M. Thierry Repentin. Cet amendement est rédactionnel.

Il vise à désigner avec davantage de précision les établissements qui pourront distribuer le nouveau livret A en se référant à la législation en vigueur. Ainsi, il énumère les établissements de crédit habilités à recevoir du public des fonds à vue : les banques, les banques mutualistes ou coopératives et les caisses de crédit municipal.

Il ne s’agit donc que d’une tentative pour améliorer la rédaction proposée.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l’amendement n° 886 rectifié.

M. Michel Billout. Quitte, sous certains aspects, à faire en sorte qu’il existe une certaine généralisation du livret A, autant que les choses soient clairement énoncées.

Avec cet amendement n° 886 rectifié, nous apportons une précision rédactionnelle quant à la qualité des établissements distributeurs du produit financier concerné, notamment en leur capacité de recevoir du public. Nous le faisons par référence à l’article L.511-9 du code monétaire et financier, qui précise les choses en la matière.

M. le président. L’amendement n° 556, présenté par M. Repentin, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Raoul, Pastor, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 221-1 du code monétaire et financier, après les mots :

fonds à vue

insérer les mots :

, notamment en espèces, qui dispose de guichets prévus à cet effet

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à poser comme condition aux banques désirant proposer le livret A qu’elles disposent de guichets permettant le retrait et le dépôt de sommes en espèces. Il s’agit là d’une caractéristique essentielle du livret A, qui doit être respectée sur l’ensemble du territoire.

N’autoriser l’ouverture du livret A qu’aux établissements disposant de guichets assurant la couverture du territoire permet de garantir l’accessibilité de tous nos concitoyens à ce service.

Mme Nicole Bricq. Nombre de nos concitoyens, vous le savez, se servent du livret A comme d’un porte-monnaie électronique : soit c’est leur unique outil bancaire, soit ils veulent faire des dépôts régulièrement.

Cette mesure permettra en outre de garantir une certaine égalité devant les charges de fonctionnement auxquelles les établissements bancaires font face pour la gestion de ce produit d’épargne. Une rémunération de 0,6 % pour les banques qui ne dispenseraient pas ce genre de service semblerait indue, comme nous l’avons déjà indiqué.

Cet amendement vise également à exclure du dispositif les banques en ligne qui ne disposent d’aucun accès « physique » aux comptes.

Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, prévoit une rémunération unique pour des services rendus qui s’avéreraient différents : dans certains cas, le détenteur pourrait effectuer des retraits et des dépôts en espèces partout ; dans d’autres cas, il n’aurait aucune de ces deux possibilités

On le sait, les frais de gestion sont différents entre les établissements entretenant un réseau d’agences et les autres. Il y a là une distorsion de concurrence d’autant plus inopportune que ce projet de loi a précisément pour vocation, avons-nous cru comprendre, de favoriser la concurrence.

C’est donc dans l’intérêt de tous que cette condition doit être posée, n’empêchant en réalité que très peu de groupes bancaires de délivrer un livret A. Cette exigence les poussera peut-être à ouvrir de véritables guichets si leur intention est réellement d’être accessibles à la plus large clientèle possible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, relever le plafond ne nous semble pas acceptable, surtout lorsqu’on présente, à juste titre, l’épargne collectée par le livret A comme une épargne populaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L’épargne comprise entre 15 300 euros et 20 800 euros peut-elle réellement être qualifiée d’épargne populaire ? Je me permets simplement de vous poser la question, en me rappelant des déclarations qui ne sont pas si anciennes sur la limite de la richesse à 4 000 euros par mois…, mais je n’en dis pas plus. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 551 rectifié.

S’agissant des amendements identiques nos 558 et 886 rectifié, la commission spéciale n’a pas eu le sentiment que la rédaction proposée était plus lisible que celle du texte du Gouvernement. Elle a donc émis un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 556. Le fait d’exclure un mode de distribution nous semble contraire au droit européen de la concurrence. Je suis cependant amené à interroger Mme le ministre de l’économie sur les taux de commissionnement. S’il s’agit d’une simple banque virtuelle, les dépenses d’exploitation sont moins lourdes.

M. Philippe Marini, rapporteur. J’imagine que le décret pourra tenir compte de ces situations, de ces politiques commerciales différentes. Peut-être, pour des raisons de simplicité, préférez-vous un système de forfait, madame le ministre. Pourriez-vous nous indiquer quel est votre sentiment sur cette question ?

En tout état de cause, l’amendement ne peut recevoir qu’un avis défavorable, car nous ne souhaitons pas, ayant réalisé avec un retard de plusieurs années une harmonisation avec le droit européen, fragiliser cette réforme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour la même raison que la commission, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 551 rectifié. Il y est d’autant plus défavorable que, s’il était adopté, il aurait également pour effet d’abroger la disposition du projet de loi prévoyant la généralisation du livret A à toutes les banques.

S’agissant des amendements identiques nos 558 et 886 rectifié, je remercie M. le rapporteur d’avoir considéré que la rédaction initialement proposée était meilleure. Je reprends à mon compte cette appréciation et j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

J’en viens enfin à l’amendement n° 556, qui viserait à réserver le droit de distribuer le livret A aux seuls établissements disposant de guichets permettant de recevoir des fonds en espèces.

Cette disposition, d’une part, est contraire au droit européen de la concurrence et, d’autre part, va totalement à l’encontre du double objectif que nous nous sommes fixé, puisque nous souhaitons à la fois développer l’épargne populaire et financer le logement social. Dans ces conditions, pourquoi se priverait-on d’un mode de collecte au seul motif qu’il ne serait pas fondé sur un réseau de guichets ?

Les banques qui ne disposent pas de guichets ont, elles aussi, des coûts ; elles sont obligées de bâtir une structure, fondée sur des développements informatiques, des logiciels en particulier, très coûteux, qui peuvent parfaitement justifier un financement. Je rappelle que celui-ci est destiné non pas à payer les amortissements ou les équipements particuliers de telle ou telle banque, mais tout simplement à rémunérer la collecte, qu’elle soit réalisée par un réseau de guichets ou par un réseau informatique.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 556.

Mme Nicole Bricq. Alors il fallait fixer le taux à 0,4 % !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 551 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Curieusement, je suis tout à fait réconfortée par ce que vient de dire Mme la ministre. Dans les territoires ruraux, les mesures de sécurité imposées ne permettent pas aux communes de conserver des établissements bancaires. Dans ces conditions, je pense qu’en milieu rural toutes les opérations resteront à La Poste. Finalement, ce n’est pas plus mal.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Je voudrais revenir sur la question du plafond de versements sur le livret A, la réponse de M. le rapporteur ne nous ayant pas convaincus.

Parmi les critères invoqués pour expliquer la sagesse de l’évolution du plafond de versements, on a souvent invoqué le coût fiscal global de la défiscalisation du livret A. Si l’on en croit l’évaluation des voies et moyens associée à la loi de finances pour 2008, le coût de la défiscalisation du livret A au titre de l’impôt sur le revenu s’élève à 280 millions d’euros, qui permettent, rappelons-le, la mobilisation de 115 milliards à 120 milliards d’euros d’encours, dont une part importante participe à la construction de plus ou moins 60 000 logements sociaux par an.

Encore n’est-ce là qu’une des utilisations du livret A. Sur le fond, chacun sait qu’au-delà de la centralisation intégrale des dépôts la Caisse des dépôts gère au mieux les fonds d’épargne qui lui sont confiés, dans d’autres domaines et sur d’autres champs de la vie économique et sociale du pays. La Caisse des dépôts et consignations est en particulier l’un des partenaires privilégiés des collectivités territoriales.

Rapporté au logement, le coût de la défiscalisation est donc inférieur à 4 000 euros, nonobstant le fait qu’une bonne part de la politique de réhabilitation du parc locatif social existant est également financée par la collecte du livret A.

Nous avons donc, quand il s’agit de construire ou de réhabiliter un logement, un coût induit par la défiscalisation qui doit se situer aux alentours de 2 000 euros, ce qui n’a strictement rien à voir avec le volume des aides économiques et fiscales accordées au logement locatif privé ou au logement privé de caractère spéculatif.

Soyons plus précis : comment oublier que l’activité du bâtiment génère des ressources fiscales autrement plus importantes que ne coûte la défiscalisation de la ressource et qu’elle est si productrice d’emplois que les comptes sont vite faits.

M. Jean Desessard. Absolument !

Mme Odette Terrade. L’État, sur le fond, n’a pas à supporter le coût du livret A ; il en recueille surtout les fruits, qu’il s’agisse des recettes fiscales liées à l’activité du secteur, du dividende de la Caisse des dépôts et consignations et de sa contribution volontaire au budget général, ou des recettes d’ordre qu’il puise régulièrement, en tant que de besoin, pour boucler le budget au sein des fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts.

Le maintien des avantages liés au livret A tel qu’il existe aujourd’hui devrait à lui seul motiver, de la part du Gouvernement, une tout autre attitude. Pour notre part, nous pensons qu’il faut préserver la spécificité du livret A en France et en Europe et qu’il importe de lui donner une force renouvelée.

Quand on annonce un plan banlieue sans précédent, il faut se donner les moyens de sa politique, et le livret A en fait partie. C’est pourquoi nous voterons sans hésiter l’amendement n° 551 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Très sincèrement, madame la ministre, je ne comprends pas en quoi le relèvement du plafond de versements remettrait en cause la modernisation du livret A. J’ai même le sentiment que l’augmentation du plafond n’a absolument rien à voir avec la banalisation souhaitée par Bruxelles, ni avec le fait que vous choisissiez de ne centraliser qu’une partie des sommes collectées à la Caisse des dépôts et consignations. En fait, cet amendement aurait pu être complètement disjoint de la réforme du livret A.

Monsieur le rapporteur, vous vous demandez si nous pouvons considérer qu’un compte d’épargne est encore populaire avec un montant avoisinant 20 000 euros. À titre personnel, ma réponse est « oui ». Je ne considère pas qu’une personne détenant un livret d’épargne avec 20 000 euros soit riche. D’ailleurs, seuls 2,4 % des livrets A atteignent le plafond de 15 300 euros.

Vous vous interrogez sur la légitimité de cette revalorisation ; mais tout se revalorise chaque année ! Au 1er janvier de chaque année, Mme Boutin pourrait en témoigner, on revalorise les aides personnelles au logement, par exemple.

Mme Odette Terrade. Et les loyers !

M. Thierry Repentin. Et, monsieur le rapporteur général, il me semble que, chaque année, dans le budget vous réactualisez certains seuils ; je pense à la revalorisation du seuil à partir duquel on est redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Philippe Marini, rapporteur. C’est le déficit qui risque d’être revalorisé !

M. Thierry Repentin. Dans ces conditions, pourquoi refuserait-on de revaloriser l’épargne populaire ? Il y a deux poids, deux mesures, qui sont difficilement compréhensibles !

Franchement, tout le monde y gagnerait si une partie de nos concitoyens mettait un peu plus d’argent sur le livret A : les banques, qui pourraient collecter plus d’argent ; la Caisse des dépôts et consignations, qui disposerait de fonds centralisés plus importants ; l’État aussi puisque, madame la ministre de l’économie, la Caisse des dépôts gérant bien cet argent, on ponctionne allègrement chaque année dans les fonds d’épargne – 1,5 milliard d’euros sur l’année 2007 – pour abonder le budget.

Tout le monde serait gagnant dans cette opération. J’entends parfois parler de « niche fiscale » à propos du livret A ; franchement, de telles niches fiscales, il faudrait en inventer tous les jours !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Thierry Repentin pose la question de la revalorisation du plafond du livret A, compte tenu de l’inflation, du coût de la vie, etc.

En fait, si M. le rapporteur s’y oppose, c’est qu’il a pris en compte la paupérisation de la société et le fait que les classes moyennes et populaires gagnent moins. Il souhaite tout simplement accompagner ce mouvement de paupérisation. Le coût de la vie augmente, mais comme, dans le même temps, le pouvoir d’achat baisse dans les milieux populaires, ce n’est pas la peine de revaloriser le plafond ! (Sourires.)

M. Michel Billout. Il faut travailler plus !

M. Jean Desessard. C’est logique, tout simplement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 551 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 558 et 886 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur l’amendement n° 556.

M. Michel Billout. Aujourd’hui – c’est d’ailleurs l’un des principaux griefs portés contre la situation actuelle par les établissements de crédit « banalisés » – seules les Caisses d’épargne et La Poste sont autorisées à collecter le livret A dans le cadre de plages horaires d’ouverture différentes des établissements de crédit « ordinaires ». Les banquiers en question oublient sans doute que La Poste comme les Caisses d’épargne remplissent des missions de service public et d’intérêt général qui motivent précisément ces conditions particulières de fonctionnement.

Je ne crois pas que la loi bancaire de 1984, transposée depuis dans le code monétaire et financier, fasse obligation, l’espace d’un alinéa, aux établissements de crédit de faire face à des missions d’intérêt général. Au demeurant, vu la difficulté que les mêmes établissements de crédit rencontrent pour mettre en œuvre le droit au compte et l’accessibilité bancaire, on ne s’en étonnera guère.

Dans ce contexte, la critique régulièrement formulée sur le duopole de la distribution du livret et fondée sur des conditions de concurrence déséquilibrées est pour le moins discutable.

L’autre question posée par cet article est celle de l’existence d’un véritable réseau de collecte, matérialisé par la présence de guichets de réception du public, de guichets parfaitement identifiés et physiquement repérables.

Une telle définition exclut donc qu’une banque en ligne puisse proposer un produit équivalent au livret A, offrant les mêmes caractéristiques de rémunération, puisqu’elle ferait jouer à plein l’exclusion bancaire. Ne pas tenir de guichet de réception du public revient en effet à priver une grande partie des épargnants de la possibilité même de souscrire, au seul motif que, au-delà de l’exclusion bancaire, nous connaissons aussi la fracture numérique.

En outre, dans la mesure où le taux de rémunération de la collecte sera identique à terme pour chacun des réseaux, c’est donner un avantage comparatif déloyal au regard de la concurrence au seul profit des établissements bancaires « virtuels ». Quelle curieuse conception de la concurrence dite libre et non faussée ! On voit bien qu’une banque comme ING Direct, pour ne citer que celle-là, car elle a une responsabilité particulière dans cette partie du projet de loi, en tirera de substantiels bénéfices.

Nous voterons donc cet amendement de simple équilibre de la concurrence.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais simplement dire à Mme la ministre, qui doit présenter la réforme d’ici à deux mois à Bruxelles, qu’elle aura du mal à convaincre la Commission que refuser d’imposer l’ouverture de guichets sur tout le territoire favorise la concurrence.

Nous reparlerons tout à l’heure de l’accessibilité bancaire, mais votre refus est en quelque sorte l’aveu implicite que vous entendez réserver aux nouveaux entrants les livrets qui connaissent le moins de mouvements et qui sont donc les plus intéressants. Les autres livrets seront cantonnés à La Poste, à qui l’on imposera la mission d’intérêt général d’accessibilité bancaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 556.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 372 rectifié, présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Repentin, Angels et Collombat, Mme Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Pastor, Raoul, Sueur, Yung, Josselin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le début du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 221-2 du code monétaire et financier :

Tout établissement de crédit qui s’est engagé par convention avec l’État est tenu d’ouvrir un livret A…

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La perte de recettes résultant pour l’État de l’extension de l’obligation d’ouvrir un livret A aux personnes qui en font la demande est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’exclusion bancaire concerne aujourd’hui 5 millions de personnes.

Le livret A constitue le dernier outil pour remédier à cette exclusion, car les populations les plus démunies l’utilisent quasi quotidiennement pour effectuer les opérations financières de base. Une partie importante des allocataires de minima sociaux et des personnes en détresse sociale ont ainsi accès à un compte scriptural gratuit.

Les distributeurs historiques ne pratiquent aucune sélection de clientèle, les caractéristiques de fonctionnement de leur livret A étant, de plus, gratuites. Nous pensons que ces caractéristiques fondamentales doivent être assurées par toutes les banques, tandis que la rédaction que le projet de loi propose pour l’article L. 221-2 du code monétaire et financier aboutirait à faire, comme cela vient d’être dit par Nicole Bricq, de la Banque Postale la « banque des pauvres ».

Monsieur le rapporteur, ne me dites pas que la Banque Postale est subventionnée pour cela. Elle l’est surtout au titre de sa présence territoriale.

En conséquence, l’amendement que nous présentons vise à obliger tous les établissements ayant choisi de distribuer le livret A à ouvrir un tel livret aux personnes y ayant droit et qui leur en font la demande. II s’agit par là de confier à ces établissements une mission d’accessibilité bancaire via le livret A.

« Banalisation » du livret A signifie qu’il serait distribué partout. Et l’on voudrait nous faire accepter le fait que, pour les banquiers, seuls les clients qui ont des moyens seraient intéressants ! Au contraire, il nous semble tout à fait logique d’obliger les banques à ne pas refuser les personnes très modestes qui pourraient entrer dans leurs établissements.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 571 est présenté par M. Repentin, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Raoul, Pastor, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 896 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par le I de cet article, pour l’article L. 221-2 du code monétaire et financier, remplacer les mots :

L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 518-25-1 ouvre

par les mots :

Les établissements mentionnés à l’article précédent ouvrent

La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l’amendement n° 571.

M. Thierry Repentin. Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler dans la discussion générale, ne pas exiger des autres banques les mêmes conditions d’accessibilité bancaire que celles imposées à la Banque Postale est une vision bien particulière de la banalisation. Si la banalisation est exigée par Mme la commissaire européenne, c’est pour remédier à ce qu’elle considère comme une distorsion de concurrence entre les banques pouvant commercialiser le livret A et les autres produits.

Chacun connaît la position du groupe socialiste sur cette décision : nous en contestons le bien-fondé, car le livret A n’est pas un produit financier comme les autres. Il correspond à un double service d’intérêt économique général : le financement du logement à loyer modéré et l’accessibilité bancaire. À ce titre, il ne devrait pas être soumis aux règles de concurrence qui s’imposent aux produits et services purement marchands.

Nous n’avons d’ailleurs eu de cesse de recommander l’attente de la décision de justice quant au recours déposé par la France devant la Cour de justice des Communautés européennes. Nous avons également œuvré pour que des associations nationales d’élus locaux déposent – elles l’ont fait ! – leur propre recours auprès de la justice européenne.

Néanmoins, maintenant que nous y sommes, en annonçant une uniformisation de la distribution du livret A, vous réalisez en fait une banalisation à géométrie variable. C’est pour le moins paradoxal !

L’objet du présent amendement est d’étendre la mission d’accessibilité bancaire à tous les établissements distributeurs du livret A. Ainsi, toute personne qui en fait la demande pourra bénéficier de l’ouverture d’un tel compte d’épargne dans l’établissement financier de son choix.

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que cette disposition instituera l’obligation d’ouverture de compte pour le seul livret A, sans se substituer aux dispositions de la charte d’accessibilité bancaire pour les autres comptes ou produits bancaires.

Madame la ministre, nous réfutons, avant que vous ne nous répondiez la même chose qu’à l’Assemblée nationale, votre argument selon lequel déjà aujourd’hui seule la Banque Postale est tenue d’accepter toute demande d’ouverture d’un livret. C’est effectivement la situation actuelle, mais ce n’est pas l’esprit du livret A, outil premier de l’accessibilité bancaire. Ce n’est pas non plus l’objet de votre réforme : vous ne cessez en effet de la justifier par la volonté d’offrir la possibilité d’ouvrir un livret A à un maximum de nos concitoyens. Eh bien, allez au bout de votre logique et permettez qu’il soit accessible à tous ! Pour cela, il est indispensable d’imposer les mêmes conditions de distribution à toutes les banques.

En réalité, ce que traduit la rédaction actuelle de l’article 39, c’est la tentation de creuser davantage le fossé entre nos concitoyens les plus aisés, qui pourront choisir, et les plus modestes, qui seront immanquablement réorientés vers un organisme particulier. Ainsi, vous découragez les clients déjà discriminés à entrer dans une banque lambda : le risque d’essuyer un refus d’ouverture sera trop grand. La concurrence prétendument accrue ne sera que renforcement de la sélection et exclusion sociale.

Il y aura plus que jamais des banques pour les pauvres et des banques pour les autres. Mais il y aura aussi des banques pauvres et les autres établissements financiers ! En effet, les coûts qui seront supportés par les établissements ouvrant un livret sans condition ne seront évidemment pas les mêmes que ceux supportés par les banques sélectives. Dans le premier cas, les opérations auront tendance à être nombreuses, de faible montant et avec des encours modestes. Dans le second cas, notamment les banques en ligne, les opérations seront rares et l’encours souvent élevé. Pourtant, la rémunération entre les deux sera identique. Comprenne qui pourra !

Pour mémoire, je rappelle que la mission d’accessibilité bancaire, à laquelle vient de faire référence Bariza Khiari, est estimée à 500 millions d’euros par la Banque Postale et à 428 millions d’euros par la Commission européenne.

Dans la mesure où la rémunération est identique, le service rendu doit l’être aussi. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 896.

M. Thierry Foucaud. Il nous apparaît essentiel que la faculté de distribuer le livret A soit liée au droit effectif à l’ouverture d’un livret et au dépôt sur ce compte, quel que soit le réseau choisi par l’épargnant.

Cette situation a plusieurs significations.

Dans la rédaction actuelle du projet de loi, c’est la Banque Postale qui semble destinée à distribuer et surtout à gérer l’encours des livrets A des plus petits épargnants, tandis que les autres établissements de crédit pourraient, au fil du temps, capter les plus importants épargnants. Ainsi, ce qui est à craindre avec le texte proposé par le paragraphe I de l’article 39 pour l’article L. 221-2 du code monétaire et financier, c’est que la clientèle du livret A ou de tout autre livret correspondant soit progressivement segmentée et que la Banque Postale devienne en quelque sorte « la banque des pauvres ».

Une telle situation n’est pas satisfaisante à plus d’un titre, car elle tend à transformer le livret A en produit d’appel pour les établissements de crédit « banalisés » et en produit de « cantonnement » pour la Banque Postale. Celle-ci se voit en effet confier une sorte de mission d’intérêt général qui lui sera rémunérée, au moins sur la période transitoire, en attendant qu’elle adapte ses coûts de collecte à la situation créée par le nouveau partage de la clientèle des épargnants.

Mes chers collègues, j’en appelle là à votre bon sens. Comment la Banque Postale va-t-elle pouvoir faire appel à ses coûts de collecte ? Tout simplement en rationalisant ses coûts et en réalisant autant que faire se peut des gains de productivité. Or je vais vous dire ce que cela signifie, puisque tout marche ensemble dans cette affaire.

En cas de vote positif en faveur de la réforme du livret A, ne vous attendez pas à une soudaine croissance de l’épargne populaire ou à la possibilité de dégager des milliards et des milliards d’euros pour des politiques publiques renforcées. Si vous votez en l’état la réforme du livret A, notamment l’article L. 221-2 du code monétaire et financier, vous voterez dans la foulée la fermeture de plusieurs milliers de bureaux de poste en zone rurale…