M. Éric Doligé. Moi, j’y crois !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. J’en arrive donc, monsieur le président, à mon quatrième et dernier argument, même s’il est bien agréable de parler ainsi, entre nous… À ceci près que, pour l’instant, ce débat ressemble plutôt à un soliloque. Mais je suis sûr que vous allez enfin nous répondre, madame la ministre ! (Sourires.)

Le quatrième et dernier argument est d’ordre financier. On nous dit que les contrats de partenariat pourraient être financièrement intéressants. En ce qui me concerne, je ne le crois pas du tout.

Dans un premier temps, nous dit-on encore, vous n’allez rien payer. N’est-ce pas formidable !

La réalité est tout autre. Dans quelques dizaines d’années, ce sont nos successeurs, nos enfants et petits-enfants qui vont devoir payer. Et quel prix ? C’est là toute la question.

Si quelqu’un est capable de me dire ce que sera le prix de l’essence et de l’énergie dans trois mois, voire dans six mois ou un an, je l’en félicite ! Alors, dans vingt ou trente ans… De la même façon, quel sera le niveau des taux d’intérêt ? Comment le coût de la construction évoluera-t-il ?

Nous ne savons donc pas ce que paieront les générations futures. Nous signons un chèque en blanc sur l’avenir, laissant à d’autres le soin de payer demain ce que nous ne voulons pas payer aujourd’hui.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, nous a déclaré ici même, le 6 février dernier, que ces « innovations » se traduiront par « des surcoûts très importants pour l’État », qui aura fait preuve en l’espèce d’une « myopie coûteuse ».

Les contrats de partenariat, s’ils devaient être généralisés, pourraient donc avoir des effets du même ordre que ceux des crédits revolving dans la vie des ménages.

Pour toutes ces raisons, je considère qu’autant l’existence de cet outil peut être utile dans des circonstances très précises, autant il n’y a pas d’argument solide pour justifier sa généralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en première lecture, la commission des finances s’était saisie pour avis d’un nombre limité d’articles de ce projet de loi.

Elle avait cru nécessaire d’apporter son éclairage, car les PPP sont une modalité particulière, novatrice, de l’investissement public. Ils ont, bien entendu, une composante budgétaire et fiscale.

Au moment de commencer cette deuxième lecture, je pense que nous pouvons nous féliciter des avancées réalisées sur ce texte, sur l’initiative tant du Sénat que de l’Assemblée nationale. Il contient des dispositions qui devraient permettre d’accroître la part de l’investissement public réalisée par le biais de PPP.

Au Royaume-Uni, je le rappelle, les PPP représentent, selon les années, entre 10 % et 15 % de la formation brute de capital fixe publique.

Le projet de loi prévoit que le recours aux contrats de partenariat repose sur le critère essentiel de l’efficacité économique, c’est-à-dire sur ce que les anglo-saxons appellent le value for money. Il place l’évaluation préalable au cœur du dispositif.

Cela exige, évidemment, des investisseurs publics la constitution d’un référentiel d’analyse financière rigoureux, qui doit permettre d’éviter, dans un contexte de montée des tensions budgétaires, les risques d’optimisation comptable. Il y a tellement de bonnes raisons économiques d’opter pour un PPP qu’il serait dommage que cet instrument soit utilisé pour ses vertus déconsolidantes, parce qu’il permettrait une amélioration faciale de la dette.

Voilà pourquoi la commission des finances avait proposé dans son rapport cinq règles d’or pour assurer la réussite financière des PPP.

Au titre de ces règles d’or figurait la suppression des frottements fiscaux. Ces frottements fiscaux, entre PPP et investissement classique, étaient en effet susceptibles de conduire à des biais dans les arbitrages des personnes publiques.

Le texte qui nous est soumis a connu de grands progrès sur ce point : aux dispositions initialement présentées par le Gouvernement ont été ajoutés plusieurs articles adoptés sur l’initiative de la commission des finances, ce dont je me félicite.

Deux points restent cependant à préciser.

Il s’agit tout d’abord de l’alignement des PPP sur le régime des investissements publics en ce qui concerne le salaire du conservateur des hypothèques, la taxe locale d’équipement et les taxes qui lui sont associées. Cela relève du décret : pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quand il sera pris et préciser qu’il concernera bien l’ensemble des PPP, et pas seulement les contrats de partenariat ? Cela me paraît indispensable pour que la fiscalité soit neutralisée, quelles que soient les modalités de l’investissement public.

Il s’agit ensuite – et ce point me tient à cœur, madame la ministre – de l’éligibilité des baux emphytéotiques administratifs au FCTVA.

Sur ce sujet, le texte a permis, sur l’initiative de la commission des finances, des avancées très substantielles. Mais la disposition modifiée par l’Assemblée nationale prévoit désormais un seuil fixé par décret.

J’ai déposé un amendement, que je souhaite d’appel, afin d’obtenir avant le vote des éclaircissements, voire des précisions chiffrées. Il serait dommage de revenir sur ce point en loi de finances. Quand ce décret sera-t-il pris, madame la ministre ? Quel sera le seuil ?

Je souhaite que la disposition qui sera votée par le Sénat, à défaut de satisfaire pleinement un fiscaliste cartésien, soit utile aux collectivités territoriales, notamment aux plus petites d’entre elles. Le seuil doit ainsi permettre la réalisation d’équipements simples, comme celle d’un collège de petite ou de moyenne taille.

À titre indicatif, j’ai déposé un amendement qui vise à fixer ce seuil à 10 millions d’euros hors taxes. C’est le montant que vous venez d’annoncer à la tribune, madame la ministre. C’est bien, mais ce serait mieux si nous pouvions bien préciser les choses lors de la discussion de l’amendement.

Enfin, en première lecture, la commission des finances avait proposé, au sujet du mécanisme de cession de créance, d’opter pour un outil banalisé et connu des acteurs économiques financiers sous le nom de « cession Dailly », plutôt que pour un dispositif spécifique. La disposition adoptée suscite quelques interrogations et quelques inquiétudes de la part des entreprises. Je serais heureux, madame la ministre, que vous puissiez lever les doutes à ce sujet et nous indiquer que le mécanisme proposé aura bien la souplesse nécessaire pour ne pas avoir d’incidence sur l’équilibre financier des contrats.

Conscient que ce texte est très attendu des investisseurs publics et des entreprises, et sous réserve des précisions que vous voudrez bien m’apporter, je voterai en faveur d’un projet de loi qui m’apparaît comme un grand progrès. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en déplorant la volonté de la commission des lois d’aller vers un vote conforme. Tout travail parlementaire est de ce fait exclu a priori, ce que nous regrettons profondément.

Ce projet de loi a évolué très sensiblement au cours des derniers mois. De nouvelles dispositions améliorent même la transparence dans la conclusion de ce type de contrats, ce que nous jugeons satisfaisant.

Ainsi, un certain nombre d’éléments sont précisés, comme la méthodologie de l’évaluation préalable. La nécessité que le partenaire privé fournisse un rapport annuel est affirmée. Un meilleur recensement de ce type de contrats est prévu par le ministère de tutelle et il est spécifié que les documents budgétaires des collectivités territoriales devront faire apparaître des données sur les PPP conclus.

À l’inverse, cependant, nombre d’amendements qui ont été adoptés n’emportent pas notre agrément, notamment ceux qui ont élargi le champ d’application des PPP.

Ainsi, les organismes de sécurité sociale et les sociétés anonymes d’HLM pourront dorénavant recourir aux PPP.

Par ailleurs, le recours aux PPP ne serait plus soumis à aucun critère pour les équipements destinés à l’enseignement du français à l’étranger, ainsi que pour les ouvrages et les équipements annexes des infrastructures de transports, c’est-à-dire rien de moins que les gares et les aéroports !

De nouvelles mesures dites de « neutralité fiscale » ont été votées, permettant une série d’exonérations fiscales. Nous considérons, pour notre part, qu’il s’agit non pas de neutralité fiscale, mais bien plutôt d’incitation fiscale. Ces procédés d’exonération ont même été élargis aux baux emphytéotiques administratifs, notamment par le renforcement de l’éligibilité au Fonds de compensation pour la TVA.

De plus, des amendements ont également assoupli les obligations pesant sur le prestataire privé. Il en est ainsi du cautionnement du cocontractant pour garantir le paiement des prestataires et de l’obligation pour l’État de souscrire une assurance dommages pour ses contrats de partenariat.

Toutes ces dispositions sont cohérentes et ont pour unique objectif de favoriser à tout prix le recours aux PPP.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen continuent, pour leur part, de juger ce texte non seulement anticonstitutionnel au regard de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel en 2003, mais également profondément néfaste.

Son opportunité est uniquement examinée à l’aune des critères de rigueur budgétaire imposés par la Commission européenne et le Gouvernement français.

En effet, ce qui caractérise aujourd’hui l’action publique, c’est le désengagement de l’État de ses missions d’aménagement du territoire et de service public.

Ce désengagement s’opère au bénéfice de groupes privés, comme en témoignent la cession des autoroutes et la privatisation de grandes entreprises publiques, et s’accompagne de transferts de charges aux collectivités territoriales, qui se voient confier de nouvelles compétences, sans transfert de ressources suffisant.

Dans ce cadre, les PPP sont bien la formule miracle permettant de conjuguer investissement privé et désengagement public. M.  Novelli n’a-t-il pas dit qu’« il faut en terminer avec la règle en vertu de laquelle le règlement d’un problème passe toujours par plus de dépenses publiques » ?

Le problème en question, c’est le manque criant d’investissements dans des secteurs clefs de l’économie, qu’il s’agisse du service public pénitentiaire, des infrastructures de transports, de l’enseignement supérieur ou de la santé.

Il vous faut donc assouplir les règles afin de permettre aux contrats de partenariat de devenir le droit commun de la commande publique. Vous l’avez dit vous-même tout à l’heure, madame la ministre : l’exception peut devenir la règle !

Quoi qu’il en soit, la formule est bien loin de la réalité. Nombre de PPP ont été des échecs coûteux pour la collectivité. Je ne reviendrai pas sur les exemples qui ont été égrenés tout au long des débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

En effet, les collectivités territoriales et l’État ont eu bien du mal à appréhender les coûts sur des échelles de temps importantes. Cette nouvelle forme de commande publique constitue au final une fuite en avant, puisqu’elle permet de transformer en dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement.

Un certain nombre de voix s’élèvent donc pour s’opposer à ces contrats. Ainsi, le Premier président de la Cour des comptes a déclaré, le 6 février dernier, que le résultat de ces innovations, qui ne visent en fait, le plus souvent, qu’à pallier l’insuffisance de crédits immédiatement disponibles, se traduit par des surcoûts très importants pour l’État, qui aura fait preuve, en l’espèce, d’une « myopie coûteuse ». Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à comparer ces contrats aux crédits revolving à destination des consommateurs.

Cet échec était prévisible, et il ne tient pas aux conditions fiscales ou à la lourdeur administrative. Il est dû, en grande partie, à l’incompatibilité intrinsèque d’objectifs entre l’intervention publique et l’intervention privée. Les entreprises privées ne sont pas des mécènes ; elles doivent être toujours plus rentables pour leurs actionnaires. Le secteur privé s’engage donc uniquement dans des projets où la rentabilité est avérée et importante.

De surcroît, on parle de partage des risques, mais les risques de défaillance du partenaire privé ne sont pas évoqués une seule fois. Comment ne pas reconnaître que, dans ce cas, le risque et les coûts seront finalement supportés par la collectivité ? Cela suscite donc également de la méfiance.

Nous estimons, à l’inverse, que la France doit se libérer des critères d’austérité budgétaire, qui ne permettront pas une relance de l’économie. La question est donc principalement de trouver de nouvelles ressources plutôt que de faire appel de manière systématique au privé. Dans ce cadre, nous souhaitons une refonte de la fiscalité pour une contribution plus juste de l’ensemble des acteurs économiques.

Nous craignons, également, que la généralisation de ces contrats n’amène à confier une responsabilité indue au secteur privé en termes d’aménagement du territoire, puisque les entreprises privées peuvent directement proposer des projets « clefs en main » aux collectivités. Qu’en sera-t-il des projets non rentables qui ne pourront faire l’objet d’un contrat de partenariat ?

Le rapport de force est inversé. C’est l’offre privée qui fera, pour partie, la politique publique d’aménagement du territoire. Au regard des forts enjeux du développement urbain, cela n’a pas de sens.

Par ailleurs, la conception même de ce type de contrats fait peser de nombreuses incertitudes sur le devenir des PME et des architectes.

En effet, les contrats de partenariat sont des contrats globaux : un seul opérateur sera désigné pour concevoir un bâtiment public, le construire, l’exploiter, assurer la maintenance et l’entretien. Comment imaginer alors que les PME trouveront leur place dans un tel dispositif ? Qui d’autre que les géants du BTP pourra répondre à ces appels d’offres ?

À ce titre, nous constatons que les plus gros marchés se répartissent déjà tout bonnement entre les trois majors : Vinci a remporté le contrat de rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique ; Eiffage a obtenu la construction du stade de la communauté urbaine de Lille ; Bouygues est retenu pour l’édification et l’exploitation d’établissements pénitentiaires, l’investissement s’élevant à 1,8 milliard d’euros.

Quant aux architectes, ils sont voués à devenir de simples sous-traitants des entreprises du bâtiment. C’en est donc fini de la dualité entre la maîtrise d’ouvrage et la construction. C’en est également fini de la reconnaissance du caractère d’intérêt général de l’architecture. Nous le regrettons, à l’instar de plusieurs fédérations professionnelles qui ont publié dans l’édition du Monde en date du 25 juin un encart intitulé, de manière très explicite : « PPP : main basse sur la ville, le retour ».

Pour finir, nous estimons que ces contrats font peser des risques importants sur la domanialité publique. Il est en effet permis au partenaire privé de tirer des ressources complémentaires du domaine privé que la personne publique lui confie. Cette valorisation passe, notamment, par la conclusion de baux commerciaux sur ce domaine. Il est même permis que ces baux commerciaux puissent courir plus longtemps que le contrat de partenariat lui-même. L’encadrement de la cession de ces baux à un tiers a été supprimé à l’Assemblée nationale, dès lors que l’accord de la personne publique est initialement acquis.

Nous sommes sceptiques sur cette notion de valorisation et sur sa compatibilité avec celles de service public et d’intérêt général. À cet égard, la notion que vous développez, madame la ministre, de service annexe à la mission de service public ne nous convainc pas.

Nous sommes également parfaitement opposés au nouvel article 31 quinquies, qui vise, une fois de plus, à habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance pour transposer des directives communautaires portant réforme des procédures en matière de marchés publics. La réforme des marchés publics est d’une importance telle que nous estimons que le Gouvernement ne peut faire l’économie d’une nouvelle loi.

Pour toutes ces raisons, puisque le texte n’évoluera pas et conformément à leur vote en première lecture, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture au Sénat de ce texte, une décision judiciaire rendue en première instance est venue nous rappeler que le recours aux contrats de partenariat ne pouvait être banalisé et qu’il devait, en conséquence, rester une procédure exceptionnelle.

En l’espèce, le tribunal administratif d’Orléans a estimé que l’atteinte portée au fonctionnement d’un service public par le retard affectant la réalisation d’un équipement ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour justifier légalement qu’il soit dérogé au droit commun de la commande publique par le recours au contrat de partenariat.

Ce jugement démontre, s’il en était besoin, toute l’importance de procéder à une évaluation préalable avant toute décision de recourir au contrat de partenariat. À cet égard, la normalisation de l’évaluation proposée par nos collègues députés nous paraît bienvenue.

Le PPP doit donc rester exceptionnel, puisque le principe de ce contrat est d’instituer des règles dérogatoires au droit commun de la commande publique.

Nous le savons, le contrat de partenariat est un contrat global. Il peut porter à la fois sur le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public. Il permet de rémunérer le cocontractant privé de la personne publique, qui a la qualité de maître d’ouvrage sur l’ensemble de la durée du contrat.

Le contrat de partenariat déroge ainsi au principe de l’allotissement en vertu duquel les prestations de construction et d’exploitation ou de maintenance d’un ouvrage ne peuvent être regroupées dans un même lot. Il n’est donc pas obligatoire que le maître d’ouvrage soit la personne morale pour laquelle l’ouvrage est construit.

C’est en raison de ce caractère dérogatoire que le contrat de partenariat ne doit pas conduire à rompre avec le principe de l’égalité devant la commande publique. C’est pourquoi il est important de veiller à ne pas le généraliser. Le recours à ce type de contrat doit conserver un caractère exceptionnel, et s’adapter à des circonstances spécifiques ou à des domaines particuliers. Le contrat de partenariat doit finalement faciliter la passation de marchés publics lorsque les opérations en question présentent une complexité telle que le droit commun ne ferait que l’accroître.

Après avoir exprimé ces quelques réserves, surtout valables pour les opérations menées par les collectivités territoriales – celles-ci ne doivent pas, en effet, avoir recours systématiquement au PPP sous peine de pénaliser les artisans et les PME locales du bâtiment –, il faut bien reconnaître que les contrats de partenariat présentent, par leur approche globale de la conception à l’exploitation, un gage de réelle efficacité.

Pourtant, ce contrat ne connaît pas le succès escompté. Il était donc utile d’en faciliter l’accès lorsque les projets en question nécessitent un assouplissement des règles de la commande publique.

Ainsi, l’objet du projet de loi est de développer ce mode de contrat administratif, en particulier en élargissant les possibilités d’y recourir, en assouplissant son régime juridique et en améliorant son régime fiscal tout en appliquant le principe de « neutralité fiscale ».

La navette parlementaire a permis de préciser les conditions et les règles relatives à la mise en œuvre de ce contrat de partenariat.

Ces règles permettent notamment de préciser les conditions de recours au contrat de partenariat, d’étendre les possibilités pour le partenaire privé d’exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat, de rendre éligibles au FCTVA les baux emphytéotiques administratifs de faible montant conclus par les collectivités territoriales – vous avez d'ailleurs indiqué, madame la ministre, que ce montant pourrait atteindre 10 millions d'euros –, de restreindre l’obligation de souscrire une assurance dommages aux seuls contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales, de rendre obligatoire l’évaluation préalable pour les autorisations d’occupation temporaire du domaine public comportant une option d’achat, dites AOT-LOA.

Aujourd’hui, le compromis semble trouvé.

Si, dans l’ensemble, nous souscrivons à ce texte, nous estimons néanmoins qu’il convient de veiller à ne pas écarter de la commande publique les PME du bâtiment, qui constituent un pan essentiel du tissu économique français, notamment à l’échelon local. Alors qu’une crise semble s’annoncer dans le secteur de l’immobilier privé, il importe d’être prudents dans ce domaine.

En effet, si la globalisation des marchés permet une meilleure gestion et une plus grande efficacité dans la conduite des projets, elle ne doit pas se faire au détriment des entreprises locales.

La pratique nous a aussi montré qu’il était nécessaire de mettre en place un réel « service après-vente », ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire en première lecture.

Un cadre méthodologique de référence doit être mis à disposition des décideurs publics, assorti de formations spécialisées à destination des agents publics, notamment des maîtres d’ouvrage publics.

Il est également important d’organiser un réseau d’information et de soutien logistique à la mise en œuvre des contrats de partenariat. Cet accompagnement permettra notamment à ce type de contrat de remporter un plus grand succès. À défaut, ces projets n’auront aucune incidence sur l’économie locale, et la croissance escomptée via la mise en œuvre d’un programme de projets d’intérêt national sera limitée.

Enfin, j’évoquerai plus brièvement une dernière réserve : nous savons que le contrat de partenariat comporte un risque lié à la déconsolidation de la dette.

Dans un contexte de montée en puissance des tensions budgétaires, ce type de risque ne peut être ignoré. Or, si les collectivités territoriales y paraissent moins exposées, il n’en reste pas moins vrai que le recours à ce type de contrat pourrait être un moyen, pour des collectivités endettées, de limiter leur ratio d’endettement. D’ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport de 2008, mettait en garde contre la « myopie budgétaire » que peuvent engendrer ces contrats. (M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.) De la même façon, ce ne serait pas compatible avec le nécessaire assainissement des finances publiques de l’État. Ne faisons donc pas de cet outil un remède illusoire.

La prudence doit rester de mise, c’est pourquoi l’utilité que présente, pour les personnes publiques, l’accès à de nouveaux outils permettant la modernisation de l’action publique et l’adaptation des services publics aux nouveaux besoins ne doit pas pour autant conduire à une trop grande généralisation de ces contrats à risque.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe de l’UC-UDF souhaitaient clairement exprimer ces réserves avant de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j’ai eu à examiner avec beaucoup d’attention ce projet de loi relatif aux contrats de partenariat, qui a été débattu en première lecture par la Haute Assemblée les 1er et 2 avril derniers.

J’avais alors exprimé ma conviction profonde qu’il ne fallait pas rejeter a priori ce nouvel outil de la commande publique, qui peut comporter de nombreux avantages à condition d’être utilisé avec discernement. Je tiendrai aujourd’hui les mêmes propos, et je me félicite de constater que nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont pas altéré la philosophie du texte.

En effet, le projet de loi, dans sa version actuelle, ne méconnaît pas les analyses menées par les différents rapporteurs du Sénat, et je souhaite, à cette occasion, saluer le travail de mes collègues Laurent Béteille, de la commission des lois, et Charles Guené, de la commission des finances.

Je vois, pour ma part, trois motifs de satisfaction lorsque j’examine le texte qui nous est aujourd’hui présenté : tout d’abord, l’évaluation préalable devient la pierre angulaire de la commande publique ; ensuite, le rôle des petites et moyennes entreprises au sein des contrats de partenariat est renforcé ; enfin, le respect du droit communautaire et des décisions juridictionnelles est assuré.

Premier motif de satisfaction : l’évaluation préalable devient peu à peu le fait incontournable de la commande publique.

D’une part, la commission des affaires économiques a obtenu une refonte de la méthodologie servant de fondement à l’évaluation préalable, afin de dissiper les équivoques sur le coût des contrats de partenariat par rapport aux autres outils de la commande publique. Les députés ont, avec raison, confié au ministre chargé de l’économie le soin de déterminer la nature juridique de cette évaluation type et ils en ont précisé le contenu.

D’autre part, la commission des affaires économiques avait plaidé pour un comportement exemplaire de l’État en matière d’évaluation de ses grands projets d’investissement. Ainsi, tous les projets d’envergure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public de l’État passeront au crible de l’évaluation préalable, qui n’est actuellement obligatoire que pour les contrats de partenariat. Seule cette évaluation préalable permettra d’identifier l’outil de la commande publique le plus adapté au cas d’espèce.

J’exprimerai néanmoins un regret : alors qu’il est question de modernisation des institutions et de l’économie, j’aurais souhaité que l’on ne s’arrêtât point au beau milieu du chemin de la modernisation de la commande publique. Il serait en effet judicieux que, à l’avenir, tout projet de l’État relatif à un marché public complexe ou à une délégation de service public dépassant un seuil financier élevé fasse l’objet d’une évaluation préalable.

Deuxième motif de satisfaction : le rôle des petites et moyennes entreprises au sein des contrats de partenariat est renforcé.

L’idée de seuils financiers en deçà desquels les contrats de partenariat seraient interdits ne nous semble pas de nature à favoriser le développement de nos PME. Nous soutenons au contraire une politique volontariste, qui passe notamment par la consécration de l’existence des groupements d’entreprises et par un environnement juridique stable et sécurisé. À ce titre, je porterai une attention toute particulière aux délais d’édiction des mesures réglementaires prévues dans le projet de loi.

Troisième motif de satisfaction : le respect du droit communautaire et des décisions juridictionnelles est garanti.

En effet, la lettre et l’esprit des décisions du Conseil constitutionnel ont sans cesse accompagné les réflexions du Gouvernement et des parlementaires.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté permettra de relancer la dynamique des contrats de partenariat. De fait, alors qu’en 2007 la mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat public-privé avait rendu vingt-trois avis, sept avis seulement ont été rendus en 2008. Le nouveau régime de ce contrat administratif, tel qu’il a été amendé par le Parlement, constituera, j’en suis persuadé, une aide précieuse pour les personnes publiques qui souhaitent réaliser des projets attendus par nos concitoyens et indispensables au développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)