M. Alain Lambert. Que dites-vous là ? On ne serait jamais obligé de vendre ?

M. Thierry Foucaud. Elle a raison !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Seuls les riches ne sont pas obligés de vendre !

Mme Nicole Bricq. La rentabilité d’un placement dans une entreprise est assurée sur le long terme.

En tout état de cause, je relève que cet amendement a été voté jeudi dernier par la commission des finances, voilà donc quatre jours, et que, pendant ce délai, le Gouvernement a gardé le silence.

Cela m’amène à penser – et je ne crois pas vous faire un procès d’intention en le disant, madame la ministre – qu’il était en réalité favorable à cette mesure. Les services de Bercy ne pouvaient en aucun cas ignorer l’existence d’un tel amendement.

Certes, ce même jeudi, à midi, le plan de relance a été annoncé à Douai par le Président de la République. Je veux bien croire que les membres du Gouvernement ont été, depuis, occupés à assurer le « service après-vente » de ce plan, qui n’a de relance que le nom, mais il ne manque tout de même pas de conseillers à Bercy pour surveiller en temps réel l’activité de la commission des finances du Sénat, surtout connaissant son inventivité fiscale !

Je pense donc, pour ma part, que la presse a parfaitement joué son rôle dans cette affaire. Elle l’a peut-être amplifiée, mais en se fondant sur une réalité !

Or, aujourd’hui, madame la ministre, vous nous dites que le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, parce qu’il déroge à un principe fiscal et que son adoption introduirait une inégalité entre différentes catégories d’actionnaires. Encore une fois, il ne s’agit pas de vous faire un procès d’intention, mais je crois qu’il eût été bon que le Gouvernement réagisse immédiatement à la présentation de cette mesure, comme nous l’avons fait nous-mêmes en commission des finances, dès jeudi matin. Vous auriez dû exprimer tout de suite votre désaccord avec l’amendement en question, alors qu’il a fallu attendre que quatre jours se soient écoulés depuis son dépôt pour que le Premier ministre publie un communiqué en ce sens.

En ce qui nous concerne, nous maintenons évidemment notre position sur cet amendement qui, vraiment, n’est pas de bon aloi.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ressens, dans cette affaire, un certain malaise, car, à moins que j’aie mal suivi ou que j’aie mal compris, nous sommes aujourd’hui saisis exactement du même amendement que celui qui a été présenté initialement à la commission, ce qui me surprend un peu.

En effet, à la lecture de cet amendement – ou alors il comporte une formule cachée que je ne comprends pas –, je ne vois pas de référence aux petits porteurs. Ce n’est pas écrit ! En fait, tous les actionnaires sont concernés ici, y compris les gros porteurs.

Or, au moment de l’examen de l’amendement en commission – je fais appel aux souvenirs de mes collègues, de tous bords d’ailleurs –, il avait été demandé que le dispositif soit plus ciblé, et par conséquent que la rédaction soit revue.

Je ne veux pas incriminer Philippe Marini, parce qu’il travaille énormément, en particulier en cette période de l’année, et qu’il a pu oublier entre-temps ce point, mais il nous avait alors dit qu’il étudierait une autre rédaction.

C’est sous le bénéfice de cette observation que la commission avait voté. Or, on nous soumet aujourd’hui exactement le même amendement, dont la rédaction n’a pas été revue. À cet instant, cher Philippe Marini, je voudrais donc vous poser une question : où les petits porteurs sont-ils visés dans votre amendement ? Pour ma part, je ne le vois pas !

Il est question d’actionnaires, mais ils n’ont pas été définis par le volume de leurs avoirs ou de leurs revenus ou par leur tranche d’imposition, bref selon un critère permettant de dire que, au-delà d’une certaine surface financière, le ticket n’est plus valable !

En ce qui me concerne, je pensais que cet amendement serait revu. Cela ne m’empêchait pas d’ailleurs, sur le fond, d’être quand même un peu dubitatif. Certes, je sais bien que les petits porteurs font partie de ces catégories de Français qui souffrent et que leur situation est comparable à celle de ces éternels maris trompés, mais il y a aussi les supporters, les parents d’élèves, les agriculteurs, les petits propriétaires, les petits commerçants… Tout le monde souffre, n’est-ce pas ! (Sourires.)

Mais, en l’occurrence, je me disais que si nous devions rentrer dans une telle logique, il nous faudrait bientôt rembourser ceux qui perdent au loto ! Car, Alain Lambert, vous le savez mieux que moi, la bourse, c’est tout de même un jeu : on perd ou on gagne !

Encore une fois, si nous entrons dans cette logique, faisons bien attention jusqu’où nous irons. En tout cas, quoi qu’on pense sur le fond de cet amendement, je demande quant à moi qu’on me dise où il est écrit qu’il concerne les petits porteurs. Pour le moment, le dispositif s’adresse à tout le monde. Dès lors, et comme j’ai l’habitude, surtout en temps de crise, d’économiser mes larmes car il y a beaucoup de demandeurs, j’avoue que j’aurais du mal à pleurer pour certains ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je comprends très bien, pour ma part, la médiatisation qui a eu lieu ce week-end autour de cette disposition. En effet, avec un tel amendement, c’est à tous les coups l’on gagne !

Ainsi, je prolongerai le rapprochement que vient de faire mon collègue Michel Charasse avec le loto, en prenant quant à moi l’image d’un joueur qui, après avoir perdu cent au casino, se verrait restituer quarante à la sortie !

Surtout, monsieur le rapporteur général, que se passe-t-il, si l’on suit votre logique, quand quelqu’un place cent en bourse et gagne deux cents ? Quelle proposition faites-vous pour qu’une part du gain revienne à l’État ? La réponse est simple : aucune.

Nous nous opposons de la manière la plus ferme à l’adoption de cet amendement. Chacun dans cet hémicycle, sur les travées de gauche bien sûr, mais aussi au-delà, aura compris nos raisons de combattre une telle disposition.

Il s’agit pour nous de refuser une mesure placée sous le signe de l’inégalité de traitement devant l’impôt. En effet, si l’on suit M. le rapporteur général, quand les épargnants dont il se préoccupe tant réalisent des plus-values, il faudrait accepter que ces revenus soient taxés selon un régime particulier, c’est-à-dire bien souvent à un taux inférieur à celui du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils sont taxés au taux de 30 % !

M. Thierry Foucaud. En revanche, en cas de moins-values, il faudrait en quelque sorte « socialiser » les pertes en les imputant sur le revenu global, autrement dit en ouvrant droit à une réduction d’impôt.

En résumé, on taxe à 18 % les plus-values et on détaxe à 40 % grâce aux moins-values ! Un calcul assez simple montre que si l’on autorise 100 000 ou 150 000 épargnants à déduire 10 700 euros de moins-values de leur revenu global, la recette fiscale au titre de l’impôt sur le revenu sera diminuée de 400 millions à 600 millions d’euros.

En effet, ce sont évidemment les épargnants déjà assez fortunés, ceux dont le revenu relève des tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu, qui seront les grands gagnants de l’opération, d’autant que le plafond de 25 000 euros de cessions d’actifs pour l’exonération fiscale est déjà supérieur au revenu fiscal de référence moyen dans notre pays.

Mais allons encore plus au fond du débat. Les plus-values réalisées par certains investisseurs sur des titres boursiers cotés sont bien souvent liées à l’espérance d’un rendement encore supérieur de ces titres et à la bonne santé financière de l’entreprise concernée.

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Thierry Foucaud. Or, combien de fois n’avons-nous pas dénoncé le fait que le cours boursier d’une société augmente souvent quand elle annonce une restructuration, une réduction de l’effectif salarié et un accroissement de sa rentabilité ? Les petits épargnants dont vous défendez le rôle stabilisateur, monsieur le rapporteur général, n’ont que peu de poids quand l’entreprise dont ils détiennent une part du capital décide de délocaliser son activité ou de gaspiller ses liquidités pour réaliser une OPA sur une autre société.

Par exemple, l’ouverture du capital d’EDF n’apporte pas grand-chose en matière de sécurité du parc électronucléaire. En revanche, elle a manifestement favorisé les raids financiers sur les opérateurs électriques étrangers, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis !

Bref, d’une manière générale, on taxe peu les plus-values quand l’amélioration du cours boursier d’une entreprise résulte d’un ajustement permanent de son activité et d’un accroissement de sa rentabilité financière par les moyens que je viens d’indiquer, mais il faudrait au contraire détaxer pour compenser les moins-values ! Ce n’est pas acceptable !

Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous opposer à cet amendement, dont nous nous étonnons qu’il ait trouvé un écho favorable du côté de Bercy. Je rejoins ici Mme Bricq, qui a souligné tout à l’heure qu’il ne pouvait en être autrement.

Bien entendu, nous demandons un scrutin public sur cet amendement, que nous mettons clairement en balance avec ce qui a été décidé, lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, en matière d’imposition des revenus des célibataires ou de fiscalisation des indemnités journalières perçues par les victimes d’accidents du travail !

Tout cela est profondément scandaleux, et nous ne manquerons pas d’attirer largement l’attention, à la suite des médias, sur la mesure qui vient de nous être présentée !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je voudrais expliquer les raisons de mon opposition au présent amendement.

Il y a tout d’abord une raison de forme. En effet, incontestablement, nous n’avons pas obtenu de réponses aux questions que nous avions posées en commission sur l’étendue du champ d’application et les conséquences financières du dispositif.

De plus, il me semble, monsieur le rapporteur général, que vous cherchez à « habiller » la mesure présentée, comme ce fut le cas lors de l’instauration du bouclier fiscal. Vous nous expliquiez alors qu’il s’agissait de protéger les plus modestes de nos concitoyens, or il est aujourd’hui clair que, sans surprise, ce sont surtout les détenteurs des patrimoines les plus importants qui bénéficient de cette disposition. Il s’agit donc ici encore d’un effet d’habillage, ce que je regrette.

Vous nous avez dit, en commission, qu’il convient de se préoccuper du sort d’épargnants âgés ayant été obligés de vendre des actions au plus mauvais moment.

En l’occurrence, la question est de savoir qui est précisément visé par votre amendement. En effet, il est impossible d’identifier les personnes auxquelles vous avez fait référence dans la masse des vendeurs de titres de ces dernières semaines, dont certains s’étaient d’ailleurs parfois considérablement enrichis au cours des années précédentes.

Au total, on ne sait absolument pas où l’on irait si le présent amendement était adopté, puisque l’on ne connaît ni le coût de la mesure ni les personnes concernées !

À elle seule, cette raison pourrait suffire à motiver le rejet de l’amendement, car celui-ci contredit complètement la doctrine affichée par la commission des finances depuis plusieurs semaines, selon laquelle on ne s’engage que quand on voit clairement où l’on va, en fonction d’éléments précis d’évaluation du dispositif et après que toutes les simulations nécessaires ont été faites. En l’occurrence, il n’y a rien de tel ici !

Cela étant, une autre raison, plus profonde, de notre opposition tient au déséquilibre croissant, dans notre pays, entre revenus du capital et revenus du travail.

Je ne citerai à cet égard qu’un chiffre : des études ont démontré que, depuis les années quatre-vingt, la part de la rémunération du travail dans la répartition des revenus a diminué de 9,3 % au profit de celle du capital. Cela représente en moyenne, chaque année, un transfert de 190 milliards d’euros !

Autrement dit, la France tend à se transformer en un pays de rentiers et, qui plus est, de spéculateurs, au moins pour certains d’entre eux, puisque six millions de nos concitoyens auraient investi en bourse, certes à des degrés divers. Tout cela traduit le déséquilibre croissant que j’évoquais, et qui s’observe également dans la fiscalité.

Il était question tout à l’heure de la nécessité d’établir une fiscalité juste et équitable. Incontestablement, ce n’est pas le chemin que l’on prend avec de tels amendements, qui tendent au contraire à donner corps à l’adage bien connu selon lequel on privatise les profits, mais on mutualise les pertes.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. Afin de rétablir les choses, je voudrais revenir sur les nombreuses contrevérités que j’ai pu entendre !

On conteste, semble-t-il, que cette mesure vise les petits épargnants. On peut, bien évidemment, ne pas être d’accord sur la définition du seuil à partir duquel un épargnant est considéré comme « gros ». Toutefois, il est évident que les opérations réalisées par des épargnants aisés ou très aisés portent sur des montants supérieurs à 25 000 euros ! Par conséquent, ces épargnants-là n’entrent pas dans le champ de la mesure.

En outre, il s’agit non pas d’une exonération, mais d’un report en avant.

On a demandé tout à l’heure qui était concerné par le dispositif. Je vais vous citer des exemples pris non pas en Île-de-France, région que je connais moins, mais en province. Vous avez certainement sous les yeux des cas semblables, mais vous ne voulez pas les voir.

Observez les mutations qui se produisent actuellement dans le petit commerce. Un certain nombre de commerçants nés peu après la guerre, en 1945 ou en 1946 par exemple, partent aujourd'hui à la retraite. Ils vendent alors leur fonds de commerce dans des conditions parfois peu favorables, voire se contentent de céder le bail si le fonds n’est plus cessible. Pour compléter le financement de l’achat d’un logement qui sera leur habitation principale, ils sont quelquefois contraints de vendre, au plus mauvais moment, une partie du petit portefeuille qu’ils pouvaient détenir. Ces personnes ne vous semblent-elles pas dignes d’intérêt ?

Mme Nicole Bricq. Au contraire !

M. Alain Lambert. Elles arrivent au terme d’une carrière au cours de laquelle elles ont travaillé intensément, parfois sept jours sur sept, avec des horaires très lourds. Je trouve tout à fait injuste de les stigmatiser ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Voter cet amendement, c’est au contraire les défendre !

M. Thierry Foucaud. Si elles ferment leur commerce, c’est votre faute !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais ramener le débat à ses justes proportions.

Lorsque la commission des finances a ouvert une discussion sur la proposition d’amendement de M. Philippe Marini, le public visé était très clairement identifié : il s’agissait des épargnants disposant d’un portefeuille d’actions modeste.

Ainsi, le rapporteur général a fixé le plafond pour l’application de cette mesure fiscale particulière à un montant de cessions de valeurs mobilières de 25 000 euros.

Il a également limité la période pour laquelle les cessions sont prises en considération, à savoir du 1er janvier 2008 au 1er décembre 2008, cela pour éviter tout effet d’aubaine.

Enfin, sachant que la très grande majorité des épargnants ont gardé leur portefeuille, l’amendement ne concerne, comme l’avait indiqué le rapporteur général, que ceux qui n’ont pas eu d’autre choix que de vendre leurs actions, sans doute parce qu’ils étaient confrontés à un accident de la vie.

Mme Nicole Bricq. Comment faites-vous le tri ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le précise pour écarter l’idée que la mesure pourrait profiter à des spéculateurs. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

Dans leur majorité, les membres de la commission ont donc apporté leur soutien à cet amendement.

Le dispositif couvrant les cessions réalisées au cours d’une période très limitée par une catégorie de contribuables bien ciblée, eu égard notamment au plafond retenu, et ne prévoyant en tout état de cause qu’un report des moins-values pendant dix années, certaines considérations que j’ai pu entendre me semblent hors de propos.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Après ce tour d’horizon, permettez-moi quelques brèves réactions avant d’en parvenir peut-être à la conclusion !

Certains propos m’ont choqué.

Tout d’abord, selon M. François Marc, la France serait un pays de spéculateurs, où l’on compte six millions de personnes en bourse.

M. Robert del Picchia. Il l’a dit !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je trouve que de tels propos sont absolument scandaleux !

M. François Marc. Non, ce n’est pas scandaleux, et il ne faudrait pas déformer mes propos !

M. Philippe Marini, rapporteur général. L’épargne, ce n’est pas seulement le livret A ! C’est aussi l’esprit d’entreprise, la connaissance des capacités de développement de l’économie, la participation au capital des entreprises, grâce à la bourse, de nombreuses personnes physiques ! Croyez-moi, leur présence dans le capital est préférable à celle des fonds de pension américains ou des hedge funds. Vous qui n’aimez pas le capitalisme anglo-saxon, réfléchissez-y ! Il s’agit peut-être de personnes honorables, utiles à la machine économique,…

Mme Nicole Bricq. Personne n’a dit le contraire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … au maintien des activités sur notre sol et à leur développement dans ce pays.

M. Gérard César. Très bien !

M. François Marc. Qu’ils gardent leurs actions !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne les accablez pas de cette épithète de « spéculateurs », qui est tout à fait excessive et qu’ils ne méritent absolument pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, Mme Nicole Bricq a affirmé que l’on n’est jamais obligé de vendre ses actions.

M. Alain Lambert. C’est incroyable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n’est vrai que si l’on est riche ! C’est même la définition de la richesse, car celui qui, avec ses revenus courants, a les moyens de satisfaire ses besoins n’a aucun souci à se faire.

M. Charles Pasqua. Tant qu’on ne vend pas, on ne perd pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. La courbe d’évolution du CAC 40 sur dix ans figurant dans le rapport écrit montre bien que le niveau de cet indice est inférieur en 2008 à ce qu’il était en 1998. Cependant, celui qui possède un patrimoine et des revenus suffisants est totalement indifférent à toutes ces fluctuations !

M. Charles Pasqua. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il peut attendre, car la bourse remontera toujours. Même si, à long terme, nous sommes tous morts, comme disait Keynes, avec des actions, on gagne toujours ! D’un point de vue économique, on gagne plus qu’avec toute autre catégorie de produits financiers, et cela demeure vrai même en tenant compte des guerres, des révolutions et des crises du XXe siècle !

Par conséquent, celui qui est riche n’a aucun souci à se faire, car effectivement il n’est pas obligé de vendre.

M. François Marc. Maintenez votre amendement, ne le retirez pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. En revanche, certains épargnants y sont contraints : M. Alain Lambert vous a cité un cas de figure ; je vais très brièvement en évoquer un autre, tiré d’une expérience réelle et connue.

Je pense à des personnes d’un certain âge, qui se sont quelque peu serré la ceinture pendant leur vie et qui ont épargné sur leur salaire et leurs revenus courants, à la mode traditionnelle, en achetant des valeurs comme Air Liquide ou Compagnie française des pétroles, devenue aujourd’hui Total. Elles se sont intéressées à ces entreprises, ont créé et géré un portefeuille de quelques lignes d’actions.

Aujourd'hui, il peut arriver que ces personnes aient à faire face à certaines charges, par exemple pour mettre le pied à l’étrier à un fils ou à un petit-fils qui a des problèmes d’emploi ou pour payer leur hébergement en maison de retraite parce que l’un des conjoints est atteint de la maladie d’Alzheimer. Ces cas-là sont une réalité, vous en rencontrez comme moi.

Mme Nicole Bricq. Tout cela arrive aussi à ceux qui n’ont rien, et il y a des millions de gens qui n’ont rien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une réalité de la classe moyenne, que vivent des personnes qui paient leurs impôts tranquillement, qui habituellement ne demandent jamais rien à personne et pour qui, en général, on ne fait pas grand-chose !

M. François Marc. Pour vous, de « bons Français » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Telle est la cible du dispositif.

Cela dit, peut-être mon amendement ne s’inscrit-il pas tout à fait dans le « politiquement conforme » de l’instant.

M. François Marc. Ne le retirez pas, s’il est bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez ma conclusion !

Il serait peut-être préférable que la cible soit resserrée.

M. Michel Charasse. C’est sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis d’ailleurs tout à fait prêt à diviser le seuil par deux. Voterez-vous alors cet amendement, monsieur Charasse ?... Prenez le temps de la réflexion !

En tout état de cause, je m’attendais à un échange, à un débat, mais je ne m’attendais pas à être voué aux gémonies comme quelqu’un qui tient des propos peu convenables, à un moment inopportun, et qui doit, un week-end entier, répondre à tous les journalistes en même temps !

M. François Marc. Ce sont vos amis !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tous me sont tombés dessus tout à coup, parce que le congrès du parti socialiste était terminé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Néanmoins, c’est une expérience qui mérite d’être vécue !

M. Alain Lambert. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je conclus !

Madame le ministre, nous serons peut-être amenés, en vue d’un futur débat, à supposer que la situation des marchés reste à peu près ce qu’elle est, au-delà de la volatilité quotidienne, à revenir sur ce sujet et à définir plus précisément les choses.

S’il était possible d’y réfléchir pour inclure cette mesure dans un dispositif au moment opportun, j’en serais particulièrement heureux, car il faut, à mon sens, prêter attention à la situation de cette catégorie d’actionnaires.

Enfin, dernière précision, si l’assurance-vie n’est pas visée, c’est parce qu’elle bénéficie déjà d’un régime fiscal particulièrement avantageux. Nous n’aurions pas voulu en rajouter.

Naturellement, tout cela étant dit, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° II-249 est retiré.

M. Alain Lambert. Tant pis pour les petits épargnants !