Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué aux groupes pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais faire entendre une musique un peu différente et me montrerai peut-être un peu plus critique que les orateurs précédents.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Chacun son travail !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Merci de vous en excuser au préalable !

M. Richard Yung. J’espère parvenir à faire passer quelques messages…

Le moins que l’on puisse dire, monsieur le ministre, c’est que, depuis un an et demi, vous n’avez pas ménagé vos efforts pour remplir la mission, sans doute ingrate, que vous a confiée le Président de la République et dont vous pensez, probablement à raison, qu’elle est d’abord idéologique. Car c’est bien sur le terrain idéologique que vous menez la bataille et, après avoir instillé la peur dans l’esprit des Français, vous vous offrez à les rassurer.

Le présent projet de budget consacre cette politique qui donne la priorité au renvoi des étrangers – certains ont employé l’expression de « chasse aux étrangers » – et à la promotion de l’immigration économique.

En 2009, la lutte contre l’immigration irrégulière se verra allouer 80,8 millions d’euros, soit des crédits en augmentation de 2,2 %, alors que 77,8 millions d’euros seront affectés à l’intégration et à l’accès à la nationalité, ce qui représente une baisse de… 56,6 % ! Il y a donc nettement deux poids, deux mesures, et la priorité est claire : ce n’est pas l’intégration, c’est bien sûr le renvoi des immigrants dans leur pays. La politique du chiffre et ses conséquences continueront donc de prévaloir.

L’objectif pour 2009, comme pour 2008, est fixé, au nom de la préservation de l’identité nationale, à 30 000 renvois. Selon le projet annuel de performance, le coût moyen d’une reconduite à la frontière s’élèvera à 2 450 euros en 2009, contre 2 936 euros en 2007.

Nous nous réjouissons de ces gains de productivité, monsieur le ministre, et nous vous en félicitons : vous économisez les deniers de l’État ! Mais ce coût n’inclut que les frais de billetterie et les dépenses « hôtelières », pour employer un euphémisme, et ne tient pas compte des moyens humains qui sont mobilisés.

D’après la commission des finances – le rapporteur spécial y a fait allusion –, le coût total serait de l’ordre de 20 000 euros par renvoi. Vingt mille euros ! Faites le calcul, mes chers collègues : 30 000 renvois à 20 000 euros, cela fait 600 millions d’euros. Voilà la réalité du budget !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Non !

M. Richard Yung. Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de tout ce que nous pourrions faire d’intelligent avec 600 millions d’euros : enseigner le français, diffuser notre culture, aider les migrants à se préparer à occuper un emploi, à être utiles à la nation française… ? Mais tel n’est pas le choix qui a été fait.

Tout comme la politique des renvois, la politique de l’immigration dite « choisie » a ses limites qu’illustre la fameuse carte de séjour « compétences et talents ».

Mme Nathalie Goulet. C’est la carte Gold !

M. Richard Yung. « Compétences et talents », voilà un beau nom, et on souhaiterait que ces cartes soient attribuées en nombre ! Or, au 30 septembre 2008, seules 160 cartes avaient été délivrées. Nous sommes donc bien loin de l’objectif de 2 000 que vous vous étiez fixé pour cette année !

La situation est très semblable en ce qui concerne les fameux accords internationaux que vous voulez conclure avec divers pays africains. Vous vous targuez, sans doute à juste titre, d’avoir signé sept accords bilatéraux. Or, à l’heure actuelle, seul l’accord avec le Gabon est entré en vigueur. On voit là la référence -  pour ne pas dire la révérence  - faite à notre ami El Hadj Omar Bongo, père de la « Françafrique » ; car tout le monde sait bien que les Gabonais n’émigrent pas vers la France ! Quant aux autres pays… Le Mali, par exemple, qui est un pays d’hommes fiers – les Mandingues, les Toucouleurs – a refusé de signer l’accord que vous le pressiez de conclure.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. C’est totalement faux !

M. Richard Yung. C’est en tout cas ce que la presse a rapporté ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la presse qui conclut les accords !

M. Alain Gournac. La presse ne dit pas toujours la vérité !

M. Richard Yung. Vous pourrez, monsieur le ministre, nous apporter des explications. Pour ma part, je me fonde sur les informations disponibles !

J’en viens à présent à la question de la rétention administrative et de ses conditions.

Deux rapports ont été récemment rendus sur ce sujet, celui du commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui faisait d’ailleurs suite à un premier rapport d’un précédent commissaire aux droits de l’homme, et celui du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Tous deux rappellent les mauvaises conditions matérielles qui prévalent dans les centres de rétention ainsi que les difficultés que rencontrent les personnes qui y sont placées pour être informées des moyens dont elles pourraient disposer pour assurer leur « défense », si j’ose dire.

Le projet de budget pour 2009 augure mal des suites qui seront données à ces rapports. Les étrangers enfermés seront plus nombreux, et les crédits alloués au fonctionnement des centres de rétention augmenteront de 4 % ; au total, 2 000 places devraient être disponibles en 2009, contre 773 en 2003. Voilà de l’augmentation ! Voilà du chiffre !

Je voudrais évoquer un autre aspect de ce même sujet : l’assistance juridique accordée aux étrangers placés en rétention administrative, question qui a un peu occupé les gazettes.

Cette très difficile mission, on le sait, est remplie depuis de nombreuses années par le Service œcuménique d’entraide, plus connu sous le nom de CIMADE. En effet, lorsque, au moment de la création des centres de rétention administrative, le ministre alors en fonctions avait lancé un appel aux associations, ce fut la seule organisation qui accepta de s’en charger, sans doute parce que, depuis la fin de la guerre, elle assumait une fonction similaire et avait donc une expérience en la matière.

Le remarquable travail qu’elle effectue est aujourd’hui menacé parce que, sous prétexte de mettre fin à sa position de monopole, vous avez tenté, monsieur le ministre, de réduire sa place dans les centres de rétention. Vous avez ainsi prétendu que la CIMADE refusait de travailler avec d’autres organisations, ce qui, à ma connaissance, est faux : depuis deux ans, la CIMADE travaille en partenariat avec au moins deux associations, dont le Secours catholique – protestants d’un côté, catholiques de l’autre : on ne peut pas être plus œcuménique ! –, et souhaite étendre ce travail collectif à d’autres associations, à des syndicats, à des avocats…

Monsieur le ministre, l’appel d’offres que vous avez lancé a été annulé par le tribunal administratif de Paris, et le contrat de la CIMADE s’arrête à la fin de l’année. Vous avez affirmé, lors de votre audition par la commission des lois, que vous envisagiez de prolonger le contrat de la CIMADE. Il me semble qu’il serait souhaitable de ne plus travailler dans le cadre d’un marché public et de mettre en place une délégation de service public.

Enfin, vous projetez de créer un nouvel opérateur unique qui serait responsable de l’intégration des primo-arrivants et s’appellerait « office français de l’immigration et de l’intégration », ou OFII. Voilà bien un grand jeu français : créer des organismes au fur et à mesure que l’on avance ! Cet office serait issu de la fusion de deux établissements publics, l’ANAEM et l’ACSé. En tirera-t-il une plus grande efficacité ? Peut-être ! Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, j’aimerais obtenir des précisions sur le rôle que vous envisagez de lui confier et sur la politique qu’il sera chargé de mener.

Je me réjouis au passage de constater la suppression, à cette occasion, de la taxe de 45 euros qui était perçue en faveur de l’ANAEM lors de la demande de validation d’une attestation d’accueil.

En revanche, et contrairement au rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de réduire de 1,5 million d’euros les crédits de l’ANAEM., car je considère que la formation professionnelle des Français de l’étranger fait partie des tâches de l’ANAEM. Même si cet aspect ne relève pas de votre département, monsieur le ministre, je voudrais souligner à quel point il est important de donner aux Français de l’étranger une formation professionnelle sur place ; on peut ainsi éviter qu’ils ne soient placés dans des situations difficiles qui nous obligent ensuite à les ramener en France.

Les Français expatriés ont déjà beaucoup souffert, les crédits ont déjà été réduits de plus de moitié : supprimer encore 1,5 million d’euros que l’ANAEM aurait consacré à la formation professionnelle n’est pas judicieux.

Pour conclure, monsieur le ministre, je vous ferai part de mon inquiétude et de celle de nombreux citoyens devant la suppression de la sous-direction de l’accès à la nationalité.

Le transfert aux préfectures de la charge des naturalisations entraînera un allongement des délais de traitement et une rupture d’égalité entre les demandeurs. En effet, les décisions risquent de varier, si bien que les personnes souhaitant accéder à la nationalité française feront le tour de France des préfectures, de Rodez à Charleville-Mézières, à la recherche des plus libérales. Ce n’est certainement pas une bonne chose : les décisions doivent être marquées d’une certaine homogénéité.

En outre, cette réforme ne sera pas pertinente, car la mission effectuée par les services préfectoraux ne peut pas être comparable, en qualité, au travail d’instruction qui est assuré par les agents de la sous-direction de l’accès à la nationalité. Je pense donc qu’il serait de bonne politique de maintenir cette sous-direction.

Mme la présidente. Il vous faut conclure, mon cher collègue.

M. Richard Yung. Les sénateurs du groupe socialiste veulent une autre politique de l’immigration, ferme contre les illégaux, accueillante pour ceux qui veulent travailler dans notre pays, ouverte au regroupement familial et au droit d’asile.

Au vu de ces remarques, vous comprendrez, mes chers collègues, que mon groupe ne votera pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques jours, la présidence française de l’Union européenne s’achèvera. Elle aura été marquée par l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile, caractérisé par le fameux concept d’immigration choisie qui vous est si cher.

Ainsi, les vingt-sept pays européens se sont prononcés en faveur d’une législation sur le renvoi des migrants, le renforcement des contrôles aux frontières, la sélection de travailleurs hautement qualifiés, les régularisations en fonction des exigences du marché du travail, l’interdiction des régularisations collectives. La politique européenne de l’immigration oscille ainsi entre instrumentalisation du codéveloppement et répression.

La semaine dernière, lors de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, l’Europe a confirmé sa vision des migrations, essentiellement axée sur la sélection. La conférence a abouti à l’adoption d’un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, à contrecarrer l’immigration illégale et à organiser le développement solidaire.

De la même façon, monsieur le ministre, les accords de gestion concertée des flux migratoires que vous faites signer aux pays africains d’émigration vous permettent de faire pression sur eux. Vous leur promettez des possibilités de migration légale qui restent limitées et une aide au développement, en échange de quoi vous demandez aux pays de départ et de transit de contrôler les flux migratoires et de faciliter la réadmission des personnes expulsées par la France. Bref, vous leur demandez d’être les gendarmes de l’Europe !

Sans doute espérez-vous réaliser de substantielles économies en sous-traitant de la sorte la gestion des flux migratoires ?

Des accords ont ainsi été signés avec plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne, à l’exception du Mali. Pourtant chacun sait que, pour l’essentiel, les migrations se font davantage du Sud vers le Sud plutôt que du Sud vers l’Europe. Par exemple, 70 % des migrations au départ du Mali ont pour destination le Ghana, le Niger ou la Gambie…

Nous savons aussi que la proportion d’étrangers présents sur le sol européen reste faible : 5,1 % de la population totale. Nous sommes bien loin de l’invasion que vous semblez craindre !

Vous persistez cependant, monsieur le ministre, à vouloir interdire le mouvement des personnes, alors que vous prônez la mondialisation et la libre circulation des capitaux et des marchandises. Pourtant, les migrants envoient dans leurs pays d’origine des sommes bien supérieures à celles qui sont prévues au budget de l’aide publique au développement ! Ils participent ainsi au développement sur place des villages et à des projets locaux, et font vivre les membres de leur famille restés au pays.

L’immigration choisie passe également par le projet de « carte bleue européenne » dont l’adoption finale a été différée au 8 décembre. Ce permis de travail destiné aux immigrés hautement qualifiés va avoir – quoi que vous en disiez – de graves incidences en termes de fuite des cerveaux. Les candidats à ce permis devront en effet justifier d’un contrat de travail prévoyant un salaire minimum correspondant à au moins 1,5 fois le salaire brut moyen du pays, soit, pour la France, l’équivalent d’un salaire brut mensuel de 3 850 euros.

Ces fuites de matière grise caractérisent l’émigration du Sud vers le Nord et entraînent pour les pays d’origine un manque de personnels de santé et de techniciens ainsi qu’une perte de revenu national faute de rentrées d’impôt.

L’Europe se fait de plus en plus forteresse ; certains parlent même de « bunkérisation ». Pourtant, il ne faut pas oublier que l’Europe va, dans un avenir proche, devoir faire face au vieillissement de sa population. Ses besoins en main-d’œuvre vont aller croissant avec le départ à la retraite des enfants du baby-boom, qui va s’étaler sur la période 2015-2030 avec un pic en 2018.

Monsieur le ministre, votre budget, ce sont aussi les centres de rétention, qui coûtent très cher, en fonctionnement comme en investissement.

Plutôt que de mettre de l’argent dans la construction de nouvelles places dans les centres de rétention administrative, les CRA, je pense qu’il serait utile d’investir dans d’autres domaines, d’autant que les centres de grande capacité comme ceux de Vincennes ou les deux centres de 120 places chacun que vous envisagez de construire au Mesnil-Amelot, en plus du centre actuel de 140 places, ne peuvent qu’engendrer des tensions et poser de graves problèmes, comme cela s’est déjà produit à plusieurs reprises. Il convient, par conséquent, de limiter la capacité de ces centres, comme l’a d’ailleurs recommandé M. Delarue lui-même.

Par ailleurs, bien qu’en théorie les mineurs étrangers ne puissent faire l’objet ni d’un arrêté d’expulsion, ni d’une mesure de reconduite à la frontière, encore moins, par conséquent, d’un placement en rétention, il s’avère qu’en pratique cette règle n’est guère appliquée.

Nous n’avons aucune idée du nombre de mineurs qui sont placés chaque année en rétention en France métropolitaine, ni dans quelles conditions ils y sont maintenus. Monsieur le ministre, la transparence s’impose en la matière.

La situation dans les locaux de rétention administrative, les LRA, ne doit pas échapper à notre vigilance même si la durée de rétention y est réduite par rapport à celle qui prévaut dans les centres de détention, les CRA.

S’agissant des droits des personnes retenues et de la présence de la CIMADE, je voudrais dire que nous ne sommes pas opposés – la CIMADE non plus, d’ailleurs – à ce que d’autres associations soient présentes dans ces lieux, à condition toutefois qu’elles soient compétentes en matière juridique, car l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers est indispensable et seules les associations disposant de personnel formé et expérimenté doivent pouvoir se porter candidates à l’appel d’offres.

M. Brice Hortefeux, ministre. Bien sûr !

Mme Éliane Assassi. C’est une matière très importante tant la législation relative aux droits des étrangers, sans cesse modifiée, est complexe. Je veux parler notamment des délais à respecter, des différents recours possibles à la suite de décisions toujours importantes prises à l’encontre des étrangers, autant de sujets qu’il ne faut pas négliger. Il ne s’agit donc pas uniquement d’apporter une aide humanitaire, certes indispensable, mais qui ne saurait à elle seule suffire.

En tout état de cause, je reste vigilante quant à la future organisation de l’aide juridique aux étrangers.

Quant aux objectifs en termes d’expulsions effectives du territoire, nous en sommes arrivés à 30 000 pour 2009.

M. Brice Hortefeux, ministre. Mais non !

Mme Éliane Assassi. Je vous l’accorde, on ne sait toujours pas d’où viennent ces chiffres ni sur quelle base ils ont été déterminés.

Il faut noter que les retours volontaires représentent un peu plus du tiers du total des éloignements du territoire. En comptabilisant ces retours volontaires, qui sont dus en grande majorité au dispositif d’aide au retour humanitaire et qui concernent des communautaires, Roumains et Bulgares en particulier, vous faussez la donne et, au passage, ces « expulsions déguisées » vous coûtent moins cher.

Le nombre des expulsions brandi comme un record vous sert à manipuler l’opinion publique pour lui laisser croire que le Gouvernement obtient ici des résultats qu’il ne peut obtenir dans les domaines économique et social.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat va jusqu’à émettre comme piste de réflexion la possibilité de renvoyer les parents en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés en leur proposant une aide au retour volontaire, qui revient moins cher et est plus commode qu’un retour forcé, lequel mobilise bien évidemment la société civile et peut échouer !

On nous dit que le coût d’une expulsion du territoire s’est élevé en 2008 à 2 800 euros. Vous envisagez de ramener ce coût moyen aux alentours de 2 450 euros dès 2009. C’est déjà beaucoup, mais cela reste très en deçà de la réalité, car d’autres ministères sont impliqués.

Il serait temps, par conséquent, que les parlementaires connaissent le coût moyen complet d’une reconduite à la frontière. Car un autre chiffre est avancé par la commission des finances – c’est écrit dans son rapport – celui de 20 970 euros par personne reconduite. On est donc bien loin des 42 millions d’euros – 39 millions pour les frais de billetterie et 3 millions pour la location d’avions – inscrits dans votre budget.

Compte tenu du caractère exorbitant de ce coût, j’estime qu’il faut la transparence en la matière. Allons-nous un jour connaître le coût exact d’une expulsion du territoire tous frais compris ?

Pour conclure d’un mot, car le temps va me manquer, j’évoquerai le droit d’asile.

Je veux souligner le fait que, malgré vos lois restrictives en matière d’accès au droit d’asile et bien que vous considériez l’asile comme un simple flux migratoire, les demandes d’asile sont tout de même en hausse sur l’année 2008. C’est dire que la situation dans le monde ne s’est guère améliorée. C’est dire aussi que nous devons être en dessous de la réalité en ce qui concerne le nombre réel de demandeurs d’asile puisque tous n’ont pas accès à l’asile. C’est dire enfin combien vos prévisions de l’an passé, qui se fondaient sur une hypothèse de diminution du nombre des demandes d’asile en raison de vos réformes restrictives, étaient erronées.

À la lumière de ces observations, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre les crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rendre hommage aux rapporteurs, qui ont permis aux différents intervenants de soulever un certain nombre de questions, notamment d’ordre technique.

L’examen du projet de loi de finances est pour nous l’occasion de redéfinir les axes politiques. En ce qui concerne votre ministère, monsieur le ministre, c’est une première parce qu’il a douze mois d’existence et qu’il est issu d’un projet politique décidé par le Président de la République. Je reconnais que nombre d’entre nous observions sa mise en place avec un certain espoir, mais aussi une certaine angoisse.

Mme Éliane Assassi. C’est clair, il n’y a pas d’ambiguïté !

M. Philippe Dominati. Or on est aujourd’hui en mesure d’établir un premier bilan politique avant de faire un premier bilan comptable et administratif de la mission.

Au demeurant, on n’imaginait pas que le bilan politique puisse être établi aussi rapidement. En effet, il y a un an, on nous annonçait de nombreuses difficultés : la France risquait d’être montrée du doigt par le reste de l’Europe et on allait d’un seul coup altérer l’image de notre pays, qui jouit d’une aura internationale.

Or qu’en est-il exactement ?

En l’espace de neuf mois, nous avons remporté plusieurs succès.

Nous avons connu une consécration européenne, puisque le pacte qui a été signé par les vingt-sept États membres voilà deux mois apporte la confirmation que la politique qui a été choisie par notre pays, sous l’impulsion du Président de la République, mais sous votre autorité, monsieur le ministre, a été ratifiée et amplifiée à l’échelon du continent européen.

Le pacte européen, ce sont les cinq engagements majeurs qui ont été définis par la politique française voilà un an.

En ce qui concerne le droit d’asile, qui fait tellement débat, il faut tout de même rappeler qu’en 2005 la France comptait autant de demandeurs d’asile que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada réunis. La France est donc loin d’être particulièrement sévère en la matière.

L’an dernier, on nous a beaucoup parlé du droit d’asile. Des mesures particulières ont été prises lors de la conférence de Vichy, avec notamment la création d’un bureau européen et la mise en place d’une politique européenne commune.

Sur le plan national, je retiendrai pour ma part deux réussites.

La première, c’est le taux de l’immigration professionnelle. Un objectif de l’ordre de 50 % a été défini sur l’ensemble de la mandature. Le point de départ se situait à 7 %, nous sommes aux alentours de 25 %. Cette progression en un an est manifestement très importante dans l’esprit même de la réforme qui a été menée, pour ce qui est tant de la compréhension par la société française et des nécessités de l’économie que de l’humanisation de la politique de l’immigration.

La seconde réussite, qui va de pair avec la première, concerne la lutte contre l’immigration clandestine. Une centaine de filières ont été démantelées et il y a eu 400 interpellations d’employeurs d’étrangers en situation irrégulière. Voilà deux succès à mettre au compte de l’action du nouveau ministère.

J’en viens maintenant au budget, à l’organisation et à la méthode qui a été employée.

Dix-sept mois se sont écoulés entre la volonté de créer ce ministère et sa mise en place, le 1er janvier dernier.

Je dois le reconnaître, le libéral que je suis pouvait craindre la création d’un nouveau ministère dans le pays où la part de la fonction publique est la plus importante de l’OCDE, après la Belgique.

Or qu’en est-il exactement ?

D’abord, s’agissant des moyens, l’installation du ministère a permis de réaliser une économie de 7 millions d’euros. Il faut tout de même le rappeler, puisque cela a fait l’objet d’une polémique.

La méthode employée est originale, puisqu’il s’agit d’une administration d’état-major, telle que définie par votre secrétaire général : 600 fonctionnaires ont autorité sur deux opérateurs de l’État.

Nous avons donc un ministère moderne dans sa structure, qui, au bout d’une année d’exercice, redéfinit très rapidement son champ d’intervention, contrairement à une tendance générale qui voit les structures tenter d’accumuler ressources et pouvoirs. Les affaires de la Cour nationale du droit d’asile, notamment, sortent de votre budget.

De même, la compétence de votre ministère dans la durée est clairement définie : cinq ans. Cela explique le transfert de crédits vers le secrétariat d’État chargé de la politique de la Ville.

J’évoquerai maintenant plus précisément cinq actions menées par votre ministère.

En ce qui concerne les centres de rétention, certains ont soutenu qu’il n’y avait pas d’effort particulier. Or je constate qu’aux 100 places créées l’an dernier s’en ajoutent 120 cette année et que 27 millions d’euros ont été consacrés à cette politique. On a donc doublé le nombre de places : c’est une réalité !

M. le rapporteur spécial et certains des intervenants qui m’ont précédé ont souligné l’effort qui doit être engagé sur l’aide au retour volontaire, qui s’élève à 2 000 euros, plutôt que sur la reconduite à la frontière, qui se situe aux alentours de 20 000 euros. Un effort de gestion a été réalisé également, puisque le fonds de roulement de l’ANAEM a été redéployé au service de l’État.

J’ai noté enfin la modernisation des moyens par la mise en place des visas biométriques, la lutte contre les « doublons » administratifs entre les consulats et les préfectures pour les visas de long séjour et la poursuite de la politique de partenariat que vous aviez déjà initiée, une conférence ayant été organisée avec les pays africains.

Pour le groupe UMP, ce budget est tout à fait conforme à la volonté affirmée en cette période difficile d’être vigilant sur la dépense publique. Nous sommes également très satisfaits, et même enthousiastes, devant les résultats politiques obtenus sur le plan tant international que national.

Pour conclure, j’ai découvert que votre ministère avait été lauréat des premières Victoires de la modernisation de l’État, monsieur le ministre ; je ne le savais pas…