Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

M. Yves Détraigne. Autrement dit, à la difficulté à évaluer le nombre d’enfants à prendre en charge, qu’on ne connaît en réalité que le matin même, au moment de l’ouverture de l’école, et à trouver les bonnes personnes pour assurer cette prise en charge s’ajoute le casse-tête de la procédure à suivre. Celle-ci est totalement démesurée et définitivement décourageante pour les petites communes.

Par conséquent, monsieur le ministre, les élus locaux demandent avant tout de la souplesse dans l’application de ce texte ! Des avancées restent possibles dans ce sens, mais je crois que vous l’avez compris. Vous pouvez aller encore au-delà de l’instruction adressée, il y a quelques jours, à vos services départementaux…

Aussi le groupe de l’Union centriste votera-t-il les conclusions de la commission des affaires culturelles et le rejet de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui.

Mme Annie David. C’est bien dommage, monsieur Détraigne ! Après tout ce que vous avez dit !

M. Guy Fischer. Le début était effectivement mieux que la fin !

M. Yves Détraigne. Mais, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, il serait souhaitable qu’on ne vous reprenne plus à imposer de nouvelles contraintes aux collectivités sans véritable concertation préalable avec leurs associations représentatives. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République se plaît à affirmer que le service minimum d’accueil dans les écoles maternelles et élémentaires constitue une rupture, une réforme à mettre à l’actif de son bilan.

MM. Bernard Fournier et Pierre Martin. Mais oui !

Mme Françoise Cartron. Certes, il s’agit bien d’une rupture, mais d’une rupture grave dans l’exercice du droit de grève, d’une rupture grave dans les relations entre l’État et les collectivités.

Mme Annie David. Absolument !

Mme Françoise Cartron. Samedi dernier, 60 000 personnes, dont un bon nombre de parents d’élèves, défilaient pour la sauvegarde de l’école publique. Parmi les manifestants, tous mobilisés par les problèmes de l’école publique, aucun ne soutenait le service minimum d’accueil. Et pour cause ! Ce SMA n’est une avancée pour personne : ni pour les parents, ni pour les enseignants, ni pour les collectivités, ni même pour les élèves ; c’est l’inutile rupture !

Plusieurs erreurs majeures entachent le SMA et, tout d’abord, une stigmatisation du droit de grève.

En faisant obligation aux communes, les jours de grève, d’accueillir les élèves à partir d’un seuil de 25 % de grévistes, la loi du 20 août 2008 porte gravement atteinte à l’exercice du droit de grève des enseignants. À travers cette loi, monsieur le ministre, vous mettez en effet l’accent sur les désagréments liés à l’exercice de ce droit, en évitant de vous interroger sur les causes mêmes d’une telle situation.

La responsabilité vous en incombe pourtant : suppressions massives de postes, menaces pesant sur l’école maternelle, réforme des programmes…

Avec le SMA, vous prétendez vouloir garantir la continuité du service public. C’est votre choix ! Mais alors, assumez-le dans le cadre de l’éducation nationale et ne le faites pas supporter aux communes, qui n’ont rien demandé.

Ensuite, le SMA est une mesure démagogique : c’est avant tout une mesure d’affichage, un message envoyé à l’opinion.

De surcroît, cette loi est inutile et reflète une profonde méconnaissance des réalités de terrain. Les élus locaux n’ont pas besoin d’une loi pour assumer leurs responsabilités !

Hélas ! comme beaucoup de prétendues réformes, cette loi a pour conséquence d’opposer entre elles différentes catégories. Ainsi, en stigmatisant les enseignants grévistes, vous avez tenté de leur opposer les parents d’élèves ; en confiant le SMA aux communes et en rendant les maires responsables de l’accueil, vous avez essayé d’opposer les parents à leurs élus locaux ; en imposant cette nouvelle charge aux communes, vous avez opposé les élus à leur personnel.

Cette façon de gouverner, en décrédibilisant sans cesse le service public, en dressant systématiquement les uns contre les autres, est à l’opposé de ce qui est aujourd'hui nécessaire à notre société en crise.

Par ailleurs, l’expérience a démontré que le SMA est non seulement inutile, mais inapplicable dans de nombreux cas, comme l’ont souligné tous les orateurs.

L’État s’est défaussé sur les communes pour organiser ce non-sens éducatif. On demande aux élus de recourir, dans un délai de quarante-huit heures, à des personnels non formés, voire aux membres d’associations ou à des retraités, afin de les substituer aux enseignants grévistes !

Dans de très nombreuses communes, le seuil de 25 % à partir duquel le SMA devient obligatoire est presque systématiquement atteint dès lors qu’un instituteur se met en grève. C’est notamment le cas en zone rurale, c'est-à-dire précisément là où les élus rencontrent le plus de difficultés pour organiser un accueil satisfaisant en termes de sécurité et de responsabilité.

Je m’associe d’ailleurs pleinement à l’amendement de repli déposé par Pierre-Yves Collombat, qui vise à restreindre l’application du dispositif aux communes de plus de 3 500 habitants.

Mais ne nous leurrons pas, le SMA n’est pas plus applicable dans les villes. Ainsi, de nombreux maires de grandes villes s’avouent dans l’incapacité d’appliquer la loi dans tous leurs établissements. C’est le cas notamment du maire de Bordeaux,...

M. Xavier Darcos, ministre. Certes !

Mme Françoise Cartron. … un de vos amis, monsieur le ministre, qui n’est pourtant pas, me semble-t-il, un opposant notoire !

Le SMA s’est également révélé être une source d’acharnement juridictionnel.

Le premier devoir d’un maire est d’appliquer les lois de la République – c’est une vérité qui doit être sans cesse rappelée – et s’il ne le fait pas, il encourt une sanction juridictionnelle, ce qui est normal.

Mais comment appliquer la loi lorsqu’elle est précisément inapplicable ?

Pour ma part, je n’ai pu que constater l’impossibilité d’appliquer le SMA dans ma commune. Après une réunion du comité technique paritaire, les personnels ont unanimement refusé de se prêter au jeu de la garderie. Qu’aurais-je dû faire ? Réquisitionner les secrétaires ?

Mme Françoise Cartron. Les policiers municipaux ?

Mme Françoise Cartron. Les jardiniers ?

Mme Françoise Cartron. Pour les transformer, le temps d’une journée, en animateurs pour enfants, avec toutes les responsabilités que cela entraîne ?

M. Michel Charasse. C’est la loi ! La réquisition, cela existe !

Mme Françoise Cartron. Les parents d’élèves sollicités ont décliné, eux aussi, la proposition.

Par ailleurs, avant les appels au calme, tout relatifs, du Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, qui faisaient d’ailleurs suite à la grogne des maires de France réunis lors de leur congrès, la non-application du SMA a donné lieu à une cacophonie juridique des plus ridicules.

En France, la loi est censée être la même pour tous. Dès lors, comment expliquer de telles disparités dans les condamnations ?

Ici, certaines communes, qui avaient émis un simple vœu, ont été condamnées en première instance, alors même que les vœux ne sont pas un acte entrant dans le cadre du contrôle de légalité.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Françoise Cartron. Là, des communes ont été condamnées à 500 euros d’astreinte par jour de non-application.

M. Michel Charasse. Continuez à défendre les juges !

Mme Françoise Cartron. D’autres encore encouraient 10 000 euros par jour, voire par heure, notamment dans le Var !

M. Michel Charasse. Continuez donc à défendre les juges !

Mme Françoise Cartron. Et que dire de cet empressement à traduire les maires en justice, alors que l’on a connu moins de célérité par le passé pour faire appliquer certaines lois ?

Mme Annie David. La loi SRU !

Mme Françoise Cartron. Je pense, en effet, à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui n’a jamais été respectée à Neuilly,…

Mme Françoise Cartron. … ce pour quoi son célèbre maire n’a jamais été déféré devant un tribunal !

Alors oui, monsieur le ministre, je reste résolument défavorable au service minimum d’accueil, mais farouchement favorable au service maximum d’éducation. Non au SMA, oui au SME ! (Sourires.)

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de loi abrogeant la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Il est plus que temps d’en finir avec cette mesure qui pèse inutilement sur nos collectivités et, surtout, oppose les uns aux autres, alors que nous devrions, au contraire, nous rassembler autour du service public de l’éducation afin de préparer l’avenir de nos enfants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Vote sur les conclusions du rapport de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles rejetant la proposition de loi.

Y a-t-il des explications de vote ?... (Oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. On ne va pas se coucher comme ça !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous souvenez qu’il y a ensuite une proposition de loi de la majorité, avec cinquante-deux articles et je ne sais combien d’amendements ! Soyez au moins tolérants !

Mme Annie David. On est au Parlement, non ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote. (Nouvelles protestations sur les travées de lUMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. Moi, je ne suis pas pressé ! J’ai fait mille kilomètres pour venir ici : je peux attendre cinq minutes !

Monsieur le ministre, vous le savez, les maires sont naturellement respectueux envers les représentants de l’État et du Gouvernement. Il fallait donc que la coupe fût bien pleine pour que, fait sans précédent, le Premier ministre soit sifflé lors du congrès des maires de France en évoquant le service minimum d’accueil et pour que la salle se vide à l’arrivée de votre représentant.

La coupe débordait, en effet, avec le texte sur le financement des écoles privées, la semaine des quatre jours, la sclérose des réseaux d’aide éducatifs mobiles et, cerise sur le gâteau, le service minimum d’accueil des élèves en cas de grève des enseignants. Avec ce système, c’est non plus à l’État de se substituer aux communes défaillantes, mais à elles de pallier l’incapacité du Gouvernement à régler ses conflits avec ses fonctionnaires.

En décidant de déférer, par le bras préfectoral, avec demande d’astreinte, les communes qui, croyant qu’une loi injuste ne pouvait être une loi républicaine, refusaient de se plier à cette obligation, vous avez pris une lourde responsabilité, monsieur le ministre, d’autant que les décisions de certains tribunaux administratifs, notamment celui de Toulon, n’ont fait qu’alimenter le sentiment des élus que ce qu’ils pouvaient penser vous importait peu.

Ainsi, quatre communes du Var, dont deux rurales, ont été contraintes d’organiser le service sous astreinte de 10 000 euros par heure de retard.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Michel Charasse. Et vous défendez les juges !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est le record de France !

Mme Christiane Hummel. Quelles sont donc ces communes ?

M. Pierre-Yves Collombat. Aups et Carnoules ! Il faut suivre l’actualité, chère collègue !

Le Président de la République lui-même, devant le congrès des maires de France, s’en est ému, en déclarant : « Je comprends parfaitement le sentiment d’injustice que peut avoir un maire traîné devant le tribunal administratif par son préfet parce qu’il a peu de moyens, qu’il a fait son possible et qu’il n’y est pas arrivé. Je suis tout à fait prêt à revoir cela. ».

Cependant, ce qui est jugé est jugé, et le Président de la République n’a pas – pas encore en tout cas – le pouvoir de réformer la chose jugée ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Michel Charasse. Ou alors, il faut rappeler Saint-Louis ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Les décisions prises, notamment les astreintes, demeurent applicables.

Comme nous l’avons fait en 2008, pour l’article 89, l’heure est donc venue de « revoir cela », comme nous y invitent le Président de la République ainsi que la présente proposition de loi.

La loi d’août 2008 pose des problèmes de principe qui justifient, à eux seuls, son abrogation, et je m’associe aux propos qui ont été tenus dans ce sens. En tout état de cause, il faut revenir sur le texte, parce qu’il est inapplicable en l’état, quelle que soit la taille de la commune.

Mais, à l’évidence, ce qui vaut pour les villes est encore plus vrai pour les communes rurales, ainsi que le reconnaît le Président de la République. Comme vous avez appris son discours par cœur, mes chers collègues, je ne vous le rappellerai pas. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

Ce n’est apparemment pas votre cas, monsieur le ministre, puisque, en refusant l’examen de la présente proposition de loi, vous ne permettez pas à l’amendement visant au moins à sécuriser les communes rurales d’être examiné et de prospérer.

Ne vous faites pas d’illusions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur : le nombre limité de communes ayant clairement dit qu’elles ne voulaient ou ne pouvaient pas appliquer la loi cache mal la foule des résistants passifs qui se sont arrangés, souvent avec la complicité des parents, pour n’avoir pas à mettre en œuvre le service minimum, faute d’élèves, ou pour n’avoir qu’une poignée d’élèves à accueillir. Vous l’avez d’ailleurs reconnu tout à l’heure, monsieur le rapporteur, sans en tirer les conséquences.

Tant que vous ne vous déciderez pas à modifier la loi, monsieur le ministre, le conflit avec les maires restera ouvert. Sachez-le, vous avez déclenché un conflit de longue durée.

C’est pour nous une raison supplémentaire de passer outre à la fin de non-recevoir que vous venez d’opposer, avec le secours de notre commission sénatoriale, à ceux qui ouvraient une voie pour en sortir.

Nous sommes donc appelés à nous revoir, monsieur le ministre ! Nous rediscuterons de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je commencerai par dire combien j’ai trouvé scandaleux l’anathème qui a été jeté sur les premiers magistrats des communes qui, parce qu’ils sont soucieux des conditions de sécurité dans lesquelles va devoir s’exercer ce service minimum d’accueil, ont été traités d’idéologues.

M. Philippe Richert, rapporteur. Ne provoquez pas !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je ne provoque pas ! Je me permets simplement de dire que j’ai été choquée !

Je crois que ces hommes et ces femmes ne sont pas moins que les autres attentifs aux prérogatives des jeunes enfants et de leurs administrés.

Cette réaction m’a d’autant plus irritée que, dans mon département, dix-sept communes, toutes de droite à l’évidence, ne respectent pas la loi SRU !

M. Guy Fischer. Voilà ! C’est une autre vérité !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Or toutes les communes qui ont refusé de mettre en place le SMA, parce qu’elles étaient soucieuses de respecter les conditions de sécurité, ont été déférées par le préfet devant le tribunal.

M. Guy Fischer. Un préfet aux ordres !

Mme Annie David. Deux poids, deux mesures !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Exactement !

Je regrette, par ailleurs, que la décision de la majorité de la commission des affaires culturelles, en demandant au Sénat de se prononcer sur son avis négatif quant à l’abrogation de la loi sur le SMA, aboutisse à nous empêcher d’examiner les amendements visant à trancher la question des communes de moins de 3 500 habitants en introduisant dans la loi une dérogation pour ces communes.

Notre collègue Jean-Louis Masson, auteur d’une proposition de loi tendant à modifier la loi sur le SMA, a fixé, quant à lui, le seuil dérogatoire à 1 500 habitants.

En réalité, tous tentent de préserver les petites communes, notamment les communes rurales, des effets d’une loi qu’il leur est impossible d’appliquer, je ne suis pas seule à le relever. C’est, du reste, la position que défend depuis le début l’Association des maires ruraux de France. Son nouveau président, M. Berberian, dans un communiqué daté du 2 décembre dernier, rappelait à juste titre qu’« il ne suffit pas de décider d’une loi pour qu’elle soit appliquée, encore faut-il qu’elle soit applicable ».

Les différentes actions en référé introduites par les préfets à l’encontre des communes qui n’avaient pas appliqué le service minimum ont d’ailleurs connu des issues diverses, ajoutant encore à la confusion.

Toutes ces tentatives tendant à limiter les « pots cassés » pour les petites communes montrent bien que cette loi, telle qu’elle a été conçue et votée, n’est tout simplement pas applicable de manière égale sur tout le territoire.

Le Gouvernement, faut-il le rappeler, a présenté aux parents ce service d’accueil comme un nouveau droit relevant du service public. C’est en tout cas l’analyse qu’en a faite le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008. Or les éléments constitutifs de service public sont loin d’être réunis puisqu’il y a inégalité de traitement des enfants sachant que la loi ne leur garantit pas d’être accueillis partout par des personnels disposant des mêmes qualifications.

Par ailleurs, la notion de « qualités nécessaires » est laissée à l’appréciation du maire, comme certains de mes collègues l’ont souligné. En réalité, les maires seront contraints de faire avec les moyens du bord !

On ne peut pas dire que le Gouvernement n’avait pas conscience de ces points de blocage en décidant de faire voter cette loi en urgence, l’été dernier. J’avais, pour ma part, attiré l’attention sur cette situation. De la même façon, le Gouvernement n’avait pas tenu compte de l’échec des deux expérimentations menées avant l’adoption de cette loi.

Les lois de la République doivent s’appliquer sur notre territoire d’égale façon, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en place un nouveau service à destination des écoliers. Cette loi ne parvient manifestement pas à le faire.

C’est pourquoi je regrette vivement que la commission des affaires culturelles n’ait pas décidé de retenir le principe de son abrogation.

Quoi qu’il en soit, cela a été dit, nous serons amenés à en reparler ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Je veux rendre hommage au sens poussé de la dialectique d’un certain nombre de nos collègues, notamment de M. Richert, qui, à mon sens, a brillamment démontré que nous étions, une fois de plus, devant une application rapide, voire hâtive d’un texte mal pensé, mal ficelé et non abouti !

Je constate que ce texte a engendré beaucoup de mauvaise foi, d’hypocrisie et de mépris à l’égard des fonctions, du rôle, de la mission et des compétences de chacun. Cela ne vient pas des maires, quoi qu’on ait pu en dire !

Avant même que ce texte ne parvienne au Parlement, alors qu’il n’était qu’à l’état de projet, toutes les associations de maires se sont prononcées contre le simple principe d’une intervention des maires dans un conflit qui ne les concernait pas entre des fonctionnaires et leur ministère de tutelle.

Pour continuer dans le mélange complet des compétences, pourquoi l’État ne mettrait-il pas à notre disposition des fonctionnaires de Bercy quand les personnels des collectivités locales sont en grève et ne fournissent plus de passeports biométriques – c’est d’actualité ! – ou de cartes d’identité ?

Ce texte était une première étape sur la voie du mépris absolu vis-à-vis des élus locaux et, une fois de plus, de leur rôle, de leurs fonctions et de leurs compétences.

Ce texte exprime également du mépris à l’égard des familles. On nous dit que les familles sont contentes du service d’accueil. Sont-elles parfaitement informées des conditions dans lesquelles ce service est mis en place ? Savent-elles comment leurs enfants seront gardés, par qui et quel sera le niveau de sécurité ? Connaissent-elles les activités qui seront proposées aux enfants ?

Ce texte exprime également du mépris vis-à-vis des professionnels de la petite enfance, au regard de leurs compétences et de leur formation.

Ce texte exprime enfin, évidemment, du mépris à l’égard des enfants.

Vous brandissez comme un étendard, monsieur le ministre, le nombre des communes qui ont, tant bien que mal, mis en place ce service. Ce n’est pas parce que les maires se sentent investis de la responsabilité de faire respecter la loi que cette dernière est applicable dans des conditions normales de sécurité et d’exercice légitime de leurs compétences.

Vous me dites, monsieur le ministre, que l’État prendra ma défense en cas de problème : peu m’importe ! Si l’irréparable devait arriver, notamment à un enfant, le fait que l’État prenne ou non ma défense n’empêchera pas ma conscience de me hanter tout le reste de ma vie parce que j’aurai voulu appliquer une loi mal faite, qui m’aura contrainte à prendre des responsabilités ne me revenant pas, et dans des conditions de sécurité totalement inadéquates.

Par ailleurs, vous nous dites que l’on ne peut pas défaire une loi qui a été adoptée il y a six mois.

Mme Virginie Klès. Pourtant, depuis plusieurs mois, l’actualité et les faits divers gouvernent les textes qui nous sont présentés en urgence. Il suffit d’un chien mordeur pour avoir un nouveau texte de loi !

J’aimerais donc que l’on revienne sur cette loi avant que l’irréparable ne se produise !

Au mois d’août dernier, je n’étais pas encore sénatrice. J’ai donc d’autant moins de scrupules et d’autant plus de conviction à demander l’abrogation de ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. L’ordre du jour de la séance d’aujourd'hui est « réservé ». C’est une illustration de la démocratie qui est tout à l’honneur du Sénat que de permettre d’examiner, lors de ces séances, des propositions de loi issues des rangs de la majorité comme de l’opposition.

Cependant, je formulerai un regret, voire une protestation : à quoi bon faire une fois par mois un geste généreux envers l’opposition si l’on ne permet jamais à cette dernière d’aller au terme de sa démarche ?

Je constate en effet trop souvent que nous sommes confrontés soit à des conclusions de la commission qui nous obligent, dès lors qu’elles sont adoptées, à cesser toute forme de débat, soit à une motion d’irrecevabilité qui est votée par la majorité et empêche l’opposition de s’exprimer jusqu’au bout selon la voie qu’elle a choisie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout par les temps qui courent !

M. Yannick Bodin. Cela s’appelle tout simplement de l’obstruction ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Richert, rapporteur. Depuis quand la majorité n’a-t-elle plus le droit d’être majoritaire ?

M. Yannick Bodin. La majorité fait de l’obstruction quand elle empêche les groupes minoritaires de s’exprimer complètement ! Car il y a plusieurs formes d’obstruction.

Un sénateur de l’UMP. Vous vous y connaissez, en la matière !

M. Yannick Bodin. Personne n’a de leçon à donner à quiconque dans ce domaine ! Pour ma part, je ne donne pas de leçon, je constate simplement une réalité, extrêmement désagréable.

À l’heure où nous discutons, au sein d’un groupe de travail réuni autour du président Larcher, de la mise en application de la réforme constitutionnelle et de notre nouveau règlement intérieur, j’espère que nous aurons quelques assurances sur les droits de l’opposition et de l’ensemble des groupes politiques. Je souhaite que nous nous entendions de manière collective et consensuelle sur le fait que chacun aura les mêmes droits.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas gagné !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est mal parti !

M. Yannick Bodin. Par ailleurs, vous nous avez plusieurs fois reproché de vouloir changer une loi qui n’avait que six mois d’existence. Pour ma part, même avant qu’elle n’en ait que vingt-quatre heures, je la trouvais déjà mauvaise ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Un sénateur de l’UMP. Quel argument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas si longtemps, on a promulgué une loi qui a tout de suite été abrogée !

M. Yannick Bodin. Le fait de demander aujourd'hui l’abrogation de cette loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires ne me gêne en rien : il y a des précédents dans l’histoire ! Il arrive même à certains gouvernements que vous connaissez bien de présenter tous les ans, par exemple sur le thème de la sécurité, une loi tendant à remanier celle de l’année précédente !

Notre sentiment, dès le vote de la loi, était que l’application d’une telle mesure serait particulièrement complexe, qu’il faudrait expliquer et réexpliquer aux parents, aux enseignants, au personnel des communes, aux maires, comment cela pouvait fonctionner. Mais depuis que j’ai entendu M. le rapporteur, je suis définitivement convaincu que cette loi est une véritable usine à gaz ! À telle enseigne, d’ailleurs, qu’elle a suscité des contentieux, et que cela continuera.

Dans mon département de Seine-et-Marne, M. le préfet a déposé des recours devant le tribunal administratif. Il a été débouté sur la totalité des cas qui ont été présentés. Selon M. le ministre, il faudrait faire la distinction entre les communes qui n’ont pas « voulu » appliquer la loi et les communes qui n’ont pas « pu » l’appliquer ? Quoi qu’il en soit, le tribunal administratif a jugé, lui, qu’il n’arrivait pas à établir la distinction entre les communes qui ne peuvent pas appliquer la loi et celles qui ne veulent pas appliquer la loi parce qu’elles ne peuvent pas l’appliquer. C’est pour cette raison que le préfet a été débouté.

Eh bien, monsieur le ministre, puisque vous ne voulez pas qu’on traite ici cette question au fond, nous en débattrons devant les tribunaux administratifs. Je vous donne donc rendez-vous, et certainement plus tôt que vous ne le pensez ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.