M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ma collègue Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, étant retenue par les obsèques de Claude Berri, je représenterai quelques instants encore le Gouvernement.

Ces amendements sont très importants. Nous débattons de technologies dont le développement est souvent beaucoup plus rapide que l’évolution de la législation ou de la fiscalité.

Cela nous oblige à mener une réflexion pour trouver une formule permettant de concilier le développement des technologies et la nécessité que chaque bénéficiaire du service public de la télévision puisse payer la redevance. Mais il faut le faire dans des conditions qui soient incontestables.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Non pas que la question posée soit mauvaise ; je pense même qu’il s’agit d’un véritable sujet. Mais la réponse qui est aujourd'hui proposée serait trop brutale.

Nous avons besoin d’un véritable travail de préparation et de l’ouverture de réflexions – d’ailleurs, cela peut aller très vite – pour essayer de trouver la moins mauvaise solution, à défaut de la meilleure, qui n’existe peut-être pas forcément. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une véritable question, et nous devons faire en sorte d’établir un système juste, prenant en compte une technologie qui évolue fortement et qui nous oblige à adapter notre législation.

Si le Gouvernement souscrit aux objectifs des auteurs de ces amendements sur le fond, il ne peut pas émettre un avis favorable sur la forme, car nous n’avons pas encore trouvé la bonne réponse. Dans ces conditions, il serait, me semble-t-il, sage de retirer ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 38 et 217 rectifié.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, plus que d’une explication de vote, il s’agit d’une demande d’explication tout court.

Je souhaite poser une question très simple aux deux rapporteurs de la commission des affaires culturelles. Ont-ils l’assurance que le mot « terminal » est défini quelque part, soit dans un dictionnaire de la langue française, soit dans un document juridique ? Si la réponse est dans les deux cas négative, avouez que vous nous mettez dans l’embarras. Personnellement, j’aimerais mieux que les lois soient rédigées avec des mots français.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Depuis le début de nos débats, nous avons été un certain nombre sur ces travées, aussi bien à droite qu’à gauche ou au centre, à nous accorder sur la nécessité d’un renforcement du produit de la redevance. En effet, et je crois que nous sommes à peu près tous d'accord là-dessus, cette revalorisation est le seul moyen d’assurer des financements autonomes et pérennes de l’audiovisuel public.

Dès lors, si nous voulons y parvenir sans augmenter le montant de la redevance, ou sans qu’une éventuelle hausse soit suffisante pour compenser intégralement la suppression de la publicité sur la télévision française, il faut élargir l’assiette. C’est la solution que préconisent tant la commission qu’un certain nombre de sénateurs centristes.

C’est la raison pour laquelle je ne partage pas, pour une fois, le point de vue de M. Bruno Retailleau. Nous proposons de soumettre la détention d’un terminal à la redevance si le détenteur a souscrit un abonnement qui lui permet de recevoir la télévision sur le poste concerné. Dans notre esprit, il n’est naturellement pas question d’assujettir à la redevance le propriétaire d’un ordinateur qui ne pourrait pas recevoir la télévision.

Pour ma part, je ne vois pas pourquoi un citoyen qui aurait décidé de ne pas acquérir de téléviseur et de regarder les programmes télévisés sur son ordinateur devrait être dispensé d’acquitter la redevance. Si c’était le cas, nous aurions alors tous intérêt à mettre nos téléviseurs en vente dans une brocante ou une « foire à tout », comme nous en avons chaque week-end dans nos départements, et à acquérir des terminaux !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Comme ce débat est très intéressant, je souhaite apporter une précision.

Il est tout à fait possible, pour recevoir la télévision sans avoir souscrit le moindre abonnement, de brancher une clé TNT sur un ordinateur portable !

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Par conséquent, même la référence à la notion d’« abonnement » ne permet pas de garantir que tous les téléspectateurs sans exception paieront la redevance ! C’est bien la preuve qu’il nous faut encore affiner les réponses que nous voulons apporter.

Dans la mesure où le débat est à présent porté sur la place publique et où le travail peut s’engager sur le sujet, la sagesse serait peut-être de retirer ces amendements pour essayer de mettre le dossier à plat le plus rapidement possible.

Il s’agit d’une véritable question, mais nous voyons bien que, compte tenu de l’évolution technologique, il n’y a pas de réponse simple. Cela nécessite donc de prendre un peu de recul et de travailler encore.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Qu’il y ait des difficultés techniques et des points à préciser, tout le monde peut en convenir.

Mais, au moment où nous abordons le débat sur la redevance, il faut que le Sénat adresse un signe.

D’après les études menées sur le sujet, environ 3 % des téléspectateurs regarderaient aujourd'hui la télévision sur leur ordinateur. Il s’agit essentiellement de jeunes. À mon avis, ce phénomène va croître de manière exponentielle dans les mois et les années à venir, car la tendance actuelle est à la production d’écrans d’ordinateur de plus en plus grands et sophistiqués. Il devrait y avoir une sorte de migration naturelle. Au lieu d’avoir trois ou quatre appareils, dont l’ordinateur et le téléviseur, et de finir par ne plus savoir dans quelle pièce les installer, l’ordinateur deviendra probablement, dans les années à venir, le récepteur.

Si nous n’adressons pas dès maintenant un signe, ce sera la fin de la redevance. À un moment donné, la proportion de Français qui regarderont les programmes télévisés sur leur ordinateur, et non sur leur téléviseur, sera telle que le produit de la redevance sera fortement réduit. Dès lors, nos votes et nos débats actuels sur l’importance de la redevance comme source d’un financement pérenne de l’audiovisuel public deviendront caducs dans les faits.

C'est la raison pour laquelle l’adoption de l’amendement présenté par la commission serait à mon avis un signe positif. Certes, il y a des inconvénients, et Mme Marie-Christine Blandin en a soulevé un.

La commission, et je peux l’entendre, considère que le téléphone mobile peut être un terminal et qu’il faut le soumettre à la redevance à ce titre. Nous devons tenir compte des évolutions récentes, notamment en France au cours des trois dernières années. Et il y a déjà 15 millions de Coréens qui regardent la télévision sur leur téléphone portable !

Nous devons faire attention aux décisions que nous prenons, mais je pense que la direction donnée par la commission est la bonne. À cet égard, je tiens à apporter une précision. Notre intention n’est pas de taxer davantage ceux qui ont le moins de moyens, notamment les jeunes. Je rappelle que la redevance est acquittée par foyer fiscal. Dès lors, s’il y a déjà un téléviseur, les membres de la famille qui utiliseraient d’autres terminaux à l’intérieur du foyer, par exemple l’ordinateur, ne seraient pas assujettis à la redevance.

Même les jeunes qui regarderaient la télévision sur leur ordinateur mobile hors du foyer fiscal n’ont pas à s’inquiéter. Le dispositif envisagé prévoit déjà une réduction de 50 % de la facture. Ce n’est donc pas inégalitaire. Il s’agit simplement de tenir compte d’un certain nombre d’éléments pour élargir l’assiette et pour percevoir les financements nécessaires à un service public de l’audiovisuel performant.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Pour ma part, je suis opposée à toutes ces formes de taxation des nouveaux moyens technologiques.

C’est, à mes yeux, un signe très négatif envoyé à ceux qui se tournent progressivement vers ces nouvelles technologies, en particulier les jeunes, puisque ce sont essentiellement eux que vous allez toucher par ces mesures : ce sont en effet les étudiants vivant dans une chambre de service ou en cité universitaire qui sont éventuellement tentés de regarder la télévision sur leur ordinateur.

Mais peut-on comparer le public qui regarde la télévision sur son ordinateur avec celui qui possède un téléviseur à son domicile ? Absolument pas ! Ceux qui ont un ordinateur l’utilisent essentiellement pour aller sur internet.

Vous êtes en train d’essayer de tuer une nouvelle forme de communication, et vous privilégiez la télévision au détriment des autres secteurs.

J’entends bien que vous voulez conforter les recettes issues de la redevance, mais je ne souscrirai pas à une mesure visant à étendre cette dernière aux nouvelles technologies alors même que le Sénat, notamment dans le cadre de l’ancien groupe d’études « Nouvelles technologies, médias et société », a constamment œuvré en faveur du développement de ce secteur.

Je m’oppose donc avec force à toutes ces formes de taxation, et voterai en conséquence !

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. À force de discuter de cette question et d’entendre les propos de chacune et de chacun, on devient de plus en plus perplexe !

D’abord, nous devons retenir le principe de la redevance et voir à quoi l’appliquer, ce dont, à l’évidence, nous ne sommes pas capables aujourd'hui. D’ailleurs, si nous introduisions à cet effet une ligne supplémentaire dans le formulaire de déclaration de revenus annuels, je vois mal un contribuable cocher la case indiquant qu’il possède ou non un terminal.

Ensuite, la majorité des jeunes qui possèdent un téléphone mobile l’utilisent essentiellement pour regarder non pas les programmes de télévision, mais de petites vidéos, ou pour écouter de la musique. Ils ne peuvent donc pas être assimilés à des téléspectateurs comme les autres.

La prudence commande par conséquent d’étudier la question pour mieux maîtriser les choses, tout en soulignant bien qu’il ne s’agit pas de décréter que nous entrons dans l’ère de la gratuité : si tout devenait gratuit, à l’exception de la télévision, nous abandonnerions d’une certaine manière la télévision.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Je serai bref : je partage totalement les propos tenus par Jack Ralite. Il faut éviter d’envoyer un mauvais signal alors même que seulement 2 % ou 3 % des utilisateurs sont concernés.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous tendons tous à peu près au même but, qui est de garantir des ressources à la télévision et de les actualiser.

Il s’agit non pas de fragiliser les technologies nouvelles, mais de prendre en compte le fait que, à l’avenir, une part croissante de la population, sous l’impulsion des vendeurs, sera en possession d’un ordinateur, disposera d’un triple abonnement et recevra la télévision sur très grand écran. Le passage au numérique sera l’occasion de jeter les vieux récepteurs.

Nous ne sommes donc pas en train de fragiliser un secteur à peine émergent.

Le seul point sur lequel je rejoins le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Retailleau, concerne la téléphonie mobile et la réception mobile.

L’idéal serait d’étendre l’assiette de la redevance aux ordinateurs munis d’un écran adéquat pour recevoir la télévision, mais d’en exclure totalement la téléphonie mobile.

Si la commission tient au mot « terminal » pour désigner l’appareil récepteur au domicile, hors télévision, elle doit prendre ses responsabilités et rectifier son amendement n° 38 en ajoutant soit l’expression « hors téléphonie mobile », soit l’adjectif « fixe » qui permet de taxer les ordinateurs mobiles également.

Nous atteindrions ainsi un juste équilibre, en protégeant la téléphonie mobile tout en élargissant l’assiette. Ne nous leurrons pas, en effet : dans un an ou deux, les téléviseurs seront remplacés par d’autres moyens de réception et se retrouveront donc dans les déchetteries !

M. le président. Je suis saisi à l’instant par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, d’un amendement n° 38 rectifié, ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'ensemble de la section V du chapitre Ier du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, les mots : « appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé » sont remplacés par les mots : « terminal, hors téléphone portable ».

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Ce débat montre bien tout l’enjeu autour des nouveaux modes de réception de la télévision. Si le pourcentage des personnes concernées est encore faible aujourd’hui, demain, la convergence sera telle que l’écran plat de télévision dont les foyers s’équipent de plus en plus et l’écran de l’ordinateur seront une seule et même chose.

Dans un texte portant précisément sur le média global, la télévision étant appelée à être reçue sur l’ensemble des supports, nous serions bien avisés de réaffirmer les dispositions sur lesquelles nous avons déjà légiféré.

Il n’est en effet pas normal qu’une instruction fiscale fasse la loi, et j’en appelle donc, mes chers collègues, à notre rôle de législateur.

Certes, le débat sur la télévision mobile personnelle et le téléphone mobile est embourbé, mais ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas appliquer la loi et ne pas réaffirmer que, à partir du moment où une personne reçoit la télévision sur un récepteur quel qu’il soit, en vertu du principe de neutralité technologique et, tout simplement, du principe d’équité entre nos concitoyens, elle doit acquitter cette redevance. Ce point me semble important.

S’agissant de la téléphonie mobile, je conçois qu’elle pose un problème, tout en soulignant cependant que, dans les faits, celui qui regarde la télévision sur son téléphone, par exemple par le biais du système « 3G », possède également un récepteur à son domicile.

En tout état de cause, la commission rectifie son amendement n° 38 en ajoutant, après le mot « terminal », les mots « hors téléphone portable ». Cela étant, j’insiste sur le fait que notre avance sur la technologie n’est peut-être pas si grande que certains peuvent le penser.

Madame Procaccia, il ne s’agit absolument pas d’une mesure anti-jeunes. Je connais nombre de personnes qui regardent maintenant la télévision sur leur ordinateur avec des écrans haute définition suffisamment grands pour recevoir la télévision, tant la technologie a évolué rapidement. Il serait injuste que votre voisin de palier ne paie pas de redevance parce qu’il reçoit la télévision par le biais d’un ordinateur, tandis que vous la payez parce que vous utilisez une télévision traditionnelle.

Par ailleurs, les étudiants habitant dans des chambres de service, auxquels vous avez fait allusion, sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Or la redevance n’est payée qu’une fois par famille, et il ne s’agit nullement de la percevoir une seconde fois.

M. le président. Je profite de ce débat pour soulever un point précis : monsieur. Retailleau, pourriez-vous nous donner la définition technique précise d’un téléphone qui n’est pas rattaché à un poste fixe ?

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Monsieur le président, les technologies avancent beaucoup plus vite que les lois, que la sémantique et le dictionnaire, ce qui n’est pas plus mal d’ailleurs !

M. Henri de Raincourt. Et que le Parlement ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. L’expression « dispositif assimilé » figure dans le vocabulaire juridique autorisé. À ma connaissance, le mot « terminal » n’en fait pas partie, mais je ne suis pas un expert à cet égard !

Permettez-moi de vous livrer mon point de vue dans ce débat.

Dans cette affaire, la position du Gouvernement me paraît très sage. En effet, elle ne tend pas à dire que les ordinateurs sont exclus de la redevance, cette disposition figurant déjà dans la loi de finances pour 2004, même si elle n’est pas appliquée par l’administration fiscale en raison d’immenses difficultés de mise en œuvre.

Aujourd'hui, mes chers collègues, nous nous apprêtons donc à faire bégayer la loi sur une disposition qui existe déjà, et à envoyer deux très mauvais signaux.

Tout d’abord, si exclure les mobiles est un premier pas allant plutôt dans le bon sens, la définition de ce qui est vraiment mobile est de plus en plus confuse. Qu’en est-il des net books, par exemple ? L’administration fiscale sera confrontée à ce problème.

Ensuite, et surtout, se pose un problème social. En l’occurrence, il s’agit de faire payer une redevance à une famille. Or les étudiants qui sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents sont souvent issus de familles aisées, cette option représentant pour elles un avantage fiscal. En revanche, les étudiants fiscalement indépendants sont toujours issus de familles modestes.

Je le répète, non seulement ce que nous nous apprêtons à changer ne modifiera rien sur le plan du droit, mais, de plus, nous allons envoyer deux mauvais signaux, l’un social, l’autre technologique, sachant que la télévision mobile personnelle, ou TMP, est aujourd'hui embourbée. On n’a pas besoin de faire bégayer la loi quand elle existe et que l’on dispose de tous les outils ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 38 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais les propos tenus par Mme Procaccia m’y incitent.

La rectification proposée par la commission me paraît fort pertinente et rend son amendement très intéressant et utile.

Si je résume votre pensée, madame Procaccia, vous avez dit qu’il ne fallait pas étendre la redevance à ces nouvelles formes technologiques.

Or ce raisonnement me met très mal à l’aise, car il aboutit inéluctablement non pas à long terme ou à moyen terme, mais bien à court terme, à la fin de la redevance. En effet, si l’on s’en tient à l’idée de la redevance liée aux téléviseurs, compte tenu de la réalité de l’évolution technologique, soulignée à très juste titre par plusieurs collègues, il n’y aura bientôt plus de redevance !

Par conséquent, en adoptant cette position, vous vous apprêtez à réduire à très court terme le produit de la redevance.

Comme vous pouvez l’imaginer, votre conception est à l’opposé du point de vue de ceux qui, attachés à la télévision publique et à la nécessité de lui donner des moyens, craignent que ce projet de loi ne réduise ses ressources pérennes et ne fragilise considérablement son financement. Déjà inquiets, ils auraient un nouveau sujet de préoccupation si le montant de la redevance diminuait très sensiblement.

C'est pourquoi, ma chère collègue, il faut faire très attention à ce type de discours qui, permettez-moi de le dire, peut être quelque peu démagogique.

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas démagogique !

M. Jean-Pierre Sueur. Il est toujours plus désagréable de payer une redevance que de ne pas en payer. Mais si l’on maintient le support téléviseur…

Mme Catherine Procaccia. On peut avoir des convictions sans faire de démagogie !

M. Jean-Pierre Sueur. Je dis que votre position aboutit à quelque chose de démagogique, parce qu’elle est évidemment facile à vendre, si je puis dire, facile à défendre, mais qu’elle se traduit inéluctablement par une diminution très sensible et à court terme de la redevance. C’est pourquoi je me suis permis d’employer ce mot, non pas contre vous, pour qui j’ai le plus grand respect, mais par rapport au raisonnement que vous avez bien voulu développer.

Il me semble sage, voire sans doute courageux, d’affirmer que les différents supports sont, à l’exception des téléphones mobiles, soumis à la redevance. Il est très important sur ce point d’avoir une position claire. À défaut, on fait disparaître le mode de financement principal de la télévision publique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Le débat est complexe puisqu’il concerne de nouvelles pratiques de nos concitoyens.

La commission des affaires culturelles souhaite modifier la législation pour deux raisons.

Tout d’abord, elle a voulu prendre en compte les nouvelles technologies qui permettent de recevoir la télévision sur les écrans d’ordinateurs. Pour une fois, la loi pourrait précéder les pratiques et non se contenter de les rattraper après coup, d’autant que l’assujettissement à la redevance des ordinateurs permettant de recevoir la télévision est déjà inscrit dans la loi depuis un certain nombre d’années maintenant.

Par ailleurs, la commission veut que soit respecté le principe fondamental d’équité de chacun devant les services, principe auquel nous sommes tous attachés.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Cet amendement est d’autant plus incontournable qu’il a été rectifié de façon à exclure de la redevance la téléphonie mobile.

Je ne connais pas les pratiques de demain, mais il aurait été inéquitable de soumettre à la redevance un foyer dont le seul moyen de recevoir la télévision aurait été le téléphone mobile, compte tenu de la qualité de la réception.

Par ailleurs, j’ai entendu dire ici que la mesure pourrait concerner socialement des gens qu’on ne voudrait pas toucher, notamment les étudiants.

Après réflexion, il m’a semblé que l’argument n’était pas valable. Soit l’étudiant est rattaché au foyer fiscal de ses parents, et il ne paiera pas la redevance, soit il n’est pas rattaché au foyer fiscal de ses parents – on nous a dit qu’il s’agissait des couches sociales les plus défavorisées ; je n’ai pas fait d’enquête, mais j’en prends acte –, et il ne la paiera pas non plus puisque, s’il dispose de peu de moyens et vit dans une chambre de service ou un petit studio, il sera exonéré de la taxe d’habitation et donc de redevance.

Monsieur Bruno Retailleau, je vous mets au défi de continuer dans le social. Tout à l’heure, je défendrai un amendement qui vise à exonérer de redevance les bénéficiaires du RSA. J’espère que vous voterez avec nous en faveur de cette mesure ; là, vous ferez vraiment du social !

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous discutons d’un point relevant du droit fiscal, ce qui a été oublié depuis le début de cette discussion.

Dans le code général des impôts, figurent les mots : « appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé ». Je considère, en application des principes de la fiscalité, que « dispositif assimilé » suffit à couvrir l’ensemble des évolutions technologiques.

Par conséquent, la bonne solution serait que la commission des affaires culturelles retire son amendement et que le Gouvernement nous précise, maintenant ou dans les jours prochains, ce qu’il entend par « dispositif assimilé ».

Il me paraît prématuré d’utiliser aujourd’hui le mot « terminal », qui n’a pas encore de conception juridique, ou d’exclure d’ores et déjà de la redevance le téléphone portable, qui sera peut-être demain un élément essentiel de diffusion des images télévisées.

Je propose donc d’en rester au texte actuel, et je demande au Gouvernement de nous préciser ce qu’il entend par « dispositif assimilé ». (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Ce sujet est difficile à apprécier dans sa complexité.

J’entends bien des arguments qui sont forts de part et d’autre.

Il nous paraît nécessaire que le Gouvernement s’engage à préciser rapidement sa position sur ce point. S’il s’agit de droit fiscal, comme vient de le rappeler à juste titre M. Fourcade, et que la loi, dans sa rédaction actuelle, permet déjà d’assujettir à la redevance « un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé », cette disposition n’a pas été appliquée ainsi. Ce sujet mérite que des explications nous soient rapidement apportées afin de nous permettre d’y voir plus clair. Le Gouvernement pourrait-il s’engager devant la Haute Assemblée sur ce point ?

M. le président. Je rappelle qu’il s’agit d’un droit d’usage.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Cette question suscite beaucoup de débats et de réflexions. Il y a des termes, des expressions et des concepts assez incertains et peu mis en application, comme MM. Jean-Pierre Fourcade et Jacques Legendre viennent de le rappeler.

La voie de la sagesse réside à mon avis dans l’engagement pris par le Premier ministre de créer cette année un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance. Tous ces sujets y seront examinés, ce qui permettra de voir dans quelle mesure on s’adapte ou pas au nouveau paysage audiovisuel.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos remarques et celles de M. Fourcade. C’est bien parce que l’instruction fiscale n’était pas assez précise que nous avons souhaité éclaircir ce point à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

La commission des affaires culturelles aimerait que la clarté soit faite d’ici à la commission mixte paritaire ; elle disposerait ainsi d’éléments suffisants pour prendre une décision définitive à l’occasion de cette dernière. Elle maintient donc son amendement jusqu’à ce que des précisions lui soient apportées sur ce que l’on entend par « dispositif assimilé ». J’espère que nous arriverons à une position commune.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Je salue ce débat riche, divers et instructif.

Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà une position courageuse du Sénat !

M. David Assouline. Vingt millions d’euros de plus pour le secteur public !

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19, et les amendements nos 217 rectifié et 270 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le I de l'article 1605 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les mots : «, d'une part, » sont supprimés ;

2° Les mots : « et, d'autre part, jusqu'au 31 décembre 2011, au profit du groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée » sont supprimés.

II. Le VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du 1, après le mot « audiovisuel », est ajouté le mot « public »

2° Le 1° du 1 est ainsi rédigé :

« 1° En dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés et à l'établissement public visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; »

3° La deuxième phrase du premier alinéa du 2 est supprimée.

III. Cet article s'applique à compter du 1er janvier 2010.

IV. La perte de recettes résultant pour le groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée des I à III ci-dessus est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme le rapporteur.