compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 6 novembre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 55, 2008-2009) et déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les prélèvements obligatoires ;

(La conférence des présidents a décidé de joindre le débat sur les prélèvements obligatoires à la discussion générale de ce projet de loi ;

À la suite des représentants des commissions des finances et des affaires sociales (dix minutes pour chacun d’eux), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits) ;

Après la réponse du Gouvernement aux orateurs des groupes aura lieu un débat organisé sous la forme de questions-réponses (UMP et Socialiste : quatre questions chacun ; UC, CRC et RDSE : deux questions chacun ; NI : une question). La durée de discussion de chaque question est limitée à cinq minutes réparties de façon égale entre l’auteur de la question et le Gouvernement ;

Les délais limite pour les inscriptions de parole et le dépôt des amendements sont expirés).

Mercredi 12 novembre 2008 :

À 16 heures et le soir :

1°) Sous réserve de l’entrée en application de la résolution, adoptée par le Sénat le 29 octobre 2008 et soumise au Conseil constitutionnel, modifiant l’article 3 du règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l’organe dirigeant du Sénat, élection de deux vice-présidents du Sénat ;

(Le scrutin secret pour l’élection de deux vice-présidents du Sénat se déroulera dans la salle des conférences et sera ouvert pendant une heure ;

Les candidatures devront être déposées au service de la séance, à onze heures, le mercredi 12 novembre 2008) ;

Ordre du jour prioritaire

2°) Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (n° 80, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 12 novembre 2008 à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant onze heures, le mercredi 12 novembre 2008).

Au plus tard à 19 heures : Désignation de secrétaires du Sénat

(Sous la présidence de M. Gérard Larcher, président du Sénat, les présidents de groupe et le délégué des sénateurs non-inscrits se réuniront dans le cabinet de départ le même jour à l’issue de la proclamation du résultat du scrutin pour l’élection des deux vice-présidents afin de dresser la liste des candidats selon le principe de la répartition proportionnelle des sièges).

Jeudi 13 novembre 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

(La conférence des présidents a décidé d’organiser un débat thématique sur « L’hôpital en question », avant le début de la troisième partie du projet de loi « Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2009 » ;

À la suite du rapporteur de la commission des affaires sociales (dix minutes), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes pour chaque groupe et cinq minutes pour les sénateurs non-inscrits) ;

Après la réponse du Gouvernement aux orateurs des groupes aura lieu un débat organisé sous la forme de dix questions-réponses avec droit de réplique de l’auteur de la question (UMP et Socialiste : trois questions ; UC, CRC, RDSE et NI : une question) (question : deux minutes trente; réponse : deux minutes trente ; réplique : une minute) ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 12 novembre 2008) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Lundi 17 novembre 2008 :

À 10 heures :

1°) Quatorze questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 289 de Mme Anne-Marie Payet à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer ; (Conditions d’accès à l’activité de transporteur public routier de personnes) ;

- n° 292 de M. Roland Courteau à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ; (Rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple) ;

- n° 315 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ; (Fièvre catarrhale ovine) ;

- n° 316 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale ; (Réforme de la formation des maîtres) ;

- n° 317 de M. Michel Teston à M. le ministre de l’éducation nationale ; (Avenir du réseau des GRETA) ;

- n° 320 de M. Christian Cambon à M. le secrétaire d’État chargé des transports ; (Déviation de la RN 19) ;

- n° 321 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; (Régime indemnitaire des membres de la commission nationale de déontologie et de sécurité) ;

- n° 322 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; (Avenir du CREPS de Houlgate) ;

- n° 326 de M. Alain Anziani à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ; (Avenir de l’usine Ford Aquitaine Industrie de Blanquefort) ;

- n° 329 de Mme Christiane Demontès à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; (Avenir de la gynécologie médicale) ;

- n° 331 de M. Michel Billout à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ; (Maintien de l’activité aéronautique en Seine-et-Marne) ;

- n° 335 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ; (Fiscalité des coopératives dans l’Union européenne) ;

- n° 337 de Mme Odette Terrade à M. le secrétaire d’État chargé des transports ; (Réalisation urgente et effective des travaux de déviation de la RN 19) ;

- n° 341 de Mme Dominique Voynet à Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice ; (Instructions judiciaires impliquant des agents des forces de police) ;

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Mardi 18 novembre 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

À 16 heures et le soir :

2°) Éloge funèbre d’André Boyer ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

À partir de 18 heures :

- Désignation des 36 membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

(Les candidatures présentées par les groupes à cette délégation devront être remises au service de la séance au plus tard le jour même à seize heures trente).

Mercredi 19 novembre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Du jeudi 20 novembre au mardi 9 décembre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2009 (A.N., n° 1127) ;

(Le calendrier et les règles de la discussion budgétaire figurent en annexe.

Pour la discussion générale, la conférence des présidents a décidé de fixer à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 19 novembre 2008).

En outre,

Jeudi 27 novembre 2008 :

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de leur dépôt :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ;

3°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux revenus du travail ;

À 15 heures :

4°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures).

Mardi 9 décembre 2008 :

Ordre du jour prioritaire

Le soir :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen ;

(Les modalités d’organisation de ce débat seront réglées ultérieurement).

La conférence des présidents a également retenu les dates des séances de questions d’actualité au Gouvernement et de questions orales, ainsi que les dates des séances mensuelles réservées pour les mois de janvier et février 2009.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?…

Ces propositions sont adoptées.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012
Discussion commune d'un projet de loi déclaré d'urgence et débat sur une déclaration du Gouvernement

Programmation des Finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence et débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (nos 55, 78 et 71) et une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Sur la proposition de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, la conférence des présidents a décidé de joindre le débat sur les prélèvements obligatoires à la discussion générale de ce projet de loi.

Dans la discussion commune, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012
Rappel au règlement

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, pour la première fois, le Gouvernement présente au Sénat un projet de loi de programmation des finances publiques. Annoncée par le Président de la République et votée par le Parlement, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré cette nouvelle catégorie de loi appelée à définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques ».

Mon collègue Éric Woerth évoquera dans quelques instants l’effort sans précédent sur la dépense que le Gouvernement entend mettre en œuvre au cours des prochaines années pour assainir les comptes publics. Il ne s’agit pas seulement d’un exercice que nous devons à nos partenaires européens ; seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants, et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde.

J’aimerais concentrer mon intervention sur le contexte macroéconomique actuel et à venir. Ce contexte, par la force des choses, va affecter profondément les modalités d’assainissement des comptes publics. Avec une croissance à deux chiffres, il est bien sûr beaucoup plus facile de rétablir les comptes publics.

Notre économie traverse une période historiquement difficile. Ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est un texte de crise. La crise financière actuelle – même si chacun a son appréciation et que vous n’êtes peut-être pas tous d’accord avec moi – est une crise des abus, des excès. Je n’y reviendrai pas : excès de crédit, excès d’endettement, excès de complexité, excès de cupidité, excès de volatilité, excès d’irrationalité.

La mobilisation et la rapidité des pouvoirs publics pour y répondre, partout en Europe, ont été exceptionnelles. Grâce notamment à l’implication forte du Président de la République, la France, qui assure la présidence de l’Union européenne, a joué tout son rôle et assumé toutes ses responsabilités en mobilisant toutes les énergies.

Dès la mi-octobre, cette mobilisation a pris en France la forme d’un plan de soutien pour sauvegarder l’accès au crédit des entreprises, donc pour sauvegarder l’emploi. C’est un plan de soutien non pas des banques mais de l’économie.

Des plans du même type ont été mis en œuvre dans plus de quatorze pays européens, notamment en Espagne, en Grande-Bretagne, en Allemagne. Les premiers effets de ces plans sont visibles : le niveau des désordres et de la méfiance sur le marché des prêts a commencé doucement à refluer, comme en témoigne l’examen des taux d’intérêt, de l’Euribor, des variations de spread.

Avant de vous indiquer très précisément la révision à la baisse des perspectives officielles de croissance pour 2009 et 2010, je voudrais vous exposer l’analyse de la situation macroéconomique réalisée par le Gouvernement.

La croissance a déjà été négative au deuxième trimestre de l’année 2008 dans toute la zone euro, avec un taux de moins 0,2%. Elle s’établit à moins 0,3% en France. C’est le prix de l’envolée du cours du pétrole et de l’ensemble des matières premières, ainsi que de la variation de l’euro au cours de l’hiver 2007-2008. L’activité s’est aussi repliée en Allemagne – moins 0,5 % –, en Italie – moins 0,3 % – et au Japon - moins 0,7 %. Au troisième trimestre, les États-Unis ont aussi enregistré une croissance négative de moins 0,1 %.

Au début du mois de septembre, notre hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1 % pour 2009 était déjà la plus basse hypothèse de croissance depuis vingt-quatre ans : c’est dire que nous n’étions alors pas particulièrement optimistes ! Depuis lors, nous le savons, les événements se sont précipités et la crise financière internationale a considérablement affecté l’économie de tous les pays, mais plus particulièrement, dans un premier temps, celle des pays développés.

Les effets de cette crise financière internationale commencent déjà à se faire sentir. Ils devraient perdurer pendant plusieurs trimestres. Même si la réponse de l’ensemble des pays européens – entraînant d’ailleurs une révision de la réponse américaine – a été prompte, pertinente et pionnière, ramenant graduellement la confiance, cette crise laissera des séquelles durables sur nos économies réelles.

Face à ce choc d’une ampleur et d’une nature inédites, la situation économique et financière de l’Europe n’est pas assimilable, loin s’en faut, à celle des États-Unis.

Le dire n’est pas faire preuve d’optimisme béat. C’est simplement ce qui résulte de l’analyse de la réalité des faits. Les désordres interbancaires sont plus élevés aux États-Unis et, à un moindre degré, en Grande-Bretagne. Cela tient, on le sait, à la structure du système bancaire et au mode de régulation qui s’y applique.

En Europe, les agents restent solvables et, surtout, ils sont endettés à taux fixe, contrairement à la situation d’endettement des ménages américains.

Le taux d’endettement des Européens est inférieur en moyenne à 100 % ; celui des ménages français s’élève à 93,6 % selon les derniers chiffres connus pour 2007. Le taux d’endettement dans le continent nord-américain est proche de 130 %.

L’ajustement immobilier, dont on sait très bien qu’il a joué un rôle très important dans le déclenchement et l’amplification des effets de la crise financière, est beaucoup plus graduel en France et en Allemagne qu’outre-Atlantique et dans certains pays de l’Union européenne, qui avaient fondé leur développement économique en particulier sur celui du secteur immobilier.

Compte tenu de leur modèle d’activité, les banques européennes – même si elles ont dû enregistrer des pertes importantes - sont moins exposées aux activités de marché, leurs revenus provenant majoritairement d’activités de clientèle.

Tout cela suggère une meilleure capacité à résister au choc financier majeur auquel sont soumises toutes nos économies.

Par ailleurs, des éléments favorables sont aussi intervenus dans l’ensemble de nos économies, mais plus particulièrement dans les économies européennes. Une analyse non partisane ne peut pas les passer sous silence, quoi qu’on en pense. Il suffit d’examiner les chiffres.

Le prix du baril de Brent a chuté en deçà de 70 dollars, soit moins de la moitié du pic de 148 dollars atteint en juillet. Au moment de la finalisation du projet de loi, en septembre, le baril était encore à 100 dollars, un cours qui a servi d’hypothèse à la constitution du texte transmis à l’Assemblée nationale.

Cette hypothèse doit être revue aujourd’hui à 72 dollars, le cours moyen du baril en octobre.

Le texte du projet de loi de finances tablait sur une inflation de 2,0 % en 2009, ce qui semblait tout à fait raisonnable à l’époque où nous avons établi ces prévisions.

Compte tenu de ces reflux en termes de prix des matières premières, notamment du baril, le Gouvernement va devoir amender le projet de loi qui vous est soumis en retenant une hypothèse d’inflation ramenée de 2 % à 1,5 % pour 2009.

L’euro est passé au-dessous de 1,30 dollar, après avoir atteint un pic de 1,60 dollar à la mi-juillet. Le texte du projet de loi de finances tablait sur un taux de change de 1,45 dollar. L’hypothèse de change du projet de loi de finances doit être revue.

De la même manière que nous revoyons l’inflation, nous revoyons l’hypothèse concernant le taux de change de l’euro par rapport au dollar, en le ramenant de 1,45 à 1,33 dollar, cours moyen de l’euro en octobre. Il ne s’agit pas, en matière de prévision, de faire du mark to market, mais il est évident que nous devons nous adapter à la réalité des faits.

Cette évolution va contribuer à soutenir les exportations et donc, nous l’espérons, la croissance au cours des prochains mois.

Après avoir révisé certains des paramètres retenus pour la construction de nos prévisions – l’inflation, le taux de change–, venons-en maintenant à la révision à la baisse des hypothèses de croissance pour 2009 et 2010.

Le texte du projet de loi de finances, qui a été transmis début octobre au Parlement et dont le volet relatif aux recettes a été arrêté début septembre, a été bâti sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1 % en 2009, hypothèse la plus basse depuis vingt-quatre ans.

Si l’on prend en compte les effets défavorables de la crise financière d’un côté, les facteurs de soutien avec l’affaiblissement de l’euro, l’affaissement du prix du baril, la baisse de l’inflation de l’autre, au total les effets sur la croissance des bouleversements récents seront clairement défavorables.

Je l’avais déjà annoncé à l’Assemblée nationale le 20 octobre ; je le confirme devant la Haute Assemblée : la croissance en 2009 sera établie sur la base d’une fourchette qui nous paraît réaliste compte tenu des faits. Je suis confortée dans cette appréciation par les échanges que j’ai pu avoir lors de la réunion de l’Écofin avec l’ensemble de mes partenaires européens qui représentent, je vous le rappelle, plus de 60 % de nos échanges.

J’annonce donc que la croissance en 2009 pourrait s’établir dans une fourchette comprise entre 0,2 % et 0,5 % du produit intérieur brut. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Et voilà !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avions une prévision très faible, à 1 %, la plus faible depuis vingt-quatre ans. Nous la révisons pour la situer, je le répète, entre 0,2 % et 0,5 %.

Certains apôtres nous indiqueront que ce sera moins.

Mme Nicole Bricq. Ce sera plus bas !

M. Guy Fischer. C’est la réalité !

Mme Christine Lagarde, ministre. Par contrecoup, puisque, vous le savez, nous travaillons sur une base pluriannuelle, nous révisons également notre prévision de croissance pour l’année 2010, en la ramenant de 2,5 % à 2 %.

Le Gouvernement a souhaité que cette révision à la baisse intervienne un peu avant la mi-novembre, comme initialement prévu, par respect pour votre Haute Assemblée,…

Mme Christine Lagarde, ministre. … afin qu’elle puisse disposer de l’ensemble des données nécessaires à son examen, avec un regard réaliste sur la situation économique et les prévisions que l’on peut en tirer.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement soumettra les amendements à ce projet de loi qu’implique cette hypothèse.

Je souhaite tout particulièrement le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que, dans la situation actuelle, les anticipations des agents ont plus que jamais un effet sur la croissance. Tous les économistes, qu’ils soient de droite, de gauche, libéraux, conservateurs, keynésiens, friedmaniens et autres le disent, les anticipations sont déterminantes.

À cet égard, le rôle que nous jouons est important.

Il faut donc bien réfléchir avant de suivre certains instituts de sondages dans leur course effrénée à la révision des hypothèses de croissance, avec des estimations modifiées toutes les semaines et dans de grandes proportions, évoquant ces mécanismes de mark to market appliqués aux actifs d’un certain nombre de bilans. Il faut raison garder.

Des experts brûlent en effet aujourd’hui ce qu’ils adoraient encore hier, compromettant ainsi leur crédibilité.

Dans le contexte actuel, qui n’a pas de précédent dans l’histoire, ce gouvernement se doit d’être particulièrement responsable dans la fixation de son hypothèse de croissance, et ne pas se laisser guider par ceux qui cèdent à la mode du négativisme.

Ma prévision de croissance, que je viens de vous exposer, mesdames, messieurs les sénateurs, est lucide. Elle est la plus basse jamais retenue par un gouvernement en France. À situation exceptionnelle – ce que chacun s’accorde à reconnaître –, prévision exceptionnelle.

Cette prévision de croissance ne se laisse pas aveugler par la technique des modélisateurs de tout poil. La situation actuelle n’est comparable à aucune autre. Les leçons du passé ne sont pas d’un grand secours aujourd’hui.

Je vois surtout, à ce stade, deux certitudes économiques.

En premier lieu, la zone euro est structurellement mieux placée que les États-Unis pour traverser la crise. C’est d’ailleurs ce que pensent les marchés financiers : le niveau de méfiance sur le marché des prêts entre banques est nettement plus élevé aux États-Unis qu’en Europe.

Et je peux vous dire, pour avoir participé à la réunion de l’Écofin avant-hier, que de nombreux pays européens à qui l’on aurait proposé de rentrer dans la zone euro voilà quelques mois et qui, avec un œil ironique, auraient probablement dit non, …

M. Alain Gournac. En effet !

Mme Christine Lagarde, ministre. …sont aujourd'hui beaucoup plus lucides, estimant que, finalement, l’appartenance à la zone euro procure un certain nombre d’avantages en matière de stabilité.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. Donc, la zone européenne et la zone euro en particulier présentent des caractères structurels de meilleure solidité, ce que les marchés eux-mêmes apprécient.

En second lieu, la France a mis en œuvre d’importantes réformes structurelles dès l’été 2007 pour réhabiliter le travail et renforcer l’investissement. Ces réformes s’inscrivent parfaitement dans la stratégie de Lisbonne à laquelle nous adhérons.

Les deux axes de notre politique économique continueront de dicter les réformes à venir et leur mise en œuvre. Il s’agit, je le rappelle, de réhabiliter le travail et de renforcer l’investissement, dans une démarche d’amélioration de la productivité et de la compétitivité de l’économie française.

J’aborderai brièvement deux points concernant notre réponse de politique économique.

Tout d’abord, en réponse à la crise financière, la réponse d’urgence a consisté à rétablir le mécanisme de financement de l’économie.

À cette fin, nous avons pris des mesures pour réouvrir les circuits qui étaient bloqués et mettre fin à cette situation de thrombose qui risquait d’étouffer l’économie, en empêchant les entreprises d’investir et en les amenant à avoir une appréciation négative sur leur avenir.

Ce plan comportait deux volets, dont le premier visait à alimenter les banques en liquidités pour que l’économie continue à être financée.

Il s’agissait pour l'État, d’une part, d’engager sa signature pour aller emprunter sur un marché où les liquidités sont nombreuses, mais rétives et méfiantes à l’égard des acteurs traditionnels et, d’autre part, de prêter ces liquidités en répercutant l’ensemble des coûts et des taux supportés par l'État lorsqu’il emprunte, et au-delà puisqu’il doit également faire rémunérer sa garantie.

Ce dispositif de refinancement par le biais de la Société française de refinancement de l’économie vient compléter le refinancement bancaire de court terme qui n’a cessé d’être assuré par les interventions de la Banque centrale européenne.

Le second volet de notre plan de soutien consistait à renforcer les fonds propres des organismes financiers. Une société détenue par l’État pourra souscrire à des émissions de titres subordonnés ou d’actions de préférence des banques pour renforcer leurs fonds propres, dans la limite, que vous avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, de 40 milliards d’euros.

À cet égard, je souhaite préciser la raison pour laquelle l'État français n’est pas intervenu dans le capital des banques françaises. L’intervention d’un État pour participer au capital d’une banque est indispensable lorsqu’une banque se trouve en situation de détresse totale et sur le point de déposer son bilan, afin de redresser l’établissement, comme cela a été le cas dans un certain nombre d’États. En Grande-Bretagne, le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de le faire pour certaines banques britanniques, mais pas pour toutes.

Puisque les banques françaises disposent d’un capital de solidité suffisante, l’intervention de l'État à ce niveau n’est pas utile. Les titres subordonnés permettront de renforcer les quasi-fonds propres – Tier one – des organismes financiers et de développer le financement de l’économie au-delà même de leur contribution jusqu’à présent, puisque nous leur avons demandé de prendre des engagements à plus 3 %, voire plus 4 % du financement de l’économie.

Après avoir consolidé les circuits financiers et permis la réouverture de ces conduits, il nous faut prendre des mesures pour que les secteurs de l’économie, tels que les PME, continuent d’avoir accès au crédit.

C’est la logique des prêts de la Banque européenne d’investissement, à qui nous avons demandé d’augmenter de 50 % ses prêts aux petites et moyennes entreprises. Ce dispositif, qui résulte d’une initiative française, a été mis en œuvre en l’espace de trois semaines. C’est une performance qui illustre la mobilisation de toute l’Europe au service des PME.

À l’échelon national, nous avons mis en place un plan de soutien de 22 milliards d’euros, annoncé dès le début du mois d’octobre par le Président de la République, et qui est maintenant opérationnel.

Ce plan comprend un montant de 17 milliards d’euros correspondant à un surcroît d’épargne collectée par les livrets d’épargne populaire et les livrets de développement durable et 5 milliards d’euros mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations ou levés par OSEO dans le cadre des mécanismes de garantie ou de cofinancement.

Ensuite, la réponse de politique économique à la crise financière ne se limite pas aux mesures d’urgences. Elle a aussi amené le Gouvernement à approfondir les réformes structurelles introduites depuis l’été 2007 et, surtout, à accélérer leur mise en œuvre.

Les mesures annoncées par le Président de la République au cours des dernières semaines s’inscrivent dans la droite logique de notre politique économique, qui consiste toujours, je le rappelle, à renforcer la compétitivité de notre économie, en mobilisant les deux facteurs de production fondamentaux, le travail et l’investissement.

Il s’agit, d’abord, de réhabiliter la valeur travail. Nous nous y sommes attelés dès juillet 2007.

Je vous passe l’ensemble des mesures concernant le travail, l’emploi, et le pouvoir d’achat, mesures que vous connaissez bien pour les avoir, pour certains, soutenues ardemment et, pour d’autres, vilipendées en les caractérisant de manière souvent abusive.