Mme Nathalie Goulet. Ne voyez pas le mal partout !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-115 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 66 ter.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi que du compte spécial « Pensions ».

Engagements financiers de l’État

Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Compte spécial : Participations financières de l’État

Articles additionnels après l’article 66 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » ainsi que des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l’État (et article 85) » et « Participations financières de l’État ».

La parole est à M.  Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention au point où j’ai terminé celle d’avant-hier, lors de notre débat sur la dette de l’État, mais en actualisant les chiffres que j’avais alors donnés, puisque le Gouvernement, par amendement, les a en partie modifiés.

Tout d’abord, le total des ressources qu’il va falloir se procurer en 2009, autrement dit le besoin de financement auquel devra faire face l’État, s’établit à 170,2 milliards d’euros, contre une prévision de 165,4 milliards avant l’examen par le Sénat. Ce montant inclut le déficit budgétaire, réévalué à hauteur de 57,6 milliards d’euros.

Pour financer cette importante somme, l’État procédera à des émissions de titres d’emprunt à long et moyen termes à hauteur de 135 milliards d’euros. À cet égard, je me permets d’exprimer une certaine inquiétude sur la faisabilité de cet engagement, qu’il faudra sans doute majorer pour tenir compte du plan de relance dont on nous parle tous les jours. Le plafond de variation des émissions de court terme s’élèvera en 2009 à 30,5 milliards d’euros, afin de financer le déficit supplémentaire.

L’orientation désormais baissière de la politique monétaire de la Banque centrale européenne devrait renforcer le maintien des taux obligataires à des niveaux relativement peu élevés. La crise a profité aux titres à court terme et, avec à la fois les émissions à moyen et long termes et les émissions à court terme, la masse totale des intérêts devrait rester dans le périmètre prévu.

En revanche, j’insiste pour que l’on mette l’agence France Trésor en état d’émettre pour le compte de la CADES, la caisse d’amortissement de la dette sociale, comme l’a prévu, sur l’initiative de notre commission, la loi de finances initiale pour 2006. Je rappelle que la CADES n’émet pas à l’heure actuelle parce que l’écart de taux avec l’agence France Trésor serait très élevé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument ! L’écart est de quarante points de base !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. En effet. Il vaudrait donc mieux charger l’agence France Trésor de faire ces opérations.

Deuxième « chiffre clé » : 44,3 milliards d’euros. C’est le montant de la charge d’intérêts de la dette de l’État prévu par le projet de loi de finances, soit 96 % des crédits de la mission « Engagements financiers ». Ce montant a été révisé à la baisse, le 6 novembre dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. À partir d’une nouvelle prévision d’inflation – 1,5 % – et d’une nouvelle prévision concernant les taux d’intérêt à court terme – on se situe aujourd’hui à 3,5 %-3,6 % –, la charge de la dette s’établirait à 43,1 milliards d’euros.

Sur la dette elle-même, je ne reprendrai pas les éléments chiffrés que j’ai indiqués mercredi dernier.

Pour la fin de 2008, la dette de l’État est estimée à 985 milliards d’euros et la dette publique représenterait 66,2 % du produit intérieur brut, soit une augmentation de deux points supplémentaires de PIB par rapport à 2007.

Pour la fin de 2009, la dette publique devrait s’élever à 67,9 % du PIB, mais, encore une fois, le plan de relance va intervenir et, par conséquent, un sommet très important sera atteint.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On fera beaucoup mieux !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. Ces chiffres ne prennent pas non plus en compte les éventuelles requalifications d’Eurostat, puisque nous ne savons pas encore si la Société de financement de l’économie française, créée en octobre dernier, sera qualifiée ou non dans le cadre de la dette maastrichtienne.

Dernier chiffre : 5 milliards d’euros. C’est le montant des recettes de privatisations théoriques inscrit pour 2009 dans le compte « Participations financières de l’État ».

En fait, ce chiffre n’a d’autre valeur qu’indicative : il reproduit les prévisions de la loi de finances initiale pour 2008, mais, finalement, en 2008, les recettes de privatisations ont été très faibles puisqu’elles se sont élevées à 1,3 milliard d’euros et qu’elles ont été essentiellement utilisées pour solder un certain nombre de dettes de l’établissement de défaisance du Crédit Lyonnais.

La valeur des participations de l’État est parfaitement tenue par l’Agence des participations de l’État.

À ce propos, je souligne que nous avons examiné les rémunérations des dirigeants des entreprises publiques pour voir si devaient leur être appliquées les nouvelles exigences en matière d’éthique et de gouvernance. J’ai constaté que ces rémunérations étaient très nettement inférieures à celles qui sont accordées dans les milieux de la banque ou de la finance.

La valeur des participations cotées de l’État varie entre 110 milliards et 200 milliards d’euros selon les fluctuations de la Bourse ; aujourd’hui, elle représente environ 115 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, le projet de loi de finances prévoit cependant pour 2009 une recette de dividendes issus des entreprises publiques supérieure à celle qui est encaissée en 2008 : 5,9 milliards d’euros, contre 5 milliards d'euros en 2008. Compte tenu de la situation réelle des entreprises à la fin de cette année, cette prévision est-elle réaliste ? Ce montant est toutefois déjà compris dans les recettes diverses du budget de l’État.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et du compte spécial « Participations financières de l’État » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai un rapide bilan du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », en soulignant des marges de progression et deux avancées.

Des « schémas pluriannuels de stratégie immobilière » ont été mis en place pour toutes les administrations centrales et les services déconcentrés de vingt-cinq départements. En 2009, l’ensemble du territoire devrait être couvert.

Des loyers « budgétaires » sont désormais acquittés par les administrations centrales et les services déconcentrés de vingt-neuf départements. Ces loyers s’appliqueront à la totalité des services ministériels en 2010.

Le « Conseil de l’immobilier de l’État » a été créé, et le service en charge des domaines, devenu France Domaine, a été profondément rénové.

Nous devons ces avancées pour une large part au travail parlementaire, et notamment à M. Paul Girod, auquel je rends hommage, qui était alors titulaire de la fonction qui m’est aujourd'hui dévolue.

J’en viens aux marges de progression.

Il faut consolider les outils de gestion, notamment le « Tableau général des propriétés de l’État ».

La gouvernance du système peut être améliorée, notamment le rôle de France Domaine qui reste à imposer. Un progrès devrait être observé en 2009 avec les conventions d’occupation qui fixent les droits et les devoirs des administrations. J’ajoute que la supervision de l’État locataire reste à construire : cela passe certainement par une centralisation des décisions de prises à bail, qui pourrait peut-être poser quelques difficultés d’exécution pour les ministères.

Autre sujet important, le périmètre de cette mission devrait mieux prendre en compte les opérateurs de l’État, qui agissent encore trop souvent à leur guise.

Cela étant dit, je souhaite souligner deux progrès.

D’abord, et c’était une demande de M. Paul Girod, un programme dédié aux travaux d’entretien lourd de l’État a été créé. Toutefois, en raison des règles de la LOLF, il a été rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », présentée tout à l’heure par mon collègue Bernard Angels. Je n’ai pu obtenir de France Domaine, que j’ai interrogé sur ce point en octobre, le coût réel des travaux d’entretien que l’État devait entreprendre. Ce programme permettra d’assurer la traçabilité budgétaire des opérations qui sont jusqu’à présent noyées dans divers programmes. Espérons qu’il incitera les ministères à ne pas les différer.

Le second progrès tient à un aménagement des règles d’intéressement des ministères aux cessions immobilières dont ils ont l’initiative.

Actuellement, le principe est que les ministères se voient rétrocéder 85 % des produits de cession afin de financer leurs dépenses immobilières, les 15 % restants étant affectés au désendettement de l’État.

À compter de 2009, les produits de cession seront toujours affectés à hauteur de 15 % au désendettement, mais chaque ministère ne se verra plus retourner que 65 % du produit de ses ventes, les 20 % restant serviront à constituer une réserve interministérielle, destinée à financer des projets immobiliers que les ministères, individuellement, ne pourraient soutenir. Cette mutualisation des moyens va dans le sens de la reconnaissance d’un État propriétaire, qui ne saurait procéder des seules cessions. J’aurai l’occasion d’y revenir car je vais travailler sur cette question dans les années qui viennent.

D’après le projet de loi de finances, les recettes de ces ventes immobilières devraient atteindre le niveau, sans précédent, de 1,4 milliard d’euros. Dans les conditions actuelles du marché, l’atteinte de cet objectif paraît aléatoire. D’ailleurs, la loi de finances pour 2008 avait fixé un niveau de cessions de 600 millions d’euros. D’après les chiffres que j’ai pu obtenir à la fin du mois d’octobre, l’exécution budgétaire s’élevait à 236 millions d’euros.

Malgré ma demande, j’ignore, en cette fin du mois de novembre, le niveau de l’exécution budgétaire. (M. le ministre s’entretient avec ses collaborateurs.) Mais vous êtes certainement en train d’en discuter avec vos collaborateurs, monsieur le ministre, et vous allez sans doute m’apporter une réponse… De toute façon, il sera difficile de reproduire en 2008 le niveau de cessions atteint en 2006, soit 798 millions d’euros, ou en 2007, à savoir 820 millions d’euros.

Pour 2009, les cessions d’immeubles militaires représentent, à elles seules, 1 milliard d’euros. Or le ministère de la défense, par dérogation au droit commun, bénéficie d’un « droit de retour » intégral de ces produits. Dans ces conditions, mécaniquement, seuls 4,3 % du produit global des cessions immobilières de l’État devraient être affectés au désendettement, correspondant à 15 % des 400 millions d’euros de cessions non militaires, soit 60 millions d’euros sur un total de 1,4 milliard d’euros. À la plus importante prévision de cessions immobilières de ces dernières années correspondrait donc la plus faible contribution des recettes au désendettement.

Dans le contexte actuel d’endettement de l’État, que M. le rapporteur spécial a rappelé, cette situation n’est évidemment pas satisfaisante. Aussi, je vous proposerai des amendements visant à porter à 15 % la part des cessions immobilières de l’État consacrée au désendettement, en intégrant à cet effort le produit des cessions militaires. J’ai noté que le Gouvernement avait déposé un sous-amendement à l'amendement n° II-29, nous en parlerons dans quelques instants.

Sous cette réserve, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » pour 2009.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques, les crédits du compte spécial « Participations financières de l’État ».

Tout d’abord, je fais miennes les réserves émises l’année dernière par mon prédécesseur, Michel Bécot, concernant la transparence et l’affectation de ce fonds.

S’agissant de la transparence, le projet annuel de performances prévoit un niveau de recettes de 5 milliards d’euros. Comme M. Fourcade l’a dit tout à l’heure, ce chiffre est virtuel. Depuis plusieurs années, le même montant est inscrit. Or, en 2007, les recettes se sont élevées à 7,8 milliards d’euros et, en 2008, à 1,2 milliard d’euros. On conçoit que ce chiffre de 5 milliards d’euros soit avancé pour ne brusquer personne. Mais, dès lors, pourquoi pas 4 milliards ? Pourquoi pas 6 ?

Nous aimerions en savoir un peu plus sur la stratégie de gestion de l’État en ce qui concerne ce patrimoine, même s’il est logique, pour des raisons financières, que l’État garde une certaine réserve et ne nous fournisse pas d’indications trop précises. D’où ma première question : le Gouvernement entend-il, monsieur le ministre, mieux informer le Parlement de l’utilisation de ce fonds spécial ?

Concernant l’affectation, ces dernières années, 80% des recettes ont été consacrées au désendettement. Je suis conscient de l’impérieuse nécessité de désendetter notre pays. Toutefois, le produit des cessions de l’État actionnaire serait plus utile, comme cela a été fait pour le plan Campus, pour financer certains secteurs d’avenir, je pense notamment à l’économie de la connaissance. Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il affecter une part du produit de ces cessions à la recherche ?

Lors de l’examen de ce budget en commission, j’ai souhaité me pencher sur deux entreprises qui relèvent de ce compte spécial : La Poste et Areva.

La Poste, qui fait aujourd'hui des bénéfices – 1,3 milliard d’euros – et a versé 140 millions de dividendes à l’État, est en passe de devenir une société anonyme. Or, nous le savons bien, l’ouverture du capital est la première étape vers la privatisation. En l’occurrence, elle pourrait conduire à une fracture postale, à l’instar de la fracture numérique qui a suivi la privatisation de France Télécom et que nous avons aujourd'hui du mal à combler.

Quant à AREVA, qui concerne notamment un territoire que je connais bien – la Bourgogne –, c’est une entreprise très performante aujourd'hui dans un domaine porteur : le nucléaire. Il reste que les projets stratégiques autour d’AREVA ne sont pas sans nous inquiéter. Là aussi, va-t-il y avoir une ouverture du capital ? Ou va-t-il y avoir une fusion avec Alstom ? Cette fusion ferait naître d’autres problématiques avec des partenaires allemands. Monsieur le ministre, quelle est la vision du Gouvernement sur la stratégie que pourrait développer AREVA ?

Je terminerai en évoquant le fonds stratégique d’investissement, dont la création a été annoncée il y a quelques jours par M. le Président de la République. Ce fonds souverain, dont on voit bien l’intérêt puisqu’il pourrait participer au financement des PME, va être financé par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 10 milliards d’euros, par le fonds d’investissement spécial que nous évoquons ici pour 7 milliards d’euros et par la dette pour les 3 milliards d’euros restants.

Aujourd’hui, c’est l’Agence des participations de l’État, qui gère les actions de l’État. Aussi, monsieur le ministre, ce fonds souverain va-t-il modifier le périmètre et les modes d’action de cette agence ?

Sous le bénéfice de ces observations, et même si, à titre personnel, je suis réservé, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de ce compte d’affectation spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces trois missions.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, à cette heure avancée, quel que soit l’intérêt qu’aurait pu avoir mon intervention, je renonce à prendre la parole, préférant laisser M. le ministre nous apporter des explications sur cette mission et ces deux comptes spéciaux. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Vos collègues vous en sont reconnaissants !

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le service de la dette publique et la conduite des opérations patrimoniales de l’État représentent un ensemble de crédits et de mouvements financiers inégalés, si ce n’est par la mission « Remboursements et dégrèvements ».

En ce qui concerne la dette publique, le programme d’émission de titres va être particulièrement important en 2009, puisqu’il atteindra, en théorie, 165 milliards d’euros, dont deux tiers seront consacrés à l’émission de titres d’amortissement des titres de dette antérieurs.

Les nouveaux titres de dette et de créance pour les détenteurs sont, pour l’essentiel, destinés à remplacer les titres antérieurs. Cela soulève la question de l’efficacité de la gestion publique, puisque l’investissement direct de la nation en nouveaux éléments de patrimoine est de plus en plus faible et représente aujourd’hui seulement moins de 10 % du volume d’émissions de l’année.

Pour autant, il faut noter que le coût du service de la dette, tout en étant très élevé, va être inférieur au déficit budgétaire inscrit dans l’article d’équilibre – ce qui devient d’ailleurs une clause de style – et que l’effet « boule de neige » de la dette n’est donc aucunement interrompu.

Sur le service de la dette, il faut constater que le taux d’intérêt moyen qui la grève est poussé vers le haut par la règle d’indexation des obligations assimilables du Trésor indexée sur l’inflation, les OATi.

Si l’indexation assure aux rentiers un revenu tout à fait conforme à leur attente et caractérise la qualité de la signature de l’État français, elle représente tout de même un réel surcoût, qui ne fait que croître avec la multiplication des produits indexés.

Se pose alors l’une des questions les plus importantes pour le moyen et le long terme, celle de la centralisation de la dette publique, sous toutes ses formes, dans les comptes de l’État.

Je voudrais faire quelques observations sur ce point.

Le fait qu’il existe une dette sociale cantonnée et une dette des grandes entreprises publiques et des autres organismes d’administration centrale retracée dans les comptes propres de la CADES, ou de ces entités, n’est pas satisfaisant.

De fait, il conviendrait, selon nous, de procéder, dans des délais rapprochés, à une vaste opération de reclassement de la dette publique et à son intégration, sous des formes appropriées, par offre publique d’échange notamment, dans la dette publique de l’État.

Comment résoudre le problème de la persistance de la dette sociale, la Caisse d’amortissement de la dette sociale semblant promise à devoir encore intervenir pour faire face aux déficits sociaux que des années de déflation salariale, entre autres éléments, ont accumulés ?

De même, il va falloir très vite procéder à la nationalisation de la dette de Réseau ferré de France qui, comme nous l’avions pressenti dès la réforme de 1997, ne parvient toujours pas à réduire de manière sensible son endettement financier et se voit contraint de continuer de s’endetter aux pires conditions pour faire face à sa mission de développement des infrastructures ferroviaires.

Ce n’est pas en vendant son patrimoine immobilier désaffecté au prix le plus proche possible de celui du marché que l’État pourra répondre aux contraintes de sa propre dette.

Évidemment, se pose également la question des engagements en garantie pris par l’État, dans le cadre du collectif budgétaire adopté en octobre dernier, pour aider au financement de l’économie.

Si la mise en place des structures ad hoc s’est déroulée sans difficultés majeures, nous devons formuler quelques remarques de fond.

Si la garantie de l’État n’est pas appelée à jouer sur les crédits bancaires distribués aux entreprises, ce ne sera pas forcément bon signe.

Le paradoxe d’un retour sur investissements pour l’État de la création des deux entités juridiques nées du collectif budgétaire, par versement de dividendes ou d’intérêts, pourrait en effet signifier que les banques ont continué à accorder des prêts à des entreprises par nature solvables, et donc pas forcément à celles qui ont le plus besoin de fonds.

L’intervention publique a en effet été conçue de façon particulière, puisqu’on avance de l’argent levé sur les marchés financiers, on garantit éventuellement des prêts et on attend – on espère, devrais-je dire – que tout cela produise intérêts ou dividendes.

L’État a le même défaut que ces financiers qui attendent que l’argent tombe grâce à l’activité des autres. Quelles exigences a-t-on sur l’utilisation et donc quel regard porte-t-on sur la gestion des sommes garanties ? Aujourd’hui, en tout cas, rien n’est porté à notre connaissance.

Une telle orientation, qui laisse les mains libres à ceux-là mêmes qui ont créé la crise, n’est pas recevable.

Mme Annie David. C’est même inacceptable !

Mme Marie-France Beaufils. C’est pourquoi nous rejetterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la dotation du programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » s’élève à 44,2 milliards d’euros.

La charge de la dette constitue un poste particulièrement difficile à prévoir dans la période actuelle de forte volatilité. Elle est en effet grandement tributaire de la variation de l’inflation et des taux d’intérêt. Cette progression de l’inflation nous a d’ailleurs conduits à réviser à la hausse de façon très importante les crédits pour 2008.

Par rapport à l’exécution prévue en 2008, le projet de loi de finances déposé fin septembre prévoyait déjà pour 2009 une nette diminution, de l’ordre de 900 millions d’euros, des crédits ouverts au titre de la charge de la dette, compte tenu, principalement, d’une prévision d’inflation sensiblement plus faible.

Depuis, le Gouvernement a procédé à des ajustements dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Nous devons en tirer les conséquences mécaniques sur les crédits de la charge de la dette.

D’un côté, les prévisions d’inflation sont plus basses et les marchés anticipent des taux en baisse, ce qui fait diminuer la charge de la dette de plus de 1,5 milliard d’euros. De l’autre côté, la révision des soldes budgétaires en 2008 et 2009 nous demande d’émettre plus. Le coût est de quelque 300 millions d’euros. C’est pourquoi le Gouvernement vous présentera un amendement pour réduire de 1 milliard d’euros la charge de la dette prévue pour 2009 par rapport à celle qui figure dans le texte voté par l’Assemblée nationale. Je sais que la Haute Assemblée aurait voulu aller plus loin, mais je pense qu’il faut rester prudent. D’ailleurs, l’avenir nous le démontre à chaque fois.

Pour répondre à M. Fourcade, qui souligne les différences de coût entre la dette de la CADES et celle de l’État, je veux indiquer que la crise a accentué cette différence. Cela dit, s’il y a bien une différence de nature, et nous devons la respecter, le taux d’émission de la CADES demeure inférieur à celui d’autres émetteurs importants comme la Banque européenne d’investissement, par exemple. La CADES emprunte donc à des taux tout à fait acceptables. On pourrait imaginer tout fusionner, mais si le choix actuel a été fait, c’est précisément pour bien séparer les deux dettes. Je pense que nous devons conserver ce principe.

En ce qui concerne la prévision de dividendes des entreprises du « périmètre APE », elle a été établie à 5,9 milliards d’euros pour 2009. En 2008, elle devait être de 5,6 milliards d’euros. Il y a donc une légère augmentation. L’APE estime ces prévisions fondées compte tenu des résultats des entreprises en 2008. Nous verrons bien. En tout cas, je note que vous êtes sceptique, monsieur le rapporteur spécial.

Je veux aussi répondre à la question qui portait sur l’équilibre du compte spécial « Participations financières de l’État » pour 2009, qui a également été soulevée par M. Patriat.

Le niveau de recettes de 5 milliards d’euros est certes « notionnel », mais il constitue une référence objective. Qu’en sera-t-il en 2009 ? Je ne le sais pas. Nous verrons donc selon les marchés. Pour autant, il est évident qu’il ne faut pas brader les actifs de l’État. Nous n’en avons d’ailleurs pas l’intention. En tout cas, je note aussi une extrême prudence sur ce sujet, et c’est à juste titre.

J’en viens à l’ouverture du capital de La Poste.

À la suite de la présentation au Gouvernement d’un projet de changement de statut suivi d’une éventuelle ouverture de capital par la direction de La Poste, Christine Lagarde a conduit des consultations en septembre. Il a été décidé de créer une commission et d’en confier la présidence à M. François Ailleret. Cette commission est notamment chargée d’examiner les différentes options envisageables. Elle rendra ses conclusions à la fin du mois de décembre. Son travail n’étant pas terminé, il serait prématuré d’anticiper ses conclusions. Le Président de la République et le Premier ministre se sont d’ailleurs récemment exprimés sur ce sujet.

En ce qui concerne l’ouverture du capital d’AREVA, monsieur Patriat, une réflexion d’ensemble a été engagée sur l’avenir de la filière électronucléaire française. Aucune décision n’a cependant été prise quant à une éventuelle évolution de son capital. II n’y pas d’urgence particulière aujourd’hui au regard de la situation financière du groupe.

Je reviens sur l’APE. Vous vous demandez, monsieur le rapporteur pour avis, à propos de cette agence et du fonds stratégique d’investissement si tout cela est bien cohérent.

Je ne vais pas revenir à cette heure avancée sur le fonds stratégique d’investissement, d’autant que Christine Lagarde s’est exprimée à plusieurs reprises ici sur ce sujet, mais sachez que les missions et les modalités d’intervention de l’APE et du fonds stratégique d’investissement sont clairement distinctes.

Le rôle de l’APE est de gérer des participations historiques dans des entreprises publiques dont l’État détient la majorité du capital. Le fonds stratégique d’investissement, quant à lui, est chargé d’investir dans les PME qui en auraient besoin et de défendre des actifs stratégiques.

Ces deux outils ont des logiques de fonctionnement totalement différentes, et nous ne les confondons pas. De nombreux États disposent, eux aussi, de structures séparées de cette nature.

Le CAS « Immobilier », madame Bricq, est un sujet que vous connaissez bien. C’est vrai que la politique immobilière est très importante, mais actuellement le marché n’est pas bon. Ce n’est donc pas simple. Reste que c’est un domaine dans lequel nous avons beaucoup progressé. Nous aimerions donc bien parvenir à concrétiser, mais malheureusement la conjoncture ne s’y prête pas.

En la matière, nous comptons mettre en œuvre une réforme qui comprendra plusieurs volets : des conventions avec les occupants équivalant à un bail seront signées ; un surloyer budgétaire sera appliqué ; une politique interministérielle d’entretien sera menée avec la création d’un programme spécifique, comme je m’y étais engagé ici l’année dernière auprès de votre prédécesseur M. Paul Girod.

En outre, cette réforme comprendra un dispositif plus mutualisé en matière d’utilisation des produits de cession sur le CAS. Nous éviterons ainsi que seul le ministère vendeur ait un retour. Une partie des fonds sera donc « interministérialisée ». C’est un progrès.

Enfin, le patrimoine des opérateurs sera mobilisé. Sur ce point, je me suis déjà exprimé en indiquant qu’il fallait sanctionner les opérateurs qui ne jouent pas le jeu, c’est-à-dire ceux qui ne font pas l’inventaire de leurs biens immobiliers. La sanction pourrait, par exemple, toucher la rémunération des dirigeants.

Je veux évoquer un point extrêmement important, à savoir la suppression de l’affectation. Cela est en passe d’être réalisé, puisque le décret est devant le Conseil d’État ou à la signature du Premier ministre. Désormais, il n’y a plus de problème d’arbitrage et nous pourrons conduire une politique unifiée, fondée sur l’unicité de la propriété de l’État. Cela faisait des années qu’on le demandait et c’est enfin fait.

Je partage aussi, madame le rapporteur spécial, nombre de vos préoccupations. Je suis en effet opposé aux locations de prestige et je souhaite résilier à l’échéance des baux trop coûteux. Un certain nombre sont visés.

Par ailleurs, je souhaite installer des services dans des bâtiments domaniaux. Nous disposons de beaucoup de mètres carrés, nous n’allons donc pas systématiquement louer à l’extérieur à un prix coûteux. Des normes ont donc été définies, douze mètres carrés par agent, par exemple. Reste que c’est une bagarre, car beaucoup de ministères ne veulent pas jouer le jeu. Mais nous y parvenons petit à petit.

Je terminerai par la contribution au désendettement. C’est aussi un point important.

Comme je vous l’ai écrit récemment, j’ai toujours veillé à ce que cette contribution atteigne au moins 15 % des produits de cession, dans le respect de l’autorisation parlementaire. Nous réalisons même des versements complémentaires au CAS lorsque c’est possible : 24 millions d’euros l’an dernier, 19 millions d’euros cette année.

Vous souhaitez intégrer le principe de cette contribution dans la loi. Je le comprends, mais je souhaite tenir compte du financement de la défense, car c’est en réalité l’équilibre financier de l’ensemble de la loi de programmation militaire qui est en jeu. Si nous ne renvoyons pas aux militaires 100 % de leur immobilier, nous creuserons le déficit. Dès lors, on empruntera. Mais il ne sert à rien d’emprunter, puis de rembourser, puisque les crédits militaires ont été arrêtés d’une façon très précise.

Les cessions des emprises du ministère de la défense expliquent l’objectif de 1,4 milliard d’euros l’année prochaine. Cette somme sera ventilée de la façon suivante : 1 milliard d’euros pour la défense et 400 millions d’euros pour le reste. Je sais que le milliard d’euros « défense » représente un vrai défi, mais nous devrons le relever. Cela étant, c’est plus difficile avec un marché aussi atone, c’est le moins que l’on puisse dire. Au-delà des problématiques conjoncturelles, il y a bien un effort de défense, qui repose sur des cessions immobilières et sur des crédits budgétaires.

Enfin, en ce qui concerne l’état d’avancement des cessions en 2008, à ce stade, les encaissements sont de 261 millions d’euros. Mais les résultats ne sont pas définitifs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)