M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !

M. Ladislas Poniatowski. Philippe Guillaume a en effet eu à subir une guerre d’usure quasi quotidienne, sans connaître un mois ou même une semaine de répit. Les représentants du Gouvernement qui siégeaient au conseil d’administration de France Télévisions de l’époque avaient des consignes régulières et précises pour dénigrer son travail, contester ses choix, voire ridiculiser ses décisions, et, chaque fois qu’il venait demander un complément pour « boucler » ses budgets, il se voyait, bien sûr, opposer un refus.

Le pouvoir de l’époque a eu sa peau, au sens figuré et au sens propre !

Mme Catherine Tasca. Ça, c’est un propos scandaleux !

M. Ladislas Poniatowski. Vous excuserez la manière un peu passionnée avec laquelle je m’exprime, mais il se trouve que je connaissais et appréciais Philippe Guillaume.

La manœuvre a réussi puisque, ayant passé à peine un an et quatre mois à la tête de l’entreprise, le 18 décembre 1990, épuisé, il a démissionné. Je rappelle aussi que, six mois plus tard, il est décédé de maladie et d’épuisement, et je me permets de penser qu’il y avait un lien avec ce qu’on lui avait fait subir et ce qui s’était passé.

M. David Assouline. Vous êtes médecin ?

M. Jean-Luc Fichet. C’est scandaleux !

M. Ladislas Poniatowski. Écoutez de temps en temps ! Même lorsque cela ne vous plaît pas !

Je rappelle ce très triste épisode tout simplement pour montrer qu’il est impossible que le président de France Télévisions n’ait pas le soutien de l’État actionnaire.

Tous les débats sur l’indépendance de la télévision et de son président par rapport au pouvoir politique ne m’ôteront pas de l’esprit que les garanties d’indépendance sont illusoires.

La nomination du président de France Télévisions par le CSA, dont on sait comment ses membres sont désignés, ne garantit pas l’indépendance.

La désignation par l’exécutif – même après avis du CSA et des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat – ne garantit pas davantage l’indépendance.

Il est très difficile de garantir l’indépendance, mais, madame la ministre, n’aurait-il pas été possible de prendre plus de temps pour la réflexion, notamment pour examiner une troisième solution, qui prévaut dans d’autres pays européens et qui a été évoquée lors du travail de consultation que vous avez mené, à savoir celle de la désignation du président par son conseil d’administration ?

M. Ladislas Poniatowski. Ma troisième observation porte sur les missions et les programmes de France Télévisions.

Je voudrais vous livrer quelques chiffres, qu’il faut du reste accueillir avec une certaine prudence, car il faut admettre que personne n’a l’apanage de la qualité et que l’on peut trouver qualité et médiocrité sur les chaînes privées comme sur les chaînes publiques.

M. Jean-Pierre Plancade. C’est certain !

M. Ladislas Poniatowski. Les premiers chiffres concernent l’offre de la télévision publique, qui, je le rappelle, devrait être celle de tous les publics.

Entre la fiction, qui représente 20 % de ses programmes si l’on additionne ceux de France 2 et de France 3, l’information, qui en représentent 19 %, les documentaires et magazines, qui en représentent environ 20 %, et tout ce qui est divertissements, musique et spectacles, qui en représentent 17 %, l’offre de la télévision publique est à la fois variée et équilibrée.

Je souligne, mes chers collègues, que TF1, qui consacre 31 % de ses programmes aux divertissements, et M6, qui consacre 44 % des siens à la fiction, majoritairement américaine, ont fait un autre choix, se situent dans une autre logique, celle de la performance commerciale et de l’audimat.

La deuxième série de chiffres fait apparaître que France Télévisions accorde une priorité à la diffusion d’œuvres de fiction française.

Ainsi, sur France 2, 61 % de la fiction diffusée en 2007 était française, taux qui atteint 91 % sur France 3, alors que TF1 et M6 font nettement moins bien, avec respectivement 51 % et 15 %.

Cette priorité accordée à la fiction française ne se fait pas forcément au détriment de la qualité et de l’audience, comme en témoignent les scores réalisés par Chez Maupassant, Guerre et paix, Le Clan Pasquier, Notable donc coupable, Équipe médicale d’urgence ou encore Les Oubliées.

Troisième chiffre : en 2007, France 2, France 3 et France 5 ont proposé les deux tiers des documentaires diffusés par les télévisions françaises.

Quatrième chiffre : 61 % des spectacles vivants ont trouvé leur place sur France Télévisions en 2007 et y ont réalisé de beaux scores : 1,4 million de téléspectateurs pour Cyrano de Bergerac, 1,8 million pour le Trouvère, en juillet de cette année, ou encore 5,4 millions pour Faisons un rêve. Et, en janvier 2008, 8,1 millions de téléspectateurs ont regardé les Fugueuses.

La cinquième et dernière série de chiffres concerne le sport. Si 60 % de l’offre sportive est diffusée par France Télévisions, l’originalité de celle-ci tient surtout au fait qu’elle présente plus d’une centaine de disciplines aux téléspectateurs français, alors que TF1 ne propose que quatre sports – football, rugby, auto-moto et golf. Quant à M6, elle ne présente qu’un seul sport, le football, mais il est vrai que c’est le sport qui « rapporte » le plus en termes d’audience, le record de France ayant été atteint en juin dernier sur M6 avec le match France-Italie, qui a rassemblé 13,2 millions de téléspectateurs.

Madame la ministre, ces quelques chiffres ne signifient pas qu’il y a d’un côté la qualité et, de l’autre, la médiocrité, mais ils montrent que la télévision publique, sans être une télévision élitiste, sait s’adresser à des publics divers à des heures de grande écoute et qu’elle sait aussi faire des émissions populaires pour le grand public. Il ne faudrait donc pas remettre en cause cet équilibre en la privant des recettes dont elle a besoin.

En conclusion, madame la ministre, je ne voterai pas l’article 18, qui prévoit la suppression de la publicité, compte tenu des menaces qui pèsent sur les ressources nécessaires à France Télévisions. Je voterai en revanche l’article 8, relatif à la nomination du président de France Télévisions, malgré son imperfection. J’attends bien sûr vos réponses à plusieurs des questions qui vous ont été posées pour vous apporter mon soutien lors du vote final. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

 
 
 

Mme Catherine Tasca. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Je ne peux pas laisser sans réponse les propos infamants tenus ce soir par notre collègue à propos de la disparition de Philippe Guillaume.

Je veux bien les mettre sur le compte de la passion inspirée, semble-t-il, par une amitié personnelle, mais il n’est pas acceptable, monsieur Poniatowski, que vous fassiez le lien entre les conditions, objectivement difficiles, dans lesquelles Philippe Guillaume a exercé la présidence de France Télévisions et sa disparition dans les mois qui ont suivi, disparation dont je crois savoir qu’elle était due à une maladie.

Ces propos sont très graves et ne sont pas dignes d’un débat dans cet hémicycle : en d’autres lieux, nous pourrions considérer qu’ils constituent véritablement une diffamation.

Mon groupe et moi-même tenons à rappeler, comme vous l’avez fait vous-même, que l’organe de régulation s’était à l’époque déterminé tout à fait librement, ce qui prouve d’ailleurs que les pressions du pouvoir d’alors n’étaient pas celles qu’on peut constater depuis quelques années.

La nomination de Philippe Guillaume ne concordait sans doute pas avec les vœux de l’exécutif, mais nous avons mené avec lui, autant que faire se peut, un dialogue ouvert et, en tout cas, parfaitement transparent.

Nous reconnaissons les très grandes difficultés qu’a vécues alors l’entreprise France Télévisions, y compris, comme vous l’avez dit, dans ses relations avec l’exécutif, mais nous ne pouvons pas accepter que vous nous imputiez la disparition d’un homme que, moi aussi, j’ai connu et estimé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Mes chers collègues, si vous avez compris dans mon propos que je vous imputais la responsabilité de la disparition de Philippe Guillaume,…

Mme Catherine Tasca. C’est le cas !

M. Ladislas Poniatowski. …c’est une erreur.

M. Jean-Luc Fichet. Tout le monde vous a entendu !

M. Ladislas Poniatowski. Comme d’habitude, vous n’entendez que ce que vous voulez bien entendre !

M. David Assouline. C’était très net !

M. Ladislas Poniatowski. Par contre, je peux vous apporter de nombreux articles sur ce qui s’est passé à l’époque et sur ce à quoi Philippe Guillaume était soumis. Les paroles étaient dures, les attaques étaient méchantes.

M. David Assouline. Ne chargez pas la barque ! Excusez-vous plutôt !

M. Ladislas Poniatowski. J’ai vécu cela de près parce que je le connaissais bien. Si vous relisez les articles en question, vous reconnaîtrez que peu de personnes – a fortiori des personnes malades – auraient pu supporter cela.

M. René Garrec. C’est vrai !

M. David Assouline. C’est inacceptable !

 
 
 

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bouleversement imposé à la télévision publique n’a rien d’une réforme.

Les deux textes législatifs qui nous sont soumis aujourd’hui sont nés d’une lubie présidentielle, la suppression de la publicité sur France Télévisions, et non d’un projet global, cohérent, porteur d’avenir pour notre audiovisuel public.

Madame la ministre, vous avez fait de la suppression de la publicité une fin en soi, l’objectif à atteindre par n’importe quel biais, alors qu’elle ne peut être qu’un moyen de faire autrement.

Vos projets de loi ne préparent pas notre télévision publique aux enjeux d’avenir du secteur, dont l’objectif prioritaire doit être la constitution d’un média global. Bien au contraire, ils déstabilisent un équilibre fragile entre télévision publique et privée, déjà menacé par la révolution numérique.

Leur contenu autant que la gestion de ce dossier font montre d’une méconnaissance forte de ce secteur économique et d’un mépris flagrant pour l’audiovisuel : vous n’auriez jamais joué à un tel jeu de chamboule-tout, aux dépens de la réalité économique, s’il s’était agi du secteur industriel. Pourtant le secteur audiovisuel représente plus de 200 000 emplois directs et indirects, soit bien plus que l’aéronautique par exemple.

Revenons donc sur la méthode, celle du fait du Prince et de sa cour restreinte de conseillers : une annonce du Président de la République, faite sans aucune consultation préalable, qui a pris de court tout le monde, y compris la ministre de tutelle ; une réforme voulue par personne sauf M. Nicolas Sarkozy et les dirigeants de TF1 ; ensuite, une commission chargée d’occuper le terrain et de donner le gage sur la forme, alors que les arbitrages sont déjà ficelés ; un calendrier de mise en œuvre totalement aberrant ; enfin, un dépôt des projets de loi repoussé pour cause d’impréparation et de tergiversations gouvernementales, le tout couronné par une application prématurée, précipitée, de sa mesure phare.

Ce calendrier s’est traduit par une marche forcée et aboutit à court-circuiter la discussion parlementaire et à piétiner le Sénat. Que ce mépris et cette insulte envers notre Haute Assemblée suscitent si peu de réaction de la part de la majorité montre bien que l’audiovisuel public n’est pas seul à être mis au pas. Ce n’est certainement pas en prenant les sénateurs pour des figurants – pour ne pas utiliser un autre mot, pourtant plus approprié vu l’ampleur de l’affront subi – que le Gouvernement revalorisera le Parlement !

Et prétendre que la gauche a rêvé de cette réforme et que vous faites ce que nous n’avons pas pu faire est une supercherie intellectuelle. Nous n’aurions jamais fait cela maintenant, ni de cette manière. Quand nous avons envisagé la suppression de la publicité sur la télévision publique, nous avons pris en compte le principe de réalité économique. Nous la voulions très progressive et surtout nous nous sommes donné les moyens d’une réelle compensation.

Le Président de la République s’est largement glorifié d’être le premier à procéder à une dotation en capital de France Télévisions. C’est oublier un peu vite que le gouvernement de Lionel Jospin avait inscrit, dans le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour 2001-2005, une dotation en capital de 152 millions d’euros sur cinq ans. Et c’est précisément la droite qui n’a pas honoré cet engagement à partir de 2002 !

Mme Catherine Tasca. Ils ont la mémoire courte !

M. Serge Lagauche. Faut-il vous le rappeler également, jusqu’en 2002, le montant de la redevance a été régulièrement revalorisé ? Depuis cette date, s’il n’a varié, c’est seulement à la baisse !

En multipliant les exonérations sans les compenser totalement, en misant sur des économies de collecte et un taux de recouvrement surévalués et en refusant catégoriquement, année après année, de faire évoluer positivement la redevance audiovisuelle dans son montant et dans son assiette, vous avez organisé le sous-financement de l’audiovisuel public. Vous avez péché par manque d’ambition et, maintenant, vous vous enferrez dans une faute politique majeure.

Le courage politique, que le Président de la République entendait incarner, aurait voulu que ce même Président de la République, au vu de la réalité économique du secteur et du contexte financier, revienne sur sa décision quand il en était encore temps. Il aurait pu et dû alors expliquer à nos concitoyens que nous n’avions pas les moyens de nous payer le luxe d’une télévision publique sans publicité, que la situation économique du pays ne permettait pas de réunir les conditions de réussite nécessaires à sa mise en œuvre, que ce n’était pas une mesure prioritaire pour le pays et que, dans ces conditions, il avait décidé de se concentrer sur les besoins réels des Français.

Au lieu de cela, il s’est entêté, et nous sommes aujourd’hui le dos au mur. La publicité est déjà supprimée après vingt heures depuis quelques jours.

Dans ce contexte, nous considérons que le seul moyen de réellement financer durablement cette suppression à marche forcée, sans compromettre l’évolution de France Télévisions vers le média global qui suscite des investissements importants, réside dans une redevance audiovisuelle rénovée, permettant de lui insuffler du dynamisme. La suppression de la publicité sur France Télévisions peut être progressivement compensée à l’euro près par la redevance.

Nous avons une des redevances les plus faibles d’Europe, ce à quoi il faut ajouter un ensemble de mesures limitant l’efficacité de cette contribution.

D’abord, le principe de la prise en charge intégrale par l’État des exonérations sociales de redevance audiovisuelle est largement bafoué par la pratique du plafonnement de cette prise en charge à une somme inférieure aux dégrèvements réellement intervenus, ce qui fait ainsi porter par l’audiovisuel public la politique sociale de l’État.

Ensuite, l’assiette de la redevance est minorée avec l’exonération des résidences secondaires intervenue en 2005.

Enfin, le paiement de la redevance n’est pas appliqué à la détention d’ordinateurs permettant de recevoir la télévision, alors que la loi le permet.

La logique de la redevance est donc galvaudée. Il convient d’inverser cette tendance. C’est à l’impôt qu’il revient de financer le service public. Nous avons bien conscience de ne pas être dans l’air du temps en réaffirmant ce principe fort. Les Français ont été habitués avec la droite à la paupérisation des services publics : l’impôt est devenu un gros mot.

Reconnaissons-le, si la redevance, qui est en fait une contribution directe, est perçue comme un impôt impopulaire, c’est en partie parce que nombre de nos concitoyens n’en connaissent pas réellement l’utilité finale et ne savent pas quels services elle permet en fait de financer.

Inversons la tendance et faisons la pédagogie de la redevance comme source de financement naturelle et garantie de notre audiovisuel public, en tant que contribution directe et recette affectée. Menons une grande campagne d’information et d’explication sur les enjeux du secteur audiovisuel liés à la révolution numérique, et l’utilité de la redevance pour ce faire.

C’est là que réside le courage politique sur ce dossier : réaffirmer clairement le lien direct entre redevance et service public audiovisuel, au lieu de se fourvoyer dans une compensation aléatoire et alambiquée.

Le mode de compensation proposé par le Gouvernement est hypocrite et pervers. Hypocrite parce qu’il permet au Président de la République de sauver la face, mais pas à nos concitoyens de préserver leurs deniers ! Le Président, qui se veut celui du pouvoir d’achat, refuse d’augmenter une contribution directe pour ne pas susciter l’impopularité, mais il n’a aucun scrupule à voir la facture des opérateurs de téléphonie mobile augmenter pour compenser la nouvelle taxation, et donc le pouvoir d’achat des ménages baisser. Cela pour une raison simple : il peut en reporter la responsabilité sur les opérateurs.

C’est de plus un mode de financement économiquement pervers, à contresens du plan numérique annoncé tout récemment par ce même gouvernement. Vous êtes allés chercher l’argent chez les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, dont le lien avec la suppression de la publicité sur France Télévisions est plus que ténu.

Vous réduisez les marges de manœuvre du secteur numérique alors que vous devriez en faire un levier de la relance économique. Vous ôtez ainsi toute possibilité pour l’avenir de faire participer ce secteur au financement de la création, alors que c’est bien là que se situe le lien avec l’audiovisuel !

Ce mode de financement est aussi pervers fiscalement parce que le produit de cette taxe n’est pas affecté. Nous vous donnons donc rendez-vous, mes chers collègues, aux prochaines lois de finances !

J’entends déjà mes collègues majoritaires de la commission des affaires culturelles regretter tous en chœur, et impuissants, la mauvaise pratique du Gouvernement consistant à utiliser le produit de cette taxe pour tout autre chose que l’audiovisuel !

Le compte n’y est pas et il n’y a jamais été ! Le manque à gagner pour France Télévisions a encore été alourdi par de nouvelles dispositions adoptées à l’Assemblée nationale. Ainsi, contrairement à votre engagement de ne pas toucher à RFO, déjà dans une situation difficile, vous avez, madame la ministre, étendu la suppression de la publicité aux antennes de RFO. Dans votre hotte de Noël pour la télévision privée, vous aviez oublié les Antilles ! Antilles Télévision, ou ATV, aura donc, elle aussi, son cadeau !

Il faut ajouter à cela la réduction de l’assiette de la taxe sur les recettes publicitaires des opérateurs et le plafonnement de l’indexation sur le taux de l’inflation de la redevance.

En réalité, vous n’avez aucune ambition pour le service public : la manière dont vous jouez avec ses moyens le prouve ! Ou plutôt si, vous en avez une, et une seule : le mettre au pas par appauvrissement et mise sous tutelle !

À cet égard, les modes de nomination et de révocation proposés pour la présidence de France Télévisions sont emblématiques. D’ailleurs, avec le fait d’exiger de Patrick de Carolis qu’il propose lui-même au conseil d’administration la suppression de la publicité après vingt heures, c’est déjà le couperet d’une révocation possible à l’issue du vote de la loi qui a, par anticipation, montré son efficacité.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Serge Lagauche. Vous mettez ainsi un coup d’arrêt à l’évolution historique du secteur audiovisuel vers l’émancipation du pouvoir politique.

Au prétexte que la nomination par le CSA ne donnait pas toutes les garanties d’indépendance, vous instaurez une nomination par décret. Il fallait effectivement sortir de l’hypocrisie. Mais justement, au lieu de réformer le système en y apportant plus de démocratie et de transparence, vous choisissez le retour en arrière. Disons plutôt que le Président de la République impose à sa majorité ce retour en arrière !

Contrairement à vous, nous avons, nous, une vraie ambition pour un service public audiovisuel fort et pérenne !

Nous vous proposerons de revoir le système avec un objectif fondamental : plus de démocratie.

Plus de démocratie, d’abord, dans la nomination des membres du CSA : nous préconisons une composition répartie à parts égales entre la majorité et les groupes minoritaires des assemblées parlementaires, les membres ainsi désignés élisant ensuite le président du CSA en son sein.

En effet, rendre pleinement effectifs les principes démocratiques de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias audiovisuels implique d’assurer préalablement les conditions de l’indépendance à l’égard du pouvoir politique de l’autorité de régulation de ces mêmes médias.

Plus de démocratie, ensuite, dans les directions des sociétés du service public de l’audiovisuel et de la radio par l’institution d’un conseil d’administration non seulement largement représentatif des intérêts du secteur de l’audiovisuel public, mais aussi respectueux des différentes composantes de la vie politique, et par l’élection de leur président au sein du conseil d’administration, parmi les personnalités qualifiées.

Afin de décliner plus complètement cet objectif, nous proposerons également de donner un caractère législatif aux dispositions de la charte des devoirs du journaliste figurant à l’avenant audiovisuel de la convention collective nationale de travail des journalistes, et de renforcer la protection de l’activité d’information des journalistes.

Sur un autre plan, l’existence d’un médiateur de l’information et des programmes au sein de chaque société nationale de programmes, afin d’entretenir un dialogue continu et direct avec les auditeurs et téléspectateurs, doit devenir une exigence législative.

Trois principes forts, sur lesquels nous ne transigerons pas, fondent notre vision de la communication audiovisuelle et du service public de télévision.

Il s’agit d’abord du principe démocratique d’indépendance des médias, et tout particulièrement pour France Télévisions parce que la télévision publique appartient aux Français et est au service de l’intérêt général ; elle ne peut pas être le jouet du Président de la République !

Il s’agit ensuite de la garantie de financement pérenne à hauteur des besoins pour donner les moyens à France Télévisions de se positionner, à l’ère numérique, comme média global. L’indépendance et le financement à hauteur des besoins sont deux socles inséparables : on ne peut avoir l’une sans l’autre.

Enfin, nous ne transigerons pas sur la promotion du pluralisme, de la création et de la diversité culturelle.

Notre ambition en matière financière est de garantir une compensation intégrale des pertes de recettes financières et de sortir l’audiovisuel public de l’insécurité financière dans laquelle vous le placez pour l’avenir.

La suppression de la publicité après vingt heures est entrée dans les faits, mais il n’est pas question de nous lier pour 2011. N’ajoutons pas à cette première faute économique un aveuglement coupable : il sera intenable économiquement de faire concorder la suppression totale de la publicité et l’extinction de la diffusion analogique au profit du numérique !

Nous ne savons que trop bien où vous nous menez en organisant le sous-financement chronique de l’audiovisuel public : aux plans sociaux et à la réduction de son périmètre ! D’autant que, concomitamment, vous inscrivez dans la loi l’exigence de l’équilibre du résultat d’exploitation.

C’est condamner France Télévisions d’avance. En effet, passer au média global nécessite des investissements importants et sans qu’on puisse en attendre de rentabilisation dans les premières années. Or l’objectif que vous assignez à l’entreprise unique est avant tout la rationalisation des coûts et la réalisation d’économies.

De même, il faut être naïf pour ne pas s’apercevoir que TF1 a des visées sur France 4, chaîne qui bénéficie d’une très bonne image et permet à France Télévisions d’attirer un public jeune. En effet, France 4 permettrait au groupe Bouygues de rattraper son erreur stratégique face à la TNT.

Quant aux groupes de la presse quotidienne régionale, ils ne verraient pas d’un mauvais œil le dépeçage de France 3. Pour notre part, nous sommes très attachés à une information pluraliste et indépendante de qualité portée par le service public, et déclinée au niveau national, régional et local.

Notre audiovisuel public a une forte notoriété internationale. France 2 et France 3 reçoivent de nombreux prix à l’étranger, notamment dans le domaine de l’information. Il est de notre responsabilité de conserver notre rang parmi les chaînes qui vont au front à l’international, y compris sur internet, dans le cadre du média global.

France Télévisions constitue un formidable outil industriel. Seulement, vous avez freiné tous ses projets de développement pour ne pas gêner le privé ! Qu’il s’agisse du projet de la Chaîne Info, LCI, ou de chaînes internationales, vous n’avez pas pu vous empêcher de donner une part du gâteau à TF1, qui va réaliser au passage une belle plus-value.

L’allégeance du Président de la République à l’égard des grands groupes privés, tout particulièrement de la communication, nous autorise à nourrir les pires craintes pour l’avenir de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais adresser deux demandes au Gouvernement.

La situation outre-mer, madame la ministre, sera différente de celle de la métropole. En effet, sur la base d’un amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, la publicité persistera sur les antennes de RFO pendant les trois années qui viennent : 2009, 2010, 2011. Néanmoins, dans le même temps, il a été prévu de percevoir la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Il y a là une injustice.

Par ailleurs, le fonctionnement de RFO soulève de nombreuses questions, et je me permettrai, madame la ministre, de vous suggérer de mettre à profit ce laps de temps de trois ans pour en améliorer la situation.

À écouter les commentaires des uns et des autres sur RFO, on entend beaucoup de critiques, parfois excessives, et très peu de louanges.

C’est un service qui coûte cher, très cher : 256 millions d’euros. Sa grille de salaires varie d’un fuseau horaire à l’autre. Sa productivité est très faible et sa créativité franchement insuffisante. On peut dire que RFO ne relaie pas, là où elle est écoutée, la richesse de la culture française et que, en retour, elle ne relaie pas vers la métropole et vers l’Europe la richesse culturelle des peuples et des terres de l’outre-mer.

Or, si l’on crée un service public de l’audiovisuel à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les Caraïbes, dans l’océan Indien ou dans le Pacifique, c’est bien pour susciter ce mouvement de va-et-vient culturel ! La culture et les communications ne sont-ils pas les deux grands vecteurs du développement économique du xxie siècle ?

Madame la ministre, vous avez estimé qu’il fallait différer la suppression de la publicité pendant trois ans. Nous en sommes d’accord. Mais utilisez alors ce laps de temps pour procéder, en relation avec le Sénat et l’Assemblée nationale, à un audit de RFO. Fixez des objectifs à RFO, en accord avec le ministre chargé de l’outre-mer, Yves Jégo. Prévoyez des objectifs en matière de rayonnement culturel, de création et de studios cinématographiques. L’outre-mer a une lumière et des paysages qui n’ont rien à envier à la Californie ou à Bombay. Nos territoires peuvent être, pour la France, des studios vivants de créativité cinématographique et lui apporter un complément de richesses non négligeable.

L’outre-mer n’est plus dans la position de la main tendue. Nous avons compris les messages que nous ont adressés différents collègues. Nous sommes dans la position du donnant-donnant, du gagnant-gagnant, d’une nouvelle stratégie de croissance économique. Dans cette dernière logique, nous disons « chiche » au Gouvernement.

Madame la ministre, vous avez trois ans pour rebattre les cartes avec la société de service public qu’est RFO. Nous pouvons, dans cette période, redistribuer les moyens, recentrer ses missions, définir clairement ses objectifs et faire de RFO, au sein de la société unique de service public de l’audiovisuel, un atout de la culture française outre-mer.

Telle est ma première demande, qui me paraît raisonnable, mais qui, à bien des égards, correspond à une nécessité absolue.

Ma seconde demande rejoint les interrogations et les suggestions émises par la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a donc estimé qu’il fallait différer la suppression de la publicité jusqu’au mois de novembre 2011 sur les antennes de RFO. Mais, dans le même temps, est instaurée une taxe générale de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à internet. Or, madame la ministre, mes chers collègues, je fais appel à votre compréhension. À la Réunion, ces fournisseurs doivent déjà lutter contre une position dominante de France Télécom, qui détient la majorité de l’accès au câble sous-marin SAFE.

Nous souffrons d’une fracture numérique qui constitue un frein considérable à notre développement économique.

La publicité étant maintenue sur RFO pour trois ans, et cela sur l’initiative du Gouvernement, ne nous compliquez pas la tâche : tenez compte de cette exception et différez de trois ans également l’application de la taxe sur les opérateurs. C’est une question d’équité, de logique, de bon sens ! Je remercie d’ailleurs la commission des affaires économiques de nous avoir rejoints sur ce point.

N’aggravons pas la fracture numérique. Différons de trois ans le paiement de la taxe outre-mer. C’est le sens d’un amendement que j’ai déposé, comme d’un amendement émanant de la commission des affaires économiques. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter l’un d’entre eux.

Dans le domaine des télécommunications, où nous pouvons apporter un service et une meilleure productivité en raison du décalage horaire, nous ne disposons pas des débits qui conviennent. Le coût du débit ADSL dans les départements d’outre-mer est dix fois plus élevé qu’en métropole.