Mme Annie David. Monsieur Richert, vous vous en doutez, je ne voterai pas en faveur des conclusions de la commission des affaires culturelles.

M. Philippe Richert, rapporteur. Je m’en doutais !

Mme Annie David. Non seulement la loi sur le service minimum porte atteinte au droit de grève des enseignants et est contraire à l’intérêt et à la sécurité des enfants, mais, de plus, elle est lourde de conséquences pour les collectivités locales.

Les communes sont donc contraintes de pallier les manquements de l’État, seul responsable de la réduction des moyens de l’éducation nationale comme des conflits qui peuvent y surgir.

Ainsi, non seulement cette mesure est largement dommageable, mais encore elle porte gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

En outre, un tel service est très difficile, voire impossible à organiser dans les communes rurales. Bien souvent, celles-ci sont en effet dans l’incapacité de mobiliser des personnels qualifiés en nombre suffisant dans un délai si court. Sur ce point, je suis d’accord avec ce que mes collègues qui se sont exprimés avant moi ont dit.

Dans le département de l’Isère, lors de la grève du 20 novembre dernier, de nombreuses petites communes ont été confrontées à cette difficulté et ont été dans l’incapacité de mettre en œuvre ce service. Il en fut de même pour les plus grosses communes, qui ont préféré renoncer à mettre en place ce service dans le souci de la sécurité et du bien-être des enfants. Je rejoins sur ce point ce qu’a dit mon collègue Yannick Bodin sur ceux qui ne veulent pas ou ceux qui ne peuvent pas, et ceux qui ne veulent pas parce qu’ils ne peuvent pas mettre en place ce service minimum dans les écoles.

Sept communes ont été assignées devant le tribunal administratif par le préfet de l’Isère. Si le jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble n’a fixé aucune astreinte de retard à l’encontre des localités concernées – et je m’en réjouis quand j’entends notre collègue Pierre-Yves Collombat évoquer les astreintes dans le département du Var ! –, il a toutefois assorti sa décision d’une injonction de procéder, dans un délai de trois semaines, à un nouvel examen des modalités d’application de cette loi. Le problème des communes reste donc entier : quels seront les moyens humains et financiers à leur disposition pour pouvoir appliquer cette injonction ?

Par ailleurs, comment ne pas constater avec une certaine irritation que beaucoup d’autres communes qui ne respectent pas la loi SRU n’aient pas été pareillement enjointes de mettre rapidement ce texte en œuvre. Il est bien regrettable qu’il y ait ainsi deux poids, deux mesures en ce qui concerne l’application de la loi par les communes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur. Monsieur Bodin, ce n’est pas parce que l’opposition peut faire inscrire des propositions de loi à l’ordre du jour de la Haute Assemblée que la majorité doit les adopter ! Il faut quand même laisser à la majorité le droit de prendre position comme elle l’entend ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Nous ne refusons pas le débat. Il est légitime que chacun puisse s’exprimer, après quoi chacun se prononce en fonction de ce qu’il croit juste. Il est important d’écouter la minorité, mais il est tout aussi important de respecter ce que la majorité décide ! Ce ne sont là que des principes qui guident le bon fonctionnement de la démocratie.

Par ailleurs, je ne mets pas en cause les élus en tant que tels. Simplement, je ne peux accepter que des gens annoncent qu’ils ne vont pas appliquer la loi, comme certains magistrats l’ont parfois fait, monsieur Charasse, en considérant que telle loi votée n’était bonne. Je ne peux admettre que certains maires disent qu’ils n’appliqueront pas la loi au motif qu’elle ne leur convient pas. (Mmes Françoise Henneron et Janine Rozier applaudissent.) Il n’est pas acceptable qu’une personne investie de l’autorité d’un élu ou d’un magistrat affirme tout uniment qu’elle n’appliquera pas la loi !

C’est en tout cas ainsi que je vois les choses. Certains peuvent avoir une autre conception, mais je ne céderai pas aux injonctions des uns et des autres. Je pense que nous devons, par principe, avoir la volonté de voir la loi votée s’appliquer.

Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG. Et la loi SRU ? 

M. Philippe Richert, rapporteur. La loi qui a été votée est-elle d’une application aisée ? Lors de l’examen du projet de loi, j’avais clairement indiqué que ce ne serait pas facile. Cependant, s’il faut d’avance renoncer à tout ce qui est facile, chers amis, nous ne sommes pas sortis de l’auberge ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Lorsque l’application d’une loi se révèle complexe, il convient d’examiner à quels objectifs elle répond précisément. En l’occurrence, ce service d’accueil minimum, qui ne se substitue pas à l’enseignement ni ne le complète, qui ne porte pas une atteinte au droit de grève – le Conseil constitutionnel l’a dit, ce n’est donc pas la peine de faire comme si la question de la constitutionnalité de cette loi n’était pas tranchée ! –, offre aux familles la possibilité d’une prise en charge de leurs enfants. Ainsi évite-t-on que leurs enfants ne se retrouvent des jours entiers sans être gardés ou sans que les parents aient à trouver par eux-mêmes et à leurs frais une solution de garde. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

C’est pourquoi la majorité de la commission des affaires culturelles a décidé qu’elle ne souhaitait pas, aujourd’hui, abroger la loi votée il y a six mois, même si son application mérite sans doute d’être améliorée.

On peut reconnaître à la majorité qui s’est ainsi exprimée le droit de ne pas changer d’opinion, tout en étant respectueux des autres avis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le climat de ce débat est très désagréable, car, sous la pression des passions, nous sommes en train, les uns et les autres, de perdre de vue l’essentiel.

Une loi a été votée, et nous sommes en république, et en démocratie ; elle plaît à certains et ne plaît pas à d’autres. Il n’empêche qu’elle a été votée, qu’elle est la loi de la République, et, à mon avis, quoi qu’on en pense – et quoi que j’en pense personnellement –, nul ne peut soutenir sans manquer à la République la position de ceux qui, sciemment, ont fait savoir leur volonté de ne pas l’appliquer.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Très bien !

M. Michel Charasse. Accepter cela, c’est piétiner la République et la volonté générale, dont la loi est l’expression,…

M. Michel Charasse. … c’est appeler à la désobéissance civile, au désordre, à l’anarchie, à la dictature. Je ne suis pas de ce côté-là. Tout ce qui est du domaine de la loi doit être appliqué.

J’entendais tout à l’heure des collègues nous dire : « On ne peut pas réquisitionner dans ce cas ! » Si, chers collègues, on peut et on doit réquisitionner, parce que la continuité du service public et de la vie nationale est un principe de valeur constitutionnelle, affirmé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.

Cela dit, mes chers collègues, est-il interdit, en démocratie, de poser la question de savoir si une loi est réaliste et donc applicable en pratique ? C’est une chose que de dire « cette loi est stupide, mal faite et contraire à ce que je pense, je ne l’applique pas » et c’en est une autre que de dire « je ne l’applique pas parce qu’elle est compliquée et impossible à mettre en œuvre ». Cela, ce n’est quand même pas interdit ! Du reste, le Conseil constitutionnel rappelle toujours que, pour que la loi soit conforme à la Constitution, il faut qu’elle soit compréhensible et claire.

Personnellement, dans une vie parlementaire ou politique longue de trente à quarante années, peut-être plus, j’ai quand même vu défiler – et je ne suis pas le seul – un certain nombre de textes qui ont été votés et se sont avérés inapplicables, qu’on a donc abandonnés ou abrogés,…

Mme Annie David. Eh bien, abrogeons celle-ci !

M. Michel Charasse. … quand on n’a pas décidé de ne pas les appliquer le jour même où on les promulguait, comme cela s’est produit, n’est-ce pas, il n’y a pas si longtemps. Tout cela n’ajoute pas vraiment à la dignité du Parlement et du législateur, tout cela n’est pas très glorieux pour la notion de loi et pour la volonté nationale, mais passons !

Par conséquent, cela arrive tous les jours, et il n’est pas rare que, deux ou trois mois après le vote d’un texte, on abroge une de ses dispositions parce qu’elle est mal conçue, qu’elle n’est pas applicable, etc. Je me souviens, entre autres, de la loi sur le minitel rose, qu’on n’a jamais pu appliquer. Je me souviens aussi de ce qu’on avait appelé la « taxe conjoncturelle », surnommée la « serisette », du nom de M. Serisé, conseiller du président Giscard d’Estaing. Et je pourrais citer beaucoup d’autres exemples.

Par conséquent, c’est un outrage à la République et à la loi de dire « je ne l’appliquerai pas », mais non de dire « elle est mal faite et il faut la revoir ». Mes chers collègues, ce n’est quand même pas être contre la République que de constater qu’une loi ne correspond pas à la réalité pratique !

Permettez-moi de vous le dire, je sais ce que le Président de la République a fait au congrès des maires – je n’étais pas le seul sénateur présent – sans que personne ne se lève dans la salle pour lancer : « Mais quelle atteinte au sacré et à l’autorité de la loi ! » Or il a dit clairement que, de son point de vue, il y avait une distinction à faire. On peut juger que ce n’est pas assez, mais il a en tout cas reconnu qu’il fallait distinguer entre la situation des villes, c’est-à-dire des collectivités dans lesquelles on considère malheureusement trop souvent, et à tort, que l’école est avant tout une garderie familiale – ce que suggère la loi dont il est question ici, raison pour laquelle je ne l’ai pas votée –, et les communes rurales, où, lorsqu’il n’y a pas classe pour une raison ou pour une autre, on n’envoie pas les gamins à l’école parce qu’on a une autre manière de voir les choses.

Monsieur le ministre, je pensais naïvement qu’après le congrès des maires le Gouvernement, à partir du constat qu’avait fait le Président de la République, nous proposerait une modulation, qui paraît inévitable, entre villes et campagnes, même si certains peuvent préférer l’abrogation pure et simple du dispositif.

Cher Xavier Darcos, tout à l’heure, à la tribune, vous avez affirmé que « cela introduirait une rupture du principe d’égalité ». Pas du tout ! Depuis les années soixante, et avec une belle constance, le Conseil constitutionnel, que l’on a beaucoup invoqué ici, a une position très simple : on doit traiter d’une façon égalitaire les gens qui sont exactement dans la même situation. Or habiter une ville de deux ou trois millions d’habitants, comme Paris, et habiter un village de trois cents habitants, permettez-moi de vous le dire, cher ami, ce n’est pas tout à fait la même chose ! Par conséquent, il me paraît difficile de considérer que le principe d’égalité serait mis à bas par une distinction entre grandes et petites communes, distinction qui existe déjà dans un certain nombre de textes.

Avec plusieurs collègues qui, comme Pierre-Yves Collombat, étaient avec moi au congrès des maires, je nourrissais quelque espoir, après les déclarations du Président de la République, de voir proposer une solution favorable au moins pour les toutes petites communes.

Dès lors, mes chers collègues, qu’on ne nous propose pas cette modulation que j’attendais, et qu’elle ne figure pas non plus, monsieur le ministre, dans votre circulaire adressée aux inspecteurs d’académie et aux préfets, et dont vous avez, vendredi ou samedi dernier, révélé la teneur aux présidents d’associations départementales des maires, aucune distinction n’est faite entre villes et campagnes, entre villes et petites communes, étant entendu que le Président de la République n’a pas fixé de seuil et qu’on peut donc toujours en discuter indéfiniment.

Bref, aucune des instructions que vous avez adressées ne permet de penser que les petites communes seront dispensées de mettre en œuvre une loi qui, pour des raisons pratiques – ce n’est pas un problème de dogme, de théorie, de clivage gauche-droite, de conception du service public – ne peut pas l’être.

Pour ma part, je ne sais pas, dans une commune de trois cents ou quatre cents habitants, où les services communaux se résument à un secrétaire de mairie, un cantonnier et un garde champêtre, à qui on peut faire appel pour garder les enfants le jour où les enseignants ne sont pas là !

M. Guy Fischer. Aux instituteurs en retraite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aux bonnes sœurs !

M. Michel Charasse. Alors, mes chers collègues, dans la mesure où il n’y a pas d’ouverture, je n’ai d’autre solution que d’accepter le texte proposé par nos collègues communistes, c’est-à-dire la suppression pure et simple de la loi.

Cher Philippe Richert, je regrette la conclusion expéditive de la commission. Parce que celle-ci aurait très bien pu déclarer qu’elle maintenait son point de vue sur le texte voté l’été dernier – après tout, la majorité a bien le droit de penser ce qu’elle veut ! – mais que, réaliste, ayant les pieds sur terre, n’étant pas composée de piétons de l’espace qui raisonnent en apesanteur, entendant ce que disent les maires des petites communes, elle proposait d’aller dans le sens du Président de la République et de faire une distinction entre les communes selon qu’elles sont petites ou grandes. Je regrette que vous ne l’ayez pas fait.

De ce point de vue, je vous le dis amicalement parce que nous nous connaissons depuis longtemps, je trouve que le Sénat a, en l’occurrence, manqué à son devoir de représentation des collectivités territoriales de la République.

M. Philippe Richert, rapporteur. Pas du tout !

M. Michel Charasse. C’est la raison pour laquelle je voterai la proposition du groupe communiste.

Bien entendu, madame le président, si les conclusions de la commission sont rejetées, nous pourrons examiner les amendements qui ont été déposés, parce que rien ne l’interdit, et je serai alors de ceux qui soutiendront l’exception pour les petites communes. J’ai déposé un amendement, comme d’autres collègues. J’ai proposé un seuil de 3 500 habitants, mais on peut en trouver un autre. Peu importe : nous n’allons pas nous battre sur un problème de seuil de population !

Il faudra bien, aussi, aborder la question de la disposition qui prévoit, depuis la loi Jules Ferry si je ne m’abuse, que le directeur de l’école doit être présent et accueillir les élèves même s’il est gréviste – c’est la loi ! –, quitte à porter un brassard marqué « gréviste ». Que devient cette disposition ? Si elle est toujours en vigueur, je vous le dis, monsieur le ministre, à l’occasion des prochaines grèves, en tant que président de l’association des maires de mon département, je recommanderai à ceux-ci de ne pas donner suite si les directeurs d’établissement ou leur représentant ne sont pas là, car l’autorité communale ne peut organiser le service scolaire que dans la mesure où ces fonctionnaires sont sur place puisque ce sont eux les seuls « patrons » à l’intérieur de l’école, et non pas nous, les élus locaux ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mmes Françoise Henneron et Janine Rozier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai demandé la parole pour m’exprimer sur la procédure.

C’est un fait : la majorité est majoritaire, pour autant qu’il y ait une majorité dans cet hémicycle, où, chacun le sait, l’UMP n’est pas majoritaire à elle seule. Quoi qu'il en soit, au Parlement, c’est évident, la majorité a toujours raison.

Cela dit, il y a deux poids, deux mesures puisque, par la volonté de la commission, on peut clore très rapidement le débat. Et je fais abstraction des pressions exercées sur l’opposition pour qu’elle présente des propositions de loi courtes et consensuelles, qui ne posent pas de problèmes et qui ne remettent pas en cause ce que la majorité aurait pu décider au préalable.

Mme Jacqueline Panis. Pour qui se prend-elle ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Indépendamment de toutes ces pressions, nous savons que la majorité peut empêcher le débat sur une proposition de l’opposition, ce que nous déplorons.

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est faux ! Nous n’empêchons pas le débat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si ! Vous allez clore le débat et nous ne pourrons pas discuter des amendements.

M. Philippe Richert, rapporteur. Vous, vous proposez l’abrogation pure et simple !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous ne savez pas ce que nous aurions fait ni ce qu’auraient fait vos collègues si nous avions pu examiner les amendements ! Peut-être certains d’entre eux auraient-ils voté certains des amendements qui ont été déposés.

Vous voyez donc bien qu’il y a deux poids, deux mesures, et que les droits de l’opposition sont limités.

M. Philippe Richert, rapporteur. Il fallait proposer un texte différent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous déposons les textes que nous voulons ! Nous sommes des parlementaires libres !

Notre collègue Charasse dit que la loi votée s’applique.

M. Michel Charasse. C’est la loi de la République !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ma part, je suis tout à fait partisane de la clause de conscience, mais nous n’en sommes pas encore là. (Vives protestations sur les travées de lUMP.) Je ne vous rappellerai pas certaines époques passées, mais je suis tout à fait favorable à la clause de conscience.

En tout cas, si une loi se révèle inapplicable, le rôle du Parlement peut être de l’abroger, même si elle a trois jours, deux mois ou six mois d’existence !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous rappelle quand même que plusieurs lois ont été remises en cause, notamment celle du 13 août 2004, à travers l’article 89 sur le financement des écoles privées,…

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …puisqu’il s’est avéré que, là aussi, les élus locaux, toutes tendances confondues, étaient mal à l’aise pour appliquer cet article et nous l’avons réexaminé.

Dois-je rappeler également que sous un gouvernement précédent, qui ne vous était pas étranger, avait été votée puis promulguée la loi comportant le contrat première embauche, le CPE, et que l’article qui instituait ce dispositif a été abrogé avant même que cette loi soit appliquée ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Très juste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi ? Parce qu’il eût été très difficile de le mettre en application.

Il en est de même de la loi que vise à abroger la présente proposition de loi. Les maires – nous sommes l’assemblée des collectivités territoriales – sont tous très ennuyés d’avoir à mettre en œuvre cette loi,…

Plusieurs sénateurs UMP. Pas tous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …même s’ils sont légalistes et qu’ils veulent l’appliquer. Le droit du Parlement, c’est justement de se pencher sur une loi qui n’est pas applicable. Je regrette que vous preniez les choses par-dessus la jambe et que vous disiez : nous avons voté cette loi, nous la maintenons, basta !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est n’importe quoi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’il vous plaît, faites preuve de responsabilité à l’égard de la loi elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.  - Protestations sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Mes chers collègues, avant que vous ne votiez, je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'il s'agit de conclusions tendant à ne pas adopter la proposition de loi.

Autrement dit : ceux qui ne sont pas favorables à la proposition de loi doivent voter « pour » les conclusions de la commission ; ceux qui sont favorables à la proposition de loi et souhaitent passer à la discussion des articles doivent voter « contre » les conclusions de la commission.

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 147.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission et, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 181
Contre 156

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
 

4

Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 19 janvier adressée à M. le président du Sénat, M. Gérard Longuet, qui a été porté comme ayant voté pour l’ensemble du projet de loi sur l’audiovisuel, a indiqué qu’il avait souhaité s’abstenir lors de ce vote.

Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées
Discussion générale (suite)

Exécution des décisions de justice

Discussion des conclusions du rapport d’une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille (nos 31, 161).

La parole est à M. Laurent Béteille, auteur de la proposition de loi.

M. Laurent Béteille, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, a une histoire ancienne.

En 2007, j’avais présenté une première proposition de loi concernant exclusivement les frais de l’exécution forcée des décisions de justice. Elle répondait d’ailleurs à une précédente question écrite du président de la commission des lois.

Par la suite, après le dépôt du rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard et après avoir rencontré les représentants de différentes professions juridiques et judiciaires concernées, j’ai été conduit à déposer une seconde proposition de loi reprenant et complétant la réforme que j’avais initialement proposée.

Les vingt-six articles de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice des professions réglementées ont assurément des objets divers.

Ces articles répondent cependant à trois objectifs clairs, qui me semblent pouvoir être partagés par tous ici. Il s’agit, tout d’abord, d’améliorer l’exécution des décisions de justice. Il s’agit, ensuite, de redéfinir l’organisation des compétences des juridictions pour en simplifier le travail. Il s’agit, enfin, de rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

Comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, l’exécution des décisions de justice fait partie intégrante du droit à un procès équitable reconnu par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En quoi, mes chers collègues, serait équitable un procès irréprochable quant au respect des droits de chacune des parties, à l’indépendance absolue du juge, si la juste sentence rendue par cette juridiction sans reproche reste lettre morte ?

Le praticien que j’ai été pendant trente ans a pu se rendre compte combien était insupportable la situation d’un justiciable qui a obtenu de légitimes dommages et intérêts et qui ne peut pas accéder à son indemnisation.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi sont destinées à améliorer l’exécution des décisions civiles.

La première donne au juge, saisi d’un litige en droit de la consommation, la faculté de mettre à la charge du débiteur qui refuse de s’acquitter spontanément de sa dette, s’il s’agit d’un professionnel, l’intégralité des frais de l’exécution forcée.

Une partie des frais d’huissier est en effet actuellement à la charge du créancier – cela n’a pas toujours été vrai –, ce qui s’avère dissuasif pour celui qui doit recouvrer une créance d’un faible montant. Bien souvent, les professionnels, qui sont parfaitement solvables, profitent de ces dispositions pour refuser de payer en comptant sur le découragement de leur adversaire. Les dispositions proposées devraient les inciter à s’acquitter spontanément de leur dette.

La proposition de loi permet ensuite aux huissiers de justice, pour l’accomplissement de leurs seules missions de signification, d’accéder aux dispositions d’appel et aux boîtes à lettres particulières des immeubles à usage d’habitation. Là aussi, le praticien que je suis pourrait vous donner de multiples exemples qui se sont avérés catastrophiques pour un certain nombre de justiciables.

La signification d’une décision de justice constitue en effet la condition permettant au créancier d’en poursuivre l’exécution forcée, le point de départ du délai d’appel contre la décision et une modalité d’information du débiteur sur les voies de recours dont il dispose. Il paraît donc essentiel que les huissiers de justice puissent s’acquitter effectivement de cette mission.

Je dois vous préciser que le Sénat avait déjà voté des dispositions analogues lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Mais le Conseil constitutionnel les avait censurées au motif qu’elles étaient dépourvues de tout lien avec cette réforme.

La proposition de loi améliore également l’accès des huissiers de justice aux informations nécessaires à l’exécution des titres exécutoires – décisions de justice et actes notariés, essentiellement – en supprimant le filtre actuel du procureur de la République.

Ces informations portent sur l’adresse du débiteur, celle de son employeur et les organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, à l’exclusion de tout autre renseignement.

Le filtre du procureur de la République alourdit la tâche des magistrats du parquet, ralentit l’exécution des titres exécutoires et ne paraît pas indispensable, compte tenu du caractère limité du contrôle opéré par l’autorité judiciaire et de la qualité d’officier public et ministériel de l’huissier de justice. De plus, cette disposition n’est pas appliquée dans tous les cas, puisqu’un certain nombre de mesures dispense de ce filtre dans divers domaines.

La proposition de loi prévoit, en outre, la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière, qui a permis de moderniser une procédure, jusque-là très particulière, dont la lenteur, la complexité et le coût étaient unanimement dénoncés.

Enfin, elle permet au procureur de la République de requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions de justice rendues sur le fondement des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d’enfants, en particulier de la convention de La Haye de 1980.

On recense, chaque année, entre 250 et 300 affaires de déplacements illicites internationaux d’enfants, dont une centaine concerne des enlèvements d’enfants de l’étranger vers la France.

Majoritairement requérante dans le traitement de ces affaires, la France ne saurait exiger des autres États l’exécution des décisions de retour d’enfants sur son territoire si elle n’assure pas elle-même l’exécution de ses propres décisions.

Si elle doit constituer un ultime recours, l’intervention de la force publique peut apparaître nécessaire dans certaines circonstances, à condition d’être vigilant quant aux modalités selon lesquelles elle s’exerce. À cet égard, il paraît singulier qu’en matière civile le procureur de la République soit tenu de passer par l’intermédiaire du préfet, alors qu’il peut directement requérir la force publique pour l’exécution d’une décision pénale. Les dispositions proposées comblent cette lacune et unifient notre droit.

La redéfinition de l’organisation et des compétences des juridictions constitue le deuxième axe de réforme de la proposition de loi.

Les dispositions proposées reprennent toutes des recommandations de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui m’ont paru pertinentes et, surtout, consensuelles, notamment auprès des professionnels et des associations de consommateurs.

Elles prévoient de regrouper le contentieux de l’exécution mobilière devant le juge de l’exécution du tribunal d’instance, qui deviendrait également compétent en matière de surendettement et de rétablissement personnel, et le contentieux de l’exécution immobilière ou quasi immobilière devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance, ce dernier devant nécessairement, aux termes du texte que j’avais proposé, être un juge de l’exécution du tribunal d’instance. La commission reviendra sur cette mesure qui me paraissait souhaitable. J’avoue ne pas y voir d’inconvénient majeur.

Il est également prévu de transférer aux huissiers de justice la compétence actuellement dévolue aux greffiers en chef des tribunaux d’instance pour la mise en œuvre, généralement à la demande de ceux qui prétendent avoir une vocation successorale, des mesures conservatoires après un décès, telles que l’apposition des scellés.

Ces dispositions prévoient, en outre, de conférer au notaire une compétence exclusive pour le recueil du consentement des membres d’un couple désirant bénéficier d’une procréation médicalement assistée avec recours aux gamètes d’un tiers, alors que cette compétence est actuellement partagée avec le président du tribunal de grande instance ou son délégué.

Il s’agit, enfin, de décharger les greffiers en chef des tribunaux d’instance de leur tâche de recueil du consentement à l’adoption, qu’ils partagent actuellement avec les notaires, les agents diplomatiques ou consulaires français et les services de l’aide sociale à l’enfance, étant précisé que le tarif actuel des notaires est d’un peu plus de 25 euros.

La commission des lois a repris toutes ces dispositions, à l’exception de celle qui prévoyait la déjudiciarisation du recueil du consentement à une procréation médicalement assistée.

J’en suis quelque peu surpris, car le rôle du juge se borne à informer les membres du couple des conséquences de leur décision, alors qu’en matière d’accueil d’embryon ou de don d’organe, par exemple, il est chargé de délivrer une autorisation.

Il me semblait donc possible de tirer la conséquence de cette différence. Toutefois, je prends acte de la décision de la commission. Pour ma part, c’est un point de divergence – il en fallait bien un ! – avec la commission et son rapporteur.

Enfin, après en avoir discuté avec leurs représentants, il m’a paru nécessaire de rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées, en prévoyant : de renforcer la valeur probante des constats établis par les huissiers de justice, commis par justice ou à la requête de particuliers ; de soumettre les huissiers de justice et les notaires en exercice à une obligation de formation continue, qui s’impose déjà aux avocats ; de donner aux huissiers de justice et aux greffiers des tribunaux de commerce la possibilité, déjà reconnue aux notaires, d’exercer leur profession en qualité de salariés ; de permettre aux greffiers des tribunaux de commerce de créer des sociétés de participations financières de professions libérales, c’est-à-dire des holdings de sociétés d’exercice libéral ; de consacrer la possibilité, pour les huissiers de justice et les notaires, de constituer des syndicats professionnels et, pour ces derniers, de participer aux négociations collectives avec les organisations représentatives des personnels des études, conformément à une jurisprudence du Conseil d’État qui date de 2005 ; enfin, de réformer le régime disciplinaire applicable aux huissiers de justice sur le modèle des dispositions prévues en 2004 pour les notaires.

Le champ de cette énumération peut paraître assez vaste. Il est vrai qu’à partir de quelques articles, cette proposition de loi a eu tendance à faire en quelque sorte « boule de neige ». Il s’agissait, avant tout, de répondre aux demandes des professions concernées et de s’adapter aux évolutions de la société, comme à la réforme de la carte judiciaire.

Je me réjouis que la commission des lois les ait non seulement reprises mais aussi étendues, notamment aux commissaires-priseurs judiciaires, et j’approuve les aménagements dont elles ont fait l’objet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)