Mme Catherine Tasca. C’est réussi…

situation à l'afp

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, assurer « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères », tel fut le programme du Conseil national de la Résistance.

De là est née une nouvelle presse, avec l’Agence française de presse, puis l’AFP. Selon le statut, toujours en vigueur, que lui a donné la loi Mollet-Mitterrand de 1957 : « L’Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique ».

Depuis, les puissances d’argent ont fait un retour en force dans la presse écrite et, plus largement, dans les médias.

Les relations avec la sphère politique n’ont pas non plus été toujours paisibles. Ce n’était pas d’ailleurs systématiquement la faute des acteurs politiques, l’indépendance de la presse n’étant pas toujours associée à une déontologie de même exigence. Rien de plus normal, le débat, voire la polémique, étant le nerf même de la démocratie.

L’ère Sarkozy a cependant marqué – c’est naturel ! – une rupture.

M. Pierre-Yves Collombat. Sont désormais concentrés dans les mêmes mains le pouvoir de l’argent et le pouvoir politique. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Les ex-directeurs de Paris-Match ou du Figaro Magazine en savent quelque chose !

M. Didier Boulaud. Et celui du JDD aussi !

M. Pierre-Yves Collombat. La semaine dernière, alliant pressions financières et politiques, l’offensive a porté sur l’AFP.

M. Jean-Claude Carle. C’est incroyable !

M. Pierre-Yves Collombat. Le contrat d’objectifs et de moyens 2008-2012, fixant la contribution de l’État au fonctionnement de l’Agence, n’est toujours pas signé. Cette dernière ne sait toujours pas non plus comment financer sa modernisation. Un projet de révision du statut, ouvrant la porte aux capitaux privés, circule.

Et c’est le moment choisi par le parti présidentiel pour lancer son offensive contre l’AFP !

M. Jean-Claude Carle. Et Ségolène Royal ?

M. Pierre-Yves Collombat. L’UMP n’exige rien de moins que la publication automatique de ses communiqués, fussent-ils dérisoires, au motif, qu’« un communiqué provenant des partis et groupements politiques […] est une information en soi dont le statut de l’AFP ne permet pas à sa rédaction de juger de l’opportunité. »

Madame la ministre, mes chers collègues, cela ne s’invente pas !

Si le nouveau statut de l’AFP en préparation, c’est « l’Agence fric plus l’Agence TASS », nous avons quelques inquiétudes à avoir !

M. Josselin de Rohan. Ce n’est pas gentil pour vos collègues communistes !

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour endiguer les dérives que je viens d’évoquer et pour garantir l’indépendance de l’AFP, dont dépend largement l’indépendance de tous les autres médias ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Collombat, je vous ai écouté attentivement. Pour ma part, je n’ai pas le sentiment, en lisant la presse quotidienne et les hebdomadaires, en regardant la télévision et en écoutant la radio, que la liberté d’expression de la presse soit en quoi que ce soit menacée en France.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n’est pas la question !

Mme Catherine Tasca. Quel est donc le sens des projets que vous avez lancés ?

Mme Christine Albanel, ministre. Vous avez fait allusion à la polémique née il y a quelques jours. Que l’UMP souhaite voir ses communiqués publiés est tout de même parfaitement normal !

Mme Christine Albanel, ministre. Ce faisant, l’UMP est totalement dans son rôle.

À titre personnel, je suis évidemment très attachée à la liberté de la presse et de l’information, mais dans le respect des équilibres et des différentes expressions politiques.

M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment…

Mme Christine Albanel, ministre. Il n’y a donc aucune remise en cause de quelque nature que ce soit.

Nous sommes effectivement en train de rediscuter le contrat d’objectifs et de moyens, le COM, avec l’AFP. Il sera signé et comportera les moyens de développement de cette agence, qui est actuellement la deuxième du monde, ce dont nous pouvons d’ailleurs être fiers.

Quant à la liberté de la presse, non seulement elle n’est pas remise en cause, mais elle est au contraire confortée.

M. Didier Boulaud. Tout le monde sait que ce n’est pas vrai ! Regardez ce qui s’est passé au Journal du dimanche !

M. René-Pierre Signé. Il y a eu des pressions !

Mme Christine Albanel, ministre. Ma collègue Rachida Dati est en ce moment même en train de porter à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, à l’élaboration duquel le ministère de la culture et de la communication a participé.

M. Didier Boulaud. C’est comme une varicelle mal guérie, cela revient toujours !

Mme Christine Albanel, ministre. Cette protection est bien l’un des fondements de la liberté de la presse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre du jour prioritaire de nos séances des mercredi 21 mai et jeudi 22 mai 2008.

L’ordre du jour de ces séances s’établira donc comme suit :

Mercredi 21 mai :

À 15 heures et le soir :

– suite du projet de loi portant réforme portuaire ;

– projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.

Jeudi 22 mai :

À 9 heures 30 :

– conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés ;

À 15 heures :

– suite éventuelle du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants ;

– Deuxième lecture du projet de loi relatif aux opérations spatiales.

Acte est donné de cette communication.

7

 
 
 

Archives

Adoption en deuxième lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel et du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux archives (nos 304,  305 et 313).

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

 
 
 

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif aux archives que j’ai présenté en première lecture au Sénat en janvier dernier et à l’Assemblée nationale voilà une quinzaine de jours vise à adapter la gestion des archives de la nation aux exigences de notre temps.

Le débat qui s’est développé ces dernières semaines paraît significatif de la diversité des enjeux que représentent les archives, non seulement pour la mémoire nationale et la recherche scientifique, mais également pour la protection des intérêts légitimes des citoyens, et notamment de leur vie privée.

L’attention portée par les médias à ce texte et la pétition lancée par des chercheurs, mobilisés contre ce qui leur a été présenté, à tort, comme une menace sur l’accès aux archives, traduisent une extrême sensibilité sur ce sujet.

Je suis certaine que le texte qui vous est aujourd’hui soumis rassurera pleinement nos concitoyens tout comme les milieux de la recherche. Les deux projets de loi n’ont en effet qu’une seule ambition : faciliter et accélérer l’accès de tous aux archives publiques.

Vous le savez, les délais actuels de communicabilité des archives ont été fixés il y a près de trente ans, par la loi du 3 janvier 1979. Si ses dispositions représentaient, à l’époque, une avancée notable, plusieurs d’entre elles paraissent aujourd’hui inadaptées aux besoins des archivistes, des chercheurs, des généalogistes, mais aussi du grand public.

Les deux textes soumis aujourd’hui à votre examen, dont un, celui qui concerne les archives du Conseil constitutionnel, est un projet de loi organique, et l’autre, qui concerne les archives en général, est un projet de loi ordinaire, répondent à un triple objectif : ouvrir davantage les archives à nos concitoyens ; mieux protéger les archives publiques et privées et renforcer les sanctions prévues pour les atteintes aux archives et, plus généralement, à tous les biens culturels.

S’agissant de la volonté d’ouvrir les archives, le projet de loi ordinaire répond, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement au souci d’assurer une plus grande transparence, mais aussi à la nécessité de prévoir une articulation avec la loi du 17 juillet 1978 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, dite loi CADA. Il établit le principe de la libre communicabilité des archives publiques.

Ce texte supprime ainsi le délai minimum de communication, qui, dans la loi du 3 janvier 1979, avait été fixé à trente ans. Désormais, chaque Français pourra consulter librement et immédiatement les archives publiques.

La libre communicabilité constitue une avancée importante, dont l’ampleur et la portée n’ont sans doute pas été suffisamment mesurées dans le débat public. Cette disposition renoue en effet avec les principes affirmés à la Révolution, selon lesquels chaque citoyen peut avoir accès gratuitement et librement aux documents produits par l’administration et contrôler, par là même, l’action de cette dernière. Cette mesure, novatrice à l’époque, a ensuite influencé la législation archivistique de nombreux pays. Il aura fallu plus de deux siècles pour que soit rétabli ce principe fondamental, gage d’une réelle démocratie.

Par ailleurs, le projet de loi réduit les délais de communication des documents qui mettent en cause les secrets protégés par la loi.

Cette question a donné lieu à des échanges très constructifs entre le Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale. J’en rappellerai les quatre principaux points.

En premier lieu, concernant les archives dont la communication est susceptible de porter atteinte à la vie privée de nos concitoyens, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de ramener le délai de communication de soixante ans à cinquante ans.

En deuxième lieu, s’agissant des archives dont la communication est susceptible de mettre en cause la « sécurité des personnes », le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la communicabilité au terme d’un délai de cent ans. En outre, le champ d’application de ce délai exceptionnel est très précisément délimité, puisque les documents en question doivent être couverts par le secret de la défense nationale et se rapporter à des personnes identifiables.

Pour sa part, le Gouvernement dans le projet de loi initial envisageait une incommunicabilité perpétuelle. Il visait alors un objectif précis : protéger la sécurité physique des agents des services spéciaux et de leurs descendants. Mais les termes employés, à savoir « sécurité des personnes », pouvaient en effet donner lieu à une interprétation trop large. Par ailleurs, le principe même d’une incommunicabilité de certaines archives ne peut être envisagé que de la façon la plus restrictive, c'est-à-dire lorsqu’une telle mesure se révèle absolument nécessaire.

De ce double point de vue, la solution proposée par l’Assemblée nationale, à savoir un délai de cent ans et une définition plus explicite des archives concernées, se révèle plus équilibrée que le projet de loi initial, et le Gouvernement s’y rallie pleinement. J’ai le sentiment que cette disposition est de nature à rassurer les historiens, qui avaient manifesté leur inquiétude sur ce sujet.

Si vous adoptez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 11 du projet de loi dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, ne seront donc incommunicables que les seules archives dont la divulgation pourrait permettre de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes de destruction massive, qu’elles soient nucléaires, biologiques, chimiques ou bactériologiques.

En troisième lieu, vous aviez fixé en première lecture à soixante-quinze ans le délai applicable aux enquêtes statistiques qui ont trait aux faits et comportements d’ordre privé, et à cent ans le délai applicable aux recensements de la population.

Je rappelle que le délai actuellement en vigueur est uniformément de cent ans pour toutes les statistiques qui se rapportent aux comportements privés – recensements compris –, sans dérogation possible. Le Gouvernement envisageait, pour sa part, de ramener ce délai à cinquante ans. L’Assemblée nationale a dégagé une solution de compromis, en retenant un délai unique de soixante-quinze ans, applicable aussi bien aux recensements qu’aux autres enquêtes statistiques sur les comportements privés. Le Gouvernement s’y rallie et vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’approuver à votre tour.

En ce qui concerne les statistiques en général, c’est le délai le plus court prévu par le projet de loi, à savoir vingt-cinq ans, qui sera applicable.

Vous avez également fixé à soixante-quinze ans le délai pour la communication des dossiers judiciaires, des enquêtes de police judiciaire, ainsi que des minutes et répertoires des notaires. Ces documents sont soumis, dans le droit en vigueur, à un délai de cent ans, que le Gouvernement projetait de réduire de moitié. Là encore, il estime que la solution que vous avez retenue, également approuvée par l’Assemblée nationale, constitue un compromis raisonnable entre les exigences de la protection de la vie privée, d’une part, et celles de la transparence et de la recherche historique, d’autre part.

En quatrième et dernier lieu, j’évoquerai la question des registres d’état civil, uniformément protégés aujourd’hui par un délai de cent ans.

Le Gouvernement proposait de substituer à cette approche unitaire une gradation, en fixant pour les différents actes des délais distincts, proportionnés à l’atteinte susceptible d’être portée à la vie privée : cent ans pour les actes de naissance, cinquante ans pour les actes de mariage et une communication immédiate pour les actes de décès.

Vous avez mis en avant des considérations de simplification du droit pour réunifier ces trois délais, en retenant une durée unique de soixante-quinze ans. L’Assemblée nationale ne s’est séparée de cette approche que pour les actes de décès, qu’elle propose, à l’instar de ce que prévoyait initialement le Gouvernement, de rendre immédiatement communicables.

Là encore, le Gouvernement se rallie à cette approche équilibrée et vous propose d’approuver ces dispositions dans des termes identiques à ceux que l’Assemblée nationale a adoptés.

Il n’est pas inutile de préciser que le délai de soixante-quinze ans prévu pour la communication des registres n’entraîne aucune conséquence s’agissant du versement de ces registres aux services d’archives : ces documents resteront détenus par les services de l’état civil, dans les mêmes conditions que précédemment.

S’agissant de la protection des archives, le texte comprend deux séries principales de dispositions. La première concerne les archives des hommes politiques, dont le caractère public est réaffirmé ; la seconde, l’externalisation des archives courantes et intermédiaires.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale, pour l’essentiel dans des termes conformes à ceux que vous aviez vous-mêmes retenus.

Je me bornerai à insister sur le fait que les dispositions sur l’externalisation ne visent en aucun cas à abandonner la gestion des archives courantes et intermédiaires de l’administration ou à envisager une quelconque privatisation. Il s’agit bien au contraire d’encadrer de façon précise et avec toutes les garanties souhaitables une pratique aujourd’hui largement répandue et, d’ailleurs, indispensable. J’ajoute que, pour la conservation des archives définitives, il n’est pas envisagé dans le projet de loi d’autre destination que celle des services publics d’archives.

Je salue également l’initiative prise par le Parlement de fixer pour la première fois des règles destinées à assurer la bonne conservation des archives des groupements de collectivités territoriales, notamment des établissements publics de coopération intercommunale, dont le nombre a augmenté de manière très sensible au cours des dernières années.

Je ne reviendrai pas non plus en détail sur le renforcement des sanctions pénales. L’Assemblée nationale a adopté, dans les mêmes termes que la Haute Assemblée, les dispositions visant à réprimer plus sévèrement le vol, le trafic, la destruction et la dégradation des archives et, plus généralement, des biens culturels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre réseau d’archives est considéré comme l’un des plus importants et des plus riches au monde. Recueillir, conserver, protéger et mieux diffuser ces documents répond à un enjeu de libertés publiques et de démocratie. Ce patrimoine doit vivre, nourrir les recherches sur notre passé, y compris, et même avant tout, sur notre passé le plus proche qui, nous le savons, projette encore son ombre sur notre présent. Ouvrir les archives, dans des délais suffisamment brefs, aux historiens, c’est apporter des solutions aux crises de mémoire et favoriser la connaissance, par les nouvelles générations, de leur histoire.

Je crois que notre pays en a besoin, pour éviter les incompréhensions, voire les falsifications, pour apaiser les querelles qui naissent des zones d’ombre de notre mémoire collective, bref, tout simplement, pour avancer et tourner nos regards vers l’avenir.

Les deux projets de loi relatifs aux archives, tels qu’ils vous sont soumis aujourd’hui, respectent un équilibre harmonieux entre, d’une part, les attentes légitimes des chercheurs et du grand public et, d’autre part, la nécessaire protection des intérêts relatifs à la vie privée des personnes et à la sûreté de l’État. Ils permettent un réel progrès en termes de transparence et de libertés publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, permettez-moi en préambule de vous remercier de la réponse que vous avez faite tout à l’heure à notre collègue Richard Yung sur la sécurité des archives des Français de l’étranger. La question était en effet légitime, mais je n’y reviendrai pas, puisque vous y avez en quelque sorte répondu par avance.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel et le projet de loi ordinaire relatif aux archives.

Ces deux projets de loi, qui visent essentiellement à améliorer la protection des archives et à en faciliter l’accès, s’inscrivent dans un mouvement d’ouverture et de transparence engagé par la France depuis les années soixante-dix.

Je reviendrai d’abord sur les apports du Sénat en première lecture.

Saisi en premier lieu des deux projets de loi, le Sénat a approuvé sans modification le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel, considérant, après avoir interrogé Robert Badinter et Pierre Mazeaud, qu’il ne posait pas de problème. La seule difficulté éventuelle pouvait tenir au fait que le Conseil constitutionnel est juge des élections.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui !

M. René Garrec, rapporteur. Pour cette raison, le délai de communication de ses archives aurait pu être fixé à cinquante ans. Mais Robert Badinter s’est montré favorable à l’acceptation du délai de vingt-cinq ans, ce qui est mieux pour tout le monde. Je tiens à le remercier de sa position, qui était d’ailleurs identique à celle de Pierre Mazeaud.

L’Assemblée nationale a adopté quelques amendements, ce qui nous obligera d’ailleurs tout à l'heure à solidariser les deux textes puisque, l’un expliquant l’autre, il faudra bien qu’ils soient publiés en même temps.

S’agissant du projet de loi ordinaire, le Sénat a donné un statut aux archives des groupements de collectivités territoriales, qui avaient échappé à la sagacité des conseillers techniques du ministre. On ne peut pas en vouloir à ces derniers, car c’est assez récent. De plus, lorsque l’on est plongé dans un dossier, des oublis se produisent parfois. Pour en avoir fait moi-même l’expérience en cabinet ministériel, je suis très sensible au fait que les autres soient sujets aux mêmes défaillances ! Cela m’incite à penser que je n’étais pas plus mauvais qu’ils ne le sont aujourd’hui ! (Rires.) C’est consolant quand on vieillit !

Je veux revenir sur des articles parus dans la presse laissant entendre que certains historiens suspectaient le Sénat d’avoir le culte du secret et d’avoir fait pression sur Mme la ministre pour que certains éléments soient occultés. Mais nous n’avons rien caché du tout ! En réalité, nous avions le sentiment d’avoir énormément simplifié les règles en vigueur, et nous nous attendions à recevoir des félicitations ! Nous avons donc eu une petite déception à cet égard, mais sans doute nous sommes-nous mal expliqués.

Nous avons souhaité créer un bloc de préservation de la vie privée et avons estimé que tout ce qui relevait de la vie publique devait être le plus transparent possible. C’est une démarche qui nous paraissait simple. J’ai dû parler trop rapidement, si bien que ce point a dû échapper à la sagacité des auditeurs… Non seulement nous n’avons pas remis en cause les délais, mais nous avons inventé le délai de soixante-quinze ans, remplaçant celui de cent ans. C’est tout de même un grand pas en avant !

Je ne répéterai pas les propos que vous avez tenus, madame la ministre, mais je m’arrêterai brièvement sur trois points.

Tout d’abord, le Sénat a proposé, en première lecture, que les collectivités locales puissent mettre en ligne les archives publiques dès l’expiration des délais de communication, c'est-à-dire à partir du moment où elles étaient publiables. Alors que le projet de loi initial posait le principe de la communication des documents tombés dans le domaine public « à toute personne qui en fait la demande », le Sénat a jugé que le plus simple serait de permettre aux administrations des collectivités locales de mettre les documents directement en ligne, afin de faire gagner du temps à tous.

Ensuite, le Sénat a souhaité assouplir le régime de communication des archives judiciaires audiovisuelles. L’amendement adopté par la Haute Assemblée prévoit une communication immédiate de ces archives – elles sont très peu nombreuses, puisqu’elles se limitent, me semble-t-il, à quatre procès – dès lors qu’elle est sollicitée à des fins scientifiques ou historiques et que le procès est définitivement clos. Cet ajout me paraissait une bonne chose.

Enfin, le Sénat a proposé un bloc visant à protéger tout ce qui touche la vie privée. Cette dernière est en effet le seul petit créneau de vie qui subsiste dans notre monde hyperadministré. À l’heure où même les chiens sont poursuivis et classés selon qu’ils sont très méchants, moyennement méchants ou peu méchants, sachons préserver et respecter la vie privée et laissons les gens vivre tranquilles ! Nous avions donc proposé un délai de soixante-quinze ans.

Après l’examen du texte par la Haute Assemblée, j’ai rencontré le rapporteur de l’Assemblée nationale et, allant au plus simple, nous avons coupé la poire en deux. Selon les archivistes, les éléments de la vie privée sont l’adresse et le numéro de téléphone ; mais, dès lors que ces derniers sont publiés dans le Who’s who, le Bottin administratif ou ailleurs, il n’y a aucune raison de ne pas les communiquer dans cinquante ans ! Nous avons uniquement conservé le délai de soixante-quinze ans pour les domaines que vous avez évoqués tout à l’heure, madame la ministre. Le texte adopté par l’Assemblée nationale me semble donc équilibré sur ce point.

J’aborderai également, très brièvement, la question des dérogations. Les historiens ont contesté l’idée de bloquer certaines données pendant vingt-cinq, cinquante, soixante-quinze, ou cent ans pour protéger les agents secrets en opérations extérieures. Je veux souligner qu’il est toujours possible d’obtenir des dérogations. Il suffit d’en faire la demande. À partir du moment où elles concernent un travail scientifique et historique, les demandes de dérogations sont satisfaites dans plus de 90% des cas. Par conséquent, il s’agit de notre part non pas d’un blocage, mais, au contraire, d’une ouverture encore plus grande. En outre, je le répète, ni Mme la ministre ni le Sénat n’avaient cherché à remettre en cause ces possibilités de dérogation, au contraire.

J’ajoute, m’adressant aux archivistes – en l’occurrence à la personne la plus compétente en France dans ce domaine, qui siège aujourd’hui parmi les commissaires du Gouvernement –, que, certes, il faut protéger les archives, mais que l’on peut satisfaire des demandes lorsque la communication des documents « ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ». À cet égard, il y a la jurisprudence du Conseil d’État, la théorie du bilan, et le principe de proportionnalité appliqué par la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.

J’en viens à présent aux modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Les députés ont adopté quatre amendements au projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel : trois amendements rédactionnels et un amendement visant à donner cinq mois au Conseil constitutionnel pour s’adapter au nouveau régime de gestion et de communication de ses archives. À cet égard, il me paraît logique d’accorder un délai au secrétaire général de cette instance.

Sur le projet de loi ordinaire, l’Assemblée nationale a adopté trente et un amendements.

Certains portaient sur la vie privée et la réputation des personnes. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, le rapporteur de l’Assemblée nationale et moi-même avons étudié ensemble ce point après l’examen du texte par le Sénat, et M. François Calvet a été suivi par les députés.

D’autres amendements visaient les documents susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes. Le projet de loi initial, non modifié par le Sénat sur ce point, frappait d’incommunicabilité absolue les documents susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes. Les députés ont décidé de prévoir un délai de cent ans pour les seuls agents spéciaux et de renseignement et, implicitement, de soixante-quinze ans pour les autres personnes, c'est-à-dire pour les archives relevant du bloc de la vie privée, conformément à la logique du texte. Cela me paraît raisonnable.

Les députés ont ajouté un autre point, que nous n’avions sans doute pas vu, qui concerne les archives des groupements de collectivités. Il s’agit d’ouvrir la possibilité, pour la commune éventuellement désignée pour conserver les archives du groupement de collectivités territoriales dont elle est membre, de gérer également les archives des autres communes membres, et ce afin de favoriser la mutualisation de la gestion des archives communales. Nous sommes pleinement d’accord avec cette disposition qui nous paraît raisonnable.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé un dispositif, que j’aimais bien, incitant fiscalement à engager des travaux de restauration des archives privées classées. Mme Morin-Dessailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et à l’origine de cet amendement sénatorial, évoquera peut-être ce point tout à l’heure. Cette disposition me paraissait sympathique dans la mesure où elle ouvrait aux chercheurs ces archives auxquelles ils n’ont pas accès actuellement. Madame la ministre, vous avez souhaité une étude d’impact à cet égard. Dont acte ! On ne peut rien dire devant un tel argument, car l’étude d’impact a maintenant un caractère quasiment sacré !

Les députés ont également demandé au Gouvernement un rapport sur la pérennité de l’archivage numérique, au motif que la rapidité de l’évolution des technologies risque d’aboutir à ce que l’on ne dispose plus de lecteurs pour les archives anciennes. C’est un vrai problème, et nous ne pouvons qu’approuver une telle disposition.

Le Sénat avait demandé l’harmonisation des règles relatives aux régimes de 1978 et de 1979 qui se superposent mal, donnant lieu à quelques difficultés de compréhension. En la matière, si le juge détient le pouvoir d’appréciation, on peut lui éviter un travail supplémentaire en rapprochant les deux régimes. Vous avez proposé de régler ce point par ordonnance. Même si je n’aime pas les ordonnances parce qu’elles privent les assemblées de leur travail, votre proposition me paraît judicieuse et parfaitement adaptée dans un cas aussi technique.