M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, vous m’avez fait part de votre détermination à améliorer la prévention des suicides en prison, ce dont je me réjouis. En mettant en œuvre les recommandations de l’Académie nationale de médecine, notre pays ferait preuve de sa volonté d’améliorer la prévention, le repérage et la prise du risque suicidaire chez les détenus.

Madame la ministre, il ne faut pas oublier que, le 16 octobre dernier, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants et violation du droit à la vie, après avoir placé en isolement un détenu souffrant de troubles psychiatriques qui s’était ensuite pendu dans sa cellule, après une première tentative trois jours plus tôt. Il est donc vraiment urgent d’agir et de mettre en œuvre ces recommandations de l’Académie nationale de médecine.

Avenir du palais de justice de Strasbourg

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 362, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Roland Ries. Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur le délicat dossier de l’avenir du palais de justice de Strasbourg.

Depuis plus de dix ans, l’avenir du palais de justice de Strasbourg fait débat. Classé monument historique en 1992, il est apparu nécessaire dès 1997, par la réalisation d’un audit, de réhabiliter le palais de justice. Un programme fut alors élaboré en 2001 par l’architecte Dubois, proposant une réhabilitation et une extension sur site du palais, afin d’améliorer le travail de la justice à Strasbourg tout en préservant ce patrimoine majeur.

Au début de l’année 2008, la Chancellerie a annoncé qu’un projet de création d’une cité judiciaire à Strasbourg était à l’étude, sans toutefois écarter le premier projet de réhabilitation avec extension sur un site annexe situé à proximité : l’ancien commissariat de la rue de la Nuée-Bleue ou, éventuellement, le parking Kroely.

Récemment, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, l’APIJ, a présenté lors d’une réunion dont j’avais pris l’initiative, à Strasbourg, le 11 décembre dernier, un document de travail évoquant le devenir du palais de justice. Plusieurs scenarii ont été avancés, retenant divers critères d’ordre urbanistique, de localisation dans le tissu urbain de Strasbourg, avec une bonne desserte en transport en commun, et de facilité d’accès fonctionnel aux services tels que l’hôtel de police et la prison de l’Elsau.

La maîtrise des coûts est alors apparue comme le critère le plus déterminant. En effet, le coût de la réhabilitation du palais de justice, avec extension sur un site annexe situé à proximité, est estimé entre 70 millions et 80 millions d’euros, alors que le déménagement sur un site vierge n’est estimé qu’à 48 millions d’euros. Le déménagement sur un nouveau site, avec à la clé la création d’une cité judiciaire, constitue donc visiblement la piste privilégiée par l’APIJ. Je me permets de souligner que le coût de la reconversion du palais de justice actuel n’a pas été pris en compte dans les estimations de l’APIJ en cas de déménagement pur et simple du tribunal sur un nouveau site.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, de me faire connaître les orientations et, éventuellement, les arbitrages budgétaires pris à ce jour par votre ministère pour le palais de justice de Strasbourg et, plus spécifiquement, de préciser si ceux-ci vont dans le sens d’un abandon pur et simple de la réhabilitation et de l’extension sur un site annexe du palais de justice de Strasbourg. Une réponse précise de la Chancellerie permettrait de parvenir à un consensus local de tous les acteurs concernés et d’envisager un aboutissement rapide du dossier.

Je vous demande par ailleurs, madame la ministre, de préciser les ambitions et les orientations du Gouvernement en matière de valorisation du patrimoine historique dont l’État est propriétaire, et notamment de l’actuel palais de justice, qui fait partie de notre patrimoine historique strasbourgeois.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité être informé de l’état d’avancement des réflexions sur les besoins immobiliers judiciaires de la ville de Strasbourg.

Je rappelle que, dans le cadre de la loi de finances pour 2009, le Gouvernement fait des efforts sans précédent concernant l’immobilier judiciaire, qui avait pris beaucoup de retard au cours des dernières années, puisqu’il consacre 210 millions d’euros à la réhabilitation et à la construction de tribunaux de grande instance.

Compte tenu des contraintes budgétaires et du retard que nous avons pris en matière d’immobilier judiciaire, il nous faut procéder à des arbitrages en termes tant budgétaires que de travaux. Les bâtiments de certains tribunaux sont dégradés depuis de nombreuses années et ne permettent pas d’assurer de bonnes conditions de travail aux personnels. J’ai donc dû procéder à des arbitrages destinés à améliorer les conditions de travail de l’ensemble des personnels judiciaires.

Je ne peux que vous rappeler les quatre scenarii présentés par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice lors de la réunion que vous avez présidée en présence de vos adjoints à la mairie, des chefs de Cour, des chefs de juridiction et des représentants du barreau, le 11 décembre dernier : la réhabilitation du palais de justice et du parking Kroely, dont le coût serait de l’ordre de 87 millions d’euros ; la réhabilitation du palais de justice et du commissariat de la rue de la Nuée-Bleue, dont le coût serait de l’ordre de 70 millions d’euros, la construction neuve, qui coûterait 49 millions d’euros ; le déménagement sur le site du parking Kroely, dont le coût est estimé à 64 millions d’euros.

Pour effectuer le choix parmi ces propositions, le critère de maîtrise des coûts reste effectivement déterminant si l’on veut pouvoir offrir à la justice des conditions décentes de travail dans un délai performant.

Il a été souligné, au cours de la réunion, qu’il convenait également de prendre en compte les délais de livraison – car plus on accumule de retard, moins la réalisation finale correspond au projet initial –, mais aussi la qualité de la réponse aux besoins exprimés, la localisation dans le tissu urbain afin de favoriser l’accès des justiciables, la possibilité d’adaptation pour des besoins futurs et la facilité de liaison avec l’hôtel de police et la prison d’Elsau.

Comme vous l’indiquez, les coûts de reconversion du palais de justice historique n’ont pas été pris en compte. Ils sont très dépendants du futur usage du bâtiment. Les études de valorisation pour un effet nécessairement différé dans le temps pourraient cependant être entreprises de concert entre l’État et les collectivités territoriales dès 2009.

La réunion du 11 décembre avait pour objet de recueillir les réactions locales en vue de la recherche d’un consensus. J’avais besoin d’entendre les points de vue des uns et des autres en vue d’arbitrer en fonction des arguments soulevés.

Afin d’éclairer le choix de la solution qui sera retenue, j’ai demandé à mon cabinet de convenir prochainement d’un rendez-vous entre les représentants de la ville de Strasbourg et mes services pour pouvoir prendre en compte les préoccupations exprimées lors de la réunion du 11 décembre, les contraintes budgétaires mais aussi les demandes des personnels de justice. Ce rendez-vous devrait avoir lieu prochainement et j’espère que la décision que nous serons amenés à prendre conviendra à tous.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Je vous remercie, madame la ministre, de vos précisions. Si j’ai souhaité poser cette question, c’est précisément pour connaître les orientations de la Chancellerie sur ce dossier qui revêt un caractère de relative urgence.

Le statu quo ante, c’est-à-dire l’existence de deux sites, l’ancien palais de justice et les bâtiments provisoires, n’est pas tenable. Une décision doit donc être prise.

Je souhaite que, lors de la prochaine réunion, nous puissions obtenir des précisions sur la valorisation du palais de justice si nous devions nous orienter vers la construction d’une cité judiciaire.

J’attire également votre attention sur le fait que de fortes réticences à l’égard de la cité judiciaire s’expriment au sein du barreau, dont de nombreux représentants souhaitent rester en cœur de ville. À titre personnel, en tant que maire de cette ville, je souhaite dans toute la mesure du possible, tout en comprenant les contraintes budgétaires, que le palais de justice de Strasbourg demeure au cœur de la cité.

Indemnisation des sinistrés de la sécheresse

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 364, transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Marie-France Beaufils. Cette question, que j’avais communiquée au départ à Mme la ministre de l’intérieur, a été transmise à Mme la ministre de l’économie. Peut-être m’en expliquerez-vous les raisons, madame la secrétaire d’État ?

Cinq longues années se sont écoulées depuis l’été 2003, plus longues encore pour tous ceux qui ont eu à subir la catastrophe naturelle due aux mouvements de terrain. De nombreuses habitations situées en zone argileuse ont été profondément affectées. Elles le restent aujourd’hui, malheureusement. Des milliers de familles souffrent encore de vivre dans des maisons lézardées.

Les dégâts ont été estimés à 1,5 milliard d’euros et la procédure exceptionnelle mise en place par le Gouvernement n’a répondu à cette situation qu’à hauteur de 218,5 millions d’euros. Le compte n’y est pas, c’est l’évidence.

Les habitants touchés par cette catastrophe ne comprennent pas plus les silences que les promesses.

Le 5 décembre 2007, Mme Alliot-Marie déclarait ici même : « Par ailleurs, je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. [...] Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. »

Depuis cette déclaration, rien n’a été fait. Seul un rapport, qui semble confidentiel, a été commis. Il s’agit de celui de Mme Boutin, dont je n’ai jamais été destinataire, comme nombre de mes collègues qui l’ont rappelé au sein même du Sénat. Ce qui est certain, c’est que pas un euro de plus n’a été obtenu pour les sinistrés.

Au cours de la dernière période, un certain nombre d’amendements ont été déposés dans le cadre des projets de loi de finances pour 2008 et 2009 afin d’augmenter l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse. Nous les avons soutenus.

Le 27 novembre dernier, M. Bussereau s’engageait en ces termes : « Il n’était prévu aucune dotation supplémentaire dans le projet de loi de finances pour 2009, mais je comprends votre demande, et je m’engage à la relayer auprès de Mme la ministre de l’intérieur. »

Le 18 décembre, M. Marini, rapporteur général du budget, reconnaissait que « des demandes d’indemnisation portant sur des sommes tout à fait substantielles demeuraient en suspens ».

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous apporter à tous ces sinistrés non indemnisés à ce jour une note d’espoir pour qu’une solution digne leur soit enfin apportée ? C’est ce qu’ils attendent. Ils ne comprendraient pas une réponse négative alors qu’ils se mobilisent pour que soient reconnus leurs droits. C’était le premier élément de ma question.

En outre, madame la secrétaire d’État, le 16 juin 2005 a été débattue au Sénat une proposition de loi « visant à améliorer la transparence et l’équité du régime d’assurance des catastrophes naturelles ». Pour le moment, nous n’avons, pas de nouvelles de ce texte qui, s’il était encore amélioré, pourrait permettre une meilleure prise en charge des situations des sinistrés.

Un effort doit, me semble-t-il, être fait pour que la prévention soit privilégiée en prenant en compte les conditions géologiques locales. Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de susciter dans chaque département concerné par les phénomènes de retrait-gonflement des terrains argileux la mise en place de plans de prévention des risques naturels, qui pourraient être appelés PPRN « tassements différentiels », afin de limiter les conséquences désastreuses liées à des constructions non respectueuses des règles.

Je dois le dire, je suis inquiète en raison des menaces qui pèsent sur les futures conditions d’indemnisation des sinistres liés aux mouvements de terrain. Les rapports d’inspection remis en septembre 2005 par l’inspection générale des finances, le conseil général des Ponts et Chaussées, l’inspection générale de l’environnement et de l’inspection générale de l’administration, prévoient d’exclure la sécheresse du régime des catastrophes naturelles et de renvoyer la définition des conditions de prise en charge de ce risque au marché, ce qui figurait, semble-t-il, dans les hypothèses possibles du rapport de Mme Boutin.

Une autre préconisation maintiendrait la sécheresse dans le champ du régime avec, toutefois, certains aménagements reprenant en fait la procédure exceptionnelle mise en place dans le projet de loi de finances pour 2006, qui n’indemnise au mieux que les dommages les plus lourds.

J’ai donc quelques raisons de vous demander, madame la secrétaire d’État, si la proposition de loi débattue au Sénat en 2005 et non encore inscrite, à ma connaissance, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale finira par l’être. En outre, pouvez-vous nous informer sur les projets évoqués dans les différents rapports qui remettraient en cause la procédure actuelle de déclaration de catastrophe naturelle et les modalités d’indemnisation s’y rapportant ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur le phénomène exceptionnel de sécheresse qu’a connu le territoire métropolitain en 2003 et qui a été à l’origine de nombreux dégâts aux bâtiments dans plusieurs milliers de communes.

Dans un premier temps, le Gouvernement a procédé à une adaptation des critères utilisés par la commission interministérielle pour l’évaluation de cet aléa afin de tenir compte du caractère très atypique de la sécheresse de 2003. L’assouplissement des critères habituels a finalement permis la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour plus de 4 300 communes.

Au titre de la solidarité nationale et pour apporter une réponse aux sollicitations des communes non reconnues en l’état de catastrophe naturelle, le Gouvernement a mis en œuvre une procédure exceptionnelle d’indemnisation. Une enveloppe initiale de 118 millions d’euros a été prévue à ce titre par l’article 110 de la loi de finances pour 2006, puis portée à 218,5 millions d’euros par la loi de finances rectificative pour 2006.

Au total, ce sont finalement plus de 80 % des communes ayant demandé une reconnaissance au titre des catastrophes naturelles pour la sécheresse survenue en 2003 qui ont pu bénéficier d’une indemnisation soit au titre du régime des catastrophes naturelles, soit au titre de la procédure exceptionnelle.

Compte tenu des moyens déployés dans le cadre de cette procédure exceptionnelle, qui visait, selon les termes de la loi votée par le Parlement, les dommages lourds affectant la résidence principale rendue impropre à sa destination, le Gouvernement n’envisage pas de dispositif additionnel à cette procédure.

Comme Mme la ministre de l’intérieur s’y était engagée devant votre assemblée en 2007, le rapport relatif à l’indemnisation des dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue durant l’été 2003, établi en application de l’article 68 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, a été transmis par le Secrétariat général du Gouvernement le 25 janvier 2008 aux assemblées parlementaires.

Vous interpellez enfin le Gouvernement sur l’évolution du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et souhaitez savoir si ce sujet sera débattu prochainement à l’Assemblée nationale. Des travaux sont actuellement en cours entre les différents départements ministériels concernés, sur la base des consultations menées en 2006 et à partir du rapport inter-inspections qui, à la suite de la sécheresse de 2003, a fourni une évaluation de ce régime et en a proposé certaines pistes d’évolution.

Les propositions qui pourraient être soumises au Parlement au cours de l’année 2009 auraient une portée plus large que la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale en juillet 2007 et viseraient l’ensemble des risques naturels couverts par le régime.

L’objectif de la réforme envisagée consiste à améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et à encourager les comportements de prévention tout en maintenant un haut niveau de protection des assurés dans le cadre de la solidarité nationale.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse. J’espère que le rapport que vous évoquez nous sera communiqué. En effet, je n’ai pas eu connaissance qu’il ait été à notre disposition. Et, malgré mes efforts d’investigation, je n’ai pas réussi à obtenir d’éléments d’information.

En outre, je suis préoccupée par le fait que, dans les différents départements et communes reconnus en l’état de catastrophe naturelle, des personnes sinistrées ne sont toujours pas indemnisées. Certaines communes attendent encore que les tribunaux traitent leurs recours. Notre collègue qui fut rapporteur du texte pourrait le confirmer. Il me semble qu’on ne peut pas dire que le sujet est clos en termes d’indemnisation.

Enfin, je vous ai entendue annoncer une proposition du Gouvernement qui irait au-delà du contenu du texte débattu ici au Sénat. Je suis très sensible à la nécessité de débattre sur la prévention. Actuellement, on continue à construire sur des sols argileux sans prendre de dispositions efficaces pour éviter que des gens ne se retrouvent à terme dans des situations aussi catastrophiques que celle que l’on a connue en 2003.

Je considère qu’il y a urgence de débattre de cette question, tant sous l’angle de la transparence des règles mises en œuvre pour reconnaître les communes en l’état de catastrophe naturelle sur ces questions que sous l’angle de la prévention.

Réforme de la formation professionnelle

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 309, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

M. Claude Biwer. Je dirai, en préambule, à Mme Beaufils, que j’ai, en effet, été à l’origine de la proposition de loi qu’elle a citée. Elle a été votée à l’unanimité. Nous attendons avec impatience qu’elle soit débattue à l’Assemblée nationale.

Ma question concerne la réforme de la formation professionnelle.

La Cour des comptes, dans un rapport présenté le 1er octobre 2008 consacré à la formation professionnelle tout au long de la vie, fondé sur une étude menée auprès d’une centaine d’organismes publics et privés dispensant de la formation professionnelle, a mis en évidence « l’inefficacité du système » et « l’urgence de sa réforme ».

Elle a estimé que la formation professionnelle initiale ne garantit pas une insertion satisfaisante sur le marché du travail et que la formation continue bénéficie en priorité aux personnes les mieux insérées dans l’emploi, et non à celles qui en ont le plus besoin.

Elle relève également que, si les financements sont abondants – 34 milliards d’euros – ils sont insuffisamment mutualisés, les circuits financiers étant cloisonnés et peu contrôlables.

Ce diagnostic avait également été établi par le Sénat dans un rapport d’information présenté par notre collègue Jean-Claude Carle.

Il dénonçait les dysfonctionnements de notre système de formation professionnelle, atteint, selon lui, de trois maux: complexité, cloisonnement et corporatismes.

Il mettait, lui aussi, l’accent sur le fait que ce système profitait surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d’emploi les plus qualifiés.

Des propositions de réforme ont été faites.

Il s’agissait, d’abord, d’adapter l’offre de formation aux besoins réels des individus et des entreprises, ensuite, de clarifier les modalités de collecte et d’assurer une meilleure répartition des fonds de l’apprentissage et de la formation continue. La Cour des comptes propose une diminution du nombre d’organismes collecteurs. De son côté, le Sénat a demandé que les organisations patronales et syndicales ne puissent plus émarger aux fonds de formation professionnelle. Enfin, il s’agissait de créer les conditions d’une stratégie coordonnée en matière de formation tout au long de la vie.

Les organisations syndicales et patronales ont négocié une réforme de la formation professionnelle. Fait nouveau, le MEDEF a reconnu qu’il fallait simplifier notre système de formation professionnelle, qui était, à l’en croire, « un modèle d’illisibilité » !

Cette négociation, qui a abouti le 7 janvier dernier, prévoit, notamment, la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels destiné à améliorer la formation des salariés les moins qualifiés et des demandeurs d’emploi, lequel serait doté d’environ 900 millions d’euros. Il y a, certes, un progrès sans pour autant que la totalité des besoins soit couverte.

Je rappelle que le Président de la République avait souhaité qu’une part significative des 5,7 milliards d’euros gérés paritairement par les partenaires sociaux au titre de la formation professionnelle soit destinée à la formation des salariés qui en ont le plus grand besoin.

Je regrette également que les partenaires sociaux ne se soient pas attaqués à la multiplication du nombre d’organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle.

Je souhaite que le Gouvernement et le Parlement aillent plus loin dans la réforme de la formation professionnelle afin que les fonds considérables qui lui sont consacrés soient mieux utilisés et servent aux salariés qui en ont le plus besoin.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner les précisions utiles et nous rassurer sur l’avenir de ce système?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez interpellé le Gouvernement sur la nécessité d’une réforme de la formation professionnelle rappelée dans différents rapports publiés tant par la Cour des comptes que par le Sénat et l’Assemblée nationale.

Comme vous le savez et comme l’a souhaité le Président de la République, le Gouvernement s’est engagé dans une vaste et ambitieuse réforme de notre dispositif de formation professionnelle continue afin d’en améliorer le fonctionnement, la transparence et l’efficience.

Cette ambition de réforme est plus que jamais nécessaire en période de crise économique afin de faire de la formation un outil plus efficace au service de l’emploi et de la compétitivité.

Depuis plus d’un an, l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle a été associé à la préparation de la réforme qui vise à en améliorer le fonctionnement, la transparence et l’efficience.

Parce que ce projet est essentiel, nous avons voulu la concertation la plus large possible en faisant confiance au dialogue entre les représentants des salariés et ceux des entreprises pour proposer des solutions innovantes. Un projet d’accord vient d’aboutir. Avant d’en venir au texte lui-même, permettez-moi de rappeler les cinq objectifs concrets de réforme fixés par le Gouvernement.

Premièrement, il nous faut mieux orienter les fonds de la formation professionnelle vers les demandeurs d’emploi et les salariés peu qualifiés. La création d’un fonds spécifique est souhaitable. Outre que son utilisation doit être souple, il a besoin d’être suffisamment doté pour conduire des actions de formations efficaces et ambitieuses.

Deuxièmement, nous devons développer la formation dans les PME. Il faut développer un vrai service à l’attention des chefs d’entreprise pour les aider à construire des programmes de formation adaptés à leurs besoins et à ceux de leurs salariés. Il faut aussi s’assurer que la mutualisation des fonds de la formation professionnelle fonctionne bien au profit des PME et, plus encore, des très petites entreprises, TPE.

Troisième objectif, nous devons, grâce à la formation, mieux insérer les jeunes sur le marché du travail en nous appuyant sur ce qui marche, notamment les formations en alternance – apprentissage ou contrats de professionnalisation.

Quatrième objectif, il faut mieux informer, orienter et accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi, et non leur faire subir la complexité du système. La réforme du service public de l’emploi, avec la mise en place de Pôle emploi, va dans ce sens.

Enfin, dernier objectif, nous devons placer la transparence et l’évaluation au cœur du système.

Le Gouvernement salue, de ce point de vue, l’action des partenaires sociaux, dont les négociations ont abouti mardi dernier après seulement quatre mois de discussions.

Plus globalement, il faut souligner la mobilisation des partenaires sociaux autour des différentes priorités liées à la crise : je pense à l’accord sur le chômage partiel et au projet relatif à la convention de reclassement personnalisée.

Dans leur projet d’accord sur la formation professionnelle, les partenaires sociaux se donnent pour objectif de « former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 demandeurs d’emploi de plus qu’aujourd’hui ». Cet objectif est bon, et la création d’un fonds de sécurisation des parcours professionnels qui sous-tend ces avancées va dans le bon sens.

Ce projet d’accord, qui vient d’être adopté, est un document substantiel. Le Gouvernement va l’examiner dans le détail et, au regard des ambitions et objectifs que je viens de décrire, il déterminera les dispositions législatives nécessaires à la réforme, étant entendu qu’il attend également que les partenaires sociaux se prononcent, normalement d’ici à la fin du mois, sur la signature du projet d’accord.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des précisions que vous venez d’apporter. Elles répondent pour partie à mes interrogations.

Je ne reviendrai que sur un des points que vous avez soulevés, à savoir l’information. J’ai le sentiment que l’on ne s’informe que lorsque l’on est dans le besoin et qu’un effort d’information préalable devrait donc être fait de manière que les salariés sachent qu’ils peuvent être accompagnés avant même d’être confrontés à des difficultés. Ce serait à mon sens un important pas en avant.