M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, secrétaire d’État. Le Gouvernement souscrit à l’objectif qui a été évoqué. En revanche, il lui semble qu’obliger toutes les copropriétés à statuer favorablement revient à priver de tout intérêt la consultation des copropriétés. Il y a là, à ses yeux, une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1088.

Mme Marie-France Beaufils. J’avoue que je ne comprends pas bien. Nous proposons que soit appliquée la majorité qualifiée qui est prévue à l’article 25 de la loi de 1965. Cela me paraît au contraire aller totalement dans le même sens que l’amendement du groupe socialiste et le compléter !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Dans votre amendement, vous proposez de statuer favorablement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas le choix d’accepter ou de refuser ; on ne peut qu’accepter.

M. Alain Gournac. On peut statuer, mais pas obligatoirement favorablement !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1088.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 778 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 779, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Teston, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - A la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour le II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 supprimer les mots :

aux frais d’un ou plusieurs locataires ou occupants de bonne foi

II. — Dans la première phrase du deuxième alinéa du même texte, supprimer le mot :

notamment

III. — Dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

peut demander

par le mot :

demande

IV. - Supprimer le troisième alinéa du même texte.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement vise à instaurer un véritable droit à la fibre, sur le modèle du droit à l’antenne instauré en 1966, qui finalement a été mis en œuvre en terrain quasiment vierge.

Nous devons tenir compte aujourd’hui du fait que les copropriétaires pourraient avoir le sentiment que l’immeuble dispose des infrastructures adéquates. Dans ce cas, nous pouvons leur faire confiance pour trouver de nombreuses bonnes raisons pour ne pas avancer et refuser le fibrage de l’immeuble.

Les assemblées de copropriétaires ne seront pas forcément sensibles à l’enjeu : entre l’accessibilité aux handicapés, la réfection de la façade ou les charges de copropriété, il n’est pas impossible que le très haut débit soit le cadet de leurs soucis. Or il est indispensable aujourd’hui au développement des activités et à l’épanouissement des individus. Nous voulons donc éviter les mesures dilatoires.

À notre sens, les copropriétaires ne doivent avoir le droit de s’opposer au fibrage que s’ils justifient du fait que l’immeuble a déjà une autre solution pour assurer le haut débit par la fibre optique.

Nous proposons donc plusieurs modifications du texte proposé pour le II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966.

Nous souhaitons supprimer le terme « notamment », qui laisse entendre que le fibrage préexistant de l’immeuble pourrait ne pas être le seul motif sérieux et légitime du refus d’un propriétaire de fibrer l’immeuble. Malheureusement, cet adverbe est souvent matière à interprétation : nous souhaitons lever tous les doutes. Seul le fibrage préexistant d’un immeuble peut justifier qu’un propriétaire refuse une nouvelle offre.

Pour conforter notre point de vue, nous estimons nécessaire de ne pas laisser le choix aux propriétaires de demander ou non l’utilisation des lignes préexistantes le cas échéant.

Enfin – et ce n’est pas un détail pour nous –, la mention qui maintient la possibilité de faire payer à un ou plusieurs locataires les frais de raccordement nous semble une porte trop grande ouverte aux abus. Nous proposons de supprimer cette possibilité.

M. le président. L’amendement n° 160, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - À la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour le II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion, après le mot :

besoins

insérer le mot :

spécifiques

II. - Procéder à la même insertion à la fin de la première phrase du troisième alinéa du même texte.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte la spécificité des besoins de certains occupants, particulièrement dans les immeubles à usage mixte qui abritent des entreprises.

En effet, dans l’état actuel du texte, le propriétaire d’un immeuble pourra s’opposer au raccordement d’un immeuble par un nouveau réseau d’opérateur dédié aux entreprises si l’immeuble dispose déjà de lignes de communications électroniques installées par un opérateur grand public.

Or, si des entreprises font appel à des opérateurs d’entreprises, c’est justement pour disposer d’un niveau de qualité de service et de sécurité supérieur à celui qui est proposé aux particuliers par les opérateurs grand public.

Ainsi, le délai de rétablissement assuré par ces opérateurs de service dédiés aux entreprises est souvent de deux heures. Or, s’il était obligé d’utiliser les lignes d’un opérateur grand public dans un immeuble, l’opérateur d’entreprise ne pourrait plus satisfaire cette obligation et serait soumis en quelque sorte au bon vouloir du sous-traitant de l’opérateur grand public. Ce sous-traitant qui n’est pas organisé pour cela refuserait de s’y engager ou le ferait à un coût exorbitant pour cette exception à son service habituel.

Il importe donc que les entreprises puissent valablement revendiquer un droit à la fibre spécifique, satisfaisant leurs exigences professionnelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 779 ?

M. Éric Besson, secrétaire d’État. En dépit des objectifs louables qu’a invoqués M. Raoul au début de son intervention, nous voulons garantir aux propriétaires qu’ils n’auront pas à supporter le coût de l’installation de la fibre optique. C’est l’une des conditions essentielles pour établir un climat de confiance entre opérateurs et propriétaires et pour accélérer le déploiement de la fibre optique dans les immeubles.

Pour cette raison, l’avis du gouvernement est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure. L’avis de la commission est également défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 160 ?

M. Éric Besson, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 779.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 160.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 545 rectifié ter est présenté par MM. P. Blanc, Souvet, Beaumont, Milon et Trillard.

L’amendement n° 744 rectifié ter est présenté par MM. Vial, Bernard-Reymond, Buffet, Cointat, Courtois, Saugey et Cléach.

Tous deux sont ainsi libellés :

Après le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour le II de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Un ou plusieurs opérateurs de communications électroniques, démontrant qu’ils ont la possibilité d’apporter un signal optique en pied d’immeuble peuvent demander à tout opérateur de communications électroniques ayant établi un réseau de communications électroniques dans cet immeuble, de le transformer en réseau très haut débit en fibres optiques afin de desservir les habitants de l’immeuble concerné.

« L’opérateur de communications électroniques, ayant déjà établi un réseau de communications électroniques à haut débit dans l’immeuble dispose d’un délai de six mois pour faire savoir au demandeur s’il accepte de faire évoluer son réseau à haut débit vers un réseau très haut débit en fibres optiques, mutualisable dans le respect des conditions visées à l’article L. 34-8-3 du code des postes et des télécommunications électroniques.

« En cas d’accord entre le demandeur et l’exploitant du réseau à haut débit déjà en place dans l’immeuble, celui-ci fera, sans autre obligation, évoluer son réseau haut débit vers un réseau très haut débit constitué de fibres optiques, ouvert à la concurrence. Toutefois, il devra préalablement notifier cette transformation au propriétaire de l’immeuble ou au syndicat de copropriétaires.

La parole est à M. Paul Blanc, pour présenter l’amendement n°545 rectifié ter.

M. Paul Blanc. Cet amendement vise à compléter le II de cet article par trois alinéas. Je regrette un peu, monsieur le président, que le débat sur le haut débit se focalise sur la problématique des immeubles puisque, dans notre pays, il n’y a pas que des immeubles, il y a aussi l’ensemble du territoire et en particulier le monde rural. Chez moi, nous en sommes toujours – et encore pas partout ! – aux 512 kilobits : on ne parle pas bien entendu des 100 mégabits !

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi, tel qu’il nous est parvenu de l’Assemblée nationale, présente un grand danger : celui d’interdire, de fait, toute concurrence dans la construction des réseaux de fibre optique dans les immeubles. En effet, le propriétaire de l’immeuble, ou le syndicat des copropriétaires, peut s’opposer à la construction d’un réseau de fibre optique par un opérateur de télécommunications, si ce propriétaire prend la décision de construire lui-même ce réseau.

Sans parler des complications techniques que présenterait une telle solution, il faut bien prendre conscience de ce que le projet de loi organise en réalité la non-concurrence dans la construction de réseaux de fibre optique dans les immeubles de logements.

En effet, le propriétaire d’immeuble qui aurait construit son propre réseau de fibre optique pourrait opposer « un motif sérieux et légitime » à toute demande de construction d’un réseau présenté par un opérateur de télécommunications.

M. Paul Blanc. Cette non-concurrence conduirait inévitablement à des abus dans la fixation des prix exigés par les propriétaires des immeubles auprès des opérateurs de télécommunications puisque la loi leur aurait organisé cette exclusivité.

Je souhaite prendre en compte les conséquences du déploiement de la fibre optique sur l’ensemble de notre pays. En effet, tout l’argent supplémentaire que devraient dépenser les opérateurs pour respecter la loi qui nous est aujourd’hui présentée pour équiper les immeubles dans les villes serait, arithmétiquement, autant de crédits qui manqueraient demain aux opérateurs pour équiper en fibre optique les petites villes et les campagnes.

Cet amendement d’équilibre, qui ne favorise aucun acteur du marché, a donc comme finalité, du moins pour les centaines de milliers d’immeubles qui disposent déjà du haut débit en France, de simplifier la construction des réseaux à très haut débit en fibres optiques ouverts à la concurrence et de rétablir une possibilité de concurrence entre les opérateurs de télécommunications et les propriétaires des immeubles.

M. le président. Le sous-amendement n° 1092, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari et MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Teston et Yung, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deux derniers alinéas de l’amendement n° 545 rectifié ter :

« Le ou les opérateurs de communications électroniques, ayant déjà établi un réseau de communications électroniques à haut débit dans l’immeuble acceptent de faire évoluer leur réseau à haut débit vers un réseau très haut débit en fibres optiques, mutualisable dans le respect des conditions d’interopérabilité visées à l’article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques.

« Le ou les exploitants du réseau à haut débit déjà en place dans l’immeuble font évoluer leur réseau haut débit vers un réseau très haut débit constitué de fibres optiques, ouvert à la concurrence. Toutefois, ils doivent préalablement notifier cette transformation au propriétaire de l’immeuble ou au syndicat de copropriétaires.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il nous importe d’offrir l’interopérabilité et la concurrence et de faire en sorte qu’un réseau existant ne puisse fermer la porte à la fibre optique !

Voilà, en résumé, la philosophie de tous nos amendements.

M. le président. L’amendement n°744 rectifié ter n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je voudrais m’attarder sur cet amendement qui aborde un sujet dont nous avons longuement débattu en commission et entre nous en essayant de trouver des solutions aux problèmes posés.

La commission comprend les objectifs des auteurs de l’amendement : utiliser la présence des opérateurs du haut débit pour accélérer le déploiement de la fibre. Mais les modalités proposées soulèvent plusieurs difficultés.

Tout d’abord, l’amendement empêcherait la concurrence de se déployer convenablement : en effet, il prévoit d’exonérer les opérateurs historiques de l’obligation d’obtenir l’accord des copropriétaires avant de déployer la fibre. Ainsi, tout opérateur déjà présent dans l’immeuble qui serait sollicité par un opérateur capable d’amener la fibre au pied de l’immeuble, pour transformer en fibre son réseau à haut débit, pourrait le faire sans passer par l’assemblée générale de copropriété.

Seraient donc avantagés, d’une part, les opérateurs les plus prêts à acheminer la fibre optique jusqu’au pied d’immeuble, c’est-à-dire les opérateurs disposant de fourreaux en propre, à savoir Numericable et France Télécom, et, d’autre part, les opérateurs déjà présents dans les immeubles, c’est-à-dire ces deux mêmes opérateurs.

L’amendement ouvre ainsi la possibilité à l’un de ces deux opérateurs historiques capables d’amener la fibre au pied de l’immeuble de demander à l’autre, opérateur de haut débit déjà installé dans l’immeuble, s’il accepte de déployer la fibre dans l’immeuble, sans avoir besoin d’obtenir l’accord de la copropriété.

L’amendement permet aussi d’imaginer des scénarios où Numericable se demande à lui-même de bien vouloir déployer la fibre dans l’immeuble où il est présent. Un scénario identique au profit de France Télécom est tout aussi probable.

On le voit bien, l’adoption de cet amendement risque d’ouvrir la voie à un duopole sur la fibre au profit des deux opérateurs historiques du haut débit. En étant ainsi exonérés du passage devant l’assemblée générale des copropriétaires pour déployer la fibre, ces opérateurs se verraient effectivement dotés d’un avantage concurrentiel très substantiel venant s’ajouter à l’avantage historique que constitue déjà pour eux leur présence dans les immeubles au titre du haut débit.

Deuxième difficulté : rien dans l’amendement ni, d’ailleurs, dans le sous-amendement, n’impose à l’opérateur du haut débit un délai maximal dans lequel il devra déployer la fibre.

M. Daniel Raoul. Nous y viendrons plus tard, madame le rapporteur !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ce sera avec plaisir, mon cher collègue !

Dans l’état actuel, il est tout à fait possible d’imaginer que le déploiement de la fibre pourrait avoir lieu dans années, voire jamais. L’objectif de déployer rapidement la fibre optique jusqu’à l’abonné, objectif auquel nous adhérons tous évidemment, est donc loin d’être atteint.

La troisième difficulté n’est pas la moindre. M. Paul Blanc propose en effet de passer outre le droit de propriété et d’ignorer les précautions prises par le projet de loi en la matière. Je le rappelle, le droit de propriété est un droit constitutionnel et les entorses qu’il a subies lors du déploiement du plan Câble sont pour beaucoup dans le soin mis dans ce texte à garantir son respect.

Sans doute le passage par les assemblées générales va-t-il prendre un peu de temps, mais les huit à dix mois qui sépareront l’entrée en vigueur du présent projet de loi de la convocation des prochaines assemblées générales ne seront pas forcément perdus : ce délai permettra en effet de sécuriser le déploiement du très haut débit dans les immeubles, de clarifier les conditions de mutualisation, en ce qui concerne aussi bien la localisation du point de mutualisation que les conditions financières de l’accès à la fibre de l’opérateur d’immeuble.

Toutes ces questions relatives à la mutualisation, que le régulateur doit résoudre de manière assez précise, sont à la fois sensibles et structurantes : elles exigent donc du temps. Il convient également de souligner que les opérateurs auront besoin d’un certain délai pour lever les fonds nécessaires à leurs investissements.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande à M. Paul Blanc de bien vouloir retirer l’amendement n° 545 rectifié ter.

Le sous-amendement n° 1092 ne vise qu’à apporter une modification marginale à cet amendement. Il y est en effet proposé de convertir en obligation la faculté ouverte, par l’amendement n° 545 rectifié ter, à l’opérateur de haut débit de transformer son réseau, dès lors qu’il est sollicité par un autre opérateur, qui peut n’être autre que lui-même ! Le risque de duopole et l’atteinte au droit de propriété n’en sont pas diminués pour autant.

Par conséquent, la commission spéciale demande également aux auteurs de ce sous-amendement de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, secrétaire d’État. Sur l’amendement n° 545 rectifié ter, je dirai que le fait de permettre aux opérateurs ayant déjà établi un réseau à haut débit dans un immeuble de le transformer en un réseau à fibre optique à la demande d’un ou plusieurs opérateurs, sans qu’une convention soit conclue avec les copropriétaires, aboutit à modifier l’équilibre que le Gouvernement a souhaité instaurer entre les droits de ces derniers et ceux des opérateurs.

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Ce raisonnement vaut aussi pour le sous-amendement n° 1092. En effet, il serait paradoxal de permettre à un opérateur de transformer son réseau sans qu’il ait besoin au préalable de conclure une convention qui l’y autorise, dans le cas où il agit sur demande d’un opérateur tiers, alors qu’il ne bénéficierait pas d’un tel droit s’il prenait de lui-même cette initiative.

Finalement, cette proposition induit la question suivante : peut-on faire des travaux chez les copropriétaires sans leur accord ? La réponse nous paraît devoir être négative.

De ce fait, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1092.

M. Alain Gournac. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à un développement rapide des réseaux, et l’ensemble des remarques formulées par mes collègues en ce sens m’agréent.

Je suis pour l’installation rapide d’un réseau à haut débit dans tous les immeubles, notamment parce que le travail à domicile se développe de plus en plus. Je suis pour la concurrence – la vraie ! – dans ce domaine.

Mais ce qui m’ennuie, et cela a été souligné par Mme le rapporteur et M. le secrétaire d’État, c’est qu’il existe dans ce pays un droit de propriété, qu’il convient tout de même de respecter ! Sous prétexte d’aller vite, mes chers collègues, certains proposent ni plus ni moins que de fouler aux pieds ce droit. C’est absolument inacceptable !

Il est hors de question que je laisse quiconque intervenir, tout à coup, dans mon immeuble, sans aucune autorisation, sous prétexte qu’un réseau existe déjà. Au demeurant, ce sont rarement les opérateurs officiels qui interviennent eux-mêmes, préférant déléguer ces tâches à des entreprises ayant souvent recours à du « travail secondaire », comme on dit. Au final, on n’a aucune assurance sur la qualité des installations.

Mes chers collègues, soyons clairs : oui, pour aller vite ; non, trois fois non, si cela doit conduire à bafouer le droit de propriété dans notre pays !

Sérieusement, mes chers collègues, allez-vous accepter que quelqu’un vienne frapper à votre porte et vous demande de le laisser entrer chez vous pour faire passer un nouveau câble ou installer je ne sais quel boîtier relais au fond d’un placard ? C’est absolument inconcevable !

Nous devons tous ici défendre le droit de propriété. Je suis tout à fait contre ces amendements !

M. Éric Doligé. Il faut faire venir la DGSE !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes tous d’accord ici pour faciliter le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné. Cela représente d’ailleurs un chantier colossal : un milliard d’euros par an pendant, au moins, dix à douze ans. Aucun investisseur n’acceptera de faire de telles mises de fonds sans disposer d’un cadre qui lui garantisse un certain nombre d’équilibres.

MM. Yves Pozzo di Borgo et Alain Gournac. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. En définitive, cet amendement et ce sous-amendement ne sont que des ersatz d’un dispositif proposé à l’Assemblée nationale. Leurs auteurs entendent purement et simplement permettre aux opérateurs concernés de se passer de l’avis des propriétaires ou des copropriétaires. Ce faisant, ils se trompent doublement.

Premièrement, ils créent une discrimination à l’égard des autres opérateurs.

M. Daniel Raoul. Vous n’avez rien compris !

M. Bruno Retailleau. En effet, on le sait très bien, l’étape la plus longue et la plus compliquée est celle qui consiste à dialoguer avec le syndic, à le convaincre, pour obtenir, ensuite, l’accord de l’assemblée générale.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Bruno Retailleau. Si le dispositif proposé est adopté, l’un des opérateurs historiques pourrait très bien en bloquer d’autres, en excipant de sa présence antérieure.

M. Serge Lagauche. C’est faux !

M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, ils foulent clairement aux pieds le droit de propriété, qui a pourtant une portée et une valeur constitutionnelles.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas là pour faire une loi réservée à quelques-uns, voire à un seul. Sinon, cela s’appelle une loi privée ou, plutôt, un privilège, pour reprendre l’étymologie exacte.

J’espère que nous aurons la sagesse d’adopter une loi pour tous, afin d’encourager ces investissements très lourds, mais ô combien nécessaires, pour faire réellement entrer la France dans le xxie siècle. Ce ne sera pas le cas si nous votons des régimes dérogatoires au profit de certains.

Toutes les entreprises ont le droit de vivre, mais elles doivent au moins être placées sur le même plan !

M. Serge Lagauche. Ce n’est pas le cas actuellement !

M. Bruno Retailleau. N’aggravons pas la situation !

En tout état de cause, la sagesse recommande de repousser cet amendement et ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. J’ai bien entendu les arguments divers et variés avancés pour expliquer de quelle façon nous allons pouvoir régler un certain nombre de problèmes. Mais personne n’a abordé un aspect du sujet qui me paraît pourtant primordial et sur lequel je m’étais assez longuement exprimé lors de la discussion générale : le dispositif proposé ne concerne que les zones urbaines.

M. Claude Biwer. Notre collègue Bruno Retailleau vient de nous exhorter à faire une loi pour tous les Français. J’attends que ce soit le cas, y compris pour ceux qui habitent en zone rurale !

M. Bruno Retailleau. Cela n’a rien à voir avec le problème posé !

M. Claude Biwer. Dans ma commune de six cents habitants, nous sommes câblés. Numericable roule pour nous, si j’ose dire, mais cet opérateur le fait à sa manière. Par conséquent, nous sommes toujours les derniers servis !

Pour reprendre ce que je disais lors de la discussion générale, il nous faut absolument instaurer une véritable péréquation, faute de quoi il n’y aura aucun intérêt à agir puisque jamais le très haut débit n’arrivera au plus proche de nos zones rurales.

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas le problème qui est posé ici !

M. Claude Biwer. Nous sommes en train de nous diviser sur la question des opérateurs et de leur enrichissement éventuel. Nous devrions plutôt veiller à ne pas appauvrir 80 % du territoire : si les habitants concernés ne représentent, certes, que 25 % de la population totale, ils ont tout autant le droit de vivre et de bénéficier d’un service de qualité, comme cela vient d’être souligné. (M. Auguste Cazalet applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je rejoins tout à fait les propos de M. Biwer. Je suis moi-même l’élue d’une zone rurale qui rencontre un certain nombre de difficultés en la matière : l’ADSL ne passe pas et le réseau de téléphonie mobile est parfois défaillant.

M. Alain Gournac. C’est la « pampa » !

Mme Nathalie Goulet. Cela y ressemble effectivement !

Les problèmes soulevés ce soir nous sont donc quelque peu étrangers. J’entends avec intérêt l’argument selon lequel la mise en œuvre du dispositif risque d’aboutir à la violation du droit de propriété. Je comprends très bien les enjeux, car je n’aimerais pas que l’on vienne installer un réseau chez moi, sans mon accord ou sans celui du syndic de copropriété.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il lorsqu’il s’agit simplement de moderniser un circuit ou une installation déjà existants ?

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. Je partage tout à fait le point de vue exprimé par notre collègue Claude Biwer. Je suis tout de même étonné que l’on brandisse à tout bout de champ ce fameux droit de propriété !

Mes chers collègues, ne l’oublions pas, les réseaux existent déjà : il ne s’agit que de les moderniser !

MM. Yves Pozzo di Borgo et Gérard Longuet. Mais non !

M. Alain Gournac. Votre dispositif bouleverse tout !