M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, mes chers collègues, je sollicite une grâce de votre part : n’ayez pas un instant la tentation de penser que, parce que je présente un amendement tendant à la suppression de la variable d’ajustement s’agissant du fonds de compensation de la taxe professionnelle de la Corse, je siègerais uniquement pour défendre les intérêts de mon île. J’hérite en fait d’une situation que je n’ai pas personnellement à assumer.

Le problème est complexe, et un simple rappel vous fera comprendre le bien-fondé de cet amendement.

Le statut fiscal de la Corse fut voté en 1994. À cette époque, M. Philippe Marini expliquait que la collectivité ne pourrait plus fixer, dès lors, les taux de la taxe professionnelle. Le Président de la République, quant à lui, alors secrétaire d’État au budget, justifiait ce statut fiscal particulier par la nécessité de redynamiser l’investissement et l’emploi dans l’île. Il faut bien comprendre que, à ce stade, les collectivités départementales et régionale sont totalement neutres à l’égard du dispositif qui vient d’être créé.

Il n’avait pas échappé à M. Paul Girod, qui était rapporteur du texte, que l’on ne manquerait pas de rencontrer des difficultés en matière de compensations. Si l’assiette de la taxe professionnelle devait évoluer de manière sensible, certaines situations imprévues pourraient apparaître.

Or, aujourd’hui, on nous explique que la taxe professionnelle constitue une variable d’ajustement, dont l’incidence est bien plus importante sur les collectivités territoriales corses que sur les autres collectivités.

Par exemple, la recette de taxe professionnelle atteint, pour la Corse-du-Sud, 22 millions d’euros. Demain, le département sera privé de 3 millions ou de 4 millions d’euros pour établir son budget. Il en va de même pour les autres collectivités corses.

Le problème qui se pose est le suivant. Je comprends parfaitement la position du Gouvernement qui souhaite contenir dans une limite de 2 % l’augmentation de ses dépenses au profit des collectivités territoriales. Toutefois, comment intégrer un statut fiscal particulier dans une disposition générale de droit commun ? Cela n’a pas lieu d’être.

Je conclurai mon propos sur une autre question.

Voilà deux ou trois ans, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s’en souviendront, au terme d’un débat nocturne avait été votée la possibilité, pour la collectivité territoriale, d’augmenter le taux de réversion de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. J’invoque cette circonstance avec précaution, car je ne voudrais pas que cela se retourne contre mon argumentation !

Quelle cohérence pourrons-nous attribuer à la politique du Gouvernement si cette disposition, deux ans après avoir été adoptée, se trouvait ruinée par une disposition contraire ? Je laisse l’assemblée juge de cette situation.

Pour ma part, je considère qu’inclure dans le champ d’une disposition générale les variables d’ajustement relatives à un statut fiscal particulier souhaité par le Président de la République, alors secrétaire d’État au budget, et dont l’adoption a privé les collectivités locales corses de la possibilité d’accroître les taux de la taxe professionnelle conduira immanquablement ces dernières à alourdir les autres taxes. Cela engendrera une situation totalement déséquilibrée par rapport à celle des autres collectivités.

M. le président. L'amendement n° I-257 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Après le mot :

pour

rédiger comme suit le XI de cet article :

l'ensemble des compensations mentionnées aux I à X est fixé à 1 638 473 045 euros, soit un taux de minoration de 16,432 % en 2009.

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

XII. - Le prélèvement sur recettes institué au I de l'article 55 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est minoré de 25 millions d'euros en 2009.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, je constate que, entre M. Alfonsi, M. Marini, M. Castellani, plus connu sous le nom de Charasse, et moi-même, de nombreux Corses sont réunis ici pour améliorer ce texte. Je suis donc très optimiste ! (Sourires.)

L’amendement du Gouvernement vient répondre à l’amendement n° I-16 présenté par le rapporteur général au nom de la commission des finances. Il permet de conserver l’équilibre initial du projet du Gouvernement, en maintenant la remise à niveau de la dotation spéciale instituteurs au sein de l’augmentation de 1,1 milliard d’euros des concours aux collectivités territoriales.

Compenser cette remise à niveau de la DSI hors de cette enveloppe, c’est franchir la ligne rouge qu’a tracée le Gouvernement pour l’évolution des concours aux collectivités territoriales.

En revanche, cet amendement retient la suggestion de M. le rapporteur général en diminuant de 25 millions d’euros la compensation d’exonération de taxe professionnelle versée aux fonds départementaux de péréquation. Compte tenu de la dynamique de la taxe professionnelle, cette mesure ne conduira pas à une diminution des recettes globales touchées par les collectivités locales.

Ce prélèvement sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle permettra d’alléger utilement la contrainte pesant sur les compensations d’exonérations en ramenant leur taux de baisse de 17,7 % à 16,4 %, soit huit points de moins de baisse que l’an dernier à l’issue de nos débats.

Ce changement ne modifie pas le montant global des concours versés aux collectivités territoriales et est donc cohérent avec la ligne directrice que s’est fixée le Gouvernement, c’est-à-dire une progression limitée à 2 % de l’ensemble des concours versés aux collectivités locales.

M. le président. Le sous-amendement n° I-258, présenté par M. de Raincourt et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

A. Dans le dernier alinéa du I de l'amendement n° 257 rectifié, remplacer le montant :

1 638 473 045 euros 

par le montant :

1 570 596 045 euros

et le taux :

16,432 %

par le taux :

17,108 %

B. Compléter l'amendement n° 257 rectifié par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Au début du IX de cet article, supprimer les mots :

Le III de l'article 2 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse,

La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Je vais à mon tour évoquer la Corse, bien que je n’en sois pas originaire, monsieur le secrétaire d’État !

Le présent sous-amendement vise à retirer la compensation d’exonération de taxe professionnelle spécifique à la Corse, dont le montant atteint 66 millions d’euros, de la liste des compensations d’exonérations concernées par l’article 15, qui représentent au total 1,96 milliard d’euros, afin d’éviter, compte tenu de la situation particulière de la Corse au regard des autres compensations fiscales, que ne lui soit appliqué un taux de réduction.

Cette compensation vient en effet en contrepartie d’une exonération totale, pour le département et la région, de la taxe professionnelle, en application du statut fiscal de la Corse défini par la loi de 1994. Elle représente une part très significative des ressources réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse – 2,43 % – et surtout des départements de Haute-Corse – 9,74 % – et de Corse-du-Sud – 12,36 %.

Dès lors, la diminution qui affecterait cette compensation pèserait proportionnellement davantage sur les recettes des collectivités corses que sur celles des autres collectivités territoriales.

Compte tenu des particularités de la compensation d’exonération de taxe professionnelle spécifique à la Corse, il est donc proposé de l’exclure de la liste des compensations d’exonérations concernées par l’article 15. Il s’agit non pas d’instituer un nouvel avantage pour la Corse, mais d’éviter que l’application aveugle et uniforme du taux de diminution ne la pénalise plus lourdement que les autres collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite le retrait, ou à défaut le rejet, des amendements nos I-62 et I-192, le Sénat ayant déjà tranché, par son vote, cette question hier soir.

J’ai observé avec intérêt que le sous-amendement n° I-230, présenté par M. Alfonsi, est très proche du sous-amendement n° I-258, déposé par M. Henri de Raincourt et les membres du groupe de l’UMP, et défendu avec beaucoup de conviction par M. Joël Bourdin.

Il s’agit ici de la définition des variables d’ajustement.

Cette année, il a été nécessaire de compléter la liste des compensations d’exonérations concernées par l’article 15. On y a ainsi ajouté la compensation d’exonération de taxe professionnelle spécifique à la Corse du fait du statut fiscal particulier adopté en 1994 pour les collectivités de l’île.

Cette dotation n’était pas une variable d’ajustement. Elle évoluait donc chaque année, modérément, mais nous n’en entendions pas parler. Or, cette année, il est prévu de la soumettre à un taux de diminution qui serait, au mieux, aux termes de l’amendement de la commission, de l’ordre de 10 %, et au pire, selon la proposition initiale du Gouvernement, plus proche de 20 %.

Surtout, cette dotation sera appelée à disparaître assez rapidement, ce qui, d’un point de vue arithmétique, n’est pas acceptable, pour des raisons qui ont d’ailleurs été davantage détaillées par M. Bourdin que par M. Alfonsi.

Comme l’a indiqué M. Bourdin, la dotation en question représente une part des ressources de fonctionnement des départements de Haute-Corse et, plus encore, de Corse-du-Sud telle que sa disparition se traduirait par un relèvement tout à fait considérable, peut-être même insupportable, des autres éléments de la fiscalité locale.

En vertu de cette analyse, la commission émet un avis favorable sur les sous-amendements nos I-230 et I-258.

J’en viens à l’amendement n° I-257 rectifié, qui esquisse certes un mouvement allant dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État, mais qui ne va pas assez loin à notre avis.

Vous retenez une seule des trois propositions que j’ai formulées. Compte tenu des nombreux articles que le Sénat doit encore examiner, je n’entrerai pas dans le détail d’une problématique que nos collègues connaissent d’ailleurs bien.

J’indiquerai seulement qu’il ne suffit pas de se borner à redéployer 25 millions d’euros, car la baisse des variables d’ajustement ressortirait alors à 16,4 %, ce qui est très en deçà des objectifs que nous nous sommes fixés.

Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que le Gouvernement pourrait aller plus loin.

À la suite de divers entretiens, notamment avec mon homologue de l’Assemblée nationale, M. Gilles Carrez, je me suis demandé s’il ne serait pas possible, une fois encore, d’effectuer un prélèvement sur le produit des amendes de police de la circulation.

D’un point de vue technique, cette opération ne peut être réalisée que lors de l’examen du collectif budgétaire. Nous l’avons déjà fait. Ce n’est peut-être pas d’une pureté totale sur le plan de l’orthodoxie budgétaire,…

Mme Nicole Bricq. C’est le moins que l’on puisse dire, c’est du bricolage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … mais nous sommes ici pour remédier aux difficultés qui se présentent à nous, et non pour nous en tenir à un formalisme toujours un peu paralysant.

Si, en prélevant une somme suffisante sur le produit des amendes de police et en la transférant aux variables d’ajustement pour 2009, il était possible d’aboutir à un taux de baisse de l’ordre de 13 % à 14 %, la commission pourrait peut-être s’y résigner et émettrait alors un avis assez favorable sur l’amendement n° I-257 rectifié…

Mme Nicole Bricq. C’est la gestion de la pénurie !

M. Henri de Raincourt. Non, c’est de l’imagination !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Santini, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission sur les amendements nos I-62 et I-192.

M. le rapporteur vient de nous faire une proposition honnête. (Sourires.) Il nous demande ce que le Gouvernement est disposé à offrir en contrepartie du retrait de l’amendement de la commission, dont l’adoption dégraderait le solde de 32 millions d’euros.

En premier lieu, le Gouvernement accepte la proposition de diminuer la compensation de la part salaires de la taxe professionnelle versée aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Tel est le sens de l’amendement n° I-257 rectifié présenté par le Gouvernement.

En second lieu, comment s’approcher de l’équilibre initial que vous souhaitiez ? Je n’ai pas de recette miracle qui permettrait de répondre exactement à votre demande, mais je peux à mon tour vous faire une proposition honnête et, me semble-t-il, intéressante.

Je propose de conserver, comme vous le suggérez, à titre exceptionnel, pour l’année 2009, une fraction du produit des amendes de la circulation de l’année 2008.

Comme les recettes d’une année ne sont réparties qu’en février de l’année suivante, cela permettra en quelque sorte de procéder à une nouvelle répartition entre collectivités territoriales des recettes qu’elles doivent percevoir au titre d’une année donnée. Je vous propose donc de réserver, sur les recettes de l’année 2008, 50 millions d’euros pour abonder en 2009 les compensations d’exonérations. Cette mesure sera inscrite par le biais d’un amendement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008, je m’y engage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. André Santini, secrétaire d'État. Cette mesure ne dégradera pas le solde prévisionnel, car il s’agit d’une simple mise en réserve d’une partie du produit prévu des amendes, afin que cette somme soit disponible l’année suivante. En 2009, cette somme disponible permettra d’abonder les variables d’ajustement, ce qui sera également neutre sur le solde.

Enfin, j’ajoute que cette opération est rendue possible en 2008 en raison de la hausse importante du produit des amendes. Ainsi, le montant des amendes de 2008 à répartir est plus élevé que celui de 2007, avec 658 millions d’euros contre 440 millions d’euros. Même en prélevant 50 millions d’euros sur le produit des amendes de 2008, la recette touchée par les collectivités en 2009 au titre des amendes de 2008, soit 608 millions d’euros, restera nettement supérieure à celle qu’elles auront perçue en 2008 au titre des amendes de 2007, à savoir 440 millions d’euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. André Santini, secrétaire d'État. Monsieur Alfonsi, votre sous-amendement vise à retirer la compensation d’exonération de la taxe professionnelle spécifique à la Corse de la liste des compensations d’exonérations concernées par l’article 15.

Je comprends votre souci. Cette compensation d’exonération est calculée en proportion non pas d’une partie de la taxe concernée, comme c’est en général le cas, mais de la globalité de la taxe professionnelle pour la collectivité territoriale de Corse et les deux départements de l’île.

Par conséquent, le pourcentage de diminution des variables d’ajustement prévu par l’article 15 aura une incidence plus forte pour les bénéficiaires de cette compensation que pour ceux des autres compensations visées au même article.

Toutefois, en raison d’une erreur de rédaction qui porte sur l’alinéa concerné de la loi de 1994, votre sous-amendement est inopérant. Je vous propose donc de le retirer au profit du sous-amendement n° I-258, qui répond à votre objectif et auquel le Gouvernement est favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais remercier M. Santini de la suggestion qu’il vient de nous présenter, ainsi que M. Woerth, qui a veillé à une préparation harmonieuse de ces dispositions.

Nous parviendrons ainsi à gérer la situation difficile des finances publiques, sans dégrader le solde prévisionnel et en atténuant les rigueurs et les difficultés susceptibles de résulter des arbitrages qui ont été faits. Il s’agit donc, me semble-t-il, d’un bon compromis.

Par ailleurs, je me réjouis de l’avis favorable exprimé par le Gouvernement sur le sous-amendement n° I-258, qui met en exergue un point certes très particulier, d’importance quantitative modeste, mais néanmoins significative pour certaines collectivités ! Il s’agit là tout simplement, en fait, de réparer une erreur technique commise lors de l’élaboration du projet de loi de finances.

Monsieur le secrétaire d’État, toutes ces dispositions allant dans le bon sens, je retire l’amendement n° I-16.

M. le président. L’amendement n° I-16 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° I-230 n’a plus d’objet.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Je me réjouis de l’évolution de ce débat, qui nous ramène dans le droit fil des déclarations du secrétaire d’État au budget en fonctions à l’époque de l’élaboration du statut fiscal particulier de la Corse, M. Sarkozy, selon lesquelles la compensation serait dynamique et non pas statique, alors que la rédaction initiale du texte nous entraînait vers le bas !

Mon sous-amendement est donc devenu sans objet. N’éprouvant pas de fierté d’auteur particulière, je n’en suis pas autrement contrarié. Je souligne néanmoins que le dispositif que je préconisais était adossé au taux de minoration proposé dans l’amendement de la commission des finances, et, n’étant pas dans la confidence des projets de mes collègues de l’UMP, je n’ai pu calculer quel serait ce taux si l’on retenait les propositions de M. de Raincourt, qui ont été présentées par M. Bourdin.

Quoi qu’il en soit, je me satisfais que l’essentiel de mon texte, à savoir le paragraphe II, soit repris dans le sous-amendement de M. de Raincourt, qui a une connaissance toute particulière de la Corse !

M. Henri de Raincourt. Une connaissance discrète ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-62.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-192.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-258.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote sur l’amendement n° I-257 rectifié.

M. Philippe Adnot. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, je suis au regret de devoir expliquer pourquoi il ne me semble pas souhaitable de vous suivre.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Philippe Adnot. Je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur ce qui est en train de se passer en réalité.

Nous sommes sur le point d’inclure dans le périmètre des variables d’ajustement les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Or ce sont non pas les départements, mais les communes, en particulier les communes défavorisées, qui bénéficient de ces fonds.

Ainsi, pour ne pas faire supporter des prélèvements trop lourds aux communes disposant des plus fortes ressources, nous diminuerions les moyens destinés à la péréquation en faveur des communes défavorisées ?

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Philippe Adnot. On m’objectera que 25 millions d’euros, ce n’est pas une somme importante. Mais c’est une question de principe ! Si nous acceptons la proposition qui nous est faite, nous diminuerons les prélèvements opérés sur les communes qui bénéficient des recettes de taxe professionnelle les plus élevées et nous affaiblirons l’expression de la solidarité au profit des communes les moins bien loties !

Mes chers collègues, nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Quand nous retournerons dans nos départements, il nous faudra expliquer pourquoi nous avons adopté une mesure dont pâtiront les collectivités ayant le moins de ressources, tandis que les plus riches pourront garder une plus grande part qu’auparavant de leurs recettes de taxe professionnelle.

Il aurait été très facile de trouver ailleurs des variables d’ajustement ! En effet, le choix de retenir les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle comme variable d’ajustement résulte de l’introduction dans l’enveloppe normée du Fonds de compensation pour la TVA : les investissements des collectivités ayant été très importants en 2007, le FCTVA sera très sollicité en 2009, puisqu’il y a toujours deux ans de décalage, si bien que les autres dotations de l’enveloppe ne pourront pas augmenter. Et l’année suivante, nous assisterons au phénomène contraire !

Je voterai contre cet amendement, parce qu’il ne va pas dans le bon sens. Mes chers collègues, il nous faut en revenir à la sagesse : je le répète, nous ne pouvons pas inclure dans le périmètre des variables d’ajustement les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, dont bénéficient non pas les conseils généraux, mais les communes défavorisées. Sinon, cela revient à pénaliser les plus pauvres !

Mme Nicole Bricq. Vous avez tout compris !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappellerai que les ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui proviennent de l’écrêtement des bases de taxe professionnelle, sont égales en 2008 à 700 millions d’euros. Depuis six ans, mes chers collègues, cette somme augmente en moyenne, chaque année, de 10 % en valeur ; entre 2008 et 2009, cette augmentation est estimée à 70 millions d’euros.

L’amendement du Gouvernement, semblable sur ce point à celui de la commission des finances, a donc pour objet de prélever 25 millions d’euros sur une augmentation estimée à 70 millions d’euros.

J’insiste auprès de ceux de nos collègues qui seraient tentés d’écouter la complainte que nous venons d’entendre : il s’agit, alors que nous traversons une situation difficile, une situation de crise, de demander, dans un souci de solidarité, un sacrifice de 25 millions sur des dotations qui croissent d’une année à l’autre de 10 %, la valeur absolue de l’augmentation étant de 70 millions d’euros l’an prochain ; il s’agit d’éviter que toutes les collectivités ne souffrent davantage d’une baisse trop importante du taux de diminution des variables d’ajustement. Cela ne paraît tout de même pas bien excessif !

Cela étant, peut-être d’autres idées auraient-elles pu être évoquées sur cette question des variables d’ajustement. Cependant, je puis vous assurer, mes chers collègues, que plusieurs d’entre nous, épaulés par les services de la commission, qui ont été mis à la peine, y ont travaillé pendant des semaines, en concertation avec les collaborateurs des ministres ! Or, je n’ai pas entendu de suggestion plus opérationnelle que celle qui se trouvait dans notre amendement ! Ce n’est pas aujourd’hui, au moment de terminer la discussion de la première partie du projet de loi de finances, que nous allons pouvoir trouver cette idée géniale qui n’est pas apparue au cours de ces dernières semaines !

Je comprends bien l’argumentation de notre collègue Philippe Adnot. Il sait que, habituellement, j’écoute avec grande sympathie ses propos sur de très nombreux sujets. Toutefois, aujourd’hui, très sincèrement, il n’est pas possible de faire mieux que ce qui nous est proposé au travers de l’amendement du Gouvernement. Aussi la commission appelle-t-elle l’ensemble du Sénat à le voter.

Mme Nicole Bricq. C’est la logique qui n’est pas bonne !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, les travaux de la commission des affaires sociales, dont je suis membre, se sont terminés vers midi et quart, ce qui m’offre la possibilité de participer quelques instants aux débats de la Haute Assemblée sur le projet de loi de finances.

Nos conditions de travail sont telles – et peut-être le déplorez-vous vous-même, monsieur le président – qu’il nous faudrait être présents simultanément en commission et en séance publique ! Les maires qui viennent assister à nos débats à l’occasion du congrès de l’Association des maires de France ne devraient donc pas s’étonner, comme ils le font, du faible nombre de sénateurs présents en séance publique.

Cela étant dit, l’aridité du sujet actuellement en discussion réserve la participation au débat aux spécialistes : il n’est pas facile à un sénateur n’appartenant pas à la commission des finances d’intervenir sur un thème d’une telle complexité. C’est donc bien volontiers que je me repose sur l’avis des experts, notamment sur celui de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances.

Cependant, fort d’une modeste expérience, d’un peu plus de trente années maintenant, de l’exercice d’un mandat local, je tiens à dire au Gouvernement que l’évolution des dotations de l’État et, surtout, celle du dispositif de compensation des pertes de recettes subies par les collectivités du fait de certaines exonérations de taxes, me préoccupent vivement.

J’approuve tout à fait les propos de Philippe Marini sur la nécessaire solidarité qui, dans une conjoncture particulièrement difficile, doit exister entre l’échelon national et l’échelon local. C’est d’ailleurs pourquoi je ne comprends pas très bien qu’un sort particulier ait été réservé à l’évolution des concours de l’État aux collectivités territoriales, alors que l’État lui-même consent, sur son propre budget, d’importants efforts pour maîtriser ses dépenses. Il me semblait que l’effort devait être partagé !

En tout état de cause, la discussion qui vient d’avoir lieu démontre à quel point il est urgent, mes chers collègues, de mettre en chantier la réforme de la taxe professionnelle. En effet, présidant une communauté de communes, je constate que depuis qu’a été partiellement supprimée la part salaires de la taxe professionnelle, le budget de ma collectivité se trouve amputé chaque année de plusieurs dizaines de milliers d’euros, sans qu’aucune compensation intervienne. Je ne le suivrai peut-être pas jusqu’au bout, mais je pense que Philippe Adnot n’a pas complètement tort…

Mme Nicole Bricq. Il a même raison !

M. Alain Vasselle. … de souligner que le prélèvement sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle s’opérera au détriment des communes qui bénéficient habituellement de ce fonds, qui sont celles dont les ressources sont les plus faibles et qui rencontrent des difficultés pour faire face à leurs dépenses de fonctionnement incontournables et pour contribuer, à travers leurs investissements, à la dynamique de la politique économique du Gouvernement.

Par conséquent, je comprends que demander aux collectivités disposant des ressources les plus faibles de pallier les insuffisances de l’État en termes de financement des dotations de compensation à l’égard de l’ensemble des collectivités puisse susciter des interrogations chez certains de nos collègues !

Néanmoins, je partage également, je le redis, le point de vue de Philippe Marini : la solidarité doit jouer à tous les niveaux. Est-ce la bonne solution qui a été retenue ? N’aurait-il pas été possible d’en trouver une autre ? M. le rapporteur général a indiqué que la commission avait travaillé pendant des semaines sur le sujet sans en trouver de meilleure que celle-ci, qui est en fait la moins mauvaise…