Mme Christine Lagarde, ministre. J’évoquerai la mise en œuvre du revenu de solidarité active, l’accélération de la mise en place de Pôle Emploi, vérifiée par des indicateurs quantitatifs indiscutables, avec une mobilisation de tous les acteurs, des 40 000 agents de Pôle Emploi, pour lutter contre le chômage et ramener au plus vite ceux qui s’y trouvent vers l’emploi.

Je voudrais rappeler les 100 000 contrats aidés supplémentaires pour les publics les plus fragiles, avec – il s’agit de la nouvelle génération de contrats aidés – un mécanisme de soutien en termes de formation professionnelle et d’insertion dans l’entreprise pour le secteur non marchand.

Je voudrais parler également de l’extension du contrat de transition professionnelle à tous les bassins d’emploi en difficulté.

Je voudrais enfin mentionner la réforme de la formation professionnelle.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous faisons pour le facteur travail.

En ce qui concerne le facteur capital, nous avons renforcé l’investissement grâce à la mise en œuvre du dispositif de validation fiscale du crédit d’impôt recherche.

Nous avons également mis en place, à partir du 23 octobre 2008, l’exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements, et ce jusqu’au 1er janvier 2010.

Enfin, nous avons annoncé, et j’y travaille actuellement ardemment, la création d’un fonds stratégique d’investissement avant la fin de l’année.

Au service de ces politiques, la politique fiscale s’inscrit sous le signe de la stabilité du taux des prélèvements obligatoires.

En ce qui concerne les recettes, nous n’augmenterons pas le poids global des impôts si les recettes publiques venaient à fléchir du fait de la situation économique.

Le Gouvernement a choisi de poser comme cadre de travail la stabilité du taux de prélèvements obligatoires à 43,2 % du produit intérieur brut à compter de 2008 et jusqu’en 2012.

Le rapport sur les prélèvements obligatoires vous fournit l’ensemble des données sur les mesures nouvelles du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires.

Sans les mesures déjà décidées, qui figurent dans le document à votre disposition, le taux de prélèvements obligatoires aurait été de 43,5 % du produit intérieur brut en 2009. Avec les mesures déjà décidées et incorporées, il passe de 43,5 % à 43,2 %. Nous maintiendrons ce taux jusqu’en 2012.

Ces mesures nouvelles déjà décidées se traduiront par une baisse nette de plus de 10 milliards d’euros des prélèvements sur l’ensemble de la législature.

Les baisses d’impôts sont ciblées sur nos priorités politiques : le travail, l’innovation, la participation des salariés aux résultats. Vous trouverez le détail de ces baisses et les éléments chiffrés dans le rapport sur les prélèvements obligatoires.

Outre ces baisses, un certain nombre de dépenses sont assurées par des prélèvements obligatoires ; je pense notamment au financement du RSA, de l’audiovisuel public, de la fiscalité environnementale et des mesures de redressement de la sécurité sociale.

Nous aborderons également lors du débat sur le projet de loi de finances le principe et le concept du plafonnement global des niches fiscales actuellement non plafonnées, ce que notre majorité avait proposé, mais qui n’a malheureusement pas pu, en raison d’un recours de l’opposition devant le Conseil constitutionnel, trouver son chemin dans le droit fiscal français.

Mme Nicole Bricq. C’est incroyable, c’est notre faute !

Mme Christine Lagarde, ministre. J’espère que nous pourrons cette fois mettre la mesure en place.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’épisode de la crise financière aiguë des mois de septembre et d’octobre, nous sommes entrés très clairement dans une nouvelle ère, qui nécessite une approche neuve, un peu exceptionnelle, du traitement de l’hypothèse de croissance.

J’ai annoncé à la Haute Assemblée, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que les hypothèses de croissance pour 2009 et pour 2010 étaient sensiblement revues à la baisse.

Je vous ai expliqué en quoi cette révision était responsable : elle est exceptionnelle comme la situation l’exige, mais elle est lucide, comme doit l’être le Gouvernement à l’heure où les agents économiques manquent de repères clairs et où même les experts se laissent parfois un peu affoler et régir par des principes d’urgence plutôt que de réalité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, face à l’incertitude de l’environnement économique et financier, l’État doit rétablir la confiance.

Pour lutter contre la crise, le Président de la République et le Gouvernement ont mis en place des mesures puissantes que Mme Christine Lagarde vient de détailler.

Cependant, rétablir la confiance, ce n’est pas seulement agir aujourd’hui, c’est également dire ce que l’on fera demain.

Dans la tourmente que traverse la planète, il faut que l’action du Gouvernement soit clairement définie à moyen terme pour pouvoir servir de repère, de point d’appui, de point fixe.

Le projet de loi de programmation des finances publiques, que nous vous présentons aujourd’hui avec Mme Christine Lagarde pour la première fois, répond à ce besoin.

J’avais souhaité cette innovation pour nos finances publiques dès notre arrivée, dans un souci de bonne gouvernance. Le Sénat la souhaitait également depuis longtemps.

Cette initiative se révèle aujourd’hui absolument indispensable : plus c’est difficile, plus il faut essayer de prévoir. Elle donne enfin une vision globale, non sur le seul périmètre de l’État, non pour une seule année, mais pour toute la sphère publique et sur toute la législature.

Pour jouer pleinement son rôle, il faut naturellement que cette loi soit la plus précise et la plus informée possible.

C’est pourquoi, comme nous l’avions promis avec Mme Christine Lagarde, nous vous présentons ce matin à la fois des hypothèses de croissance révisées et une trajectoire de recettes modifiées en conséquence.

Comme je m’y étais engagé, les dépenses n’ont pas été modifiées au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées. Ces dépenses traduisent donc toujours, et plus que jamais, une volonté de maîtrise dans la durée de la dépense publique. Cependant, nous ne coupons pas à l’aveugle pour compenser les plus faibles recettes.

Cela nous conduit donc de manière totalement transparente à afficher des déficits plus importants. Que contient en fait ce projet de loi de programmation des finances publiques ?

Il contient une trajectoire prenant en compte les effets de la crise, une maîtrise des dépenses sans précédent, détaillée par missions sur trois ans pour l’État et des principes de gouvernance forts, qui clarifient ce que nous ferions si les évolutions macroéconomiques et financières étaient différentes de ce que nous prévoyons aujourd’hui. Le chemin est ainsi balisé et les règles sont fixées. Dans la situation d’incertitude actuelle, c’est évidemment un élément très primordial.

Enfin, vous allez désormais voter un programme qui auparavant était envoyé directement à Bruxelles, sans passer par le Parlement. C’est une avancée majeure dans l’association du Parlement à la gestion des finances publiques et au respect de nos engagements.

Dès la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques et du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, j’ai dit que nous ferions tout, si le besoin s’en faisait sentir, pour tenir compte de l’évolution de la situation économique, car la crédibilité et la sincérité ne se négocient pas.

Ces projets de loi étaient d’une parfaite sincérité lorsqu’ils ont été déposés : 1 % de croissance en 2009 était alors, Mme Christine Lagarde l’a rappelé, une hypothèse partagée par tous les économistes.

J’entends naturellement que, au cours des débats, ces textes de loi conservent leur sincérité et leur réalisme.

Cependant, il ne s’agit pas d’une tâche facile. La sincérité, cela ne signifie pas changer de prévisions tous les matins en fonction du cours de la Bourse. Je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, le budget n’est pas marked to market.

Nous nous étions engagés, et nous le faisons aujourd’hui, à prendre quelques semaines de recul pour tenir compte des données nombreuses et souvent contradictoires, et en dégager la tendance la plus raisonnable.

Comme vient de vous l’expliquer Mme Christine Lagarde, après des analyses détaillées et précises, le Gouvernement revoit aujourd’hui sa prévision de croissance pour 2009. La loi de programmation est donc révisée sur la base de 0,5 % de croissance en 2009, de 2 % en 2010 et de 2,5 % en 2011 et 2012.

J’en ai bien évidemment tiré toutes les conclusions en termes de recettes et de déficits. Je vous l’avais annoncé très tôt, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture.

La volonté de vous apporter le plus vite possible les conclusions les plus récentes de nos travaux m’empêche de vous fournir dès aujourd’hui jusqu’aux derniers détails. Nous en sommes au stade de la programmation et nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail lors du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout cela sera fait dans les meilleurs délais.

En tout état de cause, la vingtaine d’amendements que nous présenterons dès aujourd'hui vous permettra d’avoir une idée très précise de notre approche et de la situation.

Je veux dire maintenant un mot sur 2008. Crise financière ou pas, le mois de novembre est traditionnellement le mois du collectif budgétaire, qui permet de faire le point sur les recettes effectivement rentrées et les dépenses réellement effectuées. Il sera présenté au conseil des ministres le 19 novembre prochain.

Compte tenu des dernières données dont je dispose, je serai probablement amené à revoir les recettes fiscales de l’État à la baisse d’environ 2 milliards d’euros, notamment au titre de l’impôt sur les sociétés et de la TVA.

Le ralentissement de la masse salariale pèse également sur les recettes sociales. Au total, c’est un peu plus de 3 milliards d’euros de recettes en moins, soit un peu moins de 0,2 point de PIB.

Le déficit initialement prévu à 2,7 points de PIB est donc revu à 2,9 points de PIB. Cette révision s’explique intégralement par une prévision de recettes la plus juste et honnête possible.

En ce qui concerne les dépenses, elles reposent sur le strict respect des dépenses votées par le Parlement, à l’exception – je le dis maintenant depuis de nombreuses semaines – des charges de la dette qui ont subi puissamment l’évolution de l’inflation au cours de l’année 2008.

Pour 2009, la révision de la croissance et de certains impôts qui sont particulièrement affectés par les évolutions récentes, comme l’impôt sur les sociétés – le rapport n’est pas totalement linéaire entre la croissance et l’impôt sur les sociétés –, me conduit à une révision du solde public d’environ 9 milliards d’euros, soit environ 0,4 point de PIB.

La prévision initiale de déficit public de 2,7 points de PIB est donc revue à 3,1 points de PIB.

Il ne s’agit nullement de s’affranchir du pacte de stabilité et de croissance. La Commission européenne a d’ailleurs répété qu’elle tiendrait compte des circonstances exceptionnelles que l’ensemble de l’Europe connaît pour examiner la situation. C’est un débat qui a lieu depuis plusieurs semaines. Il s’agit simplement de laisser les recettes s’adapter à la crise.

L’important est de maintenir l’effort sur la dépense non seulement aujourd’hui, mais aussi quand la croissance sera revenue, pour ne pas retomber dans les mauvaises habitudes du passé. C’est la clé pour assainir durablement nos finances publiques.

Ce dépassement du seuil des 3 points de PIB doit naturellement être temporaire. Notre effort sur la dépense nous permettra de retourner sous ce seuil dès 2010 pour atteindre 2,7 points de PIB.

C’est aussi cet effort dans la durée qui nous permettra de rétablir graduellement la situation : avec un retour, après 2 % en 2010, à une croissance de l’activité à 2,5 % en 2011 et 2012 – modification globale de la prévision pluriannuelle –, la maîtrise de la dépense permettrait une nette amélioration du déficit à 1,9 point de PIB en 2011 et à 1,2 point de PIB en 2012.

Vous le voyez, comme nous l’avions promis, nous tirons en toute transparence, avec vous, les conséquences de la crise que nous vivons.

Ces révisions confortent la sincérité du projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui est particulièrement important pour l’avenir.

Projetons-nous un instant l’année prochaine. Compte tenu de l’incertitude actuelle, nul ne peut prétendre que les hypothèses retenues seront vérifiées au dixième de pourcentage près pour la croissance ou pour l’inflation, à la centaine de millions d’euros près pour l’impôt sur les sociétés et la TVA.

Je continuerai donc, après le vote des lois de financement, à avoir, plus que jamais, un dialogue étroit avec la commission des finances du Sénat sur les évolutions en cours d’année. L’année 2009 sera très importante.

Les révisions effectuées étaient nécessaires, mais il est bien évident qu’elles ne remettent absolument pas en cause les engagements forts en termes de dépense et de gouvernance qui sont inscrits dans ce projet.

Soyons très clairs, la colonne vertébrale de ce projet de loi, quelle que soit la conjoncture du moment, est de réaffirmer la nécessité de réduire le poids exorbitant de la dépense.

Pourquoi devons-nous nous concentrer sur la maîtrise de la dépense ?

C’est la maîtrise de la dépense qui nous mettra en position de profiter d’un retour à meilleure fortune de l’économie internationale. Tout regain de croissance – à l’horizon de 2010, c’est le moins que l’on puisse espérer ! – aura alors des effets positifs, puissants et rapides sur nos finances publiques.

La maîtrise de la dépense garantit la solvabilité de l’État. Nous avons eu l’occasion de l’expliquer devant vous, le plan de financement de l’économie présenté par Mme Christine Lagarde fonctionne essentiellement via des emprunts garantis par l’État. En situation de crise, comme aujourd’hui, l’État est le seul à qui les marchés acceptent de prêter, le seul en qui les marchés ont confiance.

Or cette confiance se justifie par le rétablissement structurel de nos finances publiques, que seule une action déterminée sur la dépense peut garantir. La lutte contre les dépenses inefficaces et le plan de refinancement de l’économie ne se contredisent donc pas, bien au contraire. Pour que l’État soit solvable et puisse jouer tout son rôle, il faut accepter de le réformer et d’être économe de l’argent public.

On nous reproche aussi de ne pas être cohérents puisque nous aurions trouvé 360 milliards d’euro pour les banques – voire pour les banquiers, comme le veut la caricature trop souvent répétée – alors que nous réaffirmons sans arrêt la nécessité des économies. Je me permets de le dire à nouveau, le plan de refinancement de l’économie ne se résume en aucun cas à un renflouement des banques à fonds perdus,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce serait absurde !

M. Éric Woerth, ministre. … il contribue évidemment au renflouement de l’économie. Les 360 milliards d’euros du plan ne sont aucunement comparables aux dépenses du revenu de solidarité active, de l’éducation nationale ou à toute autre dépense budgétaire. Ceux qui laissent croire le contraire sont peu inspirés, si vous me permettez l’expression. J’insiste donc, ce plan ne pèse pas sur les finances publiques, nous n’avons pas créé un « fonds » de 360 milliards d’euros dans lequel les banques pourraient venir puiser.

Les 40 milliards d’euros destinés à permettre des prises de participation seront financés par l’emprunt, ce qui augmente « facialement » la dette publique, mais cette dette est gagée sur des actifs, que nous espérons rentables à terme pour le contribuable. Pour ce qui concerne l’autre volet du plan, la garantie accordée par l’État ne représente pas une dépense, elle sera même payante, nous l’avons dit à plusieurs reprises.

Je voudrais donc vous décrire en quelques mots les vraies dépenses inscrites dans ce projet de loi : elles tirent les conséquences du passé, elles préparent l’avenir et elles traduisent une recherche systématique d’efficacité.

Tout d’abord, il nous faut affronter les contraintes héritées du passé. À ma place, au-delà des graves enjeux conjoncturels, faire preuve de responsabilité, c’est oser dire que le passé nous rattrape et qu’il faut en tirer les conséquences. Le passé nous rattrape du fait de la dette publique accumulée ces trente dernières années.

M. Éric Woerth, ministre. Je vous l’ai dit l’an dernier, le temps est révolu où la baisse des taux d’intérêt servait d’anesthésiant à la progression de la dette ; c’est le moins que l’on puisse dire cette année. Je vous ai prévenus depuis dix-huit mois que les « bonnes surprises » sur les intérêts appartenaient au passé. Cette année, la charge de la dette augmente de 4 milliards d’euros ; c’est absolument considérable par rapport à ce que nous avons pu connaître dans le passé !

Mme Nicole Bricq. Et cela va continuer !

M. Éric Woerth, ministre. Ce passé nous rattrape aussi par la démographie. Les dépenses de pensions traduisent l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby boom : pour les finances publiques, il en résulte un surcroît de dépenses de 13 milliards d’euros par an. Nous avons confirmé la prolongation de la durée de cotisation retraite décidée en 2003 et nous avons mis en place un plan ambitieux pour les seniors. Mais il faudra assurément nous retrouver en 2010 pour procéder à l’état des lieux.

La progression de la charge de la dette et des pensions nous est imposée, au moins à moyen terme. Mais faisons-nous le nécessaire pour le reste des dépenses ?

Je le dis haut et fort : la maîtrise de la dépense est sans précédent et doit évidemment le rester. J’ai construit pour les trois ans à venir trois budgets sincères : trois budgets où les dépenses des ministères sont stabilisées en valeur – la crise ne doit pas être l’occasion de relâcher cet effort – ; trois budgets où je poursuis la remise à niveau des dotations historiquement sous-dotées – les remboursements à la sécurité sociale, les opérations extérieures de la défense, dépenses auxquelles vous êtes particulièrement sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs – ; trois budgets, enfin, où je clarifie les financements de la protection sociale agricole – au travers du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA – et des infrastructures de transport – avec l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. La crise actuelle montre bien l’importance de comptes justes, car il a beaucoup été question de comptabilité dans cette crise.

Cet exercice a requis une énorme volonté politique : c’est le fruit du travail de tout le Gouvernement, sous l’autorité et la vigilance du Premier ministre.

Concrètement, je vous avais dit que je diviserais par deux le rythme de croissance de la dépense publique en euros constants, c’est ce que nous ferons cette année : en 2008, le taux de croissance de la dépense publique s’élèvera à environ 1 %. Depuis plusieurs années, cet objectif était fixé et, immanquablement, n’a jamais été atteint ; il en va, enfin, différemment cette année : nous allons l’atteindre grâce à la maîtrise des dépenses de l’État, hors charge de la dette, et grâce à la maîtrise des dépenses de santé. Chaque année, nous réalisons 10 milliards d’euros d’économies par rapport à la tendance historique.

En ce qui concerne l’État, les dépenses de personnel, d’intervention et de fonctionnement des ministères en euros courants sont stabilisées sur la législature.

M. Éric Woerth, ministre. C’est énorme ! Et la crise actuelle ne remet pas en cause cet effort ! Quant à la croissance des dotations aux collectivités locales, elle est limitée à l’inflation.

Si tous ces efforts avaient été réalisés sur les dix dernières années, le budget de l’État serait tout simplement à l’équilibre. J’insiste sur ce point parce que je veux que tout le monde en ait bien conscience : si cette politique avait été menée depuis dix ans, nous pourrions tenir un autre discours aujourd’hui. C’est donc la persévérance sur la durée qui compte et non la variation de pression : nous serions dans une position tellement plus favorable pour affronter la crise actuelle et préparer l’avenir !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !

M. Éric Woerth, ministre. Ce budget triennal se résume à une recherche d’efficacité dans tous les domaines. Toutes les économies issues, notamment, des travaux engagés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ont été exploitées.

Pour la première fois, grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, ce qui représente une baisse des effectifs de 30 600 emplois. En une année, nous faisons autant que tous les efforts réalisés pendant le quinquennat précédent !

Cet effort intervient sans reporter la charge sur les opérateurs. Pour la première fois, grâce aux directives que j’ai données à l’ensemble des représentants de l’État, leurs effectifs baisseront de plus de mille en 2009.

Grâce à cette méthode également, tous mes collègues ont obtenu les moyens de leurs politiques, sans qu’il soit besoin de leur attribuer les 13 ou 14 milliards d’euros supplémentaires qu’ils réclamaient au départ.

Enfin, grâce à cette méthode, nous avons pu saluer l’effort des fonctionnaires en matière de réforme de l’État en leur rendant, conformément à l’engagement du Président de la République, 50 % des économies réalisées avec les suppressions d’emplois. J’ajoute, au passage, que nous avons mis fin, avec M. André Santini, à la pratique surréaliste qui consistait à négocier le point d’indice de la fonction publique après le vote du budget : nous avons mené ces discussions très en amont et pour les trois prochaines années.

Il n’était pas possible d’exempter les collectivités locales de cet effort sans précédent sur les dépenses.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Éric Woerth, ministre. Je sais que les relations entre l’État et les collectivités locales sont complexes, mais nous respectons nos engagements : les concours de l’État aux collectivités territoriales se verront appliquer la même norme d’évolution que celle des dépenses globales de l’État, c’est-à-dire l’inflation. Pour 2009, exceptionnellement, …

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exceptionnellement !

M. Éric Woerth, ministre. Vous connaissez la suite de mon discours, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, je souligne simplement l’importance du propos !

M. Éric Woerth, ministre. En 2009, exceptionnellement, ces concours progresseront même plus rapidement que l’inflation, puisque nous avons révisé nos prévisions comme vous l’a dit Mme Christine Lagarde. En effet, pour respecter la règle, il aurait fallu aligner l’indexation des concours sur l’inflation révisée à la baisse à 1,5 %. De votre côté, vous vous apprêtiez, sans doute, à demander une augmentation de ces concours au-delà de l’inflation initialement prévue dans le projet de loi de finances. Nous ne ferons ni l’un ni l’autre : nous en resterons donc à une progression de 2 %, soit 1,1 milliard d’euros d’augmentation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une très bonne nouvelle !

M. Éric Woerth, ministre. D’une certaine façon, nous acceptons d’ajouter 0,5 % aux 1,5 % annoncés, afin d’aider les collectivités locales dans leur politique d’investissement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bon argument !

M. Éric Woerth, ministre. Au sein de cette enveloppe, la priorité a été donnée à l’investissement, puisque le Fonds de compensation pour la TVA est préservé et progresse de 660 millions d’euros. J’ajoute que l’État a répondu présent pour assurer le sauvetage de Dexia et a garanti son refinancement, afin d’apporter le soutien nécessaire dans cette crise au financement des collectivités locales. Nous demandons donc un effort aux collectivités locales, mais il sera accepté parce qu’il est juste.

L’effort portera également sur la sécurité sociale. En 2009, la conjoncture pèsera bien évidemment sur la progression des cotisations et sur le déficit du régime général mais l’effort sur la dépense permettra de limiter cette dégradation à 2 milliards d’euros. Pour l’assurance maladie, l’accroissement de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, est fixé à 3,3 % pour chaque année d’ici à 2012. Ce chiffre nous permet d’éviter deux écueils : l’optimisme de façade, qui est d’afficher par facilité un objectif que l’on sait impossible à atteindre, et la résignation, qui est de laisser les dépenses croître plus vite que les ressources.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n’en est pas question !

M. Éric Woerth, ministre. La tenue des dépenses en 2008 en témoigne, il existe une voie médiane : l’ambition peut être réaliste, quand on s’en donne les moyens, et le taux de 3,3 % me semble répondre à ce critère.

Mais pour aller vers l’équilibre de l’assurance maladie,…

M. Guy Fischer. En 2011 ? En 2012 ?

M. Éric Woerth, ministre. … il nous faut consentir collectivement un effort gigantesque. Nous ne résorberons pas les déficits de l’assurance maladie par la seule intervention de la loi, j’en suis convaincu – sinon, nous y serions déjà parvenus ! –, mais nous le ferons par des changements de comportement et par une action puissante et sans relâche des gestionnaires. Je n’accepte pas de faire passer l’efficacité par pertes et profits sous prétexte que seule la qualité compte ; et la situation conjoncturelle n’est pas en cause : il est possible d’allier qualité et efficacité.

Nous aurons naturellement l’occasion de discuter prochainement en détail le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement y prend toutes ses responsabilités : il reprend la dette du régime des salariés comme des exploitants agricoles, il apporte des recettes nouvelles à l’assurance maladie comme à l’assurance vieillesse, il fixe des objectifs de dépenses réalistes.

L’État peut-il faire plus ? Oui, en plaçant chaque gestionnaire – des partenaires sociaux aux personnels soignants, du Gouvernement aux caisses d’assurances maladie – face à ses responsabilités, afin que son seul souci soit de respecter les objectifs qui lui ont été fixés. Il ne faut plus considérer que le dépassement de l’ONDAM va de soi, qu’il résulte d’une sorte de droit non écrit.

Cet effort de réduction de la dépense publique marqué dans la durée est un apport majeur de la loi de programmation. En avons-nous fait assez ? En avons-nous fait trop ? Comme pour un avion, il faut calibrer l’effort pour un atterrissage réussi ! Avec une baisse trop brutale, notamment en période de crise – c’est vrai pour les dépenses de la sécurité sociale comme pour les dépenses de l’État – on risque la dépressurisation et l’accident. L’effort que nous entreprenons est régulier, il est calibré pour la période que nous traversons : plus brutal, il serait dangereux ; il favoriserait non pas la reprise, mais la « recrise ».

Surtout, la maîtrise des dépenses ne doit pas se réaliser au détriment des dépenses prioritaires, celles qui nous permettront précisément de traverser la crise et de profiter au mieux de la reprise à venir. La recherche et l’enseignement supérieur, le « Grenelle de l’environnement », la valorisation du travail sont au cœur de ce budget pluriannuel : ces investissements sont véritablement porteurs de l’avenir et donc de la sortie de crise.

Des moyens sans précédent sont dégagés pour la recherche et l’enseignement supérieur : ils représentent 1,8 milliard d’euros supplémentaires par an. Ils permettront le financement des chantiers engagés par le Gouvernement et voulus par le Président de la République : autonomie des universités, excellence de la recherche publique et dynamisation de la recherche privée.

L’effort en faveur de l’investissement civil, en particulier des infrastructures, augmentera de près de 6 % en 2009. Au total, en tenant compte des partenariats public-privé, les investissements dans les infrastructures devraient quasiment doubler entre 2007 et 2012.

Concernant les recettes, je l’ai dit, nous ne compenserons pas la faiblesse de la conjoncture par des hausses d’impôts. Faut-il pour autant bloquer toute évolution de la fiscalité et camper dans l’immobilisme ?

Évidemment, non ! Mme Christine Lagarde y reviendra dans le détail lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, mais les mesures fiscales qui y sont proposées sont globalement équilibrées. Sauf à être immobiles, nous devons accepter que certains impôts augmentent, parce que c’est l’intérêt général, pour que d’autres diminuent.