M. le président. Le sous-amendement n° 343, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 104, remplacer les mots :

dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement

par les mots :

dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps le sous-amendement n347, qui concerne le même sujet, la commission de redécoupage territorial.

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est fondamental que la composition ainsi que les règles de fonctionnement et d’organisation de cette commission garantissent son indépendance, notamment à l’égard de toute pression politique.

La commission des lois du Sénat ne nous rassure pas en proposant cet amendement. En effet, si on laisse à la loi la possibilité à la loi de décider du sort de cette commission et de son fonctionnement, on abandonne à la majorité le soin de décider de l’avenir de nos circonscriptions.

Dans sa version finale, le 2°de l’article 10 a pour objet de mettre en place une commission indépendante chargée de se prononcer par un avis public sur les projets et propositions de loi délimitant les circonscriptions électorales.

D’une part, il apparaît dangereux d’introduire dans la Constitution une commission sans en définir les contours : on ne sait pas de quel type de personnalités elle est composée, et en quoi elle est indépendante. Ces questions sont renvoyées à une loi qui devra déterminer la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement de ladite commission.

Mais les principes qui seront érigés par cette loi ne sont pas posés. Rien dans cet article ne garantit que la commission en question sera indépendante, dans la mesure où son sort est laissé à l’appréciation de la majorité, dans le cadre de l’adoption d’une loi simple.

Il est très probable que la future réforme – devenue nécessaire –, des découpages des circonscriptions électorales se fasse par voie d’ordonnance. Ainsi, le Parlement sera totalement dépourvu de pouvoir de contrôle.

Il convient de donner la possibilité à l’opposition de se prononcer sur une telle question, sans quoi, le redécoupage se fera au profit de la majorité t au pouvoir.

C’est pourquoi ce sous-amendement tend à fixer par une loi organique la composition et le mode de fonctionnement de cette commission. C’est le strict minimum dans le cadre d’une réforme qui cherche, c’est du moins le but affiché, à revaloriser les droits de l’opposition.

Enfin, il est nécessaire de prévoir qu’un tel redécoupage électoral doit intervenir de manière régulière, afin de tenir compte de l’évolution démographique de notre pays.

M. le président. Le sous-amendement n° 347, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 104, remplacer les mots :

dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement

par les mots :

dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique

II. - Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La loi organique visée à l'alinéa précédent définit les conditions dans lesquelles une délimitation des circonscriptions électorales intervient tous les dix ans à compter de son entrée en vigueur ».

Ce sous-amendement a été défendu.

Le sous-amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin, Zocchetto et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après les mots :

députés ou

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 104 :

des sénateurs ou modifiant la répartition entre elles. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Ce sous-amendement tend à revenir au texte du projet de loi constitutionnelle afin que la commission indépendante donne également son avis sur les délimitations des circonscriptions des sénateurs.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer le mot :

indépendante

par les mots :

pluraliste et comprenant un représentant de chaque groupe parlementaire

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Mon propos concerne la création d’une commission dite indépendante qui sera chargée de rendre un avis sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions.

La création d’une telle commission paraît nécessaire dans la mesure où elle permettrait d’étudier le redécoupage électoral d’une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet été trop souvent, par le passé, synonyme de manœuvres politiciennes.

Cela étant, nous nous inquiétons de l’efficience du travail de cette future commission, alors que le chantier d’un redécoupage électoral vient d’être ouvert.

Il serait d’ailleurs intéressant que des précisions nous soient données sur le rôle que joue actuellement M. Alain Marleix sur ces questions. C’est en effet le secrétaire d’État chargé de l’intérieur et des collectivités territoriales qui a été choisi par le Président de la République, au détriment de Mme Alliot-Marie, pour mener à bien ce travail.

Je rappelle que, à l’Assemblée nationale, le 24 octobre 2007, Mme Alliot-Marie avançait plusieurs principes pour mener à bien la réforme de la carte électorale. Elle proposait, pour chaque circonscription, un ratio de l’ordre de 125 000 habitants, plus ou moins 10%, ce qui laissait ouverte l’hypothèse d’une correction aux proportionnelles.

Elle précisait également que le tracé des circonscriptions ne devait pas couper un canton en deux, ce qui suppose donc une réforme cantonale concomitante.

Or M. Marleix a rappelé que Mme Alliot-Marie n’avait pas été chargée de ces questions et que, quant à lui, il entendait s’en tenir à la méthode de la répartition par tranche déjà appliquée en 1986.

Il est évident que le redécoupage de la carte électorale se fera alors en fonction d’intérêts politiques et non sur des critères démographiques. La preuve en est que M. Marleix ne compte pas attendre l’issue du recensement, prévue pour la fin de l’année 2009.

Par conséquent, la nouvelle disposition de l’article 10 qui vise à mettre en place une commission indépendante, que nous ne rejetons pas, nous paraît cependant quelque peu légère. Indépendante de qui, comment et avec quels moyens ? Le texte reste muet sur ces questions.

Avec cet amendement, nous proposons de renforcer les droits et les compétences de cette commission, en proposant notamment qu’elle soit pluraliste et comprenne un représentant de chaque groupe parlementaire. C’est là, me semble-t-il, une condition minimale pour que la refonte de la carte électorale se fasse dans la plus grande transparence.

M. le président. L'amendement n° 443, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Collomb, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement,

II. - Compléter le même 2° par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l'avis d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes.

« Une loi précise les modalités de désignation de membres de cette commission, ses règles d'organisation et de fonctionnement et les critères sur lesquels repose la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ou sénateurs ou répartissant les sièges entre elles. »

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La commission indépendante visée aux trois derniers alinéas de l'article 25 de la Constitution, tel qu'il résulte de la présente loi constitutionnelle, est constituée avant le 31 décembre 2008. Elle est consultée pour la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés intervenant après l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous sommes là sur un sujet important et mon propos n’est pas de m’interroger sur ce qui se passe au sein du Gouvernement mais bien sur la commission elle-même.

Madame le garde des sceaux, cette commission indépendante sera-t-elle en place pour étudier le découpage actuellement envisagé ? Si cette commission indépendante arrivait en effet après la bataille, c'est-à-dire une fois le découpage fait et validé, son indépendance serait frappée d’une extraordinaire relativité.

Quelle est donc la date d’application du dispositif proposé ? Je me permets de vous faire remarquer qu’à l’article 34, qui prévoit les dates d’application, vous n’indiquez pas la date d’entrée en vigueur de cette commission. Nous vous demandons un engagement à ce sujet, un engagement minimal de présumée bonne foi.

Et qu’est-ce qu’une commission indépendante ? Vous affirmez que la commission est indépendante, mais de quel degré d’indépendance s’agit-il dans votre esprit ?

Nous avons fait des propositions. Je sais qu’elles sont très détaillées et qu’elles ont déjà encouru votre critique pour ce motif. Elles ne sont donc peut-être pas du niveau d’une Constitution, mais elles vont au moins vous permettre de nous dire si la composition, telle que nous l’avons envisagée, correspond à la vision que vous avez du problème ou bien si elle lui est contraire.

Qu’il faille redécouper, le Conseil constitutionnel l’a dit, et c’est une évidence, puisque la France a changé. Il nous importe de tenir compte de l’évolution de la géographie urbaine et des déplacements de population. Pourquoi serions-nous opposés à un découpage ? Nous souhaitons simplement obtenir sur ce découpage les garanties nécessaires.

Enfin, M. Hyest a, avec beaucoup de dextérité, ôté les sénateurs du dispositif. C’est une fausse garantie et il aurait été plus simple, par parallélisme avec les députés, de les maintenir et de ne pas supprimer la possibilité d’émettre un avis sur les circonscriptions sénatoriales.

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

ou des sénateurs

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Il s’agit simplement de rappeler que les dispositions qui sont applicables aux députés ne sont pas actuellement transposables aux sénateurs pour ce qui concerne le second alinéa du 2°de l’article 10.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y aura de toute façon une commission, comme il y en a toujours eu !

Mme Éliane Assassi. Chat échaudé craint l’eau froide !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par le sous-amendement n° 343 on entend fixer la composition et le règlement d’organisation de la commission indépendante chargée de donner un avis public par une loi organique, et non par une loi. Cette modification ne paraît pas nécessaire, une loi simple suffit. La commission a donc émis un avis défavorable.

Il en va de même pour le sous-amendement n347, qui prévoit en outre que cette loi organique définit les conditions dans lesquelles un redécoupage décennal des circonscriptions électorales interviendrait. Cette précision ne semble pas nécessaire. La commission y est défavorable.

Le sous-amendement no 270 rectifié en revient au dispositif initial du projet de loi pour permettre à la commission indépendante de se prononcer sur les projets de texte délimitant les circonscriptions sénatoriales.

La commission des lois estime quant à elle que ces circonscriptions sénatoriales sont des territoires clairement définis, départements ou collectivités d’outre-mer, et qu’il n’est donc pas utile de prévoir la compétence de la commission pour se prononcer sur leur devenir. En effet, en cas de changement, il faudrait d’abord que nous en soyons saisis et ensuite viendrait la répartition des sièges entre les circonscriptions.

Concernant l’amendement n° 185, je comprends l’exigence de nos collègues, mais nous pouvons aussi prévoir une commission composée par exemple de membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes. C’est ce qui s’était produit en 1986, pour le redécoupage des circonscriptions législatives.

Des consultations des groupes et des partis politiques auront lieu, cela va de soi, mais il ne serait pas souhaitable que les représentants des groupes parlementaires siègent dans cette commission.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce serait contradictoire, elle ne serait plus indépendante ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Ou alors, autant le faire ici !

Nos collègues socialistes suggèrent que la nomination des membres de la commission soit elle-même soumise à l’avis d’une commission comprenant à parité des députés et des sénateurs qui statueraient à la majorité des trois cinquièmes. Évidemment, aucun parlementaire ne siégerait au sein même de cette commission, ce qui est logique.

La composition de la commission indépendante sera fixée par la loi. Je vous rappelle que, en 1986, la commission consultative qui avait donné son avis sur le redécoupage des circonscriptions législatives était composée de membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes. Son indépendance n’a jamais été mise en cause, et n’avait pas de raison de l’être.

Je pense que cette solution devrait et pourrait être adoptée. Il convient de conserver de la souplesse pour ces nominations dont nous pourrons d’ailleurs débattre lors de la discussion de la loi.

Je demande donc aux auteurs de bien vouloir retirer leur amendement.

M. Bernard Frimat. Et concernant la date d’entrée en vigueur de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Même si je peux avoir un avis sur la question, mon cher collègue, je laisse au Gouvernement le soin de vous répondre.

Quant à l’amendement no 81, il est satisfait par celui de la commission des lois.

M. Hugues Portelli. Je le retire !

M. le président. L’amendement n° 81 est retiré.Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En ce qui concerne les délais, il faut bien entendu, dans un premier temps, attendre les chiffres définitifs de la population, qui seront publiés à la fin de 2008. Vous le savez, le recensement est désormais réalisé par enquêtes annuelles étalées sur cinq ans.

Ensuite, c’est sous la houlette de la commission indépendante que s’effectuera le redécoupage des circonscriptions des députés.

Je le rappelle, il s'agit d’une obligation imposée par le Conseil constitutionnel. Pour sa part, le Sénat avait, de sa propre initiative, tenu compte des évolutions démographiques lors de la réforme sénatoriale de 2003.

Une fois que la commission indépendante aura terminé ses travaux, nous aurons alors à débattre du redécoupage dans le cadre de l’examen d’un projet de loi, comme députés et sénateurs l’avaient fait en 1986.

À l’époque, certains avaient crié au « charcutage », mais on a vu le résultat des élections de 1988 ! Le charcutage ne devait pas être si important qu’on l’a dit, n’est-ce pas, monsieur Pasqua ? (Rires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Par la disposition en discussion, le Gouvernement entend mieux garantir l’impartialité des redécoupages électoraux. L’obligation de consulter une commission indépendante qui rend son avis publiquement a pour objet d’apporter une plus grande transparence au processus.

L’amendement de la commission des lois précise à juste titre que la commission n’a pas à se prononcer sur la délimitation des circonscriptions pour l’élection des sénateurs, puisque les sénateurs sont élus dans le cadre de départements et de collectivités d’outre-mer. Il maintient en revanche l’avis de la commission sur les éventuelles modifications de la répartition des sièges des sénateurs par département. De fait, pour la répartition des sièges, l’avis de la commission est aussi utile pour les sénateurs que pour les députés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces deux modifications sont tout à fait opportunes. Aussi le Gouvernement est-il favorable à l’amendement no 104.

En ce qui concerne la composition de la commission, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de la fixer dans la Constitution elle-même. Cela alourdirait inutilement la loi fondamentale. Il est donc défavorable à l’amendement no 443.

Il n’est pas non plus nécessaire de prévoir que cette composition est fixée par une loi organique et non par une loi ordinaire. Je comprends la philosophie de la disposition, mais, en l’espèce, cette précaution semble inutile dès lors que la Constitution précise qu’il s’agit d’une commission indépendante.

L’ancrage constitutionnel est largement suffisant pour que, si besoin est, la garantie d’indépendance de la commission puisse être examinée par le Conseil constitutionnel, qui serait saisi de la loi créant la commission.

Nous sommes donc également défavorables au sous-amendement no 343.

L’amendement no 185 du groupe CRC vise à prévoir la représentation de chaque groupe parlementaire au sein de la commission. Le Gouvernement y est défavorable. Une telle disposition poserait un problème d’impartialité et ne correspond pas à l’objet même de la commission, puisque nous souhaitons, pour compléter ce qu’a indiqué tout à l’heure le rapporteur, qu’y siègent également des experts, par exemple des statisticiens.

L’intervention de la commission apportera une plus grande transparence au processus et permettra de pacifier un débat qui est toujours passionné. Néanmoins, elle restera purement consultative. Le Parlement sera appelé à se prononcer dans une seconde phase, lors de l’adoption de la loi.

Enfin, le sous-amendement no 347 vise à ce qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions intervienne tous les dix ans. Le Gouvernement considère qu’il n’est pas utile de mentionner une périodicité. En effet, l’évolution des circonscriptions électorales est déjà une nécessité, puisque le Conseil constitutionnel s’assure que le redécoupage correspond aux évolutions démographiques ; ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une décision du Conseil. En revanche, fixer un délai dans le texte peut aboutir à des situations peu souhaitables. Ainsi, le délai peut expirer à un moment fort peu opportun, notamment pendant une année électorale. Il est donc nécessaire de laisser un peu de souplesse.

En résumé, nous sommes favorables à l’amendement no 104 de la commission et défavorables aux autres propositions.

Monsieur Frimat, je tiens à préciser que M. Marleix, qui est placé auprès de Michèle Alliot-Marie, prépare effectivement les travaux de redélimitation des circonscriptions. Ceux-ci seront soumis à la commission que nous souhaitons créer afin qu’elle expertise le projet et rende un avis qui permettra d’éclairer la décision, comme je l’ai indiqué dans les observations que je viens de formuler.

Enfin, l’entrée en vigueur de ce dispositif ne fait pas l’objet d’une disposition spécifique puisqu’elle dépend de la loi qui déterminera l’organisation et le fonctionnement de la commission. Le Gouvernement prend l’engagement de saisir le Parlement avant la fin de l’année.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Monsieur le rapporteur, cher monsieur le rapporteur (Sourires.), je me demande – ce n’est qu’un préliminaire – si la rédaction de l’amendement no 104 ne devrait pas être légèrement modifiée. Il y est question des « projets de texte et propositions de loi ». J’avoue ne pas savoir ce qu’est un projet de texte ! Peut-être vaudrait-il mieux écrire « les projets et propositions de loi » ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a aussi les ordonnances !

M. Michel Charasse. Admettons !

Pour ce qui est de la commission – et je suis heureux que Charles Pasqua soit présent parmi nous –, je voudrais rappeler que l’inventeur de ce système, ce fut Charles Pasqua, lorsque le Premier ministre, en 1986, l’avait chargé de procéder à un redécoupage. Il avait alors fait voter par le Parlement, dans une loi d’habilitation, la création et la composition de la commission, laquelle, si je me souviens bien, était composée en majorité de magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, c’est-à-dire du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation.

Pour ma part, j’avais été chargé par l’Élysée de suivre la question, Charles Pasqua se le rappelle certainement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toute une tranche de vie !

M. Michel Charasse. Sincèrement, je n’ai pas gardé le souvenir d’un travail abominable. La commission était réellement indépendante, et le rapporteur qu’elle avait désigné, Mme Marie-Françoise Bechtel, membre du Conseil d’État, était d’ailleurs plus proche du président Mitterrand que du Premier ministre de l’époque. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

François Mitterrand, qui avait suivi cela de très près,…

M. Michel Charasse. … avait déclaré en substance au Premier ministre ou au ministre de l’intérieur que, de toute façon, quoi qu’ils fassent, aucune loi électorale, même très inégale, ne résisterait jamais à une poussée électorale et n’empêcherait de gagner des élections.

Le président Mitterrand a refusé de signer les ordonnances, considérant qu’il ne lui appartenait pas, sur une question de cette nature, de faire le travail des assemblées, alors que la situation ne présentait aucun caractère de crise ou d’urgence.

Je livre au Sénat, à toutes fins utiles, l’analyse de la présidence de la République à l’époque : sur 577 circonscriptions, il y en avait 30 à 40 dont le découpage pouvait être contesté. Ce n’était pas un nombre colossal !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’était pas grand-chose, 8 % d’erreur…

M. Michel Charasse. Le Président ayant refusé de signer les ordonnances, celles-ci ont été transformées en projet de loi, que le Parlement, si je me souviens bien, a adopté selon la procédure de l’article 49-3. Le Conseil constitutionnel a été saisi et a lui-même estimé, par la voix de son rapporteur – c’était alors Robert Fabre –, que, si certains écarts pouvaient paraître anormaux, l’ensemble n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Très bien !

M. Michel Charasse. Tout cela m’amène à la conclusion que, le système étant constitutionnalisé, la seule chose que l’on peut espérer, c’est que ce ne sera pas pire ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est formidable !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le débat n’avance pas !

M. le président. La parole est à M. Charles Pasqua, pour explication de vote (M. Michel Charasse s’exclame.), et nous l’écoutons avec attention !

M. Charles Pasqua. Je suis d’autant plus certain que M. Charasse m’écoutera avec attention qu’à l’époque nous étions en contact permanent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)

Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? Pas la peine de faire ainsi les étonnés : c’est la logique même !

L’ambition que nous avions tous, à l’époque, était de parvenir à un découpage convenable et acceptable par l’ensemble des mouvements et des groupes politiques.

J’ai donc proposé de créer une commission composée ainsi que cela a été rappelé tout à l’heure. Quelle était ma principale attente à son égard ? C’était qu’elle me protège, non pas de l’opposition, mais des demandes excessives éventuelles de la majorité. C’était cela, la réalité des choses !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Charles Pasqua. Nous avions posé les principes du découpage et défini les écarts que nous pouvions accepter selon les circonscriptions.

M. Michel Charasse. Dans la loi !

M. Charles Pasqua. Oui, dans la loi ! Pour le reste, évidemment, la paire de ciseaux ne pouvait pas être tenue par plusieurs personnes ! (Sourires.)

Je remercie d’ailleurs nos amis communistes, qui, à l’époque, avaient conçu une excellente affiche (On se congratule sur les travées du groupe CRC.), ...

Mme Éliane Assassi. Elle avait obtenu le premier prix de l’affiche politique !

M. Charles Pasqua. … sur laquelle on voyait le Premier ministre et moi-même chacun en tenue de charcutier. (Sourires.) C’était une très belle affiche, dont je vous remercie beaucoup. Je l’ai gardée dans mes archives ! (Nouveaux sourires.)

Plus sérieusement, il faut bien se rendre compte des difficultés que comporte une opération de découpage électoral : quelle que soit la volonté que l’on a d’aboutir à un résultat équilibré, c’est extrêmement difficile.

Je le répète, je voulais me protéger des excès de mon propre camp. Et c’est en cela que la commission nous était extrêmement utile : chaque fois que j’étais confronté à une demande qui me paraissait abusive, qu’elle émane d’un bord ou de l’autre, je demandais l’avis de la commission, et je me retranchais derrière.

Michel Charasse, qui a une excellente mémoire, doit se souvenir comme moi d’un déplacement durant lequel nous avions accompagné le président Mitterrand. Il s’était conclu par un dîner – rien d’extraordinaire à cela – au cours duquel un éminent membre du parti socialiste local m’avait sinon agressé, le mot serait excessif, du moins pris à partie en se plaignant du découpage. Et Mitterrand lui avait dit en substance : « Je ne vois pas de quoi vous vous plaignez ! Le découpage qui vient d’être fait vous garantit d’être réélu pendant les trente prochaines années qui viennent. Vous pourriez au moins vous tenir tranquille ! »

Encore une fois, voilà la réalité des choses ! Et Michel Charasse a raison de souligner que, quels que soient la loi électorale ou le découpage électoral, ils ne sauraient en aucun cas vous garantir le succès aux élections concernées : ce qui permet de gagner une élection, c’est la confiance que l’on suscite dans le peuple, c’est le projet que l’on a.

Quant aux ordonnances, j’ai un souvenir très précis lié au refus du Président de la République de les signer. Il faut dire que j’avais exprimé ici même, dans cet hémicycle, le vœu qu’à l’issue de ce découpage électoral on m’élève une statue ; toujours dans cette enceinte, mais au cours d’un autre débat, j’avais en un autre temps signifié – et je regrette que M. Badinter ne soit pas parmi nous ce soir pour le confirmer– mon souhait que François Mitterrand soit traduit devant la Haute Cour de justice.

François Mitterrand avait une excellente mémoire, mais il ne confondait pas les attaques personnelles et le combat politique. À l’époque des ordonnances, donc, il m’avait fait appeler à l’issue d’une réunion du conseil des ministres pour me confirmer qu’effectivement il ne les signait pas, qu’il n’en était pas question et qu’il nous faudrait passer devant le Parlement.

Je rappelle au passage, cela a été dit dans le débat…