M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la diversité est une chance pour notre pays, on ne le répétera jamais assez ! Elle met en lumière l’ouverture de notre nation et sa capacité à intégrer l’autre, en dépit de ses différences, autour d’un idéal commun. Notre République a toujours tenté de voir ce qui rassemblait, sans jamais, pourtant, occulter les différences.

Cette chance de la diversité en termes de rayonnement de notre pays, d’attractivité économique, de projection à l’étranger de nos valeurs et idéaux, force est de constater qu’on ne la voit pas assez sur nos écrans. La seule vision de la diversité, bien souvent, ce sont les banlieues, avec leurs cortèges de problèmes et d’angoisse, présentés à satiété par les journalistes, toutes chaînes confondues.

Parle-t-on de ceux qui réussissent, de ces modèles d’identification positifs, de ces talents des cités que nous accueillons chaque année au sein de notre Haute Assemblée ? Fort peu, je le crains.

La diversité, ne l’oublions pas, c’est aussi cela. Elle se décline sous deux formes.

La première, la plus évidente pour tous, c’est la visibilité à l’écran de toutes les composantes de notre société : hommes, femmes, ouvriers, cadres, artisans, agriculteurs, handicapés, jeunes, vieux, enfants, adultes, personnes issues de l’immigration, étrangers, Noirs, Blancs, etc. La diversité ne se résume donc pas au fait de voir plus de Noirs ou plus de Maghrébins à la télévision. C’est une question morale et de principe : montrer à l’écran tous ceux qui forment notre société, tous ceux qui « font société ».

Sur ce point, une enquête récente du CSA montre clairement que nous sommes loin du compte. La télévision actuelle est majoritairement blanche, bien portante, « cadre » et masculine. Cela n’est pas admissible dans une République soucieuse de mettre en avant toutes les couleurs de la France.

Mais la diversité, c’est aussi une forme qualitative. Si, dans une fiction, le rôle du voyou est joué par un Arabe ou un Noir, tandis que le bon médecin est blanc – alors que, dans la réalité de la vie quotidienne, le médecin des urgences, à l’hôpital, est plus souvent arabe ou noir ! –, on peut dire que les choses n’ont pas évolué.

L’enjeu est essentiel. La visibilité est le catalyseur partiel de l’intégration, dont il peut constituer de toute évidence l’un des principaux piliers. On se sent en effet moins exclu quand on a l’impression, en regardant son écran, que la société vous accepte.

Les médias jouent un grand rôle dans l’évolution des mentalités, dans la capacité de chacun à briser les stéréotypes de représentation de l’autre. On a dit, à raison, que le fait de voir dans une série américaine un président noir avait permis, entre autres, d’envisager la victoire possible de Barack Obama.

M. David Assouline. 24 heures chrono !

Mme Bariza Khiari. Dans ce cas précis, nous sommes passés non pas de la réalité à la fiction, mais bien de la fiction à la réalité.

Pour rapprocher les gens, pour briser ces frontières parfois indicibles, pour lutter contre les discriminations, il faut veiller non seulement à rendre visible la diversité mais aussi à la faire voir sous des formes un peu plus positives.

Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un exemple que j’ai choisi à dessein : le traitement de l’islam par les médias, je veux parler de l’islam non pas comme d’un sujet religieux mais comme du sujet politique qu’il est devenu, et c’est sous cet angle que je vais l’analyser.

Ainsi, madame la ministre, quand, à une heure de grande écoute, sur des chaînes du service public, on invite, pour parler de l’islam, des personnes qui ne parlent ni le français ni l’arabe, ceux que j’appelle des « analphabètes bilingues », semblant ne rien connaître aux sujets sur lesquelles elles doivent discourir ou bien des caricatures du wahhabisme intransigeant, sans recevoir sur le même plateau des intellectuels, musulmans ou pas, capables de s’exprimer sur le sujet dans un français de qualité, ou bien des gens simples pouvant parler le langage du cœur pour manifester leur engagement, on ne rend pas service à la diversité de notre pays ! On confirme et on renforce des stéréotypes au lieu de les effacer !

Pire, c’est m’insulter moi, qui suis censée me sentir représentée par ces personnes qui déforment les textes et donnent de la culture arabo-musulmane une image barbare. Cette pratique est trop courante pour être plus longtemps passée sous silence, et ce texte me donne l’occasion d’en parler. Bref, c’est de moi que l’on parle à travers mon héritage et c’est aussi le téléspectateur en moi que l’on méprise ! On insulte doublement mon intelligence !

Mon temps de parole étant limité, je ne puis que regretter que les promoteurs du projet de loi n’aient même pas daigné faire mention de cet aspect qualitatif dans la rédaction initiale et que le projet actuel soit si timoré.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, compte tenu du grand nombre d’amendements – trente-trois – déposés sur l’article 1er, la commission demande, pour la clarté des débats, la disjonction de l’amendement de suppression n° 112, ce qui nous permettra d’examiner les amendements au fur et à mesure, certaines discussions demeurant cependant communes.

M. le président. Je pense que tout le monde ici peut se rallier à cette proposition de la commission des affaires culturelles, que je remercie d’épargner ainsi au Sénat la traversée d’un long « tunnel ». (Sourires.)

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

L'amendement n° 112, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. L’article 1er du projet de loi redessine intégralement, à lui seul, le paysage audiovisuel public en retirant de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 toute référence aux entités mêmes que sont et représentent les chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO.

Vous proposez ainsi de restaurer l’entreprise unique. C’est loin d’être une bonne nouvelle !

En effet, à y regarder de plus près, on voit que l’entreprise unique s’accompagne d’un guichet unique et, donc, d’une uniformisation entraînant, de fait, la disparition de la diversité des chaînes qui fait la qualité du service public. C’est aussi la politique éditoriale qui est en cause avec cette entreprise unique à guichet unique.

Dès l’article 1er de votre texte, on voit la volonté du Gouvernement et de sa majorité parlementaire de casser le service public en l’uniformisant, en annihilant sa diversité, en portant atteinte à la création audiovisuelle et aux émissions d’information.

C’est, là encore, une remise en cause du pluralisme et de la démocratie. Car un grand service public de l’audiovisuel – comme celui que nous appelons de nos vœux – est un élément constitutif du débat démocratique et de la confrontation des idées. Mais ce sont là des concepts que vous n’appréciez décidément pas, mes chers collègues !

En réalité, ce que vous proposez, c’est une télévision étriquée, uniforme, soumise à un président de France Télévisions nommé par le Président de la République lui-même, et donc révocable à tout moment, dès qu’un sujet, une rubrique, une investigation, ne seront pas traités comme le veut l’Élysée !

Ce que vous souhaitez, en matière d’audiovisuel, c’est tout faire pour qu’il y ait moins de chaînes, moins d’émetteurs, moins d’information. Nous refusons les principes de cette fusion-absorption ainsi que les conditions dans lesquelles elle s’effectue.

En effet, aucun dialogue social ni politique, aucune prise en compte des réalités financières engendrées par une telle réforme n’ont été respectés lors de la préparation de ce projet de loi pourtant attendu par beaucoup. Le financement pérenne de l’audiovisuel public est la question essentielle qui doit être au cœur de ce débat.

Nous devons permettre à l’audiovisuel public d’avoir les moyens d’assumer ses missions, d’être présent et de pouvoir diffuser ses contenus sur les différents supports numériques, c’est-à-dire dans la plus grande diversité. La fusion-absorption que vous nous proposez va vous permettre de faire des économies d’échelle et de mutualiser un certain nombre de métiers. Ces économies vont notamment passer par la suppression d’un millier d’emplois à France Télévisions.

Au-delà, le risque est de décourager le public de regarder les chaînes du service public qui débuteront à vingt heures trente-cinq et auxquelles vous voulez imposer la programmation d’émissions ennuyeuses. (Exclamations sur certaines travées de lUMP.)

À la lumière de ces observations, nous demandons la suppression pure et simple de cet article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Ces craintes et ces thèses, nous ne les partageons pas, car nous pensons, au contraire, que l’entreprise unique sera un vecteur permettant de dégager pour France Télévisions, une ambition nouvelle, un projet et des moyens nouveaux.

C’est d’autant plus vrai que les personnels de France Télévisions, notamment sa direction, parlent aujourd’hui d’entreprise commune. L’heure est donc au rassemblement des compétences et des énergies dans la direction fixée par le Parlement, par la loi, celle du service public que nous voulons pour cette entreprise publique.

Tout le monde se rappelle que le président actuel de France Télévisions, Patrick de Carolis, avait souhaité, avant même l’annonce de la réforme par le Président de la République, que soit retenue l’option d’une entreprise unique. Son objectif était de tirer le meilleur parti de toutes les chaînes existantes et d’optimiser toutes les compétences pour aller de l’avant.

Nullement inquiète quant au développement de cette entreprise commune, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 112.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 112. Le texte de l’article 1er est porteur d’une excellente évolution, au demeurant demandée à plusieurs reprises depuis l’été 2007 par l’actuel président de France Télévisions. Pratiquement toutes les tendances de l’échiquier politique se rejoignent pour la réclamer.

Cette évolution va permettre des synergies, des mutualisations entre différentes chaînes, tout en gardant une forte identité des antennes. Le projet, intéressant du point de vue des identités, du dynamisme et de la cohérence, s’inspire du modèle de Radio France, qui regroupe dans une société unique France Info, France Inter et le Mouv’. D’ailleurs, aujourd’hui, tout le monde connaît le président de France Télévisions, alors qu’en réalité personne ne connaît – ou en tout cas pas très bien – les directeurs généraux de France 2 ou de France 3.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 112.

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Etienne Antoinette. L’article 1er de la loi sur l’audiovisuel public est conçu dans l’oubli de ces territoires lointains que constitue l’outre-mer français.

Ces territoires sont intégrés après coup, sans véritable réflexion, sans cohérence, avec les travers que l’on déplore souvent en termes d’inadaptation des textes aux réalités locales. Et c’est le cas pour la présente loi, dès cet article 1er.

En effet, en fusionnant les différentes chaînes dans une société unique, les auteurs de cet article ignorent ou feignent d’ignorer non seulement l’intérêt et l’importance des télévisions de proximité, cela pour toutes les régions françaises, mais plus encore les particularités des départements et territoires d’outre-mer et les contraintes qui leur sont propres et qui ont rendu nécessaire et pertinent un Réseau France Outre-mer suffisamment autonome pour s’adapter avec souplesse aux réalités des territoires qu’il dessert.

Permettez-moi, pour m’expliquer, de citer le cas particulier de la Guyane, où la fracture numérique est importante par rapport à la métropole et qui n’a pas encore résolu le problème de la couverture de l’ensemble de son territoire par la télévision par ondes hertziennes. Sa situation est en complet décalage avec le niveau de réforme que cette loi préconise.

Or, en Guyane, RFO, qui comprend à la fois la radio et la télévision, est non seulement un média de proximité, mais un véritable service public et démocratique, partout où la chaine est captée. Parfois, pour certaines populations et dans certaines parties du territoire, c’est le seul support éditorial de l’information, de l’éducation ou de la prévention sanitaire et sociale, notamment là où la population n’a pas accès à la lecture et aux médias imprimés.

En outre, sans même parler de la défense de l’expression des cultures et des langues régionales, la production d’émissions dans des langues très localisées est parfois une réelle nécessité pour la compréhension par toutes les populations de certains messages de prévention ou d’éducation à la santé, par exemple.

À l’inverse, et parce que l’outre-mer, c’est aussi la France, RFO, avec des moyens appropriés, pourrait également développer l’ambition de faire rayonner la langue et la culture françaises en émettant vers d’autres pays et, vice versa, en faisant connaître ces autres pays, historiquement ou culturellement proches des collectivités de l’outre-mer français.

C’est déjà le cas pour l’Afrique avec AITV, ce pourrait l’être tout autant dans l’océan Indien, la Caraïbe, ou l’Amérique latine. Il s’agit là d’une plus-value potentielle que ne saurait exploiter de la même manière Audiovisuel extérieur de la France telle qu’elle est conçue dans cette réforme. Qu’en adviendra-t-il dans la nouvelle société unique ? Comment seront opérés les arbitrages concernant les programmes régionaux et locaux ou encore les décrochages particuliers, alors que la tendance produite par cette loi est l’écrasement des spécificités ?

La fusion voulue par le Gouvernement pose donc plusieurs questions sur l’avenir même de RFO : celle de l’autonomie financière d’une chaîne qui a ses spécificités et ses contraintes en matière de production, de création, de programmation et de gestion des personnels – surcoûts des communications, décalages horaires, formations à adapter, caractéristiques des audiences – et dont le secrétaire d’État Yves Jégo prévoit de compenser les pertes de recettes publicitaires par le non-remplacement des départs à la retraite Ce sont donc les suppressions de postes – déjà 65 – qui permettent le développement d’une chaîne…

D’autres questions se posent, celle des modalités de maintien de la ligne éditoriale particulière de cette chaîne avec sa souplesse et sa capacité d’adaptation à la diversité des territoires et des populations qu’elle dessert, celle de son positionnement dans le contexte de diversification de l’offre audiovisuelle dont on annonce l’arrivée sur un marché extrêmement étroit, où la seule chaîne privée locale a déjà du mal à se développer.

Il est manifeste que c’est à partir du socle de RFO que la télévision publique va jouer ce rôle historique encore nécessaire pour assurer une offre télévisuelle garante tant de la diffusion informative, culturelle, de services et de loisirs, que de la restitution de la réalité profonde d’une région, si toutefois elle a les moyens adaptés aux nécessités de production documentaire, événementielle et de fiction qui en découlent.

L’enjeu devient même stratégique à l’échelle du bassin humain et culturel de l’Amazonie atlantique, avec ses 50 millions d’âmes et son potentiel considérable de développement audiovisuel et numérique, où l’on doit de façon prioritaire faire rayonner un espace télévisuel francophone.

Aussi, la prétendue égalité de traitement entre la métropole et l’outre-mer soutenue par le secrétaire d'État Yves Jégo aboutit en fait à un creusement des écarts et comporte un risque de démantèlement d’un outil précieux pour l’outre-mer.

Nous voulons une télévision moderne, plurielle, multimédia, mais respectueuse des identités locales.

Nous voulons un service public de l’audiovisuel adapté aux situations ultramarines et ayant les moyens nécessaires pour remplir ses missions.

Nous voulons un média public, gratuit et démocratique, capable de créer et de produire des programmes répondant aux besoins réels de toutes les populations ultramarines en matière d’éducation, d’accès à la culture, aux savoirs et aux nouvelles technologies.

Nous voulons enfin une société audiovisuelle ambitieuse, capable de rayonner et de donner au monde une image de l’outre-mer français positive et valorisante pour la France.

Il y a donc lieu aujourd’hui pour le Gouvernement de prendre la mesure des enjeux de sa réforme en outre-mer et de répondre aux questions légitimes que nous nous posons quant aux moyens qui seront donnés à RFO, dans le cadre de l’entreprise unique, pour poursuivre sa mission dans le respect de son identité et en tenant compte des caractéristiques de son audience et de son marché potentiel outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Je voudrais m’expliquer plus avant.

A priori, je ne suis pas contre une structure unique, mais, en soi, une structure unique ne signifie rien : tout dépend de ce que l’on en fait, de ce que l’on y met et des moyens qu’on lui donne.

Or, aujourd'hui, France Télévisions a un indéniable problème de sous-financement. Elle est traitée comme l’ensemble des équipements culturels, c'est-à-dire selon les règles de la révision générale des politiques publiques. On a même là un exemple de RGPP verticale massive, à la fois très large et très profonde. Je ne suis pas contre le fait de réviser, mais, révision, réduction, régression…c’est la même initiale !

Puis, au-delà des moyens, quand bien même on parle d’entreprise « unique », il ne faut pas négliger l’environnement : l’AFP, avec les menaces qui pèsent sur elle, les états généraux de la presse, avec les menaces qui pèsent sur les journalistes, le ministère de la culture, lui aussi assujetti à une RGPP qui ne fait pas sourire ses personnels, et, bien sûr, cette réforme…

N’oublions pas non plus l’expérience de l’histoire et notamment que M. Fillon, actuel Premier ministre mais ministre des PTT en 1996 qui assurait faire « bouger » les télécoms, curieusement, avait, comme aujourd'hui, fait deux lois : il n’y a donc pas seulement M. Sarkozy, mais aussi son environnement immédiat !

Je ne suis pas non plus sûr qu’avec une entreprise unique ne s’opère pas, durant les années qui viennent, dans l’esprit que je viens de fustiger, une sorte de nettoyage interne qui transformerait l’équipement en un lieu rentable que l’on pourrait brader en 2012 parce que l’on n’aurait pas les moyens de le financer publiquement. Il faut voir plus loin que le bout d’une fantaisie présidentielle !

Aujourd'hui, les termes qui ont cours sont « rationalisation » et « économies » ; on n’entend pas parler des rêves, des désirs et des possibilités nouvelles d’offres.

Bien évidemment, certains éléments doivent être coordonnés ou rapprochés. Mais il y a une holding : qu’est-ce qui empêche celle-ci, avec une société filiale pointant tel ou tel problème à régler, de le faire ?

Il y a donc des possibilités, et c’est pourquoi j’insiste beaucoup sur l’esprit de responsabilité qui doit nous conduire à regarder les choses, non pas dans l’instant, comme le veut la mode actuelle – fût-elle qualifiée d’historique –, mais en considération du futur. Or, à cet égard, nous pouvons avoir de grosses craintes pour France Télévisions service public.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Fréquemment, ceux qui veulent réformer et moderniser tentent dans le même temps de brader les acquis et les progrès. En conséquence, pour préserver ces acquis et ces progrès, on a souvent pour réflexe, y compris lorsqu’elles sont nécessaires, de s’opposer aux réformes en disant : on ne bouge pas ! On se fait alors traiter de « conservateur », mais force est de reconnaître que, pour se protéger contre les méthodes qu’emploie la droite pour réformer, il n’y a souvent que le conservatisme…

Eh bien, nous allons essayer aujourd'hui de sortir de cette nasse en montrant quelle est notre volonté !

Pour l’essentiel, nous partageons les préventions de nos collègues MM. Ralite et Antoinette. En particulier, le périmètre actuel de France Télévisions doit absolument être préservé.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut rien bouger. Certes, on peut améliorer l’offre et il est même imaginable de proposer d’autres chaînes ou d’autres services, comme nous le faisions d’ailleurs dans certains de nos amendements qui ont « sauté » en commission, sujet sur lequel je reviendrai lundi, lorsque j’aurai repris les forces nécessaires pour dénoncer le scandale de l’utilisation qui est actuellement faite de l’article 40 de la Constitution.

Mais, souvenez-vous, madame Morin-Desailly, dans le cadre de la « commission Copé », à laquelle on ne fait référence que lorsque cela arrange, nous avons travaillé pendant des mois sur l’identité des chaînes…

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Vous, pas tout le temps !

M. David Assouline. Ce n’est que trois semaines avant l’« arrivée », lorsqu’il est apparu qu’il n’y avait pas de moyens pour financer France Télévisions, que nous sommes partis pour ne pas cautionner cette machine à défaire le service public, mais, quand on a parlé contenu, identité des chaînes, média global, modernisation, internet, nous étions là !

Or, nous étions tous d’accord pour dire que le périmètre de France Télévisions ne devait pas être touché, et j’ai encore chez moi des tonnes de documents écrits par des professionnels ou de synthèses signées de M. Copé qui en témoignent : France 2, chaîne généraliste, France 3, chaîne généraliste, nationale mais aussi régionale et locale, France 4, dont on a même essayé de mieux définir l’identité, pas toujours suffisamment perçue par les téléspectateurs, et France 5.

Tout cela doit, en effet, être préservé. Nous ne comprenons donc pas la détermination à ne viser dans la loi que l’entreprise unique. Pourquoi une telle volonté de ne pas mentionner les chaînes actuelles dans le corps du texte de loi ? Pourquoi ne les évoquer que dans le cahier des charges ?

On comprendrait si on nous disait que peut-être, dans deux ans, France 3 sera inadaptée et donc « liquidée », que France 4 devra être vendue à TF1…Au moins y aurait-il un vrai débat, pour ou contre le maintien de France 4 ! Comment comprendre, en revanche, que l’on nous dise qu’il faut préserver les chaînes mais pas les mentionner dans la loi ?

On déduit nécessairement de cette absence de mention qu’il existe un projet inavoué de se séparer d’un de ces services, d’une de ces chaînes, puisqu’il ne s’agirait plus de sociétés !

Pour notre part, nous sommes pour, absolument pour la réforme qui consiste à faire une entreprise commune pour rationaliser, pour mettre en commun les moyens, pour créer des synergies, pour permettre des reconversions, pour affronter la concurrence et relever les défis des dix ans à venir.

Voilà le message que nous avons voulu vous faire passer, madame la ministre, en ne déposant pas d’amendement de suppression. Il me semblait important de le préciser alors que l’amendement de M. Ralite va être mis aux voix.

En revanche, nous sommes contre l’entreprise commune pour raboter, pour casser la diversité, pour réduire le périmètre, et c’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à définir et à protéger le périmètre de France Télévisions.

Bien entendu, si aucun de nos amendements tendant à la sécurisation du périmètre n’était adopté, notre vote sur l’article serait négatif…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 113, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par sept alinéas ainsi rédigés :

« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des filiales dont elle détient la totalité du capital :

« 1° La chaîne France 2 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère généraliste destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose une programmation de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale ;

« 2° La chaîne France 3 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux ;

« 3° La chaîne France 4 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose des programmes destinés à attirer et fidéliser les jeunes et les jeunes adultes en exposant les nouveaux talents des scènes actuelles - musique et spectacle. Elle agit en faveur de l'innovation et de la création par la mise à l'antenne de nouveaux formats ;

« 4° La chaîne France 5 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ses programmes contribuent à la découverte et la compréhension du monde, s'attachant tout particulièrement aux registres des sciences et techniques, des sciences humaines, du développement durable. Elle favorise l'accessibilité individualisée et instantanée de ses contenus pédagogiques et de connaissances, à la demande sur les nouveaux supports, et développe la coopération avec les milieux éducatifs ;

« 5° La chaîne Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Réseau France Outre-mer assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.

« Les sociétés visées à l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle passent avec l'autorité administrative compétente des conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies de programmes diffusés par cette société. 

La parole est à M. Jack Ralite.