M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Bernard Vera. Si le nombre des contribuables faisant appel au dispositif n’augmente pas dans les mêmes proportions, il faut en conclure que les plus fortunés de ces contribuables seront conduits à bénéficier d’une restitution encore plus importante.

Au demeurant, c’est sans doute la procédure en elle-même qui réduit, par principe, le nombre de contribuables sollicitant le bouclier fiscal.

Dans notre pays, apparemment, on peut disposer d’un important patrimoine et de confortables revenus sans souhaiter jouer cartes sur table et justifier l’ensemble des montages juridiques et fiscaux que l’on met en place pour optimiser le montant de ses impôts !

Ainsi les 500 très gros contribuables qui ont bénéficié des plus grosses restitutions au titre du bouclier fiscal ne représentent-ils qu’un millième du total des personnes assujetties à l’ISF.

Quant à l’impact du bouclier fiscal, force est de constater qu’il semble être de l’ordre de l’infiniment petit. Il n’apporte rien de plus aux contribuables les plus modestes et ne paraît pas avoir nécessairement provoqué chez ses très gros bénéficiaires autre chose que la remise à disposition de sommes d’argent importantes sans usage particulier.

Alors, cessons de faire figurer dans notre législation cette anomalie qui ne fait qu’adoucir la peine fiscale de quelques centaines de familles qui, le plus souvent, ne sont pas à quelques dizaines de milliers d’euros près pour vivre dans le confort.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. Je viens d’être saisi de deux sous-amendements présentés par M. Michel Charasse.

Le sous-amendement n° II-401 est ainsi libellé :

Compléter le I de l'amendement n° II-309 par les mots :

, sauf pour les contribuables non résidents

Le sous-amendement n° II-402 est ainsi libellé :

Compléter le I de l'amendement n° II-387 par les mots :

, sauf pour les contribuables non résidents

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Le rapporteur général et l’auteur des amendements ne seront pas surpris par ces sous-amendements puisque j’en ai parlé en commission ce matin. Il s’agit de maintenir l’impôt de solidarité sur la fortune pour les contribuables non-résidents. En effet, un certain nombre de non-résidents fiscaux ne paient pas l’impôt sur le revenu, mais paient l’impôt de solidarité sur la fortune. Si on supprime l’ISF en compensant par une tranche complémentaire élevée d’impôt sur le revenu, ce sont les contribuables résidents qui paieront la compensation, tandis que les non-résidents qui paient aujourd’hui se trouveront exonérés sans compensation.

C’est pour cette raison que je souhaite exclure les contribuables non-résidents de la mesure de suppression de l’ISF. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons l’examen des articles non rattachés de la seconde partie ; nous allons donc parler longuement de fiscalité au cours des heures qui viennent. J’ajoute que nous allons effectuer de la technique fiscale, en entrant dans l’extrême détail de dispositifs d’une très grande complexité. Ce faisant, nous allons probablement, au travers de ce projet de loi de finances, introduire dans le code général des impôts une complexité supplémentaire qui le rendra encore plus illisible. Ce ne sera pas surprenant : cela se produit d’une loi de finances à l’autre, quel que soit le gouvernement en place.

Le mérite du président Jean Arthuis et de Jean-Pierre Fourcade, qui a bien voulu s’associer à cette initiative, est de nous inciter à faire, pendant quelques instants, de la stratégie fiscale et à prendre un peu de distance par rapport à la technique, aux niches fiscales et au corporatisme qui ne manquera pas de s’exprimer largement sur nos travées au cours de nos débats. Il s’agit donc de réfléchir à notre système fiscal indépendamment des intérêts particuliers.

Il existe en effet, madame le ministre, une réalité incontournable : nous vivons une période de crise qui implique des réponses exceptionnelles et une hausse du déficit budgétaire. C’est ce que font tous les États du monde développé, et c’est ce que nous faisons ! Au bout du compte, nous devrons financer, d’ici peu de temps, un déficit nettement supérieur aux 3 % autorisés par le traité de Maastricht.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Peu importe les évaluations ! Je crois, ma chère collègue, que nous pouvons partager une partie au moins de ce raisonnement.

Lorsque nous devrons faire face aux besoins de financement qui seront les nôtres dans un, deux ou trois ans, pourra-t-on demander à l’actuel système fiscal et de contribution sociale de faire la différence ? Telle est la question fondamentale qui se pose !

Je suis de ceux qui estiment qu’il faudra mettre en œuvre, à ce moment-là, dans un souci de clarté et de cohérence de la politique économique, une nouvelle stratégie des prélèvements obligatoires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Des questions incontournables se posent : quelles sont les bonnes bases d’imposition ? Quelle est la juste limite entre la proportionnalité et la progressivité ? Comment faire fonctionner un système fiscal susceptible d’avoir un bon rendement au sein d’un État ouvert et d’une Europe ouverte ? Autrement dit, comment pourrons-nous à la fois accroître les recettes de l’État et de la sécurité sociale, car ce sera nécessaire, et demeurer attractifs pour nos entreprises et pour l’emploi ?

Puisqu’il nous faudra traiter ces sujets fondamentaux, autant s’y préparer !

Nous sommes donc saisis de trois amendements.

Le troisième amendement prévoyant une mesure partielle, la commission préfère – et même, y adhère ! – le raisonnement en forme de trilogie présenté par le président Jean Arthuis.

Je tiens à rappeler, très brièvement, que la situation confuse où nous nous trouvons a pour origine une erreur économique : la création de l’ISF. Au demeurant, notre pays est le dernier en Europe à connaître un tel impôt, et ce n’est pas un hasard. Il n’est pas concevable, au moment de l’ouverture des frontières, d’entretenir une exception fiscale à la française ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.) Quand on fait des choix, il faut être cohérent et considérer toutes leurs implications !

Nous savons bien que le bouclier fiscal est né de l’ISF ! Un certain été, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, nous a appelés, le président Jean Arthuis et moi-même, sur nos lieux de vacances pour nous expliquer que ce dispositif avait pour objet de mettre fin à l’essentiel des problèmes posés par l’ISF.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous l’avons donc voté. En effet, depuis bon nombre d’années, notamment lorsque M. Alain Lambert était ministre du budget, nous avions tenté de supprimer les effets pervers, en termes de localisation des activités économiques, attachés à l’impôt sur le patrimoine à la française, c’est-à-dire à l’ISF. Nous nous étions efforcés, notamment dans la loi Dutreil, avec les engagements collectifs de conservation, puis au travers d’autres textes, de pallier certains des inconvénients les plus manifestes de cet impôt.

Puis est arrivée la période de la dernière élection présidentielle. Il semblait alors tout à fait concevable et cohérent de poser le principe d’un impôt cumulé non spoliateur, c’est-à-dire qui ne soit pas supérieur à 50 % du revenu disponible du foyer fiscal en question. Le bouclier fiscal, initialement mis en œuvre au taux de 60 %, a donc été fixé à 50 % dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, votée au cours de l’été 2007.

Toutes les incohérences indiquées par M. Jean Arthuis se sont révélées depuis lors.

Lorsqu’il est nécessaire de demander un effort supplémentaire, au nom de quoi ferait-on une exception pour ceux qui bénéficient de la situation, en théorie et en pratique, de la façon la plus enviable ? (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)

Il s’agit d’une contradiction interne que l’enchaînement ISF-bouclier fiscal fait apparaître. C’est inéluctable ! Cette évidence s’imposera de plus en plus texte après texte. Mieux vaut regarder la réalité en face et ne pas la contourner !

Si cette assemblée a une utilité quelconque, probablement est-ce dû fait que l’on ose y poser des questions qui ne sont pas forcément, sur le moment, politiquement conformes. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

Quelles sont donc, au travers de ces amendements, les intentions du président Jean Arthuis, de ses collègues du groupe centriste et de Jean-Pierre Fourcade, auxquels je me suis associé en cosignant l’amendement n° II-387 ?

Nous proposons de poser d’un seul bloc une problématique qui comporte trois éléments indissociables.

Il faut supprimer l’ISF. Dès lors le bouclier fiscal n’a plus aucune utilité et doit lui-même être supprimé.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien entendu, il ne faut pas accroître un déficit d’ores et déjà préoccupant. Donc, le produit de l’ISF doit être compensé par celui d’un impôt sur « les revenus ». Doit-il s’agir de l’impôt sur le revenu ou d’une composante particulière de cet impôt, celle des plus- values réalisées sur la cession de différentes catégories d’actifs ? Le débat est ouvert ! Le fait même que nous ayons déposé deux amendements montre bien que nous n’avons pas encore de certitude à ce sujet.

Nous souhaitons vivement, madame le ministre, que vous nous fassiez part de votre réaction à cette initiative destinée à vous interpeller, ainsi que le Gouvernement, pour les années à venir, sur la question de la stratégie fiscale et des prélèvements obligatoires à laquelle il faudra répondre lors de la sortie de crise. C’est alors que nous devrons être pugnaces et efficaces si nous voulons que notre pays demeure attractif au sein de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)

Bien entendu, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-311 rectifié, qui n’aborde que l’un des trois points de la trilogie.

M. Jean-Jacques Jégou. C’est dommage !

M. le président. Je suis saisi, in extremis, de deux sous-amendements aux amendements nos II-309 et II-387.

Le sous-amendement n° II-403, présenté par M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

I. - Supprimer le I de l'amendement n° II-309.

II. - Remplacer les III et IV de l'amendement n° II-309 par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - 1. À compter de l'imposition des revenus 2009, le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En outre, les revenus supérieurs à 100 000 euros par part sont soumis à un taux d'imposition de 45 %. »

2. À compter du 1er janvier 2009, le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est porté à 20 %.

Le sous-amendement n° II-404, présenté par M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

I- Supprimer le I de l'amendement n° II-387.

II - Remplacer les III et IV de l'amendement n° II-387 par un paragraphe ainsi rédigé :

II- 1. À compter de l'imposition des revenus 2009, le 1 du I de l'article 197 du code des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"En outre, les revenus supérieurs à 100 000 euros par part sont soumis à un taux d'imposition de 45 %".

2. À compter du 1er janvier 2009, le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est porté à 20 %.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Les amendements du président de la commission des finances, soutenu par les membres du groupe de l’Union Centriste, ne sont pas sans portée.

Il s’agit de procéder à une démarche triple.

La première mesure consiste à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le produit, proche de 4 milliards d’euros aujourd’hui, subira probablement les effets de la crise boursière que nous connaissons.

La deuxième mesure, préconisée dans les deux amendements – le second amendement étant cosigné par le président Jean Arthuis, le rapporteur général et Jean-Pierre Fourcade –, vise à supprimer l’inefficace bouclier fiscal, dont il apparaît de plus en plus clairement qu’il n’avait qu’une raison d’être : alléger l’ISF.

La troisième mesure, destinée sans doute à compenser les effets de la disparition de l’ISF, tend à créer une nouvelle tranche d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu : un taux de 45 % serait appliqué aux revenus dont la quotité par part dépasserait, par exemple, les 100 000 euros !

Si l’on en croit les documents publics du ministère des finances, notre pays compte un peu moins de 500 000 foyers fiscaux dont le revenu annuel est supérieur à 97 500 euros par foyer. Le revenu moyen de ces foyers se situe d’ailleurs, par prise en compte de la somme des revenus de référence, à 203 740 euros. Les amendements visent directement ces personnes.

Ces foyers représentent ainsi 1,4 % du total des contribuables de l’impôt sur le revenu, mais capitalisent 12,9 % du revenu imposable et acquittent 41,4 % du produit de l’impôt sur le revenu, hors application, bien entendu, des régimes spécifiques et constatation des recettes issues des prélèvements libératoires.

Cette part importante du produit de l’impôt doit cependant être ramenée au taux de prélèvement apparent existant, inférieur à 20 % pour cette catégorie de contribuables.

Avant la réforme de l’impôt sur le revenu contenue dans la loi de finances pour 2006, ces mêmes contribuables subissaient un taux de prélèvement fiscal de 22,5 %.

Cela signifie qu’ils ont été, comme nous l’avions dénoncé à l’époque, les grands bénéficiaires de ladite réforme, notamment de la suppression de l’abattement de 20 %.

Accroître de cinq points le taux d’imposition de ces revenus augmenterait sans doute de manière importante le rendement de l’impôt sur le revenu. On peut même en déduire que, dans l’absolu, ce serait aux alentours de 5 milliards d’euros de recettes nouvelles qui parviendraient dans les caisses de l’État.

Mais posons la question : est-il juste de procéder à une imposition plus forte de l’activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non, puisque c’est bel et bien à cela que nous allons aboutir ? En effet, plus des trois quarts des foyers fiscaux concernés comptent au moins un salarié, si ce n’est deux, alors que ce n’est le cas que des deux tiers de l’ensemble des contribuables de l’impôt sur le revenu.

Cela dit, on ne peut concevoir le nécessaire renforcement du rendement de l’impôt sur le revenu de manière isolée dans un paysage fiscal pratiquement préservé autour de cet impôt emblématique.

On ne peut augmenter le rendement de l’IRPP sans mettre en question les nombreuses « niches fiscales » qui permettent aux revenus du capital et du patrimoine d’échapper à l’imposition au barème progressif et qui ne rentrent pas dans le champ du revenu fiscal de référence.

Il faut maintenir l’ISF afin d’éviter et de pallier le risque de l’optimisation fiscale.

C’est pourquoi nous avons présenté ces deux sous-amendements.

Ils consistent, d’abord, à supprimer les I de l’amendement n°II-309 et de l’amendement n°II-387 relatifs à l’ISF.

Puis, à rédiger ainsi le II, devenant le I : « Les dispositions des articles premier et 1649– 0 A du code général des impôts sont abrogées ».

Ensuite, à rédiger ainsi le III : «1. À compter de l’imposition des revenus 2009, le 1 du I de l’article 197 du code général des impôts est complété comme suit : En outre, les revenus supérieurs à 100 000 euros par part sont soumis à un taux d’imposition de 45 %. »

«  2. À compter du 1er  janvier 2009, le taux prévu au 2 de l’article 200 A du code général des impôts est porté à 20% ».

Enfin, à supprimer le IV, devenu inutile.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces motifs, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter ces sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les sous-amendements qui ne respectent pas l’intégrité de la trilogie ne peuvent pas être acceptés.

M. Denis Badré. Absolument !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les sous-amendements de notre collègue Michel Charasse, au demeurant fort louables, n’en sont pas moins incompatibles avec le droit communautaire. (M. Michel Charasse fait un signe de dénégation.)

En outre, un pays ne peut pas être attractif s’il soumet les non-résidents à une taxation plus lourde que les nationaux. Comment envisager une telle mesure dans un monde ouvert ? Bien qu’à regret, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Sur l’amendement n° II-311 rectifié tendant à la suppression pure et simple du bouclier fiscal, le Gouvernement émet, bien évidemment, un avis défavorable.

Il émet également un avis défavorable sur les sous-amendements nos II-403 et II-404, qui visent pratiquement le même objet en rajoutant le taux supplémentaire de 45 % au titre de l’article 197 du code général des impôts.

Pour des raisons évidentes, le Gouvernement souhaite, en l’état de la réglementation applicable en matière d’impôt sur la fortune, maintenir le principe du bouclier fiscal au taux de 50 %, tel qu’il résulte de la loi de 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Nous sommes attachés à ce partenariat que nous avons mis en place entre les contribuables et l’État français ; c’est cette philosophie qui sous-tendait, dès l’origine, le bouclier fiscal.

J’en viens aux amendements nos II-309 et II-387. Monsieur le président Arthuis, vous présentez une trilogie : une trilogie est souvent en équilibre, car elle repose sur trois éléments.

Vous proposez de supprimer l’ISF, puis le bouclier fiscal, et de compenser le manque à gagner pour l’État par la création d’une imposition supplémentaire au titre soit de l’impôt sur le revenu soit des plus-values sur valeurs mobilières. À juste titre, vous avez estimé le produit de l’ISF aux alentours de 4 milliards d’euros.

Malheureusement, les gages que vous proposez ne compensent que partiellement le manque à gagner qui résulterait de la suppression des deux premiers éléments de la trilogie : dans la première formule, le gage correspond à 2,5 milliards d’euros et, dans la seconde formule, il représente 2,7 milliards d’euros. Nous sommes donc loin du compte pour compenser intégralement le manque à gagner qui résulterait de la suppression de l’impôt sur la fortune. Quelle que soit la formule proposée, soit la création d’une tranche supplémentaire de 45 % au titre de l’impôt sur le revenu, soit le relèvement du taux d’imposition des plus-values des cessions de valeurs mobilières de 18 à 19 %, le compte n’y est pas !

Par conséquent, en l’état actuel des rédactions, ces dispositifs sont coûteux pour la France.

Par ailleurs, la réforme que vous proposée, en dépit de son caractère séduisant – elle est magnifiquement présentée grâce à vos éloquences conjuguées –, me paraît risquée.

Un seul exemple devrait vous en convaincre : sa mise en œuvre aurait notamment pour effet de supprimer un mode de reconstitution et de renforcement des fonds propres des PME qui me semble extrêmement utile et qui a fait ses preuves.

Au titre de l’année 2008, nous avions mis en place un mécanisme intitulé « fléchage ISF-PME », qui a permis aux contribuables redevables de l’ISF de s’exonérer de son paiement en contribuant au capital des PME à concurrence de quasiment 1 milliard d’euros. La suppression de l’ISF et des mécanismes qui y sont associés priverait les PME du 1 milliard d’euros qui est aujourd’hui affecté au financement de leurs fonds propres.

Vous avez évoqué le caractère non attractif de notre pays, qui est le seul au monde à appliquer un impôt sur la fortune. Le Gouvernement a élaboré, au cours des dernières années, plusieurs types de mécanismes pour renforcer l’attractivité du territoire français.

C’est ainsi que nous avons mis en place le bouclier fiscal ; vous en avez rappelé la genèse. Après la création d’un premier bouclier fiscal, plafonné à 60 %, nous avons amélioré le dispositif durant l’été 2007 en mettant en place un deuxième bouclier fiscal, dans le cadre de la loi TEPA qui institue un partenariat entre l’État et le contribuable redevable de cette imposition : nul ne doit payer à l’État plus de 50 % de ses revenus en impôts, y compris l’impôt sur la fortune.

Autre mécanisme -– je suis sûre que vous vous en souvenez très bien, monsieur le rapporteur général, puisque vous y avez été largement favorable –, nous avons renforcé considérablement le statut fiscal des impatriés, adopté notamment en matière d’ISF, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie.

Voilà quelques raisons techniques qui m’amènent à vous suggérer de retirer vos amendements. Mais je serais incomplète si je m’en tenais là, me bornant à évoquer les éléments d’équilibre ou de déséquilibre budgétaire et à souligner qu’ils font abstraction des mécanismes de rééquilibrage adoptés au fil du temps.

Cette proposition, en ce qu’elle présente un élément d’équilibre grâce à ce facteur trilogique, si j’ose dire, me paraît, en effet, devoir être retenue et examinée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires.

Mme Christine Lagarde, ministre. Les prélèvements obligatoires atteignent aujourd’hui en France 43,2 %. Ils représentent une masse lourde, l’une des plus élevées en Europe, qui correspond – et ce n’est guère surprenant – à une masse très lourde de dépenses publiques. Dans les deux cas de figure, nous nous plaçons en tête du palmarès de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous avons même le triste privilège d’avoir dépassé la Suède en matière de prélèvements obligatoires.

Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons retenu le principe de maintenir les prélèvements obligatoires à un niveau stable. Or la bonne logique voudrait que nous financions par cette voie un déficit public dont nous savons pertinemment – et nous l’avons annoncé haut et fort – qu’il sera en augmentation au titre de l’année 2009, ne serait-ce qu’en raison du plan de relance important que nous venons de lancer.

Nous souhaitons, dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, réfléchir aux principes que vous avez évoqués à juste titre, monsieur le rapporteur général : attractivité du territoire français, équité et efficacité fiscales ; les questions de proportionnalité et de progressivité devront être au cœur du débat.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à la rédaction de ces deux amendements. Nous sommes tout à fait sensibles, au sein du Gouvernement, aux propositions que vous faites. Nous les retiendrons dans le cadre de cette revue générale des prélèvements obligatoires, à laquelle je souhaite vivement que des membres de la commission des finances puissent participer. Cette réflexion, qui commencera, dans le courant de l’année 2009, par l’examen de la fiscalité locale, s’étendra à l’ensemble des prélèvements obligatoires.

Je souhaite donc le retrait des amendements nos II-309 et II-387 au bénéfice de mon engagement de faire examiner ces propositions dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires.

J’en viens aux sous-amendements nos II-401 et II-402 pour joindre ma voix à celle de M. le rapporteur général : compte tenu du caractère dissocié entre les résidents et les non-résidents, je pense, sous réserve de vérification – puisque ces sous-amendements viennent d’être déposés – qu’ils ne sont pas parfaitement compatibles avec le droit communautaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement nos II-309.

M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite tout d’abord remercier Mme la ministre de son ouverture finale sur la nécessité de situer la question de l’évolution des prélèvements obligatoires dans un cadre plus général : elle concerne non seulement l’État, mais aussi la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Car nous ne pouvons pas continuer à être un pays compétitif avec un taux de prélèvements obligatoires qui excède la moyenne de nos concurrents et de nos amis européens.

Par ailleurs, comme l’ont fort justement souligné mes collègues Jean Arthuis et Philippe Marini, les mesures contenues dans cet amendement forment une trilogie. Consacrer chaque année un nombre d’heures considérable à débattre de l’ISF, qu’il s’agisse de le renforcer, de l’émietter ou de trouver des fléchages vers telle ou telle opération,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est dérisoire !

M. Jean-Pierre Fourcade. ...est effectivement une entreprise dérisoire. Nous sommes d’ailleurs les seuls en Europe à adopter une telle position.

M. François Marc. Il s’agit tout de même de 4 milliards d'euros ! On ne peut pas prétendre que c’est dérisoire !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous sommes également les seuls à financer le non-travail, dans le cadre des 35 heures, ou à avoir adopté un certain nombre d’autres dispositifs. Cela ne pourra pas durer ! À l’heure de la mondialisation, alors que nos entreprises sont soumises à une compétition très dure, nous ne pourrons pas conserver un système fiscal qui éloigne les investisseurs et incite à la délocalisation.

Tels sont les éléments fondamentaux que je voulais rappeler au préalable.

Aux démonstrations de Jean Arthuis et de Philippe Marini, que je fais miennes, je formulerai quelques observations spécifiques concernant l’impôt sur le revenu.

Dans le contexte actuel de compétition mondiale, il n’est pas possible de diriger un pays industrialisé, qui représente une force économique importante, avec un impôt sur le revenu digne d’un pays sous-développé ! Si ce Gouvernement ne s’attaque à ce problème, ce sera le prochain ou le suivant qui le fera.

Depuis vingt ans, la France n’a cessé de multiplier les niches fiscales et les incitations fiscales, ce qui explique que l’impôt sur le revenu ne rapporte que 50 milliards d'euros. Le produit de cet impôt est très faible par rapport à l’ensemble de nos ressources ; il est même ridicule si on le compare à celui de grands pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, les pays nordiques et même maintenant l’Espagne.

M. Jean-Jacques Jégou. Évidemment !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis partisan d’une augmentation de l’impôt sur le revenu, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, c’est grâce à une meilleure progressivité de l’impôt sur le revenu que nous pourrons répondre à la crise actuelle, laquelle touche plus fortement ceux qui ont peu de revenus ou ceux qui se retrouveront au chômage.

La TVA frappe tout le monde. Il n’est pas possible d’élever le taux de l’impôt sur les sociétés, sauf à favoriser les délocalisations d’entreprises et à fragiliser l’investissement. À l’inverse, nous pouvons élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu et en augmenter le rendement de façon qu’il rapporte un peu plus que les 50 milliards d'euros actuels,...