M. Éric Woerth, ministre. Mais il faut reconnaître que le bilan pour cette année n’est qu’une petite partie de l’histoire. Je veux le rappeler très clairement : les mesures décidées depuis le début de la législature représentent plus de 10 milliards d’euros de baisse des prélèvements obligatoires. C’est difficile dans le contexte actuel, mais il faut le faire ! Toute polémique à ce sujet ne peut survivre longtemps à l’analyse objective des faits.

Sécuriser les recettes est crucial. Votre commission des finances, en particulier son président comme son rapporteur général, partage, je le sais, cet avis. Créer des niches fiscales pour remplacer la dépense budgétaire ne résout rien ! La loi de programmation des finances publiques est particulièrement novatrice sur ce chapitre de la sécurisation des recettes. Pour la première fois, en effet, nous présentons une évolution pluriannuelle des recettes et nous établissons des règles sur les niches fiscales comme sur les niches sociales.

Cela devenait impératif : le projet de loi prévoit désormais une évaluation des crédits d’impôt, un objectif annuel de dépenses fiscales et garantit qu’il sera mis un terme à la prolifération des niches fiscales et sociales.

Mme Nicole Bricq. Alors, faites-le vraiment !

M. Éric Woerth, ministre. Je sais que votre rapporteur a fait de nouvelles propositions allant dans ce sens, que Christine Lagarde et moi-même accueillerons favorablement, notamment celles qui tendent à rendre les niches fiscales « à durée déterminée ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Ces règles sur les dépenses fiscales sont une avancée majeure dans la maîtrise des finances publiques. Par le passé, les dépenses étaient encadrées par la seule norme de dépense budgétaire, le fameux « zéro volume ». Force est de constater cependant que cette norme a été contournée par le développement de la dépense fiscale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est exact !

M. Éric Woerth, ministre. Après l’élargissement de la norme intervenu l’année dernière et les rebudgétisations, c’est donc un nouveau pas que nous accomplissons ensemble aujourd’hui dans notre gouvernance des finances publiques. Nous corrigeons ainsi les effets pervers des règles du passé.

En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de programmation des finances publiques traduit une véritable stratégie, sortant du cadre strictement annuel et du seul budget de l’État, en sécurisant les recettes et en inscrivant la réforme de l’État dans la durée.

Ce texte prend en compte la situation particulièrement difficile que nous connaissons, car rien ne serait pire que de la nier. Il peut, je crois, donner lieu à une discussion éclairée et responsable de nos finances publiques. À mes yeux, il montre le chemin pour préparer au mieux l’avenir : un effort sans précédent, durable, documenté sur la dépense publique nous permettra de traverser cette crise et d’assainir à terme nos finances publiques.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire aujourd’hui, avec le plus de précisions possibles, à l’occasion de ce débat. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer les deux interventions que nous venons d’entendre et plus particulièrement l’effort de transparence et de sincérité qu’elles traduisent.

En effet, et je voudrais m’attarder quelques instants sur ce point, l’appréciation du contexte macroéconomique est naturellement, dans la conjoncture actuelle, l’un des aspects les plus délicats lorsqu’il s’agit d’élaborer des documents budgétaires, qu’ils soient annuels ou pluriannuels. Trop souvent, mes chers collègues, j’entends le Gouvernement s’approprier, en quelque sorte, des prévisions de croissance ou des chiffres de la croissance. (Mme le ministre et M. le ministre sourient.)

Parler au nom du Gouvernement de « sa » prévision de croissance - permettez-moi de le dire en toute sincérité, fort des convictions que j’exprime avec constance à cette tribune depuis longtemps - me paraît être une erreur. Il n’y a pas de taux de croissance du Gouvernement, cela n’existe pas, pas plus que de taux de croissance du Parlement ou des pouvoirs publics. (Sourires.) Le seul vrai taux de croissance, par définition, est celui que l’on constatera a posteriori. (Mme le ministre acquiesce.)

Mais comme, bien entendu, il faut prévoir et élaborer des documents budgétaires, des hypothèses doivent être retenues. Il convient donc de parler d’hypothèses de croissance ou, plus largement, d’hypothèses macroéconomiques concernant l’inflation, les prix de l’énergie ou les parités monétaires.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l’on veut aller jusqu’au bout du raisonnement, il convient, me semble-t-il, non pas de focaliser son attention sur un chiffre par grande donnée macroéconomique, mais plutôt de se fixer des fourchettes, en particulier en matière de taux de croissance. C’est ce que Mme Christine Lagarde a fait en évoquant tout à l’heure un taux de croissance de 0,2 % à 0,5 %, et c’était une première.

L’important n’est pas le chiffre en valeur absolue ; c’est de reconnaître que l’aléa existe et de ne pas commettre, en quelque sorte, de péché d’orgueil. En effet, rien ne nous dit que les conjoncturistes des banques ou de différents instituts français et internationaux aient davantage la vérité révélée que ceux de l’INSEE, du Centre d’analyse stratégique ou de ce qu’on appelait naguère la direction de la prévision.

L’essentiel pour nous, dans notre fonction délibérative portant sur les lois de finances et, à présent, pour la première fois, sur une loi triennale de programmation des finances publiques, est de réfléchir sur la base de raisonnements, de données, dans un monde incertain.

Je salue donc l’exercice de sincérité du Gouvernement. J’espère que, pour l’avenir, on saura en tirer les conséquences et que l’on raisonnera, tant pour les recettes que les dépenses et le solde, en termes de fourchette. Si la situation est relativement médiocre, on n’engagera qu’un minimum de dépenses ; si elle est meilleure, on débloquera des dépenses supplémentaires qui pourront être affectées à des projets ou à des fonctions identifiées à l’avance. C’est un budget transparent - qu’il s’agisse de la sécurité sociale ou de l’État, nous pouvons raisonner de la même manière - susceptible de s’ajuster à la conjoncture économique.

Il me semble, en outre, que le Gouvernement est tout à fait fondé à mettre l’accent sur les normes de dépenses, car, dans les temps difficiles que nous connaissons, seule la dépense publique centralisée est susceptible d’être contrôlée de manière relativement certaine. La dépense publique centralisée, mes chers collègues, c’est la dépense de l’État, de ses démembrements et celle des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. En d’autres termes, la dépense centralisée est celle qui doit obéir aux normes proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement.

Il existe d’autres dépenses publiques qui ne sont pas centralisées. Par définition, ce sont les dépenses de nos collectivités territoriales. On peut en faire une addition, une consolidation, mais rien de plus, car c’est bien le conseil municipal, le conseil communautaire, le conseil général, le conseil régional qui vote sa dépense, équilibrée par la fiscalité et les ressources correspondantes.

S’il est logique et légitime de faire figurer une prévision de la dépense locale dans une programmation triennale des finances publiques, pour autant, les chiffres qui se situent à ce niveau ne sont pas de même nature que ceux qui sont relatifs à la dépense publique centralisée. Cela motive d'ailleurs un amendement de principe que notre commission vous soumettra.

S’agissant des collectivités territoriales, sujet auquel nous sommes particulièrement sensibles, je voudrais souligner une avancée très significative, très concrète que le ministre du budget vient, ce matin, de présenter devant notre assemblée : en 2009, l’enveloppe globale des concours de l’État aux collectivités territoriales – je l’appelle encore « l’enveloppe normée » - évoluera donc à un demi-point au-dessus de l’inflation, dont le taux révisé est de 1,5 %, ce qui représente, mes chers collègues, environ 275 millions d’euros supplémentaires...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le cadeau bonus !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une nouvelle qu’il faut apprécier à sa juste valeur, car, monsieur le ministre, elle traduit le fait que vous nous avez entendus avant même que se soit ouvert le débat budgétaire, qui va notamment être focalisé sur ces questions.

Vous nous avez entendus parce que, en tant que maire et président d’une communauté de communes, vous connaissez la réalité des choses et du pilotage de la gestion locale.

Vous nous avez entendus parce que vous savez que, durant la phase de conjoncture basse, de stagnation et, peut-être, l’an prochain, de récession que nous connaîtrons, l’activité des collectivités territoriales sera un élément conjoncturel très important. En matière d’investissement comme en matière de dépenses de solidarité, on va se tourner plus particulièrement vers les communes, les intercommunalités, les départements et même les régions pour mettre en œuvre quelques amortisseurs face à la dureté de la crise.

Qu’il s’agisse des petites et moyennes entreprises, notamment dans la branche du bâtiment et des travaux publics, qu’il s’agisse des personnes que la crise peut temporairement laisser sur le bord de la route, ce sont bien les budgets locaux qui joueront un rôle important d’amortisseur. À cet égard, les 275 millions d’euros - c’est un ordre de grandeur -, se situant au-delà de l’hypothèse d’inflation révisée à 1,5 %, seront un amortisseur non négligeable et permettront sans doute de rendre plus facile l’examen, dans quelques semaines, des concours pour 2009 aux collectivités territoriales.

Je terminerai cet exposé par l’évocation rapide des amendements que la commission des finances a adoptés.

Tout d’abord, comme vous l’avez dit à juste titre, monsieur le ministre, il y avait un risque d’évasion par rapport à la norme de dépense qu’en d’autres temps nous avions intitulé l’ « agencisation » de l’État, c’est-à-dire l’imputation, sur des organismes proches de l’État, en général des établissements publics, de dépenses, notamment des dépenses de personnel, hors de la norme globale de dépense. Vous venez de nous dire – c’est une première, et elle mérite d’être saluée – que, pour 2009, les effectifs du personnel affecté à ces démembrements de l’État vont se voir appliquer la règle de base en vigueur pour la gestion des effectifs de la fonction publique au sens strict.

Mais une redoutable dérive demeure encore possible, vous le savez, avec les dépenses fiscales.

La dépense fiscale est la plus grande tentation qui peut menacer encore les ministres - je parle des ministres dépensiers, non de vous, bien entendu ! (Sourires.) – et, dans un temps où la norme globale est une norme contrainte et rigoureuse,…

M. Jean-Pierre Fourcade. On en a voté une pas plus tard que la semaine dernière !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … de cette tentation, il faut se prémunir. Le Sénat, en particulier, est là pour veiller au bon comportement en matière de finances publiques sur la durée, comme vous le souhaitez, madame le ministre de l’économie, monsieur le ministre du budget. D’où les amendements que nous avons préparés et qui, je le suppose, rencontreront vos propres préoccupations.

La révision des hypothèses macroéconomiques prises en compte par le Gouvernement entraîne mécaniquement le dépôt d’une série d’amendements ; ils seront examinés par la commission des finances à l’occasion de la suspension de séance.

Il est particulièrement important que le Sénat soit le lieu d’un vrai débat, qui soit en prise avec l’actualité immédiate, tout en s’inscrivant dans une perspective plus large.

De grâce, n’ajoutons pas la crise à la crise ! Arrêtons de faire des cadeaux fiscaux, parce que nous n’en avons plus les moyens, et trouvons des solutions nous permettant de gérer avec continuité et persévérance la norme de dépense, mais aussi de faire en sorte qu’un euro de dépense fiscale soit traité exactement de la même façon qu’un euro de dépense budgétaire, en prévision comme en réalisation.

Voilà, mes chers collègues, les principales préoccupations dont je souhaitais vous faire part au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons fini par en prendre l’habitude, les médias considèrent que la messe est dite dès lors qu’un texte a été examiné par l'Assemblée nationale et, de manière générale, se font assez rarement l’écho des travaux du Sénat.

Nous démontrerons une nouvelle fois au cours de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2009 que le Sénat est souvent une force de propositions. Même si ces dernières ne sont pas retenues immédiatement, elles finissent souvent par l’être l’année suivante, soit par le Gouvernement, soit par l'Assemblée nationale. (Sourires.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez réservé au Sénat l’annonce de votre volonté de jouer la transparence, la crédibilité et le réalisme en ce qui concerne les prévisions macroéconomiques. Je salue cet effort et vous en remercie, après Philippe Marini.

Nos concitoyens auraient sans doute eu du mal à comprendre qu’il en aille autrement et que l’on ne tienne pas compte de la crise financière dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Ces textes ayant été établis avant la crise, la commission des affaires sociales a procédé à leur examen en se fondant sur les prévisions macroéconomiques de l’été.

Comme vous l’avez souligné, madame Lagarde, l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques est une première. Il intervient quelques semaines seulement après la révision constitutionnelle, promulguée le 23 juillet dernier. Je salue la rapidité avec laquelle le Gouvernement a mis en œuvre une réforme que nous appelions de nos vœux depuis un certain temps déjà et que les différentes conférences des finances publiques tenues ces deux dernières années ont permis de préparer.

Ce premier projet de loi de programmation comporte, outre un cadrage macroéconomique et des objectifs sur lesquels je reviendrai plus loin, plusieurs règles de gouvernance, notamment en matière de recettes et de niches sociales.

La commission des affaires sociales ne peut que s’en féliciter, car ces règles sont proches de celles qu’elle avait elle-même préconisées à plusieurs reprises, en particulier dans le cadre d’une proposition de loi organique dont le président de la commission Nicolas About et moi-même étions les auteurs, et qui a été votée par le Sénat le 22 janvier 2008.

Le Parlement est donc conduit à approuver la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques, stratégie que ce dernier élaborait jusqu’à présent lui-même, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

Que les assemblées se prononcent, en toute transparence, par un vote sur cette programmation est véritablement un progrès. Nous nous souvenons en effet d’une période, pas si lointaine, où ces prévisions revêtaient un caractère tellement confidentiel que le Parlement et ses commissions financières n’en étaient même pas destinataires.

L’approche globale que cette nouvelle catégorie de lois nous permet d’avoir sur les comptes publics, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les inscrivant dans une perspective pluriannuelle, représente également une avancée intéressante.

Jusque-là, nous ne pouvions avoir un débat général que sur l’évolution des prélèvements obligatoires : l’année dernière, il s’est tenu à la même époque ; il a lieu aujourd'hui, en même temps que la discussion du présent projet de loi.

Si l’exercice est très utile en ce qu’il permet un débat d’ensemble, il ne concerne cependant qu’un aspect du sujet, à savoir les recettes. Pour les dépenses, la réflexion était d’habitude renvoyée aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, et ce pour la seule année suivante. Philippe Marini a eu raison de considérer tout à l’heure qu’il y avait lieu d’intégrer dans ces prévisions les dépenses et les recettes, et de mener notre réflexion sur l’ensemble.

En matière sociale, nous étions toutefois plus avancés puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est accompagné d’une annexe B qui comporte une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et l’ensemble des régimes de base.

Nous avons beaucoup critiqué cette annexe même si, d’année en année, nous avons pu constater une certaine amélioration. S’il faut en faire un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections – je vous engage à regarder le tableau qui figure dans mon rapport écrit et qui retrace ces projections depuis l’origine –, l’annexe a le mérite incontestable de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés qui jalonnent le chemin de retour à l’équilibre.

La programmation qui nous est proposée aujourd’hui par le Gouvernement intervient, cela a été souligné, dans un contexte économique tout à fait exceptionnel.

La crise financière des dernières semaines et ses conséquences sur l’économie réelle sont des facteurs majeurs d’incertitude qui, malheureusement, remettent pour partie en cause la pertinence de l’exercice qui nous est proposé, mais pour partie seulement.

Je note au passage qu’aucun institut de prévision n’est actuellement capable de prédire l’ampleur de la récession, de chiffrer de façon fiable l’impact de la crise actuelle sur notre économie, sur la croissance et sur l’emploi à moyen terme, c’est-à-dire pour l’horizon de cette programmation ou, tout du moins, pour l’année 2009. Je cite dans mon rapport les dernières perspectives de l’OFCE, rendues publiques voilà à peine une semaine. Comme vous l’avez précisé, madame la ministre, de multiples précautions entourent le détail des deux scénarios envisagés.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les finances sociales, l’hypothèse macroéconomique centrale est celle de l’augmentation de la masse salariale, masse qui, je vous le rappelle, représente, pour la sécurité sociale, les trois quarts de l’assiette de ses recettes. Cette augmentation est estimée, dans le projet de loi comme dans l’annexe B du PLFSS pour 2009, à 3,5 % en 2009 et à 4,6 % par an les trois années suivantes. Ces prévisions seront corrigées cet après-midi à l’initiative du Gouvernement pour faire preuve d’un plus grand réalisme et d’un maximum de transparence.

Ces taux étaient évidemment très volontaristes. Or un point de masse salariale en moins représente une baisse de 2 milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale, et une difficulté supplémentaire pour revenir vers l’équilibre en 2012, ce qui est l’objectif fixé dans le projet de loi pour le régime général.

Comme je l’avais souligné devant mes collègues de la commission des affaires sociales, notamment ceux de l’opposition qui avaient dénoncé le caractère trop optimiste des prévisions macroéconomiques, il est fort probable que nous soyons amenés, avec le Gouvernement, à réviser ces prévisions et que l’équilibre ne soit atteint qu’en 2013, au lieu de 2012. Nous espérons que la conjoncture à partir de 2010 ou 2011 permettra un tel rattrapage.

En tout état de cause, il faut faire preuve de prudence et ne pas bercer nos concitoyens d’illusions sur le sujet. Il faut savoir se montrer courageux et réaliste : c’est ce que fait le Gouvernement, et je ne peux que l’en féliciter.

Dans le rapport annexé au projet de loi, trois éléments sont cités comme indispensables pour parvenir à l’équilibre.

Premièrement, il faut disposer d’une base financière assainie, ce qui suppose de régler trois problèmes : le transfert de la dette sociale à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – le Gouvernement exauce le vœu que nous avions exprimé l’année dernière puisque ce transfert est prévu dans le PLFSS pour 2009 – ; le traitement de la situation structurellement déficitaire du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles – problème qui sera partiellement réglé cette année, notamment dans son volet « branche maladie » –, et la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

Ces trois questions sont traitées dans le cadre du PLFSS pour 2009, mais – je me permets de le souligner – de manière imparfaite.

En effet, si le transfert de la dette sociale à la CADES est bien effectué, toutefois, comme je vous l’avais déjà indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, cela entraînera malgré tout une fragilisation du Fonds de solidarité vieillesse, en raison du dispositif qui a été imaginé.

Seul est résolu le problème de la branche maladie du FFIPSA, le déficit de sa branche vieillesse restant entier.

Par ailleurs, si de réels progrès ont été réalisés dans les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, nous devrons bien constater qu’une dette s’est reconstituée à hauteur de 3,5 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2008. Cela étant, monsieur le ministre, vous nous avez annoncé, en commission, votre intention d’honorer, dans le cadre du prochain collectif, au moins une partie de cette dette, pour un milliard d’euros. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

La dégradation de la conjoncture actuelle accroît toutefois les risques sur le montant de cette dette. J’ai noté également votre souci de faire en sorte de « coller » le mieux possible aux besoins de dotations, je pense notamment à l’allocation aux adultes handicapés, à l’aide médicale de l’État et à l’allocation de parent isolé, respectivement l’AAH, l’AME et l’API.

Deuxièmement, pour revenir à l’équilibre, il nous faut parvenir à maîtriser la dépense, M. le ministre et M. Philippe Marini ont insisté sur ce point. L’objectif n’est chiffré que pour la branche maladie, avec un taux d’évolution annuel de l’ONDAM fixé, par l’article 7 du projet de loi, à 3,3 % pour l’ensemble de la période.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, malgré la révision des données macroéconomiques, vous mainteniez une progression à 3,3 % pour cette année et pour le futur exercice, ce qui signifie que le même effort est accompli pour la sécurité sociale et pour les collectivités territoriales. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Ce pourcentage correspond à une croissance des dépenses de maladie inférieure à la croissance du PIB. Cet objectif, certes ambitieux, n’est pas inatteignable, puisque nous l’avons atteint en 2008, même s’il y a eu un petit dérapage par rapport aux prévisions. Nous devrions en effet finir l’année 2008 avec une progression de l’ONDAM de l’ordre de 3,3 %.

Mes chers collègues, il faut bien en avoir conscience, maintenir ce taux sur toute la période de programmation suppose de trouver, chaque année, 2 milliards d’euros d’économies nouvelles pour contenir la progression des dépenses à 5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. Or, je vous le rappelle, la tendance pour les dépenses de santé est plutôt de l’ordre de 7 milliards d’euros par an. On ne peut pas, en effet, avoir pour les dépenses de santé la même maîtrise comptable que celle qui est exigée par M. le rapporteur général pour les dépenses centralisées de l’État.

Pour parvenir au respect de cette norme, il est impératif de mobiliser toutes les marges qui existent, en poursuivant les efforts sur la maîtrise des dépenses de soins de ville. Depuis quelques années, pour ces soins de ville, de réels efforts ont été réalisés, avec des résultats indéniables. En ce qui concerne l’hôpital, permettez-moi l’expression, je reste sur ma faim ! Des progrès importants restent à faire, et il est particulièrement urgent d’agir, car nous n’avons que trop attendu. Il y a lieu de maintenir l’effort en renforçant la gestion des risques à l’hôpital.

Nous sommes persuadés que l’on peut encore réaliser des économies dans ces différents secteurs, mais cela ne sera pas facile.

Les dépenses des autres branches doivent se contenter de quelques paragraphes dans le rapport annexé au projet de loi. J’en profite pour vous faire observer que, comme à l’accoutumée, ce rapport consacre trois fois plus de développements au budget de l’État qu’aux dépenses de sécurité sociale. Je regrette en particulier que si peu de précisions soient apportées pour la branche vieillesse, dont le déficit dépasse maintenant les 5 milliards d’euros. Certes, l’évolution des dépenses de retraite dépendra essentiellement des progrès que l’on pourra constater en matière d’emploi des seniors et des décisions qui seront prises dans le cadre du « point d’étape » de 2010. Mais les pistes de réformes possibles auraient au moins mérité d’être mentionnées et évaluées.

Je suis d’ailleurs persuadé que la principale raison pour laquelle nos concitoyens semblent systématiquement chercher à anticiper leur départ à la retraite tient au manque de lisibilité en la matière. C’est donc un sujet sur lequel il faudra un peu plus nous pencher l’année prochaine.

Troisièmement, je vois un dernier pilier du retour à l’équilibre dans la sécurisation des recettes. Celle-ci exige que soient réunies deux conditions : le retour de la croissance et la préservation des recettes actuelles. J’espère qu’il ne s’agit pas d’un vain mot et que les recettes seront effectivement au rendez-vous.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé de nouvelles recettes pour la branche vieillesse résultant d’un basculement des cotisations de l’UNEDIC. Permettez-moi de vous inviter à regarder tout cela d’un peu plus près, car, avec le retournement de conjoncture, nous n’atteindrons peut-être pas le niveau espéré.

M. Guy Fischer. C’est une évidence !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Le retour à la croissance est évidemment très difficile à prévoir. Cela étant, on peut aussi chercher à préserver les recettes existantes, notamment en veillant à ne pas multiplier les exemptions d’assiettes, les exonérations de charges et contributions sociales, bref en limitant le développement des « niches sociales ». Je constate d’ailleurs, mais nous en reparlerons au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que cela n’a pas été vraiment le cas en 2008, puisque pas moins de sept niches sociales supplémentaires ont été créées à l’occasion de l’examen de textes de loi ordinaire, et ce sans compensation.

Vous le savez, la commission des affaires sociales s’intéresse à cette question depuis plusieurs années.

Nous avons ainsi proposé successivement, avant que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne s’emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l’instauration d’une flat tax sur les niches sociales.

Nous avons également cherché à limiter la création d’exonérations de charges dans les textes de loi ordinaire en déposant, puis en faisant voter par le Sénat une proposition de loi organique sur ce sujet. Malheureusement, à chaque fois, nos initiatives ont été repoussées… pour mieux être, l’année suivante, reprises et finalement adoptées !