compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Déclaration de l’urgence d’un projet de loi

Mme la présidente. Par lettre en date du 23 octobre 2008, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu’en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

3

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Financement du futur centre national d'alerte aux tsunamis

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 287, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Roland Courteau. Madame la présidente, ma question a certes été transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, mais je l’avais adressée initialement aux services de M. le Premier ministre. Or je constate que ni M. le ministre d’État ni M. le Premier ministre ne sont venus répondre en personne à cette question.

Je suis surpris qu’aucun des ministres concernés par les questions orales à l’ordre du jour de la présente séance ne se soit déplacé pour y répondre. Le vendredi ne leur conviendrait-il pas ? Cette pratique, vous en conviendrez, est tout de même quelque peu désagréable pour le Sénat !

Cette remarque étant faite, je remercie M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté d’être présent parmi nous.

Le 7 décembre 2007, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté les conclusions de mon rapport sur l’évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer. Je préconisais dans ce rapport de quelque 170 pages, contenant 33 propositions, de confier au Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, la mise en place d’un centre national d’alerte aux tsunamis pour la Méditerranée, l’Atlantique du Nord-Est, les Antilles et l’océan Indien. Je recommandais également que ce centre national assure les fonctions de centre régional d’alerte en Méditerranée occidentale, ce que la France a proposé à ses partenaires, en novembre 2007, lors de la réunion, à Lisbonne, du groupe intergouvernemental de coordination pour la mise en place du système d’alerte contre les tsunamis en Atlantique du Nord-Est et en Méditerranée, le GIC SATANEM.

Au cours de l’année écoulée, ce projet a été expertisé, d’un point de vue technique et financier, par le Secrétariat général de la mer. À ce jour, ce travail n’a toutefois pas été relayé par un arbitrage politique. Or cet arbitrage est aujourd’hui urgent, puisqu’il faut clarifier la position que la France défendra lors de la réunion du GIC SATANEM, qui se déroulera à Athènes du 3 au 5 novembre, c’est-à-dire très prochainement.

Ma question comporte deux volets.

En premier lieu, la France confirmera-t-elle à Athènes son intérêt pour l’hébergement d’un centre régional d’alerte aux tsunamis ? D’après nos informations, plusieurs pays se positionnent actuellement pour assumer ce rôle, la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO devant rendre ses conclusions avant la fin de l’année.

Une prise de position forte de la France est nécessaire pour que ne lui échappe pas la responsabilité d’un centre régional d’alerte, d’autant que notre pays dispose indéniablement des compétences, des technologies et un savoir-faire lui permettant de prétendre à un rôle actif de décideur, et non de simple suiveur.

Pour jouer son rôle, la France doit tout d’abord annoncer la mise en place d’un centre national d’alerte, dont la responsabilité opérationnelle serait confiée au CEA, et ensuite proposer une extension des missions de ce centre à l’ensemble de la Méditerranée occidentale.

En deuxième lieu, un mandat clair sur les moyens à mettre en œuvre pour parvenir à la mise en place de ce centre d’alerte sera-t-il donné au CEA, qui, de l’avis de tous les experts, est à ce jour le seul à même d’exercer cette responsabilité d’un point de vue opérationnel ? Les moyens nécessaires à une contribution française active aux réseaux d’observation seront-ils déployés ?

Souvenons-nous, monsieur le haut-commissaire, du choc provoqué par le tsunami du 26 décembre 2004, qui a fait prendre conscience de la vulnérabilité de tous les bassins. N’oublions pas que l’océan Indien était considéré comme sûr, dans la mesure où s’y étaient produits seulement 4 % des tsunamis apparus au cours du XXe siècle. On connaît la suite !

Ce tsunami a par ailleurs mis en lumière les effets dévastateurs d’une prévention insuffisante, en l’absence de système d’alerte, ce qui a contribué au bilan dramatique de 250 000 morts.

Je souhaite rappeler quelques chiffres. Au cours du XXe siècle, sur 911 tsunamis, 76 % sont apparus dans le Pacifique, 10 % en Méditerranée, 10 % dans l’Atlantique et seulement 4 % dans l’océan Indien. Or, même pour un risque jugé faible, l’opinion ne comprendrait pas aujourd’hui si une catastrophe devait se produire, que tous les moyens n’aient pas été mis en œuvre pour protéger au mieux la population.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui m’a chargé de vous faire part de sa réponse à la question que vous lui avez transmise.

Il tient à vous faire savoir qu’il a pris connaissance avec intérêt et tenu compte des recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques concernant l’évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer. Le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dans sa rédaction adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, prévoit, en son article 39, l’intégration du risque de tsunami dans les plans de prévention des risques majeurs. M. le ministre d’État viendra présenter ce texte devant le Sénat dans quelques jours et vous aurez l’occasion d’en débattre avec lui.

Ainsi que vous l’indiquez, monsieur le sénateur, une réflexion sur une organisation française pour l’établissement d’un centre national d’alerte aux tsunamis sur les côtes métropolitaines a été menée sous la conduite du Secrétariat général de la mer, en partenariat avec les services et organismes scientifiques pertinents, notamment le CEA, mais également le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, et Météo France.

Ce projet pourrait aussi s’inscrire dans un projet plus large de système européen d’alerte aux tsunamis construit sur un réseau de centres d’alerte régionaux dont la conception est pilotée par le groupe intergouvernemental de coordination pour la mise en place du système d’alerte contre les tsunamis en Atlantique du Nord-Est et en Méditerranée, le GIC SATANEM.

Le Secrétaire général de la mer a remis un rapport sur le sujet en juillet 2008, qui est étudié avec attention par les services du Premier ministre, en lien avec ceux du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. En effet, il est particulièrement important d’assurer une parfaite solidité à un tel système d’alerte.

La France continue activement de participer aux travaux et réflexions intergouvernementales. Dans la perspective d’une réunion du groupe intergouvernemental, au début du mois de novembre, la position du Gouvernement est actuellement en cours de finalisation, notamment vis-à-vis d’un futur centre national d’alerte aux tsunamis qui pourrait s’appuyer sur un réseau de houlographes pour lequel l’expertise acquise par le CEA sera précieuse, et même irremplaçable.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je regrette, une fois de plus, que M. le ministre d’État ne soit pas venu en personne me répondre, car il aurait pu me fournir davantage de précisions. Je reste donc sur ma faim.

Je veux espérer que la France ne laissera pas passer sa chance lors de la réunion du GIC SATANEM, à Athènes, et qu’elle se portera candidate pour assumer la responsabilité de la création du centre national d’alerte aux tsunamis. Il ne serait pas bon que la France se contente d’un rôle de suiveur dans ce domaine.

Je suis satisfait d’apprendre que le Gouvernement a accueilli avec intérêt la proposition de confier au CEA la responsabilité opérationnelle de ce centre, mais j’aurais aimé obtenir une réponse plus précise. J’espère que l’on n’attendra pas la veille du départ de la délégation française à Athènes pour prendre des positions claires !

Avenir du dispositif "coup de pouce clé"

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 297, adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le haut-commissaire, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés de financement que rencontre le dispositif « coup de pouce CLÉ ».

Outil de prévention des exclusions sociales précoces, le « coup de pouce CLÉ » est développé par l’APFÉE, l’association pour favoriser l’égalité des chances à l’école. Destiné aux élèves de cours préparatoire en situation fragile en matière de lecture et d’écriture, il vise à tarir la source première d’inégalité des chances, à savoir l’absence de soutien quotidien adéquat, le soir à la maison, au cours de cette année scolaire cruciale.

Le « coup de pouce CLÉ » est mis en œuvre par libre adhésion des villes, qui définissent le nombre d’enfants concernés. Cette possibilité leur a été accordée par le volet relatif à la réussite éducative du plan de cohésion sociale.

En 2006, 96 villes s’étaient engagées dans cette action, ce qui a permis d’apporter une aide à 4 000 enfants et à leurs familles ; en 2007, elles étaient 241 pour 9 000 enfants accompagnés. Le nombre de villes impliquées double tous les deux ans : c’est un indéniable succès et l’ambitieux programme « 60 000 enfants », qui vise à encadrer 60 000 élèves par an en « coup de pouce CLÉ », paraît ainsi tout à fait réalisable.

Les résultats de ce dispositif sont importants. Une mission d’évaluation conduite en 2006 conjointement par les trois inspections générales de l’éducation nationale, de l’administration de l’éducation nationale et des affaires sociales, l’IGEN, l’IGAEN et l’IGAS, a conclu à l’efficacité du « coup de pouce CLÉ », dont le coût a été jugé « modeste en regard des autres coûts, pour l’État, de l’échec scolaire et de la réinsertion sociale et professionnelle ».

Le financement est assuré, pour chacune des années 2005 à 2009 du plan de cohésion sociale, par le versement par l’ACSÉ, l’agence nationale pour la cohésion sociale et de l’égalité des chances, d’une subvention à l’APFÉE qui permet à celle-ci de recruter « les ingénieurs du coup de pouce CLÉ » chargés d’accompagner les enfants. Or la subvention pour l’année 2008 n’a pas encore à ce jour été totalement attribuée.

Certes, grâce à la mobilisation de plusieurs parlementaires au cours des dernières semaines, un premier résultat a été obtenu : le conseil d’administration de l’ACSÉ a voté, le 30 septembre dernier, une subvention de 1,5 million d’euros pour l’APFÉE, et je tiens à remercier Mme Fadela Amara tant de son implication personnelle, qui a permis ce premier versement, que de son attachement à ce dispositif, qui vise à réduire l’inégalité des chances au bénéfice de très jeunes enfants et auquel je vous sais vous-même très attaché, monsieur le haut-commissaire.

Cependant, ce montant reste en retrait par rapport aux engagements issus du plan de cohésion sociale puisque la subvention aurait dû atteindre en 2008 1 941 000 euros, somme correspondant, il convient de le rappeler, au financement des actions et prestations effectuées en 2007.

Aussi, monsieur le haut-commissaire, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement à l’égard de « coup de pouce CLÉ », savoir si le solde de la subvention sera bien versé d’ici à la fin de l’exercice en cours et si le Gouvernement entend pérenniser ce dispositif et lui donner les moyens d’atteindre ses objectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le sénateur, Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin, m’a demandé de préciser la logique de l’engagement du secrétariat d’État en ce qui concerne le financement de l’APFÉE.

Vous avez, avec raison, souligné les qualités de cette association. J’ai moi-même eu récemment l’occasion de rencontrer ses dirigeants et je puis dire que c’est une des rares associations dans ce domaine dont les actions sont évaluées avec beaucoup de rigueur, ce qui permet de les déployer.

Comme vous le savez, l’acquisition dès le plus jeune âge des savoirs de base tels que la lecture est essentielle. Elle participe à la politique de prévention de l’échec scolaire, qui est une des priorités du Gouvernement.

En raison du caractère expérimental et innovant de l’action de l’APFÉE, le ministère chargé de la politique de la ville soutient celle-ci depuis 2003, à l’échelon tant national pour l’essaimage et l’accompagnement de son projet par « les ingénieurs coup de pouce », que local pour la mise en œuvre des actions de terrain « des clubs coup de pouce CLÉ » présents dans près de 250 communes.

Je tiens d’ailleurs à rappeler l’engagement financier particulièrement important et en croissance constante du ministère de la ville, qui a versé 300 000 euros en 2005, 941 000 euros en 2006 et, en 2007, alors que le budget global de l’APFÉE était de 2,5 millions d’euros, 1,4 million d’euros ont été versés par le ministère de la ville et 480 000 euros par le ministère de l’éducation nationale.

Comme vous en êtes déjà informé, monsieur Carle, puisque vous l’avez vous-même indiqué, le conseil d’administration de l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances a décidé le 30 septembre dernier d’allouer 1,5 million d’euros, soit plus que l’année dernière, à l’association pour son action nationale en 2008.

Ce n’est pas tout : à cela s’ajoute le soutien aux « clubs coup de pouce CLÉ » qui bénéficient localement du programme de réussite éducative, dispositif auquel la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville est particulièrement attachée.

En 2007, 6 millions d’euros ont été versés par l’ACSÉ dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale qui arrivent à échéance en décembre 2009.

Cependant, la poursuite des projets de réussite éducative au-delà de cette date exige une évaluation préalable de ses premiers résultats.

Si nous examinons les objectifs que s’est fixés l’association, à savoir toucher 60 000 enfants en 2012, le coût de l’action évalué par l’APFÉE s’élèverait à 12 millions d’euros.

Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que « les clubs coup de pouce CLÉ » tout comme l’ingénierie de projet de l’APFÉE ne peuvent pas dépendre des seuls crédits d’État et encore moins des seuls crédits du ministère en charge de la politique de la ville.

Le relais devra donc être pris par d’autres sources de financement. La mission d’évaluation conjointe que vous citez préconisait d’ailleurs à l’APFÉE de développer le bénévolat « plutôt que de compter de façon trop privilégiée sur les crédits publics ».

Mme Fadela Amara rappelle, monsieur le sénateur, que la politique de la ville a notamment pour mission l’impulsion de projets et le soutien d’expérimentations afin qu’ils soient repris et pérennisés par des politiques de droit commun.

Elle a d’ailleurs mis en place une dynamique « espoir banlieues » avec un volet éducatif fort afin de donner les moyens de réussir à tous les jeunes des quartiers populaires et, avec Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, elle a souhaité que les élèves du primaire de l’éducation prioritaire aient chaque soir accès à un accompagnement éducatif de deux heures.

C’est dans ce nouveau contexte que l’APFÉE et « les clubs coup de pouce CLÉ » doivent désormais inscrire leurs actions et les faire évoluer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie des informations que vous avez bien voulu m’apporter. Vous avez notamment confirmé que la subvention avait été votée et qu’un complément serait versé aux « clubs coup de pouce CLÉ ».

Vous avez souligné l’importance de l’évaluation des dispositifs, préoccupation que je partage avec vous.

Il convient de diversifier les financements ou les financeurs, ce qui devrait aussi passer par l’implication d’autres acteurs dans un dispositif important qui permet de réduire l’inégalité des chances et d’éviter que des jeunes ne soient laissés trop tôt au bord de la route, à l’écart de l’acquisition, ô combien importante, du savoir.

état civil des Français d'origine mahoraise

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 312, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le haut-commissaire, je souhaite appeler l’attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées par la commission de révision de l’état civil de Mayotte, la CREC.

Créée en 2001, la commission a traité à ce jour 60 000 dossiers. Pour achever ce processus de révision, huit années de travail supplémentaires seraient nécessaires, car on estime à 100 000 le nombre de personnes originaires de Mayotte dont l’état civil n’a pas été révisé.

Avec le temps, la disparition des titres que détenaient les intéressés, par péremption ou après vol ou perte, place ces Français « sans papiers » en situation d’exclusion et de non-droit dans de multiples circonstances de la vie civile, les organismes privés et publics étant de plus en plus nombreux à avoir pris connaissance des risques liés aux incertitudes de l’état civil à Mayotte et à exiger un titre d’identité en cours de validité.

Par ailleurs, l’état d’avancement des travaux de la CREC, à mi-parcours, a créé une situation inextricable pour tous les citoyens d’origine mahoraise, que leur état civil ait été ou non révisé, avec, d’un côté, les personnes ayant entrepris leurs démarches auprès de la CREC, placées dans une situation d’attente et ne pouvant faire état d’aucune identité certaine, et, de l’autre, les personnes bénéficiant d’un acte révisé et susceptibles d’être confrontées à des situations de blocage résultant de l’absence de transfert des données dans les fichiers organisant la vie civile.

Ainsi, un citoyen qui dispose d’un nouveau nom après décision de la CREC ne pourra pas se faire délivrer, parce qu’il y est connu sous une autre identité, un extrait de son casier judiciaire – extrait nécessaire, notamment, pour se présenter à un concours – sauf à justifier, preuves à l’appui, des changements apportés. Il en est de même pour les fichiers de l’INSEE, les listes électorales, la sécurité sociale, etc.

Un renforcement conséquent des moyens en magistrats et en greffiers mis à disposition de la commission et en liaison avec les administrations agissant en faveur de ces citoyens est donc indispensable.

De même, il serait souhaitable de mettre en place les mesures suivantes : création à titre temporaire d’un poste de magistrat itinérant chargé d’évaluer, de rassembler et de traiter les demandes des personnes originaires de Mayotte résidant à la Réunion et en France Métropolitaine ; informatisation des fichiers d’état civil des communes de Mayotte avec une mise en réseau et un accès limité pour les parquets et préfectures ; enfin, mise en place d’une mission de direction des travaux d’enregistrement des décisions de la CREC.

Il est tout à fait anormal que les décisions demandent parfois autant de temps à être enregistrées qu’à être produites. Certaines demandes déposées en 2001 ne sont toujours pas traitées en 2008 !

Cette question me semble cruciale, à quelques mois du référendum sur l’accession de la collectivité de Mayotte au statut de département.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le haut-commissaire, de bien vouloir me faire part de la position du Gouvernement sur ces propositions et de me faire connaître les mesures qu’il entend prendre pour renforcer les moyens humains de la CREC.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Madame la sénatrice, Mme le garde des sceaux, qui ne pouvait être présente et qui m’a chargé de vous présenter ses excuses, est très sensible à la situation des Français de Mayotte ne disposant toujours pas d’état civil.

Ainsi, afin d’améliorer l’efficacité de la commission de révision de l’état civil, un décret du 21 février 2008 a d’ores et déjà allégé, sur son initiative, les conditions nécessaires aux prises de décision en diminuant le quorum, qui était trop important.

Ce même décret permet au président de la CREC de statuer seul en cas de rectification d’erreur matérielle ou en cas d’urgence.

Par ailleurs, la chancellerie a activement participé aux travaux interministériels organisés par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer entre mars et juillet derniers.

Les expertises menées démontrent que ce n’est pas, à ce jour, la phase de jugement des dossiers qui justifie un renforcement, mais c’est celle de leur instruction.

En conséquence, ont déjà été actés les points suivants : le stock des dossiers en état d’être jugés sera vérifié par le service de l’état civil du secrétariat d’État à l’outre-mer avant d’être transmis à la CREC, lui permettant ainsi d’être saisie utilement ; ce même service de l’état civil sera missionné pour accélérer la mise en état des autres dossiers ; enfin, le ministère de l’intérieur devra créer un poste de secrétaire général chargé d’encadrer le travail des rapporteurs, notamment du rapporteur spécialement chargé de l’instruction des demandes des Mahorais installés en métropole ou à la Réunion pour en accélérer le traitement.

En outre, les services de la chancellerie ont expertisé sur place l’évolution informatique nécessaire aux mairies. Un marché a été signé le 7 juin 2007 pour un montant de près de 80 000 euros et toutes les mairies sont ainsi équipées du même logiciel. Mme le garde des sceaux préconise qu’il soit étendu à la CREC par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer.

Par ailleurs, afin de permettre un meilleur enregistrement des décisions de la CREC, un programme de formation pourrait être financé sur la dotation annuelle « modernisation de l’état civil », dont le renouvellement a été sollicité pour 2009 par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer.

Enfin, Mme le garde des sceaux précise que, conformément au souhait que vous venez de formuler, un projet de nomination de magistrats doit être publié très prochainement, prévoyant l’affectation au tribunal de première instance de Mamoudzou d’un vice-président et d’un vice-procureur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de la réponse que vous apportez à ce problème, qui tend à prendre une ampleur politique, au point qu’un rapport d’enquête parlementaire préconisait en 2006 de retirer la compétence en matière d’état civil aux maires des communes de Mayotte pour la confier à la préfecture.

J’ai ainsi rencontré récemment des directeurs d’école, démunis face à des Mahorais venant inscrire leurs enfants et présentant parfois des certificats de vaccination avec des dates de vaccination parfois antérieures à la date de la naissance !

Je citerai encore l’exemple de cette mère de famille qui demande l’établissement d’un passeport électronique pour son enfant né en 2008 et qui ne peut justifier de sa qualité ni de mère ni de représentant légal. L’intéressée porte en effet des noms différents sur son passeport, délivré en 2006, et dans l’acte de naissance de l’enfant.

Ce sont des problèmes importants sur lesquels je voulais attirer l’attention du Gouvernement.