :

les conditions

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Nous proposons une modification sémantique, mais d’importance.

La discussion qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance publique, a retenu toute notre attention. D’aucuns, tout en étant satisfaits de voir des licenciements transactionnels devenir des ruptures conventionnelles, sont en effet inquiets de « l’appel d’air » que cela pourrait susciter sur les finances de l’assurance chômage, au moment même où le Gouvernement entend obtenir le basculement d’une partie des cotisations vers le financement des retraites et où le MEDEF souhaite une diminution des cotisations d’assurance chômage, qui serait concomitante avec les mesures coercitives que le Gouvernement annonce à l’encontre des chômeurs.

Nous ne croyons pas que la rupture conventionnelle va gravement mettre à mal les finances de l’assurance chômage, pour les raisons que nous avons déjà exposées. En revanche, nous craignons que le patronat et le Gouvernement ne profitent de l’introduction de cette méthode nouvelle de rupture du contrat de travail pour réaliser quelques petites économies - peut-être pas si minimes que cela ! – au détriment des salariés ayant signé une rupture conventionnelle. Ces salariés, en effet, seront non pas victimes d’un licenciement, mais parties à une convention, fût-ce de rupture.

La tentation pourrait donc exister, dans le cadre de la nouvelle convention d’assurance chômage qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009, de n’accorder aux salariés concernés qu’une indemnité au rabais, possibilité que la rédaction de l’article n’interdit pas.

Nous tenons donc tout particulièrement à obtenir une réponse claire sur ce point : les salariés qui signeront une rupture conventionnelle auront-ils bien droit aux allocations chômage en fonction des barèmes de droit commun d’ancienneté dans l’emploi, comme l’ensemble des salariés licenciés ?

J’ajouterais qu’une réponse imprécise ou dilatoire à cette question ne pourrait que causer les plus vives inquiétudes aux salariés par rapport aux termes de l’accord des partenaires sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Si le Sénat retient mon amendement – comme je l’espère –, je ne pense pas qu’il puisse être compatible avec celui de Mme Demontès. En conséquence, je suis défavorable à l’amendement n° 32.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9 rectifié et donc défavorable à l’amendement n° 32.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je prends la parole à cet instant moins pour expliquer mon vote que pour que les quelques échanges que nous avons eus dans les travées avec le ministre – qui a bien voulu s’intéresser à nous à cette occasion – et avec M. Fourcade puissent figurer au compte rendu de nos débats.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un show !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il parle pour son blog !

M. Jean-Luc Mélenchon. L’un et l’autre s’interrogeaient, à la suite de mes propos, sur la diminution des parts de marché de la France dans le monde. Le sujet vaut la peine que l’on s’y attarde, mais il faudrait que nous nous posions plutôt la question dans l’autre sens.

Monsieur Fourcade, expliquez-moi en quoi le fait de licencier plus facilement et sans indemnités les travailleurs va améliorer la compétitivité des produits français. Je n’y crois pas du tout, sauf sur un point.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il y aura certes une baisse des frais généraux de l’entreprise qui connaîtra un mouvement naturel de main-d’œuvre dans le cours de l’exercice annuel, mais, franchement, c’est de l’ordre de l’epsilon !

Quel est le résultat recherché ici, sinon faire peser sur la main-d’œuvre une pression telle que son coût va diminuer ? Mais c’est la vision la plus primaire qui puisse exister de l’augmentation de la compétitivité ! En effet, il y a bien d’autres manières de la faire progresser, par exemple en étant les meilleurs techniquement grâce à une élévation du niveau de la recherche et de l’éducation, ou les plus offensifs, en ayant un meilleur niveau de pénétration des marchés. Pour cela, il faut établir un bilan d’ensemble pour ne pas tout imputer aux malheureux travailleurs.

Comment conciliez-vous vos discours catastrophistes sur le déclin de la France, sur lesquels reposent toutes vos mesures, avec le fait que les travailleurs français sont par tête parmi les plus productifs au sein des trois premiers exportateurs mondiaux ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Luc Mélenchon. Pour en arriver là, il a bien fallu qu’ils fassent des efforts. Il faut donc reconnaître leurs performances.

Maintenant, si vous voulez que les choses aillent mieux, il faudrait que notre monnaie soit beaucoup moins forte qu’elle ne l’est actuellement. La France perd actuellement des marchés dans des créneaux qui correspondent justement à ses capacités productives et où les écarts de taux de change jouent complètement en sa défaveur. Cette situation ne peut pas être imputée aux travailleurs. La solution ne passe pas par une baisse de leurs rémunérations ou de leurs protections qui irait jusqu’à compenser les pertes dues au taux de change.

Non, il ne sera pas dit que l’on aura vu ici, d’un côté, ceux qui défendent les travailleurs et, de l’autre, ceux qui, paraît-il, seraient les experts et les grands cerveaux de l’économie. (Protestations sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.) Tout ce que vous faites là relève de la pure idéologie ! (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Diversion !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes pressés, mais pas quand il s’agit de défendre les grands patrons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 32 n'a plus d'objet.

Cela étant, j’aimerais, pour la suite de nos travaux, que le débat ne se résume pas à un dialogue entre M. Mélenchon et M. Fourcade. (Sourires.)

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 18 est présenté par M. Beaumont.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Béteille, Buffet, Pillet, Vial, Portelli, J. Gautier, Lecerf, de Richemont et Gélard et Mme Desmarescaux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Remplacer les trois premiers alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par un représentant ou un avocat de son choix.

La parole est à M. René Beaumont, pour présenter l’amendement n° 18.

M. René Beaumont. Avant d’aborder le fond de cet amendement, permettez-moi une observation sur le climat qui règne depuis hier dans cet hémicycle.

Malgré tout le respect que je dois à un ancien ministre de la République, je voudrais dire à M. Mélenchon qu’il n’a pas le monopole de la défense des travailleurs. Nous défendons tous ici les travailleurs. Et j’ai le sentiment d’en faire autant que vous ! Moi aussi, j’ai le droit de prendre la parole,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais prenez-le donc !

M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne vous conteste pas ce droit !

M. René Beaumont. … tout comme j’ai le droit de m’intéresser au sort des travailleurs. Je le prouve d’ailleurs avec l’amendement que j’ai déposé.

Sans vouloir m’immiscer dans le dialogue qu’évoquait le président, je voudrais indiquer à M. Mélenchon et à ses collègues que leur conception du travail n’est plus du tout la bonne. Sans doute n’ont-ils pas perçu les évolutions de ces dernières années, et surtout de ces derniers mois, et n’ont-ils pas compris que désormais le travail est une valeur que les Français respectent totalement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Mme Annie David. Surtout ceux qui sont au chômage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous plaisantez !

M. René Beaumont. Je vous en prie, madame ! Nous respectons la valeur travail autant de ce côté-ci de notre hémicycle que de l’autre. Le travail est respectable, et salué par tous comme nécessaire non seulement pour créer de la richesse qui profitera à tous, mais aussi pour faire évoluer la société et créer les conditions d’un partenariat dans le travail …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le dialogue social !

M. René Beaumont. …destiné à remplacer cet environnement conflictuel qui était, selon M. Mélenchon, jusqu’à présent nécessaire aux évolutions.

C’est d’ailleurs bien pour cette raison que notre collègue est tellement en colère : il a le sentiment de perdre son fonds de commerce, et il a raison de le penser ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) De notre côté, nous allons continuer à défendre cette valeur du travail qui est la nôtre et que nous conservons comme telle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La lutte des classes n’est pas morte !

M. Dominique Leclerc. Revenons à l’amendement !

M. René Beaumont. Mais j’en viens en effet à l’amendement.

Après l’examen du texte par l'Assemblée nationale, il m’était apparu nécessaire de rééquilibrer le dispositif s’agissant des possibilités d’information dont disposeront le salarié et l’employeur lors de la rupture conventionnelle. Partant du principe que l’employeur a naturellement un recours facilité au droit et aux spécialistes du droit que sont les avocats par rapport à un simple employé, j’avais souhaité déposer cet amendement pour permettre à l’employé d’être lui aussi judiciairement protégé par un expert.

Cependant, après avoir entendu hier sur ce sujet notre excellent rapporteur, j’avoue avoir un doute sur l’utilité de mon amendement. Mon souci est de mettre à égalité de chances et d’information l’employé et l’employeur. Est-il bien nécessaire pour autant de judiciariser cette rupture conventionnelle ? Les arguments de notre rapporteur m’ayant pour partie convaincu, j’aimerais entendre la position de M. le ministre sur ce sujet, avant – certainement – de retirer mon amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il veut défendre les travailleurs en retirant son amendement !

M. Guy Fischer. Et, de toute manière, le ministre ne parle pas !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.

M. Laurent Béteille. Mon amendement étant identique à l'amendement n° 18, je fais bien volontiers miens les arguments que vient d’avancer M. Beaumont.

En revanche, nous divergeons sur la judiciarisation. Il convient de rappeler que l’avocat n’est pas uniquement le professionnel de la plaidoirie, il est aussi celui du conseil, celui qui précisément peut éviter le contentieux. Il est intéressant que l’avocat soit présent lors de cette phase de discussion, car son expertise peut justement consolider l’accord. Je pense que cette mesure serait extrêmement utile et de nature à consolider le dispositif prévu par la loi.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Soit par un conseil extérieur à l'entreprise.

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Cet amendement est défendu, monsieur le président, même s’il diffère légèrement dans sa rédaction de celui de M. Béteille.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Ces amendements tendent à permettre au salarié d’être assisté, lors de l’entretien de négociation de la rupture conventionnelle, par un conseil extérieur à l’entreprise, par exemple un avocat.

La commission, cela a été rappelé, n’a pas souhaité retenir cette option. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les partenaires sociaux eux-mêmes ont écarté cette solution dans leur accord. Ils ont en effet souhaité calquer les dispositions relatives à l’assistance du salarié sur celles qui prévalent en matière d’entretien préalable au licenciement.

Ensuite, nous souhaitons maintenir la spécificité de la relation de travail qui unit un employeur et un salarié, éventuellement assistés par une personne extérieure à l’entreprise, mais à condition qu’elle soit titulaire d’un mandat représentatif.

Enfin, nous souhaitons éviter une judiciarisation de cette procédure.

Il est vrai, monsieur Béteille, qu’un trop grand nombre de nos concitoyens, et peut-être même les partenaires signataires de l’accord, ont une conception dépassée de la profession d’avocat. L’avocat n’est pas qu’un professionnel de la plaidoirie, il est aussi un conseil. En la circonstance, les différents partenaires de l’accord n’ont pas souhaité qu’il intervienne, ce que nous respectons.

Pour terminer, j’ajoute que rien n’empêche le salarié ou le chef d’entreprise de consulter un avocat avant ou après l’entretien officiel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Il s’agit simplement d’écarter un conseil extérieur à l’entreprise au moment où se noue l’accord, dans le cadre de la négociation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je propose à Nicolas About et à Laurent Béteille de se rallier à la position de M. Beaumont et les prie donc de bien vouloir retirer leurs amendements.

Tout d’abord, la disposition que vous proposez, messieurs les sénateurs, mais vous le savez, ne figure pas dans l’accord du 11 janvier.

Ensuite, notre droit du travail présente une spécificité : ne participent à l’entretien préalable à un licenciement que les parties au contrat de travail, éventuellement assistées d’une personne appartenant au personnel de l’entreprise. L’introduction d’un avocat n’a jamais été prévue. La jurisprudence a d’ailleurs toujours clairement écarté cette possibilité.

Dans le cadre de la rupture conventionnelle, l’avocat peut intervenir avant et après l’entretien, voire pendant le délai de rétractation, mais toujours en dehors du moment spécifique qu’est l’entretien, celui-ci constituant le cœur véritable de la discussion. Et c’est vrai qu’il s’agisse d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement.

Cette question a été évoquée avec les partenaires sociaux, qui ont établi une liste limitative.

Concernant les risques de judiciarisation qu’a évoqués M. Beaumont – je lui laisse la paternité du propos –, il me paraît important de sanctuariser, de maintenir les dispositions du droit du travail telles qu’elles existent aujourd'hui.

Rien n’interdit, je le répète, aux avocats d’intervenir avant et après l’entretien – j’ai bien conscience que l’avocat n’a pas pour seul rôle de plaider, et qu’il peut aussi conseiller –, mais pas pendant ce moment spécifique de l’entretien. Les partenaires sociaux – les représentants des salariés, mais aussi ceux des employeurs – ne l’ont pas souhaité.