M. Bernard Cazeau. C’est à ce niveau qu’il faut agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est bien l’un des objectifs de la loi, et un certain nombre de mesures sont prévues !

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, c’est même un record sur le plan européen ! La situation ne prête véritablement pas à rire ! Selon l’OCDE, c’est d’ailleurs l’une des principales raisons expliquant notre retard de croissance.

Dans le même temps, le patronat plaide de son côté pour l’amplification d’un tel phénomène par le recours aux « mesures d’âges » pour faire face à la crise ! Dans l’automobile, par exemple, où l’annonce de plans sociaux est imminente, se préparent de nombreux départs anticipés moyennant indemnités. Nous nageons donc en pleine hypocrisie !

M. Bernard Cazeau. À la retraite imaginaire à soixante-dix ans, nous préférerions, pour notre part, le travail effectif entre cinquante et soixante ans ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais c’est bien ce que dit Xavier Bertrand !

M. Bernard Cazeau. Nous ne voyons rien, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui soit de nature à préparer un amortissement de la tendance. Le Gouvernement aura beau se voiler la face, la question des cotisations doit être posée, de même que celle du Fonds de réserve pour les retraites, dont l’abondement ne fait l’objet d’aucun coup de pouce dans ce projet de loi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Belle idée !

M. Bernard Cazeau. Dominique Leclerc le note d’ailleurs fort justement dans son rapport relatif au volet vieillesse.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Rien ne lui échappe ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeau. À trop laisser s’effondrer le système, on finira par le rendre impossible à redresser. N’est-ce pas, monsieur le président de la commission des affaires sociales ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce sera difficile !

M. Bernard Cazeau. « Épargne individuelle ! », prônait la loi Fillon, en guise de porte de sortie devant le bouleversement démographique. On a vu ce qu’il en était des placements adossés aux valeurs boursières quand les marchés se retournent ! Le contexte ne plaide-t-il pas, au contraire, pour un sursaut collectif en vue de sauver les retraites par répartition ?

La seule mesure de renflouement que vous proposez consiste en une translation de produits de l’assurance chômage vers la branche vieillesse. Mais ce jeu à somme nulle et de courte vue ne règle pas les déséquilibres. Pire, il fragilise la couverture chômage alors que s’annonce une baisse de l’emploi.

Enfin, je ferai une remarque au sujet de l’étatisation des retraites agricoles, qui ne figureront plus dans le compte isolé du FFIPSA, appelé à disparaître. Nous souhaitons que cette prise de compétence témoigne de la volonté du Gouvernement de revaloriser sensiblement et rapidement les pensions des non-salariés agricoles et des conjoints, après plusieurs années d’inaction en ce domaine, depuis le coup de pouce donné par le gouvernement de Lionel Jospin.

M. Éric Woerth, ministre. Toujours des dépenses !

M. Bernard Cazeau. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est décevant.

Il pare au plus pressé, tente de camoufler l’impact de la crise sur nos ressources, promet des économies bien incertaines. Bref, il ne règle rien, ou si peu…

Après cinquante ans d’extension de la couverture sociale des Français, il amplifie la tendance au reflux, à l’individualisation de la protection sociale amorcée en 2003.

Je veux rappeler que les sénateurs socialistes préféreront toujours la résolution collective des difficultés, car les cotisations sont fixées en fonction du revenu tandis que les assurances personnelles n’en tiennent pas compte, ce qui est en contradiction avec l’esprit mutualiste et la solidarité générationnelle. La tarification au risque, à l’âge, voilà ce que votre politique promeut en poussant toujours plus à l’assurance individuelle.

Ce que vous faites porte un nom : le désengagement de la sécurité sociale.

Ce que vous faites a une conséquence : les Français paient de plus en plus de leur poche pour leur santé ou leur retraite.

Ce que vous faites comporte un risque : la sécurité sociale à deux vitesses.

M. François Autain. Deux au minimum !

M. Bernard Cazeau. Rappelez-vous les fondements de notre système : la mutualisation des risques et le transfert du risque individuel vers la prise en charge collective !

Qui peut se payer une greffe du poumon à 100 000 euros ? Personne. Seule la collectivité le peut.

Qui peut se payer un droit au répit après une vie de travail au SMIC ? Personne. Seule la collectivité le peut.

M. Bernard Cazeau. Voilà ce que vous devriez vous attacher à garantir ! Or, avec ce texte, le compte n’y est pas.

Devant un projet quasi-fictif, un projet subi plus que maîtrisé, un projet déboussolé, sans cap, nous ne pourrons que voter contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle aux membres de la commission des affaires sociales que nous devons nous réunir pour travailler pendant l’heure du repas.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Boyer.

Mon cher collègue, je vous remercie par avance de la rigueur avec laquelle vous respecterez votre temps de parole.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, reconnaissons que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est placé sous le double signe de l’incertitude et de la difficulté.

L’hypothèse d’une croissance de la masse salariale de 3,5 %, retenue par le Gouvernement pour bâtir ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, était déjà très pessimiste. Or, malgré son pessimisme, cette hypothèse pourrait même ne pas être atteinte. Mme la ministre de l’économie et des finances a elle-même annoncé que la croissance ne dépasserait pas 0,5 %. À quel point la croissance de la masse salariale en sera-t-elle affectée ?

Il est probable que les salaires ne progresseront pas plus que l’inflation, qui devrait être ramenée à 2 %. Nous serions alors loin des 3,3 % de croissance des salaires attendus par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Quant à l’emploi, il pourrait chuter fortement et non croître de 0,2 %, comme le prévoient les auteurs du projet.

Dans ces conditions, les déficits sociaux repartiraient à la hausse, en dépit du plan à la fois innovant et ambitieux proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Mais, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a écrit un célèbre aviateur français décédé dans les cieux de Provence en 1944, « on ne peut être à la fois responsable et désespéré ».

Oui, ce projet de loi est ambitieux ! Près de 6 milliards de redressement du compte tendanciel du régime général, c’est ambitieux. Pour mémoire, la loi de financement pour 2008 ne redressait cette tendance que de 4 milliards d’euros.

Grâce à ce plan, le déficit du régime général devrait pouvoir être maintenu à près de 9 milliards d’euros, c’est-à-dire à son niveau de 2006, au lieu d’exploser à 15 milliards d’euros.

Nous sommes malheureusement encore loin du retour à l’équilibre. Mais force est de constater qu’un coup d’arrêt à l’emballement des déficits est donné. Ce coup d’arrêt est d’autant plus louable que la conjoncture est, nous le savons tous, mauvaise. Mais il pourrait, hélas, ne pas être longtemps soutenable si l’on considère la tendance structurelle à la dégradation des comptes sociaux. Oui, ce n’est un secret pour personne, l’évolution structurelle des soldes sociaux est très défavorable.

Conséquence de ce constat : ce n’est pas avec des réformes paramétriques et des replâtrages conjoncturels purement comptables que l’on renouera avec l’équilibre en matière de comptes sociaux.

Autrement dit – c’est le bon sens – à problèmes structurels, solutions structurelles.

Quelles solutions structurelles ? Un consensus semble aujourd’hui se dessiner sur une triple nécessité.

Premièrement, côté ressources, il est indispensable de repenser le financement du système.

Deuxièmement, côté dépenses, une vraie médicalisation de la dépense d’assurance maladie, notamment liée à une réforme structurelle de l’hôpital, s’impose.

Troisièmement, nous pensons depuis longtemps, comme le rapporteur Dominique Leclerc, qu’une réforme paramétrique des retraites n’est pas suffisante pour assurer la pérennité du système par répartition.

Or, toutes ces réformes structurelles, nous les voyons enfin poindre à l’occasion et dans la perspective de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, au fil des projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions pris l’habitude de dénoncer rustines comptables et fusils à un coup sans vision d’ensemble.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sanctionne manifestement l’abandon de cette logique regrettable. Reconnaissons-le, il nous semble bien différent de ses prédécesseurs en ce sens qu’il est un texte de rupture.

Des axes clairs s’en dégagent : l’assainissement des comptes, la sécurisation des recettes et la maîtrise médicalisée des dépenses, des axes qui, sans aller encore assez loin parfois, n’en révèlent pas moins la mise en place d’une vraie stratégie, à laquelle nous ne pouvons que souscrire.

Revenons rapidement sur chacun de ces axes.

Le premier, l’assainissement des comptes, nous l’attendions depuis longtemps, en particulier la reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, CADES, des 27 milliards d’euros de dette cumulée par l’assurance maladie, l’assurance vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse. C’est exactement ce que ma collègue Muguette Dini réclamait lors de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

En pesant sur la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, cette dette coûtait plus d’un milliard d’euros de frais financiers aux assurés sociaux. Cet effort de clarification, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas neutre !

Clarification toujours, avec la suppression du Fonds de financement des prestations sociales agricoles et le transfert de son déficit cumulé à l ’État. Je crois, chers collègues, que c’est une donnée très importante à prendre en compte.

Clarification, enfin, avec le transfert du financement par la Caisse nationale des allocations familiales de l’intégralité des majorations de pensions pour enfants. Certes, ces majorations abondent la pension, mais leur raison d’être relève tout de même exclusivement de la politique démographique assumée par la branche famille. Un tel transfert nous paraît donc logique.

Toutefois, curieusement, la logique de clarification suivie par le présent texte est encore entachée de scories regrettables.

Ainsi, très paradoxalement, en clarifiant les grandes masses de la dette, on a complexifié son financement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Il aurait, en effet, été préférable à nos yeux que la caisse conserve la contribution au remboursement de la dette sociale comme ressource unique, quitte à ce que celle-ci soit relevée à 0,7 %, plutôt que de se voir affecter une part de contribution sociale généralisée.

Autre regret éprouvé par mon groupe : que l’article 22 porte non-compensation par le budget de l’État des pertes de recettes liées à certains dispositifs. C’est une survivance bien malvenue de pratiques du passé que nous n’avons eu de cesse de combattre. De même que, l’année dernière, Muguette Dini demandait la suppression de l’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui avait le même objet, nous demanderons, cette année, la suppression de l’article 22 du projet de loi.

L’effort de clarification réalisé dans le présent projet de loi de financement va de pair avec un effort de sincérité.

La sincérité, c’est surtout celle de l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, et de ses sous-objectifs. Ceux du présent projet de loi sont, reconnaissons-le, globalement réalistes, contrairement à ceux qui nous avaient été présentés il y a seulement deux ans.

Si l’objectif de dépenses le plus important du projet de loi de financement de la sécurité sociale est crédible, l’effort de sincérité se retrouve également dans la volonté de mieux prendre en compte la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles pour le financement de cette branche.

J’en ai terminé avec le premier axe stratégique déterminé par la présente loi de financement.

Que dire des deux autres axes que sont la sécurisation des recettes et la maîtrise médicalisée des dépenses ?

Nous pensons que, même si certaines des mesures en relevant sont prises pour des raisons purement comptables, elles n’en posent pas moins des questions fondamentales auxquelles, tôt ou tard, il nous faudra répondre.

Ainsi en est-il de la principale mesure de recettes nouvelles visant à porter de 2,5 % à 5,9 % le taux de la contribution des organismes complémentaires au fonds de financement de la couverture maladie universelle. Cette mesure de recettes rapportera 1 milliard d’euros.

Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l’équité d’une telle disposition. Mais une chose est certaine : tôt ou tard, cette mesure sera reportée sur les cotisations.

Loin d’être un simple aménagement comptable, elle traduit donc un choix clair et lourd de conséquences : celui de ne plus toucher aux prélèvements obligatoires. Pour ne pas élever encore un peu plus les cotisations de base qui ont déjà atteint un niveau beaucoup trop haut, il est décidé de ne faire porter l’effort que sur certaines cotisations, celles des complémentaires.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean Boyer. Il s’agit de ne faire supporter le financement de la couverture maladie universelle complémentaire que par les assurés disposant eux-mêmes d’une complémentaire. Ce choix pourrait peser sur des assurés modestes, voire très modestes et les dissuader de conserver une mutuelle ou une assurance complémentaire.

Je termine, monsieur le président, soucieux de laisser aux collègues de mon groupe le temps de s’exprimer. Je ne m’étendrai pas sur la branche santé, ma collègue Muguette Dini développera ce point et Jean-Marie Vanlerenberghe y reviendra demain pour ce qui concerne plus spécifiquement l’hôpital.

Cela dit, le groupe de l’Union centriste a le sentiment que les principales briques d’une authentique médicalisation de la dépense sont en train de se mettre en place, certes trop lentement et trop timidement encore, mais la mutation est réelle et mérite d’être saluée.

Je n’aborderai pas non plus, comme j’avais prévu de le faire, le thème des retraites.

Venant d’un département qui vient de subir des inondations, je conclurai en disant qu’en ces périodes de turbulences vous savez, madame la ministre, adapter votre comportement. Comme le disait un marin, William Arthur Ward, « le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles » : nous connaissons votre personnalité, en particulier votre volonté, et nous savons que vous opterez pour la troisième solution ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, nous entamons le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans des conditions très particulières, dans la mesure où il intervient quelques semaines seulement avant l’examen d’un texte majeur, le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires ».

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi « déconnecté » de celui de ce texte dont il est pourtant imprégné, ne constituera qu’une simple « mise en bouche » par rapport à ce qui attend les malades, les personnels hospitaliers, les médecins et les professionnels de santé, qui savent déjà, d’expérience, que nous ne sommes pas tous égaux devant les soins.

Ils ne sont d’ailleurs pas dupes, ceux qui manifestent dans l’ensemble de la France contre la désertification médicale et la disparition d’hôpitaux de proximité, prélude à la création des communautés hospitalières de territoire, à la poursuite de la casse du service public hospitalier avec la suppression annoncée de 22 000 emplois, à sa privatisation sous l’égide des ARS, dirigés par des « superpréfets » aux pouvoirs exorbitants.

Je voudrais également relever l’insincérité majeure de ce texte du fait d’une sous-estimation de la crise et d’une surestimation de la croissance.

Voilà seulement quelques jours, le Premier ministre et M. Woerth, se départant de la langue de bois en usage depuis le début de la crise, ont en effet évoqué un taux de croissance pour 2009 compris entre 0,3 et 0,5 %, mais nous savons tous que ce taux risque même d’être négatif. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc construit sur la base d’un taux de croissance qui ne correspond plus à la réalité.

La Commission européenne vient, elle aussi, de revoir ses prévisions pour 2009, anticipant désormais une hausse proche de zéro dans la zone euro.

L’exécutif européen prévoit par ailleurs un creusement des déficits et une violente explosion du chômage l’an prochain. On parle de 180 000 à 200 000 chômeurs supplémentaires en 2009 en France, conséquence inéluctable de la crise financière et spéculative mondiale. Or le Gouvernement a bâti ce projet de loi sur la base d’une progression de la masse salariale surestimée, et d’ailleurs réajustée.

Chaque jour nous apporte son lot de plans sociaux, de salariés au chômage, d’intérimaires qui sombrent du jour au lendemain dans la précarité, de familles plongées dans le désespoir…

Mme Annie David. Exactement !

M. Guy Fischer. Madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, votre position n’est pas seulement indéfendable ; elle est parfois coupable et elle trahit un certain mépris pour les salariés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oh !

M. Guy Fischer. Alors que vous sous-estimez volontairement la crise et ses conséquences sur l’économie, l’emploi et le pouvoir d’achat, vous ne la mettez pas moins à profit, notamment avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour donner le ton des sacrifices que la population devrait consentir : poursuite de l’austérité – que l’on déguise à présent sous les séduisants vocables d’ « efficience » ou de « meilleure utilisation des moyens »… –, transferts entre branches pour tenter de cacher le déficit abyssal…

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le mot n’est pas approprié.

M. Guy Fischer. … des branches maladie et vieillesse, augmentation des exonérations de cotisations, étranglement de l’hôpital public, mise sous tutelle du secteur médicosocial, voilà la réalité, monsieur Vasselle !

M. Alain Vasselle. Un vrai cataclysme !

M. Guy Fischer. Alors qu’il faudrait penser et agir en termes de ressources pérennes – et non de réductions, au coup par coup et injustes dans leurs cibles, des dépenses –, donc d’emploi et de recouvrement des cotisations sociales, au moment où les cotisations assises sur les revenus du travail diminuent, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale crée encore des exonérations de charges.

Fondamentalement, c’est de ce sous-financement que souffre le système.

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Guy Fischer. En effet, pour 2009, les exonérations et les exemptions d’assiettes atteignent 42 milliards d’euros, dont 2,7 milliards d’euros d’exonérations demeurant à la charge de la sécurité sociale, 9,4 milliards d’euros constituant un manque à gagner du fait de l’exemption d’assiette.

Et que faites-vous dans ce texte pour améliorer la situation ? Vous refusez d’augmenter significativement la contribution sur les stock-options, sur les « retraites chapeaux » et les « parachutes dorés » !

M. Alain Vasselle, rapporteur. On les taxe, à l’article 13 bis !

M. Guy Fischer. Oui, mais comment ?

Le clou, c’est bien sûr, alors que l’on nous a répété que les caisses étaient vides, que vous trouviez dans le même temps 40 milliards d’euros et, au total, 360 milliards d’euros pour renflouer les banques, coupables de spéculations hasardeuses ! Les victimes paieront pour les coupables…

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est un raccourci rapide !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles ne paieront pas pour les banques !

M. Guy Fischer. Pour revenir au financement de la sécurité sociale – quoique je ne pense pas m’être écarté du sujet dans mon propos –, je relève qu’il est marqué par l’accroissement de la dette, qui se reconstitue d’année en année faute de mesures radicales en termes de recettes pour la résorber durablement, et de nouveaux transferts vers la CADES, ce qui confirme la volonté du Gouvernement de fiscaliser le financement de notre système de protection sociale.

La dette, le déficit qui perdure, les exonérations de charges qui explosent, les ONDAM sous-évalués chaque année, les malades qui trinquent,…

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est apocalyptique !

M. Guy Fischer. … voilà la toile de fond de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale !

L’assurance maladie supporte l’essentiel des économies – 2,2 milliards d’euros en tout –, économies en vertu desquelles vous nous promettez de ramener le déficit à 3,4 milliards d’euros l’an prochain et de parvenir à l’équilibre en 2011, 2012 ou 2013…

Cependant, les patients sans médecin traitant seront pénalisés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tous les patients ont des médecins…

M. Guy Fischer. Les actes de kinésithérapie, d’orthophonie, d’orthoptie seront surveillés et étroitement encadrés. Les dépenses de médicaments à l’hôpital seront mises sous surveillance, notamment les plus coûteuses, comme si l’excellence n’était pas destinée à tous les patients !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est l’inverse : le but est de mieux soigner !

M. Guy Fischer. On en reparlera, madame la ministre !

Les prescriptions des médecins seront étroitement surveillées, et, comme toujours, vous criez haro sur les fraudeurs,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J’espère que tout le monde le fait !

M. Guy Fischer. … qu’ils soient médecins ou assurés, d’ailleurs surtout sur les assurés, en particulier sur les plus modestes et les plus précaires, bénéficiaires de la CMU,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sur tout le monde !

M. Guy Fischer. Non, et j’ai parlé à plusieurs reprises de la chasse à la fraude, de la chasse aux pauvres…

M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas la même chose !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les riches fraudent autant ou même plus !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne fait-on pas la chasse aux fraudeurs dans le département du Rhône ?...

M. Guy Fischer. Sachant qu’une absence de réponse dès le premier courrier conduit à considérer que l’assuré ne s’est pas manifesté dans un délai raisonnable, je crois que, si l’on s’attachait à lutter avec la même rigueur contre la fraude fiscale,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On le fait !

M. Guy Fischer. … qui représente, selon les évaluations, un montant fixé entre 20 milliards et 25 milliards d’euros par an, mais aussi contre les employeurs qui ne déclarent pas les accidents du travail et les maladies professionnelles, les choses iraient un peu mieux !

Près de quatre Français sur dix, soit 39 %, ont déjà renoncé à un soin ou l’ont retardé pour des raisons financières. Ce chiffre illustre bien les difficultés croissantes de nos compatriotes dans l’accès aux soins et les inégalités qui les frappent : inégalités sociales aujourd’hui avec les déremboursements, la progression des dépassements d’honoraires et les franchises ; inégalités territoriales qui risquent demain de se renforcer avec le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires ».

Après les franchises, vous prétendez ne pas vouloir taxer une nouvelle fois les assurés sociaux, mais vous omettez de parler de ce qui va indirectement les affecter : la taxation des organismes complémentaires sur leur chiffre d’affaires, qui, d’une manière ou d’une autre, va être prorogée pour financer la CMU complémentaire et l’aide à la complémentaire santé. Inévitablement, même si ce n’est pas en 2009, les cotisations, mutualistes notamment, augmenteront donc.

Et qu’en sera-t-il du remboursement des cures thermales, même si vous avez dit que rien ne bougerait ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faudra bien parler un jour des cures thermales !

M. Guy Fischer. Et bien, on en reparlera !

Qu’en sera-t-il de la prise en charge des ALD, qui deviendra peut-être la cible des nouvelles mesures de restriction les plus importantes ?

Vous entretenez à l’hôpital des déficits inacceptables, sur lesquels mon collègue François Autain reviendra demain matin à l’occasion du débat thématique sur l’hôpital, mais je voudrais cependant donner un exemple.

Dans mon département, les personnels du centre hospitalier spécialisé en psychiatrie Saint-Jean-de-Dieu – établissement dans lequel il manque soixante-dix-sept postes – manifestaient la semaine dernière après la sauvage agression d’une infirmière dans une unité particulièrement exposée – l’accueil des patients – où deux infirmières seulement veillaient sur douze nouveaux arrivants.

Madame la ministre, le projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires » remédiera-t-il à des drames qui démotivent les personnels ? Prendra-t-il en compte les carences qui deviennent critiques à l’hôpital public, particulièrement en psychiatrie ?

Quant à la médecine de ville, avec un ONDAM irréaliste, elle ne fait l’objet d’aucune mesure sérieuse de nature à permettre des avancées en matière d’accès aux soins, alors que les inégalités territoriales se creusent dangereusement, alors que les médecins généralistes désertent zones rurales et banlieues, fuyant une discipline pourtant primordiale que plus rien ne rend attractive et alourdissant de ce fait les charges de l’hôpital, particulièrement des urgences.

S’agissant des retraites, vous avez déjà perpétré un mauvais coup en ne les revalorisant que de 1,36 % ou 1,37 % en année pleine, ce qui est bien en deçà de la hausse des prix. Les retraités continuent donc à voir leur pouvoir d’achat diminuer.

De plus, vous instaurez, avec l’article 54, une revalorisation au 1er avril de chaque année contestable, dont nous entendons bien débattre.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale entérine le passage de quarante à quarante et une annuités pour une retraite à taux plein.

Non contents d’avoir ainsi berné les organisations syndicales, qui attendaient une clause de rendez-vous, vous jouez les provocateurs avec le fameux amendement visant à rendre possible la retraite à soixante-dix ans.

Avec quelle hypocrisie vous feignez également de favoriser le travail des seniors et le cumul emploi-retraite !

N’oublions pas que les cinquante-cinq ans et plus sont, en 2008, seulement 38,3 % à avoir du travail.

L’âge de départ à la retraite est implicitement remis en cause par de telles dispositions. Mais je pense, avec la CFE-CGC, dont j’ai apprécié certains arguments et que pour une fois je cite, que tout le danger réside dans le cumul emploi-retraite. S’il devient, selon ce syndicat, le « quatrième pilier de la retraite », il pourrait conduire à justifier une baisse du taux de remplacement.

N’oublions pas, en effet, qu’il n’existe aucune lisibilité, aucun engagement sur le taux de remplacement pour les salariés du privé. Serait-ce là le nouveau lapin que le ministre du travail s’apprête à sortir de son chapeau ?

De même, ces dispositions, qui, à mon avis, ne cumulent que les inconvénients, ont toutes les chances de faire glisser les rémunérations des salariés vers le bas, un jeune retraité étant enclin à accepter une moindre rémunération qu’un non-retraité.

Enfin, en acceptant ce cumul – la plupart du temps parce que la faiblesse de son pouvoir d’achat le lui impose –, le retraité mettra en danger sa santé et privera un salarié plus jeune ou un chômeur d’un emploi.

Même lorsque vous prétendez améliorer la réversion, en vertu d’une promesse du Président de la République, vous marchandez d’une façon inacceptable ! C’est même franchement caricatural lorsque vous en relevez le taux, d’ici à 2012, uniquement pour les personnes dont les « avantages personnels de retraite et de réversion servis par les régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires » n’excèdent pas 800 euros ! (Mme la ministre de la santé proteste.)

Certes, vous faites un geste en direction des retraités de l’agriculture les plus pauvres ; mais, là encore, le compte n’y est pas.