M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. …et je tenais à vous le dire avec toute la force dont je suis capable. C’est pourquoi, avec certains de mes collègues de Paris et des Hauts-de-Seine, je défends le présent amendement.

M. le président. L'amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le I de cet article, remplacer les mots :

à compter de

par les mots :

à compter du premier jour du troisième mois suivant

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. L'article 21 prévoit de réduire de 10,3 % les plafonds de ressources pour l'accès aux logements locatifs sociaux. Une telle mesure aura pour effet de rendre 63 % de la population éligible au logement social, contre 70 % actuellement.

Cet amendement a pour objet de décaler de deux mois l'entrée en vigueur de cette mesure pour tenir compte des dossiers de demande de logement social en instance.

À la suite de l’intervention de M. Fourcade, qui a évoqué la situation des habitants de Paris et de la petite couronne, je voudrais revenir sur les conséquences de la baisse de 10,3 % des plafonds de ressources.

En 1998, voilà exactement dix ans, 61 % de la population pouvait prétendre au logement social, les personnes concernées étant bénéficiaires d’un PLAI ou d’un PLUS.

Les plafonds de ressources sont, je le rappelle, indexés sur le SMIC. Or, du fait de ce que l’on appelle « l’effet 35 heures », le SMIC a été considérablement réévalué entre 2003 et 2008, et même jusqu’à aujourd’hui.

Mme Bariza Khiari. Il fallait le faire !

M. Dominique Braye, rapporteur. Aussi, à l’heure actuelle, plus de 70 % de la population peut prétendre à un logement social. Or, vous en conviendrez, l’ensemble de la population ne peut pas avoir accès à un logement social. La diminution du plafond de ressources de 10,3 % permettrait de ramener la population qui a droit à un logement social de 70 % à 63 %. Tel est l’objet de l’article 21.

Monsieur Fourcade, ces questions préoccupent l’ensemble de la Haute Assemblée et nous sommes là pour les traiter dans la plus grande transparence.

Un foyer se trouvant au-dessus de 120% du plafond de ressources et occupant un logement de 60 mètres carrés verra son loyer majoré de 41 euros dans la zone 1 bis, c’est-à-dire à Paris, de 32 euros dans la zone 1, la vôtre, monsieur le sénateur,…

M. Dominique Braye, rapporteur. ...de 16 euros dans la zone 2, c’est-à-dire dans la grande couronne, et de 4 euros en province. Voilà quels sont les chiffres !

Madame Khiari, vous vous êtes livrée à une démonstration extraordinaire.

Mme Bariza Khiari. Non, c’est la réalité !

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous avez cité des chiffres très intéressants.

Mme Bariza Khiari. Effectivement !

M. Dominique Braye, rapporteur. Avec votre honnêteté et l’objectivité que chacun vous connaît, vous avez indiqué que certaines personnes occupant un logement HLM ont des revenus mensuels qui s’élèvent au double du plafond de ressources, soit, pour un couple avec deux enfants, 9 150 euros à Paris, 8 420 euros en zone 1 et 6 600 euros en zones 2 et 3.

Ces personnes, qui ont donc des revenus importants, ont payé un loyer équivalant au tiers de celui qu’elles auraient acquitté si elles avaient habité un logement du parc privé. Et c’est bien entendu le contribuable qui a payé à leur place.

Il s’agit d’une question de justice. Vous affirmez que le surloyer sera supérieur au montant de leur loyer, tout en précisant que le cumul loyer et surloyer serait égal au loyer d’un logement du parc privé. En fait, ces personnes payaient des loyers peu élevés, le tiers de ce qu’elles auraient dû acquitter du fait de leurs revenus.

Telle est la démonstration que je voulais vous faire. La question est de savoir si l’on veut réserver le logement social aux personnes qui en ont le plus besoin et aux personnes qui ont des revenus légèrement supérieurs au plafond de ressources. Monsieur Fourcade, pour des personnes dont le revenu est très en deçà de deux fois le plafond de ressources, se voir imposer un petit surloyer ne paraît pas scandaleux !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n’est pas le moment de majorer les loyers des gens qui ont de faibles revenus. Il faut tenir compte de la conjoncture. C’est absurde ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Odette Terrade. Il a raison !

M. Dominique Braye, rapporteur. Les revenus ne changent pas avec la conjoncture. Ne faisons pas de confusion : nous ne parlons pas de la conjoncture, nous parlons des revenus. Si des gens souffrent de la conjoncture, leurs revenus baisseront et ils ne seront plus soumis au surloyer. (M. Guy Fischer s’exclame.)

Pour des gens qui disposent de bons revenus, ce n’est sûrement jamais le bon moment pour augmenter leur loyer. Si la crise économique fait des victimes, celles-ci ne paieront pas de surloyer, car il est imposé à des personnes qui disposent de bons revenus.

M. le président. L'amendement n° 433, présenté par MM. Repentin et Raoul, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. Compléter le I de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces nouveaux plafonds ne sont pas opposables aux locataires dont le bail a été signé avant l'entrée en vigueur de la présente loi, notamment pour le calcul du surloyer de solidarité prévu à l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation.

II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le troisième alinéa de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par les mots : « à l'exclusion des locataires entrés dans les lieux avant la date de publication de la loi n° ... du ... de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, pour lesquels s'appliquent les plafonds fixés par l'arrêté du 3 décembre 2007 modifiant l'arrêté du 29 juillet 1987 relatif aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré et des nouvelles aides de l'État en secteur locatif ».

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à préserver la situation de certains ménages, qui risquent de se voir soumis au surloyer de solidarité sans que leur situation ait pour autant évolué.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, combinée au renforcement du surloyer intervenu en début d’année, cette mesure provoquera le doublement du loyer de certaines personnes.

Afin de parvenir à un compromis entre vos propositions et les nôtres, nous suggérons d’appliquer cette nouvelle disposition aux seuls nouveaux entrants dans le parc social.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 215 est présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.

L'amendement n° 432 est présenté par MM. Repentin et Raoul, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :

de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs

par les mots :

de l'indice du niveau de vie médian des ménages français

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 215.

Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne l’indice de référence des loyers mentionné à l’article 17 de la loi 89–462 du 6 juillet 1989.

En modifiant l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation, qui porte sur les modalités de révision des plafonds de ressources, votre seul objectif est de freiner l’évolution de l’accès au logement social. Vous créez ainsi les conditions pour que, année après année, de moins en moins de familles puissent y prétendre. Ce faisant, vous espérez faire baisser le nombre de demandeurs de logements sociaux et ainsi pouvoir justifier la réduction des financements publics en faveur du logement social.

Malgré la faiblesse des hausses du salaire minimum de croissance, cette référence, qui sert à la mise à niveau des plafonds de ressources, entraîne des hausses encore trop rapides. Vous décidez alors de lui substituer un indice de référence qui n’a rien à voir avec l’évolution des ressources disponibles pour les familles. Vous vous livrez à un jeu de bonneteau afin de faire disparaître toute référence au salaire.

Aussi, à rebours de votre proposition, nous souhaitons, par cet amendement, modifier la référence faisant évoluer le montant des plafonds de ressources. Nous suggérons de retenir l’indice du niveau de vie médian des ménages français, qui est, nous semble-t-il, plus adapté que l’indice de référence des loyers que vous préconisez.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° 432.

M. Claude Jeannerot. L’indice de référence des loyers, ou IRL, désormais calculé sur la base de l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyers, a, nous l’avons appris la semaine dernière, augmenté de 2,95 % au troisième trimestre de 2008, après une hausse de 2,38 % au deuxième trimestre. Il s’agit, mes chers collègues, de la plus forte progression depuis la publication de cet indice au début de 2007.

Dans un contexte où l’inflation se situe durablement aux alentours de 3 %, sans que les salaires suivent, l’IRL érode un peu plus le pouvoir d’achat des locataires.

Notre amendement vise donc à prendre comme référence l’indice du niveau de vie médian des ménages français, qui nous semble plus adapté que l’IRL pour la révision des plafonds de ressources des ménages.

Cette mesure simple modérera l’augmentation des loyers qui pèse autant, sinon plus, sur les locataires du parc privé que sur ceux du parc social.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 216 et 434, qui visent à supprimer l’article 21.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 435, car elle considère qu’il est nécessaire de neutraliser l’effet SMIC lié aux 35 heures.

L’amendement n° 587 fait, lui aussi, l’objet d’un avis défavorable. Monsieur Fourcade, nous avons entendu vos arguments. Je vous avais donné les miens, je n’y reviendrai pas. Comme je viens de le rappeler, il faut neutraliser l’effet SMIC lié aux 35 heures.

La commission est défavorable à l’amendement n° 433, car il amoindrit sensiblement la portée du dispositif de l’article 21.

Enfin, elle émet également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 215 et 432, qui tendent à indexer les plafonds de ressources sur l’indice du niveau de vie médian des ménages français.

Mes chers collègues, nous venons de substituer l’IRL à l’indice du coût de la construction, l’ICC, qui était moins favorable aux locataires. On ne peut pas changer d’indice tous les trois jours. D’autant que si, comme vous le souhaitez, nous retenions le niveau de vie médian des ménages français, nous connaîtrions très rapidement une augmentation considérable du pourcentage de la population pouvant prétendre à un logement social. Or, il est souhaitable de stabiliser la situation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 216 et 434, ainsi qu’à l’amendement no 435.

Monsieur Fourcade, je comprends les préoccupations, fort légitimes, que vous manifestez dans l’amendement n° 587 et je souhaite vous rassurer.

Depuis le 1er janvier 1999, l’actualisation des plafonds de ressources a été effectuée en fonction de l’évolution du SMIC horaire.

Or, à compter de cette période, le SMIC horaire a progressé beaucoup plus rapidement que le SMIC mensuel, provoquant une augmentation mécanique des plafonds de ressources. C’est donc pour neutraliser cette différence que le projet de loi prévoit de réduire ces plafonds de 10,3 %.

Cette mesure n’est pas de nature à compromettre la mixité sociale dans le parc locatif social. En effet, 63 % de la population aura accès au parc social, ce qui ramènera la proportion à ce qu’elle était à la fin des années quatre-vingt-dix, c’est-à-dire avant l’effet mécanique du SMIC.

Mme Christine Boutin, ministre. J’ai naturellement écouté avec une grande attention vos interrogations quant aux conséquences de cette mesure sur les personnes assujetties au supplément de loyer de solidarité.

Vous avez cité des exemples précis. J’ai donc demandé à mes services de faire une expertise de la situation d’un ménage avec deux enfants occupant, à Paris ou en première couronne, un logement de 80 mètres carrés et bénéficiant d’un revenu dépassant de 50 % les plafonds de ressources.

Le revenu mensuel de ce couple sera de près de 6 887 euros par mois ; son loyer avec supplément de loyer de solidarité sera de 1 366 euros par mois, soit environ 20 % en dessous des loyers du marché, car la mesure de plafonnement du taux d’effort à 25 % ne jouera pas. Son reste à vivre après la charge de logement sera alors de 5 500 euros par mois.

Ce couple connaîtra certes une augmentation de son loyer, mais la véritable question est de savoir si la situation anormale est celle qu’il connaîtra dans trois mois ou bien celle qu’il a connue ces dernières années lorsque son taux d’effort était inférieur à 10 %.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, et j’espère que cela va vous rassurer, vous vous souvenez sans doute qu’au début de notre réflexion je vous ai proposé de créer des conventions d’utilité sociale.

M. Michel Mercier. C’est ça la solution !

Mme Christine Boutin, ministre. Ces conventions d’utilité sociale, dispositif que vous avez adopté, mesdames, messieurs de la majorité, permettront de procéder aux adaptations nécessaires en fonction des situations et des territoires, si des cas se révélaient totalement aberrants. Vous avez donc tout lieu d’être rassuré, monsieur Fourcade.

Enfin, ne croyez pas qu’il soit absurde de présenter cette disposition au mois d’octobre alors que le décret, qui sera applicable au 1er janvier, a été publié au mois d’août. Ce décret est en application par rapport à ce qui est proposé aujourd’hui et qui est le résultat de la révision générale des politiques publiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Tout cela est très cohérent.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je souhaitais vous apporter pour répondre à vos légitimes interrogations.

Ce projet de loi est, je le répète, pragmatique, souple, adapté à chacun des territoires et vos réflexions l’ont enrichi, dans le cadre de la territorialité.

M. le président. La parole est à M le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Avec votre autorisation, madame le ministre, et bien qu’il ne soit pas d’usage que le rapporteur interrompe un membre du Gouvernement, je rappellerai à M. Fourcade et à l’ensemble de la Haute Assemblée que le taux d’effort que représente l’addition du loyer et du surloyer ne peut pas excéder 25 % des revenus, alors que dans le parc privé il est souvent de 30 % à 33 %.

M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement no 102 rectifié.

En revanche, il est défavorable à l’amendement no 433 ainsi qu’aux amendements identiques nos 215 et 432.

Monsieur Jeannerot, je voudrais ajouter pour votre information – mais je suis convaincue qu’en réalité vous le savez – qu’avec le nouvel indice la hausse des loyers a été de 2,95 % ; avec l’ancien indice, elle aurait été de 4,2 % !

M. Guy Fischer. Quoi ? Ça va jusqu’à 5 % !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 216 et 434.

M. Thierry Repentin. Mon explication de vote vaudra aussi pour l’amendement no 587 présenté par M. Fourcade.

J’ai entendu parmi les arguments qui viennent d’être exposés des explications qui sont à la limite de la vérité. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut qu’ils disent !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Allons, monsieur Repentin !

M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez rarement,… (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas vrai ! Je suis là plus souvent que vous, monsieur Repentin !

M. Dominique Braye, rapporteur. Si vous étiez là aussi souvent que M. le secrétaire d’État…

M. le président. Poursuivez, monsieur Repentin.

M. Thierry Repentin. On me reproche d’être trop présent, monsieur le président ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, quand vous êtes là, c’est souvent à des moments intéressants de nos débats.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas sûr !

M. Thierry Repentin. Tout d’abord, l’un des objectifs de la baisse de quelque 10 % des plafonds de ressources serait de ramener à un niveau plus acceptable la part des ménages qui, compte tenu de leurs revenus, peuvent théoriquement avoir accès au logement social. Ils seraient alors 69 % – arrondissons à 70 %. On oublie cependant de rappeler que la moitié de ces ménages sont aujourd’hui propriétaires : en réalité, premier point sur lequel la vérité doit être rétablie, 35 % des ménages sont susceptibles d’intégrer le logement social, sous réserve qu’il y ait de la place dans nos organismes d’HLM.

M. Dominique Braye, rapporteur. On l’a déjà dit trois fois !

M. Thierry Repentin. Par ailleurs, si l’on parvient à 20 % de logements sociaux, le gap entre ce qui devrait être réalisé et le pourcentage de nos concitoyens ayant accès au logement social n’est pas aussi important à combler.

M. Michel Mercier. Il faut seulement doubler !

M. Thierry Repentin. Soyons clairs, mes chers collègues : si nous votons cette diminution, que se passera-t-il ? Elle aura des conséquences, toutes très positives, qui porteront sur quatre points.

Premièrement, demain, quand nous retournerons dans nos provinces respectives, la liste des ménages en attente d’un logement social se sera mécaniquement raccourcie. Ils sont aujourd’hui 1,4 million, monsieur Mercier. Certains d’entre eux sont dans la tranche supérieure, proches du plafond : pour l’instant, ils ont droit au logement social ; demain matin ils n’y auront plus droit. Ce n’est qu’un effet d’optique, mais chic, nous aurons fait avancer les choses positivement ! Ces ménages qui aujourd’hui ont droit au logement social pourront-ils demain matin se loger dans le privé ? Pour le moment, personne ne m’a donné la réponse.

Deuxièmement, parmi les nouveaux entrants que mon office a acceptés au cours des douze derniers mois, 4 % se situaient dans la tranche proche du plafond. Ils auraient apporté une part de mixité sociale dans notre parc ; nous aurons 4 % de mixité sociale en moins.

Troisièmement, aujourd’hui 4 millions de ménages sont logés dans le parc existant par un de nos organismes de logements sociaux. Si nous votons la mesure proposée, certaines de ces personnes, qui ne payaient pas de surloyer de solidarité, découvriront qu’elles se sont enrichies cette nuit au point que, demain matin, elles en acquitteront un.

M. Dominique Braye, rapporteur. C’est de la démagogie !

M. Thierry Repentin. Je vais jusqu’au bout, monsieur le rapporteur !

Comme l’a visiblement fait M. Fourcade pour son parc de logement social, j’ai interrogé l’OPAC de Savoie sur les personnes qui étaient juste au-dessus des plafonds, dans la tranche de 100 % à 120 % : la majorité d’entre elles – je parle sous le contrôle de mon collègue savoyard M. Vial – payent aujourd’hui, en moyenne, un surloyer de 50 euros par mois ; demain matin, sans que leurs revenus aient augmenté ni que leur situation familiale ait évolué, ils devront acquitter 350 euros. Il faudra quand même leur expliquer comment, sans le savoir, ils se sont enrichis dans la nuit !

Et j’ai pris uniquement les cas moyens, constitués par un ménage avec un actif ouvrier qualifié ou employé supérieur. Aujourd’hui, monsieur le rapporteur, chez nous, en zones B et C – je ne mentionne même pas la zone A, je me limite à celles que nous, provinciaux, connaissons – un couple d’instituteurs est au-dessus des loyers du logement social dès lors qu’il y a deux revenus.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Thierry Repentin. Le sujet est tout de même important, et mon explication de vote vaut pour deux amendements, monsieur le président !

M. Dominique Braye, rapporteur. Le temps de parole reste de cinq minutes !

M. Thierry Repentin. Quatrième conséquence, les effets de cette mesure se cumuleront avec ceux du tout récent décret sur les surloyers de solidarité.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas justifier votre souhait de revenir à une proportion de 60 % de personnes susceptibles d’avoir accès au logement social par le fait qu’en 1998 cette même proportion était de 61 % et que ce sont les effets mécaniques de la revalorisation du SMIC qui l’ont portée à 70 % ! Quelle est leur responsabilité ? Aucune !

M. le président. C’est terminé, mon cher collègue, je regrette !

M. Thierry Repentin. Pour terminer, monsieur le président, je ferai observer que cette disposition, si elle est adoptée ce soir, entraînera une augmentation des loyers dans le seul parc public et qu’il n’est absolument pas question du parc privé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Comprenez, mon cher collègue, que la présidence doit veiller au respect des horaires !

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Je dois reconnaître que je ne suis pas du tout d’accord avec M. Repentin ! (M. Thierry Repentin s’exclame.)

Je retirerai du débat de ce soir une leçon toute simple : c’est qu’il est extrêmement difficile de régler toutes les situations de la même façon. Nous n’y parviendrons pas. Et je ne retiendrai qu’une seule chose des propos de Mme la ministre : les conventions d’utilité sociale doivent nous aider à résoudre le problème.

Il est tout à fait certain que la situation des organismes d’HLM n’est pas partout la même. Dans l’établissement que M. Fischer et moi-même avons eu l’honneur de gérer ensemble pendant de nombreuses années…

M. Guy Fischer. J’étais votre seule opposition ! (Rires.)

M. Michel Mercier. Quand on est tout seul, c’est comme quand on vote contre, c’est comme si on votait pour, et c’est bien comme ça, monsieur Fischer, que j’ai toujours pris votre vote. (Nouveaux rires.)

Parmi les 100 000 personnes que loge l’établissement que nous avons donc eu l’honneur de gérer ensemble, pratiquement aucune ne sera touchée par la diminution des plafonds : plus de la moitié vivent avec moins de 900 euros par mois, et 20 % avec moins de 300 euros. La situation n’est donc pas du tout la même que celles qui ont été décrites tout à l’heure !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et voilà !

M. Michel Mercier. Parmi les 18 000 personnes qui ont déposé une demande de logement auprès de notre office, aucune n’a des moyens supérieurs aux plafonds qui viennent d’être indiqués. Et j’avoue que savoir si c’est 70 % ou 35 % de la population qui a le droit d’accéder au logement social me semble d’une importance toute relative dès lors que le pays compte moins de 20 % de logements sociaux !

M. Dominique Braye, rapporteur. Seize pour cent !

M. Michel Mercier. Il faudrait cesser de s’envoyer des statistiques à la figure sur ces questions, car ce n’est pas d’une grande aide.

Je voudrais seulement, madame la ministre, vous entendre nous confirmer que c’est dans le cadre des conventions d’utilité sociale, dont nous avons voté le principe et fixé les grandes règles, que nous pourrons régler le problème en les déclinant d’une façon adaptée à chaque territoire, à chaque établissement.

Mme Christine Boutin, ministre. Bien sûr, et je l’ai déjà indiqué !

M. Michel Mercier. Il faut le redire très clairement, car cela résoudra tous les problèmes !

Notre office loge une population pauvre ; ailleurs, d’autres établissements peuvent s’adresser à des classes moyennes-basses – et, après tout, pourquoi pas ? Les questions ne sont pas les mêmes, et nous ne sommes pas obligés d’y répondre partout de la même manière.

Les conventions d’utilité sociale doivent être le bon moyen de trouver la réponse juste que doit apporter le logement social à tous ceux qui souhaitent en avoir un.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 434.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 15 :

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l’adoption 160
Contre 151

Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

En conséquence, l'article 21 est supprimé et les amendements nos 435, 587, 102 rectifié, 433, 215 et 432 n'ont plus d'objet.