M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le tour d’horizon très complet que vient d’effectuer mon collègue Simon Sutour.

Je me permettrai de vous présenter quelques remarques sur l’un des théâtres d’action de l’intervention européenne : la politique industrielle, s’agissant en particulier de l’industrie automobile.

J’interviens le jour même où la Commission européenne s’apprête à annoncer des mesures sectorielles et conjoncturelles qui auront, je l’espère, des incidences budgétaires. Surtout, j’interviens au moment où l’ensemble des constructeurs européens, victimes, à des degrés divers, de la crise bancaire et des dérégulations boursières irresponsables, mais aussi d’une sensible baisse du pouvoir d’achat de leurs clients, enregistrent l’un des plus forts reculs des immatriculations de leur histoire et s’apprêtent à vivre une récession économique de très grande ampleur. À titre d’exemple, le chômage partiel sévit depuis plus d’un mois dans le bassin d’emploi de Montbéliard, où est implantée la plus grande entreprise de France.

L’Union européenne, il faut le rappeler, a toute légitimité pour sauver ce fleuron de l’industrie : d’une part, !a filière automobile emploie en amont et en aval près de 8 % de la population active ; d’autre part, elle est souvent concentrée dans des bassins d’emploi et de savoir-faire que l’Union européenne a tout intérêt à faire vivre et à développer. Enfin, les investissements dans les domaines de l’emploi, de la connaissance, de la formation et du développement durable correspondent à des objectifs visés tant par l’Union européenne que par l’industrie automobile. Les intérêts sont bien communs.

Outre la légitimité, l’Union européenne a aussi une responsabilité dans cette affaire, puisque le projet de réduction des émissions de CO2 d’ici trois à cinq ans doit permettre d’accompagner très rapidement les mutations de l’ensemble de la filière automobile vers des modèles propres. Il s’agit non pas d’opposer l’industrie automobile aux exigences environnementales, mais d’en faire des alliées au service de la croissance, de l’emploi et du développement régional.

Dans ce contexte, mes chers collègues, la réactivité du budget européen pour faire face à la violence de la crise du secteur automobile européen qui se manifeste depuis plus d’un mois et donner un coup d’accélérateur aux investissements du secteur est, il faut le dire, extrêmement décevante.

Les perspectives financières ne permettent pas suffisamment d’infléchir des politiques budgétaires en cas de crise grave telle que celle que nous vivons. La révision des perspectives financières pour 2009 doit nous permettre de tirer des leçons de cette situation.

Je note que les récentes propositions d’intervention européenne dans le domaine industriel se fondent avant tout sur des engagements d’États membres, et non de l’Union européenne dans son ensemble. Je trouve cela assez regrettable.

L’augmentation du volume de prêts bonifiés de la Banque européenne d’investissement de 20 % à 30 % est une excellente nouvelle, mais cela ne relève pas strictement du budget communautaire.

Les annonces de baisses de TVA dépendent du bon vouloir des États membres et ne visent ni à atteindre des objectifs environnementaux ni à répondre à la crise structurelle de l’automobile.

Je ne m’attarderai pas sur le projet de M. Barroso de soumettre à l’Organisation mondiale du commerce les aides américaines à l’industrie automobile. Point n’est besoin d’ouvrir un conflit avec les États-Unis sur cette question ; nous avons à faire face à la crise du secteur de l’automobile.

Je plaide, pour ma part, pour que l’Union européenne s’engage dès maintenant, euros à l’appui, sur la durée et à travers son budget, pour se porter au secours de l’un des fleurons de son industrie.

On ne peut pas laisser sur le bord du chemin des salariés victimes de vagues de chômage technique. On ne peut pas non plus laisser péricliter, faute de trésorerie suffisante, de très petites entreprises qui souffrent en silence.

Je plaide, monsieur le secrétaire d’État, pour que dès maintenant deux mesures puissent être prises.

Tout d’abord, je suggère le doublement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, alimenté aujourd’hui à hauteur de 500 millions d’euros, ce qui s’avère très insuffisant en temps de crise. Je rappelle que l’avant-projet de budget de la Commission comportait un abondement à hauteur de 1 milliard d’euros, disposition qui a très malencontreusement disparu !

Par ailleurs, l’accès à ce fonds doit être simplifié. Je propose aussi que les salariés en situation de chômage technique, et non plus seulement ceux qui ont été licenciés pour raisons économiques, puissent être bénéficiaires de ces aides. La situation des familles dans les bassins d’emploi touchés par ce chômage technique est dramatique. Le nombre des travailleurs pauvres augmente considérablement. Nous avons besoin de ce fonds.

Je demande également, monsieur le secrétaire d’État, que vous réclamiez que les très petites entreprises ou les petites entreprises puissent prétendre dans la même mesure que les autres aux prêts de la Banque européenne d’investissement. Actuellement, seuls les constructeurs ou les moyennes entreprises semblent pouvoir bénéficier de ces aides, ce qui menace, à court terme, la pérennité de la filière automobile.

De plus, comment engager des mutations structurelles de l’industrie automobile si les trois quarts des entreprises familiales sont menacées ?

Je plaide enfin pour une intensification des mesures structurelles d’adaptation du secteur, en particulier pour l’abondement du fonds de modernisation de l’automobile ou pour des investissements massifs en faveur de la recherche appliquée. Ce sont ces investissements qui permettront de généraliser la construction de voitures propres, d’en faire baisser le prix et de les rendre plus attractives pour les consommateurs.

Je souhaite que toutes les énergies soient mobilisées pour que l’automobile européenne de demain, répondant à de hautes exigences environnementales, faiblement consommatrice d’énergie, fiable, construite par des salariés jouissant de bonnes conditions de travail, de salaires corrects et d’une bonne formation, soit une référence mondiale. Cela dépend de la capacité de notre industrie automobile à survivre face à une concurrence de plus en plus effrénée, difficile, et dans une période de crise tant structurelle que conjoncturelle. C’est à la seule condition que des mesures d’urgence soient prises pour l’aider à garder toute sa force que nous arriverons à conserver des centaines de milliers d’emplois en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen au Sénat de l’article 33 du projet de loi de finances, qui a trait au prélèvement de 18,9 milliards d’euros sur le budget national au profit du budget européen, a lieu dans un contexte particulier à un double titre, celui de la présidence française de l’Union européenne et de la crise économique et financière que traversent l’Europe et ses partenaires.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, la décision relative aux ressources propres modifie assez sensiblement le financement du chèque britannique. Même si la contribution de la France reste importante, elle est appelée à diminuer à partir de 2011. Plusieurs orateurs, notamment MM. Haenel et Badré, ont souligné que la France est le deuxième contributeur mais reste le premier bénéficiaire net. Il ne faudrait pas l’oublier !

Monsieur le rapporteur spécial, la présidence française n’a pas envisagé d’entrer dans la substance de la revue budgétaire, essentiellement pour des raisons institutionnelles qui ont précédé la survenance de la crise.

En effet, 2008 a été une année de consultations sur l’avenir du budget européen, sur la base d’un document d’orientation budgétaire établi par la Commission. Celle-ci a rendu public, le 12 novembre dernier, le résultat de ses consultations sur les contributions nationales et sur les nouvelles orientations budgétaires.

Pour dire les choses très clairement, ni la Commission ni le Parlement européen, compte tenu, d’une part, des élections européennes, et, d’autre part, du renouvellement de la Commission européenne d’ici à la fin de l’année prochaine, ne semblent décidés à poser dès maintenant le problème de la stratégie budgétaire européenne, point qui me paraît pourtant extrêmement important.

S’agissant de l’articulation entre le budget et le plan de relance, il est en effet important de bien coordonner les efforts nationaux et le budget communautaire.

Le budget européen, par sa structure même – je le rappelle notamment à MM. Sutour et Billout –, est mieux adapté au financement d’investissements de moyen et long termes, comme les infrastructures, sur lesquelles je reviendrai, qu’à celui d’actions de court terme favorisant la consommation. Nous pouvons le regretter, mais c’est ainsi qu’est bâti le budget communautaire, et il ne peut, comme l’a souligné M. Badré, apporter plus qu’il n’a !

Monsieur le président de la commission des finances, je tiens à souligner que la mise entre parenthèses des critères de Maastricht ne signifie en rien que nous devions cesser d’assainir nos finances publiques et de réduire notre endettement. Toutefois, dans la situation actuelle, il était nécessaire de profiter des marges qu’offre le cadre juridique européen.

S'agissant de la coopération, à laquelle nous sommes tous très attachés, entre la France et l’Allemagne, je sais, pour y avoir participé, que le conseil des ministres franco-allemand qui s’est tenu lundi dernier s’est déroulé dans une excellente atmosphère.

La tribune commune publiée aujourd'hui par le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel montre que nos deux pays, en dépit de leurs différences de structures et de culture, défendent une même ambition, au service de l’Europe, mais aussi, monsieur Bourquin, à celui de l’industrie européenne.

Au-delà de leurs divergences, concernant notamment le secteur automobile, la France et l’Allemagne portent en Europe la même ambition industrielle.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Elles partagent en outre la même volonté de conserver de solides implantations industrielles.

En effet, pour maintenir l’emploi et résister à la crise, l’Europe doit, avant toute chose, conserver un socle industriel fort, comme l’a souligné d'ailleurs M. le rapporteur général. Ceux qui ont oublié cette réalité, c'est-à-dire nos amis Anglo-Saxons, en payent aujourd'hui le prix. À l’évidence, les économies qui étaient trop orientées vers la finance et les services et qui ont renoncé à maintenir un socle industriel fort souffrent aujourd'hui deux fois plus de la crise que les autres.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. La France et l’Allemagne ne veulent pas connaître une telle évolution. C’est pourquoi il ne faut pas banaliser la relation franco-allemande, mais au contraire continuer à cultiver sa spécificité. La France et l’Allemagne conservent une responsabilité particulière au regard de l’unité de l’Europe et de la définition du modèle économique et industriel européen.

Monsieur Badré, vous avez également fait état des négociations en cours sur le projet de budget de l’Union européenne pour 2009. Comme vous l’avez souligné, le 21 novembre dernier, le Conseil européen a approuvé à l'unanimité en seconde lecture ce projet modifié.

Il a notamment, monsieur Billout, trouvé un accord avec le Parlement sur le financement de la facilité alimentaire de 1 milliard d'euros destinée à soutenir l’agriculture dans les pays en développement, ce qui correspondait à la proposition de la Commission européenne. Le Parlement européen se prononcera dans les prochaines semaines pour conclure cette discussion budgétaire.

Le débat entre le Parlement européen et le Conseil porte essentiellement sur l’utilisation des marges non consommées du budget communautaire et sur certaines réorientations qui permettraient à l’Europe de renforcer sa position d’acteur global – je pense notamment aux relations extérieures – et que vous avez appelées de vos vœux à juste titre, monsieur Billout.

La meilleure utilisation des marges budgétaires non consommées, dont la crise actuelle montre, me semble-t-il, la nécessité, constitue l’un des souhaits du Parlement européen, et elle figure d'ailleurs dans le plan de relance que propose aujourd'hui la Commission.

Ces efforts me semblent légitimes dans la période que nous traversons, et je ne doute pas, à la lumière des derniers événements, que nous parviendrons à trouver un accord sur le budget de l’Union européenne pour 2009.

Monsieur le rapporteur général, il va de soi que je m’exprime ici en tant que secrétaire d'État aux affaires européennes, les sujets qui ont été évoqués ce matin étant parfois quelque peu éloignés du contenu de l’article 33 du projet de loi de finances soumis au vote de la Haute Assemblée.

Vous avez parfaitement raison d’évoquer les limites de la dérégulation. Je le répète, nous sommes allés trop loin dans cette direction, notamment en raison de l’influence anglo-saxonne en ce domaine.

Comme vous le savez, la France avait plaidé pour la réforme de la gouvernance de certaines institutions échappant au contrôle politique, notamment l’IASB, l’International Accounting Standards Board, c'est-à-dire le Bureau des standards comptables internationaux. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, ce comité, qui regroupe des experts et non des personnalités politiques, se trouve chargé de la définition des normes comptables, dont nous avons vu qu’elles avaient joué un rôle procyclique dans cette crise.

La France a été l’un des États membres de l’Union européenne les plus actifs lorsqu’il s’est agi d’alerter la communauté internationale sur les aspects pervers de ces normes comptables, notamment en ce qui concerne la fair value. Nous avions demandé le renforcement des autorités de régulation et leur coordination à l'échelle européenne.

Monsieur le rapporteur général, je suis toutefois en désaccord avec vous sur un point : les travaux du comité Lamfalussy ont tout de même constitué un progrès en ce qui concerne la supervision, même si l’architecture de cette dernière reste trop complexe. Je ne prétends pas que cela soit suffisant mais, par rapport au néant qui prévalait auparavant, cela représente néanmoins une avancée !

Nous devrons poursuivre dans cette voie, et telle est d'ailleurs la mission qui a été confiée par le président de la Commission européenne à Jacques de Larosière, dans le cadre du comité d’experts européen sur la supervision bancaire, dont nous attendons certaines propositions d’ici au mois de mars prochain.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La crise aura servi à quelque chose !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Nous avons toujours plaidé pour une régulation forte. Certes, nous avons trop souvent été isolés et, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur général, nous avons parfois eu le sentiment de prêcher dans le désert, nous les Français, mais les faits nous donnent aujourd'hui raison !

En ce qui concerne l’organisation des marchés, je souscris tout à fait à vos propos. D'ailleurs, il est intéressant de constater que les Américains eux-mêmes sont en train de réfléchir à la création de structures organisées compensant les échanges de produits dérivés, et cela à marche forcée, en pleine transition électorale !

L’Europe ne doit pas, une nouvelle fois, être en retard par rapport aux réglementations ou régulations décidées aux États-Unis, comme ce fut le cas après l’affaire Enron et l’adoption de la loi Sarbanes-Oxley, car nous avons vu alors ce qu’il en coûtait ! Nous devons tirer les leçons de cette expérience.

L’Europe doit se trouver à l’avant-garde en termes de régulation, en ce qui concerne tant le post-marché – comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur général, nous nous sommes opposés en 2006 au commissaire Mac Creevy en demandant que soit élaborée une directive sur ce sujet –, que les agences de notation, le président de l’Autorité des marchés financiers, Michel Prada, ayant pris fermement position au sein du comité spécialisé afin que des règles soient fixées en ce domaine.

Il est donc clair, pour nous et pour le Président de la République, qui a véritablement remis ce thème à l’honneur, que la politique est de retour dans les questions économiques et financières, que nous devons privilégier une approche politique sur ces sujets à l'échelle européenne et que l’économie doit constituer la première des priorités.

C'est pourquoi ces questions doivent être traitées à l’échelon des chefs d’État et de Gouvernement dans les différentes enceintes compétentes, qu’il s’agisse de l’Eurogroupe, du Conseil européen – celui-ci se réunira les 11 et 12 décembre prochains – ou encore, sur le plan international, du G 20.

M. le rapporteur général a souligné que la lutte contre les paradis fiscaux devait être internationale. Certes, l’Europe n’est pas exempte de tout reproche en la matière, mais elle doit s’affirmer de manière plus nette sur ce sujet à l’échelon international.

Monsieur le président de la commission des affaires européennes, je souscris tout à fait à vos propos, qui ont été extrêmement clairs.

Le contrôle de l’efficacité des dépenses communautaires doit être renforcé. Nous devons faire preuve de plus de discipline budgétaire, renforcer les instruments de contrôle et d’évaluation des dépenses, enfin – ce point est important, comme on le voit abondamment – veiller à améliorer l’exécution du budget communautaire.

En effet, il est anormal que le budget européen soit en sous-exécution depuis vingt ans ! Cette particularité n’a pas échappé à M. le président de la commission des finances, qui traque dans ses rapports ce genre d’aberrations, à juste titre.

En ce qui concerne l’adaptation du budget communautaire à la crise, la relance de la consommation tient une place très réduite dans ce dernier, comme l’a noté justement M. le président de la commission des affaires européennes. Le budget communautaire est limité dans son montant et, par nature, il ne peut susciter le même effet de levier que les budgets nationaux.

Je crois donc préférable de détendre les règles en vigueur, s'agissant tant des aides d’État versées à certains secteurs – mon propos s’adresse également à M. Bourquin – que des incitations fiscales. Ne croyons pas que c’est le budget communautaire qui permettra de surmonter la crise !

Néanmoins, nous devons mieux utiliser les instruments d’urgence disponibles à l'échelle communautaire, auxquels MM. Billout, Sutour et Bourquin ont fait allusion.

Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, en particulier, doit être mieux employé, et nous attendons de la Commission plus de réactivité et d’initiatives à cet égard.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un fonds gesticulatoire, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Certes, les règles et les procédures régissant ce fonds doivent être revues, car il est tout à fait anormal, dans la situation où nous nous trouvons aujourd'hui, que 40 millions d'euros seulement aient été dépensés, sur les 500 millions d’euros dont dispose cette structure ! (M. Martial Bourquin approuve.)

Nous devons donc nous montrer vigilants et faire en sorte que la Commission prenne des initiatives pour renforcer le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, en augmentant sa dotation, en réformant ses procédures et en améliorant son fonctionnement, parce que cet instrument est le mieux adapté pour faire face à la crise. Je rappelle d’ailleurs que la France a joué un rôle déterminant dans sa mise en place.

Mme Nicole Bricq. Mais pourquoi est-il sous-utilisé, monsieur le secrétaire d'État ?

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Madame Bricq, si vous m’aviez écouté, vous le sauriez ! C’est parce que les procédures en vigueur ne sont pas adaptées.

Mme Nicole Bricq. Mais alors, il faut les changer !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Je sais qu’avec votre aide nous y parviendrons. Je connais votre efficacité légendaire ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Monsieur Billout, je puis vous assurer, car j’étais hier encore à Dublin, que le traité de Lisbonne n’est pas caduc. Si tel est votre souci, il n’est pas fondé : avec nos amis Irlandais, nous sommes en train de trouver la voie d’un accord politique, afin que les 11 et 12 décembre prochains soit élaborée une feuille de route permettant de mettre en œuvre ce traité.

Je crois vous avoir répondu en ce qui concerne l’adaptation du budget communautaire à la crise.

Certes, je le répète, la dérégulation et la financiarisation excessive se trouvent à l’origine de la crise. Toutefois, quels que soient les défauts du pacte de stabilité et le jugement que l’on peut porter sur cet instrument, il n’est pas possible, me semble-t-il, d’affirmer qu’il est la cause de la crise ! Ce pacte doit être aménagé et assoupli. Nous devons l’interpréter de manière intelligente, mais il reste un instrument de discipline nécessaire, comme d’autres intervenants l’ont souligné.

Monsieur Billout, vous avez raison en ce qui concerne les ressources futures de l’Union européenne, qu’ont évoquées également MM. Sutour et Bourquin ; nous devons, si nous voulons que l’Europe soit ambitieuse, lancer une réflexion sur cette question. En effet, les procédures budgétaires seront revues dans le sens d’une plus grande efficacité, et la Commission présentera des propositions sur la prochaine stratégie budgétaire, afin de préparer l’après-2013.

Le problème du budget communautaire n’est pas qu’il ne permette qu’un saupoudrage, même si c’est parfois vrai ; il est au contraire concentré, parfois à l’excès, sur deux postes principaux : comme vous l’avez indiqué vous-même, monsieur Billout, la politique agricole commune et les fonds structurels représentent à eux seuls 80 % du budget européen, et cette répartition est peut-être trop rigide.

Vous avez, ainsi que M. Sutour, fait référence aux dépenses sociales. Toutefois, pour estimer celles-ci, me semble-t-il, il faut considérer non pas seulement la ligne budgétaire qui leur est explicitement consacrée, mais également les fonds structurels et le Fonds social européen, qui représente pour la France, au titre de la période 2007-2013, quelque 4,5 milliards d'euros.

Ce que je disais tout à l'heure à Mme Nicole Bricq du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation vaut également pour les fonds structurels et pour le Fonds social européen. Nous devons réfléchir, en lien avec la Commission et dans le cadre de l’élaboration de la prochaine stratégie budgétaire européenne, aux moyens d’accélérer la mise en œuvre de ces fonds. Reconnaissons-le, leur gestion, tant par l’Union européenne que par les administrations nationales, peut être améliorée !

Monsieur Jacques Blanc, vous avez rappelé à juste titre que la crise que nous connaissons actuellement serait plus grave encore sans l’euro et si la présidence française de l’Union européenne n’avait pas été aussi réactive et engagée sous l’impulsion décisive du Président de la République, bref si nous n’avions pas fait de politique.

Vous avez eu raison de souligner que cette crise mettait en valeur toute l’importance du traité de Lisbonne : celui-ci permet de la gérer dans la continuité, ce qui est indispensable, et, dans le même temps, d’assurer la cohésion territoriale, qui se trouve promue parmi les objectifs fondamentaux de l’Union européenne. C’est l’un des aspects du traité de Lisbonne.

Un bon accord a été obtenu le 19 novembre dernier, grâce à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les orientations de la politique agricole, sur le renforcement des instruments d’intervention et sur la réorientation des politiques vers les populations et les territoires les plus fragiles.

Je vous remercie d’avoir noté, monsieur Blanc, que sous la présidence française de l’Union européenne a été mise en place l’Union pour la Méditerranée, ce qui constitue une grande avancée : tous nos partenaires européens ont ainsi pris conscience du rôle primordial du bassin méditerranéen pour la stabilité géostratégique de l’Europe.

Toutefois, la création de l’Union pour la Méditerranée ne va pas nous empêcher de rester vigilants à ce qui se passe ailleurs dans le monde : je pense, en particulier, à nos partenariats et à nos politiques de voisinage avec les pays d’Asie centrale, les pays riverains de la mer Noire ou l’Ukraine, notamment. Vous avez raison, sur ce point aussi : nous devons dépasser la simple politique de voisinage menée dans un cadre bilatéral pour nouer des partenariats régionaux plus globaux.

Enfin, comme d’autres intervenants, en particulier M. Sutour, vous avez fort justement relevé que, dans le contexte de crise actuel, l’Europe, s’agissant du développement de grands projets d’infrastructures, apporte une valeur ajoutée très forte, au-delà de la régulation et de l’adaptation des règles existantes.

La démarche qu’avait engagée Jacques Delors en 1994 lors du sommet d’Essen reste d’actualité d’aujourd’hui : un certain nombre de projets non encore financés mériteraient de l’être par l’Europe.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Nous devons mobiliser davantage la Banque européenne d’investissement. Surtout, comme cela a été dit par MM. Bourquin et Sutour, nous devons, compte tenu des enjeux énergétiques et liés au changement climatique, passer à la vitesse supérieure, dans la crise actuelle, pour être à même de mettre en place tous les instruments de financement au service, notamment, de grands projets d’interconnexion énergétique, sans attendre 2013, qui doit voir la mise en œuvre des mesures du paquet « Énergie et changement climatique ». L’occasion nous est offerte, grâce aux propositions de la Commission européenne et aux moyens de la BEI, de relancer tous ces grands projets d’infrastructures.

J’indiquerai à MM. Haenel et Sutour que les plans de relance et ceux de gestion de crise s’inscrivent dans une Europe à la fois communautaire et intergouvernementale. C’est ainsi qu’elle s’organise aujourd’hui, et cela ne me choque pas.

La présidence française a cherché à faire de cette nature mixte un atout ; nous devons en jouer, trouver une bonne articulation entre les deux volets et ne pas la considérer comme un handicap : nous le voyons bien à l’occasion du débat budgétaire.

En matière de solidarité et de cohésion sociales, le recours au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation devrait accroître l’effet de levier.

Messieurs Blanc et Sutour, dans le cadre du plan préconisé par la Commission, nous devrions trouver un accord sur une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, qui devrait intervenir plus rapidement que cela n’était prévu à l’origine.

Le paquet « Énergie et changement climatique » sera mis en œuvre en 2013. Nous veillerons à la prise en compte des opportunités, ainsi que des nécessaires adaptations, que cela suppose dans le cadre du nouveau document de stratégie budgétaire qui sera présenté par la Commission.

Enfin, monsieur Bourquin, nous devons très clairement accompagner la mutation de l’industrie automobile. (M. Martial Bourquin acquiesce.) Nous ne désarmerons pas sur le plan industriel, quelles que soient les orientations de la Commission européenne, je vous l’affirme.

Il y va de l’intérêt de l’Europe, de sa crédibilité auprès de ses ressortissants : ils ne comprendraient pas que l’on ne laisse pas, à tout le moins, les États qui ont une tradition industrielle accompagner, aider – je n’hésite pas à employer ce terme – et soutenir une industrie aussi structurante que l’industrie automobile.

Compte tenu du nombre d’emplois directs et indirects qui, dans l’Union européenne, dépendent de ce secteur industriel, il est évident qu’il faut mobiliser toutes les énergies, toutes les marges de manœuvre, toutes les possibilités, qu’il s’agisse des prêts bonifiés ou des réductions de taux de TVA notamment en ce qui concerne les produits « verts », et même aller au-delà.

Nous devons également agir ainsi en faveur des entreprises petites et moyennes. Nous souhaitons en particulier que les seuils soient définis de façon que les PME et les très petites entreprises puissent bénéficier au maximum des aides à l’innovation et à la recherche consenties à l’échelon communautaire pour favoriser le respect des normes environnementales, ainsi que des plans d’ajustement à la mondialisation. Ce n’est pas suffisamment le cas actuellement.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais verser au débat concernant le prélèvement européen et, plus largement, l’état de l’Union européenne. J’ai à présent l’honneur, au nom du Gouvernement, de vous demander d’approuver l’article 33 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)