compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie d’excuser les deux secrétaires du Sénat, Mme Christiane Demontès et M. Bernard Saugey, qui en ce moment même assistent à la réunion du Bureau.

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Situation de l’aide à domicile en matière de politique salariale

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question no 306, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question, qui s’adressait à Mme le secrétaire d’État chargée de la solidarité, porte sur la situation critique dans laquelle se trouve actuellement le secteur de l’aide à domicile en matière de politique salariale.

L’enveloppe financière annoncée pour le secteur de l’aide à domicile et destinée à mener la politique salariale s’avère trop faible pour permettre d’envisager une politique de rémunération correcte et d’augmenter suffisamment la valeur du point.

Dans la branche de l’aide à domicile, plus de 38 % des salariés – soit plus de 83 000 personnes physiques, pour la plupart diplômées – ont aujourd’hui des salaires conventionnels immergés sous le SMIC. Cette situation va à l’encontre de la volonté des partenaires sociaux, qui, en signant l’accord de branche du 29 mars 2002 relatif aux emplois et aux rémunérations, ont négocié des minima conventionnels supérieurs au SMIC.

Dans ces conditions, naturellement, les structures associatives peinent à recruter et à fidéliser leurs salariés, alors même que les besoins liés à l’évolution de notre société – vieillissement de la population, travail des femmes, etc. – n’ont jamais été aussi importants.

S’ajoute à ce problème celui de la forte augmentation des prix des carburants constatée ces derniers mois – même si un léger mieux s’observe depuis quelques semaines –, qui a directement affecté ce secteur d’activité puisque l’utilisation des véhicules est inhérente à ces métiers d’intervention.

Afin de pallier ces difficultés, toutes les fédérations et unions d’employeurs et quatre organisations syndicales de salariés ont signé lors de la commission mixte paritaire du 27 juin dernier un avenant, qui augmente de 2 % la valeur du point – il s’élèvera à 5,286 euros à partir du 1er juillet 2008 – et modifie les premiers coefficients des grilles A et B à partir du 1er juillet 2008 afin de les porter enfin au-dessus du niveau du SMIC.

Cet accord ayant été finalement agréé, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions le Gouvernement entend prendre, plus largement – car la demande est grande et rend le besoin important –, pour renforcer l’attractivité du secteur de l’aide à domicile et sa professionnalisation, ainsi que la qualité des services rendus aux usagers.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir m’excuser de vous avoir fait attendre, mais un brouillard dense a fortement retardé mon avion ce matin.

M. le président. L’essentiel est que vous soyez là !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je vous prie aussi d’excuser mes collègues, au nom de qui je répondrai.

Monsieur le sénateur, vous soulevez à juste titre l’importante question du niveau des salaires de la branche de l’aide à domicile et, notamment, de l’avenant salarial signé par les partenaires sociaux le 27 juin 2008.

Je suis d’accord avec vous : il n’est pas acceptable que 38 % des salariés de cette branche voient leurs salaires conventionnels fixés à un niveau inférieur au SMIC.

L’avenant que vous avez évoqué a été présenté pour avis à la Commission nationale d’agrément en septembre. Constatant que sa mise en œuvre conduirait au dépassement de l’enveloppe budgétaire prévue pour la masse salariale de l’année 2008, la Commission a dû rendre un avis défavorable à l’unanimité de ses membres, qui représentent les financeurs : représentants des conseils généraux, des administrations de l’État, caisses nationales de sécurité sociale, notamment.

Ne pouvant se satisfaire de cette situation, Xavier Bertrand a reçu les partenaires sociaux afin de trouver une solution pour que les salaires conventionnels ne soient plus inférieurs au SMIC, ce qui est bien sûr l’objectif essentiel du Gouvernement, et qu’ainsi les salaires de la branche puissent être revalorisés dans des proportions compatibles avec les engagements budgétaires.

Les partenaires sociaux ont demandé à Xavier Bertrand, pour dégager des marges supplémentaires de négociation, de ne plus prendre en compte l’évolution du taux de remboursement des indemnités kilométriques dans l’évolution générale de la masse salariale, ce qu’il a accepté au regard du coût actuel des transports et de l’obligation des salariés de cette branche de se déplacer, plus que d’autres sûrement, pour remplir leurs missions.

Le 14 novembre 2008, les partenaires sociaux ont déposé un nouvel avenant qui annule et remplace le précédent. Il prévoit une augmentation de 1,38 % de la valeur du point à compter du 1er avril 2008 et maintient les précédentes dispositions concernant le relèvement des premiers salaires conventionnels situés en dessous du SMIC.

Le ministre a convoqué le 17 novembre une réunion exceptionnelle de la Commission nationale d’agrément et, celle-ci ayant émis un avis favorable, il a agréé l’avenant par arrêté du 18 novembre 2008.

Cela montre qu’il est toujours possible de trouver avec les partenaires sociaux une voie de passage quand on choisit la négociation. Cela montre surtout qu’il faut poursuivre les efforts en vue d’améliorer l’attractivité et la qualification des métiers de l’accompagnement des personnes âgées et handicapées – car tel est bien le sens de votre question, monsieur le sénateur – dans le cadre du plan des métiers annoncé en février dernier par Valérie Létard. C’est à cette condition que pourront être posées les bases de la bientraitance, d’une meilleure prise en charge des personnes fragiles et du développement d’un gisement d’emplois pour demain.

On le sait, l’aide à domicile destinée aux personnes dépendantes et aux personnes handicapées représente la majeure partie des « services à la personne ». Le Gouvernement réfléchit en ce moment à un plan de relance des services à la personne, et Xavier Bertrand travaille en ce sens avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez.

L’objectif du Gouvernement est bien de renforcer l’accès à ces services et d’améliorer leurs conditions d’exercice et leur professionnalisation, ce qui contribuera aussi utilement à soutenir l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui correspond tout à fait au souhait que j’ai formulé de rendre plus attractive cette profession et de lui permettre de s’exercer dans de meilleures conditions.

Projet Tarmac de démantèlement d'aéronefs

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 290, adressée à M. le ministre de la défense.

Mme Josette Durrieu. Le département des Hautes-Pyrénées accueille le projet dit « Tarmac » de démantèlement d’avions financé dans le cadre du pôle de compétitivité Aerospace Valley.

Ce projet global conduit à la gestion du démantèlement d’avions civils ou militaires au terme de leur cycle de vie. Ce projet est porté par Airbus, SITA, EADS, SOGERMA et EADS CCR. La phase de test a démontré que les deux tiers des pièces d’un Airbus 300 peuvent être valorisées ou recyclées. Nous fondons, bien sûr, beaucoup d’espoir sur ce projet.

La phase opérationnelle a débuté en octobre 2008 avec la création d’une quinzaine d’emplois, voire cinquante à terme.

Les industriels en charge du projet ont enregistré trente commandes d’avions civils à démanteler d’ici à 2013, mais la réussite annoncée de ce projet ne peut se finaliser qu’avec également le démantèlement d’avions militaires, comme cela était prévu initialement, c’est-à-dire depuis 2005.

J’avais interrogé en 2005 Mme Alliot-Marie, alors ministre de la défense, de même que le ministre de l’économie et des finances, en 2006, et c’était Mme Lagarde qui avait répondu.

En 2005, Mme le ministre de la défense disait : « L’armée de l’air devra notamment dans les prochaines années éliminer environ 85 avions pour un poids total de 500 tonnes, ce qui représente donc une tâche importante. » Elle ajoutait : « Je souhaite que le site de Tarbes en bénéficie pour partie, cela me paraît tout à fait normal » et elle a confirmé ces propos dans le cadre du démantèlement de GIAT sur le site de Tarbes, en 2006, avec la suppression de 700 emplois.

Dans une question orale complémentaire au ministre de l’économie et des finances en mars 2006, Mme Christine Lagarde, alors ministre déléguée au commerce extérieur, confirmait que, d’ici à 2010, selon le ministère de la défense, environ 85 avions seraient concernés par des opérations de démantèlement.

Aujourd’hui, trois ans après exactement, aucun avion militaire n’est arrivé sur le site de Tarbes dans le cadre de ce projet Tarmac et, par conséquent, aucun démantèlement n’a été opéré.

Le développement industriel du projet exige de disposer d’une vision à long terme. En conséquence, j’attends des réponses aux quatre questions suivantes, monsieur le secrétaire d’État.

Premièrement, quel est le planning précis de cessation d’activité des aéronefs militaires destinés au démantèlement ?

Deuxièmement, parmi ces avions en fin de vie, combien seront concernés par une vente à des industriels pour démantèlement et valorisation ?

Troisièmement, quelle sera la part destinée au site de Tarbes qui devait en bénéficier pour partie depuis 2005, comme l’a dit Mme le ministre de la défense ?

Quatrièmement, enfin, quand le premier avion militaire arrivera-t-il sur le site de Tarbes pour son démantèlement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Madame la sénatrice, le traitement des matériels en fin de vie est une préoccupation relativement récente, mais qui présente un enjeu significatif. À titre d’illustration, on estime à plus de six mille le nombre d’avions de plus de cent places, principalement civils, qu’il faudra démanteler dans le monde.

Le ministère de la défense a bien engagé le processus de déconstruction de ses aéronefs militaires retirés du service.

Ce processus revêt une grande complexité, car ces matériels constituent des déchets contenant différents polluants, notamment de l’amiante et des fibres céramiques. Ils nécessitent l’élaboration d’une méthode de démantèlement et de traitement appropriée respectant la réglementation en matière d’hygiène, de sécurité du travail et d’environnement durable.

Tout cela prend effectivement du temps. Une fois la méthode en place, les choses se déroulent selon un certain rythme, mais nous en sommes au début du processus. Or vous savez combien le principe de précaution a pris de l’importance aujourd’hui et combien tout ce qui relève notamment de la défense est étudié avec soin.

Quoi qu’il en soit, les choses avancent. Une première étape a été engagée, qui concernera en priorité le traitement de dix-sept cellules de C160 Transall, et aussi de dix moteurs Tyne et 400 groupes de démarrage. Une demande d’information auprès de l’industrie européenne a été émise en octobre dernier.

Les réponses des différents candidats sont attendues au début de l’année 2009, en vue du lancement d’une procédure de mise en concurrence dans le courant du deuxième trimestre 2009 et de la notification d’un marché en 2010.

Avec cette première étape, le ministère de la défense vise à engager le développement d’une filière de démantèlement de ses matériels aéronautiques en fin de vie, dans le respect des règles de sécurité et de protection de l’environnement. Le recyclage des matériaux sera en particulier recherché.

Concernant le site de Tarbes, je ne peux vous donner une réponse précise ce matin. Je vais étudier la question et je vous répondrai par écrit. Je vais voir ce qu’il est possible ou non de vous dire en l’état actuel du processus, mais soyez assurée que votre question ne restera pas sans réponse de ma part.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’observe que, depuis 2005, on nous dit que l’année 2010 pourrait être l’échéance. Nous attendons votre confirmation pour le site de Tarbes.

difficultés de transport inter-hospitalier dans le secteur charente-maritime sud et est

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés du transport inter-hospitalier des malades victimes d’infarctus du myocarde dans les secteurs sud et est de la Charente-Maritime.

L’hôpital de Saintes, au cœur de la Saintonge, est doté d’un service mobile d’urgence et de réanimation, un SMUR, qui effectue le transport des malades vers les CHU – centres hospitaliers et universitaires – voisins, mais également les transports secondaires de secteur.

Ce secteur est le seul à ne pas disposer de coronarographie. De même, en cas d’accident vasculaire cérébral, le traitement de la pathologie ne peut se faire que dans une unité neurovasculaire, dont le centre hospitalier de Saintes est dépourvu, les établissements de sectorisation les plus proches étant La Rochelle et Poitiers.

Or, on sait que, pour ces deux pathologies, le traitement doit intervenir très rapidement. Les praticiens ont donc recours à des traitements alternatifs qu’ils ne considèrent pas comme optimum, alors qu’un transfert rapide vers des établissements spécialisés permettrait une meilleure prise en charge des patients.

De plus, chaque intervention mobilise les équipes médicales pendant plusieurs heures au détriment du bon fonctionnement de l’établissement et des autres patients. Ainsi, en cas de transfert vers La Rochelle ou Bordeaux, c’est au minimum quatre heures d’équipes indisponibles.

Deux hélicoptères sont basés en Poitou-Charentes : l’un au CHU de Poitiers, complètement au nord, non accessible au centre hospitalier de Saintes et l’autre dépendant de la protection civile à La Rochelle, dont le transfert inter-hospitalier n’est pas la priorité. Quant au CHU de Bordeaux, il refuse de plus en plus de patients du sud de la Charente-Maritime, argumentant que le CHU de référence est Poitiers.

Pour mieux comprendre, je vous citerai quelques chiffres : en 2007, le SMUR de Saintes a effectué 581 transferts d’hôpital à hôpital et sollicité 132 transports de cardiologie via Bordeaux ou La Rochelle.

Alors que l’on sait que cet établissement ne sera jamais doté des moyens techniques pour traiter ces pathologies, il convient de mettre en œuvre les moyens logistiques idoines pour permettre le transport des patients.

Aussi, afin de permettre une prise en charge des patients dans de bonnes conditions sanitaires et assurer leur transfert dans les centres hospitaliers adaptés aux pathologies, il conviendrait qu’un hélicoptère sanitaire puisse être basé au centre hospitalier de Saintonge.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour assurer la prise en charge des patients et le bon fonctionnement des urgences sur le territoire de la Saintonge, sachant que notre ami Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux transports et président du conseil général de la Charente-Maritime, a également interpellé Mme la ministre de la santé sur cette question ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, ces malades, dont vous avez rappelé la situation, et qui nécessitent des soins à la fois urgents et très spécifiques, sont pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Poitiers, qui dispose d’unités de chirurgie cardiaque et de neurochirurgie.

Dans le schéma régional d’organisation sanitaire, le SROS, un hélicoptère dit « blanc » a été affecté sur le site du CHU de Poitiers. Il est armé par des équipages du CHU de Poitiers, mais aussi par des services d’urgence voisins, à savoir Niort et Angoulême.

Le transport de ces malades peut également être assuré par l’hélicoptère dit « rouge » de la sécurité civile, qui participe aux transports urgents du centre hospitalier de La Rochelle, au nord du département.

Les territoires sud et est de la Charente-Maritime bénéficient des quatre SMUR des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d’Angély, qui peuvent assurer si nécessaire le transport vers le CHU de Poitiers.

L’une des préoccupations premières du ministère de la santé est d’apporter une réponse égale et juste en termes de répartition de l’offre de soins. À ce titre, Mme Roselyne Bachelot-Narquin – dont je vous prie d’excuser l’absence ce matin – souhaite améliorer la prise en charge de la population « en moins de vingt minutes ». Des services d’urgence de proximité seront déployés d’ici à deux ans pour atteindre la prise en charge en moins de vingt minutes de 90 % de la population contre 80 % aujourd’hui.

À cette fin, Mme la ministre de la santé souhaite véritablement que les quatre équipes SMUR des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d’Angély, en coordination avec l’agence régionale de l’hospitalisation de Poitou-Charentes, se mobilisent afin d’améliorer l’accès de la population aux structures d’urgence, et qu’elles soient soutenues pour le faire. C’est également ce qui sera répondu à notre collègue Dominique Bussereau.

Ce n’est qu’après cette étape que nous pourrons déterminer dans le cadre du troisième schéma régional d’organisation sanitaire, SROS, la nécessité d’un deuxième hélicoptère « blanc » dont, il faut le rappeler, le coût est de 1,3 million d’euros.

Monsieur le sénateur, je sais que vous continuerez à être attentif à cette question et à veiller à ce que les engagements et les délais soient respectés sur ce dossier, dont les acteurs sont multiples, et ce afin de parvenir à cet objectif que Mme la ministre rappelle régulièrement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Dans ce territoire de la Saintonge, qui est complètement sous-équipé, il serait utile, nécessaire, voire indispensable, de mettre en place des moyens adaptés. Je suis heureux de voir que Mme la ministre prépare un plan de bataille pour répondre à toutes ces interventions.

Réforme de la carte scolaire

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 323, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Alain Dufaut. Ma question, qui concerne la carte scolaire, était adressée à M. Xavier Darcos, mais je vais faire confiance à la grande polyvalence de M. Jean-Marie Bockel.

Monsieur le secrétaire d’État, la carte scolaire telle qu’elle fonctionnait avant 2007 n’était pas satisfaisante, puisqu’elle accentuait les inégalités sociales et scolaires.

Force est de constater qu’après deux années d’un assouplissement progressif visant à une suppression totale de la carte le résultat est pire que le mal pour les établissements des quartiers défavorisés, en particulier pour ceux qui sont situés en zones d’éducation prioritaire et ceux qui sont classés « ambition réussite ».

Cette libéralisation des règles a abouti très rapidement à la fuite des meilleurs élèves de ces établissements. À partir du moment où le choix a été donné aux parents, les enfants des familles les plus aisées sont partis de ces quartiers pour rejoindre les établissements des centres-villes, ou des quartiers beaucoup plus huppés.

En fait, la libéralisation de la carte scolaire tend inexorablement à accroître la ségrégation scolaire et va totalement à l’encontre de notre volonté de mixité sociale.

Ainsi, les effectifs du collège Paul Giéra d’Avignon, implanté dans un des quartiers les plus défavorisés et les plus fragiles de France, le quartier Monclar, ont baissé, cette année encore, de 87 élèves, entraînant la suppression de deux classes de sixième.

Une telle évolution tire, année après année, les effectifs vers le bas et conduit à une inquiétude grandissante sur le devenir de ces établissements, et de celui-ci en particulier. C’est vrai, elle engendre l’angoisse légitime d’équipes pédagogiques inquiètes pour leur avenir.

Pour le collège Paul Giéra, une réunion, à laquelle je participais, a eu lieu le jeudi 11 décembre dernier à la préfecture du département du Vaucluse.

À la demande du président du conseil général, la possibilité d’une démolition du collège y a été envisagée. Une décision devrait être prise avant le 15 janvier prochain sur l’éventualité de la démolition.

Cela est, à mon sens, impensable et totalement inadmissible, quand on sait que cet établissement scolaire est le seul service public de ce quartier de 6 000 habitants ! Sa disparition serait dramatique pour ces populations déjà fortement fragilisées. Le collège Paul Giéra offre aux jeunes de ces cités le seul et unique tremplin social de nature à les insérer dans le monde du travail.

Des solutions existent. Il faut, par exemple, attirer des élèves extérieurs au quartier par la création de classes sports-études, par l’enseignement de langues rares ou de disciplines artistiques.

Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d’État, connaître les propositions visant à pallier cet exode massif des meilleurs élèves de ce type d’établissement, dont la pérennité est ainsi menacée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, en répondant au nom de mon collègue M. Xavier Darcos, je ne prétends pas à la polyvalence.

Toutefois, avant de vous donner les éléments de réponse qu’il m’a transmis, je puis vous dire d’emblée que, en tant que maire de Mulhouse, je comprends parfaitement la problématique que vous avez évoquée.

J’ai pu vivre comme vous les effets pervers d’une carte scolaire figée et parfois inadaptée, et je vis comme vous les difficultés inhérentes au passage d’un système figé à un système ouvert. Je considère donc votre question comme tout à fait pertinente et importante.

Je vous rappelle la mesure, décidée en juin 2007 et reconduite en 2008, qui a permis de rompre, comme je le disais à l’instant, avec un système tout de même obsolète, et souvent inique, en offrant une nouvelle liberté aux familles et en améliorant, dans bien des cas, la mixité sociale des établissements. Cela, je vous le concède, ne s’est pas toujours passé ainsi, et je puis en témoigner comme vous.

Des critères de priorité ont été donnés – élèves boursiers, rapprochement de fratrie, option rare – et, cette année, 88 % des demandes de dérogations ont été satisfaites. Il est important de souligner que les demandes acceptées des élèves boursiers entrant en sixième ont augmenté de 33 % par rapport à 2007.

M. Xavier Darcos a assuré à plusieurs reprises que les moyens des collèges ou lycées touchés par de nombreuses pertes d’élèves seraient conservés, afin de donner à ces établissements toutes les chances d’inverser la fatalité. C’est le cas sur le terrain, je puis en témoigner également, même s’il faut parfois se mobiliser.

Ces établissements doivent alors accompagner ces départs d’une réflexion sur leur avenir et sur la perception que les familles en ont.

Dans le cas particulier du collège Paul Giéra d’Avignon, classé « ambition réussite », une réflexion a été menée par le conseil général du Vaucluse – vous y avez fait allusion à l’instant – qui envisage aujourd’hui sa fermeture.

Au cours de la réunion, qui s’est déroulée le 11 décembre dernier à la préfecture du Vaucluse et à laquelle vous participiez, le préfet a demandé au président du conseil général de préciser sa position, de lui dire s’il demandait de fermer ce collège et, le cas échéant, de lui transmettre une délibération officielle de l’assemblée départementale sur cette question, afin que les services de l’État puissent travailler à partir d’une prise de position claire de la collectivité concernée.

La situation aujourd’hui n’est donc pas figée. Bien sûr, la position du conseil général, quelle qu’elle soit, aura son importance, mais elle ne vaut pas décision.

Bien entendu, je transmettrai à mon collègue M. Xavier Darcos les éléments de réticence, voire de franche opposition, que vous avez développés à l’instant, et les arguments que vous avez mis en avant.

Je peux comprendre votre point de vue, étant moi-même confronté à des collèges dans des situations particulièrement difficiles, pour lesquelles des solutions semblent effectivement possibles, à condition de s’en donner les moyens. La réponse sera-t-elle la fermeture du collège, ou bien une solution alternative et volontariste ?

Bien sûr, vous l’avez compris, nous ne sommes pas en mesure de le dire aujourd’hui, puisque nous respectons un processus de concertation. Je retiens toutefois de notre échange les arguments que vous avez développés, et qui devront être soumis à la décision des autorités du ministère de l’éducation nationale, et, en dernier ressort, du ministre.

C’est ainsi que je reçois votre message et que je le transmettrai à M. Xavier Darcos.

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Je me doutais bien que, dans l’exercice de votre mandat de maire d’une grande ville, vous aviez été confronté au même type de problème.

Je considère que c’est très grave pour les quartiers défavorisés. Par ailleurs je précise que le collège concerné se trouve dans mon canton.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de vous faire mon interprète auprès de M. Xavier Darcos pour lui dire qu’en aucun cas ce collège ne peut être fermé. Une équipe pédagogique formidable y accomplit un travail considérable pour les 385 élèves du quartier !

Il serait insensé de démolir ce collège ! (M. Jean-Marie Bockel acquiesce.) Je considère que sur le terrain une telle décision serait perçue comme une désertion de l’école de la République là où le besoin s’en fait le plus sentir.